8
Modification du règlement pour la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution de MM. Jean Arthuis, Claude Belot, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Joël Bourdin, Philippe Adnot et Philippe Marini modifiant le règlement du Sénat pour la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (nos 296, 313).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui saisis d'une proposition de résolution présentée par divers membres de la commission des finances - son président, M. Arthuis, mais aussi MM. Claude Belot, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Joël Bourdin, Philippe Adnot et Philippe Marini, rapporteur général du budget - afin de modifier de nouveau le règlement du Sénat en tirant les conséquences de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de l'ensemble de la loi organique du 1er août 2001, tout en prévoyant des dispositions transitoires pour permettre l'examen selon les procédures actuelles des lois de finances afférentes aux années antérieures à 2006.
Je formulerai deux remarques préalables.
La première, mes chers collègues, est pour souligner que notre règlement n'est pas un monument dressé pour l'avenir, un monument intangible. Il doit être adapté, il doit être modernisé, et il me semble même que le jour est proche où il nous faudra le remettre sur la table dans son ensemble de façon que puissent être examinées, à terme, aussi bien les propositions de la majorité que celles de l'opposition...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! Absolument !
M. Patrice Gélard, rapporteur. ... et que nous trouvions un consensus qui aboutisse à un règlement plus efficace, plus moderne et permettant un meilleur jeu démocratique de notre assemblée.
M. Charles Revet. Tout le monde semble d'accord !
M. Patrice Gélard, rapporteur. J'ai déjà adressé ce message à M. le président du Sénat, et j'espère, monsieur le président, que vous le lui rappellerez.
M. le président. Je n'y manquerai pas, monsieur le rapporteur !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ma seconde remarque vise à observer que, si le référendum du 29 mai 2005 est positif, nous serons amenés à renouveler de façon approfondie notre règlement pour tenir compte des nouveaux pouvoirs du Parlement en général et du Sénat en particulier. Ce sera une nouvelle occasion d'y réfléchir.
En ce qui me concerne, puisque c'est la troisième modification du règlement du Sénat sur laquelle j'interviens, j'ai une philosophie que j'espère voir partagée par vous tous, mes chers collègues : on ne réforme pas le règlement du Sénat sans un important travail en amont ni sans consensus entre l'ensemble des formations qui le composent, depuis le groupe CRC jusqu'au groupe UMP en passant par le groupe socialiste, le RDSE et l'UC-UDF. C'est ce consensus qui nous permettra de faire avancer les choses et de dépasser certaines pratiques héritées du xixe siècle qui ne sont peut-être plus tout à fait compatibles avec notre méthode de travail.
Cela étant dit, nous sommes aujourd'hui contraints par le calendrier de modifier le règlement du Sénat pour tenir compte de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Cependant, suivant en cela les auteurs du texte que nous discutons, je vous proposerai une réforme a minima. Il ne s'agit pas de bouleverser nos habitudes, de transformer profondément la façon dont nous travaillons : il s'agit de tenir compte des impératifs découlant de la LOLF sans aller au-delà.
En revanche, je m'engage personnellement à rouvrir le chantier de la rédaction du règlement si l'expérience que nous apportera la mise en oeuvre de la réforme montre que cela est nécessaire : si l'année prochaine nous constatons qu'elle n'est pas satisfaisante, nous remettrons l'ouvrage sur le métier et nous ferons en sorte de l'améliorer encore.
La proposition de résolution comprend sept articles, dont on peut estimer que cinq et demi n'apportent aucune modification en profondeur puisqu'ils visent simplement à l'actualisation de certains termes et de certaines références rendus caducs par l'entrée en vigueur de la LOLF. Ainsi, les articles 1er et 2, les paragraphes I et II de l'article 3, enfin, les articles 4, 6 et 7 ne portent que sur le vocabulaire ou sur la forme.
Deux articles innovent dans une certaine mesure, et je m'en expliquerai au moment de la discussion des amendements qui les affectent.
Il s'agit tout d'abord de l'article 3, qui vise en son paragraphe III à supprimer le dernier alinéa de l'article 46 du règlement. En effet, les dispositions de cet article, qui concernent certaines modalités de l'ancienne méthode d'adoption de la loi de finances, sont devenues tout à fait caduques et n'ont plus d'objet.
Les sénateurs de l'opposition membres de la commission des lois ont toutefois considéré qu'il y avait là un problème. Je m'efforcerai, au moment de la discussion de l'article 3, de répondre à leurs remarques et de les convaincre que, malheureusement, nous ne pouvons pas faire davantage dans le contexte actuel : il nous faut attendre d'avoir pu observer le fonctionnement des nouvelles règles pour, éventuellement, les améliorer. Dans l'immédiat, cela me paraît difficile.
Il s'agit ensuite de l'article 5, qui, dans une certaine mesure, n'est que le complément ou la réponse à la suppression du dernier alinéa de l'article 46, puisqu'il vise à institutionnaliser une habitude, une tradition qui existe depuis maintenant de nombreuses années au sein de notre maison et qui consiste à confier à la conférence des présidents la fixation des modalités particulières d'organisation de la discussion des lois de finances de l'année.
Là encore, nos collègues de l'opposition ont déposé des amendements. Certaines de leurs propositions, je dois le dire, m'ont interpellé par leur pertinence, j'y reviendrai tout à l'heure. Cependant, elles me semblent prématurées dans le contexte actuel : je le disais en préalable, nous sommes engagés dans une réforme a minima, et nous ne pouvons pas aller plus loin tant que nous ne disposons pas de l'ensemble des données de l'application de la loi organique. Je suis convaincu que la conférence des présidents - aidée en cela par la commission des finances, qui formulera les propositions sur lesquelles elle se prononcera - respectera profondément les droits démocratiques de la majorité comme de l'opposition.
Tel est, mes chers collègues, le contenu de la proposition de résolution qui vous est présentée aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons, dans la confidentialité d'une séance nocturne, une proposition de résolution qui vise à la deuxième adaptation du règlement du Sénat à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, loi qui, issue d'une démarche parlementaire pluraliste, transforme profondément et positivement le contenu, donc le déroulement de la discussion budgétaire.
A ce jour, et c'est à nos yeux la raison essentielle de la faiblesse de cette proposition de résolution, nous ne savons encore rien du contenu de la procédure nouvelle que retiendra le Sénat. Le président de la commission des finances, lors de son audition devant les différentes commissions de la Haute Assemblée, s'est attaché à exposer les grandes dispositions de la LOLF, avec pédagogie et talent, certes, mais sans entrer dans le détail du déroulement de la discussion budgétaire, déclarant seulement « que le débat budgétaire serait considérablement enrichi et modernisé ».
La seule information dont nous disposons aujourd'hui concerne la validation par le bureau de la commission des finances des principes qui présideront à la répartition des rapports spéciaux. En effet, l'application de la LOLF entraînera une réduction du nombre de ces derniers, conséquence inévitable de la nouvelle architecture budgétaire ; il en va de même, d'ailleurs, des rapports pour avis établis par les différentes commissions.
M. Arthuis a déclaré que sera maintenue une répartition « équilibrée » entre l'ensemble des sensibilités politiques représentées au sein de la commission. Je ne peux, au nom du groupe socialiste, que m'en réjouir et espérer que cet exemple sera suivi, dans les autres commissions, pour les rapports pour avis.
Afin que soit respectée la règle instituant la mission comme unité de vote, il est prévu de poser le principe selon lequel une mission ne doit pas être partagée entre plusieurs rapports spéciaux. Toutefois, ce rapport unique pourrait être, le cas échéant, cosigné par plusieurs commissaires.
Comment un tel dispositif peut-il raisonnablement fonctionner lorsque les rapporteurs spéciaux sont de bords politiques opposés ? Peut-on envisager, au sein d'un même rapport, des analyses et des conclusions divergentes ? Comment seront garantis les droits de l'opposition dans le flou général qui préside à l'organisation de la future discussion de la loi de finances ?
C'est dans ce contexte incertain que nous examinons la proposition de résolution. Son inscription à notre ordre du jour me paraît donc prématurée.
Lorsque la conférence des présidents, le 7 avril dernier, a fixé l'ordre du jour des travaux du Sénat, le président de la commission des finances s'est engagé à soumettre ce texte. Celui-ci, déposé le 13 avril 2005, présente avant tout, à mes yeux, l'avantage de combler l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est déjà pas si mal !
M. Bernard Frimat. En effet ! Cependant, nous aurions pu attendre d'en savoir plus et en débattre lors de la séance réservée du mois de juin, puisque, traditionnellement, notre assemblée discute le projet de loi de finances lors de la deuxième quinzaine du mois de novembre.
Nous examinons donc aujourd'hui un texte qui enregistre - vous le souligniez, monsieur le rapporteur - des modifications formelles évidentes. Pour le reste, compte tenu de l'absence des propositions précises d'organisation de la discussion budgétaire que nous étions pourtant en droit d'attendre du règlement d'une assemblée, il propose de s'en remettre à la conférence des présidents.
Reprenons ces deux points si vous le voulez bien, mes chers collègues.
La proposition de résolution comporte d'abord des modifications de forme, simples mesures techniques d'adaptation. Celles-ci n'appellent pas de notre part d'observation particulière.
Il nous semble toutefois que l'article 7 introduit des dispositions transitoires qui n'ont pas vocation à être inscrites dans le règlement du Sénat, car l'article 67 de la loi organique s'applique de plein droit et ne devrait pas requérir, en principe, de mesures spécifiques d'application. Ce dispositif est finalement sans conséquence et nous n'avons même pas déposé d'amendement sur ce point.
Au-delà de ces modifications formelles, il en est d'autres en revanche qui pourraient aboutir, si l'on n'y prend garde, à des restrictions de l'expression des groupes politiques, ce qui constituerait un recul par rapport à la situation actuelle.
L'exposé des motifs de la proposition de résolution, ainsi que le rapport de M. Gélard n'apportent pas de précisions sur les modalités d'organisation du débat sur la loi de finances et se contentent, comme je l'évoquais précédemment, de consacrer la pratique actuelle d'organisation de la discussion budgétaire par la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances.
Il semble indispensable au groupe socialiste d'obtenir, dans le règlement intérieur, la garantie que le droit d'expression de tous les membres de notre Haute Assemblée sera respecté. C'est dans cet esprit que nous avons déposé un amendement à l'article 3.
Les auteurs de la proposition de résolution suppriment purement et simplement le troisième alinéa de l'article 46 du règlement du Sénat, qui prévoit, en dehors de la discussion des amendements, ce que nous appelons le « débat sommaire sur les crédits budgétaires ».
Pour les auteurs de la proposition de résolution, dans la mesure où disparaissent la distinction entre l'unité de vote par titre et par ministère et l'unité de discussion par fascicule ministériel, la mission devenant en même temps l'unité de vote et de discussion budgétaire, « il semble préférable de ne pas figer dans le règlement les règles relatives aux prises de parole sur les crédits afin de laisser toute latitude à la conférence des présidents d'organiser la discussion et le vote des différentes missions, dans le respect de l'équilibre entre les groupes de la majorité et de l'opposition ».
On peut s'étonner que la mise à jour du règlement du Sénat puisse aboutir à supprimer un temps du débat budgétaire qui, même sommaire, offrait la possibilité aux sénateurs de tous les groupes politiques de s'exprimer.
L'argumentation que vous avez présentée selon laquelle l'unité de vote se confond dorénavant avec l'unité de discussion au sein de la mission peut évidemment être avancée pour justifier ce choix. Mais ne s'agit-il pas plutôt d'un argument d'opportunité dans la mesure où les auteurs de la proposition de résolution expriment une préférence pour ne pas « figer dans le règlement les règles relatives aux prises de parole sur les crédits des différentes missions » ?
La loi organique conserve la distinction de l'unité de vote et de l'unité de spécialité, mais elle en transforme profondément le contenu. Le principe de spécialité s'applique non plus au niveau du chapitre, mais à celui du programme ; les crédits sont en effet spécialisés par programmes, définis en quelque sorte comme une nouvelle unité de spécialisation.
Or, à ce jour, je le répète, nous ne savons rien des modalités de la discussion budgétaire, surtout de celles qui concernent la deuxième partie de la loi de finances.
A ce stade du débat, nous sommes dans l'inconnu, alors que nous savons qu'avec l'entrée en vigueur de la LOLF la forme de la séance publique doit nécessairement et sensiblement évoluer.
La discussion au niveau de la mission va-t-elle absorber tout le débat ou, au contraire, sera-t-elle réduite au minimum pour laisser plus de place au débat sur les amendements ?
En dehors de la faculté de déposer des amendements sur les programmes, sera-t-il encore possible de prendre la parole sur ces mêmes programmes ?
Nous estimons indispensable de préserver un temps de parole, même sommaire, sur les crédits ouverts sur un programme ou une dotation. En effet, le programme représente la clé de la réforme de 2001, dès lors que, posant en principe une budgétisation des crédits par objectifs, il conduit les décideurs publics, politiques ou gestionnaires, à cesser de raisonner strictement en termes de moyens.
L'examen de la loi de finances en séance publique représente un temps fort de la vie parlementaire, notamment du Sénat, et l'un des objectifs de la loi organique du 1er août 2001 vise justement à renforcer la démocratie parlementaire.
Toutefois, nous avons conscience que, au regard des 132 programmes qui vont se substituer aux 850 chapitres budgétaires, il convient de ne pas altérer la dynamique potentielle du débat. C'est la raison pour laquelle, en empruntant une démarche identique à celle des auteurs de la proposition de résolution, qui vise à assouplir les modalités de prise de parole sur les crédits, nous proposons de ne pas rendre systématiques les débats sommaires, si tous les présidents des groupes politiques en expriment le souhait.
Le constat établi par le service de la séance, et qui figure dans votre rapport, selon lequel le temps effectivement utilisé par les groupes politiques révèle une sous-consommation du temps de parole, ne peut pas être pris en compte dans le cadre de la discussion de cette proposition, car il se fonde sur une estimation générale du temps de parole indifférente au choix de la place et de la nature des interventions des sénateurs.
Notre proposition est animée par le souci de préserver l'existant en permettant à l'ensemble des sénateurs de pouvoir continuer à s'exprimer pleinement au niveau d'intervention de leur choix.
L'adoption ou le rejet de cet amendement nous permettra de juger de la réalité du désir de démocratie de la majorité sénatoriale.
Un second point retient notre attention.
Faute de pouvoir délibérer en connaissance de cause et de proposer aujourd'hui un modèle d'organisation de la discussion budgétaire, l'article 5 de la proposition de résolution vise à insérer dans le règlement du Sénat un article 47 bis -1 précisant que, pour l'application de la loi organique du 1er août 2001, les règles particulières d'organisation de la discussion de la loi de finances de l'année sont fixées par la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances.
Les auteurs de la proposition de résolution rappellent qu, en l'absence de dispositions spécifiques du règlement, il s'agit de la pratique actuelle pour les modalités de discussion de la loi de finances de l'année, à l'exception de la discussion des articles de la première partie et des articles non rattachés de la deuxième partie, qui répondent aux règles habituelles.
A leurs yeux, cette pratique présente l'avantage de la souplesse dans l'organisation de la discussion et il convient de la préserver et même de la conforter en lui donnant une base réglementaire.
Nous pensons nécessaire de rappeler, par souci de clarification, que cette pratique qu'il est proposé de codifier ne peut s'appliquer que sous réserve des dispositions de l'article 48 de la Constitution relatif à l'ordre du jour prioritaire.
En vertu de cet article, le Gouvernement a la faculté de déterminer et de modifier la liste des projets et propositions qu'il désire voir figurer à l'ordre du jour et de fixer l'ordre dans lequel ils seront examinés. Sur cette liste et sur cet ordre, la conférence des présidents n'a pas à se prononcer. Cette règle traduit le souci de la séparation des pouvoirs qui inspire l'ensemble de notre organisation institutionnelle.
Avant de conclure, je formulerai une dernière remarque.
M. le rapporteur n'a pas souhaité étendre le champ de la proposition de résolution à d'autres modifications que celles qui étaient proposées. Nous comprenons sa démarche. Le renvoi à la conférence des présidents pour arrêter les modalités d'organisation de la discussion de la loi de finances apparaît certes comme une solution pragmatique, mais dans le même temps il pose avec une acuité accrue la question de la juste représentation de l'opposition au sein de cette instance.
La conférence des présidents est une instance de décision. Vous codifiez l'usage. Si votre proposition de résolution est adoptée - ce que l'on ne peut exclure - la conférence des présidents va être appelée à délibérer sur le bloc de propositions émis par la commission des finances.
Les dispositions du règlement du Sénat qui prévoient que l'ordre du jour est proposé par la conférence des présidents en tenant compte de l'équilibre entre tous les groupes ne sont pas autant protectrices des droits de l'opposition qu'elles devraient l'être dans une démocratie parlementaire. En pratique, elles se révèlent insuffisantes. Si l'on se montre réellement soucieux du respect de ce principe, il convient d'en garantir l'application.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement qui s'inspire de l'article 48-7 du règlement de l'Assemblée nationale afin de prévoir une pondération des voix plus respectueuse des droits de la minorité au sein d'une assemblée parlementaire. Elle n'existe pas au Sénat. Il importe pour nous de combler cette lacune.
Je conclus : la réforme du règlement que l'on nous propose ne constitue pas un changement majeur, je vous le concède. De nombreux progrès restent à accomplir pour faire avancer les pratiques de notre Haute Assemblée sur le difficile chemin de la démocratie interne et de la reconnaissance des droits de l'opposition.
En définitive, cette proposition refuse à l'opposition les garanties qu'elle est en droit d'attendre d'un fonctionnement démocratique. Une nouvelle fois, la majorité sénatoriale se met en situation, si elle le décide, de pouvoir pratiquer un abus de position dominante. Nous ne pouvons cautionner cette vision d'une démocratie octroyée et donc à géométrie variable.
Je veux néanmoins croire, comme M. le rapporteur le laissait entrevoir dans son intervention, que le débat sur le règlement intérieur se poursuivra en empruntant le chemin de la concertation. Mais les précédentes tentatives ont démontré que rien ne changera tant que la majorité sénatoriale refusera de reconnaître l'opposition comme une force instituée et comme une nécessité institutionnelle dans une démocratie parlementaire.
Vous nous demandez, mes chers collègues - et c'est le point essentiel de votre proposition de résolution - de faire confiance à la conférence des présidents. Les rapports entre une majorité et une opposition ne peuvent se fonder sur la confiance. Ils doivent se fonder sur le respect du fait majoritaire par l'opposition et la garantie du respect des droits de l'opposition par la majorité. Nous sommes, dans le fonctionnement du Sénat, très loin du compte.
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rôle du Parlement dans la LOLF n'est plus à rappeler, et Dieu sait s'il a dû surmonter quelques divergences de points de vue pour adopter ce texte ! Je me réjouis que le Gouvernement s'applique à faire vivre le consensus politique auquel nous sommes parvenus en 2001, grâce à une coopération quasi unique avec le Parlement pour mettre en oeuvre ce texte.
Le Sénat ne doit pas être un commentateur de la réforme : il en est le gardien, le garant. Aussi, le débat qui s'ouvre aujourd'hui est-il utile : il nous donne l'occasion de nous interroger sur la question de savoir comment nous concevons désormais notre rôle, quels nouveaux liens nous entendons nouer avec l'exécutif, comment utiliser les informations nouvelles et les pouvoirs importants que nous allons avoir et, surtout, comment moderniser le dialogue budgétaire avec le Gouvernement, notamment dans sa phase la plus solennelle que constitue le débat en séance publique.
La commission des finances, sous l'impulsion de son président, à qui je veux rendre un hommage particulier, hommage qui n'est pas de circonstance, mais qui est l'expression de ma gratitude pour son implication personnelle dans la réussite de cette réforme, a commencé à aborder ces questions à l'occasion de séminaires ou lors de discussions avec les autres commissions.
Cette réforme du règlement du Sénat constitue un premier pas nécessaire et je crois que son examen arrive au bon moment. A cette occasion, je souhaiterais évoquer la non moins nécessaire rénovation du débat de la seconde partie du projet de loi de finances.
La proposition de réforme de notre règlement vient, utilement à mes yeux, tirer les conséquences de la loi organique.
Cette réforme aborde ainsi trois types de dispositions sur lesquelles je ne reviendrai pas, le rapporteur les ayant déjà exposées excellemment, qu'il s'agisse des coordinations formelles, de l'actualisation des dispositions sur la recevabilité financière ou d'une nouvelle disposition prévoyant que la conférence des présidents décide des modalités d'organisation de la discussion du projet de loi de finances.
Je souhaite, monsieur le rapporteur, saluer votre démarche qui tient à n'apporter que les modifications les plus nécessaires, à travailler en coordination étroite avec les autres commissions de notre assemblée, avec tous les groupes politiques, et à profiter de cette réforme pour prendre acte de la pratique sur l'organisation des travaux budgétaires. Je tenais à vous adresser des compliments très sincères.
S'agissant de l'organisation des travaux budgétaires, je souhaiterais néanmoins approfondir quelque peu notre pensée.
Comme l'a évoqué dans son rapport écrit Patrice Gélard, il nous faut hâter notre réflexion en la matière. Même s'ils ne relèvent pas de notre règlement, les principes qui ont guidé en 2001 le législateur organique et sur lesquels la commission des finances et la conférence des présidents pourront s'appuyer quand il s'agira de mettre en place le débat sur le budget pour 2006 me semblent devoir être rappelés à l'occasion de cette discussion.
Au-delà de cette réforme du règlement, il nous faut porter notre regard sur l'organisation du débat relatif au budget pour 2006, qui sera le premier à être élaboré, présenté, discuté, voté et exécuté selon la loi organique.
Le premier débat budgétaire appliquant la LOLF donnera le « la ».
Souvenons-nous en effet que c'est lors de la discussion du budget de 1960, la première appliquant l'ordonnance de 1959, que s'est forgée la pratique du vote par ministères et par titres plutôt que par titres et par ministères, d'où l'importance de la pratique...
Le Parlement exerce en la matière une responsabilité particulière.
S'agissant de la modernisation du débat de seconde partie dont nous parlons depuis si longtemps, des progrès ont été accomplis, mais il faut véritablement profiter de la loi organique pour faire un pas décisif. Cette modernisation doit prendre acte de l'éclatement des budgets ministériels au profit de budgets affectés à des politiques publiques.
Il nous faut être bien conscients, les uns et les autres, qu'il n'y aura plus de discussion sur le « budget » du ministère des affaires étrangères, mais sur des politiques publiques, qu'il s'agisse de l'action extérieure de l'Etat, de l'action culturelle ou du soutien aux Français de l'étranger. Il nous faut être bien conscients qu'il n'y aura plus de discussion sur le « budget » du ministère de l'intérieur, mais sur les politiques de la sécurité, de la sécurité civile et de l'administration territoriale.
Cette prise de conscience s'impose de façon absolue.
La loi organique jalonne la piste à suivre en faisant des missions l'unité de vote des crédits. A nous de poursuivre la logique du texte en nous assurant que la mission soit aussi l'unité de discussion des crédits. Deux raisons nous guident en ce sens : premièrement, cela est pleinement cohérent avec les futurs débats d'amendements qui porteront sur les missions ; deuxièmement, il n'y a pas d'alternative crédible du point de vue de la réforme.
Il nous faut à tout prix éviter le retour à une discussion par ministères, tentation commode pour ceux qui ne veulent pas changer leurs habitudes, tentation commode pour ceux qui gèrent les agendas des ministres, tentation commode pour ceux qui craignent le dépassement des horaires.
Il nous faut notamment proscrire de façon catégorique une pratique qui consisterait à prévoir des discussions communes de missions ministérielles. L'argument de la maîtrise du temps des débats ne vaut pas à mes yeux.
La deuxième partie de la discussion du projet de loi de finances se limite aujourd'hui à une succession de monographies ministérielles dans lesquelles la majorité et le Gouvernement mettent en valeur un dixième d'augmentation des crédits ou nuancent un dixième de baisse, tandis que l'opposition - et ce n'est pas un mauvais procès que je fais à l'actuelle opposition sachant que nous sommes chacun à notre tour dans l'opposition - critique l'insuffisance des crédits, là où l'on sait l'inanité d'un propos qui néglige le contenu de la dépense.
Le temps de la deuxième partie serait beaucoup mieux utilisé s'il était organisé autour des missions, conformément à votre proposition, monsieur Arthuis.
La discussion permettrait alors d'évoquer le contenu des politiques, de débattre des problèmes précis soulevés par les contrôles et par les amendements, et cela exclusivement sous la forme de questions et de réponses. Je crois que ce serait la bonne formule !
Nous devons garder à l'esprit qu'il ne faut rien faire qui dénature l'esprit de la réforme, et notamment le développement de la logique de performance. Il faut que le Parlement s'empare de la logique de performance et structure les débats sur les dépenses autour de cette notion. Il doit ainsi s'écarter, ainsi que le prévoit la LOLF, des débats ministériels actuels pour entrer dans le coeur des politiques publiques.
L'autre volet de l'organisation des débats concerne le périmètre des compétences des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis.
Les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ont fort heureusement, selon moi, adopté une définition des périmètres des rapports spéciaux qui se rapproche sensiblement des missions, pour ne pas dire qu'elle se cale complètement dessus, au Sénat du moins.
C'est judicieux dans la mesure où cette mesure permettra aux rapporteurs spéciaux d'exercer leur rôle dans les débats d'amendements et de s'attacher à la cohérence des missions, au nom des équilibres budgétaires et de la recherche de l'efficacité des politiques publiques.
De même, il me semble logique que les périmètres des rapports pour avis se rapprochent quant à eux des différents programmes, en tout cas des plus importants. Les commissions saisies pour avis ont, par leur connaissance fine des différentes politiques, des interlocuteurs et des dispositifs, une légitimité et une compétence particulières pour s'emparer des projets et des rapports annuels de performance, afin d'éclairer le Parlement sur la pertinence des objectifs et sur leur atteinte.
Un tel schéma d'organisation rapprochant les missions des rapporteurs spéciaux et mobilisant les rapporteurs pour avis sur les principaux programmes présente, outre sa simplicité, de nombreux avantages et devrait faire progresser la qualité de nos travaux.
Cette organisation permet de bien identifier les interlocuteurs et de nouer des relations plus étroites avec l'exécutif, notamment avec les responsables de programme ; elle permet d'associer beaucoup plus de parlementaires au suivi des politiques publiques, et ce tout au long de l'année ; elle utilise au mieux les compétences des différentes commissions et montre aux administrations que le Parlement les accompagne dans leur réforme.
Évidemment, un tel schéma destiné à se mettre en place progressivement ne devrait pas empêcher des « innovations » comme la co-signature des rapports les plus importants.
Mes chers collègues, une grande partie de la réforme dépendra de notre capacité collective à épouser la modernisation. Nous l'avons voulue en 2001. Nous avons réalisé une sorte de miracle en la souhaitant avec suffisamment d'ardeur pour l'adopter alors que les circonstances ne la favorisaient pas. Il faut donc que cet état d'esprit perdure.
Lorsque nous répartirons les rapports pour le budget pour 2006, lorsque nous organiserons les débats de deuxième partie, lorsque nous forgerons la pratique et les premiers précédents, ayons à l'esprit le signal que nous voudrons lancer à nos administrations !
En adaptant nos méthodes au nouveau cadre budgétaire, nous montrerons aux agents que nous sommes engagés dans une réforme sans précédent depuis 1959 et que le Parlement entend continuer l'oeuvre qu'il a entreprise depuis 2001. Nous montrerons que nous croyons dans cette réforme que nous avons voulue et, parce que nous l'avons voulue, que nous avons écrite et votée.
Nous avons la chance historique, en mettant en place la discussion du budget pour 2006 dans quatre mois, de rompre avec la fameuse « litanie, liturgie, léthargie » du président Edgar Faure et de refonder l'approche du Parlement en matière de finances publiques.
Cela passera par des actes simples qu'il ne faut pas manquer : discuter des missions et des programmes, et non pas des ministères ; nous pencher sur les politiques conduites, et non pas sur les pourcentages d'évolution des crédits ; répartir les rapports spéciaux et pour avis en nous calant sur la maquette et non sur des sections budgétaires qui ont plusieurs configurations gouvernementales de retard ; interroger les ministres à l'occasion de la loi de règlement sur leur action, afin d'éclairer et de soulager le débat budgétaire annuel, qui est déjà très lourd.
La mise en oeuvre de la LOLF exige des efforts très importants de la part des agents de l'administration, qui doivent réviser bon nombre de leurs méthodes et de leurs réflexes. Le Parlement doit donner l'exemple, les encourager et leur montrer la voie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mmes Assassi, Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 8, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des Lois Constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale sur la proposition de résolution portant modification du règlement du Sénat pour la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 313, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, je veux bien croire que nous aurons de nouveau l'occasion de discuter d'une réforme démocratique du règlement faisant l'objet d'un consensus de tous les groupes, mais je veux dire d'emblée que nous avons été échaudés lors de la précédente tentative.
En effet, nous avons alors pu constater que la majorité ne voulait même pas accorder à l'opposition un droit d'initiative parlementaire libre et que la conférence de présidents restait maître de l'initiative parlementaire dans une assemblée qui n'a, jusqu'alors, pas connu de changement de majorité, ce qui augure mal d'une réforme consensuelle.
Nous continuons néanmoins à vouloir vous croire, monsieur le rapporteur, et nous attendons beaucoup de vos consultations.
La proposition de résolution dont nous débattons ce soir est présentée par ses auteurs comme une forme de prolongement technique de la loi organique du 1er août 2001. C'est à la fois le flou qui préside à l'application de la LOLF et le fait qu'elle ne nous semble pas améliorer les droits du Parlement qui motive le dépôt de cette question préalable.
A cet égard, je tiens d'ailleurs à rappeler que le groupe CRC avait été le seul, lors de la discussion de la loi organique, à s'opposer à l'adoption du texte rédigé de manière consensuelle par les deux Assemblées.
Contrairement à ce qui est fréquemment affirmé, rien n'est neutre dès lors que l'on parle des conditions de la discussion des lois de finances.
La loi organique illustre d'ailleurs votre conception, mes chers collègues, du rôle du Parlement dans ce qu'il a de plus essentiel, à savoir les choix de répartition des deniers publics et leur utilisation.
La plus récente histoire parlementaire a montré avec force exemples qu'il y avait souvent un décalage sensible entre la réalité constatée à l'occasion des collectifs de fin d'année et celle qu'avaient envisagée les lois de finances initiales.
J'en veux évidemment pour preuve la discussion des collectifs de fin d'année de 1998, 1999 ou 2000, dans lesquels nous avons fini par constater l'existence de plus ou moins importantes plus-values de recettes ou moins-values de dépenses qui ont modifié le solde définitif et transformé les données budgétaires initiales.
Dans un autre ordre d'idées, on ne peut aussi manquer de rappeler, mes chers collègues, que les exercices budgétaires 1994, 1995 et 1996 furent marqués par de douloureux collectifs pour lesquels tous les artifices rendus possibles par les textes furent utilisés pour compenser l'irréalisme des prévisions économiques et budgétaires des lois de finances initiales.
Le phénomène s'est reproduit en 2002 comme en 2003, avec des niveaux de déficit nettement différents de ceux qui avaient été envisagés à l'origine. Ainsi, en 2002, le dérapage budgétaire a atteint 2,3 milliards d'euros et, en 2003, au vu du collectif de fin d'année, il était de 2,9 milliards d'euros, ce qui a porté le déficit à 57 milliards d'euros, très au-dessus des 46 milliards d'euros figurant dans la loi de finances initiale.
La discussion budgétaire, sous certains aspects, est devenue quelque peu une clause de style, une sorte de passage obligé pour le Gouvernement, au cours duquel la limitation excessive du droit d'initiative parlementaire devient un obstacle à tout véritable débat d'orientation politique et de détermination de choix budgétaires réellement novateurs.
Si nous pouvons avoir des débats idéologiquement intéressants dès qu'il s'agit de l'impôt sur la fortune, de la réforme de l'impôt sur le revenu, de la fiscalité indirecte, le débat budgétaire souffre incontestablement de ne pouvoir réellement peser sur l'emploi des ressources publiques pour répondre aux aspirations de la population et aux nécessités de fonctionnement des services de l'Etat.
Si, comme vous le dites, on doit privilégier le contrôle budgétaire, à quel moment les élus de la nation auront-ils un débat avec le Gouvernement sur les orientations et le contenu des missions présentés lors de la discussion budgétaire ?
Sans être pour autant des « idéologues de la dépense », les parlementaires de la nation ne sont-ils pas en mesure d'opérer une analyse critique et pertinente de la dépense publique, analyse pouvant conduire à une utilisation différente et pourquoi pas plus efficiente de l'argent public ?
Les dépenses d'aujourd'hui sont souvent les économies de demain, quoi qu'en disent certains. Et les apparentes économies d'aujourd'hui sont parfois la source des gâchis budgétaires de demain.
L'initiative des choix budgétaires ne peut pas être réservée au seul pouvoir exécutif. C'est une question qui nous tient à coeur.
Les élus nationaux et locaux que nous sommes ont une perception du terrain et des attentes de nos concitoyens qui doit trouver son expression dans les choix budgétaires opérés in fine. A quel moment, sinon dans le débat budgétaire, peut-on le faire ?
Or, dans ce domaine, la loi organique ne donne aucun pouvoir supplémentaire au Parlement. La possibilité de créer de nouveaux programmes au sein des missions ministérielles ou interministérielles ne se détermine en effet qu'à enveloppe budgétaire constante et fermée.
En fait, l'extension des pouvoirs de contrôle du Parlement se limite à deux choses : il est plus informé des mouvements de gestion et peut déterminer l'amplitude des économies réalisables pour parvenir à l'équilibre budgétaire. Son rôle est cantonné à ces domaines.
A notre avis, le débat sur la dépense publique mériterait autre chose que la seule sophistication des outils de sa maîtrise.
La définition d'une répartition de la dépense publique en trente-quatre missions et 132 programmes serait susceptible de permettre une approche plus rationnelle et plus pertinente de la qualité de la dépense publique.
Or les premiers éléments fournis en matière d'évaluation et les indicateurs connus à ce jour suscitent des interrogations : que doit-on privilégier dès lors qu'il s'agit de gérer les affaires publiques ? Est-ce la satisfaction des besoins collectifs, qui est au coeur de l'action publique et doit la motiver, la justifier et l'accomplir, ou bien celle des comptables nationaux et européens, poursuivant sans relâche l'optimisation mesurable en termes d'économie et d'équilibre budgétaire ?
Car c'est bel et bien une simple logique comptable qui sous-tend aujourd'hui la mise en oeuvre de la loi organique et qui, demain, animera les lois de finances qui procéderont de cette dernière.
Et comment séparer la discussion en apparence technique qui nous occupe aujourd'hui de certaines dispositions du traité constitutionnel qui sera soumis à l'approbation de la population, ou à son rejet, le 29 mai prochain ?
Il me paraît utile à cet égard de citer quelques exemples précis.
Le traité établissant une Constitution pour l'Europe dispose, dans son article III-177 : « Aux fins de l'article I-3, l'action des Etats membres et de l'Union comporte, dans les conditions prévues par la Constitution, l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des Etats membres, le marché intérieur et la définition d'objectifs communs et conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.
« Parallèlement, dans les conditions et selon les procédures prévues par la Constitution, cette action comporte une monnaie unique, l'euro, ainsi que la définition et la conduite d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques dont l'objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l'Union, conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. »
Citons également l'article III-184 :
« 1. Les Etats membres évitent les déficits publics excessifs.
« 2. La Commission surveille l'évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les Etats membres pour déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée, et ce sur la base des deux critères suivants :
« a) si le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut dépasse une valeur de référence, à moins :
« i) que le rapport n'ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence, ou
« ii) que le dépassement de la valeur de référence ne soit qu'exceptionnel et temporaire, et que ledit rapport ne reste proche de la valeur de référence ; ».
Je vous épargne la suite du texte, mes chers collègues, mais je vous invite à lire intégralement cet article dont la lecture est tout à fait intéressante.
M. Philippe Marini. Le débat porte sur le règlement du Sénat, ma chère collègue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment ne pas lier le débat qui nous occupe aujourd'hui à la réalité des engagements européens qui pèseront, si l'on n'y prend garde, sur la définition des politiques budgétaires de notre propre pays ?
Et cette soudaine rigueur quand il s'agit de la dépense publique,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est de la sincérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... que dis-je, cette rigueur érigée en dogme, pour le présent et l'avenir, va de pair avec le développement de la concurrence dans tous ses aspects, qu'il s'agisse de la concurrence fiscale, du « moins-disant » social ou encore de la remise en question et du démantèlement des services publics.
La loi organique, telle qu'elle est prolongée par cette proposition de résolution modifiant le règlement du Sénat, c'est en quelque sorte la « mise en musique » d'une vassalisation de tout nouveau pouvoir de contrôle ou d'initiative du Parlement au profit de la concentration du pouvoir réel de définition des choix budgétaires au coeur des institutions et de la construction européennes actuelles. (Exclamation sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
A ceux qui pourraient nous accuser aujourd'hui de tenir un simple discours d'opportunité, je réponds en les invitant à se reporter à nos débats budgétaires les plus récents, profondément marqués dans leur essence par ce « corset » du traité de l'Union en matière de définition des politiques budgétaires, comme au débat que nous venons d'avoir sur l'utilisation des crédits du ministère des affaires étrangères.
Tout se passe, en effet, comme si l'activité parlementaire en matière budgétaire devait nous transformer en gardiens intransigeants et sourcilleux de la réduction des dépenses publiques...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On cesse de se raconter des histoires !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...et, par voie de conséquence, cantonner l'activité des parlementaires à la mise en oeuvre la plus inflexible possible des orientations budgétaires coordonnées par la Commission européenne, institution dont chacun connaît ici le caractère totalement « démocratique » !
M. Philippe Marini. Tout cela est complètement imaginaire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est temps, mes chers collègues, grand temps même, de cesser d'associer justesse des choix budgétaires et réduction de la dépense publique...
M. Philippe Marini. D'où vient l'argent ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... et d'encourager cette réduction, au nom d'une orthodoxie budgétaire qui prive l'Etat de son rôle fondamental dans la réparation des attentes et des besoins.
M. Philippe Marini. Comment paie-t-on la dette ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous, vous réduisez l'impôt, des riches bien entendu !
Revenons quelques instants sur les termes de la proposition de résolution.
Bien que le rapport de notre collègue M. Gélard tende à nous présenter la proposition de résolution comme une avancée du droit des parlementaires,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai ! C'est bien vu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...force est de constater, au contraire, que c'est dans le cadre étroit fixé par l'enveloppe budgétaire des missions que pourra s'exercer ce droit.
De la même manière, il est fort probable qu'en lieu et place de la « souplesse » requise dans l'organisation des travaux par la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances, nous constations, dès la discussion du projet de loi de finances pour 2006, une nouvelle réduction du temps consacré aux débats de la seconde partie.
Comment ne pas pointer le fait que pratiquement le tiers du temps de parole dévolu aux différents orateurs des groupes politiques de notre Haute Assemblée n'a pas été utilisé dans la discussion de la loi de finances initiale pour 2005 ?
Comment ne pas pointer le fait que le recours à la procédure des « questions-réponses », au lieu de favoriser une dynamisation du travail parlementaire, a surtout concouru à réduire encore le temps consacré à l'analyse critique de la politique budgétaire, de la conception de ses choix jusqu'à son exécution ?
Pour l'ensemble de ces raisons nous ne pouvons bien évidemment que proposer à notre assemblée de rejeter cette proposition de résolution par l'adoption de notre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Les auteurs de cette motion restent fidèles à eux-mêmes.
Mme Evelyne Didier. C'est déjà cela !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ils se sont abstenus lors du vote de la loi organique, qui était le fruit d'une initiative conjointe de nos deux assemblées et qui a été adoptée par le Sénat à l'unanimité, en dehors du groupe communiste républicain et citoyen. Il y a donc une logique tout à fait naturelle dans le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Permettez-moi d'expliquer pourquoi j'émettrai un avis totalement défavorable sur cette motion.
Mme Evelyne Didier. On s'en doutait !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout d'abord, je dirai - et je réponds là à notre collègue Bernard Frimat, dont j'ai beaucoup apprécié l'intervention tout à l'heure -, que cette modification de notre règlement intervient au bon moment.
En effet, il était impossible d'attendre le mois de juin, avec un calendrier incertain que nous ne contrôlons pas, sachant que nous devons être prêts dès le mois d'octobre pour mettre en place la discussion du prochain projet de loi de finances.
Les modifications prévues par la proposition de résolution sont nécessaires et très limitées. Elles permettront d'aborder sereinement la discussion du projet de loi de finances pour 2006, sans préjuger ni exclure d'autres adaptations ultérieures de notre règlement.
Mais, surtout, je tiens à préciser que les prérogatives des parlementaires seront particulièrement étendues, et ce à un double titre.
Tout d'abord, la totalité des crédits devra être discutée « dès le premier euro », alors que, jusqu'à présent, les services votés, qui représentaient 94 % des crédits, étaient reconduits par un seul vote presque automatiquement d'une année sur l'autre. Voilà donc une amélioration notable des pouvoirs des parlementaires.
Ensuite, les amendements visant la création d'un programme ou l'augmentation des crédits d'un programme, compensés par une diminution corrélative des crédits d'un autre programme de la même mission, seront dorénavant recevables, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Un pouvoir très important est ainsi ouvert non seulement à la majorité, mais aussi à l'opposition, qui pourra jouer du droit d'amendement de façon beaucoup plus large qu'auparavant. Par conséquent, les droits de la minorité ne sont nullement menacés.
Il reviendra à la conférence des présidents d'organiser les modalités particulières de la discussion des lois de finances de l'année. L'élargissement du droit d'amendement des parlementaires permettra de nombreuses prises de parole sur l'ensemble des programmes.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame Borvo Cohen-Seat, et j'en suis désolé, je suis obligé d'émettre un avis défavorable sur votre motion tendant à opposer la question préalable.
M. Daniel Raoul. C'est un scoop !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens à remercier M. Patrice Gélard de la qualité du rapport qu'il vient de présenter ce soir au Sénat sur notre proposition de résolution modifiant le règlement du Sénat en vue de préparer, dans les conditions les plus satisfaisantes, la discussion du projet de loi de finances pour 2006 selon les modalités prévues par la loi organique relative aux lois de finances.
La discussion générale a été tout à fait intéressante et, à cet égard, je saluerai tout particulièrement les interventions de MM. Bernard Frimat et Alain Lambert, qui ont rappelé les points fondamentaux de cette réforme majeure tendant à renforcer les droits du Parlement.
Mes chers collègues, cette loi organique est le fruit d'une conjonction astrale (sourires), d'une démarche suprapartisane dépassant les clivages politiques habituels ; il ne saurait donc être question de laisser accréditer l'idée selon laquelle la majorité malmènerait l'opposition.
Nous sommes, majorité et opposition, dépositaires d'un texte qui doit désormais constituer le levier de la réforme de l'Etat.
Vous avez parlé de « logique comptable », madame Borvo Cohen-Seat ? J'avoue que je suis toujours étonné par l'utilisation que vous faites de cette formule : ce sont bien les Constituants de 1789, qui, dans leur sagesse, ont posé le principe selon lequel tout agent public doit rendre compte de sa gestion !
Pour ce faire, il faut avoir quelques principes fondamentaux. L'élément nouveau de cette loi organique est le postulat selon lequel les comptes publics devront désormais être sincères. La Cour des comptes devra certifier la sincérité des informations mises en forme par le Gouvernement, qui rendra compte de sa gestion. C'est, d'ailleurs, ce devoir de certification qui nous conduit à réviser la matrice des missions.
Ainsi, la Cour des comptes sera dotée d'un nouveau statut qui la placera en quelque sorte à équidistance entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Le projet de loi de finances comportera donc une nouvelle mission, à savoir le conseil et le contrôle de l'action gouvernementale. Trois programmes seront rassemblés, notamment celui qui sera dévolu à la Cour des comptes, laquelle ne dépendra donc plus du ministère de l'économie et des finances, qui est, pour sa part, chargé de tenir et d'arrêter les comptes.
Je voudrais répondre à Bernard Frimat, qui a indiqué que le débat est enrichi.
Lors du vote de l'article d'équilibre, nous devrons nous prononcer solennellement sur trois nouvelles dispositions : le niveau des effectifs, le niveau du déficit et le niveau des emprunts, puisque le Parlement autorisera le Gouvernement à emprunter dans une limite qu'il aura fixée. C'est en cela que l'on peut dire effectivement que le débat est enrichi.
Je crois que nous devons nous préparer à examiner, à discuter et à voter la seconde partie du projet de loi de finances par mission.
Respectant l'esprit et la lettre de la LOLF, la commission des finances estime que les rapports spéciaux devront être présentés par mission. Nous avons organisé un séminaire de réflexion pendant deux jours, et il a été convenu qu'un certain nombre de missions pourront être rapportées par plusieurs rapporteurs spéciaux qui seront cosignataires du rapport.
Bernard Frimat s'est interrogé sur les nuances que les rapporteurs pourraient apporter en fonction de leurs convictions, mais ceux-ci rapportent au nom de la commission. Or, à un moment donné, la majorité de la commission donnera ses conclusions et le rapporteur devra respecter le point de vue qu'elle aura exprimé.
Avoir accepté le principe selon lequel plusieurs rapporteurs spéciaux, dont les convictions politiques sont différentes, pourront participer à la cosignature d'un rapport spécial constitue, me semble-t-il, une richesse. Telle est l'esquisse que nous avons tracée et, si tous les groupes politiques sont d'accord avec notre proposition, nous la mettrons en oeuvre dès le début du mois de juin.
Mes chers collègues, il était urgent de présenter cette proposition de résolution, car, dans quelques semaines, les rapporteurs spéciaux devront connaître, au même titre que les rapporteurs pour avis, le champ de leurs responsabilités, afin notamment de préparer les questionnaires qui seront adressés aux différents ministres chargés des missions sur lesquelles nous aurons à nous prononcer.
Nous souhaitons que la discussion de la seconde partie de la loi de finances soit aussi interactive que possible. Il s'agit d'une loi de finances, donc de considérations budgétaires, et non d'une succession de propos relatifs à la politique générale du Gouvernement. Nous devons rester dans un cadre budgétaire.
S'il est vrai que l'examen et le vote du projet de loi de finances initiale est un moment essentiel, puisque nous devons nous prononcer sur le consentement à l'impôt et autoriser le Gouvernement à engager des dépenses pour contribuer aux grandes missions dont il a la charge, le contrôle de l'exécution budgétaire va devenir particulièrement important.
A ce stade, nous n'avons prévu aucune disposition tendant à modifier le règlement du Sénat, mais j'imagine que nous demanderons assez rapidement à notre assemblée de tenir, au printemps, une séance spéciale, afin d'inviter les ministres, au lendemain de la clôture d'un exercice budgétaire, à venir rendre compte de leur gestion, en vertu de cette nouvelle logique qui privilégie le résultat par rapport à la culture de moyens.
Nous pouvons donc imaginer que, à brève échéance, au mois de mai ou de juin, avant que ne s'engage le débat d'orientation budgétaire, l'examen du projet de loi portant règlement définitif, qu'il faudra sans doute requalifier pour le rendre plus attractif, cessera d'être un exercice formel que nous expédions en une ou deux heures. Au contraire, pendant plusieurs jours, nous allons inviter les ministres à venir devant le Sénat rendre compte de leur gestion et expliquer pour quels motifs les objectifs qu'ils avaient fixés n'ont pas été tenus, ainsi que les raisons pour lesquelles les résultats ne sont pas à la hauteur des prévisions qu'ils avaient faites au moment où ils nous invitaient à nous prononcer favorablement sur le projet de loi de finances.
Si, à l'avenir, nous pouvons privilégier une réelle interactivité dans le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, nous donnerons plus de relief à la discussion.
Pour ma part - soyez-en persuadés, mes chers collègues - je me sens investi d'une responsabilité, celle de veiller à ce que tous les points de vue puissent s'exprimer et que la minorité ne se sente, en aucune façon, bafouée parce qu'elle ne disposerait pas des moyens d'exposer son point de vue sur chacune des missions et sur chacun des programmes qui seront soumis à notre examen.
Mes chers collègues, la proposition de résolution que nous vous soumettons reste modeste. Elle rend possible la mise en oeuvre de la LOLF.
Au-delà du règlement du Sénat, ce qui comptera, c'est l'engagement personnel de chacun d'entre nous. Notre objectif est clair : rendre la gestion lisible, compréhensible. Nous avons un devoir de lucidité, pour que les décisions politiques soient fondées sur des données aussi factuelles que possible et qu'ainsi nous participions à la réforme de l'Etat.
Ce n'est pas la LOLF qui réduit la dépense publique ; la LOLF est un instrument et rien d'autre. Ceux qui, majoritairement, estimeraient nécessaire d'augmenter la dépense publique pourraient le faire par le biais de la LOLF ; au contraire, une majorité pourrait, toujours en vertu de la LOLF, préconiser une meilleure maîtrise de la dépense publique. Ce n'est pas la LOLF qui définit le niveau de la dépense publique ; elle n'est, je le répète, qu'un instrument de visibilité et de lucidité, le reste étant affaire de responsabilité et de volonté politique. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Au-delà de la motion tendant à opposer la question préalable, notre discussion présente un caractère plus général, puisque le président Arthuis a prolongé le débat que nous avons eu au cours de la discussion générale. Certes, nos collègues du groupe CRC ne sont pas intervenus alors, mais la défense de cette motion s'inscrit dans une même unité.
Pour ma part, j'exprimerai la position de mon groupe sur la motion tendant à opposer la question préalable et je tenterai, monsieur Arthuis, de poursuivre avec vous cet intéressant dialogue.
N'appartenant pas à la noble commission des finances, ...
M. Philippe Marini. Moins noble que la commission des lois !
M. Bernard Frimat. ... je plaide mon incompétence en la matière, mais j'essaierai de me hisser au niveau de cette discussion très technique.
M. Lambert et vous-même, monsieur Arthuis, plaidez pour la LOLF mais, que je sache, la LOLF date de 2001. C'est donc une oeuvre pluraliste.
Vous répondez aux questions que nous avons posées en arguant du fait que la LOLF est une bonne loi, que nous allons devoir nous servir de cet outil pour avoir une dynamique budgétaire et un budget sincère afin d'adapter les décisions publiques. Nous en sommes tout à fait d'accord ! Je ne vois d'ailleurs pas qui pourrait se réjouir d'un budget qui ne serait pas sincère ! Je vous rappelle que le groupe socialiste a voulu cette loi organique relative aux lois de finances ; nous sommes donc parfaitement à l'aise sur ce sujet.
Monsieur Arthuis, nous discutons ici non pas du contenu de la LOLF - cela pourrait faire l'objet d'un autre débat, tout aussi intéressant -, mais d'une modification du règlement intérieur du Sénat.
Nous demandons que le règlement intérieur organise la discussion budgétaire en nous donnant des garanties. Or, la proposition de résolution précise que les dispositions de la LOLF seront respectées - c'est la moindre des choses -, et que la conférence des présidents fixera les modalités d'organisation de la discussion budgétaire, ce qui ne nous donne aucune garantie.
Je ne vous fais aucun procès d'intention, monsieur Arthuis, mais nos rapports doivent être fondés non pas sur la confiance, mais sur, d'un côté, le respect du fait majoritaire et, de l'autre, la garantie des droits de l'opposition. Nous demandons que le règlement intérieur les formalise. Nous avons déposé quelques amendements en ce sens, qui ont été refusés par le rapporteur ; nous en tirerons donc logiquement les conclusions.
Comment sera organisée la discussion budgétaire ? Certes, un séminaire de réflexion a été mis en place. Jean-Claude Frécon, qui y a participé, l'a trouvé fort intéressant, mais, quelle que soit la vitesse de transmission de pensée, ses conclusions ne sont pas encore arrivées jusqu'à nous pour nourrir notre débat. De toute façon, cela ne concerne pas le règlement intérieur, puisque c'est la commission des finances qui fixe les règles d'organisation du débat budgétaire. En tout cas, tel est mon sentiment.
S'agissant de la motion tendant à opposer la question préalable, je dois dire à Nicole Borvo Cohen-Seat que je suis en accord avec elle pour défendre, au sein de notre institution, les droits de l'opposition et le fait qu'elle soit respectée, ce qui se produit de temps en temps alors qu'il faudrait que ce soit de manière continue. Ma remarque ne vaut pas uniquement pour les débats concernant la commission des finances, puisque le Sénat traite de bien d'autres questions, mais, de manière générale, comme je l'ai déjà indiqué, nous avons le sentiment de vivre une démocratie concédée.
Toutefois, bien que nous partagions votre point de vue à cet égard, madame Borvo Cohen-Seat, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable parce que les motivations qui la sous-tendent sont, à mes yeux, confuses et répondent aux sollicitations de l'air du temps.
Je sais bien que nous sommes tous quelque peu obsédés en ce moment par le traité constitutionnel ; nous participons à des réunions pour exprimer nos convictions. Mais comment auriez-vous fait, ma chère collègue, s'il n'y avait pas eu ce référendum ? D'un seul coup, tout un pan de votre argumentation serait tombé de lui-même.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne vous inquiétez pas !
M. Bernard Frimat. Je respecte toutes les opinions ! Vous avez le droit de continuer de vous opposer à la construction européenne et à tous les traités ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au traité constitutionnel !
M. Bernard Frimat. ... qui ont été négociés au cours de l'histoire, de la construction de la Communauté économique européenne à l'Union européenne, car c'est la démocratie. Mais vous ne pouvez avancer ces arguments pour refuser un débat portant sur la modification du règlement intérieur du Sénat afin de mettre en oeuvre les dispositions de la LOLF. Je ne veux pas vous suivre, madame Borvo Cohen-Seat, dans cette gymnastique intellectuelle qui voit, dans le traité constitutionnel qui sera adopté le 29 mai, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou pas !
M. Bernard Frimat. ... les raisons pour lesquelles la modification de notre règlement intérieur n'est pas satisfaisante.
Comme nous sommes d'accord avec vous pour défendre les droits de la minorité, que je préfère appeler l'opposition, nous nous abstiendrons sur la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je comprends tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Bien entendu, je me prononcerai contre la motion tendant à opposer la question préalable, car il y a lieu de délibérer sur cette proposition de résolution tendant à modifier notre règlement intérieur. Si nous ne le faisions pas, la discussion budgétaire ne pourrait pas être adaptée à la LOLF.
Mes chers collègues, qu'est-ce que la loi organique, sinon le retour, dans l'hémicycle, de la réalité pendant la discussion de la loi de finances ?
Nous savons tous que la discussion pratiquée selon les normes en vigueur jusqu'à présent a connu un divorce croissant par rapport à la réalité. Nous nous sommes enfermés dans un formalisme qui s'éloigne chaque année davantage des conditions concrètes de gestion des crédits publics au sein des différentes missions nécessaires à l'accomplissement de l'action de l'Etat. D'année en année, nous assistons à une désaffection croissante pour le débat budgétaire et, chaque année, les membres de la commission des finances se disent qu'il faudrait redonner à ce débat le sens des réalités.
La loi organique - nous aurons l'occasion d'y revenir et d'éprouver son intérêt comme ses limites - ne sera pas miraculeuse. Du moins permettra-t-elle de poser les bonnes questions et de responsabiliser les parlementaires que nous sommes.
Comment pourrions-nous, mon cher collègue Frimat, souhaiter que le débat budgétaire ne soit réservé qu'à quelques-uns ? Bien au contraire ! La vertu de la loi organique, si elle est bien appliquée, sera de susciter une large participation, sur l'ensemble des travées !
M. Daniel Raoul. Faites des propositions en ce sens !
M. Bernard Frimat. Inscrivez-le dans le règlement !
M. Philippe Marini. Auparavant, il faudra accepter de traverser ensemble une période expérimentale.
Permettez-moi de vous soumettre un exemple concret.
Parmi les rouages que définit la loi organique, il en est un - probablement le plus important - qui se présente de manière tout à fait différente par rapport à l'ordonnance de 1959. Il s'agit de l'article d'équilibre, qui établit la jonction entre les différents temps de la discussion budgétaire. Jusqu'à présent, cet article d'équilibre, qui prend en compte le décalage entre les dépenses et les recettes, se concluait par un vote solennel.
La nouvelle conception de la discussion budgétaire ne prévoit plus un vote, mais trois, et il faudra organiser le débat dans cette perspective. Le premier vote portera sur le décalage entre les dépenses réelles et les ressources réelles ; le deuxième vote permettra de tirer les conséquences de la gestion financière, c'est-à-dire la gestion de la dette, son évolution, les charges qu'elle entraîne, les besoins de refinancement qu'il faut honorer, et débouchera sur la décision consciente du Parlement d'autoriser le Gouvernement à recourir de nouveau à l'emprunt ; enfin, le troisième vote concernera un aspect important de la gestion publique, à savoir le niveau des effectifs des agents publics.
Trois votes, mes chers collègues, cela signifie trois débats, et non plus un ! Cela se traduira certainement par plus de prises de parole ! Il nous faudra donc expérimenter, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, la manière dont, ensemble, nous ferons progressivement vivre ces nouvelles procédures.
Dans ces conditions, est-il raisonnable, dès la première année, de tout graver dans le marbre du règlement intérieur ?
Les membres de la commission des finances à l'origine de cette proposition de résolution ont préconisé le maintien d'une certaine souplesse dans la mise en place de ce nouveau système, dont la conférence des présidents sera l'arbitre. Il ne s'agit de rien d'autre que de cela. Ils forment également le voeu que, dès cet automne, sur l'ensemble des travées, des collègues de l'opposition plus nombreux fassent valoir des arguments valables et solides,...
M. Bernard Frimat. Toujours ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. ... auxquels les membres de la majorité, présents en plus grand nombre, naturellement, (nouveaux sourires) répondront par des raisonnements encore meilleurs,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera difficile !
M. Philippe Marini. ...de telle sorte que la confrontation soit fructueuse. C'est en cela que résidera le succès de cette réforme. Pour en arriver là, il nous faut trouver ensemble des dispositions procédurales.
Acceptons cette phase de mise en oeuvre de la LOLF, l'organisation se perfectionnera, en quelque sorte, en marchant !
Au cours de ces deux derniers jours - notre collègue Jean-Claude Frécon a partagé avec nous ces moments -, nous avons abordé des points très techniques et avons tenté de répartir les tâches au sein de la commission des finances. Nous l'avons fait dans un souci d'ouverture, en essayant d'exploiter le potentiel dont sont porteurs ces nouveaux textes. De la même manière, il nous faudra, en appliquant la même méthode participative et ouverte, faire vivre la discussion budgétaire selon la loi organique, par l'intermédiaire du présent règlement.
C'est la raison pour laquelle il est indispensable de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable. Si elle était adoptée, tout s'arrêterait ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de résolution.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Dans l'alinéa 5 de l'article 18 du règlement du Sénat, les mots : « au budget particulier » sont remplacés par les mots : « aux crédits ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel avant l'article 2
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les deux dernières phrases du premier alinéa (1) de l'article 45 du règlement du Sénat sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « L'irrecevabilité est soumise au vote, après débat, où sont autorisés à prendre part l'auteur de l'amendement, l'auteur de l'exception, et un sénateur de chaque groupe. »
II. - Le deuxième alinéa (2) du même article est supprimé.
III. - En conséquence, dans le troisième alinéa (3) du même article, les mots : « par les alinéas 1 et 2 du présent article » sont remplacés par le mot : « ci-dessus ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question de la recevabilité financière se pose de manière récurrente dans le cadre de nos débats, ne serait-ce que parce que les principes constitutionnels de recevabilité ont conduit, depuis 1959, à une sensible réduction des droits des parlementaires.
Si l'on peut comprendre l'esprit de la recevabilité financière, force est de constater que son usage apparaît clairement comme le moyen d'escamoter la controverse dans la discussion des projets de loi ou des projet de loi de finances.
L'invocation de l'irrecevabilité financière, sans autre forme de procès, dispense d'être confronté à la contradiction sur certains sujets considérés comme épineux.
Nous estimons, pour notre part, - nous l'avons dit maintes fois, mais je tiens à le répéter- qu'il faut donner tout son relief à la question de la recevabilité financière, qui doit faire l'objet d'une véritable discussion.
Cet amendement vise donc clairement, sans remettre en question le principe même de la recevabilité financière, à faire de l'usage de l'article 40 de la Constitution un moment nécessaire du débat parlementaire, en donnant à l'auteur de l'amendement soumis à cette application, puis à celui ou à celle qui a invoqué l'article 40 de la Constitution et enfin à un membre de chaque groupe parlementaire la possibilité d'apporter son propre éclairage sur la question soulevée.
Comme vous avez tous le souci des droits du Parlement, je pense, mes chers collègues, que cet amendement vous agréera et que vous aurez à coeur de l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement a pour objet de confier au Sénat lui-même, et non plus à la commission des finances, le soin d'apprécier la recevabilité financière des amendements, en prévoyant un vote en séance publique après un débat faisant intervenir l'auteur de l'amendement, l'auteur de l'exception d'irrecevabilité et un sénateur de chaque groupe.
Les auteurs de cet amendement soulèvent le problème de la question de la recevabilité financière d'un amendement et veulent faire intervenir des considérations de fait et non d'opportunité politique.
La commission des finances dispose de l'expertise nécessaire pour statuer sur les exceptions d'irrecevabilité fondées sur l'article 45 du règlement de notre assemblée.
L'amendement n° 4 encourt, selon moi, la censure du Conseil constitutionnel. Son adoption pourrait se traduire par la remise en cause de règles actuellement plus favorables aux initiatives parlementaires que celles du règlement de l'Assemblée nationale.
Au Sénat, tous les amendements sont enregistrés et distribués, sauf ceux qui, afférents à un projet de loi de finances, tendent à porter un crédit budgétaire au-delà du montant prévu par le Gouvernement. Ils sont mis en discussion, sauf si la commission des finances, saisie d'une exception d'irrecevabilité soulevée par le Gouvernement, la commission saisie au fond ou un sénateur constate, en séance, leur irrecevabilité au regard des règles posées par l'article 40 de la Constitution ou des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.
A l'Assemblée nationale, en revanche, les amendements sont systématiquement examinés en amont par la commission des finances et ne peuvent être enregistrés et distribués si cette dernière constate leur irrecevabilité.
Cet amendement tend à proposer une solution qui risque de nous entraîner vers des orientations que l'ensemble des sénateurs ne souhaitent pas. C'est la raison pour laquelle j'en demande le retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets donc aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
Dans l'alinéa 4 de l'article 45 du même règlement, les mots : « l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique » sont remplacés par les mots : « la loi organique ». - (Adopté.)
Article 3
I.- Dans l'alinéa 1 de l'article 46 du même règlement, les mots : « l'article 41 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique » sont remplacés par les mots : « l'article 43 de la loi organique ».
II.- Dans l'alinéa 2 du même article, les mots : « un crédit budgétaire » sont remplacés par les mots : « les crédits d'une mission ».
III.- Le dernier alinéa (alinéa 3) du même article est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Frimat, Massion, Dreyfus-Schmidt, Masseret et Peyronnet, Mme Bricq, MM. Miquel, Charasse et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III. La première phrase du dernier alinéa (alinéa 3) est ainsi rédigée : « Les crédits ouverts sur un programme ou une dotation ne peuvent être l'objet que d'un débat sommaire, sauf accord contraire de tous les présidents des groupes politiques. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. L'ordonnance du 2 janvier 1959 permet actuellement l'organisation, au sein de la discussion budgétaire, d'un débat, certes très sommaire, sur les titres.
J'ai bien compris que la modification technique supprimait en quelque sorte le support qui donnait lieu à ce débat sommaire. Je vous en donne acte. Au demeurant, tel qu'il existait, ce débat offrait à tout sénateur, quel que soit son groupe, la possibilité de s'inscrire pour prendre la parole sur les titres, de la même façon qu'il peut le faire sur un article. Une telle organisation donnait de la souplesse au débat, puisque chaque parlementaire jouissait en quelque sorte d'un droit individuel à la parole.
Je veux bien vous croire lorsque vous affirmez que vous ne souhaitez pas supprimer ces possibilités et que le débat sera enrichi, modernisé, puisqu'il y aura trois votes. Chaque fois qu'il est question de l'article d'équilibre, vous vous lancez dans un plaidoyer « pro-LOLF ». Je ne peux que m'en réjouir : je le considère comme un hommage rendu au gouvernement qui a présidé à l'élaboration de ce projet de loi et au travail pluraliste qui a été accompli !
Mais là n'est pas la question. Pour l'instant, il s'agit du règlement du Sénat, plus précisément de l'organisation de la discussion budgétaire, et non de la LOLF, elle-même ! Or, justement, dans la nouvelle organisation de la discussion que vous proposez, ce droit individuel accordé à chaque parlementaire, cette niche ou cette fenêtre d'expression - choisissez la métaphore qui vous semblera la plus appropriée -, disparaît. J'ai beaucoup de mal à comprendre en quoi cette disparition est un progrès, un enrichissement, voire une modernisation.
L'amendement n°1 vise à rétablir cette possibilité. A quel moment de la procédure l'inscrire ? Il nous semble que le plus logique serait de la prévoir lors de l'examen des crédits ouverts sur un programme ou une dotation.
Je reconnais qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'organiser un débat sommaire sur les 132 programmes. Vous voulez utiliser la conférence des présidents de manière pragmatique parce qu'il ne faut pas figer les choses la première année et que nous ignorons comment tout cela va être organisé. Bien, mais dès lors nous ne devrions rien faire et accepter de remettre notre sort entre des mains dans lesquelles nous n'avons qu'une confiance limitée !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
M. Bernard Frimat. Il ne s'agit nullement d'une attaque personnelle, monsieur le président Hyest ! Je constate simplement que, même pour des gens momentanément distraits, l'équilibre politique de la conférence des présidents n'est pas absolument identique, si je puis utiliser cette litote, à l'équilibre politique de l'assemblée. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Donc, sur ce point, ce que nous vous demandons, c'est de recréer cette petite fenêtre de liberté et de la situer au niveau du programme. Et si un accord unanime intervient pour considérer qu'un certain nombre de programmes ne méritent pas cette fenêtre, on pourra à ce moment-là, pragmatiquement, avec souplesse, dans l'esprit qui vous anime, adopter cette solution que vous préconisez.
Voilà l'esprit qui sous-tend cet amendement. Chaque parlementaire, et donc aussi les parlementaires de l'opposition, disposait de ce droit individuel. Vous êtes animés des meilleures intentions du monde, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Bernard Frimat. ...mais l'enfer n'en est-il pas pavé ?
J'attends que vous me démontriez que la suppression d'un droit individuel d'expression est un progrès dans un débat démocratique. Si vous y parvenez, alors, je retirerai cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s'agit effectivement d'un amendement intéressant,...
M. Daniel Raoul. Ça commence mal ! (Sourires.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. ...qui m'a interpellé et qui m'a conduit à examiner encore plus attentivement la LOLF. Mais il ne correspond pas à la nouvelle structure...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Patrice Gélard, rapporteur. ...ni aux délais d'examen des lois de finances.
En premier lieu, les missions constitueront l'unité de vote.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Patrice Gélard, rapporteur. En principe, il n'y a donc pas lieu de prévoir un débat sommaire sur chaque programme ou chaque dotation. Au demeurant, on peut s'interroger sur la signification de l'expression « débat sommaire ». L'élargissement du droit d'amendement des parlementaires, dont j'ai parlé tout à l'heure, leur permettra de s'exprimer bien plus largement qu'à l'heure actuelle. Les droits de l'opposition ne sont donc nullement remis en cause.
En second lieu, 132 programmes devraient se substituer aux 850 chapitres budgétaires actuels. La loi organique impose au Sénat d'examiner en première lecture le projet de loi de finances de l'année dans un délai de vingt jours - il ne faut pas l'oublier. Donc, si on multiplie sur chacun des programmes et sur chacune des dotations les temps de parole, alors qu'ils doivent, au contraire, glisser au niveau de la mission, nous ne tiendrons pas le calendrier.
Prévoir un débat sur chaque programme ou chaque dotation, sauf accord unanime, un accord particulièrement difficile à obtenir, des présidents des groupes politiques, reviendrait à prendre le risque de dépasser le délai et, à tout le moins, de rendre les débats moins vivants. (M. Bernard Frimat lève les bras au ciel.)
De surcroît, l'amendement proposé ne prévoit pas de modulation de la durée des débats en fonction de l'importance des crédits. La mission « justice », que nous connaissons bien, est ainsi plus importante que le budget annexe des Journaux officiels. Va-t-on consacrer autant de temps à l'un et à l'autre ?
Telles sont les raisons pour lesquelles, tout en reconnaissant que la question de l'organisation de débats sur les programmes méritera d'être examinée, il me semble dangereux de figer dès à présent dans le règlement la discussion budgétaire. Mieux vaut, comme le prévoit la proposition de résolution, laisser à la conférence des présidents le soin de fixer les modalités particulières de son organisation pour l'année à venir. Nous verrons ensuite s'il est nécessaire de revenir sur cette disposition.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est pourquoi je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. A défaut, je serai obligé d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Frimat, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Bernard Frimat. Vos explications, monsieur Gélard, n'ont pas de portée. Nous défendons un droit qui pouvait être utilisé par tous les sénateurs, y compris par ceux de l'opposition. La disposition que vous nous proposez constitue manifestement un recul.
Je veux bien entendre votre argumentation, mais il faudrait pouvoir nous dire très précisément quelles sont les possibilités dont nous disposerons dans la discussion budgétaire. Or, à ce jour, nous ne savons rien. Dans ces conditions, ne voulant pas donner: de chèque en blanc, nous maintenons l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. Il ne faut pas utiliser tantôt un argument et tantôt l'argument contraire. Tout à l'heure, à l'occasion de l'examen de la motion tendant à opposer la question préalable, M. le rapporteur général a dit : il faut de la souplesse la première année. Nous allons dans ce sens. En effet, au lieu de prévoir dès à présent des dispositions « cadenassant » la discussion, nous demandons, pour cette première année, que s'applique une règle proche de celle que nous appliquions les années précédentes, puisque la discussion portera non plus sur des titres mais sur des programmes. Ainsi, chacun d'entre nous pourra exprimer sa position.
M. Philippe Marini. Ce sera le cas !
M. Jean-Claude Frécon. C'est cela la souplesse. Pendant deux jours, vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le président de la commission des finances, nous avons essayé de mettre au point des méthodes de travail. Nous ne sommes pas arrivés à tout définir, car nous n'avons pas encore une connaissance exacte de la manière dont cela va se passer. C'est en forgeant que l'on devient forgeron ; c'est en avançant que nous cadrerons. Ne « cadenassons » pas avant, essayons d'avoir de la souplesse.
Pour ma part, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une discussion tout à fait intéressante. Je comprends les motivations qui sous-tendent l'amendement que vient de présenter notre collègue Bernard Frimat, mais je salue aussi l'autorité de la commission des lois et de son rapporteur, qui nous a rappelé fort opportunément que désormais l'unité de vote, c'est la mission.
Cher collègue Jean-Claude Frécon, nous nous sommes interrogés en commission des finances pour savoir si les rapporteurs spéciaux devaient être des rapporteurs spéciaux par programme ou des rapporteurs spéciaux par mission. Au terme d'un débat auquel chacun d'entre nous a participé, nous sommes convenus que maintenir des rapports spéciaux par programme, ce n'était pas respecter la LOLF, qui est le fruit d'une réflexion et d'un vote suprapartisans.
Nous voulons être respectueux de la LOLF. Dès lors, nous avons choisi le vote par mission, et non par programme. Par conséquent, on peut avoir des développements extrêmement pertinents sur tel ou tel programme, mais ce qui compte, c'est d'avoir une opinion sur la mission. On votera dès le premier euro sur les crédits de la mission, et non pas programme par programme. Les amendements s'y prêteront. C'est l'ensemble qui fera l'objet d'un vote.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Effectivement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qu'il soit bien clair, chers collègues, que le temps qui était consacré jusqu'à maintenant aux discussions sur les articles et sur les titres sera réparti entre les différentes missions ; ceux qui souhaitent s'exprimer sur un programme particulier pourront le faire, mais dans le cadre d'une discussion qui concernera la mission.
Naturellement, on ne peut, dans un règlement, dire aujourd'hui quel temps sera consacré à la mission « Journaux officiels ». Vous avez évoqué trente-quatre missions, ce sont les trente-quatre missions du budget général, auxquelles il faut ajouter trois missions « budgets annexes » et dix missions « comptes spéciaux du Trésor ».
Donc, nous répartirons ce temps en fonction du poids relatif des crédits. La proposition que je ferai, au nom de la commission des finances et au terme d'une réflexion qui aura lieu en son sein, sera soumise à la conférence des présidents, avec, il est vrai, un certain pragmatisme. Et comme l'a dit M. Patrice Gélard, au terme de cette première discussion de la loi de finances, nous ferons un bilan et nous verrons bien ce qui est perfectible.
Encore une fois, l'opposition pourra s'exprimer comme elle l'entend. Je ne voudrais pas laisser accréditer l'idée selon laquelle on réduirait les droits de l'opposition au motif qu'on écarterait a priori des prises de parole sur les programmes. On pourra s'exprimer sur les programmes, mais à l'occasion de la discussion sur la mission. C'est la raison pour laquelle je souhaite le retrait de l'amendement ; à défaut, je voterai contre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. J'ai bien entendu les explications du président Arthuis. Ce que nous défendons, ce ne sont pas seulement les droits de l'opposition, ou de la minorité, ce sont les droits de l'ensemble des sénateurs.
Convenez que, sur les titres, nous pouvions intervenir sans limite. Je ne dirai pas que cela permettait des manoeuvres d'obstruction...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'était pas toujours constructif !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !
M. Daniel Raoul. Ce n'était pas toujours constructif, je vous l'accorde, et je peux plaider coupable dans quelques cas !
S'agissant des missions, vous conviendrez que chaque sénateur doit avoir le moyen de s'exprimer. Si vous aviez traduit dans la proposition de résolution la suggestion que vous venez de faire oralement, peut-être notre attitude aurait-elle été différente ce soir.
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.
M. Alain Lambert. Je suis sûr que Bernard Frimat et les collègues qui se sont exprimés sont d'une totale bonne foi. Pour autant, je crains qu'ils ne prennent pas en compte la chronologie de la discussion de la loi organique. Au départ, le concept de mission n'existait pas ; nous ne l'avions pas envisagé. C'est Henri Emmanuelli, alors président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui l'a exigé afin qu'il soit possible, sur l'initiative du Parlement, d'opérer des transferts de crédits entre programmes. L'unité de vote a été fixée au niveau de la mission. Aussi, il est logique que ce soit à ce niveau que le débat ait lieu.
En revanche, vous le savez, il sera possible de déposer autant d'amendements que l'on voudra sur les programmes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Alain Lambert. Quand on sait que tout auteur d'amendement bénéficie de cinq minutes pour le présenter et que nous disposons tous de cinq minutes pour expliquer notre vote, les tentatives d'obstruction risqueraient de faire déraper terriblement la discussion budgétaire. Donc, si votre préoccupation, c'est la possibilité de vous exprimer, je vous dis avec la même bonne foi que celle dont je vous ai crédités que votre amendement n'atteint pas l'objectif que vous visez.
Pour que cette loi organique soit adoptée, nous avons dû nous faire confiance. Continuons dans cette voie, refusons la défiance qui nous ferait sortir du chemin de confiance sur lequel nous nous sommes engagés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je voudrais convaincre nos collègues que tout membre de cette assemblée pourra s'exprimer sur tout programme, comme cela vient d'être dit, en exerçant le droit d'amendement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Evidemment !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Effectivement !
M. Philippe Marini. Ce droit d'amendement sera plus large. En effet, sur un programme, il suffira de suggérer une augmentation, même indicative, qui soit gagée par une diminution sur un autre programme - vous trouverez des méthodes pour y parvenir -, ou de faire l'inverse, pour avoir la possibilité de s'exprimer, ce qui permettra à d'autres collègues d'expliquer leur vote. Donc, même si votre proposition n'est pas retenue, si vous le voulez, si nous le voulons, si l'ensemble de nos collègues le veulent, des débats auront bien lieu sur les programmes.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Dans l'alinéa 1 de l'article 47 bis du même règlement, les mots : « l'article 40 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique » sont remplacés par les mots : « l'article 42 de la loi organique ». - (Adopté.)
Article additionnel avant l'article 5
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Frimat, Dreyfus-Schmidt, Massion, Masseret, Peyronnet et Miquel, Mme Bricq, M. Charasse et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 29 du même Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Dans les votes émis au sein de la Conférence des présidents sur les propositions qui lui sont soumises par ses membres, il est attribué aux présidents des groupes politiques un nombre de voix égal au nombre des membres de leur groupe après défalcation des autres membres de la Conférence. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Charles Revet. Après avoir entendu autant d'arguments, il pourrait le retirer !
M. Bernard Frimat. Minuit est l'heure du crime ; ce n'est pas forcément l'heure du rêve, cher Charles Revet ! (Sourires.)
Par cet amendement, nous essayons de nous situer dans votre logique, mes chers collègues.
M. le rapporteur nous a dit qu'il ne s'agissait pas de remettre en chantier l'ensemble de notre règlement intérieur, mais, faute de pouvoir nous donner ce soir, au-delà d'assurances dont le procès-verbal fera foi, des renseignements sur l'organisation des discussions budgétaires, il nous renvoie à la conférence des présidents.
Or, l'examen de la composition de la conférence des présidents - loin de nous l'idée de mettre en cause les personnes qui la composent ou de vouloir, d'une quelconque façon, leur enlever la possibilité de s'exprimer dans cette discussion, que nous devinons passionnante, sur l'organisation de la discussion budgétaire ! - fait apparaître une telle distorsion par rapport à la composition politique du Sénat, qu'il nous semble nécessaire de prévoir que ladite conférence, dont vous codifiez les attributions dans le règlement, s'exprime en respectant les poids politiques relatifs de notre assemblée.
C'est la raison pour laquelle, nous inspirant de l'article 48-7 du règlement de l'Assemblée nationale, nous proposons qu'il soit « attribué aux présidents des groupes politiques un nombre de voix égal au nombre des membres de leur groupe après défalcation des autres membres de la conférence ».
Cela ne prive aucun des membres de la conférence des présidents du droit de s'exprimer, mais cela signifie que, au moment où la conférence des présidents s'apprêtera à prendre une décision, celle-ci pourra être prise conformément à la réalité politique de notre assemblée.
J'entends, depuis tout à l'heure, avec beaucoup d'intérêt, tout ce que vous avez dit, les uns et les autres, sur la nécessité de faire participer l'ensemble des sénateurs et, donc, de respecter l'opposition.
Or, dans la commission au sein de laquelle je siège, les possibilités d'accroître le rôle de l'opposition sont infinies, puisqu'aucun rapport, sur quelque sujet que ce soit, n'est confié à cette dernière ! Nous avons, certes, la grande satisfaction juridique d'avoir devant nous des espaces de progression infinis, mais nous avons aussi le sentiment désagréable d'être dans une commission, à savoir la commission des lois, dont la conception du pluralisme et du respect de l'opposition nous est totalement étrangère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Une fois encore, il s'agit d'un amendement intéressant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. le rapporteur, trouve tout intéressant, ce soir !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'attribuer aux présidents des groupes politiques, au sein de la conférence des présidents, un nombre de voix égal au nombre des membres de leur groupe après défalcation des autres membres de ladite conférence. Il tend, en fait, à la reprise d'une pratique qui a cours à l'Assemblée nationale. Au demeurant, il pose un problème en ce qui concerne notre assemblée.
Tout d'abord, en effet, cet amendement dépasse largement l'objet de la présente réforme puisqu'il concerne l'ensemble des décisions prises par la conférence des présidents.
Ensuite, il ne semble pas souhaitable de transposer au Sénat le dispositif retenu par l'article 48-7 du règlement de l'Assemblée nationale, et ce au moins pour deux raisons.
En premier lieu, les décisions prises au sein de la conférence des présidents sont marquées au Sénat par la recherche d'un consensus. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Robert Bret. C'est un scoop !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Attribuer aux présidents des groupes politiques un nombre de voix égal au nombre des membres de leur groupe reviendrait à remettre en cause cette logique de la recherche du consensus au profit d'une logique de vote entre majorité et opposition qui, à mon avis, n'améliorerait pas la situation de l'opposition.
En second lieu, les présidents de commission défendent, au sein de la conférence des présidents, les intérêts de leur commission, qui sont parfois différents de ceux de leur groupe.
Cet amendement aurait pour conséquence de remettre en cause l'équilibre actuel.
Aussi, sans être tout à fait hostile à cette proposition, j'estime que la concertation n'est pas encore mûre sur cette question et qu'elle doit se poursuivre.
C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Frimat, votre amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Frimat. Je crains, monsieur le président, que mes réponses du mercredi ne soient aussi monotones que mes réponses du mardi ! (Sourires.)
Je maintiens évidemment cet amendement. Je suis sensible aux efforts de M. le rapporteur pour trouver nos propositions intéressantes. Je sens le drame intérieur qu'il vit à ne pas pouvoir nous donner satisfaction, et j'espère que la soirée ne se prolongera pas trop afin que la tension qu'il subit ne devienne pas intolérable. (Nouveaux sourires.)
Il nous a dit que nous avions raison : dont acte ; mais qu'il ne pouvait accéder à notre demande : dont acte !
Nous connaissons tous la composition de la conférence des présidents : Mme Nicole Borvo Cohen-Seat y siège en tant que présidente de son groupe ; quatre représentants de l'opposition actuelle y participent également, ce qui est peu par rapport au nombre impressionnant de représentants de la majorité.
Ce n'est donc pas une instance de consensus. D'ailleurs, contrairement à ce que vous faites semblant de croire, notre assemblée ne fonctionne pas sur le mode du consensus. Comme je l'ai démontré pour la commission des lois, elle pratique, de manière générale, l'abus de position dominante, attitude que nous dénonçons vigoureusement. Nous refuserons toujours de voir un consensus dans ce qui n'est que la concession de miettes de démocratie. (M. Marini et M. le président de la commission des lois protestent.)
Je maintiens cet amendement, parce que cette petite tentative d'instaurer une plus grande équité ne privera personne de la parole, ne privera aucun président de commission de dire ce qu'il a à dire. Je sais bien que la majorité absolue n'est plus garantie à un seul groupe, mais trouver une majorité ne doit pas être insurmontable pour vous, mes chers collègues, si nous en croyons des événements récents... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne vois pas ce que cela changerait au résultat !
M. Philippe Marini. Cela ferait plus de voix au groupe UMP !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vais voter pour cet amendement.
Monsieur le rapporteur, vous conviendrez que, malgré les bonnes paroles que vous prenez soin de tenir sur chaque amendement,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Excellentes paroles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...vos propos augurent mal d'un consensus futur sur une réforme du règlement.
En effet, affirmer que les décisions de la conférence des présidents sont obtenues par consensus...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Par la recherche du consensus !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...plutôt que par votes, c'est une vue de l'esprit.
Dois-je rappeler une fois encore que la majorité sénatoriale s'est absolument refusée à ce que les membres de l'opposition disposent du droit d'initiative parlementaire, comme c'est le cas à l'Assemblée nationale ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils en disposent ! Ils en abusent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'était lors de l'examen d'une précédente réforme éventuelle de notre règlement.
Je tiens à signaler, pour illustrer ce prétendu consensus, que, au cours des deux dernières séances mensuelles consacrées à l'ordre du jour réservé, aucune proposition émanant de l'opposition n'a été prise en compte.
Comment peut-on parler de consensus dans ces conditions ? Il faudrait au moins que l'opposition puisse défendre en toute liberté des propositions de loi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est autre chose !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je crois donc que nous aurons beaucoup de mal à nous mettre d'accord sur une réforme du règlement qui irait dans le sens d'un renforcement des droits de l'opposition.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
Après l'article 47 bis du même règlement, il est inséré un article 47 bis-1 ainsi rédigé :
« Article 47 bis-1 .- Pour l'application des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, la Conférence des présidents fixe, sur la proposition de la commission des Finances, les modalités particulières d'organisation de la discussion de la loi de finances de l'année. »
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour insérer un article 47 bis-1 dans le Règlement du Sénat, après les mots :
de la discussion
insérer les mots :
générale en séance publique
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par cet amendement, nous souhaitons nous assurer que la conférence des présidents accorde dans ses décisions, et après examen des propositions de la commission des finances, toute son importance à la discussion en séance publique des crédits de chacune des missions budgétaires.
Les droits de la minorité, comme la faculté de présenter toute observation sur l'utilisation des deniers publics, doivent être préservés grâce à une organisation des travaux qui réponde au souci d'en permettre la plus nette expression.
Nous ne voulons pas que la discussion en séance publique se réduise comme peau de chagrin ; nous souhaitons au contraire qu'elle continue de permettre à tous les sénateurs qui le souhaitent de s'exprimer publiquement de plein droit.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'article 29 bis du règlement du Sénat donne d'ores et déjà compétence à la conférence des présidents pour organiser la discussion générale des textes soumis au Sénat et fixer, dans le cadre des séances prévues à l'ordre du jour, la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des divers groupes ne figurant sur la liste d'aucun groupe. Il est donc inutile de prévoir une disposition spécifique pour les lois de finances.
L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de remettre en cause la pratique actuelle d'une organisation par la conférence des présidents des modalités particulières de discussion des articles de la loi de finances. Or il importe de rendre plus vivants les débats sur la loi de finances, sous peine de conforter la maxime d'Edgar Faure qu'Alain Lambert a citée tout à l'heure : « Liturgie, litanie, léthargie ».
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Charasse, Frimat, Massion, Dreyfus-Schmidt, Masseret, Peyronnet et Miquel, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet article pour insérer un article 47 bis-1 dans le Règlement du Sénat par les mots :
« , sous réserve des dispositions de l'article 48 de la Constitution ».
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je serai très bref, monsieur le président. En effet, le premier signataire de cet amendement est Michel Charasse. Or chacun sait, dans cette assemblée, qu'on ne remplace pas Michel Charasse ! (Sourires.) Je me contenterai donc de préciser l'esprit de cet amendement.
La volonté de la majorité sénatoriale étant de codifier la pratique actuelle et de donner à la conférence des présidents le pouvoir réglementaire d'organiser la discussion budgétaire, Michel Charasse et le groupe socialiste souhaitent rappeler, même si cela peut sembler superfétatoire - cela va toujours mieux en le disant ! -, que ce pouvoir s'exerce sous réserve des dispositions de l'article 48 de la Constitution. Nous souhaitons en effet que cette précision fonctionne comme un rappel permanent pour ceux qui auront à organiser la discussion budgétaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement est totalement inutile !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore !
M. Patrice Gélard, rapporteur. L'article 48 de la Constitution s'impose quoi qu'il arrive : il n'est pas besoin de le répéter.
C'est la raison pour laquelle je vous prie, monsieur Frimat, de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Frimat, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Bernard Frimat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Dans le dernier alinéa (alinéa 5) de l'article 47 quater du même règlement, les mots : « l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique » sont remplacés par les mots : « la loi organique ». - (Adopté.)
Article 7
Les modifications apportées au règlement du Sénat par la présente résolution ne s'appliquent pas à l'examen des lois de finances afférentes aux années 2004 et 2005. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution n° 296, je donne la parole à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je serai très bref.
Nous avons exprimé au cours de la discussion générale le sentiment de notre groupe. Nous avons présenté des amendements pour essayer de parvenir à un accord, vous les avez tous refusés. Nous vous avons demandé des garanties, vous nous les avez refusées.
Il ne s'agit pas ce soir de voter la loi organique relative aux lois de finances, que nous revendiquons, il s'agit de voter une proposition de résolution tendant à modifier le règlement intérieur du Sénat.
Compte tenu de l'accueil que vous avez réservé à nos propositions, en dépit de vos bonnes intentions, nous sommes malheureusement contraints de voter contre votre proposition de résolution, en formant le voeu que, un jour, le règlement intérieur puisse s'ouvrir à un soupçon de démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de résolution n° 296.
M. le président. En application de l'article 61, alinéa 1, de la Constitution, cette résolution sera soumise, avant sa mise en application, au Conseil constitutionnel.