M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Barraux, César, Mortemousque, Revet, Texier, Murat et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 442-6 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Un rapport des décisions rendues sur le fondement du titre IV du livre IV du présent code sera adressé chaque année au Parlement ».
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Il est indispensable de pouvoir suivre l'évolution des décisions rendues sur le fondement du titre IV du code de commerce, concernant les pratiques commerciales. La publication de ces résultats aura un effet pédagogique et dissuasif.
M. le président. L'amendement n° 300, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 442-6 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Un rapport de la Commission d'examen des pratiques commerciales sur les décisions rendues sur le fondement du titre IV du livre IV du présent code sera adressé chaque année au Parlement ».
La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Le titre IV du livre IV du code de commerce est relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux pratiques prohibées. En outre, il prévoit un certain nombre de sanctions.
Il est donc essentiel que le Parlement soit informé chaque année des sanctions prononcées à l'encontre des comportements abusifs. Il nous paraît tout à fait opportun que la Commission d'examen des pratiques commerciales puisse être chargée d'établir ce rapport.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Cette fois-ci, nous avons affaire à deux amendements qui témoignent d'une convergence entre des sénateurs de l'UMP et du groupe socialiste. Mon argumentation vaudra pour ces deux amendements.
Ces amendements rejoignent l'amendement n° 65, présenté par la commission, ainsi que les amendements n°s 114 rectifié et 249 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels après l'article 37.
En effet, l'amendement n° 65 prévoit que le Gouvernement remettra avant le 1er octobre 2007 un rapport dressant un bilan de l'application des différentes dispositions du titre VI du projet de loi quant aux décisions rendues sur son fondement et présentant les adaptations réglementaires paraissant nécessaires.
Les amendements nos 114 rectifié et 249 rectifié, sur lesquels la commission a émis un avis favorable, visent quant à eux à confier à la Commission d'examen des pratiques commerciales le soin d'établir dans son rapport annuel un recensement des décisions juridictionnelles rendues sur la base du titre IV du livre IV du code de commerce.
Par conséquent, les deux amendements actuellement en discussion sont satisfaits par le jeu des trois amendements que je viens d'évoquer et dont la formulation paraît plus complète. Je demande donc à M. Texier et à M. Le Cam de bien vouloir les retirer.
M. le président. Monsieur Texier, l'amendement n° 103 rectifié est-il maintenu ?
M. Yannick Texier. Je le retire, monsieur le président.
M. Bernard Dussaut. Je retire également le mien, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 103 rectifié et 300 sont retirés.
Article additionnel après l'article 32 ou après l'article 33
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 146 rectifié est présenté par MM. Mortemousque, Carle, Barraux, Vial, Trillard et Houel, Mme Lamure et M. Texier.
L'amendement n° 372 est présenté par M. Adnot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 443-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« 1° - A trente jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de tout produit alimentaire, à l'exception des achats des produits visés aux 2°, 3° et 4° de cet article et des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture, visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du code rural. »
La parole est à M. Yannick Texier, pour défendre l'amendement n° 146 rectifié.
M. Yannick Texier. A l'heure actuelle, seuls certains types de produits alimentaires - produits alimentaires périssables, viandes congelées ou surgelées, poissons surgelés, plats cuisinés et conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables - sont soumis à des délais de paiement fixés de manière réglementaire au titre de l'article L. 443-1 du code de commerce.
En dehors de ces exceptions, les délais de paiement peuvent être fixés contractuellement par les parties. Or, dans la pratique, les délais de paiement fixés sont souvent supérieurs à trente jours, au détriment des producteurs qui ne sont pas couverts par les dispositions actuelles.
Cet amendement vise donc à harmoniser les délais de paiement à trente jours pour l'ensemble des produits alimentaires, en conservant simplement les règles spécifiques prévues aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 443-1.
M. le président. L'amendement n° 372 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 298, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 443-1 du code du commerce est ainsi rédigé :
« 1° A trente jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de tout produit alimentaire, à l'exception des achats des produits visés aux 2°, 3° et 4° de cet article et des achats de produits saisonniers effectués dans le cadre de contrats dits de culture visés aux articles L. 326-1 à L. 326-3 du code rural ».
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Notre collègue a brillamment démontré l'opportunité de cet amendement ; je me rallie donc à ses arguments.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Je comprends parfaitement l'objectif visé par les auteurs de ces amendements : prévenir les cas où les fournisseurs doivent attendre de nombreux jours, voire parfois plusieurs semaines, avant que leurs partenaires commerciaux leur paient les produits alimentaires qu'ils leur ont livrés.
S'agissant des produits périssables, la limitation du délai de paiement à trente jours qui est actuellement prévue par le code de commerce est justifiée. En revanche, elle ne l'est pas s'agissant des produits transformés non périssables. Dans ce cas, la fixation du délai de livraison doit relever de la liberté de négociation entre les parties. J'ajoute même que globaliser l'ensemble des produits alimentaires pourrait avoir des effets nocifs.
Pour ces raisons, la commission demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. On peut facilement imaginer les conséquences que pourrait avoir l'adoption de l'amendement n° 146 rectifié : par exemple, aucune épicerie ne pourrait plus s'installer en zone rurale puisque la plupart d'entre elles vivent précisément grâce au fonds de roulement que leur procure le délai entre le moment où elles reçoivent la marchandise et celui où elles la paient, à condition de l'écouler, bien sûr.
Mais j'imagine, monsieur Texier que vous n'avez pas déposé cet amendement pour empêcher les petites épiceries de s'installer en zone rurale. Vous visez probablement la grande distribution. Cependant, là encore, l'application brutale d'un raccourcissement des délais de paiement pourrait avoir un effet dévastateur. Le commerçant serait mécaniquement conduit à trouver une compensation financière soit en amont soit en aval, c'est-à-dire soit en réduisant considérablement les prix d'achat soit en augmentant les prix de vente. Or, je ne pense pas que vous ayez l'intention, monsieur Texier, de faire payer le raccourcissement des délais de paiement au fournisseur par le biais d'une pression extrêmement forte sur les prix d'achat ou, au contraire, au consommateur à travers une augmentation sensible des prix.
Cela dit, il est vrai que la France pratique, comme la plupart des pays du sud de l'Europe, des délais de paiement supérieurs à ceux des pays du nord de l'Europe, ...
M. Roland Courteau. Alors, acceptez cette proposition !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... ce qui présente de nombreux inconvénients non seulement dans la distribution, mais également dans l'industrie, car les relations entre les grands donneurs d'ordre et leurs sous-traitants connaissent le même inconvénient : certaines entreprises sont obligées de supporter dans leur trésorerie des délais de paiement assez longs.
Ces situations ne sont pas saines mais, progressivement, grâce à une pression mesurée, graduée, la France rejoint le groupe des pays qui pratiquent, en Europe, des délais de paiement plus raisonnables.
M. Roland Courteau. C'est une occasion de faire un pas !
M. Renaud Dutreil, ministre. C'est ce rythme modéré qu'il faut suivre, sous peine de provoquer des bouleversements qui seraient insupportables tant pour les fournisseurs que pour les consommateurs.
M. le président. Monsieur Texier, l'amendement n° 146 rectifié est-il maintenu ?
M. Yannick Texier. Les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre m'ont convaincu. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Il n'est pas possible que vous ayez été convaincu !
M. Jean Desessard. Quelles explications ? Trouvez d'autres arguments, monsieur Texier ! Dites simplement que vous aimez le Gouvernement ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 146 rectifié est retiré.
Monsieur Raoul, j'ai cru comprendre tout à l'heure que vous vous étiez rallié à l'amendement n° 146 rectifié ?
M. Daniel Raoul. Je me suis rallié aux arguments présentés par M. Texier.
En vérité, les explications avancées par M. le ministre me poussent au contraire à maintenir mon amendement. La France ayant des délais de paiement supérieurs à la moyenne européenne, nous voulons corriger le tir et aider notre pays à se situer dans la moyenne.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Puisque M. Dussaut connaît bien les problèmes de la viticulture, je prendrai un exemple des effets pervers que pourrait avoir l'adoption d'un tel amendement.
Il est clair que les vignerons veulent également vendre leur production dans la grande distribution. Si les délais de paiement étaient contraints, il est clair que les distributeurs achèteraient le vin moins cher.
Il faut savoir ce que veulent les vignerons : préfèrent-ils stocker leur marchandise dans leur cave, ce qui a d'ailleurs un coût, en attendant de l'écouler à un bon prix, ou la vendre au plus vite, avec des délais de paiement raccourcis, quitte à en tirer un prix moins intéressant ?
La mesure que vous proposez peut avoir des effets pervers que vous ne mesurez pas bien, monsieur Dussaut. Vous prendrez vos responsabilités, mais je pense que vous devriez retirer votre amendement.
M. Roland Courteau. Les négociants ont toujours raison ! C'est la loi du plus fort !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J'avais cru comprendre qu'il existait une harmonie entre la position du rapporteur et celle du ministre.
Mais, d'un côté, le ministre souligne que le délai de paiement est très court dans les autres pays européens et que la France doit tendre à suivre cet exemple. C'est en tout cas ce que souhaite le Gouvernement, mais celui-ci ne veut pas introduire une mesure coercitive parce que ce serait excessif. Et, d'un autre côté, le rapporteur indique qu'une telle mesure aurait des effets pervers. Qui faut-il croire ? Soit on s'achemine vers un raccourcissement des délais en suivant les autres pays européens, qui semblent s'en porter plutôt bien, soit ce raccourcissement a de redoutables effets pervers ! Mais où sont-ils donc cachés ? Soyez un peu plus cohérents !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. M. le rapporteur a évoqué le secteur de la viticulture. Le vin étant un produit à rotation lente, j'évoquerai pour ma part l'exemple inverse des produits frais, qui, eux, ne peuvent évidemment pas être stockés longtemps, sauf à perdre leur caractère de produits frais.
Dans cette filière, les producteurs sont obligés de gérer dans le court terme, ce qui induit aujourd'hui un déséquilibre tout à fait aberrant. Si nous voulons rééquilibrer les relations entre les industries agroalimentaires et les grandes et moyennes surfaces, il faut apporter une réponse à la situation suivante : on achète à vingt et un jours alors que les charcuteries et les produits finis sont vendus dans un délai de trente-huit jours à quarante jours. De nombreuses industries agroalimentaires sont aujourd'hui confrontées à cette situation de déséquilibre majeur.
Cet amendement apporte un début de réponse pour ce qui concerne les produits frais, qui représentent une grande partie du secteur agroalimentaire, et ce n'est pas négligeable dès lors que l'on joue sur des marges de plus en plus restreintes.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voudrais soutenir la position du Gouvernement et du rapporteur, qui est très pertinente.
La situation française est, en effet, parfois jugée insupportable, notamment par les industriels de l'agroalimentaire. Mais, c'est la contrepartie d'une force et d'une faiblesse française.
Un jour, nous devrons traiter cette faiblesse française qui tient à l'absence de capitaux dans nos entreprises capitalistes : celles-ci n'ont pas assez de fonds propres, pas assez de trésorerie.
La force, c'est la liberté. A partir du moment où l'on se situe dans un système d'économie libre où chacun peut créer et développer son entreprise, rechercher de nouveaux clients et trouver d'autres atouts commerciaux pour s'imposer sur un marché, il est évident qu'une telle liberté trouve sa contrepartie dans la négociation contractuelle relative aux conditions de règlement. Certains font, en effet, des offres plus attractives pour pouvoir l'emporter !
Si l'on décide une fois pour toutes que l'économie est figée, il est possible de fixer des règles et de les imposer aux uns et aux autres ; mais si l'on considère que la liberté de s'installer, dans le commerce et dans l'industrie, comme distributeur ou producteur existe, il faut en accepter les contreparties. Autrement dit, il faut admettre le jeu de la négociation commerciale à l'occasion de laquelle on cherche à tirer un avantage d'une offre nouvelle.
M. François Marc. On va tuer les coopératives !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 32
M. le président. L'amendement n° 299 rectifié, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Courteau, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 2-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les organisations professionnelles concernées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constitutifs d'infractions aux prescriptions des titres I à IV du livre IV du code de commerce et portant un préjudice direct à l'un de leurs ressortissants. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Il s'agit d'un amendement lisse, de bon sens, sans effet pervers ; il devrait donc être adopté par cette assemblée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Les pratiques prohibées par les titres I à IV du livre IV du code de commerce sont principalement le fait de sociétés de taille importante, économiquement puissantes. Aussi les victimes directes de ces infractions ne peuvent-elles pas les poursuivre directement, de peur qu'il soit mis un terme à des relations commerciales essentielles à leur survie économique. Il s'agit bien d'une situation où le faible est confronté au fort ! En cas d'infraction, par peur de représailles futures, la victime ne porte pas plainte.
Conférer un droit d'ester en justice aux organes institutionnellement chargés de défendre les ressortissants victimes de ces pratiques permettrait d'assurer l'effectivité des prescriptions du livre IV du code de commerce, tout en évitant la mise en oeuvre inconsidérée de poursuites.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission émet un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées à propos de l'examen de l'amendement n° 132 rectifié ter.
En vertu de l'article L. 411-11 du code du travail, les organisations professionnelles peuvent déjà engager, au lieu et place d'un de leurs adhérents, une action en justice en matière de pratiques commerciales. Votre amendement, monsieur Desessard, est donc déjà satisfait, et il ne paraît pas nécessaire de préciser cette faculté dans le code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, je souhaiterais que vous m'apportiez une petite précision : la disposition que vous évoquez figure dans le code du travail ou dans le code de commerce ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Dans le code du travail.
M. Jean Desessard. Ne pensez-vous pas qu'il serait intéressant d'insérer également une telle mesure dans le code de commerce afin de tout clarifier ?
Allez, monsieur le rapporteur, un petit geste ! (Rires.)
M. Gérard Longuet. Un geste commercial ! (Sourires.)
M. Gérard Le Cam. Une petite ristourne ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 299 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 433 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Deneux et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 430-9 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises a, de manière répétée, usé de pratiques contraires au I de l'article L. 441-6-1, à l'article L. 442-2, aux I et II de l'article L. 442-6 ou à l'article L. 443-1, le ministre chargé de l'économie peut, après avis du Conseil de la concurrence ou à sa demande, et conjointement avec le ministre dont relève le secteur, enjoindre par arrêté à une entreprise ou un groupe d'entreprises de mettre fin dans un délai déterminé à tous accords ou actes qui ont contribué à sa puissance économique ou de céder une part de ses actifs ».
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Cet amendement vise à accroître les moyens mis à la disposition du ministre de l'économie pour combattre les abus de position dominante.
L'article L. 430-9 du code de commerce a instauré un dispositif tendant à mettre un terme à des pratiques contestables, qui ressortissent clairement à des abus de position dominante. Toutefois, il est impossible d'exiger du ministère et de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, la DGCCRF, une présence permanente sur le terrain, pour veiller au respect de ces injonctions.
L'amendement n° 433 rectifié bis tend à donner un supplément de moyens au conseil de la concurrence et au ministre de l'économie ou au ministre délégué à ce secteur afin que soit respecté l'esprit de la loi.
Les abus de position dominante sont manifestes. Je sais bien que nombreux sont les fournisseurs qui n'osent pas saisir le conseil de la concurrence, craignant d'être immédiatement exclus du jeu économique. Cependant, il est de la responsabilité de la DGCCRF et du Gouvernement de veiller à l'équilibre des forces en présence.
Monsieur le ministre, lorsque quatre enseignes exigent de leurs fournisseurs, sur le montant des approvisionnements vers les centres de distribution en France, l'acquittement d'une cotisation variant de 1 % à 2 % de leur chiffre d'affaires - cela représente, pour le moment du moins, 500 millions, voire 600 millions d'euros par an ! -, versée auprès d'une officine domiciliée en Suisse, ne sommes-nous pas ici en présence d'un abus de position dominante ?
Prenons maintenant l'exemple d'un groupe qui souhaiterait accroître le nombre d'ouvertures d'hypermarchés dans un grand pays émergent - hypothèse d'école, bien sûr ! - et qui, afin d'y parvenir, s'engagerait sans doute à s'approvisionner davantage dans ce pays. Peut-il décemment, d'un point de vue social et d'un point de vue commercial, exiger de ses fournisseurs en France, qui vont perdre progressivement leur position au profit des producteurs de ce pays émergent, qu'ils participent au financement de ceux qui vont, au moins partiellement, se substituer à eux ? Il s'agit bien là de pratiques que l'on peut manifestement qualifier d'abus de position dominante.
Lorsque je mesure la place qu'occupent, dans la presse quotidienne, les annonces de la grande distribution, il m'arrive également de penser que celle-ci se trouve aussi vis-à-vis des médias en situation d'abus de position dominante...
La vigilance des pouvoirs publics doit donc pouvoir s'exercer pleinement. Dans les cas extrêmes, il doit être possible d'exiger de ceux qui sont responsables de telles pratiques de se séparer d'une partie de leurs actifs.
L'équilibre du commerce ne réside pas seulement dans la régulation des mètres carrés, monsieur le ministre ! L'équilibre consiste à examiner d'un peu plus près le poids respectif des centrales d'achat. Ce sont elles qui exercent la plus violente pression sur les fournisseurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite que nous puissions donner aux pouvoirs publics les moyens de faire respecter leur autorité et de rétablir un équilibre plus harmonieux entre les forces en présence, afin qu'il y ait moins d'abus de position dominante.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. L'article L. 430-9 du code de commerce permet déjà au ministre chargé de l'économie et au ministre intéressé, à l'initiative du Conseil de la concurrence, d'exiger d'entreprises s'étant concentrées qu'elles reviennent sur les actes de concentration lorsqu'ils sont abusifs. Une telle mesure n'a, jusqu'à présent, presque jamais été mise en oeuvre. C'est pourquoi l'amendement n° 433 rectifié bis tend utilement à la renforcer.
Un tel amendement vise à attribuer aux ministres une nouvelle compétence : ces derniers, de leur propre initiative, pourraient exiger certaines mesures de la part des entreprises s'étant rendues coupables d'abus répétés, telles que la suppression des accords abusifs ou la cession d'une partie de leur capital. Des dispositions si contraignantes devraient inciter les entreprises concernées à respecter la réglementation figurant dans le code de commerce tel que modifié par le projet de loi.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Cet amendement a, tout d'abord, ceci de particulier qu'il donne au ministre un pouvoir supérieur à celui du juge, alors même qu'il s'agit de prendre une sanction puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, de démanteler une entreprise ! Cet amendement paraît donc contraire au principe de proportionnalité des sanctions par rapport aux comportements réprimés, qu'il s'agisse de comportements répétés ou non.
Alors que l'article actuel L. 430-9 vise à défaire les actes qui ont permis un abus de position dominante, l'amendement tend à permettre de démanteler des entreprises ayant commis des infractions pour lesquelles elles ont déjà été sanctionnées pénalement ou civilement : cela signifie bien que la pratique douteuse a fait l'objet d'une plainte, que le fournisseur lésé ait pris la décision de porter devant le juge l'infraction qu'il pressentait, ou que l'administration ait elle-même saisi la justice.
Par ailleurs, monsieur Arthuis, il y a effectivement des groupes de distribution implantés dans des pays émergents ; toutefois, leur façon de financer ces nouvelles implantations reste assez classique : ils font des profits, généralement en France, avec lesquels ils investissent dans ces pays émergents. C'est le cas de la plupart des entreprises françaises qui ont ouvert des établissements dans d'autres pays ; il n'y a rien là d'extraordinaire... Ce sont tout de même des mécanismes beaucoup plus simples que ceux que vous venez de décrire. Après tout, le fait de s'implanter dans des pays étrangers, sur de nouveaux marchés, n'a rien de répréhensible !
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, je ne voudrais viser aucun groupe en particulier. Toutefois, comment imaginez-vous que tel groupe puisse obtenir, chaque mois, une nouvelle autorisation d'ouverture d'un hypermarché ? C'est nécessairement parce qu'il s'oblige à faire du sourcing dans ce pays ! Et, de ce fait, il importe davantage de produits provenant de ce pays vers les marchés européens.
Je voudrais que l'on cesse de se payer de mots ! Y a-t-il une logique à faire payer par les consommateurs français, et finalement à faire payer aux producteurs français qui vont perdre leur activité, le développement qui s'opère dans des pays où l'on ne sera autorisé à vendre qu'à condition d'accroître le flux de produits exportés vers les marchés européens et notamment le marché français ?
Nous sommes ici au coeur d'un débat crucial, monsieur le ministre, et nous ne devons pas faire montre de candeur : dans la grande distribution, certaines pratiques s'apparentent à de véritables violences à l'égard des fournisseurs. Il est de notre devoir, dès lors que nous proclamons avec force et conviction que nous entendons gagner la bataille de la croissance et de l'emploi, de rechercher un meilleur équilibre dans les relations entre les uns et les autres.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. On a un peu l'impression que, lorsqu'il s'agit de la grande distribution, tout est critiquable, mais que, lorsqu'il s'agit de l'industrie, tout est louable.
Le raisonnement que vous développez, monsieur le sénateur, pourrait tout à fait être transposé au secteur de l'automobile. Que font les constructeurs automobiles français qui s'implantent dans des pays émergents, sinon du sourcing ? Ils recourent soit à la main-d'oeuvre locale - ce qui semble assez logique lorsqu'ils produisent sur place - soit à des sous-traitants locaux. Personne ne déplore cette situation, qui profite d'ailleurs grandement à nos constructeurs automobiles : ils trouvent de nouveaux consommateurs et, dans le même temps, développent leurs propres installations, leurs centres de recherche et mobilisent leurs ingénieurs en France même, là où les projets sont conçus.
Nous devons autant que possible faire preuve d'une certaine neutralité vis-à-vis des stratégies des grands groupes français et non sombrer dans la facilité en faisant systématiquement de la grande distribution l'éternel mouton noir.
Nous sommes ici pour sanctionner des pratiques de la grande distribution lorsque c'est nécessaire. Faisons-le avec réserve et reconnaissons que notre pays a bénéficié du développement de ce modèle de commerce : si, aujourd'hui, un certain nombre de PME accèdent à des marchés nouveaux, c'est parce qu'elles sont entraînées dans le sillage de commerçants qui y sont déjà installés.
C'est tout particulièrement le cas en Chine. Monsieur le sénateur, peut-être avez-vous eu l'occasion d'y visiter une grande surface dont l'enseigne n'était pas sans vous rappeler une enseigne familière : vous y aurez alors découvert des produits français. Sans cette enseigne, ces produits, surtout s'ils proviennent de PME, n'auraient pu ni être exportés ni atteindre aussi facilement les consommateurs locaux !
En France, on désigne facilement le commerçant comme le coupable. Il l'est parfois et, dans ce cas-là, il faut le sanctionner. Pour autant, il ne faut pas faire deux poids deux mesures et approuver la stratégie des groupes français qui essaient de s'installer dans des pays émergents quand il s'agit de groupes industriels et la désapprouver lorsqu'il s'agit de la grande distribution.
Notre intérêt est d'avoir, dans tous les secteurs, des groupes français dynamiques, entreprenants, qui favorisent l'exportation des marques françaises, des produits français, y compris ceux des PME.
Monsieur le sénateur, vous le savez bien, nous n'exportons pas assez. C'est même notre problème ! Ne laissons pas les Français croire qu'il n'est pas bon qu'une entreprise française s'installe à l'étranger. Au contraire, aujourd'hui, notre économie doit développer tout ce qui favorise l'exportation des produits français.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.