PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
Article additionnel après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Texier et Cornu, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 720-11 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lorsque la Commission nationale d'équipement commercial infirme une décision de rejet qui lui est déférée, elle doit motiver explicitement sa décision par référence à chacun des motifs qui soutiennent celle de la commission départementale ou interdépartementale. »
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Les motifs qui conduisent la CNEC à infirmer des décisions de refus d'autorisation doivent permettre de comprendre les raisons qui conduisent à une modification, à l'échelon national, d'une décision qui s'appuyait sur les éléments appréciés à l'échelon local.
Cet amendement a par conséquent pour objet d'imposer, en cas de recours devant la Commission nationale d'équipement commercial, que cette dernière, lorsqu'elle infirme une décision de rejet, motive explicitement sa décision, par référence aux motifs donnés par la commission départementale ou interdépartementale d'équipement commercial.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Il s'agit d'imposer la motivation explicite des décisions de la CNEC.
Je comprends bien quel esprit sous-tend cet amendement, toutefois je redoute que le fait d'inscrire une exigence légale de référence de la décision de la CNEC aux décisions de la CDEC ou de la commission interdépartementale d'équipement commercial ne conduise à fragiliser le dispositif, en ouvrant la voie à de très nombreux contentieux. Je crains donc que, in fine, la portée de l'action de la CNEC ne soit amoindrie.
Par conséquent, la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Je préciserai en outre que toutes les décisions de la CNEC sont dûment motivées. Ce point fait d'ailleurs l'objet d'un contrôle très vigilant de la part du Conseil d'Etat. Cet amendement est donc sans objet.
Toutefois, je suis sensible à l'intention et au sens de la pédagogie que manifeste cet amendement. Il s'agit de rappeler aux préfets que l'obligation de motivation vaut bien entendu pour les décisions des CDEC, cette obligation n'étant, il est vrai, pas toujours suffisamment respectée par ces dernières.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. J'ai voulu cosigner cet amendement parce que l'on est parfois un peu surpris que des décisions motivées de la CDEC, qu'elles soient d'ailleurs favorables ou défavorables, soient infirmées par la CNEC sans le moindre commentaire.
Cependant, il est vrai que, dans l'esprit, cette dernière est finalement une commission d'appel, qui ne doit pas mettre en porte-à-faux les CDEC. Je comprends donc la position de la commission et du Gouvernement, et je pense que M. Texier sera d'accord avec moi pour retirer l'amendement. (M. Yannick Texier acquiesce.)
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
Article 13
A titre transitoire, la commission nationale d'équipement commercial en activité à la date de publication de la présente loi continue d'exercer ses missions jusqu'à ce qu'une nouvelle commission soit instituée conformément aux dispositions de l'article 12.
Les dossiers de recours déposés auprès d'elle avant la date de publication de la présente loi sont examinés conformément aux dispositions législatives en vigueur à la date d'enregistrement du recours. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat accorde toujours une place centrale à la défense de la vitalité des collectivités locales. C'est pourquoi je félicite notre collègue Alain Fouché d'avoir pris l'initiative de cette proposition de loi et de ce débat.
L'évolution démographique et socio-économique qui touche la France depuis plus de vingt ans a transformé le visage de ce que l'on appelle encore les centres-bourgs.
Le moteur de la vie économique des petites et moyennes communes, outre les activités agricoles, est naturellement le commerce de proximité.
Ces commerces, souvent uniques et parfois multifonctionnels, constituent un élément indispensable du lien social local. Lieux de rassemblement et de rencontre de la population, ils sont parfois les seuls vecteurs de transmission des informations. Je songe aussi aux commerçants itinérants qui sillonnent nos campagnes.
Le taux de concentration des grandes surfaces à la périphérie des villes est aujourd'hui, en France, particulièrement important ; c'est l'un des plus élevés d'Europe. Laisser libre cours à ce phénomène, c'est acter la lente mais irrésistible mort du lien social et, finalement, des centres-bourgs.
L'implantation d'une grande surface induit une perte de revenus plus que substantielle pour les petits fournisseurs locaux, qui se retrouvent alors dans une position de négociation très peu favorable face aux grandes centrales d'achat.
Le groupe du RDSE souhaite encourager tout ce qui peut contribuer à la revitalisation du tissu économique et social, qui est, hélas ! de plus en plus faible dans les milieux ruraux. Il votera donc ce texte, malgré ses imperfections, gageant que ce dernier sera très certainement amélioré au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je serai bref, l'analyse étant partagée par tous : la situation des commerces de proximité est grave. Ces commerces sont en effet soumis à la concurrence des grandes surfaces, à tel point d'ailleurs que M. Braye a déclaré qu'il était prêt à mettre en berne ses options libérales !
M. Dominique Braye. Je n'ai jamais dit cela !
M. Jean Desessard. Si ! Vous avez dit que, en cas de catastrophe, ...
M. Dominique Braye. J'ai dit que j'étais libéral, mais que j'étais favorable à un équilibre !
M. Jean Desessard. Toujours est-il que je confirme votre propos : il est aujourd'hui difficile de trouver une crèmerie dans un centre-ville !
Les objectifs de M. le rapporteur, des sénateurs de la majorité, et de M. Braye en particulier, sont honorables. Il est en effet louable de vouloir réhabiliter le petit commerce et limiter de façon drastique le nombre de grandes surfaces.
M. le rapporteur et les sénateurs de la majorité ont fait preuve de finesse dans cette proposition de loi.
M. Jean Desessard. Ils ont choisi, s'agissant des autorisations, d'instaurer un seuil assez rigide. Ce sera désormais aux élus de prendre leurs responsabilités. Ce sont eux qui auront à rendre des comptes.
Malheureusement, la logique commerciale et économique actuelle est telle que les élus, en tout cas certains d'entre eux, ou au final la CNEC, la commission nationale d'équipement commercial, accorderont les autorisations. Dans quelques années, la situation sera la même. Elle aura même peut-être empiré. Aujourd'hui, si les intentions sont louables, les moyens sont insuffisants. La logique économique fait que les élus finiront par plier devant les intérêts commerciaux.
Jugeant que les mesures prévues dans cette proposition de loi sont insuffisantes pour lutter contre cette logique économique, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, s'abstiendront.
Malgré tout, ils souhaitent bonne chance au projet de loi à l'Assemblée nationale. Il est apparu au cours de la discussion que le Gouvernement était très dubitatif sur certaines mesures coercitives prévues dans la proposition de loi. Je crains fort que la logique du dynamisme commercial qu'il a développé ne finisse par s'imposer.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Mon explication de vote sera brève. Je souhaite simplement appeler les uns et les autres à leurs responsabilités s'agissant de la question importante de la vitalité du commerce de centre-ville.
La France est aujourd'hui le premier pays européen en termes de grandes et moyennes surfaces. Dans certains endroits, des extensions sont difficilement envisageables.
Selon notre collègue Paul Girod, il faut faire confiance aux élus. Or les élus sont tous dans une logique de territoire. Un maire défend avant tout sa commune. Si cette dernière se situe à la périphérie d'une grande ville, il y défendra l'installation des commerces au détriment du centre de la grande ville.
Président de la communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines, je suis parvenu à imposer aux élus que toutes les décisions soient prises à l'unanimité à l'échelon de l'agglomération et non pas du centre-ville. Mais je fais exception !
Certes, il est bien tard, et nous ne pouvons pas reprocher à la grande distribution de jouer le rôle qui est le sien. Ses dirigeants se comportent en chefs d'entreprise dynamiques et efficaces. C'est à nous, les politiques, de leur donner les règles du jeu et de faire en sorte qu'ils ne fassent pas définitivement disparaître le commerce de centre-ville.
Voilà dix ans, 80 % des demandes étaient d'origine alimentaire. Celles-ci représentent aujourd'hui moins de 20 % des demandes, le commerce alimentaire, à part quelques commerces spécifiques, ayant disparu du centre-ville. Seuls certains commerçants, dont le magasin d'alimentation est ouvert jusqu'à vingt-deux heures, arrivent, eux, à survivre, mais au prix d'une présence de douze à quinze heures par jour !
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien mesurer la responsabilité qui est la vôtre aujourd'hui : il s'agit d'encadrer la grande distribution de façon à ne pas rompre définitivement l'équilibre existant. Même s'il est tard, peut-être est-il encore temps de faire quelque chose ? Cela dépendra du sort que vous réserverez à cette proposition de loi.
Nous sommes tous conscients, sur les travées de notre assemblée, que ce texte est loin d'être parfait, et qu'il devra donc être amélioré au cours de la navette parlementaire. Mais tel est bien l'objet de cette dernière.
Monsieur le ministre, votre responsabilité est donc de faire en sorte que cette proposition de loi permette de s'attaquer à ce qui constitue véritablement un problème de société en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons traité d'un dossier difficile. Une modernisation des textes existants est en effet nécessaire, dans le souci de veiller à l'équilibre sur le territoire. Tel est le but de cette proposition de loi.
Je tiens à remercier les présidents de séance, M. le ministre, qui a pris un certain nombre d'engagements, les membres de la commission des affaires économiques, et l'ensemble de nos collègues, avec une mention particulière pour MM. Braye, Cornu, Texier et Mme Payet, avec lesquels le dialogue a été extrêmement fructueux.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. A mon tour, j'adresserai mes remerciements à l'auteur de la proposition de loi, aux membres de la commission des affaires économiques, ainsi que, bien entendu, aux sénateurs qui ont pris part à cet important débat.
La matière est ardue, et il y a parfois des surprises entre les intentions et leurs conséquences.
La commission Canivet a souligné, par exemple, que, en dépit de ses lois sur l'urbanisme commercial, la France est l'un des pays où la concentration des grandes surfaces est la plus importante, alors que toutes ses lois, depuis la loi Royer, visaient initialement à préserver la diversité et la multiplicité des commerces. Par conséquent, les dispositifs très contraignants mis en place ont produit les effets inverses de ceux qui étaient recherchés lors des réécritures successives des textes.
Monsieur Braye, il nous faut prendre garde à ne pas donner à l'opinion publique l'idée que le petit commerce serait une activité en déclin. Pour ma part, je crois profondément à l'avenir du commerce de proximité et du commerce de centre-ville.
Dans de très nombreux secteurs en France, ce commerce, parce qu'il répond aux attentes nouvelles des consommateurs, parce qu'il apporte du conseil et un service personnalisé, parce qu'il permet d'offrir des produits différents, défend ses parts de marché et en conquiert parfois de nouvelles.
L'une des plus belles réussites de l'artisanat français est la manière dont les boulangers, menacés pendant de nombreuses années par les grandes surfaces, ont réussi à conserver leurs parts de marché et, bien souvent, à en gagner sur la grande distribution.
Pour cela, ils n'ont pas cédé à la tentation bien française du protectionnisme et du corporatisme. Au contraire, ils ont innové, se sont adaptés à la demande des consommateurs, en jouant le jeu du client, qui, au fond, est celui qui décide.
C'est vers ce type d'exemple qu'il nous faut nous tourner. Si nous donnons aux commerçants le sentiment que l'Etat va garantir le fruit de leur travail et leurs parts de marché, nous risquons de provoquer de graves désillusions. En revanche, si nous motivons les commerçants de détail, si nous croyons en eux, si nous leur apportons les outils de leur développement et de leur modernisation, les jeunes, notamment, embrasseront ces nouveaux métiers. Mais si nous donnons l'image d'un commerce en déclin irréversible, il est peu probable que nous suscitions des vocations chez les jeunes.
Il est important que nous pariions sur un commerce de proximité dynamique. Le Gouvernement se battra pour que le commerce de proximité conserve toute sa place et son rayonnement dans une économie moderne. La consommation a besoin de ce type de commerce, demain probablement plus qu'hier. Il faut considérer avec optimisme et détermination le commerce de proximité, auquel, me semble-t-il, nous sommes tous attachés sur ces travées.
Enfin, je remercie M. le rapporteur d'avoir contribué au rayonnement de ce commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 174.
Mme Michelle Demessine. Le groupe CRC s'abstient !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Petites et moyennes entreprises
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (nos 297, 333, 362, 363, 364).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre VIII.
TITRE VIII
AUTRES DISPOSITIONS
Articles additionnels avant l'article 45
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les chambres de métiers et de l'artisanat contribuent au développement économique du territoire. Pour la réalisation d'équipements commerciaux ou artisanaux, elles peuvent se voir déléguer le droit de préemption urbain et être titulaires ou délégataires du droit de préemption institué dans les zones d'aménagement différé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Cet amendement vise à réparer une omission involontaire survenue à l'occasion de la modernisation des dispositions du code de commerce relatives aux chambres de commerce et d'industrie, les CCI, réalisée par le titre VII du projet de loi.
Les pouvoirs reconnus aux chambres de métiers et de l'artisanat en matière de droit de préemption, qui sont identiques à ceux des CCI, seraient tout bonnement supprimés.
L'amendement de la commission vise donc à éviter que ce droit de préemption ne disparaisse. La disposition ainsi maintenue a vocation à être intégrée dans le futur code des métiers et de l'artisanat en cours de rédaction.
M. le président. Le sous-amendement n° 137 rectifié bis, présenté par MM. Mortemousque, Poniatowski, Braye, Hérisson et Carle, Mme Lamure, MM. Revet, Faure, Barraux, Leroy, Texier et Fouché, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 88 pour insérer un article additionnel avant l'article 45 par un alinéa ainsi rédigé :
Elles peuvent également recevoir délégation de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour créer ou gérer tout équipement ou service qui intéresse l'exercice de leurs missions.
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Le code de commerce confère aux chambres de métiers et de l'artisanat les mêmes compétences qu'aux chambres de commerce et d'industrie en matière d'opérations de développement économique et d'aménagement urbain.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ce sous-amendement qui s'inscrit dans la même logique que l'amendement n° 88. Il s'agit de conserver pour les chambres de métiers et de l'artisanat la même possibilité de délégation que celle qui est prévue pour les CCI par l'article 711-5 du code de commerce, que nous avons modifié par l'article 39 du projet de loi.
Je souhaite saisir l'occasion qui m'est donnée de rendre hommage à l'extrême attention portée à nos travaux par notre collègue et ami Yannick Texier. Ce dernier, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, est présent en permanence dans cet hémicycle, parfois à des heures tardives. Je tiens à souligner sa grande assiduité ainsi que sa perspicacité qui lui ont permis de réagir avec plus de vivacité encore que la commission pour tenir compte du vote intervenu cette nuit sur les CCI. En témoigne la très opportune rectification de son sous-amendement effectuée ce matin. Grâce à celle-ci, les CCI et les chambres de métiers et de l'artisanat disposeront de compétences reconnues légalement dans des termes semblables pour ce qui concerne le droit de préemption et celui de délégation. Que notre collègue soit remercié de son initiative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, je tiens à m'associer aux lauriers qui ont été tressés à M. Texier.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 88 ainsi qu'au sous-amendement n° 137 rectifié bis.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 137 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 45.
L'amendement n° 274, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre X du titre III du livre IV du code du travail, il est inséré un chapitre intitulé : « Comité des activités sociales et culturelles » et comprenant un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Un comité des activités sociales et culturelles peut être constitué au bénéfice des salariés des entreprises dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés et qui n'ont pas de comité d'entreprise, ainsi que de leur famille. Il est chargé d'assurer ou de contrôler la gestion collective des activités sociales et culturelles.
« Le comité exerce les attributions dévolues au comité d'entreprise par l'article L. 432-8.
« Sa création résulte d'un accord interentreprises ou d'un accord collectif en application de l'article L 133-1.
« Cet accord détermine notamment :
« 1° les entreprises et groupements d'employeurs qui y sont parties ;
« 2° les modalités de fonctionnement du comité des activités sociales et culturelles ;
« 3° les activités sociales et culturelles proposées ;
« 4° la composition des organes de gestion du comité des activités sociales et culturelles, les modalités de désignation des représentants des employeurs et des salariés, les modalités d'exercice et la durée de leur mandat et les modalités de représentation des entreprises dotées de délégués du personnel ;
« 5° le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement de la contribution versée par l'employeur ;
« 6° la destination des fonds recouvrés et les modalités de leur utilisation.
« Le comité des activités sociales et culturelles est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Un règlement intérieur précise les conditions d'application de l'accord.
« Les contributions versées et les avantages servis suivent, en matière de cotisations sociales et de fiscalité, le régime applicable aux activités sociales et culturelles des comités d'entreprises.
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux exploitations et entreprises visées par l'article L. 718-1 du code rural. »
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Cet amendement a pour objet d'améliorer la diffusion d'avantages sociaux aux salariés des entreprises de moins de cinquante salariés qui ne bénéficient pas, par définition, des activités sociales et culturelles des comités d'entreprise.
Certains de ces avantages sont ouverts aux entreprises de moins de cinquante salariés ; il en est ainsi du chèque-vacances créé par notre collègue Michelle Demessine, qui a connu un succès considérable.
Malheureusement, la très grande majorité des 5,5 millions de salariés de ces entreprises de moins de cinquante salariés ne bénéficient pas d'avantages sociaux et culturels. Dans un contexte marqué par des difficultés de recrutement, la création d'un comité des activités sociales et culturelles apparaît comme un moyen de renforcer l'attractivité des petites entreprises.
Certes - et M. Larcher ne nous contredira pas si nous nous référons à ses dernières déclarations -, nous savons que les salaires, les horaires et les conditions de travail sont la cause majeure de la désaffection dont souffrent, par exemple, les secteurs des métiers de bouche et du bâtiment.
Mais les activités sociales et culturelles qui peuvent être réalisées à coût réduit pour des salariés modestes constituent un avantage qui ne peut pas être laissé de côté.
Dans notre esprit, il ne s'agit absolument pas d'octroyer à ces comités des activités sociales et culturelles les compétences dévolues aux comités d'entreprise en matière d'information et de consultation des salariés. On observe d'ailleurs dans les grandes entreprises, au sein des comités et des comités centraux d'entreprise, une stricte séparation des tâches entre les personnels qui se consacrent à des activités de représentation des salariés et ceux qui s'attachent aux aspects culturels et de loisirs.
La création des comités des activités sociales et culturelles nécessiterait un accord collectif étendu ou un accord interentreprises au sein de la même branche ou d'un bassin d'emplois.
Les comités disposeraient de la personnalité civile et gèreraient leur patrimoine dans le respect de leur règlement intérieur. Ils pourraient assurer directement ou contrôler la gestion des activités sociales et culturelles de leur ressort.
L'amendement n° 274 prévoit qu'un certain nombre de mentions devront figurer dans les accords portant création de ces comités. Devront être spécifiés les entreprises et groupements d'employeurs qui adhèrent à de tels accords, les taux, l'assiette et les modalités de recouvrement des cotisations, les modalités de fonctionnement, notamment des organes de gestion, les activités proposées afin que les gestionnaires et les employeurs ne soient pas débordés par des demandes excessives, ainsi que la destination des fonds recouvrés et leur possible utilisation.
Je veux enfin attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la création d'un comité des activités sociales et culturelles est facultative. En effet, l'amendement n° 274 précise qu'un tel comité « peut être constitué ». Il ne s'agit donc pas, comme on va sans doute nous le rétorquer, d'une charge imposée aux employeurs qui bénéficient déjà de nombreuses exonérations de cotisations sociales, surtout sur les bas salaires.
En fait, il s'agit d'une ouverture en direction à la fois des employeurs et des salariés. Nous souhaitons rééquilibrer les relations au quotidien dans l'entreprise et favoriser la fidélisation des salariés qui, bien souvent, cherchent à quitter les petites entreprises où les salaires sont faibles, la réduction du temps de travail inexistante et les avantages sociaux inconnus.
Telles sont les raisons qui ont motivé le dépôt de l'amendement n° 274.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je suis étonné ! J'étais très inquiet en vous écoutant, monsieur Dussaut. Heureusement, vous avez précisé que la création d'un comité des activités sociales et culturelles prévue par votre amendement serait non pas une obligation, mais une simple possibilité.
Alors que tout au long de l'examen de ce projet de loi, nous avons toujours essayé de simplifier, vous proposez la constitution d'un comité des activités sociales et culturelles qui paraît bien lourd en termes de gestion, de finances et de temps consacré pour des entreprises de moins de cinquante salariés.
Mme Michelle Demessine. Et le progrès social ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Essayons de ne pas imposer toutes ces structures aux petites entreprises de façon qu'elles puissent se consacrer entièrement à la tâche pour laquelle elles ont été créées et qu'elles soient dynamiques de façon à être performantes pour le bonheur des Françaises et des Français. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement partage les arguments défendus avec conviction par M. le rapporteur et émet également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Je ne suis pas du tout d'accord avec les remarques formulées tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, et je voterai cet amendement.
Cette disposition est une mesure de progrès social très fortement souhaitée par les salariés des petites et moyennes entreprises. Certes, elle induit peut-être une certaine complication et engendrera sûrement un coût supplémentaire, mais elle constitue un facteur d'attractivité extrêmement important pour que de plus nombreux salariés se tournent vers les petites et moyennes entreprises.
En effet, l'absence de comité d'entreprise, d'activités sociales détourne les salariés, en particulier les meilleurs d'entre eux, des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises.
Par conséquent, la disposition présentée dans l'amendement n° 274, loin de constituer un handicap, représente plutôt un atout. Mais il faut savoir se projeter dans l'avenir pour s'en rendre compte !
M. le président. L'amendement n° 342 rectifié, présenté par MM. Longuet et Zocchetto, est ainsi libellé :
Avant l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le quatrième alinéa (2°) de l'article 87 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, après les mots : « Que le complément du capital et des droits de vote soit détenu » sont insérés les mots : « par des personnes exerçant la profession d'avocat, sous le titre d'avocat ou sous l'un des titres figurant sur la liste prévue à l'article 83, ou »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 342 rectifié bis.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement tend à réparer utilement un oubli du législateur au moment de la transposition, par la loi du 11 février 2004, de la directive 98/5/CE du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise.
Je tiens à indiquer que, en vertu d'une délégation de la commission des affaires économiques, la commission des lois est compétente s'agissant de l'article 45. C'est donc son rapporteur pour avis qui s'exprimera maintenant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. On ne peut qu'être favorable à cet amendement qui tend à apporter une précision sur les modalités d'établissement en France d'une succursale d'un groupement étranger. Il vise une hypothèse qui avait été omise lors d'une précédente réforme relative à la détention de la minorité du capital par d'autres avocats n'exerçant pas forcément au sein de la structure. Une telle situation mérite d'être envisagée. Cette correction des dispositions que nous avions votées précédemment est utile. Par conséquent, la commission des lois émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 45.
Article 45
La loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales est modifiée dans les conditions suivantes :
1° L'article 5-1 est complété par les deux alinéas suivants :
« Pour chaque profession, des décrets en Conseil d'État pourront prévoir que, compte tenu de ses caractéristiques propres, les dispositions du présent article ne lui sont pas applicables.
« Les sociétés constituées avant l'entrée en vigueur des décrets prévus à l'alinéa précédent doivent, dans un délai de deux ans à compter de cette date, se mettre en conformité avec les dispositions de ces décrets. À l'expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne satisfaisant pas aux conditions fixées par ces décrets n'ont pas cédé les parts ou actions qu'ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. À défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu. » ;
2° Il est inséré à l'article 6 un deuxième et un troisième alinéas ainsi rédigés :
« Ces mêmes décrets pourront, pour chaque profession, limiter le nombre de sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice de cette profession dans lesquelles une même personne morale exerçant celle-ci ou une même société de participations financières de professions libérales peut détenir des participations directes ou indirectes.
« Les sociétés constituées avant l'entrée en application des décrets prévus à l'alinéa précédent doivent se mettre en conformité avec les dispositions de ces décrets selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 5-1. » ;
3° L'article 9 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les actions à dividende prioritaire sans droit de vote existantes au jour de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale ou créées en application de l'article L. 228-29-8 du code de commerce ne peuvent être détenues par des professionnels exerçant leur activité au sein de la société.
« Les droits particuliers attachés aux actions de préférence mentionnées à l'article L. 228-11 du code de commerce ne peuvent faire obstacle ni à l'application des règles de répartition du capital et des droits de vote, ni aux dispositions de l'article 12 de la présente loi. »
M. le président. L'amendement n° 424, présenté par MM. Darniche et Retailleau, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° - L'article 5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutes les parts ou actions de la société doivent être possédées en pleine propriété, à l'exception, le cas échéant, de celles détenues par des personnes mentionnées aux 2° et 3° ci-dessus. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 179, présenté par M. Cambon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° et le 2° de cet article :
1°- L'article 5-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Des décrets en Conseil d'Etat pourront prévoir, compte tenu des nécessités propres à chaque profession autre que les professions juridiques et judiciaires, que le premier alinéa ne s'applique pas, lorsque cette dérogation serait de nature à porter atteinte à l'exercice de la profession concernée, au respect de l'indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres.
« Sauf pour les professions juridiques et judiciaires, le nombre de sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice d'une même profession dans lesquelles une même personne physique ou morale exerçant cette profession ou une même société de participations financières de professions libérales peut détenir des participations directes ou indirectes peut être limité dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat selon les nécessités propres de chaque profession. »
2° Après l'article 33, il est ajouté un article 34 ainsi rédigé :
« Art. 34 - Les sociétés constituées avant l'entrée en vigueur des décrets prévus aux deuxième et troisième alinéas de l'article 5-1 doivent, dans un délai de deux ans à compter de cette date, se mettre en conformité avec les dispositions de ces décrets. A l'expiration de ce délai, si un ou plusieurs associés ne satisfaisant pas aux conditions fixées par ces décrets n'ont pas cédé les parts ou actions qu'ils détiennent, la société peut, nonobstant leur opposition, décider de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts ou actions de ceux-ci et de les racheter à un prix fixé, sauf accord entre les parties, dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. A défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette régularisation a eu lieu. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Cet article a suscité beaucoup d'émoi en dehors de l'hémicycle. De quoi s'agit-il ? L'amendement a, en fait,un double objet.
Il vise, tout d'abord, à encadrer plus rigoureusement la dérogation prévue par l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990 tendant à ouvrir le capital majoritaire soit à des personnes physiques ou morales exerçant la profession, soit à des sociétés de participation financière de professions libérales.
Le projet de loi prévoit de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les professions auxquelles l'article 5-1 précité n'aurait pas vocation à s'appliquer. Ce dispositif, qui place le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif sur un pied d'égalité, paraît contraire à la hiérarchie des normes. Une telle dérogation ne semble envisageable que sous réserve que le législateur en fixe les conditions. A défaut, le Conseil constitutionnel pourrait censurer le législateur pour incompétence négative.
C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 179 vise à encadrer plus strictement la dérogation accordée au pouvoir réglementaire en précisant les critères permettant d'exclure certaines professions en faisant référence aux nécessités propres à chaque profession, aux atteintes à l'indépendance et aux règles déontologiques d'une profession concernée.
En outre, et toujours dans le souci de mieux encadrer la dérogation prévue au premier alinéa, il vous est proposé d'apporter une importante précision pour indiquer expressément que les professions juridiques et judiciaires ne sont pas visées par cette dérogation. En effet, le projet de loi initial n'indique pas quelles professions seraient susceptibles de bénéficier de la dérogation qu'il instaure, et il paraît nécessaire de cibler au mieux son champ d'application afin d'éviter que les innovations introduites par la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, ou loi MURCEF, ne soient vidées de leur contenu.
L'amendement n° 179 tend par ailleurs à encadrer plus strictement l'ouverture du contrôle majoritaire des sociétés d'exercice libérale à des personnes extérieures aux professionnels en exercice au sein de la société en permettant, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, une limitation du nombre de sociétés d'exercice libéral dans lesquelles une même personne physique peut prendre des participations. C'est le second alinéa du 1° de l'amendement.
Enfin, ce même amendement opère des corrections de pure forme tendant à expurger des règles de détention du capital des sociétés d'exercice libéral les dispositions transitoires vouées à épuiser leurs effets pour les faire figurer sous un article distinct de la loi du 31 décembre 1990, et à déplacer la disposition relative à la limitation du nombre de sociétés d'exercice libérale de l'article 6, qui concerne les modalités d'intention de la fraction minoritaire du capital, à l'article 5-1, auquel la disposition se rapporte.
Je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir été patients, et j'espère que mon explication a été parfaitement limpide. (Sourires.)
M. le président. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis, présenté par MM. Grignon et Richert, Mme Sittler, M. Leclerc et Mme Keller, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 179 pour le 1° de cet article, supprimer les mots :
exerçant cette profession ou une même société de participations financières de professions libérales
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. J'essaierai de présenter cet amendement avec la même limpidité que M. Hyest.
La limitation du nombre de prises de participations a pour but, dans certaines professions, de garantir l'indépendance des sociétés d'exercice libéral en préservant ces dernières contre le risque de constitution de groupes diffus par le biais de participations croisées ou en cascade.
En effet, certaines personnes physiques ou morales qui n'exercent pas la profession concernée ou qui l'exercent ailleurs que dans la société d'exercice libéral peuvent détenir jusqu'à 25 % du capital, et même jusqu'à 49,99 %, sous certaines formes, éventuellement sous forme d'actions de préférence.
Ces personnes physiques ou morales extérieures pourraient ainsi, avec une minorité du capital, recevoir la quasi-totalité des bénéfices de la société.
Cela n'est pas conforme à l'esprit des sociétés d'exercice libéral, qui sont des sociétés constituées entre professionnels libéraux pour exercer leur profession en toute indépendance, y compris financière.
M. le président. L'amendement n° 425, présenté par MM. Darniche et Retailleau, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour modifier l'article 6 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, remplacer les mots :
une même personne morale exerçant celle-ci ou une même société de participations financières de professions libérales
par les mots :
une même personne physique ou morale
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis vise à étendre le champ de la limitation du nombre de prises de participation au sein des sociétés d'exercice libéral par une même personne à toutes les personnes morales, et non aux seules personnes morales exerçant la profession ou aux sociétés de participation financière de professions libérales.
Cette modification est inutile dans la mesure où la situation visée au présent article a trait à la détention majoritaire du capital des sociétés d'exercice libéral qui n'est ouverte qu'aux sociétés visées dans l'amendement adopté par la commission des lois.
Il n'y a donc pas lieu de viser d'autres sociétés que celles qui sont mentionnées dans l'amendement de la commission des lois dès lors que celles-ci ne sont pas autorisées à entrer dans le capital majoritaire des sociétés d'exercice libéral.
Compte tenu de ces explications, j'invite notre collègue à retirer son sous-amendement. Sinon, je serai contraint d'émettre un avis défavorable sur ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Avant de répondre de manière spécifique aux propositions du rapporteur pour avis contenues dans l'amendement n° 179, je voudrais rappeler le contexte dans lequel s'inscrit cet article.
Nous devons trouver un équilibre délicat entre deux impératifs.
Il faut, d'une part, préserver les conditions nécessaires à la déontologie des professions libérales ; ces dernières sont soumises à un statut particulier, et leur déontologie peut être compromise par une dépendance capitalistique.
Il faut, d'autre part, permettre le développement de nos entreprises libérales, dans un contexte de concurrence européenne et internationale, ce qui exige des moyens financiers et donc des capitaux.
La modernisation de notre économie est indispensable si nous voulons que nos entreprises puissent rivaliser avec leurs concurrentes étrangères dans de nombreux secteurs. Dans certains secteurs, et dans des conditions qui doivent bien entendu être encadrées, il est donc nécessaire de permettre à nos entreprises de regrouper leurs forces.
Face à ces contraintes complexes et parfois même contradictoires - nous le voyons bien dans ce débat -, nous devons faire preuve de prudence avant toute modification des règles du jeu.
Votre amendement, monsieur Hyest, permet notamment de clarifier les conditions dans lesquelles le pouvoir réglementaire pourra interdire la détention majoritaire du capital par des personnes extérieures aux professionnels en exercice au sein de la société d'exercice libéral. Par ailleurs, il exclut les professions juridiques et judiciaires du dispositif mis en place, ce qui paraît légitime au regard de leurs caractéristiques propres.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Il est, en revanche, défavorable au sous-amendement n° 243 rectifié bis, partageant les arguments limpides qui ont été présentés par M. le rapporteur pour avis.
M. le président. Monsieur Leclerc, le sous-amendement n° 243 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Tout cela est la conséquence de la loi MURCEF qui « chapeaute » l'ensemble des professions libérales.
J'ai bien écouté M. le ministre nous dire qu'il faut aujourd'hui favoriser le développement des activités.
Mais le fait que des personnes ayant une participation dans la société d'exercice libéral n'excédant pas 25 % disposent de 60 % à 75 % des bénéfices est contraire à l'esprit des sociétés d'exercice libéral. On voit déjà, sur le terrain, se constituer des chaînes. Si nous sommes en train de changer les règles, il faut que les choses soient claires, qu'on le dise et qu'on prévienne les professionnels.
Ma perspective étant différente de celle que l'on veut nous imposer ce soir, je maintiens ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Cher collègue, votre sous-amendement est inutile.
L'article du projet de loi, amendé par la commission des lois, donne satisfaction à votre inquiétude. Je ne comprends dès lors pas pourquoi vous désirez maintenir ce sous-amendement.
Une telle disposition est dangereuse pour la clarté du texte. Si votre sous-amendement était adopté, cela troublerait ce que nous avons essayé de mettre en place et qui répond à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Ayant totalement confiance en M. le ministre et M. le rapporteur pour avis, et fort des assurances qu'ils me donnent l'un comme l'autre, je retire mon sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 243 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 179.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 242 rectifié bis est présenté par MM. Grignon et Richert, Mme Sittler, M. Leclerc et Mme Keller.
L'amendement n° 426 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 9 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 :
« Les actions de préférence mentionnées à l'article L. 228-11 du code du commerce ne sont pas autorisées dans les sociétés d'exercice libéral. »
La parole est à M. Dominique Leclerc, pour défendre l'amendement n° 242 rectifié bis.
M. Dominique Leclerc. Les actions de préférence peuvent conférer à leurs détenteurs des droits particuliers de toute nature leur assurant, au sein de la société, une position prépondérante. Le second alinéa proposé par le Gouvernement fixerait des limites à cet égard en ce qui concerne la quotité du capital, les droits de vote et les fonctions dirigeantes au sein de la société d'exercice libéral.
Cependant, le risque subsisterait de voir des associés, personnes physiques ou morales, n'exerçant pas la profession ou l'exerçant en dehors de la société, se partager l'essentiel des dividendes, quelle que soit leur part dans le capital. Une telle situation serait inacceptable dans des sociétés spécialement conçues pour permettre à des professionnels libéraux l'exercice en commun et en toute indépendance de leur profession.
Les actions de préférence n'ont donc pas leur place dans les sociétés d'exercice libéral.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Le dernier alinéa du texte proposé par le 3° de l'article 45 du projet de loi pour l'article 9 de la loi du 31 décembre 1990 prévoit déjà d'encadrer l'usage des droits particuliers conférés aux actions de préférence. Ces dernières ne doivent en effet pas servir à contourner les règles destinées à garantir l'indépendance des professionnels exerçant au sein des sociétés d'exercice libéral. C'est là l'une des préoccupations de notre collègue.
En conséquence, le projet de loi prévoit déjà que les droits conférés à ces actions ne pourraient faire obstacle ni à l'application des règles de répartition du capital et des droits de vote ni aux dispositions de la loi du 31 décembre 1990 qui imposent notamment que certaines fonctions de dirigeants sociaux soient réservées aux seuls professionnels exerçant dans la société.
Tous ces éléments me conduisent à penser que le dispositif initial du projet de loi constitue une protection suffisante et qu'il n'y a pas lieu de supprimer complètement l'usage des actions de préférence au sein des sociétés d'exercice libéral.
Vous en aurez déduit, mon cher collègue, que je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 242 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 242 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 45, modifié.
(L'article 45 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 45
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 322 est présenté par M. Leclerc et Mme Procaccia.
L'amendement n° 428 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du troisième alinéa de l'article L. 5125-7 du code de la santé publique est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Sauf le cas de force majeure constaté par le représentant de l'Etat dans le département, une officine créée ou transférée depuis moins de cinq ans ne peut faire l'objet d'une cession totale ou partielle ni être transférée ou faire l'objet d'un regroupement. Une officine issue d'un regroupement ne peut être transférée avant l'expiration du même délai. Celui-ci court à partir de la notification de l'arrêté de licence. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour défendre l'amendement n° 322.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement concerne le maillage territorial des officines de pharmacie. Le magazine L'Expansion du mois de juin, qui est consacré aux professions libérales, souligne d'ailleurs les nombreuses difficultés rencontrées par ces officines.
Cet amendement vise à aider les petites officines, en particulier en territoire rural, qui ne trouvent plus d'acquéreurs et pourraient donc être conduites à fermer et, ainsi, à ne plus pouvoir assurer le service de proximité, pourtant essentiel.
Cet amendement ainsi que l'amendement n° 341 présentent plusieurs solutions pour garantir le maillage : permettre le regroupement de plus de deux officines lorsque les conditions locales le requièrent, et ce quelle que soit la taille de la commune considérée ; supprimer l'obligation de conserver pendant cinq ans un nombre de pharmaciens équivalent à celui des officines regroupées, obligation qui rend l'opération économiquement dissuasive ; lever l'interdiction de revente avant cinq ans de l'officine regroupée, afin notamment de favoriser sa reprise par de jeunes pharmaciens au moment du départ en retraite des précédents titulaires.
Mais, pour éviter les opérations spéculatives, la revente d'une officine nouvellement créée ou le transfert d'une officine nouvellement créée ou regroupée resteraient interdits avant la fin d'une période de cinq ans.
Cet amendement vise donc à modifier, par le biais de l'article L.51-25-7 du code de la santé publique, ces dispositions.
M. le président. L'amendement n° 428 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 322 ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission a été sensible aux difficultés des officines pharmaceutiques exposées par notre éminente collègue Catherine Procaccia, coauteur, avec M. Leclerc, de cet amendement n° 322.
La commission a estimé que le dispositif suggéré par Mme Procaccia pouvait être de nature à stabiliser la situation sans pour autant être contraire ni aux intérêts de la population ni aux intérêts collectifs d'aménagement du territoire et d'équipement des communes. C'est pourquoi elle a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Et nous aussi !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 341 est présenté par M. Leclerc et Mme Procaccia.
L'amendement n° 429 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les quatre premiers alinéas de l'article L. 5125-15 du code de la santé publique sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Plusieurs officines situées dans une même commune peuvent, sous les conditions fixées à l'article L. 5125-3, être regroupées en un lieu unique, à la demande de leurs titulaires.
« Le lieu de regroupement de ces officines est l'emplacement de l'une d'elles, ou un lieu nouveau situé dans la même commune. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 341.
Mme Catherine Procaccia. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés à l'instant, puisque cet amendement n° 341 entre dans le cadre du dispositif que je viens de présenter, l'objectif étant toujours d'assurer le maillage territorial et la proximité des services.
M. le président. L'amendement n° 429 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 341 ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement apporte une précision complémentaire essentielle. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 349 rectifié est présenté par MM. Grignon et Richert, Mmes Sittler et Keller.
L'amendement n° 427 est présenté par MM. Darniche et Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l'article L. 5125-17 du code de la santé publique sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Tout pharmacien associé dans une société exploitant une officine et qui y exerce son activité doit détenir au moins cinq pour cent du capital social et des droits de vote qui y sont attachés.
« Dans une société en nom collectif ou à responsabilité limitée, ou une société d'exercice libéral à responsabilité limitée, il peut, en outre, si les statuts le prévoient, se voir attribuer des parts d'industrie. Le délai de cinq ans mentionné au troisième alinéa de l'article L. 5125-7 ne fait pas obstacle à cette faculté.
« La qualité d'associé en industrie est prévue pour une durée maximale de cinq ans, éventuellement renouvelable une fois pour trois ans. »
Ces deux amendements ne sont pas soutenus.
Article 46
M. le président. Je rappelle que l'article 46 a été retiré par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Il n'y a pas lieu de se réjouir du retrait, annoncé après la discussion générale par M. le ministre, de cet article relatif au chèque emploi pour les très petites entreprises. En effet, ce n'est pas parce que le Gouvernement a entendu les critiques suscitées par l'article 46 qu'il retire ce texte.
Lors de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique comme à l'occasion de la publication de l'ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003, tant les opérateurs économiques que les organisations syndicales et les parlementaires avaient déjà exprimé leur scepticisme à l'égard de ce type de dispositif.
Rien n'a changé aujourd'hui : pour preuve, mes chers collègues, je vous renvoie au rapport pour avis de la commission des affaires sociales...
Si l'article 46 disparaît du présent projet de loi, c'est pour mieux réapparaître dans les très prochaines ordonnances. Une fois de plus, le Gouvernement prive le Sénat d'un débat au fond sur la question. Cela avait déjà été le cas avec le TEE, le titre emploi-entreprise, et la loi pour l'initiative économique.
Si le groupe socialiste souhaitait la suppression de cet article 46 tendant à transformer le TEE en chèque emploi TPE, c'est parce que, sous la forme actuelle comme sous la forme envisagée pour le futur, ce type de dispositif peine à convaincre.
Il y a d'abord un problème d'efficacité, et j'en veux pour preuve l'échec du dispositif du TEE, mis en place par l'ordonnance de décembre 2003.
A l'époque, le TEE était déjà présenté comme un moyen de simplification administrative, indispensable pour les entreprises et qui allait permettre de lever moult obstacles à l'embauche. Quel est le résultat un an et demi plus tard ? C'est un échec ! Alors que le lancement du TEE a été financé à hauteur de 4,5 millions d'euros par l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en 2004 et en 2005, on estimait à la fin du mois de février 2005 qu'à peine 11 000 salariés étaient rémunérés par le biais du TEE.
Le Conseil de la concurrence tire lui aussi un bilan sévère pointant la complexité du TEE, dans son avis du 12 juillet 2004.
En plus de son inefficacité, l'élargissement de ce type de dispositif pose un problème de fond : incontestablement, la formule éloigne les salariés du code du travail et de l'application des conventions collectives. Sans contrat de travail ni fiche de paye, quelles garanties le salarié a-t-il que l'employeur respectera sa parole quant à la durée de sa présence dans l'entreprise ou quant au montant de sa rémunération ? Comment s'assurer que toutes les heures effectuées seront rémunérées ?
Ne perdons pas de vue que les salariés embauchés dans ce cadre sont particulièrement isolés, voire précarisés. Pour eux, la question de l'accès aux mêmes droits que la majorité des salariés se pose donc.
On peut aussi avoir des inquiétudes quant au périmètre d'application du chèque emploi TPE. Pour le Premier ministre, ce chèque emploi devait être réservé aux TPE, mais, tel qu'il était rédigé, l'article 46, ou, plus précisément, le texte proposé pour le 1° de l'article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale, ne prévoyait aucune limite. En effet, il était précisé que le chèque emploi TPE serait utilisable par les entreprises « dont l'effectif n'excède pas un seuil fixé par décret » sans aucune référence à un texte actuel. C'était la porte ouverte à toute augmentation des seuils et à toute déréglementation !
Un autre effet de ce chèque que l'on peut craindre est ce que les organisations syndicales auditionnées ont appelé à juste titre une « opération de blanchiment du travail illégal ».
On ne peut douter que ce chèque permettra de faire surgir du néant de nombreux emplois aujourd'hui « au noir », ce qui allégera d'ailleurs d'autant les statistiques du chômage. Mais est-on sûr que tous les salariés concernés et toutes les heures effectuées seront dorénavant déclarés ? On peut légitimement craindre la mise en place d'un système double, par exemple dix heures déclarées pour cinq heures non déclarées. Comment éviter ces dérapages ?
Enfin, une dernière question subsiste quant à l'articulation entre le futur chèque emploi TPE et le dispositif du même genre proposé par Jean-Louis Borloo, à savoir le chèque emploi-service universel pour les services à la personne. N'y aura-t-il pas de redondances ou de contradictions entre les deux dispositifs ?
On ne peut donc pas se réjouir du retrait de cet article 46 tant les interrogations sont nombreuses sur les intentions du Gouvernement !
Article additionnel après l'article 46 ou après l'article 47
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 91 est présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 218 est présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 46, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 118-6 du code du travail, le second alinéa de l'article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du livre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage, ainsi que le second alinéa du VI de l'article 20 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail, sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 91.
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'article 130 de la loi de finances pour 2005 a modifié les conditions de la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales patronales dues au titre des salaires versés aux apprentis ou aux élèves de l'enseignement technologique lors de leur stage.
Jusqu'alors, la prise en charge était acquise pendant toute la durée du contrat d'apprentissage, soit deux ans à compter, en général, de la rentrée scolaire, c'est-à-dire de septembre.
Curieusement, la loi de finances a limité cette aide à la période courant entre le début du stage et « la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technique préparé ». Tout cela pour récupérer trois mois de cotisations ! C'est bien mal récompenser les maîtres d'apprentissage animés de la volonté de bien former leurs apprentis. En somme, dès que ces derniers obtiennent leur diplôme, on sanctionne leur maître d'apprentissage !
Cette mesure, que je qualifierai de « mesquine », monsieur le ministre, a été très mal ressentie par les maîtres d'apprentissage, qui l'ont subie comme un camouflet et un déni de leur rôle en matière de formation : en poussant, certes, le trait, on pourrait dire que, mieux un jeune est formé et plus vite il obtient son diplôme, moins son maître d'apprentissage est bien traité ! Beau remerciement pour l'engagement des maîtres d'apprentissage à former des apprentis !
Il est donc tout à fait essentiel d'abroger la mesure introduite par l'article 130 de la loi de finances pour 2005.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 218.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Les arguments avancés par M. le rapporteur en faveur de la suppression de cette mesure, qui, en effet, ne témoigne pas d'une grande confiance envers les entreprises et les maîtres d'apprentissage, ayant été fort bien présentés, je ne les reprendrai pas mais j'en apporterai quelques autres.
D'abord, cette mesure a en outre un coût administratif pour l'entreprise, puisque celle-ci doit informer l'URSSAF de la date d'obtention du diplôme par le jeune, en même temps qu'un coût pour l'administration, puisque celle-ci va devoir gérer ces informations. Or je ne crois pas que l'heure soit à l'accroissement des coûts !
Ensuite, elle ajoute des incertitudes dans la gestion des entreprises, puisque ces dernières ignorent à quel moment elles perdront le bénéfice de l'exonération.
Enfin, comme l'a si bien dit Gérard Cornu, c'est une sanction à l'encontre de ceux qui sont efficaces, qu'il s'agisse des élèves ou des maîtres d'apprentissage.
La position de la commission des affaires sociales, position que son rapporteur pour avis sur le budget de la formation professionnelle, Mme Janine Rozier, avait d'ailleurs déjà défendue lors du vote de la loi de finances, rejoint donc totalement celle de la commission des affaires économiques, et nous espérons que, ce soir, il sera possible de revenir sur cette disposition.
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 47, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 130 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 est abrogé.
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. L'article 130 de la loi de finances a en effet abouti, d'une part, à pénaliser indûment l'entreprise, qui n'a pas la possibilité de mettre fin par anticipation au contrat d'apprentissage en cas de succès de l'apprenti à son examen, et, d'autre part, à sanctionner les maîtres d'apprentissage efficaces, capables de conduire rapidement leurs apprentis au succès.
Nous souhaitons donc nous aussi l'abrogation de cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je remercie la commission des affaires sociales d'appuyer la commission des affaires économiques et de défendre avec elle la bonne cause des maîtres d'apprentissage.
Quant à l'amendement n° 277, s'il a une rédaction légèrement différente, il a le même fond : cet amendement étant satisfait par les amendements identiques nos 91 et 218, j'en demande le retrait afin que nous votions dans un même élan l'abrogation de cette petite mesquinerie.
M. le président. Monsieur Dussaut, l'amendement n° 277 est-il maintenu ?
M. Bernard Dussaut. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 277 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 91 et 218 ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui permettent de revenir à un régime d'exonération des cotisations sociales couvrant l'intégralité du contrat d'apprentissage jusqu'à son expiration, et cela même après que l'apprenti a obtenu son diplôme ou le titre qu'il préparait et quitté l'entreprise.
Cela paraît tout à fait juste et souhaitable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 91 et 218.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46.
Article additionnel après l'article 46
M. le président. L'amendement n° 345, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 46, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 128-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les associations visées à l'article L. 52-5 du code électoral peuvent utiliser le chèque-emploi associatif quel que soit le nombre de leurs salariés. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je regrette moi aussi que le Sénat n'examine pas l'article 46, qui aurait mérité un vrai débat.
En outre, le journal du Sénat ayant présenté mes amendements sur cet article, je risque d'être accusé de publicité mensongère, sachant qu'ils ont disparu avec l'article ! (Sourires.) Il me faudra les déposer à nouveau à l'occasion de l'examen du texte relatif au développement des services à la personne !
S'agissant de l'amendement n° 345, il tend à permettre aux associations visées à l'article L. 52-5 du code électoral d'utiliser le chèque-emploi associatif quel que soit le nombre de leurs salariés.
A l'heure actuelle, les associations employant trois salariés au plus peuvent déjà recourir au chèque-emploi associatif, en vertu de l'article L. 128-1 dont je rappelle les termes des trois premiers alinéas :
« Un chèque-emploi associatif peut être utilisé par les associations à but non lucratif employant trois salariés au plus, pour rémunérer des salariés et pour simplifier les déclarations et paiements afférents aux cotisations et contributions dues au régime de sécurité sociale ou au régime obligatoire de protection sociale des salariés agricoles, au régime d'assurance chômage et aux institutions de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévue par l'article L. 143-3.
« Les associations utilisant le chèque-emploi associatif sont réputées satisfaire à l'ensemble des formalités liées à l'embauche et à l'emploi de leurs salariés, notamment celles prévues aux articles L. 122-3-1, L. 212-4-3 et L. 320, aux déclarations au titre de la médecine du travail et du régime des prestations mentionnées à l'article L. 351-2, ainsi qu'à l'obligation prévue à l'article L. 620-3. »
Le présent amendement vise donc à donner aux associations de financement des campagnes électorales, qui ont une durée limitée à un an au plus, la possibilité de bénéficier du chèque-emploi associatif quel que soit le nombre de leurs salariés.
On pourrait s'interroger sur l'utilité de cette disposition pour les associations de financement des campagnes présidentielles, qui sont très organisées et peuvent donc établir de multiples bulletins de salaire.
Il demeure que, dans leur ensemble, les associations de financement des campagnes électorales, tant législatives que cantonales, ne savent jamais à l'avance si elles seront susceptibles d'embaucher un, deux, trois, quatre ou cinq salariés.
C'est pour leur éviter de se poser ce problème que je propose d'étendre la disposition à toutes les associations de financement de campagnes électorales, quel que soit le nombre de leurs salariés.
Cette souplesse ne contrevient pas au droit du travail puisque le chèque-emploi associatif ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié.
Pourquoi donner un caractère d'urgence à cette disposition ? Si j'ai bien compris, le Gouvernement se donne cent jours pour réussir... et il n'en reste plus que quatre-vingt-dix ! Mieux vaut que les associations de financement de campagnes puissent bénéficier dès maintenant de cette disposition, car on ne sait jamais ce qui peut se passer s'il ne réussit pas ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Desessard, vous connaissez ma ténacité et ma volonté farouche quant à la simplification : je souhaite simplifier toujours et encore. C'est une exigence que j'ai souvent rappelée au cours de ce débat. En l'occurrence, votre proposition va dans le sens de la simplification. Il me paraît donc naturel d'émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je tiens à rappeler la nécessité pour les gestionnaires des associations de financement des campagnes électorales de provisionner les charges sociales et de les intégrer dans les comptes de campagnes, afin d'éviter des situations où, une fois l'association dissoute, ces charges resteraient impayées et sans provision comptable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 46.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 47.
Article 47
I. - Après l'article 231 bis Q du code général des impôts, il est inséré un article 231 bis R ainsi rédigé :
« Art. 231 bis R. - Les rémunérations versées aux enseignants des centres de formation d'apprentis sont exonérées de la taxe sur les salaires. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2006. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 47
M. le président. L'amendement n° 314, présenté par M. Raoul, Mme Bricq, MM. Dussaut, Courteau, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 47, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 231 bis Q du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les rémunérations versées aux salariés employés par des personnes ou organismes visés à l'article 231 du présent code aux fins d'accompagner la création d'entreprise sont exonérées de la taxe sur les salaires.
« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2006.
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Afin de promouvoir toutes les actions destinées à favoriser la valorisation de la recherche dans la sphère économique et qui sont de nature à dynamiser le tissu économique sur le terrain de l'innovation, nous proposons de donner un coup de pouce aux structures associatives, tels les incubateurs d'entreprise, qui contribuent à accompagner les créateurs d'entreprises innovantes.
Le présent amendement vise donc à étendre l'exonération de la taxe sur les salaires aux accompagnateurs de création d'entreprise, employés dans des structures sous forme associative - les autres sont soumis à la TVA -, afin d'inciter au développement de ces emplois, qui contribuent largement à la valorisation de la recherche fondamentale dans la sphère économique.
Mme Nicole Bricq et M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Comme je vous l'ai déjà dit, monsieur Dussaut, on a déjà beaucoup fait avec la loi Dutreil I, et on fait encore beaucoup avec ce projet de loi.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Mais, plus on en fait, plus vous en demandez, et ce n'est en effet jamais assez !
M. Bernard Dussaut. Nous vous donnons des idées !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Or je crois que cette majorité, ce gouvernement, n'ont jamais autant fait pour les entreprises. Ils ont beaucoup plus fait que par le passé, d'ailleurs, mais je n'y reviendrai pas !
Mme Nicole Bricq. Non, parce que vous auriez tort !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Toutefois, à chaque fois, vous en rajoutez une couche, comme on dit !
Vous l'aurez compris, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, mais je veux rappeler l'origine de l'exonération prévue par l'article 47.
Un grand nombre d'établissements publics assurant des fonctions de formation bénéficient d'une exonération de la taxe sur les salaires. C'est le cas de l'Etat pour ce qui concerne les rémunérations qu'il verse aux enseignants ; c'est aussi le cas des centres de formation des personnels communaux. Toutefois, s'agissant des enseignants qu'ils emploient, les centres de formation d'apprentis constituent une exception à cette règle : ils sont soumis à cet impôt.
Cet article vise donc à rétablir l'équité entre les différentes formes de formation, afin que, comme le souhaite le Gouvernement, l'apprentissage ne souffre d'aucun obstacle dans le déploiement qui est envisagé au cours de l'année qui vient.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Selon M. le rapporteur, nous en voudrions toujours plus. Ce n'est pas vrai !
Si nous n'acceptons pas cette mesure, c'est parce qu'elle aurait pour conséquence de baisser les salaires, puisque les entreprises embaucheraient d'autres personnes pour bénéficier d'exonérations.
M. Jean Desessard. On pourrait très bien changer de politique ! Ce n'est pas que nous voulons toujours plus, monsieur le rapporteur, c'est que nos choix sont différents, même si nous reconnaissons que les mesures visant à favoriser la création d'entreprises sont ciblées et significatives.
Quoi qu'il en soit, nous sommes prêts à refuser l'exonération des charges sociales sur les bas salaires que le Premier ministre du gouvernement des Cent-Jours a annoncée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 48
M. le président. L'amendement n° 404, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après le quatrième alinéa (3°) de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° - Le produit de la majoration forfaitaire fixée par arrêté ministériel appliquée aux cotisations dues par les entreprises ayant commis une infraction constitutive de travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail.
II - Après le troisième alinéa de l'article L. 241-3 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le produit de la majoration forfaitaire fixée par arrêté ministériel appliqué aux cotisations dues par les entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail. »
III -L'article L. 241-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les cotisations sont soumises à une majoration forfaitaire pour les entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail. »
IV - Le troisième alinéa (1°) de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « ces cotisations sont forfaitairement majorées par arrêté ministériel pour les entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal, définie aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1 du code du travail. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le travail illégal coûte chaque année 55 milliards d'euros à l'Etat. Nous savons tous que ces pratiques antisociales visent toutes le même objectif : se soustraire aux règles protectrices accordées par la loi et par les accords collectifs en faveur des travailleurs salariés.
Ces règles de droit portent aussi bien sur les conditions de travail - durée de travail, repos hebdomadaire, congés, rémunération, etc. - que sur la sécurité sociale.
Le travail illégal participe considérablement à l'accroissement du chômage et affecte le financement de la protection sociale. Lutter contre le travail illégal est donc plus que jamais une priorité. Or les mesures que vous avez prises, monsieur le ministre, n'ont jusqu'à présent pas permis d'endiguer ce problème majeur.
C'est pourquoi nous proposons cet amendement, qui vise à faire payer aux entreprises ayant commis une infraction constitutive du travail illégal une cotisation majorée directement affectée aux cotisations assurant les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès ainsi qu'à la couverture des charges de l'assurance vieillesse et aux cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Il faut tout de même préciser que de telles dispositions ne peuvent qu'aller de pair avec une revalorisation des métiers de l'inspection du travail. En effet, leurs conditions d'intervention se dégradent, tout comme les moyens dont ils disposent, alors que les violations du droit du travail sont plus nombreuses et plus graves. Les agressions verbales et physiques à l'encontre des agents des inspections du travail sont de plus en plus fréquentes et sont très rarement suivies d'une réaction ferme des pouvoirs publics, lesquels doivent pourtant assistance et protection aux fonctionnaires dans l'exercice de leurs missions.
Un corps de fonctionnaires indépendants, disposant d'effectifs et de moyens suffisants, est donc indispensable à la défense des droits, de la dignité et de la santé des salariés dans leur travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement n° 404 est le premier d'une série de mesures proposées par nos collègues du groupe CRC visant à renforcer la lutte contre le travail illégal.
Certes, l'objectif est louable, et il partagé par tous les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Mais, à l'évidence, des divergences existent quant aux moyens d'y parvenir.
Pour m'en tenir à l'exemple cité par notre collègue Mme Demessine, on peut considérer que le système d'amendes pénales qui sanctionne les contrevenants est plus logique que celui de la sanction administrative qu'elle propose.
Mais ce n'est pas tant pour une question de fond que pour une question de forme que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, comme, du reste, sur un certain nombre d'autres amendements qui vont venir en discussion.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je m'attarderai quelques minutes sur cet amendement, afin de gagner du temps ultérieurement.
Sur le plan strictement juridique, on ne peut prétendre que cet amendement est étranger au contenu du projet de loi ou, à tout le moins, de son titre VIII. En effet, plusieurs des articles de ce titre visent à améliorer les conditions d'échange d'informations entre les services chargés de l'application de la législation du travail, de manière à améliorer la lutte contre le travail clandestin. L'amendement n° 404 n'est donc pas, stricto sensu, je vous l'accorde, madame Demessine, un cavalier.
Cependant, les articles 48 à 50 ne tendent à proposer que des réformes de procédure qui, vous en conviendrez, ne posent guère de problème, ni sur le plan technique ni sur le plan politique.
Que la commission des affaires économiques en discute n'est donc pas surprenant, d'autant que la commission des affaires sociales, saisie pour avis, a également pu les examiner.
En revanche, il n'en est pas de même s'agissant du contenu de l'amendement n° 404 et des suivants, lesquels tendent à faire des propositions, très lourdes de conséquences, qui méritent une analyse et des débats approfondis.
Or, pour être efficaces et utiles, cette analyse et ces débats devraient être menés par la commission des affaires sociales, puisque les questions que soulèvent ces amendements relèvent du coeur même de ses compétences. Il ne faut donc pas se tromper de support ni de débat, et la commission des affaires économiques ne souhaite nullement empiéter sur les attributions de la commission des affaires sociales.
En effet, il serait inconvenant de priver nos collègues membres de cette dernière commission d'un débat qui les concerne au premier chef.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 405, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 125-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une entreprise est déjà sous-traitante d'un marché, elle ne peut sous-traiter à son tour ce marché ou une partie du marché à un tiers ».
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Alors que l'article 48 de ce projet de loi est censé éradiquer le travail illégal, nous nous étonnons de constater qu'aucune disposition ne concerne l'interdiction du dumping social.
Les partisans progressistes du « non » n'ont cessé de se faire traiter de xénophobes ces dernières semaines. Mais quel sentiment faut-il avoir à l'égard des travailleurs étrangers que l'on fait venir travailler en France, en profitant des conditions souvent misérables qu'ils connaissent dans leur pays ?
Or, sans même qu'il soit question de la directive Bolkestein, les traités de l'Union européenne permettent déjà d'appliquer légalement le dumping social. En effet, la dimension sociale de l'Europe a été sacrifiée sur l'autel du Marché commun.
L'Union économique et monétaire a accentué le parti pris ultra-libéral, a entraîné la refonte des structures sociales européennes sur le modèle anglo-saxon et renforcé les effets les plus nocifs de la concurrence, ceux du dumping social notamment.
Or, avec 18 millions de sans-emploi et plus de 50 millions de pauvres, la situation sociale de l'Europe n'avait pas besoin de cela.
Ainsi, nous avons appris il y a peu de temps que, en sous-traitant - en toute légalité - à une entreprise française qui elle même sous-traitait au Portugal, l'entreprise France Télécom a pu confier la pose de poteaux et de lignes téléphoniques dans le centre et le sud-est de la France à des salariés portugais aux conditions sociales portugaises.
Il en va de même dans le secteur des transports. Les chauffeurs du groupe Norbert Dentresangle viennent ainsi d'apprendre que leur employeur avait commencé à recruter des routiers en Pologne et dans d'autres pays de l'Est, à des salaires trois ou quatre fois inférieurs à ceux qui sont pratiqués en France. Les cheminots ont les mêmes craintes. Le premier train de fret privé, qui n'était donc pas conduit par un agent de la SNCF, a circulé lundi en France. Qui était aux commandes ? Avec quel salaire ?
En fait, ce sont les pratiques de dumping social qui sont xénophobes ! Au mépris des conditions de travail et de la rémunération des salariés, elles recherchent le même double effet que la politique de délocalisation : la baisse globale des coûts de personnel et la pression sur le personnel bénéficiant d'acquis.
C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter cet amendement, qui vise à réduire la chaîne des sous-traitances afin d'éviter les pratiques de dumping social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent, avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 406, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 48 insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-1-1 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'horaire de travail est commun au personnel d'un établissement, d'un atelier ou service ou à une équipe, l'horaire de travail doit être affiché sur les lieux de travail et un double transmis à l'inspecteur du travail. Toute modification de l'horaire doit être précédée des mêmes formalités.
« Lorsque les horaires sont individualisés le décompte des heures de travail effectuées doit être assuré par un moyen d'enregistrement automatique fiable et infalsifiable.
« En cas de litige portant sur le nombre d'heures effectuées l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La dissimulation partielle du temps de travail est devenue ces dernières années l'expression la plus répandue du travail « mal déclaré ». Or, comme l'indique le bilan pour 2001 des commissions départementales compétentes en la matière, la dissimulation partielle des temps de travail a été observée dans la quasi-totalité des secteurs d'activité professionnelle.
Les fraudeurs utilisent généralement des procédés qui visent à faire disparaître les heures effectuées au-delà du contrat : non-tenue des relevés d'heures, absence d'enregistrement des horaires, défaut d'affichage des horaires de travail, falsification ou manipulation des instruments de pointage, destruction des systèmes de calcul de la durée du travail, etc. Autant de méthodes qui rendent plus difficiles, voire impossibles, les enquêtes menées par les agents de contrôle lorsqu'ils tentent de mettre à jour cette dissimulation partielle du temps de travail.
Ces heures occultées échappent ainsi à la masse salariale déclarée aux organismes sociaux et fiscaux pour le prélèvement des cotisations salariales et patronales.
Le Gouvernement affiche sa volonté de combattre les causes du chômage. Or l'expansion des pratiques de dissimulation partielle du temps de travail en est une, et non des moindres.
En effet, non seulement elles génèrent un manque à gagner cruel pour les organismes sociaux qui dépendent des cotisations sociales, mais encore ces méthodes illicites empêchent la création de nouveaux emplois dans les entreprises qui les pratiquent. Il est donc plus que nécessaire de renforcer le contrôle de la durée du temps de travail effectivement réalisée par les salariés, afin que les heures effectuées en plus de la durée initialement prévue dans le contrat soient réellement prises en compte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis défavorable.
Le Sénat a examiné la question du contrôle des horaires de travail lors de la longue et très approfondie discussion de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, voilà trois mois.
La commission des affaires économiques est catégoriquement opposée à ce que l'on revienne ainsi, de manière quasi subreptice, sur des dispositions adoptées si récemment par le Parlement que l'encre en est à peine sèche.
J'ai d'ailleurs tenu hier soir un raisonnement identique à l'intention de M. Dussaut - qui est décidément très présent dans ce débat - lors de l'examen de l'un de ses amendements. Il faut attendre la mise en oeuvre des mesures que nous adoptons. En effet, entre leur adoption et leur application, un délai de trois ou quatre mois peut s'écouler. Et il n'est pas possible de proposer, à chaque fois, des mesures nouvelles : il faut d'abord attendre les premiers effets de leur mise en place. Sinon, nous perdons notre temps.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 406.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 48
I. - Il est créé au titre II du livre III du code du travail un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« RÉPRESSION DU TRAVAIL ILLÉGAL
« Art. L. 325-1. - Le présent chapitre s'applique aux infractions constitutives du travail illégal définies aux articles L. 125-1, L. 125-3, L. 324-1 à L. 324-3, L. 324-9 et L. 324-10, L. 341-6 et L. 365-1. Ces infractions sont recherchées et constatées par les agents de contrôle énumérés aux articles L. 324-12, L. 611-1, L. 611-15 et L. 611-15-1, dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal.
« Art. L. 325-2. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 se communiquent réciproquement tous renseignements et tous documents utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal. Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à leur transmettre tous renseignements et documents nécessaires à cette mission.
« Art. L. 325-3. - Lorsque l'autorité compétente a connaissance d'un procès-verbal relevant une des infractions mentionnées à l'article L. 325-1, elle peut, eu égard à la gravité des faits constatés, à la nature des aides sollicitées et à l'avantage qu'elles procurent à l'employeur, refuser d'accorder, pendant une durée maximale de cinq ans, les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle mentionnées par décret à la personne physique ou morale ayant fait l'objet de cette verbalisation. Il en est de même pour les subventions et les aides à caractère public attribuées par le Centre national de la cinématographie, les directions régionales des affaires culturelles, l'Agence nationale pour l'emploi et les institutions gestionnaires de l'assurance chômage. Cette décision de refus est prise sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourraient être engagées.
« Art. L. 325-4. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 transmettent sur demande écrite aux agents du Centre national de la cinématographie des directions régionales des affaires culturelles, de l'Agence nationale pour l'emploi, des institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage et des collectivités territoriales, tous renseignements et tous documents nécessaires à l'appréciation des droits ou à l'exécution d'obligations qui entrent dans le champ de leurs compétences respectives. Ils disposent en tant que de besoin dans l'exercice de leur mission de lutte contre le travail illégal d'un droit de communication sur tous renseignements et documents nécessaires auprès de ces services.
« Art. L. 325-5. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 peuvent, sur demande écrite, obtenir des organismes chargés d'un régime de protection sociale ou des caisses assurant le service des congés payés mentionnées au livre VII du présent code, tous renseignements ou tous documents utiles à l'accomplissement de leurs missions en matière de travail illégal. Ils transmettent à ces organismes, qui doivent en faire la demande par écrit, tous renseignements et tous documents permettant à ces derniers de recouvrer les sommes impayées ou d'obtenir le remboursement de sommes indûment versées.
« Art. L. 325-6. - Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 ainsi que les autorités chargées de la coordination de leurs actions, peuvent échanger tous renseignements et tous documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal avec les fonctionnaires et agents investis des mêmes compétences et les autorités chargées de la coordination de leurs actions dans les États étrangers. Lorsque des accords sont conclus avec les autorités de ces États, ils prévoient les modalités de mise en oeuvre de ces échanges. »
II. - Les premier et deuxième alinéas de l'article L. 324-13, et les articles L. 324-13-2 et L. 341-6-5 du code du travail sont abrogés.
Au troisième alinéa de l'article L. 324-13, les mots : « ci-dessus » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l'article L. 324-12 ».
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-3 du code du travail, supprimer les mots :
mentionnées par décret
II. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-3 du code du travail, après les mots :
attribuées par
insérer les mots :
le ministère de la culture et de la communication, y compris les directions régionales des affaires culturelles,
et supprimer les mots :
les directions régionales des affaires culturelles,
III. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret fixe la nature des aides concernées et les modalités de la prise de décision relative au refus d'attribution des aides. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à remédier aux difficultés constatées dans l'application du décret du 31 mai 1997 mentionnant les aides à l'emploi et à la formation professionnelle que l'administration peut refuser en cas d'infraction à la législation sur le travail illégal.
Certes, l'article 48 du projet de loi tire les leçons des difficultés d'application de ce décret en autorisant l'adoption d'un autre décret plus adapté. Toutefois, des interrogations subsistent. Ainsi, concernant la durée du refus d'attribution des aides publiques aux entreprises, la durée de cinq années retenue se rapporte-t-elle à la durée pendant laquelle les services de l'Etat peuvent décider d'un refus ou bien s'agit-il de la durée même du refus ? Par ailleurs, existe-t-il une durée au-delà de laquelle les faits sont prescrits ? Si le refus doit être prononcé à partir du moment où l'aide est sollicitée, peut-il pour autant s'appliquer pendant cinq ans, même si l'aide est sollicitée quatre ans après l'établissement du procès-verbal ?
De la même façon, les modalités de la prise de décision et la procédure qui l'accompagne ne sont pas plus claires.
Par ailleurs, parmi les subventions visées par la décision de refus en cas d'infraction, il conviendrait d'ajouter celles qui sont accordées par les services centraux du ministère de la culture et de la communication.
Cet amendement a donc pour objet d'indiquer que le nouveau décret d'application répondra bien à l'ensemble de ces interrogations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 48, modifié.
(L'article 48 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 48
M. le président. L'amendement n° 279, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 362-3 du code du travail, la somme : « 45 000 euros » est remplacée par la somme : « 100 000 euros ».
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Cet amendement a pour objet de renforcer les sanctions financières en matière de travail dissimulé.
Chaque année, le travail illégal se traduit pour l'Etat par une perte de 55 milliards d'euros, soit 4 % du PIB. Sur le plan humain, il conduit à une précarisation absolue des salariés qui en sont victimes, à la fois dans le présent et dans l'avenir, puisqu'ils ne cotisent pas pour assurer leur retraite.
Les salaires - si l'on peut appeler cela ainsi ! - qui sont octroyés sont dérisoires. Les personnes ne bénéficient d'aucune couverture spécifique en cas d'accident ou de maladie professionnelle. Elles ne cotisent pas à l'assurance chômage, ou bien pour une durée inférieure à leurs horaires réels. L'irresponsabilité des employeurs est ici totale et les personnes exploitées par ce biais sont en fait abandonnées à l'effort de solidarité de tous les Français en cas de difficulté.
Dans ces conditions, on comprend qu'il y ait unanimité des responsables publics pour lutter contre ce fléau. Un travail important a déjà été accompli par les fonctionnaires des services concernés, mais il n'a permis de récupérer que 15 millions d'euros. Or la fraude, surtout transnationale, se développe de manière exponentielle.
La lutte contre le travail illégal est un véritable travail de Sisyphe, puisqu'il s'agit, par définition, d'une activité clandestine ou semi clandestine en cas de sous-déclaration.
Les mesures proposées à l'article 48 rencontrent notre assentiment : la mise en synergie des efforts des différents services concernés sera facilitée par la levée du secret professionnel, ce qui constitue un gage de meilleure efficacité. Pour autant, monsieur le ministre, et vous n'en serez pas surpris, nous estimons que la mise en synergie des moyens ne remplace pas leur augmentation.
M. Bernard Dussaut. C'est en réalité à cette aune que se vérifiera sur le terrain la réalité des intentions affichées. A cet égard, nous ne pouvons que réitérer notre inquiétude.
En ce qui concerne les services de l'inspection du travail, nous attirons chaque année l'attention du ministre concerné sur le problème des effectifs. A la fin de l'année 2002, grâce au doublement des postes mis au concours par Martine Aubry, on comptait 1 291 inspecteurs et contrôleurs pour 1 504 950 établissements et 15 millions de salariés. De 1998 à 2002, 82 postes d'inspecteurs et 416 postes de contrôleurs avaient été créés. Or, en 2003, aucun poste n'a été créé, le gouvernement préférant absorber les doubles concours des années précédentes, et, en 2004, le concours a été reporté d'une année, ce qui, compte tenu du temps de formation, a totalement fait disparaître le bénéfice des augmentations qui avaient été réalisées.
La répression du travail illégal ne se fait pas seulement par croisement des fichiers. Elle exige une présence sur le terrain, même si cela déplaît à certains employeurs, qui ne sont évidemment pas les plus honnêtes. Là encore, dans les faits, cela ne se traduira pas par un renforcement des moyens, mais par l'affectation d'une trentaine d'inspecteurs, qui manqueront donc dans d'autres secteurs.
Le développement du « titre-emploi service », que le Gouvernement veut généraliser par voie d'ordonnances, nous fait également douter de la véracité des intentions affichées. Or, nous le savons, ce dispositif facilite la sous-déclaration des heures effectuées, ce qui est une forme très répandue de travail illégal. La précarisation organisée est à l'origine de nombreuses formes de travail illégal. En d'autres termes, le Gouvernement prétend combattre ce qu'il facilite par ailleurs.
J'en viens à un autre aspect de l'article 48 : le renforcement des sanctions administratives. Le nouvel article L. 325-3 prévoit de supprimer les aides publiques à l'emploi et à la formation professionnelle à toute personne physique ou morale ayant fait l'objet d'une verbalisation en matière de travail illégal.
C'est bien, mais encore insuffisant. Que faire, en outre, lorsque l'employeur - mais ce cas est sans doute rare - ne bénéficie pas d'aide publique ?
J'ai ouvert mon propos sur ce chiffre : chaque année, 55 milliards d'euros n'entrent pas dans les caisses de l'Etat. Quel est donc le chiffre d'affaires de ce fléau qu'est le travail illégal ? Quels sont les bénéfices générés ?
Selon nous, pour être efficace, la peine encourue par l'employeur doit être telle qu'elle s'avère dissuasive. En d'autres termes, le jeu ne doit plus en valoir la chandelle si l'on se fait prendre.
C'est pourquoi cet amendement vise à porter le montant de l'amende prévue à l'article L. 362-3 du code du travail de 45 000 euros à 100 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Dussaut, cet amendement relève de la même problématique que celle qui a été soulevée à l'occasion de l'examen des amendements nos 404, 405 et 406. Il ne touche pas aux grands principes, il ne remet pas en cause une politique, il ne propose pas de dispositif nouveau. Il se borne à aggraver les sanctions pesant sur les entreprises qui recourent au travail illégal, en faisant plus que doubler le montant de l'amende maximale, qui passerait de 45 000 euros à 100 000 euros. Comme on dit, vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère !
M. Jean Desessard. Toujours plus !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Non, je n'ai pas dit cela ! Mais attendez la suite...
Dès lors, en raison du caractère circonscrit de cet amendement, la commission des affaires économiques, considérant qu'il n'était pas anormal de sanctionner des entreprises qui faussent les conditions de la concurrence en utilisant des pratiques illicites, a émis un avis de sagesse. (Mmes Nicole Bricq et Michelle Demessine s'exclament.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement, lui, est défavorable à cet amendement, pour deux raisons.
D'une part, le niveau des sanctions pénales applicables à ce type de comportement a déjà été relevé de manière très importante, d'abord par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ensuite par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. On peut évidemment, chaque année, profiter d'une loi pour aggraver encore les sanctions pénales,...
Mme Michelle Demessine. C'est ce que fait Sarkozy !
M. Renaud Dutreil, ministre. ...mais il semble normal que le législateur, lorsqu'il se saisit d'un sujet, cherche à en traiter tous les aspects. Cela a été le cas pour ces deux lois, qui ont toutes deux aggravé la répression pénale.
D'autre part, le texte que nous examinons aujourd'hui vise principalement à renforcer le volet des sanctions administratives, afin de donner à l'administration un levier d'action beaucoup plus souple et plus rapide à manier que les sanctions pénales.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 48.
L'amendement n° 407, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - A compter de la promulgation de la loi n° du en faveur des petites et moyennes entreprises, est mis en oeuvre un plan pluriannuel de recrutement d'agents du corps de l'inspection du travail, en vue de renforcer les moyens d'action contre le travail illégal.
II - Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a pour objet de mettre en oeuvre un plan pluriannuel de recrutement d'agents du corps de l'inspection du travail, en vue de renforcer les moyens d'action contre le travail illégal.
Les missions qui sont aujourd'hui confiées aux agents de l'inspection du travail sont extrêmement vastes. Elles regroupent des attributions de contrôle de l'ensemble de la réglementation du travail, de conseil aux employeurs et aux salariés, ainsi que de conciliation entre les parties en cas de conflits collectifs.
Pourtant, malgré ces vastes tâches, le nombre des agents de l'inspection du travail reste dérisoire. En effet, ils sont 3 700 sur l'ensemble du territoire, pour un total de plus de 2,8 millions d'entreprises, ce qui représente un taux d'un agent de contrôle pour plus de 750 entreprises.
Ce ratio ridiculement faible pose de nombreux problèmes aux agents de l'Etat. Ils ne sont pas à même de mener à bien les missions qui leur sont confiées. En effet, ils font face à une perte d'autorité. Incapables de réaliser un nombre de contrôles suffisants, de nombreux abus et autres infractions restent impunis.
Devant cette situation très préoccupante, on s'étonne que le projet de loi ne prévoie aucun moyen humain ou financier supplémentaire pour lutter contre le travail illégal.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La jurisprudence de l'amendement n° 404, que j'ai largement développée, s'applique au présent amendement, d'autant que le ministre du travail a déjà entrepris récemment une action vigoureuse en matière de recrutement de nouveaux inspecteurs du travail.
J'émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui aggrave en outre les charges de l'Etat.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaite obtenir une précision de M. le ministre.
Ces dispositions sont-elles gênantes parce qu'elles aggraveraient aujourd'hui les charges de l'Etat, et qu'elles doivent donc faire l'objet d'un texte ultérieur, ou bien sont-elles gênantes parce qu'il est prévu que le Gouvernement n'embauchera de toute façon pas de contrôleurs, car cela aggraverait les dépenses de l'Etat ? Autrement dit, s'agit-il de la forme ou du fond ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je crois, monsieur le sénateur, que vous aurez bientôt l'occasion de débattre des effectifs de l'Etat, et je ne doute pas que vous pourrez alors évoquer à nouveau la question des effectifs de l'inspection du travail.
M. le président. L'amendement n° 408, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le premier alinéa de l'article L. 412-11 du code du travail est ainsi rédigé :
« Chaque syndicat représentatif peut désigner, dans les limites fixées à l'article L. 412-13, dans les entreprises et organismes visés par l'article L. 421-1, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès du chef d'entreprise. »
II - Le deuxième alinéa de l'article L. 412-11 du même code est supprimé.
III - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 412-20 du même code, après les mots : « ce temps est au moins égal » sont insérés les mots : « à quatre heures par mois dans les entreprises ou établissements occupant un à quarante-neuf salariés, »
IV - Dans le quatrième alinéa de l'article L. 412-20 du même code, les mots : « au moins cinq cents salariés » sont remplacés par les mots : « moins de mille salariés »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. A l'heure actuelle, l'exercice de la négociation collective relève de la seule responsabilité des organisations syndicales. Les délégués syndicaux sont donc, en principe, les interlocuteurs obligatoires de l'employeur dans la négociation d'entreprise. Or l'implantation des délégués syndicaux dans les petites entreprises reste très faible : en moyenne, seuls 20 % des établissements de dix salariés et plus sont effectivement couverts par un délégué syndical.
Cette situation entrave le développement de la négociation collective dans les petites entreprises. Cette faible possibilité d'y conclure des accords collectifs est d'autant plus préoccupante que celles-ci constituent la cellule de base de notre tissu économique et que la tendance actuelle favorise plutôt, comme vous le souhaitez, l'essor de ces TPE.
Pourtant, certains dispositifs visant à développer le dialogue social dans les petites entreprises ont été mis en place. Ainsi, la loi du 12 novembre 1996 transposant l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 a institué, à titre expérimental, la possibilité pour des accords de branche d'organiser, en l'absence de délégués syndicaux, des procédures de négociation dérogatoires au droit commun impliquant des représentants élus des salariés ou un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative.
De même, les lois du 13 juin 1998 et du 17 janvier 2000 ont repris la procédure de mandatement ou de négociation avec les représentants du personnel pour conclure des accords de réduction du temps de travail. Une telle procédure était d'ailleurs inévitable dans la mesure où ces lois subordonnaient le bénéfice des aides liées à la réduction du temps de travail à la conclusion d'un accord collectif.
Toutefois, ces deux dispositifs ne sont aujourd'hui plus applicables. C'est bien dommage !
Le développement de la négociation collective dans les TPE est donc totalement bloqué et les salariés des PME ne peuvent pas jouir des mêmes représentations et protections que les salariés des grandes entreprises.
C'est pour mettre fin à cette injustice et favoriser le dialogue social, thème auquel vous prétendez avoir un fort attachement, que nous présentons cet amendement, qui vise à faciliter l'implantation de délégués syndicaux dans les PME.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Même position que précédemment, madame Demessine !
La question de la représentation syndicale dans les plus petites des PME est bien trop complexe pour être abordée au détour de cet amendement et sans que nos éminents collègues de la commission des affaires sociales s'en soient saisis.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Demande de renvoi à la commission des articles 49 et 52
M. le président. Je suis saisi, par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 446, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des Affaires économiques et du plan, les articles 49 et 52 du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (n° 297, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur la motion ou son représentant, pour cinq minutes, un orateur d'opinion contraire, pour cinq minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC demande le renvoi à la commission des articles 49 et 52, qui visent à réprimer la fraude aux contrats de travail dans le secteur de l'intermittence du spectacle. En effet, les dispositions prévues dans ces articles constituent une réponse partielle très insuffisante à la profonde crise que traversent les intermittents du spectacle.
En outre, le traitement de l'intermittence n'a pas sa place dans un texte censé relancer l'activité économique des PME.
L'article 49 doit permettre de mieux repérer les fraudes et pratiques malhonnêtes liées à la conclusion de CDD d'usage par les croisements de fichiers.
L'article 52 prévoit la possibilité, pour le Centre national de la cinématographie, d'appliquer des sanctions spécifiques si les bénéficiaires du compte de soutien cinématographique ou audiovisuel ne respectent pas le droit du travail.
Ces dispositions ont donc pour objet de lutter contre les abus liés aux contrats de travail dans le spectacle. Nous n'en contestons pas la nature : il s'agit ni plus ni moins de faire respecter le code du travail.
Mais ces mesures doivent être lues dans le contexte de la crise des intermittents, qui dure depuis le 26 juin 2003, et de la signature du protocole d'accord sur les annexes 8 et 10 de l'assurance chômage, qui concernent les artistes et techniciens du spectacle. Or ces derniers contestent le régime d'assurance chômage qui leur est imposé, le considérant comme profondément injuste et inefficace.
Mon collègue Jack Ralite, avec Marie-Christine Blandin, Catherine Tasca, Serge Lagauche et Catherine Morin-Desailly, fait partie du comité de suivi pour la réforme de l'assurance chômage des intermittents du spectacle. Tous travaillent avec des représentants de la profession et négocient avec le ministère.
Ce travail a eu notamment pour résultat une lecture concordante du problème.
Une moralisation des pratiques est nécessaire, et le comité de suivi n'a eu de cesse de la réclamer. Il faut de vrais contrôles. Toutefois, la politique répressive seule est une impasse. La possibilité de croiser les fichiers, ouverte par l'article 49, est une revendication ancienne des professionnels. Mais, ici, le croisement des fichiers vise à repérer les utilisations abusives de contrats d'intermittents et la nécessité de mieux connaître la situation de l'emploi intermittent n'est pas mentionnée.
Pourtant, la difficulté à résoudre la crise a été considérablement accrue par l'incapacité des institutions, et singulièrement de l'UNEDIC, à fournir des données fiables concernant l'emploi dans le spectacle.
Une meilleure compréhension du secteur permettrait de mener une réelle politique de l'emploi culturel, qui implique tous les intéressés : intermittents, employeurs, collectivités locales, Etat.
La fraude vient en grande partie du sous-financement indécent de la production culturelle dans notre pays.
Ainsi, les collectivités territoriales ont refusé de signer la charte pour l'emploi culturel proposée par le ministère de la culture, sans doute parce que l'objectif de n'aider que les projets culturels respectueux du droit du travail leur semblait irréaliste.
C'est pourquoi il aurait fallu aussi prévoir des modalités permettant aux employeurs et aux employés de se mettre en conformité avec la législation, tout en conservant leur volume d'emploi et leur qualité artistique.
Au contraire, ici, par ces deux articles coincés à la fin d'un projet de loi sans rapport avec la politique culturelle, le renforcement des contrôles est mis en place isolément, et risque donc de se transformer en gigantesque plan social au niveau national.
Ces articles reprennent uniquement l'aspect répressif du projet de charte sur l'emploi dans le spectacle préparé par le ministère de la culture. En revanche, les contreparties censées conforter le volume d'emploi et permettre le respect du droit du travail sont absentes : ainsi, rien n'est proposé pour sortir les conventions collectives de leur état embryonnaire.
Enfin, ces dispositions ne répondent pas à la question posée par la crise profonde du monde artistique et culturel français : comment assurer aux intermittents du spectacle un système d'assurance chômage pérenne et spécifique dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ? Pour cela, les groupes CRC, socialiste et UC-UDF ont déposé une proposition de loi relative à la pérennisation du régime d'assurance chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma. Nous demandons aujourd'hui au Gouvernement qu'il inscrive cette proposition de loi à l'ordre du jour prioritaire.
J'espère vous avoir démontré par ce court exposé que la question de l'intermittence du spectacle ne saurait être traitée ainsi, de manière partielle et par le biais de deux cavaliers législatifs qui interdisent toute réelle discussion.
C'est pourquoi nous demandons le renvoi à la commission des articles 49 et 52, afin d'entamer une véritable réflexion dans cette assemblée sur le traitement que notre société réserve aux artistes et techniciens du spectacle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je suis très surpris par le dépôt de cette motion, et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, sur le fond, prétendre que ces deux articles sont des cavaliers n'est pas sérieux.
En effet, l'article 49 s'inscrit parfaitement dans le cadre du dispositif d'échange d'informations entre services administratifs chargés de la lutte contre le travail illégal, institué par l'article 48, en l'étendant au secteur des activités culturelles, qui est couvert par des textes spéciaux.
Par ailleurs, l'article 52 tire les conséquences de cette extension en proposant de renforcer et d'élargir le pouvoir de sanction du directeur général du Centre national de la cinématographie à l'encontre des entreprises du spectacle qui ne respectent pas la législation en vigueur. Il me semble que c'est plutôt de nature à conforter le droit des intermittents du spectacle, puisque les entreprises coupables de pratiques répréhensibles vont être plus durement punies.
Ensuite, sur la forme, suggérer que la commission n'a pas correctement effectué son travail d'analyse n'est pas seulement désobligeant, c'est également erroné. Contrairement à des situations dans lesquelles les impératifs de l'ordre du jour prioritaire rendent parfois, on doit le concéder, la demande de renvoi d'un texte à la commission plus compréhensible, là, nous avons disposé, avec nos collègues de la commission, de deux mois pour travailler, forger notre opinion, proposer des amendements.
J'ajoute que, sur l'article 52, précisément, j'ai pu bénéficier du soutien technique de la commission des affaires culturelles pour forger mon analyse. A cet égard - et je sais gré à nos collègues du groupe CRC de m'en donner l'occasion - je tiens à en remercier publiquement le président de cette commission, notre collègue Jacques Valade.
Enfin et surtout, mes chers collègues, quelle est cette manière de procéder ? Plus d'un mois après la publication du rapport, le matin même de la discussion de l'article 49 en séance publique, vous déposez une motion en jugeant indispensable son renvoi à la commission ?
Dois-je vous rappeler que le projet de loi a été déposé le 13 avril 2005, voilà plus de deux mois, que le rapport a été adopté en commission le 10 mai suivant, voilà un mois, que le délai limite de dépôt des amendements a été fixé au 10 juin et que la commission a examiné les amendements portant sur les articles du titre VIII le 14 juin ?
Il vous aurait fallu tout ce temps pour estimer qu'il y avait un problème ? Je n'ose le croire !
Et ce problème est-il si profond ? Sauf erreur de ma part, pas une seule fois vous ne l'avez évoqué dans les termes que vous retenez pour justifier votre motion. En particulier, vous n'avez jamais soulevé cette question lors de nos réunions de commission, auxquelles - je dois vous le concéder - vous êtes souvent présents. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait à ce moment-là ? Pourtant, c'est bien lors de l'un de ces rendez-vous réguliers et faits pour en discuter que nous aurions pu l'examiner.
Ainsi, mes chers collègues, je regrette de vous le dire, votre demande de renvoi en commission ne semblant pas étayée par les faits, je demande au Sénat de ne point y donner satisfaction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Après cette série d'arguments implacables, le Gouvernement tient à rassurer immédiatement les sénateurs de l'opposition quant à la politique menée par le Gouvernement sur la question de l'assurance chômage des artistes et techniciens.
Aujourd'hui même - vous le savez peut-être, madame Demessine - s'est tenue, rue de Valois, une réunion de travail sur l'initiative de mes collègues Renaud Donnedieu de Vabres et Gérard Larcher, mais aussi en présence du président de votre commission des affaires culturelles, Jacques Valade.
Cette séance de travail solennelle, qui réunissait pour la première fois des confédérations signataires ou non de l'accord de 2003, trace le cadre de la négociation à venir pour construire un nouveau système d'assurance chômage des artistes et techniciens, qui devra être opérationnel au 1er janvier 2006.
Ainsi, le Gouvernement agit et il respecte ses engagements.
Par ailleurs, permettez-moi deux remarques : je vous rappelle, d'une part, que le fonds transitoire mis en place et financé par le Gouvernement a réintégré dans leurs droits plus de 2 400 artistes et techniciens exclus en 2004, et, d'autre part, que votre groupe a signé le rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat qui préconisait une intensification de la lutte contre les abus.
Enfin, c'est justement pour obtenir une légitimité totale d'un régime spécifique pour les artistes et techniciens aux yeux de nos concitoyens que nous devons, effectivement, nous donner les moyens de traquer les abus.
J'en viens au fond des mesures contenues dans le projet de loi.
Ce dispositif s'inscrit dans le plan gouvernemental visant au respect du droit du travail et à la lutte contre l'emploi dissimulé. Ce plan comprend un important volet consacré à la lutte contre les abus constatés dans l'emploi de personnels intermittents par les entreprises du spectacle vivant et du spectacle enregistré.
La disposition législative que nous vous proposons a pour objet de permettre au CNC de tirer les conséquences du non-respect du droit du travail, tel que constaté à l'occasion de ses propres contrôles sur pièces, ou des contrôles sur place des organismes habilités en prenant des sanctions financières contre les entreprises ayant fait l'objet de décisions de justice ou de procès-verbaux d'infraction. Jusqu'à présent en effet, ce n'était pas possible : il n'était pas prévu explicitement dans les textes régissant le CNC que de telles sanctions puissent être prises à l'occasion du non-respect du droit du travail, celles-ci étant réservées à des cas particuliers liés au prélèvement des taxes affectées et à la remontée des droits à destination des ayants droit.
La possibilité de prendre des sanctions financières pour non-respect du droit du travail de façon proportionnée aux infractions constatées permettra au Gouvernement d'assurer de manière plus crédible et plus efficace le respect du droit du travail dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel, droit auquel vous êtes certainement très attachés.
Dans ce processus, les droits de la défense seront préservés grâce à la saisine et à l'avis préalable de la commission centrale de contrôle des recettes, dont la composition sera modifiée pour assurer la représentation des secteurs du cinéma, de l'audiovisuel et de la vidéo, les trois secteurs étant concernés par ce dispositif.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 446, tendant au renvoi à la commission des articles 49 et 52.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous poursuivons la discussion des articles.
Article 49
Il est créé dans le code du travail un article L. 122-1-1 bis rédigé comme suit :
« Art. L. 122-1-1 bis. - Dans les secteurs des spectacles, de l'action culturelle, de l'audiovisuel, de la production cinématographique et de l'édition phonographique, les agents de contrôle visés à l'article L. 611-1 du présent code ainsi que les agents du Centre national de la cinématographie, des directions régionales des affaires culturelles, de l'Agence nationale pour l'emploi et des institutions gestionnaires de l'assurance chômage se communiquent réciproquement sur demande écrite tous renseignements et tous documents nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions du 3° de l'article L. 122-1-1 du présent code ainsi que, le cas échéant, à la mise en oeuvre de l'article 13-1 du code de l'industrie cinématographique.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 122-1-1 bis du code du travail, remplacer les mots :
aux dispositions du 3° de l'article L. 122-1-1 du présent code ainsi que, le cas échéant, à la mise en oeuvre de
par les mots :
visées par le premier alinéa de
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article 49.
Mme Nicole Bricq. Notre collègue Catherine Tasca s'est déjà exprimée, lors de la discussion générale, sur cet article ; elle a dit quelles étaient nos réserves sur le dispositif proposé.
Permettez-moi de rappeler notre position.
Cet article est emblématique des reculades successives du Gouvernement dans la gestion de la crise des intermittents du spectacle, qui perdure depuis bientôt deux ans.
L'article 49 vise en effet à transcrire en termes législatifs la seule proposition de nature coercitive qui figurait dans le projet de charte pour l'emploi dans le secteur du spectacle vivant, présenté il y a quelques mois par M. Renaud Donnedieu de Vabres en guise de mauvaise réponse au dépôt par l'ensemble des groupes parlementaires des deux assemblées - à l'exception du groupe UMP du Sénat - de propositions de loi « relatives à la pérennisation du régime d'assurance-chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ». Celle qui avait été déposée par les sénateurs socialistes portait, je le rappelle, le numéro 212.
Je rappelle que ces propositions de loi reprenaient toutes le même texte, qui avait été élaboré par le comité de suivi - dont Mme Tasca fait partie -, et qu'elles tendaient à rétablir dans leurs droits acquis à indemnisation du chômage les intermittents du spectacle.
Or le dispositif de l'article 49 va permettre aux agents de l'inspection du travail, du CNC, des DRAC, de l'ANPE, de croiser leurs fichiers afin de vérifier si les contrats d'usage délivrés aux intermittents dans les « secteurs des spectacles, de l'action culturelle, de l'audiovisuel, de la production cinématographique et de l'édition phonographique » présentent les caractéristiques propres à ces contrats ou s'ils constituent des CDD abusifs.
Les sénateurs socialistes sont favorables, je le dis pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, à la lutte contre l'emploi précaire abusif ; nous avons nous-mêmes préconisé par le passé un meilleur contrôle des entreprises employant abusivement des intermittents du spectacle, notamment par le biais du croisement des fichiers.
Cependant, la priorité, dans le secteur du spectacle vivant et de l'industrie de programmes, se situe d'abord, pour nous, ailleurs et le petit morceau de charte que le Gouvernement rend, par cet article, normatif ne répond aucunement à un an et demi de crise dans le secteur du spectacle vivant, car il ne traite pas la seule question essentielle pour les intermittents, celle du rétablissement d'un régime d'indemnisation chômage sur des bases saines et équitables.
La seule manière de régler cette crise consisterait à inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi que je viens d'évoquer. Le Gouvernement, monsieur le ministre, le sait bien, mais il préfère donner satisfaction au MEDEF, qui, depuis des années, préconise l'abolition des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC qui fixent le régime d'indemnisation chômage propre aux intermittents, comme il préfère éviter le débat épineux, pourtant préconisé par le ministre de la culture dans son projet de charte, de financement diversifié du secteur du spectacle vivant et de soutien à la création.
II est, certes, bien plus facile de légiférer pour réprimer que pour créer....
Le dispositif répressif proposé dans l'article 49 est, en lui-même, par ailleurs, insatisfaisant à plusieurs titres.
Tout d'abord, il n'a vraisemblablement pas sa place dans un projet de loi sur les PME ; certaines chaînes de télévision, TF1, M6 ou même France 2, auxquelles on a beaucoup reproché l'emploi abusif d'intermittents, ne répondent en effet pas à la définition d'une PME.
Il tend, ensuite, à créer un précédent dangereux, en termes de droit du travail, en autorisant les agents d'un secteur d'activité à effectuer leur propre police interne et à devenir, de fait, juge et partie.
Si, par ailleurs, il vise à ce que puisse être contrôlé l'ensemble des entreprises du secteur employant des intermittents du spectacle, seules les entreprises concourant à l'industrie de programmes, à savoir les entreprises cinématographiques et audiovisuelles, seront sanctionnées en vertu de l'article 52. En effet, ne sont prévues dans cet article que des sanctions diminuant l'accès au compte de soutien à l'industrie de programmes : ainsi, un entrepreneur de spectacles, un producteur de disques ayant abusivement recours à des contrats d'usage ne se verraient opposer aucune sanction ?
Enfin, il conditionne l'accès à ce compte de soutien au respect de certaines règles du droit social.
Compte tenu de ces réserves et, surtout, dans l'attente de l'adoption de la proposition de loi permettant de renvoyer, sur des bases précises et saines, les partenaires sociaux à la négociation d'un régime d'indemnisation du chômage, le groupe socialiste préfère ne pas participer au vote sur cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 49, modifié.
Mme Michelle Demessine. Le groupe CRC s'abstient.
(L'article 49 est adopté.)
Article 50
L'article L. 324-12 du code du travail est modifié comme suit :
Après le sixième alinéa, il est inséré l'alinéa suivant :
« Les agents cités au premier alinéa peuvent, sur demande écrite, obtenir des services préfectoraux tous renseignements ou tous documents relatifs à l'autorisation d'exercice ou à l'agrément d'une profession réglementée. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 50
M. le président. L'amendement n° 436, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le titre IV du Livre III du code du travail, ainsi que le chapitre IV du titre VI du même livre, sont intitulés comme suit : « Main-d'oeuvre étrangère et détachement transnational de travailleurs »
II - Il est créé au titre IV du Livre III du code du travail un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Détachement transnational de travailleurs
« Art. L. 342-1- I - Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
« Le détachement s'effectue :
« a)- soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et un destinataire établi ou exerçant en France ;
« b)- soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe.
« II - Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire français peut détacher temporairement des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre l'entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.
« III - Un employeur établi hors de France peut également détacher temporairement des salariés sur le territoire national pour réaliser une opération pour son propre compte, sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.
« Art. L. 342-2 - Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France, et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1.
« Art. L. 342-3 - Les employeurs mentionnés à l'article L. 342-1 sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité, établies en France, en matière de législation du travail pour ce qui concerne les matières suivantes :
« - libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, exercice du droit de grève ;
« - durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, congés pour événements familiaux, congés de maternité, congés de paternité, conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
« - salaire minimum, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires;
« - conditions de mise à disposition des travailleurs par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire, et les garanties dues à ceux-ci;
« - règles relatives à la sécurité, la santé, l'hygiène au travail et la surveillance médicale ;
« - discrimination et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, protection de la maternité, âge d'admission au travail, emploi des enfants, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
« - travail illégal.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions et modalités d'application des dispositions relevant des matières énumérées aux alinéas précédents, les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers, ainsi que les formalités dont ceux-ci sont dispensés.
« Art. L. 342-4 - Un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue, notamment par la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire.
« Dans les situations visées à l'alinéa précédent, l'employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire français.
« Art. L. 342-5 - Les obligations et interdictions qui s'imposent aux entreprises françaises lorsqu'elles font appel à des prestataires de services, notamment celles prévues par l'article L. 325-1 du code du travail relatif au travail illégal, s'appliquent dans les mêmes conditions lorsque les prestations de services sont réalisées par des entreprises établies hors de France détachant du personnel sur le sol français, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 342-6 - Les agents de contrôle visés au titre premier du livre VI du code du travail et les autorités chargées de la coordination de leurs actions sont habilités à se communiquer réciproquement tous les renseignements et tous les documents nécessaires pour faire appliquer les dispositions du présent chapitre. Ils peuvent également communiquer ces renseignements et documents aux agents investis des mêmes pouvoirs dans les pays étrangers et aux autorités chargées de la coordination de leurs actions dans ces pays.
« La nature des informations communicables et les conditions dans lesquelles est assurée la protection des données à caractère personnel sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »
III - L'article L. 341-5 du code du travail est abrogé.
IV - Les dispositions du présent article entrent en vigueur à partir de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 342-3.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement vise à transposer la directive européenne de 1996 sur les salariés détachés.
M. le président. C'est donc un amendement très important !
M. Renaud Dutreil, ministre. Le principe de liberté de prestation de services, inscrit dans le traité de Rome, a contribué, nous le savons tous, au formidable développement des échanges des pays membres de la Communauté européenne, puis de l'Union européenne.
Cette liberté des échanges entre partenaires européens s'est, notamment, traduite par une forte croissance des détachements de salariés employés par des entreprises étrangères sur le sol français et, inversement, des détachements de salariés français dans les pays étrangers.
En 1996, une directive européenne a fixé les règles du jeu en la matière.
L'amendement que vous propose le Gouvernement a pour objet de parachever la transposition de cette directive et de renforcer la législation, afin que soient mieux encadrées les conditions d'application du droit du travail français par les prestataires de services étrangers.
Ce dispositif s'applique tant aux entreprises de l'Union européenne qu'aux entreprises situées hors de l'Union. Il permet ainsi de sécuriser les relations entre les employeurs et leurs salariés et de lutter plus efficacement contre les fraudes.
A l'instar d'autres dispositions figurant dans ce texte, il permettra de protéger les entreprises françaises contre une concurrence déloyale, représentant ce que l'on appelle du dumping social.
Ce texte protégera également les salariés français et les entreprises.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter cet amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 444, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul, Desessard et Courteau, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de l'amendement n° 436 pour insérer un article L. 342-2 dans le code du travail, supprimer les mots :
pendant une durée limitée
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Ce sous-amendement tend à préciser que le salarié d'un employeur établi hors de France est considéré comme détaché dès qu'il commence à travailler sur le territoire national.
L'amendement du Gouvernement est manifestement la conséquence directe de la mobilisation des Français autour du redoutable projet de directive Bolkestein. Il nous permet au moins de constater que la mobilisation de nos concitoyens n'aura pas été inutile : en effet, cet amendement vient se nicher au milieu d'une avalanche de mesures de précarisation et de recul social.
Mais il faut aller au-delà des apparences.
M. le ministre se répand dans la presse depuis deux jours en annonçant qu'avec cette mesure ce funeste projet de directive sera définitivement enterré. Mais il n'en est rien ! En effet, ce que nous lisons dans cet amendement nous montre plutôt un énième effet d'annonce et un bricolage hâtif de vos collaborateurs, monsieur le ministre, à partir de l'article L. 341-5 du code du travail.
Comme le fait si bien dire Lampedusa au prince Salina, en conclusion du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »
L'article L. 342-2 qu'il nous est proposé d'adopter prévoit que : « Est un salarié détaché au sens du présent chapitre tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France, et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français dans les conditions définies à l'article L. 342-1 ».
Qu'est-ce, monsieur le ministre, qu'une durée limitée ? Une semaine, quinze jours, un mois, deux mois, un trimestre, un an ? Ou peut-être plus encore...
Ce que la publicité dont votre amendement est entouré ne dit pas, c'est que cette durée limitée n'est pas définie. Dès lors, trois questions se posent. Quelle sera-t-elle ? Qui va la fixer ? Cette décision sera-t-elle laissée à l'appréciation française ou sera-t-elle prise à Bruxelles par un émule ultralibéral de M. Bolkestein ?
Et que se passera-t-il en dessous de cette durée limitée ? Quel sera le statut du salarié ?
En dessous de cette durée limitée, nous craignons fort que le salarié ne bénéficie pas des garanties de notre droit du travail et de notre protection sociale, et qu'il ne reste soumis au droit du pays d'origine. En l'état actuel de la rédaction de ce texte, rien ne lui garantit, rien ne garantit aux entreprises concurrentes en France, rien ne garantit au monde du travail français que ce n'est pas le droit du pays d'origine qui s'appliquera.
Permettez-nous de faire allusion au grave problème que l'on rencontre aujourd'hui dans le secteur des transports routiers avec le cabotage, pratique qui consiste à faire travailler des conducteurs originaires de l'Est sous-payés, avec des horaires et des conditions de travail scandaleux, pour effectuer des transports intérieurs en France. Rien ne vient clairement limiter cette pratique, parce qu'il n'existe pas de durée limite nettement fixée.
Il est donc absolument nécessaire de fixer cette durée dans la loi. C'est pour obtenir une réponse, et même un engagement précis de votre part, monsieur le ministre, que nous avons déposé ce sous-amendement.
Nous aurions pu - et nous y avons songé - opter pour la durée de huit jours qui est déjà mentionnée dans l'article D. 341-5 du code du travail, pour les travaux de montage initial ou de première installation d'un bien. Mais, là aussi, nous avons relevé un problème fâcheux : cette durée ne concerne pas la construction. Devons-nous alors imaginer que la durée envisagée pourrait varier selon les branches ?
En réalité, tout est possible et, avec ce petit morceau de phrase, vous prétendez résoudre une question grave alors que vous ne résolvez rien.
Nous vous posons donc clairement la question : comment envisagez-vous de définir la « durée limitée » ? Avez-vous encore la capacité de prendre cette décision ?
M. le président. Le sous-amendement n° 445 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul, Desessard et Courteau, Mme Schillinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de l'amendement n° 436 pour insérer un article L. 342-2 dans le code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le délai compris entre deux périodes de mise à disposition d'une durée inférieure au seuil de détachement de salariés par un employeur établi hors de France, pour le compte d'une même entreprise utilisatrice, ne peut être inférieur à un mois.
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Notre second sous-amendement est, en quelque sorte, subsidiaire du premier. En effet, nous sommes partis du principe qu'il était possible que le sous-amendement n° 444 ne soit pas adopté, comme cela arrive parfois. (Sourires.)
Si, d'aventure, une durée plancher assez longue était fixée pour que le salarié détaché entre dans le dispositif de détachement, on pourrait imaginer que certains employeurs établis hors de France fassent effectuer à leurs salariés des missions de courte durée mais répétées.
II suffirait que le salarié quitte le sol français quelques jours, peut-être même quelques heures, et il serait possible de le faire revenir, éventuellement dans la même entreprise utilisatrice. II ne serait alors pas soumis à la nouvelle législation sur le détachement, mais resterait soumis à la législation du pays d'origine, ce qui ne serait pas à son avantage.
Afin de limiter les pratiques frauduleuses de contournement de la loi, auxquelles nous pouvons nous attendre, nous proposons d'interdire que les salariés d'une même entreprise établie hors de France puissent être détachés à répétition pour de courtes périodes dans une même entreprise utilisatrice en France.
Il s'agit d'une position de principe qui doit être affinée, mais chacun comprend bien quel est notre souci, fondé sur l'expérience dont nous disposons déjà.
Je rappelle que l'on dénombre, en France, presque trois millions de chômeurs et que, si l'on compte les travailleurs pauvres, les salariés précaires et les exclus, nous constatons que sept millions de personnes sont frappées par la pauvreté.
C'est un considérable réservoir de main-d'oeuvre qui ne demande qu'à travailler, mais qui a le droit de le faire dans des conditions décentes.
Les entreprises doivent être mises devant un choix clair quant aux conditions d'emploi de leurs salariés. C'est notre responsabilité collective. Prendre en compte la mondialisation ne doit pas signifier abandonner les Français au dumping social et se contenter de suivre la pente de l'ultralibéralisme.
Je rappelle aussi que le dumping social auquel se livrent déjà certaines entreprises, y compris des entreprises françaises établies dans les anciens pays de l'Est, ravage notre économie. Vous avez d'ailleurs fort justement parlé, monsieur le ministre, de la nécessaire protection des entreprises françaises qui perdent des marchés en raison de ce fléau.
II est donc indispensable de disposer, dans l'intérêt de nos entreprises comme dans celui de notre population tout entière, d'une législation claire qui ne soit pas une passoire.
Faute de telles mesures, outre les dégâts pour notre économie que cela pourrait entraîner, ce n'est pas être démesurément pessimiste que de craindre des réactions violentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement n° 436 vise à renforcer la lutte contre les détachements transfrontaliers illégaux de travailleurs en améliorant la définition et les conditions du détachement de travailleurs salariés, en précisant les obligations auxquelles sont soumises les entreprises concernées en matière de respect de la législation du travail et en renforçant les contrôles.
Déposé bien tardivement, le jour même de notre seconde séance d'examen des amendements « extérieurs »,...
M. Gérard Cornu, rapporteur. ... il pourrait se voir appliquer la jurisprudence de l'amendement n° 404 - ne suis-je pas également président du groupe sénatorial d'études sur l'automobile... (Sourires) - mais il m'a toutefois semblé, mes chers collègues, que les problèmes auxquels il entend répondre sont suffisamment connus et inquiétants pour nos concitoyens, cela nous a été rappelé voilà deux semaines, pour que je propose à la commission d'y donner un avis favorable.
De plus, si la rédaction du texte mérite quelques améliorations formelles, il m'a paru préférable de permettre à nos collègues députés de l'examiner avec beaucoup d'attention et dans la sérénité.
Quant aux sous-amendements nos 444 et 445 rectifié, ils n'ont pas été étudiés par la commission. En application de la « jurisprudence 404 » et à titre personnel, je suggère donc à leurs auteurs de les retirer. En effet, il semble bien que ces deux sous-amendements vident de sens le dispositif proposé par le Gouvernement, et je n'ose croire que tel soit l'objectif de nos collègues du groupe socialiste.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Avec ces deux sous-amendements, les sénateurs socialistes tendent à faire croire que l'amendement du Gouvernement ne réglerait pas les problèmes qui ont été au coeur de nos débats.
Il n'en est rien !
L'amendement n° 436 vise en effet à étendre la portée des dispositions relatives au détachement des salariés à toutes les situations de détachement, à toutes les situations de travail, quelle que soit la durée de détachement, et dès le premier jour. On ne peut pas être plus clair : toutes les situations sont prises en compte par cet amendement.
Je pense qu'il y a méprise sur la notion de durée limitée. (M. Jean Desessard fait un signe d'assentiment.) En effet, reprise de la directive communautaire de 1996, elle vise, au contraire, à encadrer ces pratiques en empêchant que puissent être qualifiées sous cette notion des prestations donnant lieu à des détachements de longue durée, qui relèvent de la fraude à la prestation de service transnational et de l'obligation pour l'employeur étranger de s'établir en France. De la sorte, quand il s'agit d'une installation de longue durée, c'est l'intégralité du droit du travail qui s'applique et non seulement les règles impératives qui figurent dans l'amendement.
Les deux sous-amendements n'ont donc pour effet ni d'améliorer la protection des salariés ni de rendre plus clair les règles de droit que nous avons souhaité introduire dans le code du travail.
M. le président. Les sous-amendements nos 444 et 445 rectifié sont-ils maintenus, monsieur Dussaut ?
M. Bernard Dussaut. Je pensais que ces sous-amendements avaient été examinés par la commission des affaires sociales. Or, apparemment, il n'en est rien.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales n'étant pas saisie sur le fond, elle n'a pas pu examiner les amendements « extérieurs » !
M. Bernard Dussaut. Quoi qu'il en soit, si nous nous sommes trompés - ce qui est possible -, et si nous avons mal interprété la notion de durée, si de plus nos sous-amendements vont à l'encontre de ce que nous souhaitons, alors nous les retirons.
M. le président. Les sous-amendements nos 444 et 445 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote sur l'amendement n° 436.
Mme Michelle Demessine. Il aura fallu que les Français s'expriment avec une certaine vigueur à l'occasion du référendum du 29 mai pour que le Gouvernement prenne conscience des dérives d'une construction européenne dominée par le libéralisme...
Mme Michelle Demessine. ...et agisse enfin pour que les droits et la justice s'exercent dans notre pays.
L'amendement du Gouvernement vise à achever de transposer la directive européenne 96/71 du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et tente de renforcer l'encadrement des conditions d'application du droit du travail français à ces salariés étrangers.
En ce qui concerne l'achèvement de la transposition de la directive de 1996, monsieur le ministre, vous créez dans le code du travail un chapitre concernant le « détachement transnational des travailleurs ». Ce faisant, vous semblez donner une portée plus large au principe du pays destinataire vis-à-vis du droit français, mais il nous faudra attendre le contenu de vos décrets pour pouvoir en juger.
De plus, des insuffisances demeurent, en particulier l'inexistence des moyens de défense collective, mais également la question des cotisations sociales, qui continuent à être soumises au droit du pays d'origine.
S'agissant de vos propositions relatives à l'encadrement des fraudes au droit du travail - hormis le manque de moyens humains dont nous disposons pour effectuer les contrôles, que j'ai déjà souligné à l'occasion de la défense de nos amendements sur le travail illégal -, nous voyons bien que le Gouvernement essaie de répondre à un cas de plus en plus fréquent qui a été illustré par l'affaire Constructel. Ce sous-traitant de France Télécom avait en effet fait appel à des travailleurs portugais, traités dans des conditions bien inférieures au droit social français. Cette affaire a d'ailleurs été rappelée au bon souvenir de M. Breton, ancien P-DG de France Télécom, par Marie-George Buffet lors d'une émission télévisée, et les députés et sénateurs communistes l'avaient largement dénoncée au Parlement.
Votre amendement intervient, monsieur le ministre, alors que les Français ont fait entendre leurs craintes au sujet de la directive Bolkestein. Or, on le sait, la procédure communautaire se poursuit.
Après la discussion des amendements proposés par le Parlement européen, puis le débat qui aura lieu en octobre, ce sera au tour du Conseil des ministres européen d'examiner la directive. Or, si elle était adoptée en l'état, elle permettrait d'appliquer largement le droit du pays d'origine et, du même coup, cela ferait tomber toutes vos bonnes intentions.
Mme Michelle Demessine. Chaque Etat ne serait plus libre d'imposer sa législation.
En outre, la directive Bolkestein confie le contrôle de l'application du régime des salariés détachés aux autorités du pays d'origine, ce qui pose le problème de l'efficacité de ce contrôle.
Nos doutes quant à la volonté du Gouvernement se renforcent lorsque nous constatons que M. Marini a déposé une proposition de loi visant à transposer en droit français le statut de la société européenne, ce qui facilitera la mobilité des entreprises, même unipersonnelles, et donc de leurs salariés.
Ces deux textes combinés mettraient, dans une large mesure, un terme à l'application du code du travail français et permettraient toutes les dérives attachées à l'application du droit du pays d'origine.
Vous ne pouvez en effet pas ignorer le principe de supériorité du droit communautaire sur la loi nationale, posé, je le rappelle, dès 1964 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire « Costa contre Enel » et étendu en France en 1992 par le Conseil d'Etat dans la célèbre affaire dite « des tabacs ».
Les sénateurs du groupe CRC, soucieux de la garantie d'une protection sociale effective des travailleurs, vous demandent de respecter la volonté du peuple en exigeant le retrait de la directive Bolkestein - comme nous l'avons réclamé à plusieurs reprises - et en revenant sur votre politique sociale, qui instaure un nivellement par le bas pour les salariés.
Considérant que nous n'en avons pas fini avec ces graves menaces qui inquiètent encore beaucoup les Français, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, j'ai plutôt une attitude positive à l'égard de votre amendement, mais j'ai besoin de vérifier un certain nombre de points.
Tout d'abord, un salarié d'une entreprise étrangère détaché en France sera-t-il véritablement soumis aux mêmes conditions qu'un salarié français ? Sera-t-il soumis au code du travail ?
M. Jean Desessard. C'est bien ce que j'avais cru comprendre. Votre texte va donc à l'encontre de la directive Bolkestein,...
Mme Nicole Bricq. Mais, dans le cas de France Télécom, c'était illégal !
M. Jean Desessard. ... qui prévoit que les entreprises européennes peuvent travailler en France, mais aux conditions sociales du pays d'origine. C'est donc positif par rapport au dumping social. De cette façon, les conditions de travail et de salaires seront les mêmes.
Mais j'ai quand même relevé des insuffisances dans votre proposition. Ainsi, même si, ce qui est très bien, le salarié est soumis aux mêmes conditions que le salarié français, cela n'empêche pas le dumping fiscal, les entreprises visées bénéficiant d'un taux d'imposition sur les sociétés différents.
Il faudra aussi que vous soyez plus clair pour ce qui concerne le montant des charges sociales car, pour l'instant, ce sont celles du pays d'origine.
De plus, un autre problème va se poser, celui des entreprises qui ont leur siège social en France et qui fournissent des prestations transnationales. Votre amendement encadre les détachements sur le territoire national. Mais une société ayant son siège social en France peut très bien avoir des salariés détachés à l'étranger ! Il est donc difficile de dire que le salarié qui fournit des prestations dans différents pays travaille en France. Il manque donc, là aussi, une précision.
Quoi qu'il en soit, je veux saluer votre geste, mais je suis sûr que vous aurez du mal à vous faire entendre sur le plan européen.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 436.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste s'abstient !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50.
L'amendement n° 440, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 50, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Au Chapitre Ier du Titre Ier du Livre Ier du code de la sécurité sociale, après l'article L. 111-2-1, est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 111-2-2. - Sous réserve des traités et accords internationaux, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou à temps partiel :
« - une activité pour le compte d'un ou plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ;
« - une activité professionnelle non salariée. »
II - Dans la section 4 du Chapitre 3 du Titre IV du Livre II du code de la sécurité sociale, après l'article L. 243-7, est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 243-7-1. - Les agents chargés du contrôle visés à l'article L. 243-7 peuvent échanger, avec les agents investis de pouvoirs analogues dans les États étrangers, sous réserve de réciprocité, tous renseignements et tous documents nécessaires à l'appréciation des droits et à l'exécution d'obligations résultant du présent code et des dispositions équivalentes dans l'Etat concerné. »
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Voilà un amendement qui va parachever la satisfaction de M. Desessard et de Mme Demessine, puisqu'il vise à compléter l'amendement n° 436 en insérant dans le code de la sécurité sociale des dispositions qui, relatives à l'affiliation des travailleurs détachés, figuraient précédemment dans le code du travail.
L'amendement n° 440 précise les conditions de leur affiliation au régime obligatoire de sécurité sociale, ce qui implique donc le paiement des charges sociales. Il organise en outre les conditions d'un contrôle efficace en relation avec le pays d'origine de ces salariés.
Vous le voyez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, ces dispositions s'attaquent également à un éventuel dumping social lié à des écarts de charges sociales en affiliant à la sécurité sociale française les salariés travaillant sur notre territoire.
Voilà pourquoi je vous demande également d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement.
A titre personnel, je le voterai, puisqu'il ne fait que compléter le dispositif proposé par l'amendement n° 436 en matière de droit de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le ministre a raison de dire que ce dispositif va dans le bon sens, puisque son amendement tend à harmoniser les charges sociales en fonction des normes françaises.
Mais il est prudent, car il écrit : « sous réserve des traités et accords internationaux ». Et c'est là qu'il risque d'y avoir un problème ! Je pense en effet que, dans le contexte des directives européennes, il sera très difficile de faire respecter cet amendement.
Cela étant, c'est une idée intéressante, et j'attends avec impatience de voir la réaction de l'Europe face à ce projet.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Cet article additionnel me paraît particulièrement bienvenu, et ce pour trois raisons.
La première est que cet article inscrit pour la première fois dans notre droit de manière claire et précise les dispositions qui résultent de la directive de 1996. Il faut en effet garder à l'esprit que, après son adoption par les institutions communautaires, cette directive n'a pas donné lieu à une transposition en droit français.
Cela peut surprendre, mais c'est tout à fait normal et conforme aux exigences communautaires. Il n'est en effet aucunement nécessaire de transposer une directive si le droit national est déjà en accord avec les dispositions qu'elle contient. Or tel était le cas pour la directive de 1996, puisque notre code du travail avait, dès 1993, régi le détachement des salariés d'une manière qui n'était pas en contradiction avec ladite directive.
Toutefois, les dispositions du droit français ne reprenaient pas exactement les termes de la directive. C'est logique, puisque le droit français avait été adopté avant l'adoption même de cette directive à Bruxelles. Grâce à l'amendement que le Gouvernement nous propose aujourd'hui, le droit français coïncidera parfaitement avec la directive de 1996.
La deuxième raison de ma satisfaction tient au fait que ce nouvel article prend en compte l'expérience acquise. Les interventions d'entreprises étrangères en France se sont multipliées au cours des dernières années. Et, dans certains cas, ces interventions ont tiré profit des failles qui pouvaient exister dans notre dispositif législatif national.
Faut-il pour autant critiquer les entreprises qui ont agi ainsi ? Je ne le crois pas. Chacun est dans son rôle, et il revient ensuite au législateur de constater les failles et d'y remédier. C'est ce que propose le Gouvernement dans son amendement, en définissant, par exemple, le détachement pour compte propre, c'est-à-dire le détachement qui se fait sans qu'il y ait de destinataire national. C'est ce qu'il fait également en attirant l'attention des entreprises françaises qui recourent à des prestataires étrangers sur les responsabilités qu'elles peuvent encourir.
La troisième raison de ma satisfaction est la plus importante. C'est celle qui explique que j'aie cru utile de prendre la parole. J'ai en effet le sentiment que, en déposant cet amendement, le Gouvernement a voulu répondre à l'appel de la Haute Assemblée.
Dois-je rappeler que, le 23 mars dernier, le Sénat a adopté, en séance publique, une résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, ce qu'on appelle souvent la directive Bolkestein ? J'avais l'honneur d'en être le rapporteur.
Dans cette résolution, nous demandions solennellement au Gouvernement la confirmation de l'application de la seule directive de 1996 pour le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Nous demandions également le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs.
Je suis sûr que le Gouvernement, en présentant aujourd'hui cet amendement au Sénat, n'a pas seulement pour objectif de permettre une meilleure application de la directive de 1996, mais qu'il veut également répondre à l'appel de la Haute Assemblée.
M. Jean Bizet. Il veut réaffirmer son attachement à l'application de la directive de 1996 et au maintien - c'est très important ! - de la déclaration préalable.
Pour moi, cet amendement n'est pas seulement un amendement de codification et de précision, c'est aussi un geste politique dans le contexte de la négociation à Bruxelles de la directive relative aux services dans le marché intérieur. Il est le signe de l'attitude que prendra le Gouvernement dans cette négociation. Mais je ne sais pas si c'est de nature à rassurer notre collègue Desessard...
C'est donc également pour cette raison que je voterai cet amendement.
Je ne regrette qu'une chose - mais on ne peut pas tout avoir ! - c'est que ce débat n'ait lieu qu'aujourd'hui. Pourtant, en tant que rapporteur, j'avais été très clair sur la directive Bolkestein. Si ce débat avait pu avoir lieu avant le 29 mai - et je ne vise pas là spécialement Mme Demessine -, nous aurions entendu beaucoup moins de contrevérités, de propos démagogiques et nous aurions contribué à moins inquiéter nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Bricq applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50.
Articles additionnels avant l'article 51
M. le président. L'amendement n° 409, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le comité de la Charte sociale du Conseil de l'Europe a lui aussi censuré une disposition de la loi Fillon du 17 janvier 2003. Cette condamnation concerne l'atteinte au droit au repos et vise l'article 3 de cette loi, qui assimile le temps d'astreinte, hors intervention, au temps de repos minimal obligatoire entre deux journées de travail.
Pour le comité, cette assimilation constitue une violation des articles de la Charte qui garantissent le « droit à des conditions de travail équitables ». En outre, cette décision rappelle que « les dispositions de la Charte sur le temps de travail ont pour finalité de protéger de façon efficace la sécurité et la santé des travailleurs ».
Toutefois, du fait même de la valeur juridique de la Charte sociale européenne, la portée de cette décision reste encore limitée. Contrairement au droit communautaire, la Charte ne dispose pas de la menace de sanctions financières contre les Etats pour faire appliquer ses principes. Elle ne peut que soumettre un Etat reconnu fautif à une pression internationale, certes symbolique mais diplomatiquement pénible.
Cependant, les résultats du référendum ont révélé qu'une grande partie de nos concitoyens exigeaient une Europe sociale.
Ce serait alors bafouer le suffrage universel que de considérer cette condamnation comme une simple réprimande et de ne pas appliquer immédiatement les décisions du comité de la Charte sociale européenne.
C'est pourquoi nous présentons cet amendement visant à supprimer de l'article L. 212-4 bis du code du travail les dispositions issues de la loi Fillon qui assimilent le temps d'astreinte au temps obligatoire de repos entre deux journées de travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement n° 409 vise à modifier le code du travail pour satisfaire à la Charte sociale européenne.
Il s'est également vu appliquer la « jurisprudence 404 » par la commission des affaires économiques : celle-ci souhaite en effet que cette question soit, le cas échéant, débattue au sein de la commission des affaires sociales.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 410, présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est abrogé
II - Le second alinéa de l'article L. 212-15-4 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. C'est maintenant la troisième fois que la France est montrée du doigt par le Comité européen des droits sociaux pour ses lois sur le temps de travail.
Ce comité d'experts, qui, je vous le rappelle, est chargé de vérifier l'application de la Charte sociale européenne, a rendu publique dimanche une décision dans laquelle il estimait que deux dispositions de la loi Fillon du 17 janvier 2003 sur le temps de travail violaient certaines dispositions de la Charte sociale européenne, à savoir la définition des périodes d'astreinte et le forfait en jours des cadres.
C'est le second grief qui retient particulièrement notre attention ici : il s'agit du « forfait en jours » pour les cadres, un dispositif plébiscité par les entreprises, qui y ont trouvé un moyen de faire travailler leurs cadres sans avoir à mesurer leur temps de travail.
Les experts du comité ont noté « qu'aucune limite spécifique n'est prévue pour la durée hebdomadaire du travail dans le système de forfait en jours ». Ce système autorise donc les entreprises à faire travailler leurs salariés jusqu'à 78 heures hebdomadaires, sans autre limite que le repos minimal légal de 11 heures par jour et de 24 heures par semaine.
La situation des cadres avec forfait en jours constitue donc « une violation de l'article 2-1 de la charte » en raison de « la durée excessive du travail hebdomadaire autorisé et de l'absence de garanties suffisantes » offertes par la négociation collective.
Face à cette nouvelle condamnation, permettez-moi de remettre en cause votre adhésion aux « valeurs de l'Europe ». J'ai plutôt l'impression que votre vision des institutions européennes est « consumériste » : prendre ce qu'il y'a de plus libéral et délaisser les quelques aspects sociaux...
Il nous paraît plus qu'urgent de se conformer à la Charte sociale européenne, ratifiée par la France, et de supprimer dans le code du travail les articles ou les alinéas qui ne s'y conforment pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Même jurisprudence, monsieur le président : la commission émet un avis défavorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 410.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 51
Après le deuxième alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord peut également préciser que les conventions de forfait en jours sont applicables aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 280 est présenté par MM. Godefroy, Madec, Dussaut, Raoul et Courteau, Mme Schillinger, M. Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 411 est présenté par Mme Demessine, MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Dussaut, pour présenter l'amendement n° 280.
M. Bernard Dussaut. L'article 51 n'a, selon nous, rien à faire dans ce texte. Il s'agit d'un cavalier que le Gouvernement présente subrepticement et, contrairement à l'article 50, sans aucune publicité. Cela se comprend, puisque l'on peut difficilement prétendre que cet article va améliorer la condition des salariés !
Avec ce texte, les conventions de forfait en jours vont pouvoir être appliquées « aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ».
Déjà, la loi du 17 janvier 2003 avait élargi le champ d'application des conventions de forfaits en heures sur l'année aux itinérants non cadres, et les conditions d'indétermination du temps de travail et d'autonomie, auparavant cumulatives, étaient devenues alternatives. Ce n'était pas encore assez !
Avec cet article 51, vous sonnez définitivement le glas de la réduction du temps de travail. Les salariés dont il s'agit, agents d'exécution dont les salaires sont modestes, se voient traités comme la loi du 19 janvier 2000 le faisait pour les cadres autonomes, responsables de leur travail et dotés d'un salaire décent. C'est une dérive que nous avions crainte à l'époque et qui, malheureusement, se réalise.
On est bien loin des refrains sur le thème : « travailler plus pour gagner plus » ! Dans le cas présent, ces salariés modestes vont devoir travailler beaucoup plus longtemps dans la journée pour ne rien gagner de plus. Rapporté au nombre d'heures, cela signifie qu'ils vont gagner moins pour un temps de travail plus long.
Il est vrai qu'encore une fois le Gouvernement s'emploie, par ce biais, à légaliser les pratiques des entreprises qui utilisent des salariés itinérants. On sait en effet que les réparateurs et les livreurs, qui sont par définition sans cesse en déplacement, réalisent un nombre d'heures qui excède souvent largement le nombre d'heures supplémentaires autorisé.
La meilleure solution pour les employeurs, dans une telle situation, est d'obtenir que le verrou saute : le Gouvernement accède à cette demande.
Evidemment, le préjudice est total pour les salariés, qui sont spoliés financièrement et obligés de réaliser des heures de travail excessives, au péril de leur santé et de leur sécurité.
J'ajoute que, s'agissant de salariés itinérants, le fait de devoir conduire dans un état de fatigue excessive est un facteur supplémentaire de dangerosité, pour eux-mêmes comme pour les autres.
Nous considérons que ce texte est tout à fait scandaleux et nous en demandons la suppression.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour présenter l'amendement n° 411.
Mme Michelle Demessine. Avec l'article 51, le Gouvernement propose de modifier le code du travail pour étendre les forfaits en jours sans limite horaire aux salariés itinérants non cadres.
Une fois de plus, c'est au hasard d'une loi sans lien avec le temps de travail qu'une nouvelle mesure de régression est introduite, sans consultation des syndicats de salariés.
L'article 51 est en effet sans relation avec l'objet du texte qui nous est soumis. Le but est de faire valider par voie législative une disposition qui fait l'objet d'un contentieux en droit du travail.
Il faut rappeler que ces forfaits en jours ont été combattus par les cadres puisque, dans les faits, ils permettent de travailler dans la limite de 218 jours par an, 6 jours par semaine et jusqu'à 13 heures quotidiennement, soit un total de 78 heures par semaine.
L'extension d'une telle mesure à des non-cadres est pour le moins inopportune, alors que tous les syndicats européens luttent pour une directive sur le temps de travail limitant la durée maximale hebdomadaire à 48 heures, d'autant que le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe vient de décider, pour la deuxième fois, que le principe du forfait en jours violait la Charte sociale.
Il nous paraît donc logique de refuser le traitement prévu par cet article pour les salariés itinérants non cadres, alors que le même traitement est sanctionné par la Charte sociale européenne en ce qui concerne les cadres.
Nous vous invitons donc à voter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 223, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots :
sont applicables
insérer les mots :
, à condition qu'ils aient individuellement donné leur accord par écrit,
La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Je voudrais préalablement répondre à nos collègues qui viennent de déclarer que cet article n'avait rien à faire dans un chapitre consacré à la répression du travail illégal.
Je ne partage absolument pas cet avis. En effet, un salarié itinérant non cadre qui est à 200 kilomètres de chez lui et qui doit rendre visite à plusieurs clients ne va pas revenir le lendemain et refaire le trajet pour rencontrer le dernier client qui était absent : il va immanquablement rester, dépasser son temps de travail, et il se trouvera, ainsi que l'entreprise qui l'emploie, en situation de travail illégal. Cet article est donc parfaitement intégré au contexte.
Je suis, pour plusieurs raisons, intimement persuadée de la justesse de cet article. Pour avoir travaillé dans de tels secteurs, je peux vous dire que bon nombre de salariés itinérants ayant une complète autonomie souhaitent pouvoir bénéficier du forfait en jours.
Un commercial, qu'il exerce dans le domaine de l'assurance ou des professions médicales, doit réaliser un chiffre d'affaires déterminé, rencontrer un certain nombre de clients. Actuellement, il est contraint de rentrer chez lui, de travailler cinq jours, alors que, s'il a atteint son objectif en termes de chiffre d'affaires ou de clients - et ces salariés perçoivent souvent des rémunérations supérieures à celles des cadres - il pourrait très bien se reposer le cinquième, voire le troisième jour s'il n'a pas envie de faire à nouveau plusieurs kilomètres.
Je suis donc persuadée que ce système est adapté pour certains salariés. La commission des affaires sociales avait elle-même défendu cette mesure voilà deux ans - élue sénatrice depuis lors, je ne faisais pas encore partie de cette commission -, lors de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. J'ai en outre déposé un amendement de même nature voilà quelques mois à l'occasion de l'examen de la loi Larcher sur la réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
L'amendement que je vous présente aujourd'hui tient compte de cette réalité que je connais bien puisque, jusqu'au 31 décembre dernier, je faisais partie des salariés qui bénéficiaient des 35 heures et je gérais moi-même une équipe de cinquante personnes, composée de cadres et de non-cadres. Nous ne sommes d'ailleurs sans doute peut-être pas si nombreux, dans cette assemblée, à être ainsi des praticiens des 35 heures ! Quoi qu'il en soit, j'en connais tout le bénéfice : j'ai ainsi pu remplir, en organisant mes jours de travail, mes fonctions d'élue.
C'est dans ces conditions que j'ai souhaité limiter la portée de cet article en en conditionnant l'application à l'accord, formulé par écrit, des salariés concernés, de sorte que ceux qui préfèrent bénéficier du système horaire plutôt que du forfait en jours puissent continuer à le faire.
Ainsi, nous répondrons au problème que peuvent rencontrer tant les salariés que les entreprises, tout en laissant à chaque salarié sa liberté individuelle. Il faut, je crois, que le salarié puisse choisir et gérer son système d'organisation du temps de travail sans qu'on lui impose.
M. le président. L'amendement n° 416, présenté par MM. Pelletier, Laffitte et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code de commerce, supprimer le mot :
itinérants
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. L'article 51 a pour objet d'étendre le champ d'application des forfaits en jours sur l'année aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.
Cette situation se rencontre avec tous les salariés qui ont une grande autonomie pour organiser leur emploi du temps dans la mesure où ils exercent leur activité en dehors des locaux de l'entreprise, tels les monteurs sur chantiers, par exemple, même s'ils ne se déplacent pas tout au long de leur journée de travail et qu'ils ne peuvent être qualifiés véritablement d'itinérants.
Aussi cette possibilité de gérer le temps de travail en jours devrait-elle être étendue à tous les salariés dont la durée de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Plusieurs d'entre nous avaient déjà présenté des amendements similaires lors de l'examen de la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, au mois de mars 2005. M. Gérard Larcher, au nom du Gouvernement, nous avait alors indiqué qu'il s'agissait d'un sujet important mais délicat, sur lequel toute évolution des règles devait être réfléchie. Il avait toutefois prévu d'engager rapidement cette réflexion et il souhaitait, par conséquent, que leurs auteurs retirent les amendements qu'ils avaient déposés à l'époque.
Nous avons certes suspendu nos travaux pendant quelques semaines en vue du référendum, mais, trois mois et demi après, la réflexion engagée devrait avoir abouti ! Le Gouvernement pourrait, dans ces conditions, accepter nos amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Les amendements nos 280 et 411 de suppression de l'article 51 sont contraires à la position de la commission. Elle y est donc défavorable.
La commission est, en revanche, résolument favorable à l'amendement n° 223, défendu avec brio par Mme Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il est toujours extrêmement agréable d'entendre un sénateur qui a une parfaite connaissance, acquise sur le terrain, du sujet qu'il défend !
L'amendement n° 416, excellemment défendu par M Pelletier, vise à élargir considérablement le dispositif de l'article 51. Il s'est vu appliquer, dans son principe, la fameuse « jurisprudence 404 ».
Ainsi que l'a rappelé Mme Procaccia, la mesure proposée à l'article 51 est présentée par le Gouvernement conformément à un engagement pris par Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, lors de la discussion de la proposition de loi sur les 35 heures. Il avait alors en effet affirmé qu'une réponse serait apportée à la situation des salariés itinérants non-cadres. Tel est l'objet de cet article.
En revanche, étendre à tous les salariés non-cadres le dispositif du forfait en jours participe d'une logique totalement différente. Cette proposition mérite, j'en suis convaincu, d'être examinée avec attention, non par la commission des affaires économiques, mais par la commission des affaires sociales. Nous en serions d'autant plus contents que la commission des affaires sociales dispose, en son sein, d'une experte en cette matière.
Monsieur Pelletier, vous aviez déjà présenté la même demande lors de notre débat du 2 mars dernier. Le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Louis Souvet, vous avait alors indiqué que la commission était « attentive aux conséquences d'une telle mesure sur la durée du travail ». Quand au Gouvernement, il vous avait demandé de bien vouloir retirer votre amendement.
En conséquence, j'espère que vous ne vous formaliserez pas de ce que la commission des affaires économiques, ce soir, vous fasse la même demande, en souhaitant que vous y accédiez de nouveau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Je suis défavorable aux amendements identiques nos 280 et 411.
S'agissant de l'amendement n° 223, présenté par Mme Procaccia, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Quant à l'amendement n° 416, je demande à M. Pelletier de bien vouloir le retirer, pour les raisons qui ont été indiquées par M. le rapporteur, tout en reconnaissant que la réflexion mérite d'être poursuivie. Je suis certain que Gérard Larcher pourra de nouveau vous fournir des éléments de réponse, peut-être plus satisfaisants que ceux que je vous apporte aujourd'hui.
M. le président. Monsieur Pelletier, l'amendement n° 416 est-il maintenu ?
M. Jacques Pelletier. Non, monsieur le président, je le retire Néanmoins, je ne suis pas très heureux de constater que les deux commissions se renvoient la balle, car je ne sais pas si l'on en sortira ! Il y a tout de même un réel problème. Je propose d'étendre la mesure non pas à tous les salariés, mais à ceux dont la durée de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
En tout état de cause, c'est une question qui mériterait d'être discutée avec partenaires sociaux. Je souhaite donc vivement, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, que M. Larcher se saisisse rapidement du problème. Je vous demande de lui faire part de mon sentiment, pour que soit enfin trouvée une solution à ce problème difficile pour un certain nombre de salariés.
M. le président. L'amendement n° 416 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 280 et 411.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 51, modifié.
(L'article 51 est adopté.)
Article additionnel après l'article 51
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est modifié comme suit :
I. Dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 236-10, le chiffre : « quatre » est remplacé par le chiffre : « huit ».
II. 1° Au premier alinéa de l'article L. 423-16, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués titulaires est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
III. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 423-18, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
IV. 1° Au premier alinéa de l'article L. 433-12, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le septième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
V. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 433-13, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
VI. Le premier alinéa de l'article L. 435-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'élection a lieu tous les quatre ans, après l'élection générale des membres des comités d'établissement. »
VII. Au sixième alinéa de l'article L. 439-3, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
La parole est à Mme Elisabeth Lamure.
Mme Elisabeth Lamure. Les PME, qui sont au coeur de nos débats, ne cessent de nous appeler à la simplification administrative.
Monsieur le ministre, vous m'aviez d'ailleurs confié, il y a quelques mois, un comité d'information et de mobilisation pour l'emploi, un CIME, celui des grandes PME, pour étudier avec ces entreprises tout ce qui pourrait alléger leurs charges administratives, afin qu'elles consacrent toute leur énergie à la pratique de leurs métiers et à leur développement.
Cet amendement va dans le sens de l'allégement des contraintes dans la vie sociale de l'entreprise.
En effet, il concerne la durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel au sein des institutions représentatives : comité d'entreprise, comité d'établissement, etc.
Ces mandats sont actuellement de deux ans. Cette courte durée est à l'évidence pénalisante pour le bon fonctionnement de ces institutions, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'évolution permanente et complexe du droit du travail ainsi que l'élargissement des missions et des attributions confiées aux institutions rendent de plus en plus difficile l'exercice des mandats des représentants du personnel. Pour qu'ils puissent pleinement assumer leurs responsabilités, se former correctement, il faut leur garantir une plus grande stabilité de leur mandat.
Ensuite, l'organisation des élections est un processus lourd et complexe, qui génère une mise en oeuvre matérielle importante, et crée parfois des contentieux. J'ajouterai que la préparation de chaque élection - précampagne, campagne, élection, mise en place des nouveaux élus - couvre une période de six à neuf mois sur un mandat de deux ans. Des échéances aussi rapprochées portent préjudice à la sérénité du travail des élus et elles sont lourdes matériellement et financièrement pour les entreprises.
Enfin, il arrive souvent que, dans certaines entreprises, la recherche de candidatures soit difficile, parfois vaine. Dans ce cas, la courte durée des mandats est un facteur aggravant.
Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à porter de deux à quatre ans la durée des mandats des délégués et des représentants du personnel. Si vous l'adoptez, mes chers collègues, la nouvelle organisation sera un élément stabilisateur de la vie sociale des entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Michelle Demessine. Même jurisprudence, monsieur le rapporteur ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pas tout à fait, madame Demessine !
Mme Michelle Demessine. Il y a donc deux poids deux mesures !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'un amendement technique et limité, qui vise à simplifier le fonctionnement des instances représentatives du personnel en évitant le renouvellement des élections professionnelles à terme trop rapproché - deux ans actuellement.
Mme Lamure a parfaitement expliqué les multiples avantages de sa proposition, tant pour alléger l'organisation interne et les charges des entreprises - tout particulièrement pour les PME - que pour faciliter l'animation de la vie syndicale.
Du reste, je me suis moi-même renseigné et j'ai constaté que, apparemment, chacun trouve un intérêt à cette proposition.
Evidemment, la commission des affaires sociales aurait pu souhaiter examiner cette suggestion.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Néanmoins, la commission des affaires économiques a estimé qu'il s'agissait exclusivement, au fond, d'une mesure de simplification. Or, dès qu'il est question de mesures de simplification, la commission des affaires économiques est tout ouïe. Elle est donc encline à donner un avis favorable sur cet amendement. Vous avez pu constater que ce projet de loi comportait des mesures de simplification dont le Gouvernement ne voulait pas : elles ont tout de même été adoptées. Mme Lamure propose une mesure de simplification. Comment la refuserions-nous ?
Mme Michelle Demessine. C'est ça !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il s'agit d'une mesure tout à fait opportune pour les petites et moyennes entreprises, qui entre parfaitement dans le cadre du projet de loi et des objectifs visés. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Michelle Demessine. Il va être obligé de dire qu'il y est défavorable !
M. Renaud Dutreil, ministre. Cet amendement prévoit un nouvel équilibre qui peut sembler raisonnable, mais qui n'a pas fait l'objet de concertations spécifiques avec les partenaires sociaux.
Mme Michelle Demessine. Et voilà !
M. Renaud Dutreil, ministre. Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, sous réserve de la suppression du I, qui vise à porter de quatre à huit ans le renouvellement de la formation des membres du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT. En effet, ce paragraphe soulève d'importantes difficultés au regard de la politique de santé qui est aujourd'hui relancée.
M. le président. Madame Lamure, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre ?
Mme Elisabeth Lamure. Monsieur le président, la rectification proposée n'affectant pas le fond et la durée des mandats restant à quatre ans, je souscris à la demande de M. le ministre.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 235 rectifié, présenté par Mme Lamure, et ainsi libellé :
Après l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est modifié comme suit :
I. 1° Au premier alinéa de l'article L. 423-16, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des délégués titulaires est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
II. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 423-18, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
III. 1° Au premier alinéa de l'article L. 433-12, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
2° Le septième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel est réduit de moitié ou plus, sauf si le fait générateur intervient moins de six mois avant le terme du mandat des délégués du personnel. »
IV. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 433-13, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
V. Le premier alinéa de l'article L. 435-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'élection a lieu tous les quatre ans, après l'élection générale des membres des comités d'établissement. »
VI. Au sixième alinéa de l'article L. 439-3, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « quatre ».
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, nous comprenons votre élan en faveur de la simplification. Nous comprenons bien que des élections trop fréquentes pose un problème d'organisation à l'entreprise. Vous invoquez la stabilité des délégués salariés. Soit ! Mais présenter un tel amendement sous le seul angle de la simplification administrative, ce n'est pas sérieux !
Mme Michelle Demessine. C'est une provocation !
M. Jean Desessard. Ayant compris qu'il s'est passé quelque chose dans le pays et qu'il y a un grand malaise dont il faut tenir compte, Le Premier ministre du gouvernement des cent jours a dit qu'il consulterait l'ensemble des syndicats, qu'il nouerait de vraies relations. Or, aujourd'hui, par la voie de cet amendement, on nous demande d'adopter une modification sans avoir pris l'avis des organisations syndicales.
Voilà quelques instants, monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé de reporter l'adoption d'un amendement au motif qu'il ressortissait davantage à la compétence de la commission des affaires sociales. Pourquoi n'adoptez-vous pas maintenant la même attitude ? Que vous soyez favorable à cet amendement, nous pouvons le comprendre. Mais pourquoi ne maintenez-vous pas la même ligne de conduite ? Car il s'agit d'un amendement ! Si cette proposition figurait dans le projet de loi, on pourrait dire qu'on a eu le temps de consulter les organisations syndicales pour savoir ce qu'elles en pensent. Procéder ainsi, ce n'est pas sérieux.
Aussi, je vous demande de retirer cet amendement. A défaut, je serais obligé d'émettre un avis défavorable. (Rires.)
Mme Michelle Demessine. Moi, cela ne me fait absolument pas rire !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Si j'apprécie beaucoup le débat, et le fait qu'il soit dur et vif, j'apprécie beaucoup moins l'hypocrisie, et, en l'occurrence, il y en a une petite dose.
En effet, alors qu'un certain nombre d'amendements sont renvoyés, à juste titre d'ailleurs, devant la commission des affaires sociales, puisqu'ils relèvent de sa compétence, il nous est proposé d'adopter un texte qui est une véritable provocation. Et vous, monsieur le ministre, vous vous en remettez à la sagesse du Sénat !
M. Jean Desessard. Ce n'est pas sage !
Mme Michelle Demessine. Je vous demande de bien mesurer votre attitude. On ne peut adopter en pleine nuit, en dernière minute, lors de l'examen d'un projet de loi sur les PME, un texte qui bouscule l'équilibre des rapports sociaux, en arguant de la simplification. En agissant ainsi, vous ne respectez pas nos concitoyens. J'en appelle à votre sens des responsabilités !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 51.
Article 52
Il est inséré dans le code de l'industrie cinématographique un article 13-1 ainsi rédigé :
« Art. 13-1. - En cas d'infraction aux textes pris pour l'application des dispositions de l'article 57 modifié de la loi de finances n° 95-1346 du 30 décembre 1995 ou relevant des dispositions des articles L. 122-1-1-3° et L. 325-1 du code du travail, le directeur général du Centre national de la cinématographie peut prononcer à l'encontre des entreprises concernées les sanctions suivantes :
« 1° Un avertissement ;
« 2° Une réduction ou le remboursement du soutien financier automatique et sélectif accordé ;
« 3° Une exclusion des versements du soutien financier automatique et sélectif pendant une durée de six mois à cinq ans ;
« 4° Une exclusion du calcul des sommes représentant le soutien financier automatique pendant une durée de six mois à cinq ans.
« Ces sanctions sont prononcées sur proposition de la commission prévue à l'article 13 et dans les conditions prévues à ce même article. »
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 13-1 du code de l'industrie cinématographique :
« Art. 13-1. - En cas d'infraction aux textes pris pour l'application des dispositions de l'article 57 de la loi de finances n° 95-1346 du 30 décembre 1995 ou aux dispositions du 3° de l'article L. 122-1-1 et de l'article L. 325-1 du code du travail, le directeur général du Centre national de la cinématographie peut prononcer à l'encontre des entreprises concernées, sur proposition de la commission instituée par l'article 13 et dans les conditions fixées par le même article, une ou plusieurs des sanctions suivantes : »
II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du même texte.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Outre son caractère essentiellement rédactionnel, cet amendement permet logiquement au directeur général du Centre national de la cinématographie de cumuler plusieurs des sanctions prévues, comme le remboursement du soutien déjà accordé et l'exclusion des versements pendant une période qui peut aller de quelques mois à plusieurs années.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 52, modifié.
(L'article 52 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 52
M. le président. L'amendement n° 224 rectifié bis, présenté par MM. Le Grand, Bizet, Godefroy et J. Blanc, est ainsi libellé :
Après l'article 52, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1519 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les pylônes implantés à partir du 1er janvier 2006, cette imposition forfaitaire annuelle peut être établie au profit de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune bénéficiaire de l'imposition, par délibérations concordantes de la commune et de l'établissement public. »
La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Le code général des impôts prévoit une taxe annuelle consécutivement à l'implantation d'un pylône électrique très haute tension. En l'état actuel de la législation, c'est la commune d'implantation qui en perçoit le produit.
Dans la mesure où, depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, la communauté de communes exerce obligatoirement des compétences en matière d'actions de développement économique intéressant l'ensemble du territoire, et afin d'accroître éventuellement son action, le reversement de la taxe sur les pylônes, ainsi que je le propose dans cet amendement, peut constituer une ressource supplémentaire.
Le produit de la taxe en question serait utilisé ou, à tout le moins, réaffecté à des projets de travaux structurants au niveau intercommunal, au lieu de simplement alimenter le budget communal. Le tissu économique local serait ainsi renforcé, en offrant notamment aux entreprises un cadre propice à leur création et à leur développement.
Parallèlement, il est à noter qu'en tout état de cause les communes traversées resteraient obligatoirement bénéficiaires des programmes dits « d'accompagnement » que réalise systématiquement RTE, Réseau de transport électrique, lors de l'élaboration d'une nouvelle ligne haute tension.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Comme c'est bizarre ! Cet amendement est signé par trois sénateurs du même département...
A cette heure tardive, et comme j'ai voulu quelque peu « pimenter » ma réponse, je vous demanderai de m'écouter attentivement.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous comprendrez la raison pour laquelle j'ai souligné l'appartenance géographique de ces trois sénateurs.
Avec le premier de ces articles additionnels, nous sommes entrés dans la dernière manche de nos débats. Votre commission n'a vraisemblablement rien contre le principe de cet amendement « pylônes » et peut-être y serait-elle même favorable, mais elle n'en a pas discuté sur le fond. On peut parfois être amené à adopter des cavaliers dans certains textes, mais là, c'est quand même une autre paire de manches ! (Sourires.)
Toutefois, mes chers collègues, ne jetez pas le manche après la cognée : j'ai un atout dans la manche, qui est le prochain examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Votre amendement trouverait mieux sa place dans ce texte car son objet comme ses conséquences concernent bien, pour l'essentiel, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Certes, je ne suis pas dans sa manche (Sourires), mais peut-être son collègue chargé des PME voudra-t-il bien dès ce soir nous confirmer que cet amendement serait alors examiné avec toute l'attention positive qu'il requiert.
Aussi, je demanderai à ses auteurs, tout simplement et sans effet de manches, de bien vouloir le retirer. (Sourires.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Monsieur le ministre, un effet de manches ? Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le rapporteur vient de montrer qu'il n'est pas manchot dès lors qu'il s'agit de faire passer le courant entre lui et l'auteur de l'amendement. (Sourires.) Le Gouvernement va essayer de rester sur la même longueur d'ondes. (Nouveaux sourires.)
La modification qui est proposée permettrait sans aucun doute de valoriser les nouvelles compétences des structures intercommunales en matière d'actions de développement économique par l'attribution de ressources supplémentaires. Toutefois, je crains que la cohabitation de deux régimes de taxation selon la date d'implantation du pylône ne crée une certaine complexité.
Quoi qu'il en soit, c'est une proposition très intéressante, qui mérite une réflexion approfondie et qui pourrait très utilement trouver place dans un débat ultérieur, peut-être - c'est une simple suggestion de ma part - dans un débat porté par mon collègue Thierry Breton.
Pour ces motifs, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. M. le ministre garde cet amendement dans sa manche. (Sourires.) Monsieur Bizet, l'amendement n° 224 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Bizet. J'ai bien compris qu'il m'aurait fallu retrousser très largement mes manches pour réussir à faire adopter cet amendement. (Sourires.) Je conçois qu'il n'a peut-être pas tout à fait sa place dans ce projet de loi. Ainsi que l'a dit le rapporteur, les trois sénateurs de la Manche se sont accordés sur cet amendement. Je vous fais part de mon inquiétude et de mon empressement à trouver un véhicule législatif, tout simplement parce que nous sommes à la veille du débat public qui sera organisé par la Commission nationale du débat public sur le projet d'implantation d'une nouvelle centrale électronucléaire dans la Manche. L'acceptation sociétale du tracé de la ligne à très haute tension n'est pas aussi simple que cela. Cet amendement visait à faciliter le rôle des élus dans la définition de ce tracé.
Je saisis la balle au bond et prends note de la proposition du ministre des PME de faire passer le message au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'aimerais qu'il soit notre porte-parole auprès de son collègue pour faire passer cet amendement. Au-delà des questions de coopération intercommunale, cet amendement serait de nature à faciliter grandement l'implantation du tracé de la ligne à très haute tension.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 224 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 225 rectifié bis, présenté par MM. Etienne, Dériot et Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Esneu, César, de Broissia, Huré, Texier et Buffet, est ainsi libellé :
Après l'article 52, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les distributeurs présents dans les établissements scolaires ne peuvent mettre à disposition des élèves que les seuls produits dont la liste aura été arrêtée conjointement par les ministères de l'Education nationale et de la Santé, après consultation des instances concernées.
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. L'article 30 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 dispose que les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves sont interdits dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005.
Cette interdiction s'inscrit dans le cadre de la lutte contre l'obésité des jeunes, en cohérence avec les recommandations du programme national nutrition santé, le PNNS, qui prône la diminution de la consommation de sucres simples de 25 % dans un délai de cinq ans. L'obésité touche en effet désormais 15 % des enfants en France.
Toutefois, cette interdiction s'avère trop étendue dans la mesure où elle s'applique également aux eaux minérales. C'est la raison pour laquelle, dès le mois de septembre dernier, le ministre de la santé déclarait sur RMC-Info : « Je souhaite que la loi concerne uniquement les boissons sucrées. »
De même, dans un communiqué de septembre 2004, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, estimait que cette interdiction ne devait pas porter sur les bouteilles d'eau et les fruits, rappelant que ses recommandations avaient toujours porté sur les distributeurs de boissons sucrées et de produits alimentaires manufacturés.
De plus, quel effet une telle interdiction aura-t-elle sur l'obésité des jeunes, alors qu'ils peuvent facilement sortir des établissements scolaires pour acheter à l'extérieur ou consommer chez eux devant la télévision tous les produits caloriques qu'ils souhaitent ?
Cette mesure n'a que peu d'effet réel en matière d'amélioration de la santé publique. A contrario, elle pénalise lourdement le tissu des PME qui gèrent des distributeurs automatiques.
La distribution automatique en France représente 11 900 salariés, dont 23 % de femmes, un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros et 589 000 distributeurs implantés. La majorité des gestionnaires de distributeurs automatiques sont des entreprises artisanales de moins de vingt salariés.
L'application de la loi relative à la politique de santé publique a eu pour effet immédiat le retrait de 22 650 distributeurs dans les écoles, la baisse d'au moins 8 % du chiffre d'affaires et la suppression de 1 000 emplois directs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La question que vous soulevez, mon cher collègue, a d'indiscutables implications économiques, notamment pour les PME qui produisent les appareils distributeurs et pour les sociétés de services qui en assurent le réassortiment régulier. Mais elle relève au premier chef de la politique de santé publique. C'est d'ailleurs pour cette raison que le dispositif de prohibition, que vous souhaitez assouplir, a été institué par l'article 30 de la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique.
Je rappelle cette situation afin que chacun comprenne bien qu'une fois de plus ce n'est pas tant le contenu du dispositif qui pose problème à la commission que le contexte dans lequel il s'inscrit.
En effet, nous voici avec un amendement qui vise à revenir sur une disposition adoptée par le Parlement il y a moins d'un an - et ce que j'ai dit tout à l'heure aux collègues du groupe socialiste et du groupe CRC vaut également pour ceux du groupe de l'UMP. Sur le fond, cet amendement relève, pour l'essentiel, du domaine de compétence de la commission des affaires sociales. Madame Demessine, c'est donc la jurisprudence...
Mme Michelle Demessine. Demessine !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Pour ma part, je l'ai appelée « jurisprudence 404 » (Sourires.)
M. Gérard Cornu, rapporteur. Par ailleurs, cet amendement suscite des controverses dépassant si largement le cadre de notre enceinte parlementaire qu'il paraîtrait plus sage, s'il s'avérait réellement nécessaire de l'adopter, qu'il le soit dans des conditions d'examen préalable et de publicité des débats qui permettent au Sénat d'expliquer sereinement sa position et, surtout, de convaincre de son opportunité, de manière que le problème soit définitivement réglé et de façon certaine.
Or, mon cher collègue, tout semble indiquer que ces conditions ne sont pas réunies, ne serait-ce que parce que nos collègues de la commission des affaires sociales n'ont pas été en mesure d'examiner votre amendement.
Aussi, votre commission estime qu'il serait préférable de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine. Pas la sagesse !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il est déjà convaincu par mes arguments ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Texier, l'amendement n° 225 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yannick Texier. Monsieur le rapporteur, j'ai bien saisi le sens de votre intervention. Je remarque que, s'agissant de votre jurisprudence, vous préférez les références automobiles à certaines autres références. (Sourires.)
L'obésité et, plus communément, la surcharge pondérale sont, en France, un problème majeur de santé publique qui concerne plus de 40 % des plus de quinze ans, soit presque un Français sur deux.
Pour lutter contre ce véritable fléau de nos sociétés contemporaines, l'école et l'éducation sont les meilleurs éléments de prévention d'un mal qui ne cesse de se répandre et, avec lui, son cortège de pathologies connexes, vasculaires et métaboliques notamment.
En matière d'obésité, tout se joue le plus souvent avant quinze ans. A ce moment de la vie, il nous faut nous mobiliser pour agir au mieux afin d'assurer la prévention.
Les distributeurs automatiques dans les lycées ne peuvent être acceptés que s'ils offrent des produits pauvres en calories et peu ou pas sucrés, à l'exclusion de tout autre produit susceptible, par sa richesse énergétique, d'induire à des comportements alimentaires à risques.
La disparition des distributeurs automatiques ne permettra plus une éducation concrète aux bonnes pratiques nécessaires pour prévenir l'obésité, sauf à autoriser, notamment dans les lycées, les distributeurs automatiques uniquement pour des produits allégés figurant sur une liste agréée par le ministère de l'éducation nationale et par le ministère de la santé.
En complément, une charte fondamentale constituant une véritable initiation à la prévention de l'obésité doit être rapidement arrêtée. A partir de cette charte, il appartiendra aux ministères concernés de décliner concrètement les actions et les programmes d'information incitant les jeunes à se conformer aux bonnes pratiques nutritionnelles.
Il convient de déployer dans les meilleurs délais une vaste campagne d'information et de prévention de l'obésité auprès des jeunes.
Ayant reçu des engagements en ce sens de la part du Gouvernement, les signataires de cet amendement le retirent.
M. le président. L'amendement n° 225 rectifié bis est retiré.
Article 53
Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnances, dans un délai expirant le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, les mesures de nature législative permettant de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte.
Le projet de loi portant ratification de ces ordonnances sera déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du dix-huitième mois suivant la publication de la présente loi. - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 53
M. le président. L'amendement n° 346, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 53, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les chauffeurs de taxi sont salariés, sociétaires d'une société coopérative ouvrière de production ou artisans. Les sociétés loueuses de taxis disposent d'un délai de 2 ans à compter du 1er janvier 2006 pour salarier les chauffeurs de taxi locataires ou vendre les licences de taxi qu'elles ne souhaitent pas utiliser pour salarier des chauffeurs.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. J'espère que M. le rapporteur interprétera ces trois amendements portant articles additionnels après l'article 53 comme allant dans le sens de la simplification administrative.
L'amendement n° 346 pose le problème des fausses entreprises. Il ne s'agit pas de travail illégal. L'objet de ces entreprises, qui, en réalité, n'en sont pas, est de pouvoir s'affranchir de la réglementation sociale liée au salariat. L'employeur préfère que ceux qui travaillent pour lui, et qui devraient bénéficier d'un statut de salarié, constituent une société ou se déclarent en profession libérale.
On retrouve cette pratique dans un certain nombre de secteurs : les taxis, les transports routiers, les sociétés de gardiennage et certains sous-traitants. En obligeant le travailleur à créer une société ou à se déclarer en profession libérale, on lui donne l'impression qu'il est chef d'entreprise ou qu'il est indépendant, mais, en réalité, il est soumis, de la même façon qu'un salarié, au pouvoir d'un donneur d'ordre unique.
Je suis quand même surpris, monsieur le ministre, que, dans le projet de loi, il ne soit pas question du secteur des taxis, où se pose ce problème des fausses sociétés et de l'exploitation de personnes qui, en raison d'un contournement du droit du travail, ne bénéficient pas du statut de salarié.
S'agissant des chauffeurs de taxi, je ne parle pas bien sûr des artisans qui possèdent la licence. Je parle de ceux qui recourent aux services d'un loueur de taxis. Il n'y a aucun problème en ce qui concerne les sociétés de taxis organisées en SCOP, sociétés coopératives ouvrières de production, les regroupements d'artisans, ou les sociétés de taxis qui emploient des salariés. Le problème, ce sont les loueurs.
Ces sociétés loueuses de taxis achètent la licence, le véhicule, et le chauffeur est obligé de verser 3 300 euros par mois pour la location, montant qui excède parfois ses revenus.
J'aimerais que l'on m'explique à quel modèle économique il faut rattacher ce système. On a en effet évoqué les différents modes de capitalisme, l'économie de marché. Moi, j'avais cru comprendre que, lorsque l'on créait une entreprise, c'était, si l'on travaillait bien, dans l'idée de s'enrichir et de pouvoir la développer.
Mais, dans le cas des sociétés propriétaires, celui qui achète la licence et le véhicule ne prend aucun risque puisqu'il est sûr de percevoir chaque mois un loyer de 3 300 euros. Par contre, le locataire, lui, prend tous les risques puisqu'il doit verser tous les mois 3 300 euros. S'il n'y a pas de clients et qu'il gagne moins, le prix de la location reste le même puisqu'il est toujours calculé en fonction de ce qu'il gagnerait en moyenne s'il était salarié. Et avec l'augmentation du chômage, les candidats ne manquent pas ; le turn over parmi les chauffeurs de taxi est important et favorise une véritable exploitation.
Mme Michelle Demessine. C'est un scandale !
M. Jean Desessard. C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement qui prévoit que les chauffeurs de taxi ne peuvent qu'être salariés ou sociétaires d'une société coopérative ouvrière de production ou artisans et que les sociétés loueuses de taxis disposent d'un délai de deux ans à compter du 1er janvier 2006 pour salarier les chauffeurs de taxi locataires ou vendre les licences de taxi qu'elles ne souhaitent pas utiliser pour salarier des chauffeurs.
Il y a aussi un important problème en ce qui concerne la licence de taxi, qui coûte aujourd'hui 125 000 euros. Les conditions d'installation, compte tenu de l'achat du véhicule et de celui de la licence, sont très difficiles. C'est un autre problème qu'il faudra également résoudre.
En l'occurrence, le problème dont traite mon amendement concerne les chauffeurs de taxi qui sont obligés de louer la licence et le véhicule.
Mes chers collègues, lorsque vous prenez un taxi, ce qui vous arrive assez souvent, demandez au chauffeur s'il est artisan, salarié ou s'il loue une licence. S'il vous répond qu'il est locataire, demandez-lui s'il est satisfait de son sort et ce qu'il pense de l'esprit d'entreprise. Il vous dira certainement qu'il a du mal à s'en sortir, même en travaillant soixante heures par semaine, et que, s'il est contraint de s'arrêter, cela devient impossible. S'il est en congé maladie, il n'est même pas sûr de retrouver un véhicule disponible à son retour. N'hésitez pas, mes chers collègues, à les interroger, cela vous permettra de vérifier la véracité de ces faits !
Je vous demande donc d'adopter cet amendement pour empêcher l'exploitation de ceux qui sont obligés de louer les taxis parce qu'ils n'ont pas les moyens d'investir dans l'achat d'une licence et d'un véhicule. Ils devraient être salariés car le risque doit être pris par le chef d'entreprise, et non par de « faux salariés ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. M. Desessard, qui connaît apparemment très bien la situation qu'il vient de décrire, a bien fait de déposer cet amendement, qui soulève un problème réel. Toutefois, il n'est pas possible de résoudre la très complexe question du statut des chauffeurs de taxi au détour de cet amendement, à cette heure avancée de la nuit,...
Mme Michelle Demessine. Il y en a d'autres que l'on a pu résoudre !
M. Gérard Cornu, rapporteur. ... sans une concertation préalable entre les professionnels et les administrations concernées.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Pour autant, elle considère qu'il s'agit d'un très sérieux problème, qui devra être étudié plus amplement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. C'est une question effectivement sensible, mais qui ne pourra trouver de solution ce soir dans le cadre de ce projet de loi sur les PME. Elle mérite un débat approfondi, comme ce fut le cas lors du vote de la loi de 1995 sur les taxis.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 346 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Ayant considéré qu'un délai était nécessaire avant d'adopter les dispositions sur l'élection des délégués dans les entreprises et qu'il était légitime de consulter les organisations syndicales, je ne peux, en toute logique avec mon raisonnement précédent, que trouver normal que d'autres prennent le temps de consulter les organisations professionnelles et syndicales.
Je retire donc mon amendement, mais j'aurais aimé que d'autres adoptent la même démarche pour certains amendements précédents.
M. le président. L'amendement n° 346 est retiré.
L'amendement n° 362, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 53, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine du transport routier de marchandise, un conducteur routier travaillant pour son compte propre pour un donneur d'ordre unique, dépendant de ce champ d'activité, peut, en cas de difficultés financières de son entreprise, exiger son intégration en tant que salarié dans l'entreprise du donneur d'ordre. Ce dernier a l'obligation de lui proposer un contrat de travail à durée indéterminée prenant en compte son ancienneté depuis qu'il travaille pour lui ainsi qu'un coefficient en rapport avec la grille de classification de la convention collective du transport routier et auxiliaires de transports.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La logique qui sous-tend cet amendement comme l'amendement suivant, qui portent tous deux sur le secteur du transport routier de marchandises, est la même que précédemment.
Il existe un donneur d'ordre unique, qui devrait salarier le conducteur du camion, mais qui, pour ne pas être responsable devant la loi et ne pas avoir à respecter le code du travail, demande à cette personne de se déclarer en profession libérale ou de créer son entreprise. J'ai déposé deux amendements différents selon que la personne travaille seule en profession libérale ou qu'elle a créé une société constituée de deux ou trois salariés.
En réalité, toutes ces personnes sont des salariés sans en avoir les droits. Elles créent une entreprise mais c'est le donneur d'ordre qui détermine le prix en fonction du salaire que la personne aurait perçu en tant que salarié. Elle organise elle-même son travail, donc travaille davantage et prend plus de risques.
Il s'agit, là encore, d'un contournement du code du travail. C'est donc pour mettre fin à ces pratiques que j'ai proposé les amendements nos 362 et 363.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La question soulevée par nos collègues rencontre un écho particulier en ce moment, la concurrence dans le secteur européen du transport de marchandises étant en effet particulièrement rude. Mais cette question est extrêmement complexe puisqu'elle se trouve à la croisée de l'économie, du droit du travail, du droit fiscal, du droit commercial, etc.
Je crains, à cet égard, que la solution proposée ne soit bien insuffisante pour permettre de régler les difficultés. En outre, elle se heurterait à des obstacles techniques rendant probablement impossible sa mise en oeuvre.
C'est pourquoi la commission souhaiterait, monsieur Desessard, que vous retiriez ces amendements. Sinon, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 362 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 53, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine du transport routier de marchandise, les salariés d'une petite et moyenne entreprise travaillant pour un donneur d'ordre unique, dépendant de ce champ d'activité, peuvent, en cas de difficultés financières de cette petite et moyenne entreprise entraînant sa cessation d'activité, exiger leur intégration dans l'entreprise du donneur d'ordre. Ce dernier a l'obligation de leur proposer un contrat de travail à durée indéterminée, si ils étaient employés auparavant en contrat à durée indéterminé, prenant en compte leur ancienneté depuis qu'il travaille pour lui ainsi qu'un coefficient en rapport avec la grille de classification de la convention collective du transport routier et auxiliaires de transports.
Cet amendement a été présenté. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 363.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole est à M. Bernard Dussaut, pour explication de vote.
M. Bernard Dussaut. Nous arrivons au terme de ce texte, dont la discussion s'est déroulée à un rythme extrêmement soutenu, dans des conditions difficiles, puisque, pour la moitié du temps, nous avons siégé en séance de nuit, c'est-à-dire entre 21 heures 30 et une heure du matin.
Par ailleurs, aucun respect des conventions admises pour permettre l'élaboration d'un travail parlementaire digne de ce nom n'a été observé, puisque, après avoir commencé la discussion de ce texte lundi 13 juin, nous avons ensuite examiné les amendements en commission, après la discussion générale.
Qui plus est, et contre toute attente, ce projet de loi a été déclaré d'urgence, ce qui nous prive d'une deuxième lecture, pourtant nécessaire tant les questions traitées sont importantes et risquent d'avoir des conséquences sur le quotidien de nombre de nos concitoyens. Je pense notamment aux jeunes apprentis : vous les contraignez à travailler le dimanche.
Vous avez obligé Mme Procaccia, rapporteure pour la commission des affaires sociales, à retirer l'amendement qui visait à encadrer le travail des apprentis mineurs et à en restreindre le champ d'application. Nous avions le même type d'approche lorsque nous insistions sur la nécessité de renvoyer à un accord collectif de branche et de restreindre la liste des professions concernées.
De tels garde-fous nous semblaient essentiels, mais vous les avez balayés au prétexte qu'il faut faire vite pour ne pas pénaliser les apprentis qui pourraient être embauchés dès la rentrée prochaine ! Autrement dit, mais ce n'est peut-être là qu'un raccourci que m'autorisent certains des propos tenus, on les embauche pour les faire travailler le dimanche !
Par ailleurs, nous avons abordé des sujets très complexes et si diversifiés que plusieurs d'entre eux auraient pu faire l'objet d'un projet de loi.
Certains auront, je le crois, des répercussions douloureuses sur la cohésion économique et sociale de notre pays.
Je pense tout particulièrement à la réforme de la loi Galland et à ses incidences sur l'organisation du secteur de la distribution. Je redoute aussi des conséquences négatives pour les petites entreprises qui fournissent les grandes et moyennes surfaces.
Cette question de la coopération commerciale et des marges arrière est si compliquée qu'il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour en apprécier les implications.
Elle est même si compliquée que le rapporteur a préféré retirer, en commission, soit quelques heures avant son examen en séance publique, un amendement modifiant le calcul du seuil de revente à perte : l'article 31 aura donc été voté sans modification, comme le Gouvernement l'avait souhaité.
Quant à l'article 46 relatif au chèque emploi dans les TPE, le Gouvernement a décidé de le retirer pour l'intégrer dans les prochains textes d'ordonnances en préparation. Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement nous prive d'un débat sur des questions aussi fondamentales.
Pendant ce temps, on nous concocte le fameux « contrat nouvelle embauche » qui ne concernerait que les très petites entreprises, mais qui n'a même pas été évoqué lors du débat, et qui ouvre la porte à une remise en cause fondamentale de notre droit du travail en matière de licenciements et de contrats à durée déterminée.
Toutes ces remarques, malgré certains points positifs que je vais évoquer, suffisent déjà pour que nous votions contre ce projet de loi.
Le statut du conjoint collaborateur est incontestablement une avancée.
L'encadrement des enchères électroniques était indispensable, mais votre refus de prendre en considération la question des enchères salariales est une grave erreur, car ce type de recrutement va très probablement se généraliser : il existe déjà en Allemagne et pourrait franchir la frontière sans tarder.
Une fois de plus, vous refusez de réglementer alors que certaines barrières sont indispensables si l'on veut éviter le creusement des inégalités, conséquence d'un libéralisme débridé. Une telle proposition doit au contraire être portée au niveau européen.
La réforme des chambres de commerce et d'industrie s'imposait, mais vous leur accordez des prérogatives qui risquent de les placer en situation de confrontation, voire de concurrence avec les collectivités territoriales, au lieu de mettre en place une réelle synergie entre les différentes instances participant au développement local.
Votre texte visait à répondre à un problème réel : assurer la transmission des PME et des très petites entreprises dans les dix prochaines années. Le dispositif que vous avez envisagé est insuffisant.
Vous avez refusé nos propositions tendant à faciliter la transmission au collaborateur principal de l'entreprise, qui est très souvent l'unique salarié. Or c'est ce principal compagnon qui est souvent le repreneur potentiel, plus que le conjoint ou les enfants.
On retrouve ici beaucoup d'aspects d'une vision un peu trop « paternaliste » et insuffisamment dynamique, qui vous fait rater l'un des maillons essentiel de la transmission.
Quant au tutorat, c'est une demi-mesure, et je demeure réservé quant à son efficacité pour les raisons que j'ai soulignées lors du débat.
Nous voterons donc contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je m'associe aux remarques de notre collègue Bernard Dussaut sur les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles nous avons examiné ce projet de loi. Je pense aux réunions de commission entre les séances et au fait que nous ayons surtout siégé en séances de nuit, ce qui est tout à fait ahurissant.
Ce projet de loi en faveur des PME comporte des mesures qui nous paraissent insuffisantes pour faire face aux difficultés rencontrées par ces entreprises, et notamment pour lutter contre la déferlante commerciale de la grande distribution.
Les dispositions financières du texte constituent une amélioration à la marge, qui ne suffira ni à dynamiser ce secteur économique ni à assurer la vie et la pérennité des entreprises, sans un accompagnement beaucoup plus fort du secteur bancaire.
En ce qui concerne les relations commerciales avec la grande distribution, les débats au fond nous confortent dans l'idée que ce projet de loi n'apporte aucune solution à la concurrence sauvage dont sont victimes les PME et les consommateurs. En effet, rien n'est fait pour garantir un prix rémunérateur aux petits producteurs et aux petits fournisseurs.
La baisse des prix est présentée comme un argument de prise en compte des intérêts du consommateur, mais nous savons bien que seule l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés permettra de relancer la consommation et l'économie.
Enfin, s'agissant des dispositions modifiant le code du travail, je rappelle avec force notre opposition au travail du dimanche des apprentis mineurs.
Les mesures relatives au travail illégal recueillent bien entendu notre assentiment. Cependant, nous regrettons que des moyens supplémentaires importants ne soient pas prévus pour mettre en oeuvre de manière efficace cette politique.
Nous déplorons surtout le manque de transparence dont a fait preuve le Gouvernement en ce domaine.
En effet, l'article 46 instituant le chèque emploi entreprise a été retiré, privant ainsi les parlementaires de tout débat sur la question. Il s'agit pourtant d'une mesure lourde de conséquences pour les salariés, qui sont de plus en plus confrontés à la précarisation du droit du travail.
Enfin, je souhaite protester à nouveau contre l'attitude de la majorité et de M. le ministre s'agissant de l'amendement sur les délégués du personnel, qui sont relégués à la procédure de simplification. Alors que nos concitoyens réclament plus d'écoute, de dialogue et de considération, vous ne leur opposez que du mépris, ce qui prouve que vous n'avez rien compris à leur message.
Nous pensons que les dispositions de ce texte ne sont pas de nature et de portée suffisante pour assurer le développement et la pérennité des PME, et qu'elles ne présentent pas la dynamique nécessaire aux promesses d'emplois que vous leur faites.
Les sénateurs du groupe CRC voteront donc contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conjoncture industrielle continue à se dégrader, les déficits publics se sont aggravés et le moral des Français est au plus bas.
Face à cette situation, il y a un seul remède, toujours le même : l'emploi, devenu une énième fois, mais à juste titre, la grande priorité nationale. Or la bataille de l'emploi passe d'abord par la bonne santé de nos entreprises, et notamment de nos PME.
Au regard de notre politique industrielle des trente dernières années, l'intérêt porté aux PME est récent. Contrairement aux grands groupes industriels, l'emploi dans les PME s'accroît. Ainsi, nous en avons tous conscience, si l'on favorise leur création et leur développement, ces entreprises peuvent constituer un vivier d'emplois non négligeable.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a notamment et légitimement choisi de s'appuyer sur les deux millions de PME et de TPE pour relancer l'emploi.
Même si ce texte sur les PME était déjà inscrit à l'ordre du jour depuis plusieurs semaines, son objet correspond bien aux priorités gouvernementales. Ce projet de loi, issu des travaux de deux groupes de travail, contient un certain nombre de mesures intéressantes, qui répondent tout à fait à l'attente des chefs d'entreprise, comme le titre III consacré au statut du conjoint de l'entrepreneur et aux nouvelles formes d'activité, et comme le statut de gérance-mandat, qui comble un vide juridique.
Les mesures du titre IV, qui visent à encourager l'accompagnement de la transmission et de la reprise d'entreprise, vont également dans le bon sens, même si elles demeurent insuffisantes.
En effet, la transmission d'entreprise constitue l'une des faiblesses notables de notre tissu de PME. Non seulement le taux de reprise est insuffisant, mais nous n'arrivons pas à endiguer la baisse des reprises depuis dix ans. Pourtant, on le sait, six entreprises sur dix passent le cap des cinq ans d'existence, contre une entreprise nouvellement créée sur deux.
La transmission présente donc de nombreux avantages. Elle est moins risquée, assure la pérennisation de l'entreprise et sauvegarde souvent un savoir-faire précieux. N'oublions pas qu'il faudra également remplacer les 500 000 chefs d'entreprise qui partiront à la retraite d'ici à 2010.
Je ne peux, bien entendu, qu'être très favorable à l'article 18, qui autorise le chef d'entreprise cédant et retraité à assurer gracieusement ou de manière rémunérée une prestation de tutorat au bénéfice du repreneur. Cette mesure est en effet déjà expérimentée aux Pays-Bas et elle a fait ses preuves.
S'agissant des actions de formation et d'accompagnement des créateurs et des repreneurs d'entreprises, le groupe Union Centriste-UDF était opposé à ce que leur financement soit assuré par les fonds d'assurance formation. Nous sommes donc très favorables, monsieur le ministre, à votre proposition de création d'un groupe de travail relatif à ces fonds, auquel devrait participer mon collègue Christian Gaudin.
J'en viens à la réforme de la loi Galland. Ce projet de loi comporte des avancées intéressantes, notamment en matière d'accords de gamme et d'enchères électroniques inversées, utilement enrichies par notre Haute Assemblée.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la pertinence de la définition du seuil de revente à perte que nous avons adoptée. Certes, le groupe Union Centriste-UDF n'avait pas déposé d'amendement sur l'article 31, mais cela ne signifie pas qu'il se désintéresse de cette question.
Monsieur le ministre, vous avez défendu hier avec beaucoup de conviction l'article proposé par le Gouvernement. Toutefois, s'il devait y avoir une meilleure solution en la matière, il me semble que les principaux acteurs concernés seraient les acteurs économiques, c'est-à-dire les fournisseurs et les distributeurs, tous décriant de façon unanime la mesure que nous avons adoptée.
J'espère, monsieur le ministre, que la réflexion sur ce point précis pourra être encore enrichie dans la suite de la navette parlementaire.
Enfin, je tenais à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vous-même, monsieur le rapporteur, d'avoir accueilli favorablement plusieurs des amendements présentés par le groupe Union Centriste-UDF.
Malgré ces remarques, mon groupe votera ce projet de loi, qui, outre son caractère très hétérogène, comporte des mesures intéressantes, permettant de conforter les entrepreneurs et les artisans et d'assurer la pérennité des PME.
Il me reste à féliciter Mme et MM. les rapporteurs, ainsi que les commissions saisies sur ce texte, pour leur excellent travail.
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Nous sommes réunis aujourd'hui pour adopter un texte important qui parle de l'entreprise. Ce projet de loi reconnaît, en effet, la place centrale et éminente qu'occupent les entreprises et les entrepreneurs dans la société et dans la bonne marche de l'économie.
Il offre à ceux de nos concitoyens qui souhaitent créer, développer ou reprendre une entreprise la faculté de le faire, car la création d'entreprises est le moteur de la création d'emplois.
La loi pour l'initiative économique a donné une nouvelle impulsion à notre pays, qui a retrouvé le goût et l'envie d'entreprendre. La politique menée pendant trois ans par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a permis d'obtenir des résultats tangibles, en l'occurrence les meilleurs chiffres de la création d'entreprises depuis plus de quinze ans, au-dessus de l'objectif fixé en 2002 par le Président de la République de créer un million d'entreprises nouvelles en cinq ans.
Ce renouveau de l'entreprise entrepreneuriale est un signal très encourageant. Cependant, les défis subsistent et il faut redoubler d'efforts pour assurer la pérennité des entreprises existantes ainsi que leur développement.
Ce projet de loi contient bon nombre de mesures positives, notamment pour améliorer le statut de l'entrepreneur et de son conjoint, pour faciliter encore la transmission, la pérennité des entreprises ainsi que leur développement, et pour revaloriser l'apprentissage.
Les dispositions de ce texte vont donc aider au renouvellement de l'image du secteur des métiers et inciter de jeunes couples à se lancer dans un projet d'entreprise. Ce projet de loi constitue donc un nouvel encouragement pour les entrepreneurs de ce pays. Il s'agit du premier texte du gouvernement Villepin inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat : c'est dire l'importance que le Gouvernement attache à la création d'entreprises dans notre pays ainsi qu'à la pérennité des entreprises existantes, qui ne doivent plus être pénalisées dans la compétition européenne et internationale.
Le souci du Gouvernement de relancer l'activité économique par une revalorisation du pouvoir d'achat des consommateurs a montré à nouveau l'intérêt de modifier le cadre réglementaire, afin de permettre aux distributeurs de baisser leurs prix de vente aux consommateurs.
Votre texte, monsieur le ministre, tend vers un encadrement plus juste des conditions de vente, une meilleure fixation des prix de revente et un contrôle plus efficace de l'application de la loi. Ces objectifs sont tout à fait louables.
Le groupe de l'UMP apportera, en conséquence, son entier soutien à ce texte, parce qu'il est important de redonner aux Français, et en particulier aux jeunes, le goût d'entreprendre et le droit de réussir.
La reprise, la transmission, la création et le développement des entreprises sont des actions concrètes et ce texte leur donne corps et force. Il est destiné à l'ensemble des PME de notre pays, tout particulièrement aux plus petites, qui jouent un rôle essentiel et majeur dans le développement et la pérennité de l'emploi, contribuant ainsi au développement rural et à l'aménagement du territoire.
Je terminerai en affirmant qu'il s'agit d'un très bon projet de loi, très attendu par les PME et les professions libérales.
Sa qualité est assurément due à l'excellent travail de préparation mené, largement en amont, par notre excellent rapporteur Gérard Cornu, au cours de très nombreuses auditions regroupant, notamment chaque mercredi matin, plusieurs dizaines de futurs utilisateurs de ce texte.
Je remercie enfin tout particulièrement M. le ministre Renaud Dutreil, pour sa grande capacité d'écoute sur ce sujet qu'il connaît très bien, gage d'efficacité du texte que nous allons adopter.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Nous sommes parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi important, tant par la qualité des débats et la diversité des opinions qui se sont exprimées tout au long de la semaine que par l'apport de mesures nouvelles et originales en faveur de nos PME.
Ce texte représentait une véritable opportunité pour mettre en avant les difficultés rencontrées par nos chefs d'entreprise et y apporter des solutions concrètes.
Après avoir soutenu la création d'entreprises avec la loi sur l'initiative économique de 2003, le Sénat a participé à la mise en place de toute une série de mesures tendant à mieux accompagner leur développement, à faciliter les procédures de transmission et à assurer la pérennité des entreprises existantes.
On comprend mieux pourquoi ce texte était particulièrement attendu par l'ensemble de nos PME, notamment les plus petites.
De plus, pour mieux soutenir la croissance et le pouvoir d'achat de nos concitoyens, notre assemblée s'est efforcée d'améliorer et de clarifier les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs par de substantielles modifications de la loi Galland.
Je tiens à saluer le travail de la commission des affaires économiques et de son rapporteur qui se sont montrés particulièrement sensibles à la situation des entreprises les plus fragiles. Que ce soit pour les artisans ou pour les commerçants, toutes ces nouvelles mesures reflètent notre souhait de vaincre de nombreuses difficultés administratives et fiscales.
Enfin, nous avons mis sur pied un véritable et indispensable toilettage des dispositions du code de commerce relatives aux chambres de commerce et d'industrie. Du fait notamment de la décentralisation, ces dernières ont vu leurs missions s'accroître ces dernières années. Il convenait de rendre plus efficaces leurs actions d'aménagement et de développement des territoires.
Je remercie M. le ministre pour l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve au cours de nos débats. J'ai, en effet, entendu plusieurs fois le mot « sagesse », que nous aimons beaucoup dans cette assemblée.
A l'instar du Gouvernement et de la commission des affaires économiques, le groupe que je préside souhaite encourager tout ce qui peut contribuer à la revitalisation du tissu économique et à la création d'emplois. C'est pourquoi sa majorité votera ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'avais déjà préparé mon explication de vote, m'apprêtant à remercier et à féliciter tout le monde pour ce débat intéressant et qui s'est bien passé, ce qui, globalement, est vrai.
J'ai, certes, toujours envie de remercier les gens. Mais je n'en ai pas moins été choqué que le Sénat ait décidé de réformer les modalités d'élection des représentants des salariés par la voie d'un amendement sans en référer à la commission des affaires sociales et sans concertation avec les organisations syndicales.
Si j'ai été choqué, c'est parce que, sous prétexte de simplification ou d'efficacité, on a bradé des éléments de la démocratie sociale. Alors, on peut faire la même chose en politique et invoquer l'efficacité pour élire le Président de la République à vie, les députés tous les quinze ans et les sénateurs tous les trente ans ; pourquoi donc avons-nous ramené le mandat à six ans ?
Telle est bien la logique si, effectivement, on considère que les élections sont chose compliquée et qui font perdre du temps. Bien sûr que c'est compliqué la démocratie ! Mais de là à passer des simplifications administratives à la suppression d'éléments de démocratie, il y a problème. Peut-être étions-nous sous le coup de la fatigue et n'avons-nous pas vu tout cela. J'espère que l'Assemblée nationale reviendra sur ces amendements.
Mme Michelle Demessine. A mon avis, oui, car il y aura du tam-tam !
M. Jean Desessard. Par ailleurs, ce texte balaie de très nombreux champs de paysage entrepreneurial français. Il apporte un certain nombre de compléments au texte existant, voire présente de véritables innovations. Ainsi, sur le thème très attendu du conjoint collaborateur, le texte confère enfin au conjoint un véritable statut, qui permet de clarifier la situation et de consacrer juridiquement un état existant depuis très longtemps. Le droit à la formation pour ce conjoint collaborateur vient confirmer cette reconnaissance.
Les dispositifs de reprise d'entreprise montrent, quant à eux, une réelle volonté de faciliter cette démarche, notamment en accompagnant le repreneur qui pourra réaliser des provisions sur investissements ou avec l'extension du prêt participatif.
La possibilité pour les seniors d'effectuer du tutorat en entreprise correspond tout à fait à l'esprit dans lequel les Verts conçoivent l'avenir de la société : entraide et mutualisation des compétences. Les plus âgés font bénéficier les plus jeunes de leur expérience et de leur savoir-faire et bénéficient en retour d'une transition entre le monde actif et le monde de la retraite, virage souvent très difficile à négocier pour les salariés.
Je me réjouis également du vote d'un de mes amendements.
Je serai plus mesuré sur d'autres points. Je regrette, en effet, que vous ayez supprimé, monsieur le ministre, l'article 46 concernant le chèque-emploi pour les très petites entreprises. Est-ce pour le faire passer par ordonnance ?
Mme Michelle Demessine. Oui ! C'est écrit dans la presse !
M. Jean Desessard. La réponse est oui. Donc, je regrette la méthode.
De même, les mesures concernant les travailleurs indépendants manquent d'ambition et auraient pu traiter le sujet de manière plus globale. Pour commencer, malgré les améliorations apportées par ce texte, aucun parachute n'est prévu pour les travailleurs indépendants qui font faillite. Indépendant n'implique pas que la solidarité ne puisse s'exercer. Les travailleurs indépendants devraient pouvoir cotiser au régime chômage. D'ailleurs, n'est-ce pas dans le même esprit de solidarité qu'ils cotisent au régime de la sécurité sociale pour la maladie et la vieillesse ?
Je regrette que ce projet de loi n'ait pas abordé la fausse création d'entreprise, c'est-à-dire une fonction de salarié déguisée en profession libérale, avec client unique et imposé.
En conclusion, ce projet de loi marque quelques avancées, dont il faut se réjouir. Cependant, ce texte aurait dû impérativement mettre les travailleurs, qu'ils soient salariés, demandeurs d'emploi, créateurs d'entreprise ou indépendants, au coeur du système et leur garantir un niveau de protection élevé et durable.
Je ne vous le cache pas, le vote sur les amendements concernant la démocratie dans l'entreprise pose problème. En conséquence, le sénateur et les sénatrices Verts ne voteront pas ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteur pour avis pour la première fois, j'estime avoir eu une grande chance de travailler sur un texte intéressant et dont les dispositions qui étaient soumises à la commission des affaires sociales étaient vraiment sociales, alors que ce texte aurait pu se contenter d'être purement économique et financier.
En tant que femme, je suis fière d'avoir participé au vote et d'avoir été à l'origine d'amendements grâce auxquels vont sortir de l'ombre ces femmes qui concourent quotidiennement à la réussite de l'entreprise et dont chacun reconnaît la part importante. Dorénavant, elles auront un statut, elles seront reconnues et elles auront enfin des droits sociaux.
Par cette loi, nous espérons faire avancer l'apprentissage, lutter contre le travail illégal et, vous l'avez compris, j'apprécie que les salariés itinérants puissent retrouver la liberté d'organiser leur temps de travail et leur choix.
Je veux particulièrement remercier Gérard Cornu, avec lequel j'ai travaillé cordialement, efficacement et en totale complémentarité, et qui m'a apporté son soutien sur des amendements parfois inattendus pour lui.
Je veux aussi remercier M. le ministre qui, dans la majorité des cas, a émis un avis favorable ou de sagesse, ainsi que chacun des collègues sans lesquels ces amendements n'auraient pas pu être adoptés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au bout du chemin, au terme d'une quatrième nuit de travail. Ce texte globalement assez compliqué, qui faisait appel au droit commercial, au droit social et au droit fiscal, a mobilisé un rapporteur au fond mais aussi trois rapporteurs pour avis, que je tiens à remercier pour leur complémentarité et, surtout, pour m'avoir éclairé sur des dossiers aussi difficiles.
Il a également mobilisé une dizaine d'administrateurs, auxquels je voudrais rendre hommage, même si ce n'est pas conforme à l'usage. En tout cas, moi, j'y tiens parce qu'ils ont planché sur ce texte et que, sans eux, nous aurions eu quelques difficultés.
De ce projet de loi, je retiendrai qu'il était à la fois économique et social et que nous n'avons pas hésité à y aborder un aspect difficile de la transparence commerciale, « difficile » étant presque un euphémisme.
Parmi les points délicats, j'en retiendrai d'abord un, qui me paraît essentiel pour l'avenir de nos entreprises et de ceux qui veulent entreprendre. Notre démarche concernant la transmission d'entreprise est extraordinaire. Jamais un Gouvernement et une assemblée n'auront fait autant pour permettre de régler un problème qui sera majeur dans les dix ans à venir. On le sait, c'est la loi de la nature, 500 000 chefs d'entreprise prendront leur retraite dans cette période. Je crois que nous sommes allés jusqu'au bout de la logique pour accompagner et favoriser, au niveau législatif, cette transmission d'entreprise.
Je voudrais ensuite mettre l'accent sur le caractère social de ce texte. Nous étions, là aussi, en présence d'une revendication fort ancienne. De ce problème du statut du conjoint collaborateur, on parlait depuis tellement longtemps, se promettant toujours d'agir sans jamais le faire. Eh bien, nous l'avons fait ! Et je crois que nous pouvons tous être fiers d'avoir légiféré dans ce domaine.
Le point qui a peut-être été le plus dur pour moi était pourtant l'un de ceux que je connaissais parfaitement. Mais, en la matière, les forces contraires ont parfois agi avec efficacité, mais aussi avec une violence, sinon physique, du moins verbale. La presse m'a attribué des propos que je n'avais pas tenus.
Sur ce dossier extrêmement difficile, j'ai toujours privilégié l'intérêt général, ce qui n'est pas facile en présence d'interlocuteurs habiles et qui, sous le prétexte de défendre l'intérêt général, essaient, par moments, de faire passer un intérêt particulier. Et quand on adhère à une idée, très vite, on voit parfois l'idée contraire surgir.
Ce que je retiendrai peut-être le plus, c'est l'effort pour arriver au point d'équilibre, là où se trouve l'intérêt général. Mais tout texte équilibré fait toujours des mécontents, car l'équilibre ne satisfait personne - mais c'est le rôle du politique de prendre ses responsabilités, et je l'ai fait en privilégiant l'intérêt général.
Je me tourne vers les membres de la majorité du Sénat, qu'ils appartiennent au groupe de l'UMP, de l'UC-UDF ou du RDSE. Merci du fond du coeur de m'avoir accompagné et apporté la confiance sans laquelle un rapporteur ne peut rien faire. Vraiment, vous avez été formidables. J'ai parfois eu presque honte à m'entendre vous demander de retirer des amendements sur lesquels vous aviez durement travaillé. Vous l'avez fait, j'en suis sûr, à titre amical, mais je n'en tiens pas moins à vous demander de me pardonner d'avoir été parfois sévère. Je vous remercie d'avoir été aussi disponibles et attentifs.
Je tiens aussi à remercier la minorité. Même si nous ne partageons pas toujours les mêmes idées, nos échanges ont été d'une grande correction. Vous avez été, vous aussi, très attentifs. C'est effectivement cela aussi le débat : exposer son point de vue et se respecter, même si on n'est pas d'accord. Nous nous sommes parfois rejoints : nous avons accepté certains de vos amendements. Vous estimez que cela n'a pas été suffisant : c'est normal, chacun joue son rôle.
Concernant le groupe communiste, républicain et citoyen, sa demande de renvoi à la commission m'a paru injuste vis-à-vis du rapporteur.
Mme Michelle Demessine. Ce n'était pas du tout contre le rapporteur !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je me suis en effet totalement mobilisé et j'ai travaillé pendant tant d'heures afin de pouvoir être à l'écoute des uns et des autres. Cette demande m'a affecté car j'avais à coeur d'effectuer un travail complet. Il faut parfois surmonter les affrontements politiques
Je suis, me semble-t-il, d'un caractère sympathique, mais, vous l'avez certainement remarqué, quand une démarche me semble injuste, je le dis franchement, comme je le pense. C'est peut-être le seul moment où j'ai été un peu sévère, mais pourquoi pas ! Après tout, il faut savoir dire les choses.
En conclusion, je voudrais remercier le Gouvernement, en particulier M. le ministre car, même si c'était pour lui un retour au bercail, il s'est rapidement attelé à la tâche. Certes, nous lui avons parfois fait des misères - tous ensemble, mes chers collègues, et c'est peut-être ce qui caractérise notre assemblée.
En effet, c'est la loi du genre au Sénat que de se rassembler, au-delà des clivages politiques, sur les questions d'intérêt public que l'on considère nécessaire de défendre. Nous avons ainsi su nous rassembler pour voter des amendements sur lesquels vous aviez émis un avis défavorable, monsieur le ministre.
Mais, là encore, c'est la loi du genre : nous ne pouvons pas toujours accepter tous les amendements du Gouvernement ; le Gouvernement ne peut pas non plus accepter tous les amendements de la commission. Chacun a travaillé, suivant la mission qui était la sienne, efficacement pour le bien public, pour l'ensemble des entreprises qui étaient très concernées par ce texte.
Monsieur le ministre, vous avez défendu ce projet de loi avec un tel brio que, sur le dossier de l'interdiction des accords de gamme, qui me tenait à coeur comme à l'ensemble de cette assemblée, vous avez failli me faire flancher. Mais, je peux vous le dire maintenant, les sénateurs se sont si bien défendus qu'ils méritaient que leur amendement soit adopté.
Nous avons fait un bout du chemin, et à présent l'Assemblée nationale va prendre le relais. L'urgence ayant été déclarée sur ce texte, nous devrons aussi parvenir à un accord en commission mixte paritaire.
Nous serons bien sûr attentifs aux dispositions qui ont été adoptées par notre assemblée, mais là aussi, vous le savez, mes chers collègues, c'est la loi du genre, le Sénat n'a pas toujours totalement raison, l'Assemblée nationale n'a pas forcément raison, il nous faudra faire un bout du chemin pour que la commission mixte paritaire puisse aboutir à l'adoption d'un texte efficace. Ce projet de loi sera examiné à l'Assemblée nationale début juillet. D'ici au 14 juillet, date avant laquelle la commission mixte paritaire doit se réunir, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir, et j'espère le faire en totale concertation avec nos collègues de l'Assemblée nationale.
Du fond du coeur, merci à vous toutes et à vous tous d'avoir produit cet effort considérable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 182 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à un moment important de la vie du Gouvernement, à un moment où Dominique de Villepin a fait des PME, des très petites entreprises, le fer de lance du combat de la France contre le chômage, le Gouvernement remercie le Sénat d'avoir pris ce texte à bras-le-corps et d'avoir mené son examen à son terme, c'est-à-dire au vote.
Je voudrais adresser tout particulièrement mes remerciements au rapporteur au fond, qui a été à certains moments coriace, à d'autres pugnace, mais toujours d'une immense compétence et d'une parfaite loyauté. Sa clairvoyance a permis à ce projet de loi d'être amélioré, amendé, éclairé, grâce aux explications très nombreuses qu'il a fournies, mais également aux amendements qu'avec beaucoup de tact et de volonté il a réussi à faire adopter.
Mes félicitations et mes remerciements vont également aux rapporteurs pour avis des commissions qui se sont associés à ce long travail, aux groupes qui ont voté ce texte ainsi que les sénateurs qui ont passé de nombreuses heures de nuit à l'améliorer et à le discuter ainsi qu'aux sénateurs de l'opposition qui ont été constamment à la fois vigilants - c'était leur rôle - et capables de discerner ce qui, dans ce texte, répondait à l'intérêt général et à leurs propres convictions.
Ce débat sérieux, solide et passionné a permis à notre pays d'avoir aujourd'hui, à l'issue d'une première lecture, un texte utile, pragmatique, concret qui apportera à un très grand nombre d'entrepreneurs, mais également à tous leurs salariés et aux consommateurs à travers le texte important que nous avons voté sur la réforme de la loi Galland, des dispositions plus claires, plus lisibles et susceptibles de redonner des outils pour la croissance.
Je suis donc un ministre heureux d'avoir conduit ce débat au Sénat.
Je terminerai en adressant mes remerciements à Christian Jacob, mon prédécesseur, qui a engagé une longue concertation sur ce projet de loi et qui a donc permis qu'il soit aujourd'hui adopté. Il a aimé ce texte, il l'a beaucoup amélioré : il sera donc, lui aussi, très heureux d'apprendre que le texte a été voté cette nuit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)