compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures dix.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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élection d'un sénateur

M. le président. J'ai reçu de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du 19 juin 2005, M. François Vendasi a été proclamé élu sénateur du département de Haute-Corse.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite la bienvenue à notre nouveau collègue. Le Sénat retrouve ainsi son effectif complet de 331 sénateurs.

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DÉPÔT de RAPPORTs en application de lois

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 2004 établi par le Comité du contentieux fiscal douanier et des charges, conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière.

J'ai reçu de M. le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations le rapport établi sur les opérations de cet établissement pour l'année 2004, en application de l'article 114 de la loi du 28 avril 1816.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

4

Communication relative à une cOMMission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

5

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale
Discussion générale (suite)

Lois de financement de la sécurité sociale

Adoption d'un projet de loi organique en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale
Question préalable

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (nos 391, 399).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où nous nous apprêtons à examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, que vous avez déjà examiné et enrichi, permettez-moi de souligner l'importance de ce texte pour l'avenir de nos politiques de sécurité sociale.

Nous avons ainsi conforté notre protection sociale en l'adaptant aux évolutions démographiques de la société française. La réforme des retraites intervenue en 2003 et celle de l'assurance maladie votée en 2004 ont modifié en profondeur les règles de gestion de ces deux branches majeures de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi organique parachève cette démarche. La future loi permettra, grâce à une nouvelle génération de lois de financement, de réformer et de renforcer le pilotage de l'ensemble des politiques publiques en matière de sécurité sociale.

Le Parlement, et donc bien évidemment la Haute Assemblée, a été à l'origine de cette réflexion sur la nécessité de faire évoluer le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale. Le projet du Gouvernement, longuement mûri, a ainsi largement bénéficié du travail et des analyses des parlementaires. A cet égard, je veux de nouveau saluer le travail remarquable effectué au cours des derniers mois par le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, ...

M. Alain Gournac. C'est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... et par le rapporteur de la commission des finances, M. Jean-Jacques Jegou. Par ailleurs, je salue l'intérêt qu'a toujours manifesté pour ce projet de loi le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !

M. Xavier Bertrand, ministre. L'enjeu de ce texte est simple, même s'il est ambitieux : nous voulons qu'il confère plus de portée, de crédibilité, de transparence, mais aussi plus de sens aux lois de financement de la sécurité sociale. Je rappelle, en effet, que 350 milliards d'euros, soit plus d'un cinquième de la richesse nationale, transitent chaque année par les comptes de la sécurité sociale. Grâce au travail des sénateurs, puis à celui des députés, ces objectifs seront atteints plus efficacement.

Les modifications apportées vont en effet permettre une nouvelle structuration et organisation des lois de financement en quatre parties. La première partie portera sur le dernier exercice clos, la deuxième sur celui de l'année en cours - la partie rectificative -, la troisième sera relative aux recettes et à l'équilibre de l'année à venir, enfin, la quatrième sera consacrée aux dépenses de cette même année. Nous respectons en cela l'architecture des lois de finances de l'Etat.

Un contrôle plus étroit de la dette et des excédents a été ensuite prévu. Ainsi la partie relative à l'exercice clos comportera-t-elle, le cas échéant, les dispositions relatives aux déficits ou aux excédents. En outre, le Parlement verra son contrôle sur l'amortissement de la dette et sur les sommes mises en réserve pour les exercices passés, en cours et à venir renforcé. Par ailleurs, l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, sera décliné en cinq sous-objectifs, ce qui permettra un vote plus précis.

Le projet de loi prévoit également l'inclusion des organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale dans le cadrage pluriannuel - je pense à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, ou au Fonds de réserve pour les retraites -, ce qui permettra de disposer d'une vision plus globale et plus transparente des perspectives d'évolution financière pour les quatre années à venir.

Le projet de loi prévoit aussi l'approbation du montant de compensation présenté en annexe. Ce sujet, je le sais, préoccupe nombre d'acteurs de la sécurité sociale et vous intéresse particulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs.

Enfin - et cet aspect relève de l'appréciation souveraine de chaque assemblée -, le projet de loi organique prévoit un renforcement très important des pouvoirs des commissions.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un texte ambitieux qu'il vous est aujourd'hui proposé d'examiner en deuxième lecture, un texte que, à n'en pas douter, vous contribuerez encore à enrichir et à améliorer.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. A l'issue de cet examen, le Gouvernement souhaite un aboutissement rapide afin que les principes définis dans ce projet de loi organique puissent s'appliquer dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les parlementaires pourront ainsi, dans les meilleurs délais, porter un regard encore plus vigilant sur l'une des exigences fondamentales de notre société : préserver et refonder notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Guy Fischer. C'est le service minimum !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, le service après vote !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saisie en première lecture de ce texte, notre assemblée a examiné et adopté, le 24 mars dernier, le présent projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale au cours d'une unique séance, dont le déroulement a pu sembler singulier à certains d'entre vous.

J'y reviendrai un instant pour rappeler que, forte des engagements pris par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, la commission des affaires sociales avait souhaité débuter la discussion des articles par l'examen de l'amendement qui tendait à élever au niveau organique le principe d'une compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales. Elle s'est alors heurtée à l'opposition du Gouvernement qui, pour des raisons de constitutionnalité, a obtenu du Sénat le rejet de cet amendement.

Or, comme nous estimions que cette disposition constituait le coeur de nos propositions, nous avons préféré mettre fin à cette divergence de vues en retirant, avant discussion, la totalité de nos amendements. Ce scénario, sans précédent dans la procédure parlementaire, a semblé faire de cette première lecture un rendez-vous manqué.

Je ne considère pas, pour ma part, qu'il en soit réellement ainsi. La commission des affaires sociales préparait la discussion de ce projet de loi organique depuis 1999 - c'est notre collègue Charles Descours qui avait commencé ces travaux -, date à laquelle elle avait constitué, en son sein, un groupe de travail chargé d'évaluer la situation et de formuler des propositions d'amélioration pour les lois de financement. Je reconnais très volontiers que le projet de loi organique déposé par le Gouvernement répond à la plupart de nos préoccupations et devance même plusieurs de nos souhaits. Je ne peux donc qu'exprimer le sentiment de satisfaction qu'il inspire à la majorité des membres de la commission.

Cette satisfaction reste toutefois teintée du regret de n'avoir pas vu traiter au fond, dans le cadre de ce texte, la question de la compensation intégrale des exonérations et, plus globalement, celle de l'articulation entre les finances de l'Etat et les finances sociales.

Dans notre esprit, comme, je le pense, dans celui de tous les membres de notre assemblée présents dans cet hémicycle cet après-midi, la loi Veil de 1994 - M. Bas s'en souvient - a constitué un engagement fort de l'Etat à l'égard d'une sécurité sociale faisant face à des difficultés financières, à un moment où les politiques d'allégement de cotisations se multipliaient. Cet engagement répondait à une logique saine : l'Etat peut à sa guise décider de modifier l'assiette des ressources des assurances sociales dès lors qu'il prend en charge l'intégralité des modifications qu'il opère.

Cette règle de la compensation intégrale a constitué et doit encore constituer pour l'avenir la meilleure garantie pour l'intégrité des finances sociales. C'est en vertu d'une application exemplaire de ce principe que l'Etat peut exiger de l'ensemble des partenaires de la sécurité sociale une gestion tout aussi exemplaire. Et d'ailleurs, même si ce principe n'a pas toujours été intégralement respecté, les contingences politiques et les difficultés conjoncturelles n'ont pas suffi à en venir à bout.

Bien sûr, la commission ne demande pas au Sénat de revenir sur les points qu'il a tranchés en première lecture ; ce qui est tranché est tranché. Elle lui propose néanmoins, au cours de cette deuxième lecture, d'élaborer des outils permettant de renforcer l'effectivité de cette compensation.

Plus largement, la commission déplore, d'une part, que la question de l'articulation entre les finances sociales et les finances de l'Etat n'ait été que médiocrement abordée au cours de l'examen du présent projet de loi organique et, d'autre part, que nos débats n'aient pas été justement l'occasion de définir des règles d'articulation cohérentes. Nous avons compris qu'il ne fallait pas, par principe, modifier à nouveau la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Dont acte !

L'Assemblée nationale a d'ailleurs également respecté cette consigne, mais en adoptant les garanties qu'elle estimait devoir apporter à la sécurité sociale. Elle a prévu que la loi de financement approuvera, c'est-à-dire décidera, le montant de la compensation, financée pourtant par des dotations budgétaires, et qu'elle bénéficiera d'un monopole sur l'affectation des recettes exclusives de la sécurité sociale, même si ce partage concerne l'Etat. On peut en conclure qu'il appartiendra donc au Conseil constitutionnel, au fil de ses décisions, de procéder à ce travail de délimitation qu'aurait dû effectuer, en bonne logique, la loi elle-même.

En première lecture, l'Assemblée nationale a accueilli l'examen de ce projet de loi organique avec une batterie de moyens rarement autant déployée. Si la constitution d'une commission spéciale a été un temps envisagé, ce sont finalement trois commissions qui ont été saisies de ce texte, à savoir la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République au fond, ainsi que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour avis.

Ces débats ont traduit la préoccupation désormais centrale du Parlement : maîtriser les déficits pour financer durablement la sécurité sociale. Dans cette optique, l'Assemblée nationale a étayé ses amendements sur le diagnostic suivant : le caractère faiblement contraignant des enveloppes et l'absence de mécanismes correctifs véritablement opérants nuisent à la réalisation de cet objectif.

Le rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui n'est autre que M. Yves Bur, a défendu sa proposition d'interdire le « rebasage » de l'ONDAM, qu'il avait déjà présentée au mois de janvier dans sa propre proposition de loi organique. Cette suggestion, également formulée au Sénat par notre excellent collègue Jean-Jacques Jégou, aura finalement connu un sort identique dans les deux assemblées, les députés comme les sénateurs ayant jugé ses défauts supérieurs aux avantages et à la vertu qu'elle pourrait procurer.

De son côté, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a proposé un corpus de réponses tendant à la fois à élargir la gamme des instruments de gestion infra annuels des déséquilibres et à exiger un traitement responsable des déficits une fois ceux-ci constatés.

Pour satisfaire le premier objectif, l'Assemblée nationale a retenu la suggestion de transformer la loi de financement en loi d'habilitation pour que, conformément aux dispositions de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement puisse prendre par ordonnances des mesures d'urgence susceptibles de contrer l'apparition d'un déficit en exécution.

Pour atteindre le second objectif, elle a adopté un amendement modifiant l'ordonnance relative à l'amortissement de la dette sociale, afin d'interdire au législateur d'étendre, par de nouveaux transferts, la durée de vie de la CADES. Si ces dispositions sont respectées, toute extension de la mission de cette caisse devra donner lieu à l'attribution des recettes nécessaires au respect de son échéance de vie telle qu'elle résulte de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Relative et contingente, puisqu'elle n'a qu'une valeur législative, cette garantie présente toutefois une portée symbolique forte à l'heure où les déficits sont encore nombreux et où les tentations pourraient renaître.

Arrivée à ce stade de la navette, la commission propose au Sénat d'adopter une posture résolument pragmatique.

Nous pouvons en effet être globalement satisfaits des modifications apportées par l'Assemblée nationale, car celles-ci puisent largement à une source d'inspiration commune : à la vérité, nombreux sont les amendements de notre commission qui, retirés au Sénat, ont été repris et adoptés par les députés sous une forme plus ou moins identique. Par conséquent, nous retrouvons pratiquement nos enfants dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Ainsi, l'Assemblée nationale a modifié l'architecture proposée pour la loi de financement en distinguant quatre parties consacrées respectivement au dernier exercice clos, à l'exercice en cours, aux recettes puis aux dépenses de l'exercice à venir. Cette répartition est somme toute très proche du découpage ternaire que la commission des affaires sociales du Sénat préconisait pour mieux distinguer et appréhender les comptes relatifs aux exercices passés.

L'Assemblée nationale a aussi prévu, comme notre commission l'avait envisagé, de préciser dans la loi le rôle prééminent du ministre chargé de la sécurité sociale dans l'élaboration des lois de financement.

Au-delà de ces éléments de convergence, notre souci de pragmatisme s'explique par le fait que le Parlement et le Gouvernement doivent tenir l'objectif d'une entrée en vigueur de cette réforme dès le projet de loi de financement pour 2006, comme vient de le rappeler M. le ministre. Les dernières semaines de la session parlementaire doivent donc être mises à profit pour parvenir à une rédaction commune à nos assemblées, d'autant qu'il apparaît hasardeux, pour des raisons constitutionnelles, de réunir une commission mixte paritaire sur ce projet de loi organique.

Cette préoccupation nous conduit donc à présenter au Sénat un nombre réduit d'amendements, pour apporter les précisions nécessaires et surtout pour soutenir les quelques objectifs qui nous tiennent à coeur.

Pour ce qui concerne le contrôle et le suivi de la compensation, nous avons souhaité épuiser la totalité des marges de manoeuvre disponibles pour améliorer l'effectivité. A ce titre, la commission propose de réserver à la loi de financement un monopole de création des dispositifs d'exonérations non compensées. Cette procédure aurait pour effet, d'une part, de rationaliser en évitant les créations en catimini dans des lois ordinaires et, d'autre part, de dramatiser en mettant immédiatement en évidence le coût d'éventuelles dérogations aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale pour la protection sociale.

Par ailleurs, la commission émet certaines réserves sur la possibilité de prévoir, dans une loi de financement, l'affectation ou la couverture des excédents et des déficits des exercices passés.

Ces réserves ne traduisent pas un désaccord de fond avec l'Assemblée nationale mais elles reflètent la crainte que cette proposition ne puisse faciliter le retour de pratiques législatives, déjà condamnées par le Conseil constitutionnel, visant à masquer l'évolution réelle des dépenses sociales. Nous proposerons donc, par voie d'amendements, de faire évoluer cette disposition pour n'en conserver que le potentiel vertueux.

La commission s'est montrée également réservée sur la faculté ouverte au Gouvernement par l'Assemblée nationale de modifier la loi de financement en cours d'année, par voie d'ordonnance. Au-delà du débat portant sur la constitutionnalité de cette proposition, ce dispositif nous a semblé paradoxal. En effet, alors même que la loi de financement est censée présenter des prévisions sincères, n'est-il pas singulier qu'elle puisse prévoir, dès son vote initial, sa rectification en cours d'année par simple voie réglementaire ? Politiquement, c'est un dispositif susceptible d'affaiblir la portée et l'autorité de la loi de financement justifiant, a priori, sa suppression. La commission a donc souhaité que le Sénat puisse débattre de ce dispositif et en peser les termes, avant de trancher définitivement.

Pour ce qui concerne le rapprochement avec les procédures de la LOLF, chères à M. Lambert, un seul élément, à savoir l'instauration d'un débat d'orientation des finances sociales concomitant avec le débat d'orientation budgétaire, nous a paru devoir être remis en cause dans un premier temps. En effet, il s'agit d'une procédure lourde, pour partie redondante avec la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale.

Mais certaines voix se sont exprimées, lors de l'examen du texte en commission, pour ne pas fermer définitivement la porte à ce rendez-vous potentiel. Aussi vous proposerai-je finalement d'aménager cette faculté plutôt que de la supprimer, sans gêner pour autant le débat de la commission des finances relatif à la loi de finances.

Enfin, la commission des affaires sociales invite le Sénat à préciser les conditions dans lesquelles seront assumés l'évaluation et le contrôle des comptes sociaux. Bien que touchant au coeur des compétences de notre commission, cette question relève néanmoins de notre assemblée tout entière. Mes chers collègues, je vous propose, comme c'est déjà le cas à l'Assemblée nationale - nous ne faisons donc pas tellement preuve d'innovation en la matière -, de nous appuyer sur une mission d'évaluation et de contrôle dont le président aura la tâche de coordonner les travaux.

Sous réserve de l'adoption de ces amendements, la commission des affaires sociales vous invite à adopter le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratiqueet social européen, 9 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le présent projet de loi organique constitue le troisième volet du funeste triptyque législatif que composent la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie et, aujourd'hui, celle du financement de la sécurité sociale.

En première lecture, ici même, nous avions déjà clairement exposé notre vive opposition à ce projet de loi organique.

Le texte qui nous revient aujourd'hui, modifié par l'Assemblée nationale, loin de satisfaire nos demandes, accentue la mainmise de l'Etat sur la sécurité sociale et conforte la logique comptable.

Les lois de financement de la sécurité sociale, telles qu'elles résultent du plan Juppé de 1995, n'ont conduit qu'à entériner la logique comptable, logique de restriction que vous destinez à la couverture des dépenses sociales.

Ce dispositif, mis en place voilà dix ans, n'a jamais été de nature à permettre l'exercice de véritables choix, notamment concernant la maîtrise des dépenses ou la mesure de l'efficience de notre assurance maladie. L'ONDAM n'a, en fait, été respecté qu'une seule fois.

Ces lois n'ont eu comme effet, en amplifiant les restrictions budgétaires, que de réduire la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses de santé et de dépouiller les conseils d'administration, représentants légitimes des assurés sociaux, de leurs prérogatives d'orientation en matière de politique des caisses de sécurité sociale.

En somme, le dépassement systématique et croissant de l'ONDAM depuis 1998 a mis en évidence une défaillance des instruments et des procédures de régulation ainsi que des actions structurelles sur les comportements des professionnels et des patients, ainsi que sur l'organisation des soins.

Mais, messieurs les ministres, vous n'en avez tiré aucun enseignement, et le déficit du régime général est passé de 3,4 milliards d'euros en 2002 à 14 milliards d'euros en 2004. Quant à celui de la branche maladie, il est passé de 6,1 milliards à 13,2 milliards d'euros. Le constat est déplorable.

A force de coupes brutales dans les budgets de la santé publique, de rééquilibrage forcé des comptes de la sécurité sociale, de déremboursement et de culpabilisation des assurés sociaux, le Gouvernement a pu réaliser une économie de 2 milliards d'euros supplémentaires sur les dépenses de sécurité sociale dont vous ne cessez de vous enorgueillir.

Mais vous omettez de dire, dans vos déclarations, que, si l'assurance sociale a eu 2 milliards d'euros de moins à rembourser, le niveau des dépenses de santé, lui, n'a pas diminué par rapport à l'évolution du PIB. Au contraire, il a continué de croître comme au cours des années passées. Cela signifie tout simplement que se sont les malades qui ont dû payer ces 2 milliards d'euros de leur poche.

A ces 2 milliards d'euros viendront s'ajouter les 3 milliards d'euros d'économie que vous prévoyez d'imposer aux malades pour 2005 via votre réforme de l'assurance maladie afin d'atteindre de façon totalement artificielle votre objectif : un déficit réduit à 8 milliards d'euros en 2005. Or, nous en sommes loin, car le déficit attendu pour l'année 2005 est de 11,6 milliards d'euros.

En somme, en l'espace de seulement deux ans, les assurés sociaux auront dû payer plus de 5 milliards d'euros supplémentaires pour répondre à leurs besoins sociaux fondamentaux.

Le Gouvernement a rogné sur les budgets hospitaliers, créant les conditions financières de l'étouffement, sinon de l'étranglement de ces derniers, les mettant de plus en concurrence, par le biais du plan Hôpital 2007 et de la tarification à l'activité, la TAA.

J'ai même vu, dans le département du Rhône des directeurs de cliniques privées manifester ! C'était la première fois que cela arrivait. Pendant ce temps-là, on continue à fermer des services et à supprimer des lits, notamment dans les services d'urgence, tant et si bien que nous sommes aujourd'hui au bord de l'implosion dans bon nombre d'hôpitaux.

Ainsi, voilà quelques mois, la communauté hospitalière - cela avait fait l'objet de débats dans notre hémicycle - en a appelé au comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie créé par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Si elle a tiré la sonnette d'alarme, c'est que l'enveloppe dévolue pour l'année 2005 aux hôpitaux ne prévoyait qu'une augmentation des crédits de fonctionnement de 3,6 %, alors que tout le monde s'accorde à dire qu'une augmentation de 5% serait nécessaire pour le simple maintien des activités, le respect des différents plans de santé publique et des engagements déjà pris, ou pour financer les coûts incompressibles tels que le versement des salaires et les achats de médicaments.

C'est dans ce contexte de dérapage financier et d'incertitude que votre gouvernement, totalement affaibli par ses derniers échecs électoraux retentissants, nous soumet aujourd'hui un projet de loi organique qui n'est qu'un pur bricolage législatif, alors même que votre dernière réforme de l'assurance maladie s'effiloche, que les décrets sont en retard et que les parcours de soins ne sont toujours pas en place. On parlera certainement du médecin traitant, du dossier médical personnel ; monsieur le ministre, vous devrez nous donner un certain nombre d'explications.

Les mesures prévues dans ce projet de loi organique pour contraindre la dépense publique sont intolérables, irrationnelles et inefficaces.

Comme le montre la situation dramatique des hôpitaux, la volonté de maîtriser l'ONDAM n'est pas crédible ; cette maîtrise ne pourra être obtenue par les mesures contenues dans ce projet de loi. Le dépassement systématique et croissant de l'ONDAM depuis 1998 met en évidence une défaillance des instruments et des procédures de régulation - que vous toilettez par ce texte - ainsi que des actions structurelles sur les comportements des professionnels ou des patients et sur l'organisation des soins.

Sous couvert d'une « crédibilité » accrue, ce projet de loi renforce les contraintes liées à l'ONDAM.

Ainsi, il prévoit que les sous-objectifs de l'ONDAM seront débattus par le Parlement. Il est d'ailleurs à souhaiter que le Gouvernement ne s'approprie pas, par cette loi, le monopole de la définition des sous-objectifs de l'ONDAM. Cette responsabilité ne peut pas dépendre du seul directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, que le Gouvernement suivra aveuglément, à n'en pas douter. Les prérogatives élargies - trop élargies à notre goût - du nouveau directeur de l'UNCAM l'autorisent désormais à procéder à des ajustements comptables en cours d'exercice, sous forme de déremboursements de soins. Même si cela n'est pas indiqué en toutes lettres dans le projet de loi organique, c'est bien ce que cela signifie, reconnaissez-le !

Il ne fait dès lors aucun doute que, en cas d'alerte, le directeur utilisera les moyens mis à sa disposition, et ce au détriment des assurés sociaux.

Cela suffit à montrer, si besoin était, que votre texte se fonde exclusivement sur une logique politique que nous ne saurions cautionner ; le recours prochain à une loi d'habilitation ne fait que conforter notre analyse. Nous ne pouvons pas accepter qu'un homme aux « supers pouvoirs » décide seul du niveau de protection sociale.

De même, la définition des programmes de qualité et d'efficience est tellement imprécise que l'on ignore si les partenaires sociaux et les responsables des caisses seront mis à contribution.

Alors que le projet de loi organique prévoit explicitement que le Parlement joue un rôle déterminant dans l'évaluation, l'absence de loi de règlement ne lui permettra pas de remplir pleinement sa mission de contrôle.

Enfin, si le texte initial prévoyait que les lois de financement de la sécurité sociale seraient divisées en deux parties, il n'en va plus de même après son examen par l'Assemblée nationale : il faudra compter désormais quatre parties.

En réalité, peu de choses changent : le vote du volet recettes interviendra toujours avant celui du volet dépenses, ce qui soumet, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, les besoins sanitaires et sociaux à une stricte maîtrise comptable.

Si ce projet de loi est adopté, le Parlement votera des recettes qui seront à l'évidence insuffisantes, des soldes qui seront vite dépassés, des dépenses qui ne seront pas maîtrisées. Le Parlement financera une offre de soins sans pouvoir rien dire ni sur son organisation ni sur sa qualité. Il définira des priorités de santé publique sans bâtir de programmes financiers pour les soutenir ni prévoir les moyens nécessaires. Nous constituerons donc une dette sans contrôle sur sa gestion.

En clair, le texte que vous nous soumettez aujourd'hui prône l'adaptation sans failles des dépenses aux ressources de la sécurité sociale, et non l'inverse, à savoir un niveau de ressources adapté aux dépenses nécessaires à la bonne prise en charge des assurés sociaux.

Alors même que vous prétendez renforcer les pouvoirs du Parlement, vous verrouillez le cadre de ses interventions. La représentation nationale n'aura d'autre choix que de voter un niveau de dépenses de sécurité sociale conforme aux recettes et, par conséquent, tributaire des impératifs économiques et budgétaires français et européens.

Plutôt que de chercher à réduire le périmètre d'intervention de la sécurité sociale, de circonscrire les dépenses, de rogner les moyens de fonctionnement des structures, il faut oser réfléchir à un nouveau mode de financement, garantissant des ressources plus importantes et pérennes en faisant contribuer davantage ceux qui le peuvent, notamment les grandes entreprises et leurs revenus financiers.

C'est désolant, car maintenant, et encore plus demain qu'aujourd'hui, notre système est menacé en raison du refus du Gouvernement de s'attaquer aux vrais problèmes et de son incapacité à faire d'autres choix que ceux qui privilégient les intérêts privés.

Ces choix auront de graves conséquences pour nos citoyens, car, en restreignant à nouveau le champ d'intervention de la protection sociale et en limitant davantage encore les moyens, vous ouvrez, encore plus que vous ne l'avez déjà fait l'été dernier, un boulevard aux acteurs privés de la couverture sociale avides de prendre leur part d'un marché au potentiel financier de près de 350 milliards d'euros.

La logique des assurances va prendre le pas sur celle de la solidarité qui présidait à la création de notre sécurité sociale, voilà maintenant soixante ans.

En somme, ce projet de loi organique, présenté comme une amélioration rationnelle de la gestion de la sécurité sociale, n'apporte ni transparence, ni efficacité. Au contraire, ce texte ne fait qu'accentuer l'opacité des politiques de santé publique, la logique comptable, la mainmise étatique sur la sécurité sociale, et finit d'installer toutes les conditions préalables à la privatisation de la protection sociale.

Vous comprendrez donc que nous ne pourrons que voter contre un tel projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, empêché lors de la première lecture de ce projet de loi organique, je n'ai pas pu exprimer ma satisfaction de voir enfin se concrétiser la réforme tant attendue de l'organisation des lois de financement de la sécurité sociale.

Instaurées en 1996, ces lois constituaient un progrès indubitable dans le pilotage des comptes sociaux parce qu'elles obligeaient l'Etat à expliciter ses choix et permettaient au Parlement de se prononcer.

Cependant, lors des derniers exercices, nous avons été nombreux à souligner l'opacité des comptes sociaux. Alors que la sécurité sociale devrait être un bien commun, elle est devenue un « inextricable dédale », une affaire de spécialistes !

Sans remettre en cause l'extrême compétence de nos rapporteurs, il me paraît difficile pour le Parlement, dans ces conditions, d'exercer correctement la mission de contrôle qui lui incombe.

Cela dit, il est vrai que le débat sur le budget de la sécurité sociale donne parfois le sentiment d'avoir lieu en d'autres temps que lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Quoi qu'il en soit, l'excès de complexité d'un outil peut nuire aux fins qu'il sert, et je crois en effet que, au-delà de la lisibilité, de la transparence, il y a un problème général d'efficacité publique.

C'est pourquoi je me réjouis aujourd'hui de ce projet de loi organique, porteur d'une nouvelle génération de lois de financement.

Ce projet de loi procède à de substantielles améliorations : il inscrit le budget de la sécurité sociale dans un cadre pluriannuel, consacre le principe du vote par branche, intègre les fonds sociaux, introduit une démarche objectifs-résultats et prévoit la certification des comptes par la Cour des comptes.

Ces dispositions devraient non seulement permettre un véritable débat politique sur les orientations mises en oeuvre mais aussi renforcer la sincérité et la crédibilité des lois de financement, en apportant une vision plus claire et, surtout, plus prospective des comptes.

Lors de l'examen en séance publique, le 24 mars dernier, le Sénat n'a finalement apporté qu'un nombre limité de modifications au projet de loi organique. En effet, n'ayant pu obtenir satisfaction sur le principe de compensation intégrale des allégements de charges, la commission des affaires sociales, dont je fais partie, a fait le choix de retirer la totalité de ses amendements.

Je dois dire que je partage tout à fait la déception et l'analyse de notre rapporteur sur ce point.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci, monsieur Barbier !

M. Gilbert Barbier. Dans le prolongement du principe de compensation des exonérations de cotisations posé par le plan Veil en 1994, la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a étendu le dispositif « à toute mesure de réduction ou d'exonération de contribution ».

Il me semble que c'était là un signal fort à l'endroit des partenaires sociaux, d'autant que ce vote était assorti de la promesse, faite devant le Sénat, de conférer au principe de compensation intégrale une valeur supralégislative.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

M. Gilbert Barbier. Comment interpréter aujourd'hui l'opposition du Gouvernement à l'amendement de la commission des affaires sociales sinon comme une volonté de préserver la possibilité de déroger à cette obligation en fonction de ses marges de manoeuvre ? Il est des exemples, certains récents, qui confirment cette interprétation.

Je regrette que nos collègues de la commission des finances, qui, chaque année, insiste sur l'exigence de rigueur budgétaire, n'aient pas vu dans l'inscription du principe de compensation intégrale au rang organique la garantie sinon d'une gestion exemplaire, au moins de l'intégrité des comptes sociaux présentés.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Gilbert Barbier. L'Assemblée nationale n'a pas remis en cause le vote du Sénat sur ce point ; elle a néanmoins prévu que le montant de la compensation serait approuvé dans la loi de financement. C'est une petite consolation : comme le souligne dans son rapport écrit M. Vasselle, l'excellent rapporteur de la commission des affaires sociales, cette disposition permettra peut-être d'adopter un montant correspondant à la réalité du coût des allégements, face à des ministres parfois enclins à la minorer.

En deuxième lecture, notre rapporteur nous propose de renforcer l'effectivité de la compensation, notamment en réservant à la loi de financement un monopole de création des dispositifs d'exonérations non compensées.

Mon groupe apportera son soutien sans réserve à cette démarche, comme il soutiendra l'institution, proposée par la commission, d'un rapporteur général des comptes sociaux.

Il est un autre point, évoqué par M. Vasselle, sur lequel j'aimerais dire quelques mots.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toutes les mesures législatives permettant de garantir l'équilibre voté par le Parlement.

Certes, je peux comprendre les motivations qui ont présidé à l'adoption de cette disposition, mais cette dernière ne m'en laisse pas moins perplexe : d'habitude, en matière de dépenses sociales comme en d'autres matières, les députés comme les sénateurs sont plus soucieux d'exercer l'ensemble de leurs prérogatives...

Par ailleurs, le dispositif trahit un manque de confiance dans la réforme de l'assurance maladie que nous avons votée au mois d'août dernier.

Une procédure et une gouvernance ont été arrêtées : lorsque se produit un dérapage des dépenses de plus de 0,75 %, un comité d'alerte tire la sonnette ; revient alors à l'assurance maladie, à la Haute autorité de santé et à l'UNCAM la responsabilité de trouver des solutions.

Avec le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, les acteurs et les gestionnaires risquent de considérer que « sortir des clous » n'est pas si grave puisque le Gouvernement pourra prendre des ordonnances pour corriger les dérapages. C'est donc finalement une manière de les déresponsabiliser, et je ne comprends pas tout à fait cette logique.

En outre, j'ai le sentiment qu'en prévoyant la possibilité d'ordonnances rapides, d'urgence, nous entrons dans une logique de maîtrise comptable que nous ne voulions pas, car, soyons réalistes, quelles mesures le Gouvernement pourra-t-il prendre sinon une hausse des cotisations ?

Voilà pourquoi, à titre personnel, je ne suis pas favorable à cette disposition. Laissons la réforme se mettre en place, laissons les partenaires conventionnels jouer le jeu, et il sera toujours temps de constater l'évolution des choses.

Je terminerai mon propos en évoquant l'ONDAM.

Vous le savez, les dérives constantes de l'ONDAM ont alimenté le grief principal adressé aux lois de financement de la sécurité sociale. Comment, en effet, assurer la sincérité du débat et la crédibilité de la loi de financement si, chaque année, cet objectif est dépassé ? A l'évidence, le vote de l'ONDAM perdait de son sens.

Le projet de loi organique prévoit le vote de sous-objectifs. Il appartient au Gouvernement de les définir. Vous avez déjà indiqué les pistes, monsieur le ministre : soins de ville, hôpital public, hôpital privé, médico-social pour les personnes handicapées, médico-social pour les personnes âgées.

Cela constitue un réel progrès, mais, à l'évidence, cela ne suffira pas à assurer la maîtrise de l'ONDAM.

Le respect de l'ONDAM nécessite que ce dernier soit d'abord défini sur des bases médicales et que tous les acteurs soient associés en amont aux décisions et, en aval, à la gestion par une régionalisation de la santé.

Vous le savez, mes chers collègues, lors de chaque débat sur l'assurance maladie, je plaide pour la création d'agences régionales de santé associant l'ambulatoire, l'hôpital et même la prévention et le secteur médico-social.

Certes, la réforme du 24 août dernier a prévu un rapprochement des ARH, les agences régionales de l'hospitalisation, et des URCAM, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, au sein de missions régionales de santé, et elles commencent à travailler sur les problématiques communes des secteurs du système de soins : démographie médicale, permanence de soins, coordination ville-hôpital.

Il est en effet urgent de décloisonner, mais il faut aller plus loin encore. Pourra-t-on un jour parvenir à la fongibilité des enveloppes, que nous sommes nombreux à souhaiter ?

Pour améliorer les soins et faire en sorte que ce qui relève aujourd'hui du secteur hospitalier puisse, demain, être pris en charge à domicile par la médecine de ville et réciproquement, il est nécessaire d'opérer des transferts.

Je serais heureux monsieur le ministre, que vous puissiez vous exprimer sur ces sujets.

Pour conclure, je dirai que ce texte, qui pourrait sembler n'être que technique, est en réalité très important. Nos concitoyens se posent légitimement des questions sur l'utilité, l'efficacité et le caractère équitable de la dépense sociale.

En proposant une structure plus claire, en sortant de l'annualité, en fixant des objectifs et en évaluant les résultats, en renforçant les pouvoirs de contrôle du Parlement, le présent projet de loi apporte plus de lisibilité et de sincérité. C'est pourquoi la majorité du groupe du RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons la deuxième lecture du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. Comme chacun le sait, ce texte constitue le troisième volet des lois de réforme de notre système de protection sociale pensées par les gouvernements Raffarin et la majorité.

Ce projet de loi organique revêt une importance égale à celle de la réforme, non financée, des retraites et de la réforme de l'assurance maladie, qui instaure une médecine à deux vitesses.

Si l'objectif affiché est la définition et l'établissement d'une nouvelle gouvernance de notre système, auquel, rappelons-le, est consacré un budget total supérieur au budget de l'Etat puisqu'il avoisine 350 milliards d'euros, l'enjeu est aussi la sauvegarde, la pérennisation ainsi que l'actualisation des principes de solidarité intergénérationnelle et nationale qui présidèrent à sa création, voilà soixante ans, par le Conseil national de la Résistance. Il s'agit donc d'un texte essentiel.

La loi constitutionnelle du 22 février 1996, les ordonnances du 24 avril 1996 et la loi organique du 22 juillet 1996 ont permis l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale annuellement débattues et votées par le Parlement.

Ces textes ont suscité un espoir réel, celui de voir le Parlement se prononcer et piloter notre système. Une décennie après, chacun s'accorde à constater que la représentation nationale n'exerce qu'assez mal sa mission de contrôle et que la complexification de son architecture a rendu notre système bien peu lisible.

Il était donc nécessaire de procéder à une réforme de la gouvernance permettant de garantir un meilleur pilotage, une réelle transparence et un contrôle effectif. Tels sont les objectifs essentiels affichés par ce texte d'initiative gouvernementale.

Lors de la première lecture, notre assemblée a procédé à de substantielles modifications du cadre organique en adoptant certains amendements présentés par le groupe socialiste. Il s'agissait notamment de permettre l'extension des pouvoirs de suivi et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale confiés aux parlementaires, en particulier aux membres de l'opposition, le renforcement des outils dont disposent les commissions pour assurer le suivi de ces mêmes lois, l'information des parlementaires par la publication d'un rapport sur l'état sanitaire et social de la population, ainsi que la prise en compte, dans un rapport annexé, des propositions des caisses et organismes de notre sécurité sociale.

Souvenons-nous - M. le rapporteur l'a d'ailleurs rappelé - que nos collègues de la majorité avaient versé dans le psychodrame dès lors qu'il avait été question de la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales ; je reviendrai par la suite sur ce thème essentiel.

L'Assemblée nationale a, quant à elle, voté une centaine d'amendements, faisant à son tour évoluer le projet de loi organique, qui comporte désormais vingt articles contre sept précédemment.

Les mesures phares adoptées concernent notamment la possibilité pour le Gouvernement de légiférer par ordonnance en cas de dépassement de l'ONDAM, la modification de l'architecture des lois de financement, qui comprendront désormais quatre parties, le renforcement du droit d'information du Parlement, la précision des missions d'assistance et de certification des comptes par la Cour des comptes.

Quant à la question de la déclinaison du principe de compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, elle demeure bien évidemment posée.

En tout état de cause, à ce stade de nos travaux et malgré les quelques améliorations apportées à l'architecture des lois de financement qui ont été acceptées par le Gouvernement et par sa majorité, le texte qui nous est présenté ne peut camoufler l'intention de l'exécutif : face à la détérioration extrême de nos comptes sociaux, ce dernier entend mettre en place un cadre propice à l'émergence et à la mise en oeuvre de solutions strictement comptables.

Psalmodier que la politique menée par le Gouvernement se fonde sur une maîtrise médicalisée des dépenses est vain : la réalité des chiffres comme le quotidien de nos concitoyens nous rappellent, malheureusement, l'échec de cette politique.

Permettez-moi, avant d'aborder le fond du texte, d'en évoquer la forme.

Chacun sait - les partenaires sociaux les premiers peut-être puisqu'ils n'ont pratiquement pas été consultés - avec quelle précipitation ce projet de loi organique a été inscrit à l'ordre du jour de nos assemblées. La détermination du Gouvernement démontre à quel point il tient à éviter le télescopage entre le débat sur ce projet de loi et la parution des premiers bilans chiffrés de sa politique. On comprend d'ailleurs aisément que le ministre ne veuille pas se voir opposer un bilan calamiteux, alors que la stratégie de communication dispendieuse instaurée distille quasi quotidiennement des messages rassurants sur la mise en place du médecin traitant ou la baisse des prescriptions en soins de ville.

Cependant, comme le soulignait récemment le comité d'alerte, ces chiffres ne sauraient cacher « les risques financiers » qui « pèsent sur les établissements de santé » et les effets de la dernière convention médicale, signée en janvier dernier, qui prévoit des revalorisations d'honoraires.

Face au marasme financier dans lequel se débat et s'enfonce notre protection sociale, les inquiétudes sont vives.

Parce ce que le présent projet de loi organique est présenté comme l'équivalent de la LOLF à l'égard du budget de l'Etat, nous devrions y retrouver les mêmes capacités de contrôle et de pilotage parlementaires. Malheureusement, nous allons le voir, tel n'est pas le cas : loin s'en faut !

L'ONDAM est l'une des clés de voûte de l'expression et du rôle du Parlement dans la définition et le contrôle de notre système de santé. La logique voudrait que le Parlement définisse en premier lieu les besoins sociaux existants puis y consacre les moyens nécessaires. Tel n'est pas le cas.

L'ONDAM a, jusqu'alors, beaucoup plus traduit une prise en compte d'éléments macro-économiques et de situations comptables que de besoins sanitaires avérés ou de priorités de santé publique.

Dès lors, comment ne pas penser que cette loi organique n'aura d'autre mission essentielle que d'assurer la stricte maîtrise comptable des dépenses de santé, et ce sans aucun égard pour les besoins de notre population ?

Concernant la problématique centrale de la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de cotisations inhérentes, notamment, aux politiques de l'emploi, il fut un temps, pas si lointain, où les élus de la majorité exigeaient la sanctuarisation des finances de la sécurité sociale ; ils n'avaient de cesse de condamner de manière définitive le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC.

En vous affranchissant de ces compensations, comme vous vous apprêtez à le faire avec le plan de cohésion sociale et ses « contrats d'avenir » - auxquels s'ajoutent les annonces du Premier ministre sur le « wagon » de nouvelles exonérations -, et en continuant à ne pas verser son dû à la sécurité sociale, en particulier le produit des taxes sur l'alcool et le tabac, vous continuerez à détourner au profit du budget de l'Etat les moyens nécessaires à l'équilibre du budget de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, vous comprendrez que, dans ces conditions, je ne résiste pas, après certains de mes collègues, à vous rappeler la promesse faite par votre prédécesseur.

Ainsi, lors du débat sur la réforme de l'assurance maladie, ce dernier disait : « Ce projet de loi organique contiendra des mesures de nature à garantir l'autonomie financière de la sécurité sociale, comme le Sénat en avait exprimé le souhait. Il doit permettre de donner une valeur juridique supérieure aux mesures prévues à l'article 39 de la présente loi et à celle de 1994 de Mme Veil [...] Ainsi, l'autonomie financière de la sécurité sociale aura valeur quasiment constitutionnelle. »

A la lecture de ce projet de loi organique, on comprend combien notre rapporteur, M. Vasselle, insatiable assaillant du FOREC et condamnant toute politique où la baisse des cotisations sociales pourrait constituer un moteur pour l'emploi - et donc, à terme, générer de nouvelles ressources pour la sécurité sociale -, a pu nourrir de désenchantements : le gouvernement issu de sa majorité passe outre cet engagement, outre ce qui, l'espace d'une déclaration, avait eu valeur quasi constitutionnelle...

Mais permettez-moi de revenir à l'aspect très concret des choses.

L'assurance maladie se trouve dans une situation catastrophique. Vous avez beau, monsieur le ministre, vous satisfaire d'un déficit de près de 12 milliards d'euros pour 2004, il n'en demeure pas moins que ce chiffre astronomique constitue un record jusqu'alors inégalé.

Certes, il y a eu un tassement, à 1,7 %, de la croissance des remboursements de soins de ville et une baisse du nombre d'indemnités journalières de 3,2 %, mais ce mouvement se pérennisera-t-il ?

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, quant à elle, certifie qu'après une croissance des dépenses de 3,8 % au cours du premier trimestre elle devrait avoisiner 5,7 % au deuxième trimestre.

Dès lors, comment réaliser les 5 milliards de baisse des dépenses promis, sachant qu'à hauteur de 80 % ils sont tirés de prélèvements supplémentaires ?

Comment croire que les dépenses du deuxième trimestre ne dépasseront pas 1,6 % alors que les premières conséquences négatives de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité et de la nouvelle convention médicale ne se sont pas encore fait sentir ?

Qui peut raisonnablement porter une once de crédit à ces promesses, à ces objectifs, à ces 8 milliards d'euros de déficit pour l'assurance maladie ?

Comment être certain qu'une fois encore le Gouvernement ne va pas faire peser sur les générations à venir la dette consécutive aux échecs de sa politique économique et de sa politique de l'emploi ? Comment ne pas s'interroger sur ce qui est un véritable hold-up sur l'avenir ?

Inquiets, nous le sommes, et les dernières perspectives économiques, comme le discours de politique générale du Premier ministre, ne nous invitent guère à l'optimisme car, c'est un fait, nulle loi ne pourra se substituer à une réelle détermination politique.

Malheureusement, depuis trois ans, cette dernière fait défaut. Alors que, de 1997 à 2001, le gouvernement Jospin était parvenu à faire passer les comptes de la sécurité sociale d'un déficit de 5 milliards d'euros à un excédent de 1,3 milliards d'euros tout en créant plus de 2 millions d'emplois (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),...

M. Alain Gournac. Et la croissance, qu'en avez-vous fait ?

M. Paul Blanc. Et les 35 heures !

M. François Autain. C'est facile !

Mme Jacqueline Alquier. ... vous avez, pour votre part, réussi à mettre en danger l'ensemble des branches, qui sont actuellement toutes déficitaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. N'importe quoi !

Mme Jacqueline Alquier. Certains pourraient objecter - et vous le faites -, que ce gouvernement avait bénéficié d'une croissance économique forte, et c'est vrai ; mais songeons que l'année dernière a connu une croissance mondiale extrêmement élevée et que la France est néanmoins restée à la traîne.

La différence dans les résultats réside, nous le savons tous, dans l'action politique menée.

En lieu et place d'un soutien à la consommation et d'une politique active en faveur de l'emploi, votre majorité a donné des gages aux vieilles exigences du MEDEF : régression sociale et précarisation du salariat. Elle a fait sienne cette volonté de réduire les hommes et les femmes à une simple variable d'ajustement pour actionnaires. C'est un échec cinglant !

Monsieur le ministre, en l'état actuel de nos travaux, ce texte, que vous avez présenté comme susceptible de répondre avec clarté et transparence aux questions de nos concitoyens, accentue la logique de maîtrise comptable et finit d'instaurer les conditions propices à une privatisation, jusque là rampante, de notre protection sociale.

Ainsi, sans modification majeure, nous nous opposerons à l'adoption de ce troisième volet de la réforme libérale - et injuste pour les salariés comme pour les assurés sociaux - voulue et organisée par le Gouvernement et sa majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)