PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
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Conseil européen
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur le Conseil européen, suivie d'un débat.
Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, je tiens à me réjouir avec vous tous de ce qu'un débat sur le Conseil européen soit organisé au Sénat comme à l'Assemblée nationale.
En votre nom à tous, j'en avais formulé le souhait et je dois remercier le Gouvernement et tout spécialement le Premier ministre M. Dominique de Villepin et le ministre des relations avec le Parlement d'avoir répondu favorablement à notre demande. Depuis longtemps, nous insistions pour que, préalablement à un débat du Conseil à Bruxelles, il y ait un débat au Parlement. C'est maintenant chose faite.
Avec cette première se trouve réalisée l'organisation d'un débat préalable à la tenue d'un conseil européen de telle manière que les commissions et les groupes puissent exprimer leurs points de vue et dialoguer avec le Gouvernement.
Nous le savons tous, le sommet de demain aura une très grande importance.
Aussi, il était indispensable que nous puissions débattre, comme nos collègues députés, des sujets essentiels qui seront traités par le Conseil demain et après-demain.
Place maintenant au débat.
Dans un premier temps, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, lira la déclaration prononcée à l'Assemblée nationale par M. Dominique de Villepin.
Puis, en présence de M. le Premier ministre, nous entendrons successivement le président de la commission des affaires étrangères, le président de la délégation pour l'Union européenne ainsi qu'un orateur par groupe et un représentant des non inscrits.
M. le Premier ministre répondra à l'ensemble des intervenants.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais vous donner lecture de la déclaration de M. le Premier ministre.
« Les crises ne sont pas nouvelles en Europe. Elles ont rythmé la vie des institutions européennes depuis leur création.
« C'est naturel : un projet politique de cette envergure ne peut grandir qu'en franchissant une à une des étapes difficiles. Le succès est à ce prix : la mise en place de la monnaie unique ou notre capacité à garantir la paix dans les Balkans en sont deux témoignages exemplaires.
« L'Europe n'est jamais donnée : c'est le fruit d'un compromis entre des Etats liés par l'histoire et par la volonté, mais qui ne partagent pas toujours les mêmes intérêts ni la même vision. L'Europe ne se réinvente pas chaque jour : elle se construit sur la base d'accords et de traités qui engagent chacun de ses Etats membres. Elle est un destin négocié et voulu.
« Au cours des dernières années, nous avons voulu franchir trois étapes : l'étape de l'élargissement, l'étape de la réforme des institutions et l'étape des valeurs de l'Europe.
« Au regard des bouleversements historiques qu'a connus le continent européen depuis la chute du mur de Berlin, l'ambition était légitime. Au début des années quatre-vingt-dix, les peuples décidaient de leur destin. Ils affirmaient leur volonté de vivre ensemble dans un continent unifié, démocratique et en paix. II était de notre devoir de répondre à leurs attentes en repoussant les frontières vers l'Est.
« Cette réalité exigeait de doter l'Union européenne de nouvelles règles de fonctionnement : à vingt-cinq, nous ne pouvions continuer à travailler sur la base des mêmes textes. Nous avions besoin de dégager plus facilement des majorités et de prévoir des dispositifs appropriés pour permettre aux Etats qui l'auraient souhaité d'aller plus loin.
« Enfin, chacun mesurait que le nouvel ensemble européen devait entrer dans l'âge politique en définissant un corps de valeurs cohérent : la Charte des droits fondamentaux.
« Toutes ces étapes ont trouvé leur aboutissement dans le projet de traité constitutionnel soumis le 29 mai dernier à référendum. Ce projet a été rejeté : c'est le choix souverain des Françaises et des Français. Il doit nous conduire à répondre rapidement à leurs interrogations, en veillant à préserver l'unité européenne.
« Le Conseil européen est le premier rendez-vous. Deux questions sont à l'ordre du jour : les perspectives financières et l'avenir du processus de ratification du traité. Sur chacun de ces sujets, je voudrais vous faire part de la position qui sera défendue par la France.
« Aux difficultés politiques, nous ne devons pas ajouter une crise financière. Nous soutenons donc tous les efforts de la présidence luxembourgeoise en vue d'un accord sur les perspectives financières lors du Conseil européen tout en estimant que pour parvenir à un accord raisonnable et équitable, chacun doit faire une part du chemin.
« Dans cette négociation, comme l'a rappelé le Président de la République, nous défendons quatre principes.
« Premier principe : le respect de la discipline budgétaire, qui s'impose à tous.
« Deuxième principe : la solidarité, qui doit permettre de financer la modernisation et le décollage économique des nouveaux membres dans l'intérêt de chacun.
« Troisième principe : le respect des engagements. En octobre 2002, nous avons adopté une décision qui garantit le financement de la PAC jusqu'en 2013. C'est un acquis majeur pour nos agriculteurs, sur lequel personne ne saurait revenir.
« Quatrième principe : l'équité. Chacun doit contribuer à l'effort européen à hauteur de ses moyens. Le Royaume-Uni, notamment, doit prendre toute sa part au financement de l'Europe élargie.
« Sur la base de ces principes, je souhaite que nous parvenions à un accord satisfaisant pour tous.
« La deuxième question qui sera abordée à partir de demain à Bruxelles est l'avenir du projet de traité.
« Douze pays se sont déjà prononcés, dont trois par référendum. L'Espagne a largement dit oui, la France et les Pays-Bas ont dit non. Treize pays doivent encore rendre leur décision, dont certains ont déjà annoncé le report ou la suspension de leur procédure.
« Partant de ce constat, le premier choix porte sur la procédure à suivre : faut-il interrompre le processus de ratification ou le poursuivre ? La France s'est déjà prononcée. Il appartient désormais à chaque Etat de s'exprimer à son tour suivant les modalités qu'il aura choisies. C'est le respect de la démocratie. C'est aussi le signe le plus clair de notre volonté de préserver l'unité européenne et l'expression de chacun.
« Au-delà du Conseil européen, des questions importantes se posent auxquelles nous ne pouvons pas aujourd'hui apporter toutes les réponses. Devant la représentation nationale, je ne veux cependant rien éluder des difficultés et des choix qui se présenteront à nous dans un avenir proche. Nous Français, qui avons répondu non au projet de texte, nous portons une exigence particulière de vérité et de lucidité. Aujourd'hui, j'ouvre le débat avec vous.
« La première question est celle des institutions.
« A vingt-cinq, nous devons inventer de nouvelles règles de fonctionnement. En rester au compromis de Nice ne peut pas être une solution durable. Très vite nous nous heurterons à des difficultés majeures dans la prise de décision et dans la définition des grandes orientations de l'Union. J'ajoute que ce n'est pas l'intérêt de notre pays.
« Un travail considérable a été accompli sur ce sujet au cours de ces dernières années. Il doit contribuer à éclairer notre réflexion.
« La deuxième question est celle du modèle économique et social européen.
« La Charte des droits fondamentaux fixe un certain nombre de principes essentiels auxquels la France est particulièrement attachée : je pense à la défense des services publics, au respect de l'égalité hommes-femmes, à la reconnaissance de la diversité culturelle ou au rejet de toute forme de discrimination. Mais les Françaises et les Français n'y ont pas trouvé les réponses suffisantes à leurs interrogations sur le modèle de développement économique et social que nous leur proposons. L'Europe est-elle d'inspiration purement libérale, comme certains le craignent ? Doit-elle renforcer sa dimension sociale ? En France comme en Europe, je crois que la vérité est plutôt dans le dépassement de ce clivage, dans la fidélité à un héritage universaliste et humaniste. L'exigence d'initiative n'est pas contradictoire avec le besoin de solidarité. Elle est même complémentaire.
« L'insatisfaction qui s'est exprimée dans le non européen ne porte donc pas la marque d'une résignation. Elle exprime au contraire une certaine ambition européenne. Pour y répondre, il faudra rapidement avancer des propositions concrètes. Nous le ferons en étroite concertation avec nos partenaires, en particulier avec l'Allemagne car nos deux pays doivent continuer à coopérer étroitement au service du projet européen
« Renforcer la politique sociale, c'est un premier défi à la hauteur des enjeux. La mise en oeuvre sans délai de la clause sociale horizontale sera un moyen d'affirmer notre volonté d'avancer dans cette voie : aucun texte ne pourra être adopté sans que ses incidences dans le domaine social aient été évaluées et publiquement présentées.
« Coordonner les politiques budgétaires et économiques au sein de l'Eurogroupe, c'est un autre défi majeur : nous devons être plus forts, plus confiants dans nos capacités à fixer de grandes orientations économiques pour notre continent.
« Revenir à la préférence européenne,...
M. Michel Charasse. Ah ah !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ...qui a toujours été au coeur de notre projet commun, c'est une troisième orientation fondamentale : pourquoi abandonnerions-nous aujourd'hui un principe fondateur qui est plus utile que jamais et que nos concurrents américains ou asiatiques appliquent largement ? Pourquoi hésiterions-nous à défendre nos intérêts dans le respect de nos engagements internationaux ?
« Développer les outils de l'innovation et de la connaissance grâce à des budgets de recherche conformes à la stratégie de Lisbonne et grâce à de grands projets industriels communs, c'est, enfin, une voie d'avenir qui touche à l'essence même du génie européen : génie de savoir, génie de curiosité, génie d'ouverture au bénéfice de tous.
« La troisième question est celle de l'élargissement.
« Nous savons tous que la rapidité de l'élargissement, si elle a répondu à un véritable impératif historique, n'en a pas moins heurté beaucoup de nos concitoyens. Ce sentiment s'est exprimé le 29 mai : nous devons en tenir compte.
« Les Françaises et les Français veulent savoir dans quelle Europe ils construiront leur avenir et quelles seront ses frontières. Pour répondre à leurs questions, nous devons en priorité apprendre à nous connaître et approfondir les relations avec les nouveaux Etats membres. Les engagements pris à l'égard de la Bulgarie et de la Roumanie seront tenus, en veillant avec une attention particulière au respect des critères fixés. Mais, au-delà, nous devons certainement ouvrir une réflexion avec nos partenaires, dans le respect de nos engagements, sur les modalités des élargissements futurs.
« En l'absence d'institutions adaptées pour faire fonctionner une Europe élargie, la question du lien entre élargissement et approfondissement est désormais posée. (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste.) Il appartiendra aux Européens d'en tirer ensemble les leçons au cours des prochains mois.
« Les progrès de la construction européenne seront d'autant mieux acceptés qu'ils auront été compris par nos concitoyens et qu'ils se les seront appropriés.
« L'association plus étroite des parlements nationaux à la prise de décision européenne me semble donc une priorité. Vous savez que l'article 88-4 de la Constitution fait obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement toute proposition d'acte qui relèverait du domaine de la loi au sens national du terme. A l'entrée en vigueur du traité constitutionnel, il était prévu que ce dispositif soit élargi à toute proposition d'acte relevant du domaine de la loi au sens européen du terme. Je prendrai les dispositions nécessaires pour que cette clause soit appliquée dans les meilleurs délais. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Didier Boulaud et Jean-Pierre Plancade applaudissent également.)
« Au-delà, toutes les Françaises et tous les Français doivent être mieux associés aux décisions européennes et à leur préparation. Je m'y emploierai.
« Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le vote du 29 mai a fixé une double exigence : défendre les intérêts de notre pays en prenant en compte les inquiétudes et les aspirations des Françaises et des Français ; défendre l'unité et le rassemblement des Européens. J'en tiendrai le plus grand compte.
« Le débat référendaire a été un premier pas dans la voie d'une réappropriation de l'Europe par chacun de nos compatriotes. Il doit être poursuivi à l'échelle européenne pour tenir compte des attentes de tous les peuples. La France veut faire entendre sa voix et défendre une vision exigeante de l'Europe. Le Président de la République le fera bien sûr au prochain Conseil européen, mais aussi à l'occasion de tous les rendez-vous qui permettront la réconciliation de l'Europe et du citoyen. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. Je salue au banc du Gouvernement M. le Premier ministre, qui répondra aux orateurs qui vont intervenir.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rejet du traité constitutionnel par la France, puis par les Pays-Bas, a été une profonde déception pour tous ceux d'entre nous qui placent leurs espérances dans l'affirmation d'une Europe politique au service de la paix et de l'équilibre du monde. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Seule cette ambition est à même de donner un véritable sens à tout ce qui a déjà été patiemment construit depuis près de cinquante ans, depuis le marché commun au marché unique, puis à la monnaie unique - qui nous préserve aujourd'hui de bien des turbulences monétaires -, depuis aussi ce qui n'était qu'une simple « coopération politique » à une politique étrangère et de sécurité commune.
Cette ambition est aujourd'hui blessée, et la confusion qui entoure désormais l'avenir du traité constitutionnel va peser sur des négociations essentielles pour l'avenir. Pourra-t-on ainsi poursuivre, sur le même rythme et sur les mêmes bases, les élargissements futurs de l'Union, alors même que l'instrument juridique qui devait permettre de conjuguer élargissement et approfondissement est aujourd'hui, pour le moins, différé ; alors même aussi que nous nous retrouvons dans le cadre du traité de Nice, dont les résultats à cet égard avaient justifié la mise en place de la Convention pour l'avenir de l'Europe ?
C'est aussi dans ce climat délicat qu'à partir de demain va se tenir le Conseil européen où les responsables des Vingt-cinq devront prendre des décisions sur deux sujets majeurs : les perspectives financières de l'Union pour la période 2007-2013 et l'avenir du traité constitutionnel.
Le financement de l'Union pour 2007-2013 va commander le choix de ses priorités pour les années à venir : respecter les engagements souscrits pour l'intégration des nouveaux membres, étendre les politiques communautaires existantes et respecter l'accord conclu à l'unanimité, en 2002, sur la PAC. La position de six des Etats membres, dont la France, qui souhaitent limiter ce budget à hauteur de 1 % du revenu national brut, est cohérente avec les contraintes de dépense publique que chaque nation est tenue de respecter et auxquelles l'Union elle-même ne peut se soustraire.
Nous voyons bien aujourd'hui que chaque pays avance ses « lignes rouges », qui annoncent des négociations particulièrement difficiles et leur conclusion incertaine.
Au principe d'une limitation du montant du prochain budget européen s'ajoute la question du partage de son financement, auquel la France devra prendre sa part.
Sur ce point, c'est bien sûr le maintien en l'état du mécanisme du chèque britannique, décidé en 1984, qui doit être remis en question. A l'évidence, cette « correction » ne se justifie plus aujourd'hui : alors que le Royaume-Uni se situe à près de 20 % au-dessus de la moyenne communautaire des Vingt-cinq, ce sont les autres Etats membres qui financent le chèque britannique, y compris ceux dont le revenu atteint moins de la moitié de celui du Royaume-Uni ! Anachronique, coûteux, injuste, ce dispositif, qui représente 56 milliards d'euros pour la période 2007-2013, doit être revu.
A cet égard, la proposition du Premier Ministre britannique de lier ce dispositif à l'accord de 2002 sur le financement de la politique agricole commune n'est pas acceptable. La France, dans ce délicat dossier, est loin d'être isolée.
Au-delà du montant global du budget et de la part de chacun dans son financement se pose aussi la question de la destination des dépenses. Quel sera le niveau de répartition des ressources entre deux instruments de la politique structurelle : celui dit de l'objectif 1, qui va légitimement concentrer l'action budgétaire vers les Etats et régions les plus pauvres, et celui dit de l'objectif 2, visant la compétitivité et l'emploi, qui reste essentiel pour les régions françaises ? Quelle solution pourra intervenir pour des pays qui, comme l'Espagne, vont cesser de bénéficier du fonds de cohésion ?
Enfin, s'agissant des dépenses agricoles, qu'en sera-t-il, dans le cadre du plafonnement décidé en 2002, des 8 milliards d'euros sur sept ans liés à l'élargissement à la Bulgarie et à la Roumanie en 2007 ?
Je voudrais également rappeler ici la pertinence d'une démarche volontariste en matière de politique communautaire de recherche. Voilà un an, notre collègue député Marc Laffineur et moi-même avions préconisé de mettre l'accent sur la recherche liée à la sécurité et à la défense, dans le cadre de l'Agence européenne de défense ; il me semble important d'approfondir notamment cette voie.
Sur toutes ces questions, monsieur le Premier ministre, vous nous direz l'état d'esprit qui anime le Gouvernement français à la veille de ce rendez-vous capital.
Deuxième sujet sur lequel les responsables des Vingt-cinq devront aboutir à une position constructive : l'avenir du traité constitutionnel, celui de l'ambition qu'il porte et qui reste le seul moyen pour les peuples d'Europe de donner un sens et une orientation claire à ce qui, à défaut, ferait stagner l'ambition européenne au seul grand marché européen.
Il appartient à chaque pays membre de définir la suite qu'il entend donner à son processus de ratification. Mais la logique juridique est là : d'ores et déjà privé de deux approbations, atteint par la « suspension » britannique, et peut-être danoise, le traité constitutionnel ne pourra entrer en vigueur en l'état. Pour autant, ne pourrait-on pas envisager que les responsables européens donnent une nouvelle chance à celles des dispositions inscrites dans la première partie du traité qui sont relatives aux institutions, sur lesquelles un consensus général est sans doute possible ? Pourraient ainsi être préservées les avancées incontestables que constituent, par exemple, la présidence stable de l'Union - déjà acquise pour l'Eurogroupe -, la création du service d'action diplomatique, ou encore les coopérations en matière de défense. Après tout, l'Agence européenne de défense existe bel et bien aujourd'hui, les Vingt-cinq ayant décidé sa création lors du Conseil de Thessalonique de juin 2003 !
Ces dispositions relèvent finalement plus du bon sens que de l'idéologie. Elles peuvent répondre à un souci d'efficacité sans nécessiter des modifications institutionnelles majeures. Est-ce là, monsieur le Premier ministre, une voie que vous entendez promouvoir auprès de nos partenaires ?
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors des négociations qui s'ouvriront demain, l'Union va se trouver dans la position délicate de devoir décider de ses moyens d'agir pour l'avenir alors même que les turbulences qui touchent le traité constitutionnel viennent obscurcir son horizon politique. Il lui faut, dans l'immédiat, rassurer des populations inquiètes, s'interroger sur des méthodes souvent mal comprises - à tort ou à raison - et tenter de conforter, par-delà les crises, le projet qu'elle construit pour notre avenir collectif.
Dans cette atmosphère de doutes et d'interrogations, je vois trois raisons d'espérer.
D'abord, le projet européen n'en est pas à sa première crise, et son histoire démontre qu'il a su chaque fois se relever pour continuer de progresser. Sa force lui a donné, en quelque sorte, les « anticorps » qui lui permettent de dépasser les obstacles.
Ensuite, pour nous Français, l'ambition européenne doit continuer de se construire sur une communauté d'approche et d'action avec l'Allemagne. Demain comme hier, l'Europe pourra progresser grâce à cette solidarité franco-allemande, par-delà même les alternances politiques, on l'a vu par le passé.
La troisième raison d'espérer naît de l'enseignement tiré de la campagne qui a précédé le 29 mai, campagne qui a été l'occasion, pour chaque Français, peut-être de mieux apprendre l'Europe, d'en débattre et, finalement, d'en décider. Ce moment de démocratie aura été utile pour recréer le lien de légitimité entre l'Europe et ses citoyens.
Monsieur le Premier ministre, les deux prochains jours vont être longs et difficiles. Dans les circonstances présentes, notre pays a besoin de parler d'une voix forte, au nom d'une France rassemblée autour de ses intérêts nationaux. Sachez que vous trouverez aussi au sein de la Haute Assemblée le soutien indispensable à l'affirmation de notre idéal européen. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'objet de notre débat d'aujourd'hui n'est pas de disserter sur les conséquences franco-françaises du « non ».
Il s'agit de tracer des pistes pour le Conseil européen, en nous tournant résolument vers l'avenir, et ce sans escamoter les questions les plus difficiles.
Je ne sous-estime pas l'importance du débat sur les perspectives financières, mais il ne doit pas en quelque sorte être l'arbre qui cache la forêt.
Si le Conseil européen devait se limiter à l'examen des perspectives financières, sur fond d'affrontement franco-britannique, quel message inquiétant serait adressé aux Européens !
Admettons même qu'un compromis soit trouvé. Nous aurons sauvé la face, mais après ? Il y a tout le reste, toutes les questions que vous avez évoquées dans votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre.
L'Europe est plus qu'en crise : elle est en danger. Il lui faut autre chose qu'un replâtrage.
A l'heure où chacun y va de son remède - il suffit pour s'en convaincre d'écouter la radio, de regarder la télévision et de lire les journaux -, le plus important serait d'abord que le Conseil européen pose un diagnostic ou organise un rendez-vous pour poser un diagnostic.
Qu'il décide ou non une pause dans les ratifications, il faut, d'une manière ou d'une autre, qu'il maintienne le rendez-vous prévu en 2006 et que, à ce moment-là, les Etats répondent enfin à la question : quelle Europe voulons-nous ensemble ? Une Europe à l'anglo-saxonne ou une Europe s'affirmant sur le plan politique à partir de ses valeurs, et donc dotée d'une vraie capacité de décision et d'action ?
Le Conseil européen doit nous envoyer le message non de la résignation, mais de la volonté d'agir. Pour que l'Europe retrouve son élan, il faut qu'elle sache se recentrer aujourd'hui sur des projets concrets. C'est ce que nous ont demandé les Françaises et les Français au cours de cette campagne. En d'autres termes, il faut que l'Europe fasse ses preuves.
Jacques Delors a remarqué un jour que l'Europe ne savait pas bien faire deux choses à la fois. Ces dernières années, elle s'est concentrée sur une seule chose ou presque : la réforme de son fonctionnement. Mais l'Europe n'a pas su occuper en même temps le terrain économique et social, où se trouvent les attentes les plus fortes de nos concitoyens.
Un seul exemple : la stratégie de Lisbonne, lancée il y a cinq ans, n'a donné jusqu'à présent à peu près aucun résultat tangible...
M. Jean Bizet. C'est exact !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. ... et nous attendons toujours la nomination du coordonnateur français sur la stratégie de Lisbonne.
Les citoyens comprennent que l'Europe doit s'organiser et s'unir pour être un acteur mondial, mais ils attendent aussi qu'elle aide à répondre à leurs préoccupations quotidiennes, dont les premières sont la croissance et l'emploi.
Bien sûr, l'action dans ce domaine relève en partie de mesures nationales, mais des responsabilités doivent également s'exercer à l'échelon européen. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation où la léthargie de la zone euro contraste avec le dynamisme des économies nord-américaines et asiatiques.
Dès lors que la politique monétaire se décide à l'échelon européen et que l'Union coordonne les politiques des Etats membres, il est nécessaire que le dispositif européen place au centre de son action les objectifs de croissance et d'emploi.
Mais il faut aller plus loin.
En réalité, l'échec du processus de ratification, venant après la division des Européens sur l'Irak, montre que la solidarité entre Européens, qui est la base d'une union politique - l'affectio societatis, en quelque sorte - doit encore s'approfondir.
En situation de crise, il est toujours utile de revenir aux sources. L'esprit de la déclaration Schuman était de développer des solidarités concrètes en vue de préparer les voies d'une union politique. La Communauté à six étant devenue une Union à vingt-cinq et bientôt à vingt-sept, cette démarche doit retrouver toute sa valeur.
C'est autour de projets concrets comme le développement des réseaux transeuropéens ou la généralisation des échanges d'étudiants et d'enseignants, la recherche, que peut s'éprouver l'efficacité de la solidarité européenne.
De même, la construction de l'Europe de la défense ou encore la lutte commune contre la délinquance transfrontalière sont des domaines où nous pouvons avancer sur la base des traités actuels, et montrer les avantages tangibles de la construction européenne.
Si l'on veut réconcilier les citoyens avec l'Europe, il faut également sortir de l'ambiguïté dans certains domaines.
Certains discours laissent penser - ce fut particulièrement le cas pendant la campagne - que la construction européenne va résoudre tous les problèmes, d'autres en font l'alibi des difficultés nationales.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Josselin de Rohan. Tout à fait :
M. Michel Charasse. Ce n'est pas faux !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Dans les deux cas, on fait tout reposer sur l'Europe, ce qui ne peut mener qu'à la confusion des esprits.
L'Europe est destinée non pas à se substituer aux Etats membres, mais à leur permettre d'agir en commun là où ils n'ont pas séparément la dimension nécessaire pour agir efficacement. L'Union doit être complémentaire des Etats membres - c'est le sens du principe de subsidiarité - et non chercher à les concurrencer. Elle doit apparaître comme une source de possibilités supplémentaires et surtout pas comme un carcan.
De même, peut-on espérer retrouver l'adhésion des citoyens en laissant constamment dans l'ambiguïté la réponse à la question des limites de l'élargissement ? Quelle que soit la réponse à cette question, il en faut une, si l'on veut que les citoyens aient des repères, ce qui est une absolue nécessité. Nos concitoyens n'ont pas voté contre l'élargissement : ils ont voté contre la confusion qui l'entoure, confusion propice à tous les mauvais procès et le fonds de commerce d'un certain nombre de tenants du « non ». Il faut dire aux Françaises et aux Français où nous allons.
Nous avons aujourd'hui pour la première fois - et c'est de bon augure - un débat avant la tenue d'un Conseil européen. C'est tout de même une première, ...
M. le président. En effet !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.... qui mérite d'être soulignée et qui était réclamée.
M. Robert Badinter. Il n'était que temps !
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. J'en remercie M. le président du Sénat ainsi que M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
C'est un progrès, car le Parlement est rarement sollicité, et plus rarement encore écouté, lorsqu'il s'agit des questions européennes. Je voudrais voir là, monsieur le Premier ministre, un premier pas dans l'adaptation de notre vie publique à la construction européenne.
Constitution ou pas, la construction européenne est en réalité d'ores et déjà au coeur de la vie nationale. Il faut désormais la mettre aussi au coeur de notre vie politique et administrative si nous voulons retrouver les bases d'une démocratie authentique.
C'est tout le fonctionnement de l'Etat qu'il faudrait revoir dans cette optique, monsieur le Premier ministre.
A l'échelon gouvernemental, un dispositif interministériel renforcé devrait prendre en compte dès le stade des négociations les difficultés éventuelles, au lieu de les découvrir une fois les décisions arrêtées. Une chaîne cohérente devrait relier les administrations aux négociateurs, ce qui supposerait que chaque ministère s'imprègne de la dimension européenne, et le fonctionnement du Parlement devrait également être revu.
L'Europe ne doit plus être le parent pauvre des activités parlementaires, qu'il s'agisse de législation - nos retards dans la transposition des directives sont devenus une habitude - ou, comme aujourd'hui, dans nos efforts de contrôle.
Si nous parvenons à rétablir le lien entre les citoyens et l'Europe, alors nous pourrons reprendre utilement, sous une forme ou sous une autre, tout ou partie du projet constitutionnel.
Jean Monnet disait que l'Europe était nécessairement appelée à connaître des crises et que son avenir dépendrait de la manière dont elle les résoudrait. Aujourd'hui, il faut que l'Europe mesure les dangers qui la menacent et puise dans ses propres forces de quoi se redonner un avenir.
Oui, il faut redonner de l'avenir à l'Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, nous sommes ici unanimes, je pense, à saluer l'organisation de ce débat à la veille du Conseil européen.
Nous avons en effet demandé avec insistance que de tels débats deviennent une pratique ordinaire dans nos assemblées. Associer davantage le Parlement national à la préparation des Conseils et à la vie de l'Union est en effet nécessaire pour que les Européens s'approprient la démarche européenne.
De plus, le débat d'aujourd'hui est crucial en un temps de crise française et européenne.
Les membres du groupe UC-UDF souhaitent évidemment ardemment que le Conseil européen qui s'ouvre demain se tourne vers l'avenir et ouvre une ère où les chefs d'Etat mettent de nouveau une réelle volonté politique au service de la construction européenne.
Nos collègues des autres Etats de l'Union restent abasourdis devant notre capacité à jouer avec le rêve européen, ce rêve que, avec l'Allemagne, nous avions su offrir à notre continent, et ils nous jugent sévèrement.
Ils restent étonnés de nous voir rejeter une Constitution que nous avions voulue, que nous avons largement rédigée et qui nous était favorable. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Face à ces réactions, nous avons perdu tout droit à donner des leçons, si tant est que nous n'en ayons jamais eu.
Notre arrogance ne nous a jamais servis. Au moins, désormais, sommes-nous condamnés à cultiver l'humilité.
Mais pour quoi faire ? Qu'attendent les Français ? Qu'attendent de nous nos partenaires, pour autant qu'ils attendent encore quelque chose de nous ?
Le rêve européen était fondamentalement un rêve de paix et de respect des droits de l'homme, nous l'avons dit et répété pendant la campagne, mais sans doute pas encore assez. Le génie de Robert Schuman s'est exprimé dans la méthode qui porte son nom et qu'il nous a proposée : « Si tu veux construire une paix durable, apprends aux hommes à travailler ensemble ».
C'était un vrai projet politique, à la fois inspiré et concret. Retrouvons son intuition et mettons le plus grand pragmatisme au service du rêve européen que nous allons nous attacher à retrouver !
Monsieur le Premier ministre, il nous faut proposer des avancées pratiques, concrètes et lisibles, tout en rappelant sans cesse le sens profond du projet dans lequel elles s'inscrivent. Pensons à l'agriculteur qui oriente sa charrue vers une étoile pour que son sillon soit droit.
M. Michel Charasse. Et qui demande des subventions !
M. Denis Badré. Il faut la charrue, mais il faut aussi l'étoile, les dispositions concrètes, mais aussi l'inspiration.
Nous attendons du Conseil qu'il adopte rapidement un calendrier d'approfondissement des institutions. Ne reportons pas aux calendes grecques ce qui est indispensable pour que l'Europe vive à vingt-cinq. A défaut d'une belle Constitution cohérente et complète, de plus petits traités à objet limité seraient au moins nécessaires pour offrir à l'Union certaines dispositions, par exemple celles qui figurent dans la partie I de la Constitution, je pense en particulier au président du Conseil ou aux conditions de désignation des membres et du président de la Commission, Commission dont il faut impérativement restaurer le rôle de « porteur de l'intérêt commun ».
Nous souffrons aujourd'hui d'un manque de revitalisation de l'intérêt commun ; il a disparu et il faut le restaurer.
Engager une telle démarche est nécessaire pour que ne se découragent pas ceux qui croient vraiment que l'Europe est notre destin, ceux qui ont compris que bien souvent la solution à nos problèmes est dans plus d'Europe.
Deux sujets font la une de l'actualité : la politique agricole commune et le chèque britannique, de manière assez désastreuse à mon sens. Le fait que deux grands Etats de l'Union se les opposent accrédite l'idée selon laquelle l'Europe serait d'abord un grand marchandage, un lieu où l'on tente de régler des conflits d'intérêts nationaux.
Derrière ce premier affrontement, c'est tout le débat sur les « retours nets » qui est rouvert. Où est l'intérêt commun dans le « J'en veux pour mon argent » ?
La paix, la libre circulation des personnes, le développement des échanges économiques ne sont pas des produits chiffrables et localisables dans tel ou tel Etat de l'Union. Il s'agit bien des fruits d'un intérêt commun. N'oublions jamais que cet intérêt commun parce qu'il est commun est bien aussi l'intérêt de chacun. Lorsque l'on perd de vue l'intérêt commun, l'Europe s'échoue, et ce sont les Etats qui souffrent.
La Convention a précisément été mise en place pour favoriser l'expression de l'intérêt commun mieux qu'au sein de la conférence intergouvernementale. Tentons de vivre la crise actuelle comme une opportunité nous appelant à retrouver le sens et l'importance de l'intérêt commun.
En ce qui concerne la PAC, rester sur l'accord de 2002 est à l'évidence justifié du point de vue de l'intérêt national. Pour l'instant c'est nécessaire, mais veillons, monsieur le Premier ministre, à ne pas payer très cher par d'autres concessions cette situation dans laquelle nous choisissons de nous installer.
Veillons à ne pas le payer cher non plus en nous interdisant de reprendre une réflexion de fond sur la PAC. Mettre des rustines sur une PAC à bout de souffle n'a plus grand sens. Plus personne d'ailleurs ne s'y retrouve. Rappelons que la PAC n'a pas été faite d'abord pour les agriculteurs français. Sortons de ce piège où nous nous sommes laissé enfermer : elle a été faite pour que les consommateurs européens disposent d'une alimentation garantie en quantité et en qualité et d'un espace rural vivant et harmonieux.
La PAC fut dévoyée par la mise en place d'aides directes. En 1992, n'aurait-il pas mieux valu généraliser aux grandes cultures un système de prix différenciés semblable à celui qui régit le marché du sucre ?
Avec l'élargissement et l'arrivée dans l'Union de pays qui avaient précisément besoin d'une PAC identique à celle que nous avions su mettre en place dans notre vieille Europe trente ans auparavant, nous avions l'occasion de revoir tout le système. Nous ne l'avons pas saisie. Nous avons une nouvelle occasion de réformer la PAC autour du principe de la préférence communautaire. Cette fois, saisissons-la. Monsieur le Premier ministre, nous sommes à votre disposition, car nous avons beaucoup réfléchi sur ce sujet.
Je le disais tout à l'heure, le « chèque britannique » est une absurdité du point de vue européen. C'est une absurdité coûteuse : plus de 5 milliards d'euros cette année, montant bien supérieur aux 400 millions d'euros consacrés dans le budget européen à l'aide humanitaire ou aux seuls crédits de recherche inscrits dans le cadre du PCRD, le programme cadre de recherche et développement. Que le « chèque britannique » coûte plus cher à l'Europe que la recherche est tout de même insensé ! De plus, ce « chèque » coûte 1,5 milliards d'euros à la France, c'est-à-dire presque 10 % de notre contribution au budget de l'Union.
Il s'agit donc non seulement d'un vrai problème de principe, mais aussi d'un vrai problème financier. Il ne sera pas traité isolément puisque la Grande-Bretagne y mettra toujours son veto. Nous ne progresserons pas non plus en nous cantonnant dans un face à face stérile, PAC et « chèque britannique ».
Il faut reprendre une vraie réflexion sur la forme, la structure et le contenu du budget européen. Je ne développe pas non plus ce point aujourd'hui, car je le fais chaque année, lors de l'examen de l'article du projet de loi de finances qui fixe le montant du prélèvement sur nos recettes au profit du budget européen.
Je rappelle simplement que nous n'irons pas loin avec un budget dont l'essentiel des recettes est voté par les Parlements nationaux et dont les dépenses sont adoptées par le Parlement européen. Où est alors le principe du consentement à l'impôt ? (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.) Où est la démocratie ? Où les Européens peuvent-ils retrouver les choix qui sont faits ?
Nous n'irons pas loin avec un budget qui ouvre des possibilités pluriannuelles de dépenses sous plafond là où il serait préférable de financer des programmes ou des projets. Là non plus, personne ne s'y retrouve !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Denis Badré. L'exercice de définition des perspectives financières n'incite pas aux vraies remises en cause. De perspective en perspective, on « ravaude », on continue, on va au fil de l'eau, sans réelles perspectives européennes au sens fort, c'est-à-dire au sens politique.
Pourtant, une révision profonde du contenu et de la forme du budget européen s'impose aujourd'hui.
S'agissant du contenu, je prendrai deux exemples : d'une part, les crédits de recherche du PCRD justifieraient une vraie réflexion ; d'autre part, l'accident du tunnel du Mont-Cenis, « renvoyant » sur le Mont-Blanc un trafic de camions dont plus personne ne veut, confirme la fécondité de l'idée des réseaux transeuropéens. Encore faut-il la mener au bout, en lançant, par exemple, comme nous l'avons déjà demandé, un programme de percées alpines de statut européen. Ne s'agit-il pas de protéger les Alpes, poumon de l'Europe et pas simplement de l'Autriche, de la France ou de l'Italie ? Car les poids lourds qui traversent les Alpes vont non seulement de Savoie en Lombardie, mais souvent aussi de Finlande en Grèce.
Je pourrais multiplier les exemples, en évoquant également la PESC, la politique étrangère et de sécurité commune, mais je m'arrête là.
Monsieur le Premier ministre, pour conclure, nous aimerions voir la France proposer aujourd'hui à l'Europe un vrai programme politique, organisé autour de trois priorités.
Première priorité : réussir l'élargissement.
A cet égard, tout n'a pas été fait le 1er mai 2004, loin s'en faut. Il convient aujourd'hui de réussir l'élargissement, dans l'intérêt des pays qui nous ont rejoints comme dans celui des anciens Etats de l'Union, ce qui constitue déjà une vaste entreprise.
Deuxième priorité : appeler l'Union et ses membres à mettre en oeuvre, ensemble, une vraie politique scientifique, nous permettant d'améliorer notre compétitivité et de rivaliser avec nos grands concurrents, actuels ou futurs, notamment les Etats-Unis, l'Inde et la Chine.
Troisième priorité : lancer une vraie politique d'aide aux pays les plus pauvres, politique nécessaire si nous voulons lutter contre les délocalisations, politique indispensable si nous voulons aller vers un monde de paix, respectueux de tout homme.
Dans ces deux dernières priorités, vous aurez retrouvé, monsieur le Premier ministre, une nouvelle présentation de la stratégie de Lisbonne. A mon sens, présenter la stratégie de Lisbonne en affirmant que nous voulons retrouver notre compétitivité par rapport à nos grands concurrents et aider ceux qui sont à la traîne est une conception dans laquelle tout le monde peut se retrouver beaucoup plus facilement, car cette conception est beaucoup plus lisible et a un sens beaucoup plus fort sur le plan politique.
N'est-ce pas sur de tels sujets - compétitivité de l'Europe et de chacun de ses Etats membres, aide aux pays en développement -, qui s'avèrent vitaux pour nous, pour l'Europe et pour le monde, que la France doit de nouveau savoir ouvrir des voies ?
Monsieur le Premier ministre, nous avons mal à la France, nous avons mal à l'Europe !
Nous voulons que la France retrouve sa fierté de servir avec autant d'humilité que d'ambition l'extraordinaire projet humaniste engagé voilà cinquante ans par la France et l'Allemagne, et que le monde attend.
Nous attendons de vous, monsieur le Premier ministre, que vous fassiez tout pour que les Français renouent avec le rêve européen et pour que les Européens reconnaissent de nouveau en la France le pays qui donne du souffle à l'Europe ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le Premier ministre, pour se revendiquer de la démocratie, il faut que le peuple soit susceptible d'avoir le dernier mot.
En étant ainsi invité à se prononcer sur la ratification du traité constitutionnel européen, le peuple s'est littéralement emparé du texte dans un contexte passionné et, parfois, hostile.
Malgré la dictature du « oui » que tentaient d'imposer les médias, relayés en cela par la plupart des partis politiques, notamment par les deux partis dominants, nos concitoyens ont su se faire une opinion objective d'un texte qu'ils ont massivement rejeté.
Le peuple a tranché en connaissance de cause. Les Françaises et les Français ont dit non. Ils ont opposé courageusement un « non » massif et clair à la construction d'une Europe libérale, celle où règne la loi du marché, la loi du plus fort, la loi de la jungle.
M. Josselin de Rohan. C'est celle que vous allez avoir !
M. Robert Bret. Le dernier exemple en date, qui me touche de près, nous a été communiqué cet après-midi par une dépêche de l'AFP : la Cour de justice des Communautés européennes vient d'annuler une aide de 76 millions d'euros que Bruxelles devait verser à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée. Cela risque de porter un coup mortel à la compagnie et à l'avenir même du service public de continuité territoriale avec la Corse.
Monsieur le Premier ministre, ce vote populaire sans équivoque est lourd de sens pour l'exécutif, en particulier pour le Président de la République, qui aura à représenter la France au sein du Conseil européen.
La question de la légitimité d'une telle représentation est posée, au lendemain d'un référendum qui sonne comme un revers cinglant à la position clairement affichée par le chef de l'Etat et à la politique économique et sociale dévastatrice menée par son gouvernement.
Dans ces circonstances, pour prétendre à une représentativité, si minime soit-elle, le Président de la République doit se présenter au Conseil européen en qualité de mandataire du peuple français. La logique démocratique exige donc que le Président se soumette à la volonté exprimée souverainement par nos concitoyens.
M. Josselin de Rohan. Le Pen et Buffet !
M. Jean-Pierre Plancade. Incroyable !
M. Robert Bret. Je le rappelle solennellement, le référendum du 29 mai dernier impose le choix du peuple aux dirigeants de notre pays : il ne s'agit pas d'un simple référendum consultatif, comme le souhaiterait bon nombre de partisans du « oui ».
Monsieur le Premier ministre, ce rôle de porte-parole de la stricte volonté populaire ne laisse donc nul choix au Président de la République. Il ne s'agit pas de faire le dos rond, ainsi que certains le proposent, comme si rien ne s'était passé le 29 mai dernier.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Qui a dit cela ?
M. Robert Bret. Sauf à défier la volonté populaire, le chef de l'Etat est ainsi contraint de revenir sur la signature du traité constitutionnel, irrémédiablement caduc, et d'exiger une renégociation de ce texte sur des bases nouvelles, inspirées par une conception rénovée du projet européen.
Pour sortir de la crise, il faut engager au plus vite des négociations afin de redéfinir les fondements de l'Union européenne.
Cette démarche constructive passe au préalable par le retrait définitif de certains textes, directives et règlements, et par l'arrêt immédiat du mouvement de privatisation des services publics, à commencer par celui qui frappe le fret ferroviaire.
La refondation de l'Union européenne sur un projet social et citoyen nécessite en effet le retrait des textes les plus controversés, notamment le projet de directive Bolkestein, celui sur l'aménagement du temps de travail ou encore celui sur la libéralisation des services portuaires.
Sur la directive Bolkestein, monsieur le Premier ministre, il n'est pas acceptable que Mme Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, ait participé la semaine dernière à la poursuite des négociations sur le projet de directive. Il ne faut plus biaiser avec la parole du peuple, il faut l'accepter.
Il convient également de réformer tous les dispositifs qui ont démontré leur inefficacité pour la construction d'une Europe sociale. Nous pensons notamment au carcan que constituent le pacte de stabilité et la politique monétaire menée librement par la Banque centrale européenne et à l'impasse auxquels ils mènent.
A la veille du Conseil européen de Bruxelles, il est donc nécessaire que votre gouvernement et le Président de la République en personne prennent la juste mesure du résultat du référendum du 29 mai.
Le peuple a repris la main, il s'est exprimé clairement.
Il a exprimé sa soif de démocratie et de citoyenneté.
La crise européenne que nous traversons doit trouver une porte de sortie par le haut, c'est-à-dire par la voie du peuple.
Le déficit démocratique qui résulte du fossé béant existant entre les décideurs et les citoyens européens doit être résorbé.
Le « non » du 29 mai, outre un formidable espoir d'Europe sociale, a été porteur d'une profonde aspiration démocratique.
Les citoyens l'ont constaté : lorsque l'autorité passe du niveau national au niveau européen, les décideurs sont bien loin et les choses leur échappent sur des points essentiels qui conditionnent leur vie.
Les citoyens ont ainsi constaté que la construction européenne a fait émerger une « Europe des gouvernements et des administrations », s'appuyant sur une lourde technocratie, puisque c'est cette Europe qui s'est révélée comme le principal détenteur du pouvoir normatif communautaire.
Monsieur le Premier ministre, l'urgence consiste donc à combler ce déficit démocratique. Pour cela, nous devons transformer l'Union européenne, la diriger vers toujours plus de démocratie. Pour y parvenir, les représentants des peuples et les citoyens eux-mêmes doivent se réapproprier le projet européen, en exerçant un nouveau contrôle sur la conduite de la construction européenne.
Il faut mettre en place un nouveau cadre de réflexion pour refonder l'Europe, cadre qui remédie à l'éloignement des principaux centres de décision.
Le débat européen doit se poursuivre et s'amplifier, en permettant aux peuples européens et à leurs forces politiques, syndicales et associatives de participer activement à une nouvelle construction européenne.
Les fondements de l'Union européenne doivent donc être redéfinis.
Les valeurs prônées par l'Europe ne peuvent plus être liées à l'économie de marché ouverte où la concurrence est libre.
Il convient désormais de s'engager dans une refondation de l'Europe. Pour cela, il s'agit d'abord de s'interroger sur les droits fondamentaux et sociaux de la personne, sur les valeurs qui rassemblent les peuples européens.
M. Jean-Pierre Plancade. Vous les avez refusés en votant « non » ! C'est incroyable !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est incohérent !
M. Robert Bret. Au coeur des politiques européennes doivent être mis en place des systèmes de protection sociale harmonisés par le haut, des services publics étendus, des institutions plus démocratiques et plus proches des citoyens, une politique économique et monétaire au service de la croissance et de l'emploi.
Nous avons besoin d'orientations et de structures permettant de maîtriser les marchés financiers. C'est faisable, dès lors que l'on accepte de mobiliser de puissants leviers tels que la Banque centrale, la fiscalité sur le capital ou de grands pôles publics, dès lors que l'on accepte d'édicter des règles visant à responsabiliser les entreprises sur les plans social, environnemental ou démocratique, et d'orienter les crédits ainsi dégagés vers de grandes priorités politiques démocratiquement établies et évaluées régulièrement.
Cela nécessite l'abandon d'une politique monétariste au profit d'objectifs de développements ambitieux. Cela nécessite de mettre l'euro au service de cette perspective.
Le budget européen, dressé par le Président de la République et ses amis européens, qui masque la nécessité de changer les bases de la construction européenne, doit également tendre vers le retour au plein emploi en Europe.
Pourquoi ne pas envisager, dans ce cadre, la planification de grands travaux ? Je pense essentiellement au fret ferroviaire, pour lequel les politiques libérales menées à l'échelle européenne, mais aussi au niveau national, n'ont pas permis la mise en place d'un réseau transeuropéen des transports de qualité, respectueux de l'environnement et garant de la sécurité.
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas gentil pour Gayssot !
M. Alain Gournac. En effet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de vos propres lacunes !
M. Robert Bret. En outre, monsieur le Premier ministre, l'Europe doit assumer pleinement son rôle sur la scène internationale. Elle doit user de son poids pour faire émerger d'autres règles dans les relations internationales, en s'engageant notamment pour le désarmement nucléaire, pour exclure explicitement tout recours à la guerre comme moyen de régler les conflits mondiaux, pour faire prévaloir la force de la politique sur la politique de la force et pour une régulation équitable des échanges.
Mes chers collègues, le résultat du référendum a tracé les contours de ce nouveau projet, c'est-à-dire les contours de cette Europe sociale et démocratique.
Pour notre part, nous assumerons notre fonction de représentant de la souveraineté populaire, pour veiller au respect, par l'exécutif, de la parole sacrée du peuple souverain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le peuple s'est prononcé.
Le 29 mai dernier, à vingt-deux heures, le rideau du temple européen s'est déchiré.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ensuite, vient la résurrection !
M. Aymeri de Montesquiou. Aux yeux d'une Europe interloquée, des Français exaltés par le triomphe du « non » et des Français atterrés par la défaite du « oui » ont-ils tourné la page toute neuve, mais déjà longue, de la construction européenne ? Ce fut un choix existentiel.
Tel Sisyphe, les tenants du « oui » ont vu l'Europe redescendre la pente, alors même que, petit à petit, elle se hissait vers les sommets en devenant une puissance politique à l'échelle mondiale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vers les sommets de 20 millions de chômeurs ! Nous n'avons pas la même conception des sommets !
M. Aymeri de Montesquiou. Les tenants du « non », dans leur hétérogénéité, partageaient le même enthousiasme de leur refus triomphant d'une constitution européenne, mais manifestaient aussi soit le rejet d'une Europe dans laquelle ils ne reconnaissaient pas la France des siècles passés, soit le rejet d'un système économique qui avait pourtant partout démontré sa supériorité sur le collectivisme.
La tentation est grande de comparer cet enthousiasme du « non » à certaines heures de notre histoire où le sentiment et le verdict populaires ont préféré la facilité et n'ont pas été au rendez-vous du courage.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas le droit de dire cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une honte !
Mme Hélène Luc. Si vous croyez que vous allez gagner l'opinion ainsi, vous vous trompez !
M. Robert Bret. Vous comparer avec 1789 ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, la nuit du 4 août !
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Il n'a pas donné de date !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, la parole est à M. de Montesquiou et à lui seul !
M. Aymeri de Montesquiou. Un changement est indispensable pour changer d'attitude et préparer les années à venir. Cet échec du « oui », tous les partis de gouvernement en partagent la responsabilité. En effet, il n'y a pas un ministre qui ne soit revenu d'un Conseil européen sans s'attribuer les mérites d'une décision européenne facile à accepter par nos concitoyens ou sans rejeter sur l'Europe la faute d'une potion amère.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. Nous, les parlementaires, nous avons le plus souvent relayé de telles attitudes dans nos départements. Comment l'Europe, dans ces conditions, ne serait-elle pas apparue comme contraire à l'intérêt propre des Français ?
Mme Hélène Luc. En tout cas, vous ne les avez pas convaincus !
M. Denis Badré. On pourrait sans doute aussi s'interroger sur le peu de cas fait à nos parlementaires européens par nos partis politiques et sur leur absence organisée lors du débat institutionnel.
Pour ce qui est de la construction européenne, comment avons-nous pu refuser l'évidence ? Nous savions tous que des structures mises en place pour six pays fonctionnaient de moins en moins bien au fur et à mesure des élargissements. La nécessité de l'approfondissement apparaissait à tous, mais nous préférions la fuite en avant. Comment avons-nous pu imaginer que les Français ne prendraient pas conscience de ce que l'Europe fonctionnait de plus en plus mal et qu'elle apparaissait comme de moins en moins attirante ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel aveu !
M. Aymeri de Montesquiou. J'ajoute que nous n'avons pas fait preuve de sens stratégique en ne ciblant pas dans l'organisation européenne des postes qui nous auraient permis d'influer fortement sur les décisions.
M. Jacques Pelletier. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin, on peut s'interroger sur le mode de scrutin choisi. Lors de son élection, le chef de l'Etat avait été approuvé sur ses choix européens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Aymeri de Montesquiou. Le risque était-il permis, pour une décision aussi importante, et alors que chacun avait conscience que l'affectif domine le rationnel quand un tel choix se présente ?
Mme Eliane Assassi. Cessez de prendre les gens pour des idiots !
M. Robert Bret. Quel mépris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les Pays-Bas ?
M. Aymeri de Montesquiou. Ce constat étant fait, nous ne pouvons rester inertes. Quels doivent être nos axes d'action ?
Après des condoléances - étaient-elles sincères ? - de tous les pays de l'Union européenne, la perte de l'autorité morale indéniable de la France dans l'Union européenne va libérer les tenants d'une politique tournée vers la prééminence économique, aux dépens d'une recherche d'équilibre entre efficacité et solidarité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et que fait-on aujourd'hui ?
M. Aymeri de Montesquiou. Désormais, l'Europe pourrait, hélas ! se défaire. Le président de la Commission, M. Barroso, suggère une pause dans la poursuite des consultations nationales. Ce serait faire preuve d'un singulier manque de considération pour les pays qui se sont déjà prononcés - leurs choix ne peuvent être passés en pertes et profits - et pour ceux qui doivent encore se prononcer. Les pays de l'Union sont des démocraties, elles forment un espace démocratique et chacun a droit à la parole.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup n'ont pas eu droit à la parole !
M. Aymeri de Montesquiou. Le futur président du Conseil européen, le Premier ministre britannique, entend bien remettre à plat le budget de l'Union. L'exécutif français qui, dans sa politique européenne, ne peut plus s'appuyer sur son opinion publique, trouvera-t-il chez nos partenaires suffisamment d'alliés pour s'y opposer ? Le signal donné par le vote français va certainement déliter la solidarité européenne. Il existe un risque réel qu'à cette solidarité ne se substitue le « chacun pour soi ». Que pèsera notre défense d'un budget agricole qui tient encore une place majeure face à la diversité et à la multiplicité des intérêts nationaux ?
L'Europe politique a subi un coup d'arrêt très sévère. Comment relancer sa marche en avant ?
Les étapes majeures de la construction européenne, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, le marché unique, l'euro, ont entraîné des avancées politiques décisives. Renouons avec ce processus ! La Communauté européenne, pour naître et se construire, s'est appuyée sur des menaces, celle d'une troisième guerre mondiale, puis celle du danger soviétique ; aujourd'hui ce doit être la mondialisation. Donnons une place à l'Union européenne, non pas en la noyant dans la mondialisation, mais face à la mondialisation.
Pour créer un nouvel état d'esprit, nous devons défendre, même si c'est un jeu à somme nulle, une politique de préférence communautaire. Ce serait un véritable ciment pour l'Union européenne. Pourquoi l'Union serait-elle le seul espace mondial ouvert à tous les vents ?
Martelons que, face à l'hégémonie américaine, la montée en puissance chinoise et l'irruption de l'Inde, l'Union européenne doit présenter un front uni, c'est-à-dire devenir une puissance politique.
Le budget, symbole du choix politique de toute collectivité, peut être l'outil qui démontrera que tous les pays de l'Union partagent cette conviction et la réalité de ces enjeux.
Monsieur le Premier ministre, malgré nos contraintes budgétaires lourdes, un geste politique fort doit être fait en direction de l'Union européenne, afin de montrer que notre volonté européenne est intacte. Une augmentation, même légère, du budget apparaît aujourd'hui comme une affirmation nécessaire. Des économies dans notre budget national peuvent être trouvées. Cela permettrait aussi de modérer les frustrations de ceux qui seront exclus des fonds structurels et de concrétiser la stratégie de Lisbonne, en donnant toute sa place à la recherche. Cela démontrerait que nous voulons détenir la clé de notre futur.
Nous devons ainsi convaincre les citoyens de l'Union européenne que l'Europe a un avenir et que leur propre avenir est indissociable de cette Europe politique pour laquelle nous nous sommes battus. Faisons tous preuve d'écoute, d'imagination et, surtout, de courage. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cette même tribune, la semaine dernière, Jean-Pierre Bel demandait, au nom du groupe socialiste, qu'un débat soit organisé au Parlement avant le Conseil européen qui commence demain à Bruxelles.
Il nous semblait, en effet, inconcevable que la représentation nationale ne soit pas informée, avant ce rendez-vous décisif, des positions que la France va y défendre.
Monsieur le Premier ministre, nous enregistrons avec satisfaction votre initiative, qui constitue un progrès dans les rapports entre le Gouvernement et le Sénat. Sans vouloir diminuer vos mérites, il faut reconnaître qu'il était difficile de faire moins bien que votre prédécesseur. Tant sur l'adhésion de la Turquie que sur le projet de directive sur les services, le Gouvernement n'avait concédé au Sénat qu'un débat a posteriori, une fois intervenues les décisions du Conseil européen, ce qui limitait, c'est peu de le dire, son intérêt et réduisait à néant son éventuelle influence.
Je forme le voeu que notre séance ne revête pas un caractère exceptionnel dû à la gravité de la crise institutionnelle européenne et que chaque Conseil européen soit désormais systématiquement précédé d'un débat où le Gouvernement pourra, à la fois, présenter les positions européennes de la France et écouter les représentants de la nation.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Bernard Frimat. Le Conseil européen de juin 2005 est confronté à un double défi. La volonté de la présidence luxembourgeoise d'aboutir à un accord sur les perspectives financières se heurte à des divergences considérables entre les positions réaffirmées par différents Etats membres. Le risque d'une grave crise financière guette toujours l'Union européenne. De plus, ce Conseil se déroule dans un contexte de crise institutionnelle et politique, après le double refus français et néerlandais du traité constitutionnel.
Quel budget pour l'Europe ? Quel devenir pour la construction européenne ? Ce sont les deux questions auxquelles il vous appartient de répondre.
Tout d'abord, quel budget pour l'Europe ? La position exprimée par le Président de la République et le Gouvernement nous semble marquée par la contradiction. D'un côté, l'on proclame une grande ambition pour l'Europe, alors que, dans le même temps, on lui refuse les moyens de l'assumer.
En décembre 2003, la France faisait partie, avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne, du groupe des six pays signataires demandant la stabilisation du budget de l'Union européenne à 1 % du revenu national brut de l'Union européenne. Cette position, si elle est maintenue, aura dès 2007 des conséquences néfastes sur le niveau de la politique de cohésion économique et sociale. Avec un budget européen limité à 1% du revenu national brut, il est en effet impossible - personne ne le conteste - de réussir l'initiative en faveur de la croissance et de l'emploi, notamment d'augmenter les dépenses de recherche, de permettre le développement économique et social des dix nouveaux pays entrants d'Europe centrale et orientale et de maintenir la politique agricole commune au niveau atteint en 2006.
Mécaniquement, dans cette hypothèse, la seule variable d'ajustement sera le montant consacré aux fonds structurels. Maintenir le niveau du budget à 1 %, c'est programmer de manière inévitable la disparition des crédits du Fonds social européen et du FEDER, le Fonds européen de développement régional, dans de nombreuses régions de notre pays, notamment celles qui sont le plus en difficulté.
Or ces crédits européens sont indispensables sur notre territoire pour assurer le bouclage des plans de financement de nombreux investissements, et ce d'autant que la raréfaction des financements de l'Etat se confirme chaque jour davantage.
Ajoutez à cela la crainte vraisemblablement fondée que l'Etat ne préempte de manière significative les crédits européens qui subsisteraient pour financer ses propres politiques et vous aurez ainsi créé les conditions de la régression des investissements publics des collectivités territoriales et d'un rejet encore plus fort de l'Union européenne. (Très bien! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Si vous voulez réellement une Europe ambitieuse qui mette en oeuvre des stratégies d'avenir porteuses d'emplois, vous ne pouvez bloquer le budget de l'Union européenne.
Or même les dernières propositions de la présidence luxembourgeoise qui sont, au demeurant, bien en deçà de celles de la Commission et du Parlement européen, apparaissent, si j'en crois les déclaration du ministre des affaires européennes, encore trop coûteuses.
Il n'est pas cohérent d'attendre plus du budget européen et de refuser dans le même temps d'assumer sa part de financement.
La théorie du « juste retour », qui préconise que chaque Etat doit récupérer de l'Union européenne autant qu'il lui apporte, est la négation même d'une ambition commune puisqu'elle implique une hiérarchie des obligations où l'impératif national l'emportera toujours sur l'exigence européenne. Ce n'est pas notre conception de l'Europe !
Cette dernière n'est pas réductible à une étroite vision comptable. L'Europe est vouée à l'échec si elle n'a pour ambition que la somme des égoïsmes nationaux. Il revient à la France de ne pas ajouter une crise financière à la crise existante.
Au demeurant, avoir pour l'Europe une ambition forte qui oriente ses moyens financiers vers les dépenses construisant l'avenir ne signifie pas pour autant une augmentation systématique du budget sans remise en cause de certaines situations.
Le financement du budget européen doit obéir à des principes de justice qui entraînent pour chaque Etat membre une participation équitable compte tenu de sa richesse réelle.
A ce titre, la remise en cause du chèque britannique nous apparaît comme nécessaire. Justifié il y a vingt ans, il s'apparente aujourd'hui à une rente dans la mesure où les raisons qui ont conduit à sa création ont aujourd'hui en grande partie disparu.
Nous souhaitons que le prochain Conseil européen trouve les compromis nécessaires à un accord qui garantirait à l'Union européenne des perspectives financières assurant les moyens d'une politique qui ne sacrifie pas l'avenir aux médiocrités du présent.
Le Conseil européen, au-delà des questions budgétaires, est aussi confronté, nous le savons, après les refus français et néerlandais, à la question de son devenir.
En effet, quel devenir pour l'Europe ? Cette dernière a besoin d'une nouvelle dynamique, elle a besoin de retrouver la confiance des citoyens, de redevenir une espérance. Comment y parvenir ?
En démocratie, le peuple est souverain. Il faut l'entendre et essayer de comprendre son message, même quand celui-ci réunit dans une unique réponse des opinions opposées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le propre du référendum !
M. Bernard Frimat. La France n'est sans doute pas la mieux placée aujourd'hui pour imposer ses vues à ses partenaires, pour autant elle ne peut rester spectatrice.
Il revient au Président de la République et au Gouvernement de contribuer à dénouer une crise dont ils sont en grande partie responsables.
M. Josselin de Rohan. Et Fabius ?
M. Bernard Frimat. « La construction européenne est fragile », disait Jacques Delors.
M. Josselin de Rohan. Plan B !
M. Bernard Frimat. Les faits lui donnent, hélas, raison. L'on est impressionné par la vitesse à laquelle des acquis que l'on croyait définitifs sont l'objet de tentatives de remise en cause.
La paralysie décisionnelle guette l'Union européenne puisque toutes les raisons qui justifiaient la modification du traité de Nice demeurent.
Je pense qu'il est nécessaire de recréer un climat de confiance en Europe, et cela commence sans doute par le respect de la souveraineté de nos partenaires. Le peuple français est souverain, mais sa souveraineté s'arrête là où commence celle des peuples des autres Etats partenaires.
M. Michel Charasse. Et inversement !
M. Bernard Frimat. Au nom de quel principe la France imposerait-elle sa position ?
Dans cette construction originale qu'est l'Union européenne, il appartient à chaque Etat membre, dans sa souveraineté d'Etat libre, de fixer sa position par rapport au traité constitutionnel. Le « non » français n'est ni inférieur ni supérieur au « oui » espagnol ; ils sont tous les deux l'expression démocratique d'un peuple souverain. Ce droit dont les citoyens français ont usé, il m'apparaît impossible de le refuser à un Etat qui souhaiterait l'exercer.
M. Yannick Bodin. Très bien !
M. Bernard Frimat. Une fois cette étape accomplie dans le respect mutuel et parce que même les peuples qui ont dit non restent majoritairement favorables à un destin européen commun, il importera de trouver, en liaison avec le Parlement européen et les parlements nationaux, les moyens de retrouver un projet commun qui entraîne l'adhésion des citoyens européens et lève les blocages institutionnels.
Cette voie sera forcément longue et difficile. Dans l'immédiat, il appartient au Conseil européen de donner une perspective, de développer des initiatives concrètes qui restaurent la confiance. Le sort fait aux projets de directive sur les services et sur le temps de travail constitue, sans aucun doute, un excellent moyen de prouver aux citoyens européens que les gouvernements les écoutent et les entendent.
La mise en oeuvre de projets qui répondent aux préoccupations quotidiennes est une urgence pour donner une nouvelle crédibilité à l'utopie européenne. Cela exige des moyens incompatibles avec votre volonté de contraindre le budget européen. Votre discours a continué à cultiver ce paradoxe, affirmer de hautes ambitions pour l'Europe tout en refusant de lui en donner les moyens.
Les chefs d'Etat et de Gouvernement qui se réunissent demain sont coresponsables du devenir de l'Union européenne. Il leur appartient d'éviter que ce Conseil ne se réduise à la confirmation d'un échec annoncé.
François Mitterrand faisait de l'Europe l'avenir de la France. Au moment où la construction européenne est fragilisée, il est plus que jamais nécessaire de donner au peuple français et aux peuples européens des raisons d'espérer. Serez-vous à la hauteur de cet enjeu ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, je crois, comme l'un des intervenants précédents, que l'affaire du chèque britannique n'est rien à côté de la question de la ratification.
Dès demain, le Président de la République devra défendre la position de la France au Conseil européen. Il ne pourra le faire efficacement que s'il porte fidèlement et loyalement le message des Français.
M. Yannick Bodin. Lequel ?
M. Bruno Retailleau. Peut-on en effet faire comme si rien ne s'était passé ? Et pourtant, en France, on a parfois le sentiment que l'on refuse ou que l'on rechigne à tirer les leçons du référendum. Le peuple se serait trompé ou aurait été abusé. Et le scrutin du 29 mai serait une simple péripétie électorale ou encore un simple vote de protestation sans lendemain.
Une chose est certaine : vous ne pouvez pas, monsieur le Premier ministre, aborder le Conseil européen de demain et d'après-demain sans donner un sens, une signification au vote massif des Français. C'est d'ailleurs ce qu'a fait votre homologue néerlandais. Le résultat du référendum, mes chers collègues, n'appartient à personne, et quelles qu'aient été nos positions personnelles, il faut désormais le respecter. Pour cela, il faut accepter de changer de cadre, mais aussi de projet.
Un changement de cadre s'impose parce que les Français ont répondu à une question, et à une seule : oui ou non au traité constitutionnel ?
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Ce n'est pas sûr !
M. Bruno Retailleau. Cela signifie que, après deux votes négatifs et massifs, la Constitution n'a tout simplement plus de sens. Il va falloir en faire le deuil. Sinon, nous serons incapables d'inventer autre chose. Cela ne crée pas pour autant de vide juridique puisque la nouvelle Constitution était censée entrer en vigueur dès le mois de novembre 2009. Donc, nous avons le temps.
Cela signifie aussi que l'on ne peut pas « picorer » telle ou telle partie du traité constitutionnel. Juridiquement, le texte est un tout. De nombreux articles de la première partie renvoient, explicitement ou implicitement, à de nombreux articles de la troisième partie. D'un point de vue démocratique, il y aurait un paradoxe à retenir, par exemple, la première partie, qui est la plus neuve, et d'abandonner la troisième partie, qui représente, à 90 % ou 95 %, l'essentiel de l'acquis communautaire.
Voilà donc pourquoi il faut d'abord changer de cadre. Mais il nous faut aussi changer de projet, ce qui signifie proposer un pacte refondateur avec une ligne directrice : passer de l'Europe du rêve ou du mythe à l'Europe des projets et du concret. Ce pacte refondateur doit répondre explicitement aux trois préoccupations qu'ont exprimées les Français le 29 mai en proposant trois ruptures.
Première rupture : une Europe des démocraties nationales et des coopérations entre les Etats plutôt que l'intégration sans fin des peuples dans une purée de marrons !
Les Français - ils l'ont demandé - souhaitent retrouver la maîtrise de leur destin : ils ne sont pas prêts à abandonner leur démocratie nationale pour une démocratie européenne qui n'existera pas tant qu'il n'existera pas un seul peuple européen. Pour que la démocratie existe, il faut que le sentiment d'appartenance soit fort pour que la loi de la majorité soit acceptée par la minorité.
M. Valéry Giscard d'Estaing stigmatisait hier l'absence d'expérience fédérale des Français et la leur reprochait. Oui, les Français ont reproché le cadre fédéral que leur proposait la première partie avec cette révolution juridique majeure contenue dans l'article I-6 : la primauté du droit européen par rapport au droit français national, y compris constitutionnel. (Protestations sur certaines travées de l'UMP et du groupe socialiste.)
M. Michel Charasse. C'est la jurisprudence de la Cour !
M. Bruno Retailleau. L'Europe réaliste, mes chers collègues, c'est l'Europe des projets à géométrie variable, comme vous l'avez reconnu, monsieur le ministre des affaires étrangères, sans la nommer, dans une récente entrevue.
Deuxième rupture : une Europe qui nous protège et qui défende bec et ongles nos intérêts, comme le font si bien nos partenaires adversaires, américains ou concurrents.
Depuis les accords de Marrakech, nous avons fait du désarmement commercial unilatéral une sorte d'horizon indépassable, et nous n'avons de cesse que de devenir les bons élèves de l'OMC, quitte à affaiblir de plus en plus les barrières douanières. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. En voilà de l'analyse !
M. Jean Bizet. Tout cela est faux !
M. Alain Gournac. Archi-faux !
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, nous avons donné à la Banque centrale européenne un objectif divergent de celui de nos gouvernements - la stabilité des prix - au moment même où le monde économique changeait profondément et où la concurrence des pays émergents rendait nul le risque de l'inflation.
Il nous faut faire deux réformes économiques urgentes : rétablir la préférence communautaire, ce qui permettra d'améliorer le budget ; donner la priorité à la stabilité monétaire, mais aussi à la croissance et à l'emploi.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. La troisième rupture, c'est une Europe vraiment européenne, sans la Turquie...
M. Yannick Bodin. C'est du réchauffé, tout cela !
M. Bruno Retailleau. ...et délimitée dans son espace géographique. (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mettez-vous tous d'accord sur la Turquie !
M. Jean-Pierre Plancade. La voilà, la préférence nationale !
M. Bruno Retailleau. Non, mon cher collègue, c'est la préférence européenne que nous demandons.
M. le président. Veuillez terminer, je vous prie !
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, il faudra faire un choix. Je vous invite à entendre les Français pour leur proposer une autre direction pour une nouvelle Europe, plus conforme à leurs aspirations. (M. Philippe Darniche applaudit.)
M. Paul Girod. Vive la Vendée !
M. le président. La parole est à M. André Dulait. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Dulait. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, n'ayons pas peur des faits : les 16 et 17 juin prochains, c'est-à-dire dès demain, une grande partie de l'avenir de l'Union européenne va se jouer lors du Conseil européen de Bruxelles. Ebranlée par le rejet de la Constitution européenne lors des référendums organisés en France et aux Pays-Bas, affaiblie par de lourds désaccords et divergences sur le financement des politiques de l'Union, l'Europe traverse une passe à haut risque. Une fois encore, elle a un rendez-vous avec l'Histoire qu'il s'agit de ne pas manquer.
Le 29 mai dernier, une majorité de Français n'a pas souhaité que la France ratifie le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ce choix s'impose aujourd'hui à tous,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. André Dulait. ... sans polémique ni contestation, et il nous impose, aujourd'hui, d'essayer d'en tirer les conséquences concrètes et positives pour la suite de la construction européenne.
Les citoyens français n'ont pas souhaité confirmer l'accord donné par les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt-cinq pays membres, accord succédant à l'unanimité inattendue des membres de la Convention sur le projet de Constitution. En effet, un texte aussi novateur, établissant un pouvoir politique nouveau, contenant de réelles avancées institutionnelles, devait être soumis à la ratification référendaire. Ce fut l'honneur et la vitalité de notre démocratie, sur l'initiative du Président Chirac.
C'était aussi accepter un risque considérable, quand on sait d'expérience combien en France le référendum est vulnérable en ce que l'on peut facilement le détourner en plébiscite.
Sur la lancée du « non » français, trois jours plus tard, les Pays-Bas, animés d'un réel sentiment anticommunautaire, confirmaient par leur vote le sombre avenir de la Constitution européenne.
Dans ce contexte, très difficile et historiquement inédit pour la France et pour l'Europe, va se tenir le Conseil européen, les 16 et 17 juin. On doit aborder à cette occasion des questions majeures, l'avenir de la Constitution, les perspectives financières, l'élargissement de l'Union, la stratégie des réformes économiques, le développement durable, la justice et les affaires intérieures - notamment le terrorisme - et les relations extérieures.
A l'heure actuelle, la réussite de ce Conseil relève donc de la gageure, tant les positions des uns et des autres, malgré les efforts considérables de la présidence luxembourgeoise, sont divergentes.
Force est de constater que l'hypothèse du surplace et du blocage, envisagée au lendemain du 29 mai, s'avère déjà en deçà de la réalité. Le risque d'un véritable et prodigieux retour en arrière n'est plus à exclure. Chaque jour qui passe défait un peu plus l'oeuvre européenne commune. Il faut absolument éviter un commencement de « détricotage » des acquis. Nous assistons à une sorte de revanche des égoïsmes nationaux, stimulés par les difficultés économiques et sociales, oublieux de l'intérêt général européen, qui nous a tant apporté depuis cinquante ans.
Aujourd'hui, il semble que les Etats membres consacrent plus d'énergie à leur positionnement tactique à court terme qu'aux enjeux à long terme de la réunion. La survie du nouveau traité et l'accord sur le budget à moyen terme de l'Union sont des sujets centraux qui méritent pourtant une réflexion sérieuse.
A ce propos, j'ajoute que les spéculations récentes sur l'existence de l'euro me paraissent non seulement fantaisistes et irréalisables, mais susceptibles de semer un trouble préjudiciable tant dans l'esprit de tous les dirigeants que dans les opinions européennes.
En ce printemps 2005, l'un des partisans ambigus du traité, le Royaume-Uni, en quête d'une échappatoire au dilemme qu'il s'est posé à lui-même en proposant d'organiser un référendum national, s'attache à blâmer la France et les Pays-Bas de la situation où l'ont plongé les deux votes négatifs.
De tous côtés retentit l'affirmation que, si l'adversaire ne cède pas de terrain, il emmène toute l'équipe à la catastrophe. Quel que soit le sort du traité, personne ne conteste la pertinence des questions qu'il tente de résoudre : mieux outiller l'Union européenne pour qu'elle puisse continuer de répondre à ses aspirations internes et externes, et se relier à la vie de ses citoyens. A cet égard, le Conseil doit se concentrer sur la manière d'atteindre ces objectifs, sous peine d'offrir au monde une image dramatique consternante.
A l'heure actuelle, les priorités indispensables résident, me semble-t-il, dans l'adoption des perspectives financières pour la période 2007-2013, signal essentiel de la volonté de l'Union européenne de poursuivre son chemin en se donnant les moyens pour réaliser des programmes ambitieux à moyen terme, s'agissant, en particulier, de l'amélioration des programmes de recherche-développement, essentiels pour la compétitivité de l'Europe de demain.
Le revirement le plus important, parce que concret et perceptible pour l'opinion publique, est en effet celui qui est relatif aux perspectives financières. Or, sur ce point, le couple franco-allemand, moteur indispensable, semble prêt à un compromis constructif.
Ce compromis présuppose un certain rééquilibrage des contributions nettes des Etats membres : le gel, d'abord, et la réduction, ensuite du « chèque britannique », la diminution progressive des financements en faveur des principaux bénéficiaires actuels de la politique de cohésion et la réduction des dotations proposées par la Commission européenne dans plusieurs domaines.
Ce compromis reste inacceptable pour certaines délégations, dont avant tout le Royaume-Uni, qui s'oppose à la remise en cause de la ristourne budgétaire qui lui est accordée depuis 1984, à moins, éventuellement, de remettre à plat la PAC.
Nous sommes nombreux ici à estimer qu'il ne doit pas y avoir de remise en cause de l'accord sur la PAC dont le financement est sanctuarisé jusqu'en 2013. Nul n'ignore, au sein de la Haute Assemblée, combien la PAC, depuis des décennies, a assuré la modernisation de notre agriculture, la stabilisation sociale de la France rurale et l'aménagement du territoire, et ce malgré les pesanteurs bureaucratiques.
Mes collègues sénateurs du groupe UMP n'accepteraient pas que les entreprises agricoles soient fragilisées, voire mises à mal par des pratiques contraires au traité de Rome.
L'Italie a menacé d'user de son droit de veto pour bloquer la négociation, craignant de perdre des milliards d'euros pour ses régions du sud. La Suède et l'Espagne demandent également une réduction du « chèque britannique », ce qui, au passage, montre que la position de la France sur ce point n'est pas aussi isolée qu'on a bien voulu le dire.
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, le blocage semble acquis et l'impasse certaine. Dès lors, comment éviter d'ajouter à la crise institutionnelle une crise financière, qui serait dramatique pour l'avenir du continent?
Nous attendons sur ce point, monsieur le Premier ministre, des signes d'une avancée qui pourraient nous faire espérer et croire que l'Union européenne saura retrouver, dans un avenir proche, la voie constructive qui fut la sienne depuis près de cinquante ans.
L'unification européenne n'apparaît plus comme le projet mobilisateur qui nous a donné pendant des décennies paix et prospérité avant de déboucher sur l'unification de notre continent. Or certains n'hésitent pas à se demander si l'espoir n'a pas changé de camp.
Dans ce contexte, un accord sur les perspectives financières prendrait une dimension toute particulière et son adoption dès maintenant donnerait à l'Europe l'impulsion politique dont elle a besoin.
A notre avis, le Conseil européen doit se donner les capacités d'émettre un message clair et convergent sur le processus de ratification de la Constitution européenne et sur un cadre financier stable pour l'avenir. Il est absolument nécessaire de faire émerger un nouveau consensus politique pour relancer l'Europe. Les Etats membres doivent réagir ensemble et éviter les réactions individuelles et dispersées.
Le Conseil doit rejeter deux solutions : d'une part, celle qui consiste à faire comme si rien ne s'était passé, et qui représenterait une attitude irresponsable et arrogante à l'égard du « non » tant néerlandais que français, et, d'autre part, celle qui consiste à abandonner le processus, ignorant en cela les dix Etats qui ont déjà ratifié et ceux qui ne se sont pas encore prononcés. Il faut donc chercher une autre solution, qui ne soit ni administrative, ni technocratique, ni bureaucratique, mais politique, purement politique.
Il reste le dialogue et le langage de la vérité qui devraient permettre d'approfondir le diagnostic sur la situation actuelle en évitant de faire de Bruxelles le bouc émissaire de toutes les difficultés.
En conclusion, il m'apparaît que le bon sens devrait nous imposer à l'avenir de subordonner tout élargissement à une véritable stabilisation institutionnelle.
A cet égard, la position de notre groupe concernant le refus de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est pour moi l'occasion de souligner que nous pourrions créer un espace de partenariat et de voisinage développé qui permettrait à la Turquie et à d'autres pays méditerranéens, aux côtés de l'Union Européenne, de bénéficier des progrès de celle-ci.
C'est donc, au travers de mes propos, monsieur le Premier ministre, l'ensemble des sénateurs de mon groupe qui vous apporte son soutien dans ces heures difficiles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -M. Claude Biwer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de vos propos. A travers eux, vous témoignez de votre attachement à l'Europe, et j'ai tenu à être personnellement présent pour écouter vos interventions de grande qualité et utiles à la réflexion de tous.
Si vous avez, certes, souligné la difficulté des circonstances actuelles, vous avez également insisté sur la nécessité pour la France et pour l'Europe de se tourner désormais vers l'avenir. Notre rêve d'une Europe forte et respectée reste bien vivant : il est plus nécessaire que jamais ; il est plus attendu que jamais.
Notre premier devoir aujourd'hui est de répondre à l'inquiétude de nos concitoyens, qui restent tous, j'en suis convaincu, profondément attachés à la construction européenne. Ils souhaitent que la France continue de jouer tout son rôle dans le projet européen. Ils savent qu'à l'heure de la mondialisation, alors que de nouveaux ensembles géopolitiques s'affirment, la France a plus que jamais besoin de l'Europe. En nous rassemblant aujourd'hui, à la veille du Conseil européen, nous leur avons apporté une première réponse.
Nous devons aussi rassurer nos partenaires européens, qui comptent sur la France et sur son engagement au sein de l'Union européenne. A cet égard, je veux leur dire une nouvelle fois que la France tiendra tous ses engagements.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. J'ai d'ailleurs demandé à tous les ministres de poursuivre et de renforcer, chacun dans leur domaine, la coopération avec les pays membres de l'Union.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous avez raison de souligner, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, que le Conseil européen qui se tiendra à Bruxelles en fin de semaine engage l'avenir de l'Union européenne. Il pose, en premier lieu, la question de la suite à donner au processus de ratification, après le « non » de deux pays fondateurs, la France et les Pays-Bas.
La position de la France est claire : il appartient à chaque pays de s'approprier le débat, de s'exprimer et de se prononcer. Tel sera le meilleur point de départ pour une Europe plus à l'écoute des peuples.
Beaucoup d'entre vous s'interrogent sur les discussions budgétaires qui auront lieu à Bruxelles. Plus que jamais, l'Europe doit montrer qu'elle sait répondre aux attentes, résoudre les problèmes et trouver un terrain d'entente. Comme l'a dit le président de l'Union, Jean-Claude Juncker, chacun devra faire un effort.
Cela dit, je tiens à rappeler, pour que chacun soit bien conscient de ce que cela engage, les montants qui sont en jeu : passer d'un budget représentant 1 % à 1,06 % du revenu national brut, ce n'est pas une augmentation minime. Cela constituerait pour la France un coût supplémentaire de 1,5 milliard d'euros par an pour la période 2007-2013, soit un coût total supplémentaire de 10 milliards d'euros par rapport à 2006. Vous le voyez, monsieur Frimat, il ne s'agit pas d'une somme négligeable ! (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Dans une période de contrainte budgétaire, nous ne pouvons pas nous engager à la légère sur des chiffres aussi importants.
Dans ces négociations, la France défendra les engagements qui ont été pris, notamment, la politique agricole commune.
Il n'est pas question de revenir sur un accord qui fut difficile à trouver et qui est aujourd'hui acceptable par tous. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) Les accords de Bruxelles de 2002 ont fixé jusqu'à 2013 le montant des dépenses agricoles de marché. Ce compromis doit être préservé.
La PAC est la politique la plus ancienne et la plus intégrée de l'Union européenne. Nous lui devons notre indépendance alimentaire et, aujourd'hui, la compétitivité de notre agriculture, l'une des premières au monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)
Vous avez raison de le souligner, monsieur Badré, nous n'avons pas besoin de « rustines » s'agissant de la PAC. Nous avons besoin d'ambition et de mouvement : cette politique n'est pas au bénéfice de la seule France, elle est au bénéfice de tous.
En revanche, nous pouvons nous interroger sur la légitimité du « chèque britannique », décidé, comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur Dulait, dans des circonstances historiques et économiques très différentes.
Il est juste que chaque pays membre contribue à la solidarité financière avec les nouveaux pays membres. Il est juste que chacun porte sa part du fardeau. Il est juste que la richesse économique d'un pays soit exactement prise en compte dans le calcul de sa contribution.
Vous avez raison, monsieur Vinçon, d'insister sur la nécessité de tenir les deux objectifs de l'Union européenne dans l'utilisation du budget de l'Union, dont, en premier lieu, la cohésion et la solidarité. Il s'agit là de principes fondamentaux sur lesquels nous ne reviendrons pas. Mais il ne faut pas non plus oublier l'innovation, la recherche et les nouvelles technologies. Si nous voulons que l'Europe soit en mesure de défendre ses emplois et ses atouts économiques, si nous voulons qu'elle reste à la pointe du progrès technologique, si nous voulons qu'elle devienne un chef de file mondial dans le domaine des nanotechnologies et des biotechnologies, nous devons accentuer notre effort.
L'innovation ne se joue pas demain, mais aujourd'hui.
Comme vous, monsieur Haenel, ma conviction est que l'Europe a plus que jamais besoin d'avancer de manière pragmatique. A chaque crise politique, l'Europe a su trouver l'énergie nécessaire pour rebondir. Elle l'a fait sur la base de projets concrets qui pouvaient rassembler les peuples. Dans tous les domaines, la coopération européenne peut et doit aller plus loin.
Dans le domaine de l'éducation, il faut accélérer la reconnaissance mutuelle des diplômes, afin que les étudiants européens puissent profiter de toutes les opportunités.
Dans le domaine de la culture, de grands projets ont été lancés, comme la bibliothèque numérique européenne, qui nous permettront d'affirmer notre diversité et notre richesse.
Dans le domaine de la recherche, notamment dans le cadre de l'Agence européenne de défense, nous avons besoin d'une politique plus volontariste, afin d'atteindre dans les meilleurs délais les objectifs de Lisbonne.
La compétitivité de l'Europe en matière de haute technologie doit pouvoir s'appuyer sur de grands projets industriels dans lesquels la France a toute sa place, tels que ITER ou Galileo.
Dans le domaine des transports, enfin, l'Europe doit davantage encore valoriser ses atouts. Le rapprochement entre les peuples comme le dynamisme de notre économie dépendent des réseaux routiers ou ferroviaires, des canaux, des ports, des installations aéroportuaires que nous serons en mesure de construire.
Vous le voyez, monsieur Retailleau, contrairement à ce que vous prétendez, l'Europe du concret existe et nous allons la renforcer !
Il nous faut, pour ce faire, retrouver, comme l'a dit M. Dulait, le sens de l'intérêt général européen ; il nous faut donner une perspective claire aux Européens sur les grandes questions concernant l'avenir de l'Union.
Je pense d'abord ici à la question des institutions. Le projet de Constitution avait pour objectif de faciliter leur fonctionnement dans une Europe à vingt-cinq. Certes, nous pouvons nous appuyer sur les dispositions du traité de Nice, mais chacun voit bien qu'elles sont insuffisantes et qu'elles ne servent pas l'intérêt de notre pays. Il faudra donc, tôt au tard, engager une réflexion plus vaste si nous voulons que nos institutions gagnent en efficacité et en transparence. Je souhaite que la Haute Assemblée soit étroitement associée à cette réflexion.
Au-delà des institutions, nous devons nous interroger sur le contenu des politiques mises en oeuvre. Le message des Français est clair : ils ne veulent pas d'une Europe qui ne soit qu'un vaste marché de libre-échange.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. C'est vrai !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ils veulent que soit mieux prise en compte leur aspiration à une Europe sociale, humaine, qui réponde à leurs préoccupations.
Le texte de la Constitution contenait des avancées indéniables à ce sujet, mais elles n'ont pas su convaincre nos concitoyens. A nous de trouver des réponses plus claires et plus efficaces, pour que l'Europe puisse défendre son modèle de société : une société qui mêle l'esprit d'initiative et l'exigence de solidarité, la volonté de conquête et le respect de chacun.
Les Françaises et les Français veulent que l'harmonisation sociale en Europe se fasse par le haut. Pour le faire, il faut, monsieur Bret, que nous occupions toute notre place dans l'Europe.
Je veux donc répondre à ceux qui, comme vous, monsieur Bret, s'interrogent sur la proposition de directive européenne sur les services.
Comme l'a demandé le Président de la République, cette directive a bien été remise à plat.
Le rapporteur de ce texte au Parlement européen a fait des propositions qui vont dans notre sens : sur la base des ces propositions, un débat aura lieu à l'automne prochain au Parlement européen.
La Commission devra ensuite soumettre des propositions au Conseil.
La France sera particulièrement exigeante sur cette directive. Elle le sera tout autant sur la directive relative au temps de travail : les régimes dérogatoires consentis à certains doivent disparaître.
Mais les citoyens européens attendent aussi que l'Europe s'affirme davantage sur le plan économique.
Monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, vous l'avez dit très justement, c'est la condition pour que l'Europe devienne un acteur mondial.
Nous avons mis en place un outil extraordinaire, l'euro, auquel les Français sont attachés. N'oublions pas que nous lui devons la stabilité monétaire et l'absence de dévaluation.
Nous avons besoin désormais d'une gouvernance économique plus forte et plus cohérente pour défendre notre économie et nos emplois.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Voilà !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous avons su le faire en parvenant à un accord avec les Chinois, pour limiter leurs exportations de textile. Nous devons savoir le faire pour défendre la préférence européenne, comme vous l'avez rappelé, monsieur de Montesquiou. Notre unité est notre meilleur atout.
La troisième préoccupation touche à l'élargissement.
Les Françaises et les Français ne contestent pas la légitimité historique de l'élargissement vers les pays de l'Est, mais ils souhaitent être davantage associés à des décisions qui engagent l'avenir de leur continent. Ils veulent en comprendre les raisons et les modalités. Ils veulent pouvoir veiller sur le respect des règles, qui valent pour tous, notamment dans le domaine des droits de l'homme.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Leur intérêt et leur vigilance sont respectables et compréhensibles. Nous devons mieux les prendre en compte dans les échéances à venir. Nous devons mieux écouter et mieux expliquer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce travail de pédagogie, vous aurez tout votre rôle à jouer.
Les Françaises et les Français nous ont adressé un message : il sera entendu. Mais l'Europe ne peut avancer que dans l'unité : nous devons donc tout faire pour la préserver.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Europe des Vingt-cinq est une chance pour la France : chacun doit pouvoir la saisir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Très bien !
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement qui sera imprimée et distribuée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Richert.)