sommaire
présidence de M. Philippe Richert
3. Décisions du Conseil constitutionnel
4. Candidature à un organisme extraparlementaire
5. Dépôt de rapports en application de lois
6. Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers. - Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; François Marc, Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
8. Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 1 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - Rejet.
Amendement no 2 de M. Thierry Foucaud. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 10 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Bricq. - Rejet.
Amendement no 11 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 5 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 12 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 6 rectifié bis de la commission et 13 de M. François Marc. - MM. le rapporteur, François Marc, le ministre, Mme Nicole Bricq. - Adoption de l'amendement no 6 rectifié bis rédigeant l'article, l'amendement no 13 devenant sans objet.
Amendement no 14 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur. - Retrait.
Amendement no 7 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 3 de M. Thierry Foucaud et 15 de M. François Marc ; amendement no 8 de la commission. - MM. Thierry Foucaud, François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 3 et 15 ; adoption de l'amendement no 8 rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 6
Amendement no 9 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 18 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait.
MM. François Trucy, François Marc, Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, le président de la commission.
Adoption du projet de loi.
MM. le ministre, le président.
Suspension et reprise de la séance
9. Energie. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale : MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Roland Courteau, Philippe Marini, Marcel Deneux, Yves Coquelle, Daniel Raoul, Francis Grignon, Mme Dominique Voynet, MM. Yann Gaillard, Jean-Pierre Vial, Xavier Pintat.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre délégué.
Motion no 125 de M. Yves Coquelle. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Roland Courteau. - Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Dépôt d'une question orale avec débat
11. Retrait d'une question orale
12. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 14 avril 2005
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 14 avril 2005 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous rappeler le décès de notre ancien collègue Guy Millot, qui fut sénateur de Seine-et-Marne de 1976 à 1977.
3
DÉCisions du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 22 avril 2005, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 28 avril 2005, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la création du registre international français.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
4
CANDIDATURE à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Conférence permanente « habitat-construction-développement durable ».
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose de renouveler M. Francis Grignon au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
5
DÉPÔT DE RAPPORTS en application de lois
M. le président. M. le Président du Sénat a reçu :
- de M. Pierre Truche, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le rapport annuel de cette commission établi en application de l'article 12 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité ;
- de M. le Premier ministre le rapport de la commission d'examen des pratiques commerciales pour la période 2004-2005, établi en application de l'article L. 440-1 du code de commerce ;
- de M. Yves Mansillon, président de la commission nationale du débat public, le rapport d'activité 2004 de cette commission, établi en application de l'article L. 121-7 du code de l'environnement.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
6
Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (nos 267,309).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant la Haute Assemblée se situe à la charnière de l'action du Gouvernement en matière de protection des investisseurs sur les marchés financiers.
Il complète ainsi l'action entreprise au travers de la loi de sécurité financière à laquelle la Haute Assemblée et M. Marini ont particulièrement contribué, et il prépare le terrain au projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Par ce texte ; il vous sera proposé, sur un socle ainsi renforcé de protection de l'investisseur, de faciliter l'accès des entreprises aux marchés financiers en réfléchissant à la cohérence des obligations imposées aux entreprises en fonction du marché sur lequel elles entrent et des investisseurs auxquels elles s'adressent.
Au moment où nous renforçons encore la protection du marché mâture, auquel s'adresse le grand public, nous devons en effet nous soucier de ne pas entraver l'initiative et la croissance en créant des effets de seuils infranchissables, et c'est la raison pour laquelle je vous proposerai de rendre possible une véritable stratégie de croissance sur les marchés financiers.
Quoi qu'il en soit, la logique qui anime ces deux textes est unique : développer l'accès aux marchés dans la transparence, élargir le nombre d'investisseurs en renforçant la confiance.
Aujourd'hui, il s'agit d'y procéder en assurant la transposition de directives européennes.
Le projet de loi qui vous est soumis transpose en effet dans notre droit des dispositions de la directive « Abus de marché » et habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive sur les marchés d'instruments financiers.
Ces deux directives ont été adoptées dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers, lancé par la Commission européenne en 1999 avec - je tiens à le souligner - un fort soutien de la France.
L'objectif de ce plan d'action convenait parfaitement à l'idée que la France se fait de l'Europe, puisqu'il s'agissait alors d'assurer l'intégration des marchés financiers européens en garantissant un haut degré d'harmonisation du droit boursier.
Les discussions européennes ont été fructueuses et cette harmonisation ne s'est pas faite au rabais, bien au contraire : le processus a abouti à un socle de règles exigeantes, permettant d'assurer non seulement un fonctionnement efficace des marchés mais également la transparence de l'information, la protection des investisseurs et l'efficacité de la coopération entre les autorités de contrôle nationales.
En offrant les mêmes règles à tous les acteurs, on contribue en effet à faciliter l'accès à un marché profond et à des ressources financières abondantes. Le financement des entreprises françaises et européennes sera indéniablement renforcé.
Or le financement des entreprises, c'est le « carburant » de notre croissance. Permettez-moi d'insister particulièrement sur ce point. Dans une compétition mondiale acharnée et élargie, nous devons mobiliser cet atout considérable qu'est la capacité d'épargne de nos concitoyens - je rappelle qu'elle est plus importante que celle de nombreux pays - et veiller à son orientation vers les marchés d'actions européens en toute transparence et avec le maximum de sécurité.
La création de richesses dans les entreprises passe par un financement peu coûteux, abondant et adapté. Ce sont autant d'impératifs auxquels les efforts conjugués des pays de l'Union ont permis de répondre.
Après plus de cinq ans de travaux avec nos partenaires européens, nous pouvons faire un premier bilan de ce plan d'action.
L'essentiel du droit boursier européen a été entièrement refondu. C'est un travail considérable, qui permet d'inscrire dans la réalité l'idée d'un marché financier européen, si nous sommes ponctuels dans la transposition, et c'est l'enjeu de notre rendez-vous d'aujourd'hui.
De fait, comme l'a souligné dans son rapport M. Marini, la France avait déjà un socle important de règles de protection, de telle sorte que le chemin qui nous reste à parcourir n'est pas long. Certes, il ne faut pas tarder. Je suis heureux que la présente discussion nous permette, si vous adoptez ce projet de loi, de résorber le retard de transposition de l'une des directives et nous conduise à éviter le risque d'un scénario identique pour la deuxième.
Ce texte comporte deux volets, que je détaillerai brièvement en vous indiquant l'esprit dans lequel le Gouvernement a négocié, a proposé de transposer et entend appliquer ces dispositions européennes.
Le premier volet est la transposition d'un certain nombre de dispositions de la directive « Abus de marché ».
Cette directive harmonise le régime européen de la prévention, de la détection et de la sanction des infractions boursières. Déjà très largement transposée en droit français à l'occasion de la création de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, pour ce qui relève de l'échelon infra-législatif, cette directive crée de nouveaux outils à la disposition de cette autorité et de ses homologues, que nous devons à notre tour intégrer à l'échelon législatif.
De quoi s'agit-il ? Principalement de garantir la traçabilité des opérations, afin de renforcer la prévention en amont et d'assurer la crédibilité de la sanction en aval.
Les dispositifs que nous mettons en place ont tous pour objet de permettre à l'AMF d'être plus rapidement et mieux informée sur les opérations qu'un intermédiaire pourrait juger suspectes, sur les transactions effectuées sur les titres de leur société par les dirigeants, et sur les personnes qui, au sein d'une société cotée, ont accès à des informations privilégiées.
L'AMF sera ainsi plus facilement en mesure, dans le cours de ses investigations par exemple, de remonter la trace d'une information privilégiée jusqu'à la source de la fuite. Le cas échéant, elle sera également alertée par les intermédiaires financiers des ordres qui leur semblent suspects et pourra ainsi plus rapidement engager ses enquêtes.
En ces matières, il ne s'agit ni d'interdire ni de stigmatiser des pratiques naturelles d'achat ou de vente de titres, il s'agit de responsabiliser et de sécuriser leurs auteurs en créant les instruments de contrôle a posteriori de leurs opérations. C'est pourquoi nos solutions juridiques doivent, je me permets de le rappeler, rester le plus raisonnable possible et limiter les effets pervers qui découleraient d'un excès de formalisme.
L'article 1er et l'article 2 portent sur la création d'une obligation de déclaration des transactions suspectes à l'Autorité des marchés financiers pour les intermédiaires financiers. Cette procédure s'inspire, avec les adaptations nécessaires, de ce qui existe déjà en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Le texte qui vous est proposé garantit, en contrepartie, la confidentialité des déclarations et la limitation de responsabilité, éléments indispensables si l'on ne veut pénaliser ni le déclarant ni le désigné, en cas d'erreur de jugement par exemple.
L'article 3 précise le dispositif créé par la loi de sécurité financière qui prévoit que les émetteurs informent l'AMF lorsque leurs dirigeants, ou des personnes qui leur sont proches, achètent ou vendent leurs titres.
Les ajouts apportés au texte complètent, au vu des textes européens les plus récents, le champ des personnes et des titres concernés. Ils permettent également de renforcer la cohérence juridique en prévoyant que les personnes physiques concernées sont tenues de communiquer lesdites transactions à l'émetteur, afin que celui-ci soit en mesure d'accomplir ses obligations.
Il est apparu au Gouvernement à la fois plus efficace et plus protecteur des personnes physiques concernées, notamment dans la mesure où la directive inclut les « personnes proches », qui ne sont pas forcément des professionnels, de se reposer sur un système de double déclaration des personnes physiques et des personnes morales. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point dans le cours de nos débats.
Je crois, en outre, qu'il est important, si l'on veut encourager l'actionnariat salarié, d'éviter une définition floue qui laisserait s'étendre le système de déclaration au-delà du premier cercle des mandataires sociaux et des cadres dirigeants et de leurs proches au sens strict. Je pourrai donc vous indiquer, dans le cours de la discussion, le champ précis que le Gouvernement compte retenir dans les normes réglementaires d'application.
Enfin, l'article 4 consacre et rend obligatoire la pratique des listes d'initiés qui recensent les personnes ayant accès, au sein d'un émetteur ou des personnes avec lesquelles celui-ci a l'habitude de travailler - banques conseils, avocats, agences de communication financière, etc -, à des informations privilégiées dans le cadre de leurs missions. Cette disposition renforcera la capacité de sanction de ces délits, mais elle aura aussi, et c'est à mes yeux le plus important, une véritable vertu pédagogique, pour prévenir des opérations d'initiés par ignorance, comme on en voit encore trop souvent.
Dans le second volet de ce texte de transposition, le Gouvernement sollicite une habilitation à transposer par ordonnance la directive sur les marchés d'instruments financiers.
Cette directive abroge et remplace la directive du 10 mai 1993 concernant les services d'investissement. Elle refond, en le modernisant, le cadre législatif applicable aux marchés d'instruments financiers et aux entreprises d'investissement. En particulier, elle introduit une concurrence accrue entre les plates-formes de négociation, en ne permettant plus aux Etats membres d'adopter une règle de centralisation des ordres sur les marchés réglementés. La France avait retenu ce système, qui était conforme à une option de la directive de 1993 sous réserve que des exceptions soient prévues, par exemple pour la négociation de blocs.
Même si notre système avait ses avantages, il faut admettre que cette préférence donnée aux marchés réglementés a fini par introduire un certain décalage avec le développement croissant de plates-formes de négociation alternatives, en particulier dans les Etats membres n'ayant pas adopté le principe de centralisation des ordres. Par ailleurs, le système d'exceptions en vigueur permettait déjà largement aux investisseurs importants de procéder à des négociations parallèles, du reste sans toujours garantir toute la transparence à l'égard des tiers.
Dans le cadre de la nouvelle directive, les marchés réglementés français seront désormais en concurrence avec des plates-formes de négociation alternatives gérées par des entreprises d'investissement. Les marchés réglementés pourront au demeurant en gérer eux-mêmes, à l'instar d'Euronext - qui gère le marché libre - ou d'Alternext, à Paris. Enfin, ils devront également laisser la place à des systèmes purement internes, dont l'opérateur - banque ou entreprise d'investissement - se portera contrepartie de ses clients.
En contrepartie de l'abrogation de la règle de centralisation des ordres, la protection des investisseurs a été sensiblement renforcée à travers quatre types de dispositions : un élargissement des règles relatives à la transparence des ordres et des transactions, notamment sur les volumes et les prix ; une plus grande précision des règles de conduite applicables aux entreprises d'investissement ; l'harmonisation des règles applicables aux marchés réglementés ; enfin, un renforcement de la coopération entre les autorités de contrôle européennes.
La France a joué un rôle important dans la négociation de ces dispositions qui sont essentielles pour la protection des petits investisseurs qui n'auront pas accès à l'internalisation des ordres. Il n'a pas été facile de l'imposer aux pays qui pratiquaient jusqu'à présent l'internalisation des ordres sans contrainte, mais la dynamique européenne a joué, grâce à la majorité qualifiée. C'est cette Europe que nous pouvons être fiers de renforcer au travers de la Constitution qui sera bientôt soumise au vote des Français.
La longueur et la complexité de cette directive, qui comporte 73 articles et 2 annexes ainsi qu'une cinquantaine de renvois à des mesures à négocier en « comitologie » européenne, conduit le Gouvernement à demander au Parlement une habilitation à légiférer par ordonnance. Pour les mêmes raisons, et compte tenu des délais de la comitologie - la directive devrait in fine être applicable dans les Etats membres le 30 avril 2007- et des consultations de place indispensables, un délai de dix-huit mois paraît nécessaire pour élaborer ce texte.
Néanmoins, le Gouvernement vous demande dès à présent une habilitation afin d'engager activement la préparation des textes en mobilisant tous les acteurs concernés, et, surtout, afin d'assurer la compétitivité de notre droit. En effet, la transposition de la directive « au bon moment » revêt de forts enjeux pour la compétitivité de notre industrie, qui devra, le jour où l'internalisation des ordres sera admise, entrer en compétition immédiatement à armes égales.
Le Gouvernement a pris soin de mettre en évidence, dans la rédaction du projet d'habilitation, les dispositions tendant à la protection des investisseurs. Dans un souci de cohérence du dispositif, il propose que l'ordonnance entre en vigueur en même temps que ses mesures d'application, dont relève principalement la sécurisation de ces mesures de transparence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer dans cet hémicycle, pour la première fois dans le cadre de la discussion d'un texte législatif, M. Thierry Breton. C'est avec grand plaisir, monsieur le ministre, que la commission des finances entame avec vous l'examen de ce projet de loi.
C'est un texte apparemment technique. S'il a le mérite d'être bref - 6 articles -, pour autant, il est loin d'être négligeable.
D'une part, il s'inscrit - et il faut s'en réjouir - dans un processus de résorption de notre retard en matière de transposition de textes communautaires. D'autre part - et surtout -, il met l'accent sur l'industrie financière. C'est volontairement, monsieur le ministre, que j'associe ces deux termes. Il s'agit bien d'un enjeu d'attractivité et de compétitivité : notre pays doit se doter des industries financières indispensables à son rayonnement économique en Europe. A cet égard, le droit des marchés financiers est un élément très important et très observé dans ce combat pour plus de compétitivité.
Mes chers collègues, il faut toujours viser à l'équilibre le plus judicieux entre, d'une part, la sécurité, qui requiert une régulation très précise et très étoffée, et, d'autre part, la souplesse, qui permet de s'adapter aux évolutions de la vie économique et financière.
Ainsi que l'a rappelé M. le ministre, le présent texte pose un jalon par rapport aux étapes passées et futures de la modernisation des législations financières en Europe et, plus précisément, dans notre pays.
A la vérité, nous avons lancé ce mouvement dans la foulée de la directive européenne de 1993 sur les services d'investissement, qui avait donné lieu en France à un véritable texte fondateur, à savoir la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. A l'époque, Jean Arthuis était à votre place, monsieur le ministre, et j'avais le plaisir d'être le rapporteur de ce texte au nom de la commission des finances du Sénat.
Bien sûr, beaucoup de nouveautés sont apparues depuis lors, qui nous ont conduits à intervenir à de nombreuses reprises sur les mêmes matières, par exemple au moyen de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, mais bien davantage encore au moyen de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière. Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé de nouvelles avancées législatives, en l'occurrence un texte qui portera votre nom et qui s'intitule actuellement « projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie ». Nous aurons alors l'occasion de revenir sur différents sujets de droit financier et boursier.
Le présent texte comporte deux volets. Le premier vise classiquement à transposer le dispositif dit « abus de marché ». Le second est une demande d'habilitation du Gouvernement pour procéder par ordonnance à la transposition d'une directive sur les marchés d'instruments financiers.
Concernant le premier volet, il faut évoquer les différents textes européens dont il est question.
Ce dispositif comprend en premier lieu une directive-cadre du 28 janvier 2003 et, en second lieu, quatre textes d'application, adoptés entre la fin de 2003 et avril 2004. Mes chers collègues, je souhaite insister sur ce dispositif, spécifique à certains domaines du droit communautaire. Il s'agit d'un processus en deux temps : directive-cadre puis textes d'application -, appelé « processus Lamfalussy », qui conduit à intégrer les avis des milieux professionnels dans la définition des textes d'application, avec la participation active de la Commission, des régulateurs européens et des experts, réunis au sein de comités. De là vient cette expression un peu étrange de « comitologie », qui, dans le cadre dudit processus, rappelle que les textes d'application doivent être élaborés au plus près des préoccupations des professionnels et du marché.
En ce qui concerne le dispositif « abus de marché », le bloc communautaire est complet et il s'agit simplement d'une transposition.
S'agissant des marchés d'instruments financiers, nous ne disposons encore que de la directive-cadre du 21 avril 2004. Nous nous trouvons donc à une phase différente du processus de normalisation communautaire. Pour autant, la commission des finances vous suit, monsieur le ministre, dans votre demande d'habilitation, mais en souhaitant accompagner le Gouvernement - tant les enjeux sont encore substantiels - pour mettre au point les textes d'application.
Je reviens à la question de l'abus de marché. Chacun est bien conscient qu'il est important, sur le plan tant moral qu'économique, de pouvoir disposer d'un système juridique clair et précis pour réprimer les abus de marché. Il en va bien sûr de la défense de l'ordre public général - c'est ce que recouvre, dans mon esprit, le terme de moralité. Il en va également de l'efficacité des marchés et de celle de l'économie de marché elle-même. Cette dernière requiert des systèmes de régulation qui doivent être suffisamment précis, transparents et indépendants pour que la confiance des différents acteurs du marché soit au rendez-vous.
Le système juridique français a depuis longtemps - il faut en convenir - pris en compte ces impératifs essentiels. Cela nous a par exemple permis de mettre en place un double registre de sanctions des abus de marché : les sanctions administratives et les sanctions pénales. A notre satisfaction, ces textes communautaires s'avèrent très respectueux de l'architecture juridique et judiciaire française en la matière - ce qui n'était sans doute pas si évident au départ -, faisant une juste part aux sanctions administratives et une non moins juste part aux sanctions pénales.
Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les textes communautaires dont il s'agit s'inscrivent dans le Plan d'action pour les services financiers lancé en 1999.
Cette directive-cadre enrichit et précise la notion centrale d'information privilégiée, dont la détention implique des interdictions de comportements, des abstentions de réalisation d'opérations ou de communication. Par ailleurs, la directive-cadre définit la notion de manipulation de marché, qui recouvre les éléments suivants : donner des indications fausses ou trompeuses, fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel, recourir à des procédés fictifs ou à toute forme de tromperie ou d'artifice. Il faut cependant rappeler qu'il peut y avoir exemption lorsque certaines opérations sont conformes aux « pratiques de marché admises », telles que les régulateurs nationaux peuvent les reconnaître.
En outre, la directive-cadre prévoit les conditions de gestion des informations privilégiées par les émetteurs et les intermédiaires ainsi que la mise en place par chaque Etat membre d'une autorité unique de régulation, dotée de pouvoirs suffisants.
Elle prévoit, enfin, les mesures nécessaires de coopération et d'échange d'informations entre autorités nationales.
Cette énumération atteste clairement que notre pays a déjà largement anticipé sur ces impératifs et que l'autorité administrative unique, l'AMF, est en place. D'ailleurs, si l'on avait écouté le Sénat, elle eût été mise en place un certain nombre d'années auparavant.
Par ailleurs, il existe une procédure de déclaration des opérations réalisées par certaines personnes physiques sur les titres d'un émetteur.
De nouvelles garanties organisationnelles et procédurales en matière d'enquête et de sanction des manquements boursiers sont également prévues.
En outre, le règlement général de l'AMF a déjà transposé, en ses Livres II et VI - selon la nomenclature AMF-, certaines mesures d'ordre réglementaire figurant dans le nouveau dispositif communautaire.
On relèvera plus particulièrement les dispositions ayant trait à la définition des pratiques de marché admises, à la définition de l'information privilégiée et aux obligations d'abstention que la détention d'une telle information emporte, et à la définition des manipulations de cours.
Le règlement général de l'AMF contient également certaines précisions ayant trait à la diffusion d'une fausse information et au régime des opérations des émetteurs sur leurs propres titres. Nous reviendrons ultérieurement sur ce dernier élément.
Je ne reprendrai donc pas la description du premier volet du projet de loi, me bornant à vous renvoyer, mes chers collègues, aux discussions sur les quelques amendements que la commission des finances a adoptés et qui sont, pour l'essentiel, des amendements de précision ou visant à des améliorations rédactionnelles.
J'en viens au second volet de ce texte, qui est à la fois le plus intéressant conceptuellement et le plus novateur mais sans doute le plus controversé. Il s'agit de la directive-cadre sur les marchés d'instruments financiers.
Jusqu' à présent, en droit financier classique, notamment dans notre pays, un principe de base a prévalu : le principe de concentration des ordres boursiers sur les marchés réglementés. Ce principe a été commun à toute l'Europe continentale.
Nos collègues anglo-saxons et les professionnels des pays de cette mouvance ont conçu des systèmes d'essence différente : plates-formes multilatérales non réglementées et systèmes internalisés bilatéraux gérés par des prestataires de services d'investissement. Vous avez évoqué ce point, monsieur le ministre : c'est le cas, par exemple, d'une banque internationale d'investissement globale qui se porte contrepartie des ordres du marché ou de certaines catégories d'ordres du marché pour définir des prix de transaction. En quelque sorte, dans ce cas de figure, le marché est dans le bilan du prestataire de service d'investissement, dans le bilan de la banque d'investissement que j'évoquais.
Il faut bien distinguer, à ce stade, deux notions : d'une part, la cotation d'un titre, c'est-à-dire son inscription sur la liste d'un marché réglementé, et, d'autre part, les conditions d'exécution des transactions sur ce titre. Ces transactions pourront continuer à avoir lieu, soit sur le marché réglementé - qui a défini une liste de titres sur laquelle figure celui qui nous préoccupe -, soit ailleurs, c'est-à-dire sur un marché de gré à gré ou à l'intérieur du bilan d'un prestataire de services d'investissement.
Cette directive sur les marchés d'instruments financiers est donc un texte significatif et tout à fait sensible, car il n'y avait pas consensus au départ sur le saut intellectuel qu'il nous est ainsi proposé d'accomplir. Ainsi que l'a rappelé M. le ministre, au cours de la discussion du texte, un compromis a été trouvé : l'acceptation de la dualité « marché réglementé- transactions hors marché réglementé » contre la mise en place d'un dispositif de nature à favoriser une meilleure transparence « pré-négociation ».
Ce compromis est délicat ; dans son principe, il figure dans la directive-cadre mais devra être concrètement élaboré jusqu'aux mesures d'application dans le cadre de la comitologie.
Ce nouveau cadre répond à un objectif de concurrence entre mode d'exécution des ordres et meilleur traitement des ordres. Des aménagements devront encore être prévus de façon que la transparence puisse prévaloir. Cette transparence de l'information sur les prix est évidemment un enjeu essentiel et il conviendra d'être particulièrement vigilant à cet égard.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la transposition par ordonnance, pour acceptable qu'elle soit, suppose d'être encadrée. La commission des finances vous proposera donc un amendement de nature à définir les principes auxquels il convient de se référer en cette matière. En effet, on ne doit pas éluder le fait que la nouvelle architecture des marchés peut comporter des risques : risque de fractionnement de la liquidité, risque d'éviction de certains investisseurs, notamment individuels, des canaux hors marchés réglementés, qui seraient appelés à traiter un volume considérable d'opérations, difficulté d'apprécier et de comparer la qualité d'exécution des ordres.
On se réfère au principe de meilleure exécution. Il doit permettre d'apporter les garanties nécessaires. Encore convient-il d'y veiller dans le détail, car la transposition est bien, elle aussi, un art d'exécution et, en ce qui concerne l'amendement que j'aurai l'honneur de défendre tout à l'heure, la formulation explicite des principes a pour objet d'inciter le Gouvernement à la vigilance au niveau des mesures d'application.
Enfin, votre commission vous proposera, mes chers collègues, deux initiatives complémentaires.
Elle vous proposera d'abord de ratifier expressément, par un article additionnel, deux ordonnances récentes, visant, l'une, à transposer la directive européenne sur les conglomérats financiers et, l'autre, à réformer le régime du transfert de propriété des instruments financiers.
Par ailleurs, nous estimons, monsieur le ministre, devoir mettre l'accent sur un enjeu bien spécifique qui est relatif à la pratique par les entreprises du rachat de leurs propres actions.
Il est bien compréhensible - cela a toujours été pratiqué et admis - que les entreprises puissent, dans un cadre bien délimité, régulariser le cours de leurs titres. Il est également compréhensible qu'une assemblée générale, en toute lucidité, puisse décider, si tel lui semble être l'intérêt de l'entreprise, de réduire le montant du capital en annulant des titres. Il est, par ailleurs, indispensable que puisse exister un système de rachat pour alimenter le dénouement d'options données sur le capital.
Il existe une dernière pratique, qualifiée par l'Autorité des marchés financiers, le 22 mars dernier, de « pratique de marché admise », qui consiste pour une société à racheter une certaine quantité de ses propres titres afin d'alimenter ultérieurement des opérations d'échange et de contribuer ainsi à des opérations de croissance externe, les titres rachetés pouvant être remis à l'échange et concourir au financement de telles opérations.
La presse financière s'est notamment fait l'écho de quelques controverses en la matière, en particulier à partir de pratiques de la société Vivendi Universal à la fin de l'année 2001, ce qui a conduit à réexaminer ce sujet. Monsieur le ministre, la commission des finances a souhaité, par le biais d'un amendement qu'elle a adopté en début d'après-midi, vous interroger afin que vous acceptiez de réfléchir avec elle à ce délicat sujet.
La commission considère que les pratiques actuelles sont légitimes dans leur principe mais qu'elles nécessitent d'être encadrées. En d'autres termes, le marché, les actionnaires doivent être correctement informés. Si l'on souhaite racheter des titres pour les annuler, il faut le dire. Si l'on souhaite racheter des titres pour les conserver et les remettre à l'échange, il faut également le dire. Passer d'une logique à une autre est critiquable si l'assemblée générale ne peut plus s'y retrouver dans le suivi des résolutions, comme tel était au demeurant le cas des actionnaires de Vivendi Universal en reprenant la série des décisions d'assemblée générale auxquelles ils avaient été amenés à souscrire.
Monsieur le ministre, tels sont, en substance, les principaux éléments qui se dégagent de l'examen par notre commission des finances de ce texte fort intéressant et assurément novateur. Nous formons le voeu que les avantages qu'il comporte soient nettement plus importants que les risques qui peuvent résulter de son application.
C'est dans cet esprit, résumant donc une approche globalement favorable, mais sollicitant quelques précisions et garanties, que la commission des finances a préconisé l'adoption d'une série d'amendements et, bien entendu, un vote positif sur l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers qui est soumis à notre examen aujourd'hui a pour objet la transposition de deux directives européennes : la directive « Abus de marché » et la directive « Marchés d'instruments financiers ».
Après la vague de scandales boursiers de l'année 2002, il fallait redonner confiance aux investisseurs afin de stabiliser les marchés financiers. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'adoption de la directive « Abus de marché » et c'est également dans cette perspective que doit s'inscrire la loi de transposition.
Or, à l'analyse de ce projet de loi, force est de constater que les modalités de transposition de cette directive ne permettent pas d'atteindre pleinement les objectifs visés, à savoir renforcer l'intégrité des marchés financiers européens.
L'intégrité des marchés financiers, qui suppose le respect de la transparence, est l'une des conditions indispensables à la restauration de la confiance sur les marchés financiers, ce qui suppose que soient évitées les opérations boursières susceptibles de tromper le marché.
Nous avons, à cet égard, le sentiment que le Gouvernement a transposé ce texte a minima.
Afin d'illustrer mon propos, j'évoquerai ici deux des modalités de transposition de la directive « Abus de marché », telles qu'elles sont prévues par ce projet de loi, chacune des deux étant d'ailleurs hautement significative du faible degré d'exigence de ce texte.
En premier lieu, le texte prévoit de soumettre les établissements de crédit et les entreprises d'investissement à une « obligation de déclaration de soupçon à l'AMF, dès lors qu'ils ont des raisons de suspecter une opération délictueuse. En second lieu, le projet de loi prévoit de soumettre les émetteurs d'instruments financiers admis aux négociations sur les marchés réglementés à une obligation d'information plus générale.
On aura remarqué le point commun entre ces deux obligations d'information de l'AMF : elles ne s'appliquent qu'aux « opérations sur des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé ». Or le fait de restreindre la portée de l'obligation générale d'information de l'AMF aux émetteurs de titres inscrits à la cote sur les marchés réglementés constitue une double erreur.
Premièrement, la directive « Abus de marché » porte sur tous les titres, qu'ils soient admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non. A cet égard, je citerai le texte de la directive du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive « Abus de marché ». Son deuxième considérant prévoit que les pratiques observées sur les marchés non réglementés doivent faire l'objet d'une surveillance accrue, car « il se peut, pour des raisons structurelles, que des pratiques observées sur des marchés non réglementés soient moins transparentes que des pratiques similaires sur des marchés réglementés ».
Le troisième considérant de la directive dispose que « les pratiques de marché propres à un marché donné ne doivent pas compromettre l'intégrité d'autres marchés de l'Union européenne qui lui seraient liés, directement ou indirectement, que ces marchés soient ou non réglementés. En conséquence, plus fort sera le risque d'atteinte à l'intégrité d'un tel marché lié de l'Union, plus faible sera la probabilité que ces pratiques soient acceptées par les autorités compétentes. »
Ce projet de loi doit donc prendre acte de l'extension du champ d'application de la directive « Abus de marché » aux marchés non réglementés.
De surcroît, la transposition de la directive relative aux marchés d'instruments financiers, dite directive MIF, supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés. Par conséquent, une grande quantité d'opérations financières se déroulera en dehors des marchés réglementés, dans la zone dite « hors marché ».
Pour garantir l'intégrité des transactions financières, on ne peut pas limiter le champ d'application de cette directive aux seules transactions - et celles-ci seront de moins en moins nombreuses - portant sur des titres admis aux négociations sur les marchés réglementés.
A cet égard, la notion d' « admission à la négociation sur un marché réglementé », qui irrigue tout le droit boursier, demeure en effet, comme l'a indiqué M. le rapporteur, « un pivot de la nouvelle législation, quel que soit le mode d'exécution des ordres, et contribue à conférer aux marchés réglementés un rôle de référence juridique, notamment dans le cadre de la prévention et de la répression de l'abus de marché. »
Cela signifie-t-il que la répression de l'abus de marché devrait s'arrêter aux portes des marchés réglementés ? Non, justement pas !
M. le rapporteur n'a pas su - ou n'a pas voulu - tirer les conclusions de ses propres constatations. La sanction de l'abus de marché doit pouvoir être mise en oeuvre sur toutes les sortes de titres, qu'ils soient admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non.
Aussi importe-t-il, pour que soit garantie l'intégrité des marchés financiers, de prévoir l'encadrement juridique des abus de marché sur tous les types de marchés, qu'ils soient réglementés ou non.
Il n'y a donc aucune raison de limiter le champ d'application de cet article. Je ne peux pas croire que l'objectif du Gouvernement soit de restreindre l'efficacité d'une loi qui devrait favoriser l'intégrité des marchés financiers, renforcer la transparence et donc la confiance. Je préfère penser qu'il s'agit d'un oubli et que nous aurons la possibilité, en tant que parlementaires soucieux de garantir la transparence, de réparer cette erreur.
Je ne saurais trop faire appel à la vigilance en cette matière : les récents scandales boursiers et les affaires trop fréquentes qui occupent la scène médiatique nous y obligent. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que soit garantie la transparence des marchés financiers.
On sait à quel point la présentation de comptes fictifs - je pense aux cas de Vivendi ou de Rhodia - nuit à l'entreprise, qui en est la victime, et à ses salariés, qui en subissent les conséquences. La présentation de comptes fictifs pourrait être qualifiée d'abus de marché, car c'est un moyen de mentir aux salariés, de tromper le marché, de duper les investisseurs et d'abuser les autorités boursières.
Mes chers collègues, il nous appartient d'encadrer ce type de pratiques et de tout mettre en oeuvre afin qu'aucune transaction ne puisse avoir lieu sur un marché échappant à la sanction de l'abus de marché. Vous l'aurez compris, les socialistes se battent pour étendre au maximum l'applicabilité de cette sanction. J'espère que nous serons entendus.
Néanmoins, j'ai de sérieuses raisons de penser qu'il nous faudra redoubler d'efforts, tant il est vrai que ce projet de loi n'atteint pas les objectifs fixés par la directive dont il prétend assurer la transposition. En effet, la portée de ce texte est très faible dans la mesure où celui-ci n'envisage pas de réel mode de sanction en cas de violation de ses dispositions.
Le projet de loi prévoit un régime de sanction faiblement efficace au regard de ses objectifs puisque, aux termes de celui-ci, aucune procédure de sanction civile ni pénale ne pourra être intentée contre les débiteurs de l'obligation de déclaration de soupçon, dès lors qu'ils auront réalisé cette déclaration de « bonne foi ». Or nous savons à quel point la notion de bonne foi est variable. Pour les juristes, elle fait partie des grandes notions aux contours flous.
L'effectivité de la législation boursière en matière de transparence requiert de la précision. Comment garantir le respect de l'obligation de déclaration de soupçon en l'absence de sanction ? La sanction pénale n'est sans doute pas la plus adéquate, mais la sanction civile s'impose.
Depuis la loi de sécurité financière, on s'interroge sur les moyens d'élargir le champ d'application de l'action en responsabilité civile contre les dirigeants. Cette exonération de responsabilité n'est donc pas la bienvenue. Elle affaiblit encore l'efficacité du régime de la responsabilité des dirigeants, allant ainsi à l'encontre de la tendance américaine au renforcement de la transparence dans la gestion de l'entreprise.
Il s'agit là d'un choix politique majeur : comment rétablir la confiance dans le marché si l'on ne prévoit pas les moyens de restaurer la confiance dans l'entreprise ?
Il en va ici de l'efficacité de ce projet de loi : comment garantir l'effectivité du nouvel article L. 621-18-2 du code monétaire et financier si les dirigeants ne risquent aucune sanction ou seulement une sanction faible en cas de violation de l'obligation de communication qui leur est faite ?
A ce jour, et malgré la loi dite de sécurité financière, le vrai levier de la corporate governance, la responsabilité des dirigeants, n'a pas fait l'objet d'une vraie réforme, indispensable à son efficacité.
Ne manquons pas à nouveau l'occasion qui nous est offerte d'améliorer l'efficacité de la gouvernance d'entreprise. Saisissons-nous de ce projet de loi pour rendre plus effectif le régime de mise en cause de la responsabilité des dirigeants.
Je conclurai mon propos par une critique du très contestable article 5 de ce projet de loi. Cet article ne porte pas sur les modalités de transposition de la directive « Abus de marché » mais prévoit les modalités de transposition de la directive « Marchés d'instruments financiers ». Celle-ci bouleverse le paysage boursier et affecte la transparence et le mode de formation des prix.
Depuis le XVè siècle, la bourse est organisée en France selon le système de la centralisation des ordres : tous les ordres d'achat et tous les ordres de vente parviennent au même endroit, participant ainsi à la détermination d'un prix qui résulte de la libre confrontation de l'offre et de la demande.
Tous les acteurs du marché, qu'il s'agisse de la veuve de Carpentras ou du gros investisseur institutionnel, ont donc accès à la même information. Le mode de formation du prix sur un marché réglementé français protège ainsi les droits de l'investisseur individuel, consommateur de produits financiers et souvent profane, car ce système garantit un juste prix pour tous les investisseurs, quels que soient leur taille ou le volume des titres qu'ils achètent.
Mais, avec la directive MIF, cette organisation est en voie de disparition, au profit des gros investisseurs et au détriment des petits porteurs. L'approche anglo-saxonne a triomphé. En mettant fin au monopole des marchés réglementés, cette directive augmente en effet l'opacité des marchés financiers et introduit incontestablement une rupture, comme les députés français l'avaient indiqué lors des débats au Parlement européen.
La France a défendu sa conception centralisée de l'organisation des marchés financiers et a insisté pour que la nouvelle architecture des marchés n'altère pas la transparence et la qualité du processus de formation des prix, dont le respect est indispensable au bon fonctionnement du marché.
Aussi la transposition de la directive MIF, qui incarne une rupture dans la tradition boursière française, doit-elle être accompagnée de mesures garantissant la transparence pour tous et le respect de l'égalité de traitement des actionnaires.
L'adoption et la teneur de ces mesures doivent faire l'objet d'un débat au Parlement. Or le présent projet de loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive MIF. Rien ne justifie cette transposition par la voie réglementaire.
Sur un sujet aussi fondamental pour l'organisation générale de la bourse, et notamment pour les petits porteurs, il importe de faire délibérer le Parlement. Et ce n'est pas la technicité de ce texte qui devrait empêcher l'adoption de celui-ci par la voie législative.
La directive MIF fait courir aux investisseurs, et plus particulièrement aux petits porteurs, des risques : la fragmentation de la liquidité, la difficulté d'appréciation de la qualité d'exécution des ordres, l'accroissement des risques de conflit d'intérêts chez les intermédiaires financiers, ou encore la difficulté croissante pour les autorités boursières de surveiller le marché.
Face à ces risques, il importe de trouver des garde-fous non pas réglementaires mais législatifs, comme le renforcement des règles de transparence ou de meilleure exécution des ordres. Il convient donc de mettre en place un système juridique plus protecteur de l'information fournie. On ne peut pas en effet laisser le Gouvernement assurer à lui seul l'encadrement de la transparence et le contrôle de l'intégrité de l'information fournie sur les marchés financiers.
Je citerai quelques-unes des questions qui inquiètent les acteurs du marché.
Qui assurera la communication de l'information sur un marché décentralisé ?
Quelles seront les conditions d'accès de tous à cette information ? Il se peut en effet que celle-ci ne soit plus gratuite, ce qui va à l'encontre du principe d'égalité de traitement des investisseurs.
Comment donner à nouveau confiance dans le marché si chacun peut obtenir, comme cela est envisagé, un prix particulier ou une bonification de prix en fonction de sa seule situation personnelle et de son seul pouvoir de négociation ?
Les réponses à ces questions difficiles ne peuvent pas être fournies en dehors du champ de compétence de la représentation nationale. Sur ces interrogations fondamentales, mes chers collègues, le Parlement ne peut pas se dessaisir de son pouvoir de légiférer.
Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais formuler au nom de mon groupe. Nous sommes d'accord sur les objectifs que vous avez rappelés dans votre intervention. Mais nous émettons le souhait que soient fortement renforcés les quatre premiers articles de ce projet de loi. Nous déposerons des amendements en ce sens. Par ailleurs, nous souhaitons une saisine directe du Parlement s'agissant de la directive MIF, et donc le retrait de l'article 5. Si ces demandes ne recevaient pas un accueil favorable de votre part, monsieur le ministre, il va de soi que nous ne saurions adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellent exposé de M. le rapporteur, je ne reviendrai pas sur la transposition du droit communautaire des marchés financiers.
Malgré les réticences qui viennent d'être exprimées et quelques semaines avant le référendum pour la ratification du traité instituant une constitution pour l'Europe, le texte que nous sommes appelés à examiner constitue un exemple concret et, à mon sens, réussi de l'intégration européenne, du moins en matière financière.
Monsieur le ministre, à quelques semaines de ce référendum, c'est non sans plaisir que je rappelle vos propos. Vous avez dit que le financement des entreprises était le carburant de la croissance et que la création de richesses passait par un financement peu coûteux des entreprises.
Tout cela nous conduit à nous féliciter du fait que l'Europe, en matière financière, souhaite aller de l'avant.
Il fallait tenir compte des évolutions techniques qui étaient survenues depuis 1993 et M. le rapporteur général a rappelé ce bloc que constituait alors la DSI...
M. Philippe Marini, rapporteur. Que vous rapportiez, cher collègue, à l'Assemblée nationale !
M. Jean-Jacques Jégou. Effectivement, et cela nous rajeunit ! (Sourires.)
M. Philippe Nogrix. En est-il besoin ? (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. Les différentes directives que ce projet de loi transpose dans notre droit national font partie du Plan d'action pour les services financiers, le PASF, adopté par la Commission européenne pour la période 1999-2005, permettant d'harmoniser le droit boursier européen et facilitant ainsi l'émergence d'un marché financier intégré.
Ces directives sont l'aboutissement de plus de dix ans de législation européenne, de la création du marché unique bancaire en 1993 jusqu'à l'achèvement du PASF. Celui-ci a été l'un des moteurs du développement du marché des capitaux européens, contribuant ainsi à améliorer les perspectives de croissance durable tirées par les investissements et les perspectives d'emploi.
A l'heure où nous sommes tétanisés par les problèmes de l'emploi, en particulier du fait du commerce textile avec la Chine, l'Inde ou le Bangladesh - et, sur ce point, je sais que ce n'est pas M. le président de la commission des finances qui me contredira -, il n'est pas indifférent de penser que le secteur financier, notamment la place de Paris, représente plusieurs dizaines de milliers, voire plusieurs centaines de milliers d'emplois dans l'ensemble du pays. Il est donc important d'être à la pointe de l'innovation.
La poursuite de l'intégration des services financiers dans l'Union européenne est essentielle. A l'heure où l'Europe va se doter d'une Constitution clarifiant ses prérogatives, d'une politique étrangère et de défense commune rationalisant sa position sur la scène internationale et d'une coopération judiciaire accrue, une telle intégration doit permettre de renforcer la stabilité financière et l'intégrité du marché. Elle fait aussi partie de la volonté européenne d'achèvement du marché intérieur.
Le Conseil européen de Lisbonne du 24 mars 2000 ne s'était d'ailleurs pas trompé sur cette nécessité en fixant 2005 comme année butoir pour réaliser l'intégration des marchés financiers européens.
La mise en oeuvre d'une législation européenne commune en matière financière nécessite une harmonisation de son contrôle et, donc, de ses modes de répression. Celle-ci est rendue encore plus urgente par la persistance de scandales financiers. On ne peut donc que se féliciter du fait que le projet de loi transpose la directive « Abus de marché » du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché.
Cette transposition vient compléter plusieurs mesures déjà prises sur les marchés financiers français, en particulier celle qui a vu la création de l'AMF, l'Autorité des marchés français, le 1er août 2003. La fusion des trois anciens organes - la COB, le Conseil des marchés financiers et le Conseil de discipline de la gestion financière - a ainsi permis de renforcer l'efficacité et la visibilité de la régulation de la place financière française. Dans cette perspective, les mesures proposées par le présent projet de loi visent à améliorer le fonctionnement de l'AMF, ainsi que la transparence des opérations.
Ces mesures sont dans la droite ligne des propositions dégagées par le comité « Lamfalussy », qui doit son nom au président du comité des sages.
Il s'agissait, tout d'abord, de fixer des normes européennes communes contre l'abus de marché - délit d'initié et manipulation de marché. Ces normes sont indispensables pour préserver la confiance des consommateurs, seule à même de garantir que les marchés européens soient stables et transparents. En effet, pour que l'Union européenne puisse réaliser l'intégration de ses marchés financiers, il faut qu'il y ait convergence des méthodes de mise en oeuvre et de contrôle de l'application de la législation dans les Etats membres.
Le projet de loi vise maintenant à accroître l'efficacité et à développer les moyens d'action et de sanction des autorités de contrôle, en renforçant la qualité de l'information financière, la prévention et la lutte contre les opérations d'initiés, ainsi que la répression des manipulations de cours. De plus, il élargit le champ des transactions contrôlées.
Enfin, le projet de loi transpose la directive MIF du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, qui ouvre la concurrence entre les marchés réglementés et les systèmes alternatifs de négociation.
On pouvait s'interroger, monsieur le ministre, sur la demande d'habilitation par ordonnance qui nous est faite par le Gouvernement. En effet, les parlementaires sont, bien entendu, toujours réticents par principe à l'utilisation de cette méthode. Il est vrai qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une transposition particulièrement technique. Mais cet aspect n'aurait peut-être pas suffi si M. le rapporteur ne nous avait proposé un amendement, adopté par la commission des finances, encadrant mieux le dispositif et qui permet de dissiper nos craintes.
Pour toutes ces raisons, ce texte va dans le bon sens, celui de la construction d'une Europe financière intégrée. C'est pourquoi le groupe UC-UDF le votera. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu de temps finalement après l'adoption de la loi du 1er août 2003 dite « loi de sécurité financière », nous voici amenés à discuter de la transposition de directives communautaires relatives à l'organisation des marchés financiers, et plus spécifiquement à la prévention de la délinquance financière, l'essentiel des dispositions concernant, en effet, les manipulations de marché et la définition du délit d'initié.
A bien y regarder, la question qui nous est posée à travers ce texte peut être appréhendée selon plusieurs entrées.
On peut partager le souci du législateur européen de faciliter la transparence des opérations menées sur les marchés financiers de l'Union, d'autant plus que la place boursière de Paris, associée dans Euronext avec d'autres places étrangères, a vocation, selon certains, à jouer sur le marché des capitaux un rôle pivot dans les années à venir.
Les investisseurs, notamment les investisseurs individuels, les personnes physiques, ayant sans doute besoin d'être rassurés, il importe de leur présenter un marché en « bon ordre de marche », transparent, aux règles claires et vertueusement régulé.
Il est vrai qu'au moment où l'on propose au public de souscrire des plans de retraite par capitalisation, où l'on offre en pâture aux marchés certains des joyaux de la propriété publique, on peut vouloir s'assurer de la qualité du fonctionnement du marché boursier.
Mais cette volonté de transparence, en tout cas affichée, est également le produit de la mise en oeuvre de la conception toute particulière de la construction européenne qui fait aujourd'hui l'objet de la controverse publique.
Prenons quelques exemples, cueillis de-ci de-là dans le texte du traité constitutionnel européen.
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce n'est pas le traité qui est en débat, cher collègue !
M. Thierry Foucaud. Certes, mais vous allez comprendre pourquoi j'y fais allusion.
Ainsi, l'article I-4 de ce texte précise : « La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d'établissement, sont garanties par l'Union et à l'intérieur de celle-ci, conformément à la Constitution. »
Mme Nicole Bricq. C'est le traité de Rome !
M. Thierry Foucaud. Mais c'est évidemment dans le cadre de la partie III du traité que se trouvent les dispositions essentielles concernant le fonctionnement des marchés de capitaux. Ainsi, l'article III-156 stipule : « Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu'aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. »
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce n'est pas nouveau !
M. Thierry Foucaud. Cependant, le fondement de la théorie européenne en matière de fonctionnement des marchés est plus précisément fixé par l'article III-158, dont je vous épargne la lecture.
Cela peut d'ailleurs légitimement nous faire penser que la mise en oeuvre de l'objectif général, la libre circulation des capitaux, n'ira pas sans poser quelques légers problèmes d'application, en raison de son caractère pour le moins contradictoire avec la lettre de l'article III-158.
On doit également penser que la question de la mise en oeuvre des principes de libre établissement comme de libre prestation de services ne va pas sans poser d'autres problèmes.
En effet, soulignons les termes de l'article III-144 - fondement, ne l'oublions pas, mes chers collègues, de la directive Bolkestein. Cet article précise : « Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation. La loi ou loi-cadre européenne peut étendre le bénéfice de la présente sous-section aux prestataires de services ressortissants d'un Etat tiers et établis à l'intérieur de l'Union. »
Quant à l'article III-145, il stipule, pour sa part : « Aux fins de la Constitution, sont considérées comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux.
Les services comprennent notamment :
a) des activités à caractère industriel ;
b) des activités à caractère commercial ;
c) des activités artisanales ;
d) les activités des professions libérales.
Sans préjudice de la sous-section 2 relative à la liberté d'établissement, le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l'Etat membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants. »
C'est donc avec cet arrière-plan que doit être examiné le présent texte.
Les marchés financiers européens, et le nôtre pour ce qui concerne le présent texte, sont, en effet, appelés à connaître des évolutions sensibles dans les années à venir, avec l'introduction de nouveaux intervenants, l'entrée en lice de certains opérateurs venus de pays tiers - on pense évidemment de plus en plus nettement aux fonds américains, qui seront sans doute encore plus présents qu'auparavant - et la poursuite de la mise en oeuvre des grandes manoeuvres capitalistiques en de nombreux secteurs d'activité dont certaines batailles boursières récentes sont la meilleure démonstration.
Comment, par exemple, ne pas rappeler que la dernière année a été marquée par la fusion Aventis-Sanofi, constituant une entité particulièrement forte sur le segment de l'industrie pharmaceutique ?
M. Philippe Marini, rapporteur. On peut s'en réjouir !
M. Thierry Foucaud. Comment ne pas souligner que certains dossiers récents, comme celui de Gecina dans l'immobilier ou celui de Rhodia dans le secteur de la chimie, posent d'incontestables problèmes de transparence ?
Le texte qui nous est proposé permet-il de répondre à cette volonté affichée de transparence ?
On peut, de ce point de vue, éprouver quelques doutes - avant d'émettre des ordres de vente ou d'achat -, voire se demander s'il n'est pas de la nature même des marchés financiers de n'être guidés que par une compétition permanente entre celui qui dispose de l'information la plus fiable et la plus précoce et celui qui ne la détient pas.
De plus, le présent texte entérine, qu'on le veuille ou non, le principe d'une forme d'autorégulation des marchés financiers par eux-mêmes, au travers des prérogatives de l'Autorité des marchés financiers, qui pose, de manière d'ailleurs assez récurrente, la question de la place de l'intervention publique en matière de sécurité des marchés.
En tout état de cause, vous l'aurez compris, nous ne pouvons évidemment voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Je voudrais tout d'abord remercier les différents orateurs de leurs interventions, qui illustrent l'importance du projet de loi aujourd'hui soumis au Sénat, visant à la régulation des marchés financiers et à la protection des épargnants.
Je suis en effet sensible à l'attention prêtée sur toutes les travées de cet hémicycle à un texte certes technique - cela a été rappelé à de nombreuses reprises -, mais dont chaque intervenant a clairement compris la portée économique, liée à l'influence qu'aura son application sur le fonctionnement des marchés, et surtout la complexité juridique, le projet de loi se situant aux confins du droit boursier, du droit des sociétés et des règles d'ordre public.
Cette compréhension de la portée des enjeux reflète l'expérience des membres de cette assemblée, en particulier de M. Arthuis, président de la commission des finances, de M. Marini, rapporteur, et de M. Jégou, dont le rôle dans l'élaboration de la loi de modernisation des activités financières a été souligné à juste titre. Elle est évidemment le fruit du caractère pédagogique, de la clarté, de la rigueur des travaux de M. le rapporteur, dont l'intervention liminaire a d'ailleurs constitué une synthèse particulièrement brillante.
Je souhaiterais maintenant répondre sur certains points qui ont été abordés par les orateurs.
Comme cela a été relevé, la finalité première de ce texte est de renforcer l'efficacité de la régulation des marchés financiers, notamment pour mieux prévenir et, en tant que de besoin, punir les opérations d'initiés qui s'effectuent au détriment de l'ensemble des actionnaires.
Cela étant dit, je crois, monsieur Marc, qu'il ne faut pas aller trop loin.
Ainsi, je pense que vous commettez une erreur d'appréciation sur le champ d'application du présent projet de loi. Ce dernier concerne en effet les opérations sur les titres cotés, qu'ils soient négociés sur le marché réglementé ou en dehors de celui-ci. Tout mécanisme qui tendrait à donner à un actionnaire la possibilité de poursuivre en son nom propre et non pas au nom de la société les dirigeants de celle-ci pour un préjudice indirect tel que la baisse du cours de l'action contreviendrait au principe de base du contrat d'entreprise faisant des différentes composantes d'une société - actionnaires, administrateurs, mandataires sociaux - réunies autour d'un objet social un ensemble unique et cohérent. Cela serait contraire, du reste, à notre tradition juridique, à notre vision de l'économie, et ferait de l'actionnaire non plus un associé mais, comme l'a suggéré l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, un « créancier-consommateur ».
En ce qui concerne le champ d'exercice du pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers, je rappelle que nous serons amenés à débattre de ce sujet ultérieurement, en particulier lors de l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Notre intention est bien de prendre en compte les évolutions que va entraîner la directive européenne concernant les marchés d'instruments financiers, afin naturellement de donner toute son efficacité à l'AMF.
S'agissant de la transposition en droit interne de cette directive, je souhaiterais ajouter quelques précisions, après avoir entendu s'exprimer les différents intervenants.
Je voudrais rappeler que le Gouvernement s'est attaché, lors de la négociation de la nouvelle directive, à ce que l'abrogation de la règle de centralisation des ordres soit accompagnée de mesures permettant de garantir que les investisseurs bénéficient de cette réforme, grâce à une transparence accrue des marchés, au maintien de la liquidité des transactions par l'interaction entre les plates-formes de négociation et à l'amélioration des règles de conduite applicables aux intermédiaires. Si nous n'avions pas réussi dans cette démarche, monsieur Marc, si cette directive était aussi sous-tendue par une logique anglo-saxonne que vous le dites, le Royaume-Uni n'aurait pas voté contre et n'aurait pas été mis en minorité par les autres Etats membres, dont la France.
Ces dispositions restent à compléter par des mesures dites de niveau 2, qui sont en cours d'élaboration par les instances européennes. Je suis comme vous convaincu de l'importance de ces mesures d'accompagnement, et je veillerai à ce qu'elles soient correctement transposées.
Par ailleurs, plusieurs orateurs se sont déclarés défavorables à ce que cette directive soit transposée en droit interne par voie d'ordonnance. Je comprends la vigilance des parlementaires quant au recours à la procédure législative exceptionnelle prévue à l'article 38 de notre Constitution.
M. Daniel Raoul. Prouvez-le !
M. Thierry Breton, ministre. Il me semble, à cet égard, que le champ de l'habilitation est bien délimité. M. le rapporteur propose d'ailleurs, sur ce plan, des modifications tout à fait pertinentes. Le recours à l'ordonnance permet en fait au Parlement de se concentrer sur l'essentiel et de ne pas être confronté à un texte long et peut-être, comme cela a été souligné, exagérément technique, en tout cas très lourd.
En outre, à l'échelon national, la modification du cadre législatif devra être complétée par d'importantes mesures de niveau réglementaire. Il conviendra de procéder à d'étroites consultations sur l'ensemble de ce dispositif, qui devra entrer en vigueur de manière bien coordonnée.
Dans ce contexte, seule la procédure de l'ordonnance me paraît réellement à même de permettre une transposition des textes européens dans les délais.
Enfin, s'agissant de la réglementation des rachats de leurs propres actions par les entreprises, j'ai le sentiment que la loi doit fixer les principes s'appliquant à la conduite de ces opérations. C'est aujourd'hui plus ou moins le cas, les modalités de réalisation relevant prioritairement de la pratique des marchés. C'est pourquoi j'aborderai ce sujet avec le président de l'AMF, monsieur le rapporteur, afin de voir en effet dans quelle mesure cette instance pourrait apporter, à son échelon, une réponse précise à vos préoccupations, que je partage. Je vous tiendrai bien entendu précisément informé du déroulement de cette démarche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
7
nomination d'un membre d'un ORGANISME extraPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement du Sénat.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Francis Grignon membre de la Conférence permanente « habitat-construction-développement durable ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
8
Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
a) le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le collège est composé de dix-huit membres : »
b) les dixième et onzième alinéas sont ainsi rédigés :
« 9° Trois représentants des salariés actionnaires désignés par le ministre chargé de l'économie après consultation des organisations syndicales et des associations représentatives.
« Le président de l'Autorité des marchés financiers a qualité pour agir au nom de celle-ci. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a fixé, dans les faits, les règles de composition du collège de l'Autorité des marchés financiers, dont les membres sont, pour l'essentiel, des « professionnels de la profession » et des personnalités qualifiées, désignées, soit dit en passant, par le ministre chargé de l'économie.
Autorité indépendante, l'AMF apparaît donc clairement, selon les dispositions de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, comme l'outil fondamental de l'autorégulation des marchés financiers, destiné à assurer la mise en oeuvre des bonnes pratiques et la transparence des activités.
Je voudrais rappeler, à cet instant, les termes de l'article L. 621-1 du même code : « L'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. Elle apporte son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international. »
En pratique, l'AMF est donc clairement l'outil de la régulation des marchés. Elle s'autosaisit, en quelque sorte, des troubles et manquements éventuels aux règles de fonctionnement des marchés, mais comme ses enquêteurs et agents sont soumis au secret professionnel, tout se traite dans le monde plus ou moins clos des marchés, entre professionnels, quoi qu'on en dise, et les débats ne franchissent les portes du palais Brongniart qu'en cas d'audience publique devant les juridictions compétentes.
Cette question de la publicité de l'activité de l'AMF est assez récurrente, et se pose de fait depuis la mise en place de cette instance. Elle renvoie naturellement à la question de la composition de celle-ci.
Notre amendement vise donc, tout simplement, à renforcer la place spécifique des représentants des salariés au sein du collège de l'AMF, en portant leur nombre à trois, afin que puisse être mieux respectée la diversité du mouvement syndical dans notre pays.
Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement, pour deux raisons.
D'une part, la création de l'AMF est récente. Le Parlement a bien veillé à équilibrer sa composition, et il nous semble donc pour le moins prématuré de vouloir remettre en cause cette dernière.
D'autre part, siège actuellement au sein du collège de l'AMF un représentant des salariés actionnaires, à savoir M. Jean-Claude Mothié, qui s'investit pleinement dans la très grande activité de cette instance. Il devrait d'ailleurs, me dit-on, soumettre très prochainement au collège un rapport sur l'éducation et la formation continue des épargnants.
Je crois donc, mon cher collègue, que la loi de sécurité financière a déjà très largement donné une réponse satisfaisante à vos préoccupations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je n'ai rien à retrancher à ce que vient de dire M. le rapporteur. Il s'agit en effet d'une institution jeune, qui maintenant fonctionne bien et compte au sein de son collège, comme l'a rappelé M. Marini, un représentant des salariés actionnaires. Je pense que les choses doivent rester en l'état. C'est la raison pour laquelle je préconise le rejet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Les propos que viennent de tenir M. le rapporteur et M. le ministre sont significatifs. On veut bien que les salariés soient actionnaires - c'est ce que l'on demande souvent sur les travées de la majorité sénatoriale -, mais il ne faut pas qu'ils soient trop bien représentés. Que les salariés actionnaires ne comptent qu'un seul représentant au sein du collège de l'AMF satisfait donc complètement M. le rapporteur. Pour notre part, porter cette représentation à trois membres ne nous paraîtrait pourtant nullement excessif !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 621-7 du code monétaire et financier est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les conditions selon lesquelles toute personne physique ou morale peut saisir l'Autorité de toute situation lui paraissant contraire aux missions prévues à l'article L. 621-1 et peut être informée par l'Autorité des suites y étant données. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Comme nous l'avons déjà souligné, l'Autorité des marchés financiers applique, pour l'essentiel de ses activités, le principe du secret professionnel. Néanmoins, sa revue mensuelle et certaines de ses autres publications font état des procédures disciplinaires menées à l'encontre de certains intervenants indélicats sur les marchés financiers.
Quoi qu'il en soit, il semble bien que nous devions donner au règlement général de l'AMF un contenu plus précis en matière d'information du public, au-delà naturellement des seuls initiés, passez-moi l'expression, qui, notamment pour des raisons professionnelles, s'intéressent aux activités de cette autorité.
Notre amendement tend donc à créer le socle d'une modification du règlement général de l'AMF, afin de permettre la saisine de celle-ci par toute personne morale ou physique, et l'information ultérieure de cette personne par ladite autorité.
Sont notamment visées les associations de défense des investisseurs telles que définies aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du code monétaire et financier, comme les organisations de consommateurs agréées en vertu du code de la consommation ou encore les organisations syndicales représentatives de salariés, qui doivent pouvoir solliciter l'AMF pour toute affaire concernant, par exemple, le devenir de l'emploi dans les entreprises placées au centre de certaines opérations boursières.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement, car elle le juge redondant.
D'une part, il existe un médiateur de l'AMF, qui est directement accessible, notamment par le biais du site Internet de cette autorité.
D'autre part, l'article 1er et l'article 4 du présent projet de loi visent l'établissement de listes d'opérations suspectes et de listes d'initiés, qui participe pleinement de l'association des émetteurs et de certains tiers à l'exercice de la mission de régulation de l'AMF.
Ainsi, et sous réserve des appréciations complémentaires que le Gouvernement pourrait être amené à porter, la commission n'a pas été convaincue du bien-fondé de cet amendement et appelle à son rejet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je voudrais rappeler au Sénat que l'article L. 621-19 du code monétaire et financier comporte déjà des dispositions tout à fait équivalentes à celles qui sont présentées au travers de cet amendement, lequel me semble donc inutile.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'article L. 225-252 du code de commerce est rédigé comme suit :
« Art. L. 225-252. - Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu'ils ont subi personnellement. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Ce projet de loi instaure une obligation de déclaration de soupçon et une obligation d'information, qui incombent aux dirigeants de sociétés visées par le texte. Ces nouvelles obligations auront un effet juridique contraignant, à condition que leur violation soit sanctionnée par une action en responsabilité civile.
Actuellement, le régime général de l'action en responsabilité contre les dirigeants, tel que prévu par le code de commerce, n'est que très faiblement efficace. Le droit des sociétés est organisé de telle façon qu'il est rarissime que les actionnaires victimes des agissements de leurs dirigeants intentent directement une action en responsabilité contre eux. En effet, la loi et la jurisprudence ne permettent pas de reconnaître le préjudice propre à l'actionnaire.
Lorsque la société est également victime des agissements de ses dirigeants - lorsque l'intérêt social a été méconnu -, le code de commerce oblige les actionnaires à avoir recours à l'action sociale afin de mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Pour les actionnaires demandeurs, le mécanisme de l'action sociale écarte toute perspective de réparation directe, puisque les dommages et intérêts ne seront perçus que par la société considérée comme seule victime de la mauvaise gestion de ses dirigeants. Les actionnaires n'ont donc aucun intérêt, ou presque, à engager une procédure coûteuse.
C'est la raison pour laquelle il importe, à nos yeux, de prévoir l'hypothèse du cumul des actions sociales et individuelles.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'a pas été convaincue par cet amendement. D'ailleurs, la question que soulève notre collègue François Marc est bien connue et elle a déjà donné lieu à débat au Parlement lors de l'examen de textes concernant le droit des sociétés. Au cours de l'examen du projet de loi de sécurité financière, notre collègue député Philippe Houillon, bien que n'adhérant pas à la même philosophie politique que M. Marc,...
M. Daniel Raoul. Personne n'est parfait ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. ...avait ainsi poursuivi la même finalité, mais avec une formulation différente. L'Assemblée nationale l'avait suivi, mais le Sénat avait rejeté cette disposition, qui ne figure donc pas dans la loi de sécurité financière.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir quelques instants sur ce sujet.
L'action en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs peut consister soit en une action individuelle, exercée par la personne ayant subi un préjudice direct, certain et personnel indépendant de celui subi - ou susceptible d'avoir été subi - par la société, soit en une action sociale ut singuli destinée à réparer le préjudice subi par la société et donc exercée en son nom, qui peut être intentée par un ou plusieurs actionnaires.
La responsabilité des administrateurs est susceptible d'être engagée dans trois cas : infractions aux dispositions législatives et réglementaires, violation des statuts ou fautes de gestion.
La victime d'une faute d'un dirigeant ne peut, en l'état actuel du droit, mettre en cause la responsabilité personnelle de ce dernier et doit agir contre la société, sauf si le dommage trouve sa cause dans une faute détachable ou séparable des fonctions de ce dirigeant. Cette solution résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre commerciale en date du 20 mai 2003.
A ce stade, la commission demande donc aux auteurs de l'amendement n° 10 de bien vouloir le retirer, pour deux raisons.
Tout d'abord, une réflexion sur le thème de l'action collective est en cours. Celle-ci est intéressante, mais elle peut nous mener loin. En d'autres termes, monsieur le ministre, la class action est-elle compatible avec le droit français ? Comporte-t-elle plus d'avantages que d'inconvénients ? Il conviendrait au minimum d'y voir clair et de vider ce débat avant d'engager une démarche voisine.
Ensuite et surtout, l'indemnisation du préjudice indirect, car il s'agit bien de cela, ouvrirait la voie à une véritable inflation du contentieux car les procédures seraient fondées sur le préjudice matériel allégué par un actionnaire, c'est-à-dire la perte de valeur des actions que celui-ci détient.
Faut-il vraiment inciter à l'encombrement des prétoires par toutes les procédures des actionnaires qui auraient plus ou moins de bonnes raisons d'invoquer des erreurs de gestion de la part des administrateurs et des dirigeants d'entreprise quand le cours de l'action chute ? Faut-il, mes chers collègues du groupe socialiste, surtout de votre part, inciter à l'accroissement du contentieux financier à partir de la seule observation du cours des actions ? Dans un assez grand nombre de cas, ce serait un détournement de la mise en cause de la responsabilité et cela comporterait des risques de déresponsabilisation de l'actionnaire.
L'actionnaire, M. le ministre le disait tout à l'heure, est un associé, ce n'est pas un tiers consommateur. Il doit réaliser que la détention de parts de capital d'une entreprise suppose d'entrer dans un système de responsabilités partagées.
Il n'en demeure pas moins que le régime de responsabilité pourrait sans doute être amélioré, car le préjudice personnel de l'actionnaire est peu reconnu et la faute détachable fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle particulièrement stricte.
Peut-être pourrait-on admettre, monsieur le ministre, à titre de première avancée, que l'entreprise finance l'action en justice, du moins fasse l'avance des frais, en cas d'action ut singuli. C'est une demande régulièrement faite par les associations d'actionnaires. J'ai notamment entendu Mme Colette Neuville défendre cette idée, et je me permets de verser à mon tour cette suggestion à nos présents débats.
Il serait donc utile de vous entendre sur ce thème. J'espère que, d'ici au texte que vous nous présenterez dans quelques semaines, cette question aura un peu avancé. Il est à noter qu'un nombre significatif, notamment sur le plan qualitatif, de nos collègues députés sont également très sensibilisés à ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, je voudrais vous apporter deux éléments avant de répondre plus directement à M. Marc.
D'abord, vous avez mentionné les termes de class action, c'est-à-dire d'action de classe. Comme vous le savez, nous réfléchissons en ce moment, avec le garde des sceaux, M. Dominique Perben, et M. Christian Jacob, à ces sujets. Nous avons créé un groupe chargé précisément de les étudier. La réflexion pourra donc être élargie aux suggestions que vous venez de formuler.
Ensuite, s'agissant du second volet de vos suggestions, j'ai noté vos recommandations et je vais en discuter avec M. Perben. Nous pourrons en reparler un peu plus tard, puisque nous aurons l'occasion, comme vous l'avez rappelé, de nous revoir avant l'été, si le calendrier parlementaire le permet.
Monsieur Marc, si j'ai bien compris, votre amendement permettrait à un actionnaire de poursuivre les dirigeants de la société s'il estime avoir subi un préjudice direct ou indirect. Autrement dit, vous souhaiteriez permettre à un actionnaire de poursuivre les dirigeants d'une société, en particulier si le cours de l'action baisse.
Cet amendement est assez représentatif de la conception rappelée par M. le rapporteur et selon laquelle les actionnaires seraient des créanciers-consommateurs plutôt que de véritables associés. Il est donc en contradiction avec le principe même d'une société représentant une collectivité d'intérêts s'exprimant par le biais - il ne faut pas l'oublier - des votes en assemblée générale.
De plus, en cas de variation de cours, la première victime est la société, dont les capacités financières et l'image sont atteintes.
Le droit actuel permet justement aux actionnaires d'agir au nom de la société à l'encontre des dirigeants sans imposer à ces derniers une double indemnisation du préjudice indirect des actionnaires, à savoir en indemnisant à la fois la société et les actionnaires, comme vous le proposez. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, comme la commission, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. François Marc. Je pourrais reprendre les arguments avancés par M. le rapporteur et les retourner à mon profit afin de prouver que cet amendement a bien sa place dans le projet de loi.
M. le rapporteur a en effet indiqué qu'un débat va s'ouvrir, dont nous ignorons la durée et les conséquences. Il serait donc peut-être prudent d'adopter dès aujourd'hui une disposition générale permettant de saisir la justice.
Il a également indiqué que l'on risquait d'encombrer les prétoires. Je ne suis pas sûr que cet argument soit recevable. Si ce risque existe, c'est qu'il y a bien un certain nombre de pratiques répréhensibles, même aux yeux de M. le rapporteur. Il conviendrait donc d'arriver à les mettre en avant au travers de l'action rendue possible grâce à cet amendement.
Au regard de ces arguments, il me paraît tout à fait justifié de maintenir notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement prouve qu'il existe un réel débat. Dès lors, nous le maintenons et nous voterons en faveur de celui-ci.
Monsieur le rapporteur, vous nous indiquez que cette discussion est prématurée puisqu'une réflexion est en cours sur l'action collective et que nous examinerons de toute façon un projet de loi au mois de juin. J'ai lu le texte qui nous sera soumis d'ici à quelques semaines par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : il ne comporte pas de disposition sur ce thème !
S'agissant de la réflexion sur l'action collective, il faudra bien la mener ici. Elle devient publique et est maintenant développée dans d'autres enceintes. Voilà quinze jours, j'ai assisté à un travail qui a été fait sur l'initiative du Medef - vous le voyez, je ne suis pas sectaire - et j'ai constaté que cette question commençait à prendre sa place dans le débat public. Par conséquent, il ne me semble pas prématuré d'en débattre aujourd'hui dans cette enceinte, même s'il ne s'agit que d'un aspect et d'une réflexion générale. Il n'y a nulle interdiction à ce que le Parlement soit en phase avec la société civile !
Quant à l'argument du risque qui découlerait de la reconnaissance du préjudice indirect, il va de soi qu'à partir du moment où l'on accorde un droit nouveau, cela ne va jamais sans risque : c'est ce qu'on appelle la démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. - A la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code monétaire et financier, la sous-section 5 devient la sous-section 6.
II. - Après l'article L. 621-17 du même code, il est ajouté une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Déclaration d'opérations suspectes
« Art. L. 621-17-1. - Les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 sont tenus de déclarer sans délai à l'Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé, effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu'elle pourrait constituer une opération d'initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
« Art. L. 621-17-2. - Lorsque l'Autorité des marchés financiers transmet, conformément aux articles L. 621-15-1 et L. 621-20-1, certains faits ou informations au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, la déclaration prévue à l'article L. 621-17-1, dont le procureur de la République est avisé, ne figure pas au dossier de la procédure.
« Art. L. 621-17-3. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions dans lesquelles est faite la déclaration prévue à l'article L. 621-17- 1.
« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers peut en demander une confirmation par écrit.
« La déclaration doit contenir :
« 1° Une description des opérations, en particulier du type d'ordre et du mode de négociation utilisés ;
« 2° Les raisons conduisant à soupçonner que les opérations déclarées constituent une opération d'initié ou une manipulation de cours ;
« 3° Les moyens d'identification des personnes pour le compte de qui les opérations ont été réalisées et de toute autre personne impliquée dans ces opérations ;
« 4° L'indication que les opérations ont été effectuées pour compte propre ou pour compte de tiers ;
« 5° Toute autre information pertinente concernant les opérations déclarées.
« Lorsque certains de ces éléments ne sont pas disponibles au moment de la déclaration, celle-ci doit au moins indiquer les raisons mentionnées au 2°. Les informations complémentaires sont communiquées à l'Autorité des marchés financiers dès qu'elles deviennent disponibles.
« Art. L. 621-17-4. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1, de porter à la connaissance des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.
« Art. L. 621-17-5. - Sans préjudice de l'article 40 du code de procédure pénale, des articles L. 621-15-1, L. 621-17-2, L. 621-20-1 et de l'exercice de ses pouvoirs par l'Autorité des marchés financiers, il est interdit à cette dernière, ainsi qu'à chacun de ses membres, experts nommés dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, membres de son personnel et préposés de révéler les informations recueillies en application de l'article L. 621-17-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, cette interdiction s'applique également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.
« Le fait pour un membre de l'Autorité des marchés financiers, un expert nommé dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, un membre de son personnel ou un préposé, de révéler le contenu de la déclaration ou l'identité des personnes qu'elle concerne, est puni des peines prévues à l'article L. 642-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, ces peines s'appliquent également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.
« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette dernière.
« Art. L. 621-17-6. - Concernant les opérations ayant fait l'objet de la déclaration mentionnée à l'article L. 621-17-1, aucune poursuite fondée sur l'article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre les dirigeants et les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1 qui, de bonne foi, ont effectué cette déclaration.
« Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée contre une personne mentionnée à l'article L. 621 - 17- 1, ses dirigeants ou ses préposés qui ont effectué de bonne foi cette déclaration.
« Sauf concertation frauduleuse avec l'auteur de l'opération ayant fait l'objet de la déclaration, le déclarant est dégagé de toute responsabilité : aucune poursuite pénale ne peut être engagée contre ses dirigeants ou ses préposés par application de l'article L. 465-1 et du premier alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier et des articles 321-1 à 321-3 du code pénal, et aucune procédure de sanction administrative ne peut être engagée à leur encontre pour des faits liés à une opération d'initié ou à une manipulation de cours.
« Les dispositions du présent article s'appliquent même si la preuve du caractère fautif ou délictueux des faits à l'origine de la déclaration n'est pas rapportée ou si ces faits font l'objet d'une décision de non-lieu ou de relaxe et n'ont donné lieu à aucune sanction de la part de l'Autorité des marchés financiers ou de l'autorité compétente mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 621-17-5. »
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier, après les mots :
un marché réglementé
insérer les mots :
ou non
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'obligation de réaliser une déclaration d'opérations suspectes ne peut pas se limiter aux seules opérations portant sur des titres cotés, et ce pour deux raisons.
D'une part, le considérant 2 de la directive du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive « Abus de marché » prévoit que les pratiques observées sur les marchés non réglementés doivent faire l'objet d'une surveillance accrue. Il est bien spécifié, dans cette même directive, qu'il s'agit des marchés, qu'ils soient ou non réglementés. Ce projet de loi doit donc prendre acte de l'extension du champ d'application de la directive « Abus de marché » aux marchés non réglementés, la rédaction de cet article devant être modifiée en conséquence. Mais ce n'est pas la seule raison qui a motivé cet amendement.
D'autre part, en effet, la transposition de la directive MIF supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés. Par conséquent, de nombreuses opérations financières se dérouleront en dehors des marchés réglementés, dans la zone dite « hors marché ». Les émetteurs seront donc en situation de négocier des titres non admis à la négociation sur un marché réglementé. Tel est le cas des MTF comme Alternext pour le marché français.
Pour garantir l'intégrité de toutes les transactions financières, on ne peut pas limiter le champ d'application de cette directive aux seules transactions qui auraient lieu sur les marchés réglementés, au demeurant de moins en moins nombreuses.
Il importe donc de préciser que l'abus de marché est également applicable aux titres non admis aux négociations sur les marchés réglementés. De même, il convient de prévoir que la déclaration de soupçon doit être mise en oeuvre quel que soit le type d'instruments financiers concernés, qu'il s'agisse d'instruments admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non.
Il n'y a aucune raison de limiter le champ d'application de cet article. C'est pourquoi nous proposons d'en modifier la rédaction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souscris tout à fait aux objectifs que M. Marc cherche à atteindre en la matière. La question est de savoir comment il convient de répartir cette même matière entre les deux textes qui vont se succéder, autrement dit entre, d'une part, le présent projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers et, d'autre part, le futur projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
En ce qui concerne le premier texte, dont nous débattons ce jour, le choix a été fait d'une transposition « pure et dure », si l'on veut bien me permettre cette expression. C'est pourquoi nous nous sommes assez largement autocensurés.
En effet, il eût été possible de rattacher à une telle transposition toute une série d'améliorations souhaitables de la législation. A ce titre, je puis vous assurer que j'ai en réserve, sur ces matières de droit financier, un ensemble de propositions qui pourraient sans doute faire l'objet de discussions. Néanmoins, j'ai, en quelque sorte, réfréné mes ardeurs législatives, ayant bien compris qu'il s'agissait d'un pur et simple exercice de transposition. (Sourires.)
La directive-cadre « Abus de marché », dont il est question ici, s'applique aux instruments financiers cotés sur un marché réglementé ou qui ont fait l'objet d'une demande d'admission à la cote, et ce, j'y insiste à nouveau, indépendamment du lieu d'exécution des ordres.
Si nous en restons, comme cela nous est proposé, à la transposition stricte, l'amendement de notre collègue François Marc est « ultra-transposition » et, en tant que tel, figure au nombre de ces mesures législatives nouvelles en matière de droit financier et de droit des marchés qu'il serait sans doute bon d'examiner.
Par ailleurs, j'ai lu, comme Mme Bricq tout à l'heure, l'actuel projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. L'article 10 de ce texte, en particulier, devrait permettre d'étendre le pouvoir de sanction des abus de marché de l'AMF à l'ensemble des configurations de marchés d'instruments financiers, c'est-à-dire aux transactions réalisées sur des marchés réglementés ou non.
Je comprends que ce champ d'application sera large, qu'il concernera les titres émis par une personne faisant appel public à l'épargne, notion qui inclut la cotation sur un marché, quel qu'il soit, ainsi que les titres émis sur un marché non réglementé sans appel public à l'épargne.
Toutefois, il me semblerait contestable d'anticiper aujourd'hui, alors que la question posée pourrait trouver tout à fait naturellement sa solution lors de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Je souhaiterais enfin évoquer un aspect particulier qui concerne les marchés de gré à gré. En effet, dans ce cas, et il faut bien en prendre conscience, le régime de l'abus de marché n'a pas lieu d'être, puisque les transactions dont il s'agit alors sont contractuelles et qu'elles ne donnent pas lieu à des procédures d'information du public. Lorsque l'on se livre à des transactions sur un marché de gré à gré, on en accepte, en principe, les règles en toute connaissance de cause.
Aussi, tout en partageant assez largement, sur le fond, la préoccupation de M. Marc et de ses collègues, la commission sollicite le retrait de cet amendement et sera bien entendu très attentive aux explications du ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Marc, il me semble que votre amendement résulte d'une lecture un peu trop restrictive de la directive.
En effet, la directive « Abus de marché » ne s'applique qu'aux instruments financiers cotés sur un marché réglementé. En revanche, elle produit ses effets quel que soit le mode de négociation de ces instruments financiers : de gré à gré, par l'intermédiaire d'instruments financiers dérivés... Les cas visés par votre présentation sont donc, me semble-t-il, parfaitement couverts. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je voudrais toutefois préciser un certain nombre de points puisque M. le rapporteur a fait référence, à juste titre, au projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie qui sera débattu dans cet hémicycle au mois de juin. Monsieur le rapporteur, vous nous avez, en quelque sorte, mis l'eau à la bouche en nous indiquant que vous aviez beaucoup d'idées.
M. Robert Del Picchia. Il en a toujours !
M. Thierry Breton, ministre. Nous attendons, nous aussi, avec beaucoup d'intérêt, de pouvoir en débattre avec vous !
J'indiquerai tout simplement, pour aller dans votre sens, que ce projet de loi prévoit d'étendre le champ des titres qui seront soumis au contrôle de l'AMF, qui sera désormais compétente non seulement pour les marchés réglementés, mais également pour les marchés non réglementés ou pour des titres d'émetteurs faisant, par exemple, appel public à l'épargne.
Néanmoins, afin que le dispositif conserve une certaine souplesse, ce sera au règlement général de l'AMF de préciser lesquels des marchés non réglementés seront soumis à ces règles. Ainsi, conformément aux souhaits de ses promoteurs, le futur marché Alternext, par exemple, sera soumis à la réglementation relative à l'abus de marché.
Monsieur Marc, j'espère que ces propos auront contribué à vous éclairer un peu plus. Nous pourrons nous retrouver sur ces questions à l'occasion de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ou, à défaut, son rejet.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. François Marc. J'ai bien entendu les arguments qui viennent d'être présentés aussi bien par M. le rapporteur que par M. le ministre.
J'ai bien conscience qu'il y a une volonté d'avancer, même si l'on nous renvoie à l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui doit avoir lieu au mois de juin. Je vais donc accéder à la demande de la commission et du Gouvernement en retirant cet amendement.
Toutefois, je pense qu'il y a un malentendu quelque part ! En effet, je n'ai pas tout à fait le sentiment que la directive prenne en considération l'ensemble des situations, puisque le texte qui nous est soumis ne concerne que des titres soumis à marché réglementé, et eux seuls.
M. Philippe Marini, rapporteur. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. François Marc. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mon cher collègue, le champ de la directive couvre l'ensemble des titres qui sont listés pour faire l'objet de transactions sur un marché réglementé.
Toutefois, je me permets de le rappeler, ces titres-là peuvent fort bien faire l'objet de transactions ailleurs que sur un marché réglementé. C'est ce qu'indiquait M. le ministre en citant l'exemple des marchés de gré à gré, sur lesquels peuvent être échangés des titres par ailleurs listés sur un marché réglementé ou, plus exactement, listés par l'entreprise de marché qui gère les transactions sur un marché réglementé.
Tel est, exactement, le champ de la directive ; il ne peut y avoir aucune ambiguïté sur ce point.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Marc.
M. François Marc. M. le rapporteur a apporté une précision utile en évoquant les titres listés. Mais, s'il existe des titres listés, il en existe certains qui ne le sont pas. Or les titres non listés sont l'objet de notre préoccupation, car ils ne sont pas traités dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. On nous dit que cela va être le cas en juin, j'en donne acte à M. le ministre et à vous-même, monsieur le rapporteur. Nous attendons donc ce débat pour évoquer à nouveau cette question qui, je l'espère, trouvera une solution à cette occasion.
En conséquence, je retire l'amendement n° 11.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier, après les mots :
admis à la négociation sur un marché réglementé
insérer les mots :
, ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a précisément pour objet d'étendre le champ d'application au maximum de ce que permet la stricte transposition de la directive : non seulement les instruments déjà cotés sur un marché réglementé, déjà « listés » - pour utiliser ce mauvais anglicisme -, mais aussi ceux qui sont en train de le devenir, donc ceux dont l'admission à une telle cote est sollicitée. De la sorte, nous pourrons achever la transposition sous la forme la plus protectrice possible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-3 du code monétaire et financier :
« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers en demande une confirmation par écrit.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Toujours dans la perspective d'une meilleure protection, cet amendement a pour objet de rendre obligatoire, et non plus facultative, la confirmation écrite auprès de l'AMF d'une déclaration d'opérations suspectes qu'un émetteur aurait préalablement transmise par voie verbale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-4 du code monétaire et financier :
« Art. L. 621-17-4. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1, de porter à la connaissance de quiconque, et en particulier des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. De la même manière que précédemment, il s'agit d'aller au bout de la transposition et, précisément, d'étendre à toute personne le champ de l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes qui procèdent à la déclaration d'opérations suspectes, pour qu'il ne soit plus limité aux seules personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées auraient été effectuées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Pour des raisons de bon sens, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-5 du code monétaire et financier :
« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette autorité, ainsi que les éventuels compléments d'information fournis par le déclarant à la demande de cette dernière, dans les conditions prévues à l'article L. 621-21.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement, assez technique, tend à préciser les modalités de transmission des informations par l'AMF à l'autorité de tutelle d'un autre Etat membre lorsque les opérations dont il s'agit relèvent de la compétence de cette autorité.
Nous précisons, en outre, que cette transmission, qui doit être réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 621-21 du code monétaire et financier, fait l'objet, d'abord, d'une communication à l'AMF, puis d'une retransmission par cette dernière à l'autorité étrangère compétente.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, votre amendement tend à préciser que l'AMF demeure le point de passage des échanges d'informations entre l'entreprise qui a fait une déclaration de transaction suspecte et l'autorité étrangère compétente.
Je souscris tout à fait à cette précision ; c'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la référence :
L. 621-17-1
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-6 du code monétaire et financier :
qui a effectué de bonne foi cette déclaration.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'article 1er prévoit d'exonérer les dirigeants ayant effectué la déclaration de soupçons « de bonne foi » de toute action en responsabilité civile.
Comment donner une efficacité à l'obligation de déclaration de soupçon quand la loi ne prévoit aucune sanction dans le cas de sa violation ? Il n'était donc pas opportun, à nos yeux, d'exonérer de toute responsabilité les dirigeants des sociétés soumises à l'obligation de déclaration de soupçon. Cette procédure ne pourra être réellement utile qu'à la condition qu'elle fasse partie des obligations qui incombent aux dirigeants.
Ainsi, le non-respect par les dirigeants des dispositions de l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier devrait entraîner la mise en cause de leur responsabilité civile, dont le régime juridique devrait être amélioré.
Dans la rédaction que nous proposons, l'exonération de responsabilité ne devrait concerner que les prestataires de services d'investissement en tant que personnes morales.
Pour répondre aux exigences qui se font jour sur le thème de la responsabilité des dirigeants, nous cherchons ici à prévoir la possibilité d'une sanction. A défaut, nous craignons que le dispositif ne fonctionne pas de façon satisfaisante.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est hostile à cet amendement.
En effet, si l'exonération de responsabilité civile pour les déclarations effectuées de bonne foi ne s'applique qu'aux personnes morales et non aux personnes physiques, comment inciter les personnes physiques à remplir leurs obligations légales ? C'est bien notre crainte !
L'efficacité de la prévention de l'abus de marché repose sur un système déclaratif. Nous pouvons tout à fait nous référer à la notion de bonne foi, qu'il s'agisse des personnes morales ou des personnes physiques. A cet égard, la jurisprudence est ancienne et constante, du moins au niveau de la Cour de cassation.
Par ailleurs, la rédaction de nos collègues du groupe socialiste ne paraît pas strictement conforme à la directive européenne qu'il s'agit de transposer. A ce seul titre, il ne serait pas possible d'accéder à leur demande, car, je le rappelle, la transposition est une obligation.
D'aucuns ont évoqué, dans des sens d'ailleurs opposés, l'évolution éventuelle du cadre du droit public européen. Quoi qu'il en soit, une directive est un acte de droit positif communautaire qui doit être transposé conformément à son texte même. Nous ne sommes donc pas en mesure d'opérer des substitutions par rapport à une disposition d'une directive, ni d'entériner une rédaction plus large, comme nous le propose notre collègue François Marc.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le sénateur, par votre amendement, vous limitez en fait l'exonération de responsabilité dont bénéficie l'auteur de la déclaration de transactions suspectes aux seules personnes morales. Je ne comprends pas très bien votre objectif.
Il convient de permettre que les personnes physiques soient également protégées, tout comme elles le sont, par exemple, pour les déclarations de soupçons en matière de blanchiment. Faute de cette protection, qui ne s'applique qu'en cas de bonne foi, l'efficacité de la procédure sera diminuée.
C'est la raison pour laquelle, en m'associant aux explications de M. le rapporteur, je demande, au nom du Gouvernement, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. François Marc. En France comme dans nombreux autres pays occidentaux, on entend maints commentaires sur la question de la responsabilité des dirigeants. Il nous semblait donc opportun d'indiquer dans ce texte que les dirigeants d'entreprise ayant enfreint certaines règles pouvaient être sanctionnés.
Dans le même temps, c'est bien la multiplication des déclarations de soupçons qui est recherchée et je comprends l'argumentation selon laquelle cette disposition réduirait sans doute leur nombre.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 12.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Au deuxième alinéa de l'article L. 532-18 du même code, après les mots : « L. 533-13 » sont ajoutés les mots : «, L. 621-17-1 à L. 621-17-6 ». - (Adopté.)
Article 3
L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier aliéna les mots : « sur ces titres au moyen d'instruments financiers à terme » sont remplacés par les mots : « sur des instruments financiers qui leur sont liés » ;
« 2° Au deuxième alinéa les mots : « ou le gérant de cette personne » sont remplacés par les dispositions suivantes : « , le gérant ou tout autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant cet émetteur ; »
« 3° Le dernier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les personnes mentionnées aux a et b sont tenues de communiquer à la personne mentionnée au premier alinéa les informations permettant à cette dernière de remplir les obligations de communication définies à ce même alinéa. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de cette communication ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale est informée des opérations mentionnées à cet article. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-18-2. - Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c ci-dessous à l'Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans un délai déterminé par un décret en Conseil d'Etat, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres d'une personne faisant appel public à l'épargne ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liées, lorsque ces opérations sont réalisées par :
« a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;
« b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;
« c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b .
« Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à l'émetteur, lors de la déclaration à l'Autorité des marchés financiers prévue au premier alinéa, une copie de cette déclaration. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de la communication à l'Autorité des marchés financiers ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale est informée des opérations mentionnées au présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous vous présentons un amendement de réécriture de l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier comportant quatre dispositions.
La première fait peser sur les seules personnes physiques l'obligation de déclaration et de transmission à l'AMF des transactions réalisées sur les titres d'une personne faisant appel public à l'épargne, personne à laquelle elles sont liées.
La question, principalement d'ordre juridique, qui est ici posée, monsieur le ministre, notamment à la demande de certaines entreprises, est de savoir si les émetteurs, dans l'acte de transmission des informations qu'ils reçoivent et qu'ils doivent répercuter à l'AMF, engagent leur responsabilité à leur propre niveau.
L'obligation que fait peser la directive s'adresse bien aux personnes physiques définies par le texte. Le Gouvernement suggère que les déclarations des personnes physiques transitent par l'entreprise qui, en quelque sorte, les centralise, à charge pour elle d'effectuer le basculement de ces informations vers l'AMF.
La commission sera bien entendu très attentive à votre réponse, monsieur le ministre, sur ce sujet de l'éventuelle responsabilité des émetteurs, sachant que, selon notre lecture, le texte strict de la directive se satisferait parfaitement d'une déclaration directe par les personnes physiques à l'AMF.
Par ailleurs, l'amendement n° 6 rectifié tend à réorganiser, de manière à notre avis plus lisible, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, afin de bien distinguer les trois catégories de personnes soumises à l'obligation de déclaration des transactions. Il s'agit en premier lieu des dirigeants sociaux, en deuxième lieu des responsables de haut niveau exerçant un pouvoir de décision sur la stratégie et l'évolution de l'émetteur et qui disposent également - les deux critères étant cumulatifs - d'un accès régulier à des informations privilégiées sur cet émetteur et, en troisième lieu, des personnes entretenant des liens personnels étroits avec les personnes relevant elles-mêmes des deux catégories précédentes.
Enfin, notre amendement introduit quelques précisions. D'une part, l'information privilégiée détenue par les personnes soumises à l'obligation de déclaration doit concerner « directement ou indirectement » l'émetteur, conformément à la lettre de la directive. D'autre part, il convient de viser le règlement général de l'AMF.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa (2°) de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ... ° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa rédigé comme suit :
« ... ) les détenteurs des quinze plus importants plans d'options donnant droit à la souscription d'actions ; »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'article 3 modifie l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, lui-même introduit par la loi de sécurité financière, afin d'étendre l'obligation d'information sur les opérations que les dirigeants réalisent sur les titres de leur société.
On peut s'étonner que, moins de deux ans après l'adoption de la loi de sécurité financière, et alors même que la directive « Abus de marché » était déjà adoptée, la modification des mesures de transposition soit aujourd'hui nécessaire. Le Gouvernement n'était, semble-t-il, pas allé assez loin !
A ce titre, je souhaite souligner que, lors de la discussion de la loi de sécurité financière au Sénat, le Gouvernement et sa majorité avaient rejeté plusieurs de nos amendements justement destinés à étendre les obligations de publicité des transactions afin de renforcer la transparence sur la rémunération des dirigeants.
Dans le même esprit, nous vous proposons aujourd'hui d'étendre l'obligation d'information aux titulaires des plans d'options les plus importants. La publicité des opérations sur titres réalisées par les titulaires des quinze plus importants plans de stock-options de l'entreprise constituerait incontestablement une source d'informations utiles pour les investisseurs, car ces opérations sont particulièrement révélatrices de la santé de l'entreprise.
Mes chers collègues, jour après jour, nous en apprenons de plus en plus sur les différentes formes de rémunération des dirigeants d'entreprise, qu'il s'agisse de bonifications pour la retraite ou de primes diverses et variées. Dans ces conditions, tout ce qui peut contribuer à informer plus largement le marché est de nature à garantir une certaine transparence et à accroître la confiance des investisseurs, notamment dans le fonctionnement et la gouvernance des entreprises.
Cet amendement nous semble constituer une réponse au souhait émis par bon nombre d'observateurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 13 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement ne nous a pas semblé utile, et cela pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il convient de rappeler que la déclaration prévue porte non seulement sur les titres de l'émetteur, mais également sur les instruments financiers liés, ce qui englobe bien l'exercice des options.
En deuxième lieu, le champ de la déclaration couvre les dirigeants sociaux et les responsables qui, de manière cumulative, ont un pouvoir de décision sur la stratégie et l'évolution de l'émetteur et disposent d'un accès régulier à des informations privilégiées le concernant.
En troisième lieu, il convient de rappeler les dispositions préexistantes du code de commerce prévoyant un rapport spécial pour informer chaque année les actionnaires des stock-options consenties, d'une part, aux mandataires sociaux, d'autre part, aux dix salariés non mandataires dont le nombre d'options consenties est le plus élevé. Par ailleurs, le même article du code de commerce prévoit ladite information sur le nombre et le prix des actions souscrites ou achetées durant l'exercice par lesdites personnes lorsqu'elles lèvent leurs options.
Notre collègue François Marc nous propose une rédaction qui aurait pour effet apparent d'augmenter le nombre des personnes devant fournir chaque année aux actionnaires cette information nominative, pour le passer de dix à quinze. La commission a cependant estimé qu'il y avait de fortes chances pour que, dans la très grande majorité des cas, les personnes visées par l'amendement entrent d'ores et déjà dans le champ de la déclaration aux termes de la directive, en tant que responsables ayant tout à la fois pouvoir de décision sur la stratégie et accès aux informations privilégiées.
Au terme de cette analyse, la commission a prévu de demander le retrait d'un amendement qui lui semble inutile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 6 rectifié et 13?
M. Thierry Breton, ministre. L'amendement n° 6 rectifié comporte deux parties ; la première concerne les déclarants.
Cette démarche va dans le sens de la clarté et de la transparence, et le Gouvernement ne peut qu'y être sensible. Cependant, l'amendement risque aussi de complexifier quelque peu le rôle non seulement du président, du directeur général et des mandataires sociaux, mais aussi des cadres dirigeants et, d'une façon plus générale, de leurs proches, des membres de leur famille vivant sous le même toit, qu'ils s'agisse de leurs enfants, de leur conjoint, ou de leur compagne ou compagnon s'ils sont pacsés...
Encore une fois, le Gouvernement souscrit sans réserve à la démarche entreprise, dont la nécessité est avérée, mais, face au risque de rendre plus complexe encore la procédure, il entend introduire une petite nuance.
En effet, monsieur le rapporteur, le Gouvernement comprend parfaitement que les émetteurs soient soucieux de ne pas voir leur responsabilité appelée quand ils n'ont pas été avertis : c'est bien l'objectif de la correction apportée au texte de la loi de sécurité financière du 1er août 2003, qui prévoit désormais explicitement que les déclarants doivent transmettre à l'émetteur l'ensemble des informations qui lui sont nécessaires pour s'acquitter de ses obligations. Il ne s'agit donc pas de dire que l'émetteur sera responsable : le responsable est le déclarant, mais il a semblé au Gouvernement que, pour rendre la démarche plus aisée, il était préférable de transmettre l'information, non pas directement à l'AMF, mais via l'émetteur.
C'est la petite nuance que souhaite apporter le Gouvernement, monsieur le rapporteur. Elle ne changera pas fondamentalement le dispositif, mais facilitera son application en précisant bien que la responsabilité sera celle du déclarant et non pas celle de l'émetteur, étant entendu, par ailleurs, qu'un décret en Conseil d'Etat devra préciser l'ensemble des modalités d'application.
En ce qui concerne l'amendement n° 13, je souscris pleinement aux propos du rapporteur et j'en souhaite le retrait.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, le souci de la commission était, dans la première partie de l'amendement n° 6 rectifié, de faire en sorte que les responsabilités soient claires : l'obligation incombe aux personnes physiques et non pas, dans le cadre défini par la directive, aux émetteurs.
Les émetteurs effectuent, selon l'approche du Gouvernement, une tâche purement matérielle de recensement et n'exercent pas de contrôle sur les déclarations. Cela n'affecte donc en rien l'intégrité de l'information issue des personnes physiques elles-mêmes.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, si, comme vous nous l'avez confirmé, la responsabilité pleine et entière demeure bien celle des personnes physiques sur qui pèse l'obligation de transmission des informations, la commission - je le dis sous le contrôle de son président - ne voit pas d'inconvénient à rectifier son amendement n° 6 rectifié pour donner satisfaction au Gouvernement sur la transmission des informations via l'émetteur, tout en conservant les autres dispositions prévues dans l'amendement, essentiellement de clarification.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 6 rectifié bis de M. Marini, au nom de la commission, qui est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-18-2 -Toute personne faisant appel public à l'épargne communique à l'Autorité des marchés financiers et rend publics dans un délai déterminé par un décret en Conseil d'Etat les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de leurs titres ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, réalisés par :
« a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;
« b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;
« c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b .
« Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à la personne mentionnée au premier alinéa les informations permettant à cette dernière de remplir les obligations de communication définies à ce même alinéa. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de cette communication ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale est informée des opérations mentionnées au présent article."
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 6 rectifié bis ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 6 rectifié bis.
Mme Nicole Bricq. Cette discussion prolonge le débat que nous avons eu en commission des finances, au cours duquel tous les intervenants avaient fait part de leurs interrogations.
Si j'ai bien compris l'esprit et la lettre de la directive que nous transposons, il s'agit de confier désormais la responsabilité de la communication de l'information, non pas aux sociétés, mais aux personnes physiques.
Alors que rapporteur nous avait indiqué qu'il modifierait la rédaction initiale de son amendement, j'ai constaté que le seul changement concernait, non pas le règlement de l'AMF, mais, au premier alinéa, le délai déterminé par un décret en Conseil d'Etat. Sur ce point, nous sommes d'accord.
Toutefois, compte tenu de la complexité du débat, les craintes exprimées en commission des finances ne sont pas véritablement levées. En l'occurrence, le rapporteur a satisfait à la condition posée par le Gouvernement pour que l'amendement lui agrée, en ajoutant un intermédiaire en la personne de l'émetteur, même s'il n'est, en quelque sorte, qu'une « boîte aux lettres ».
Franchement, je ne crois pas que l'échange rapide que nous venons d'avoir ait permis de lever les interrogations que nous avons, les uns et les autres, formulées en commission des finances.
De surcroît, nous ne mesurons pas la portée de cet amendement. En effet, nous craignons que, croyant bien faire en précisant que la responsabilité de la communication de l'information incombe aux personnes physiques et non plus aux sociétés, nous n'exonérions de ce fait les sociétés de l'obligation de communication.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Pour la clarté de notre débat, je voudrais rappeler, chère collègue, que la directive fait peser l'obligation sur les personnes physiques : il n'y pas d'obligation qui pèse sur les émetteurs.
Le Gouvernement estime toutefois, et nous l'avons suivi sur ce point, que, pour des raisons de bonne gestion de l'information, il est préférable que cette information, délivrée par les personnes physiques, transite par l'émetteur. Ce n'est qu'un transit et, dès lors, la commission n'a pas vu d'objection à franchir cette étape supplémentaire. Cela étant, les émetteurs ne sont pas, je le répète, soumis à la disposition communautaire, cette dernière ne créant pas à leur charge, dans le cadre qui nous occupe actuellement, d'obligations spécifiques.
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et l'amendement n° 13 n'a plus d'objet.
Article 4
Au même code, il est créé un article L. 621-18-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 621-18-4. - Tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé établit, met à jour et tient à la disposition de l'Autorité des marchés financiers, dans les conditions prévues par le règlement général de cette dernière, une liste des personnes travaillant en son sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant cet émetteur ainsi que des tiers ayant accès à ces informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec ce dernier.
« Dans les mêmes conditions, ces tiers établissent, mettent à jour et tiennent à la disposition de l'Autorité des marchés financiers une liste des personnes travaillant en leur sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant l'émetteur, ainsi que des tiers ayant accès aux mêmes informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec eux. »
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, après les mots :
un marché réglementé
insérer les mots :
ou non
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Les émetteurs doivent informer l'Autorité des marchés financiers des conditions de réalisation des transactions ayant lieu sur leurs titres, et lui fournir notamment une liste des personnes ayant eu accès à des informations n'incombe qu'aux émetteurs dont les « titres sont admis aux négociations sur les marchés réglementés ». La limitation du champ d'application de cet article n'est pas légitime, et cela pour trois raisons.
Premièrement, je ne ferai que citer l'article 9 de la directive « Abus de marché », qui dispose que la sanction du comportement d'initié s'applique « également à tous instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé d'un Etat membre ».
Deuxièmement, je reprendrai le considérant 2 de la directive du 29 avril 2004, qui précise : « Il se peut toutefois, pour des raisons structurelles, que des pratiques observées sur des marchés non réglementés soient moins transparentes que des pratiques similaires sur des marchés réglementés. » Dès lors, l'extension du contrôle est préconisée.
Troisièmement, je reviens à la transposition de la directive MIF, que j'ai déjà évoquée précédemment, pour souligner qu'elle supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés.
Toutes ces raisons nous conduisent naturellement à préconiser, à partir des mêmes arguments que ceux que nous avons développés précédemment, une extension du champ du contrôle aux marchés non réglementés et la prise en compte de tout ce qui n'est pas listé.
J'imagine que les arguments qui m'ont été opposés tout à l'heure seront repris, mais je tenais néanmoins à rappeler notre exigence et notre attente sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. C'est un amendement de coordination, identique dans son esprit à l'amendement n° 11 qui a été défendu tout à l'heure par M. Marc et que ce dernier a accepté de retirer en attendant la discussion, dans quelques semaines, du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. La commission escompte de notre collègue le même geste pour le présent amendement, afin de nous permettre de reprendre le débat dans ce nouveau contexte.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?
M. François Marc. Je le retire, monsieur le président, au bénéfice des mêmes engagements que ceux qui ont été pris à l'occasion du retrait de l'amendement n° 11.
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, après les mots :
admis aux négociations sur un marché réglementé
insérer les mots :
, ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée
II. - Dans le premier et dans le deuxième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, après les mots :
informations privilégiées concernant
insérer (deux fois) les mots :
directement ou indirectement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour transposer la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, et notamment celles tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés d'instruments financiers.
Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement visant à la suppression de l'article 5 du présent projet de loi procède d'une position de principe.
La lecture de l'exposé des motifs relatif à l'article 5 du projet de loi est édifiante : ce serait pour des raisons de commodité technique, si l'on peut dire, qu'il nous serait proposé d'autoriser le Gouvernement à procéder par la voie de l'article 38 de la Constitution pour transposer une directive « complexe » et très technique.
C'est oublier un peu vite que nous avons pu transposer les précédentes directives sur ces questions essentielles par la voie de la discussion de projets de loi en bonne et due forme. Je pense, par exemple, à la loi de modernisation des activités financières ou à la loi de sécurité financière.
Par conséquent, rien ne justifie de procéder de manière différente à l'avenir, d'autant moins que le caractère technique des lois que je viens de citer constituait de manière indiscutable l'un de leurs aspects essentiels.
Enfin, si, en matière financière, nous ne sommes plus amenés à voter que des textes de transposition - ce sera à nouveau le cas avec la directive « Assurances » que nous examinerons en juin prochain -, et à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, le risque est grand d'une dénaturation de l'activité parlementaire sur ces questions.
C'est sous le bénéfice de ces observations que j'invite le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 15.
M. François Marc. Cet amendement est fondamental parce qu'il touche véritablement à une question de principe.
Depuis le XVe siècle, l'organisation de la Bourse en France repose sur le système de centralisation des ordres. Le mode de formation du prix sur un marché réglementé français protège ainsi les droits de l'investisseur individuel, consommateur de produits financiers et souvent profane, car il offre la garantie du juste prix pour tous les investisseurs, quels que soient leur taille ou le volume des titres qu'ils achètent.
Avec la directive MIF sur les marchés d'instruments financiers, cette organisation est en train de disparaître au profit des investisseurs professionnels et au détriment de la transparence. En effet, en mettant fin au monopole des marchés réglementés, la directive MIF augmente l'opacité des marchés financiers et introduit une rupture. Elle doit donc être accompagnée de mesures garantissant la transparence pour tous et le respect de l'égalité de traitement des actionnaires.
La directive MIF soulève des problèmes de fond sur la nature des marchés financiers de demain. Si, comme on le comprend des principes mêmes de la directive « Abus de marché », l'Europe veut se doter de marchés financiers garantissant la transparence et l'intégrité des transactions, il importe de prévoir que la transposition de la directive MIF ne puisse pas avoir lieu sans que ces principes soient effectivement garantis.
Mais comment garantir, par exemple, que les prix auxquels les transactions hors marché auront lieu seront communiqués à tous les intervenants sur le marché au même moment et dans les mêmes conditions ?
Cette question est fondamentale en ce qui concerne les systèmes internes, ou plateformes internalisées, car ils échappent à la centralisation et à un encadrement juridique clair. En effet, ils ne sont que mollement soumis à l'obligation de transparence prénégociation que prévoit la directive, et encore, c'est l'intervention de la France qui a permis l'instauration de ce régime juridique a minima.
S'agissant de la transposition nationale de cette directive, il est nécessaire de permettre au Parlement français d'envisager les modalités concrètes de l'obligation de transparence prénégociation, afin de renforcer, au moins en France, l'efficacité du dispositif.
On peut s'interroger aussi sur les modalités d'accès de tous les investisseurs à cette information prénégociation : comment offrir à tous les investisseurs le même accès à l'information si celle-ci est payante, excluant de fait les investisseurs les moins fortunés ?
Enfin, quelles sont les modalités de contrôle du respect par les entreprises d'investissement de la règle d'une meilleure exécution ?
Toutes ces questions, fondamentales, méritent un débat au Parlement et ne peuvent être réglées par le seul pouvoir réglementaire. Seule la loi peut fixer les obligations de transparence et le respect de l'égalité de traitement des investisseurs.
Il importe donc de mettre en place un système juridique plus protecteur de l'information et du principe d'égalité de traitement des investisseurs.
C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l'article 5 qui prive les parlementaires d'un champ d'intervention pourtant essentiel.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Les articles L. 421-12 et L. 421-13 du même code sont abrogés.
II. - Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour transposer la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés financiers, et notamment celles tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés financiers. Dans ce cadre, il veille plus particulièrement à définir les principes et modalités garantissant la meilleure exécution possible des ordres et la fluidité de leur circulation entre les infrastructures de marché, la prévention des conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement, et une définition équitable des dérogations accordées à la transparence des négociations.
Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
III. - Les dispositions du I sont applicables à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance mentionnée au II.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8 et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 3 et 15.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous touchons à l'aspect le plus intéressant et le plus crucial du présent texte.
Certains d'entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pourront regretter les dispositions de la directive-cadre sur les marchés d'instruments financiers et l'abandon du principe de concentration.
Mais le choix a été fait et il ne sert à rien de pleurer sur le lait versé ! Autrement dit, quand le vin est tiré, il faut le boire !
Par conséquent, l'obligation de transposition s'impose à nous et il nous faut raisonner dans le nouveau contexte qui est désormais le nôtre. A défaut, nous nous placerions à l'extérieur du droit et plus particulièrement du droit communautaire, compte tenu de la hiérarchie des normes et des principes qui régissent aujourd'hui le fonctionnement de l'Union européenne.
Donc je le répète, mes chers collègues, il ne sert à rien de regretter ce qui figure d'ores et déjà dans la directive-cadre.
Certes, beaucoup d'entre nous auraient pu souhaiter une véritable mobilisation sur ce sujet de la part des acteurs du jeu financier en Europe continentale. Mais la vérité est que ces derniers étaient extrêmement divisés, certains grands établissements financiers, français ou continentaux, ayant considéré que leurs intérêts se situaient plus du côté de la vision dite anglo-saxonne des choses que du côté du strict maintien du principe de concentration des ordres sur les marchés réglementés.
Au contraire, sur un autre dossier, celui des normes comptables IAS, ou International Accounting Standards, nous avons assisté à une mobilisation des acteurs de la communauté financière et bancaire de l'Europe continentale, qui a permis au moins de différer l'adoption de la norme qui semblait la plus dangereuse et propice à une volatilité accrue des valeurs et des cours des entreprises du secteur financier.
S'agissant des marchés d'instruments financiers, ne nous voilons pas la face, il ne s'est pas produit une telle conjonction d'intérêts, une telle expression forte et unie des professions financières de l'Europe continentale.
Les Etats ont fait de leur mieux. A mon avis, ils auraient pu faire encore mieux s'ils avaient reçu le soutien d'une profession unie et inspirée par une vision plus forte des groupes financiers d'Europe continentale.
Aujourd'hui, nous avons une directive-cadre : il faut la transposer. Ensuite, viendront les mesures d'application.
Mes chers collègues, je vous interroge en toute transparence : quelle est la position la plus responsable ? Quelle est la meilleure façon de procéder ? Est-ce celle qui consiste à se voiler la face en attendant que tout soit achevé pour n'avoir plus qu'à ajuster les virgules ? Ou bien est-ce celle, à laquelle le Gouvernement nous invite, qui consiste à prendre acte de ce qui a été décidé, tout en exigeant le respect d'un certain nombre de principes directeurs dans la définition de la transparence ?
La solution de facilité pour le Gouvernement eût certainement été de ne rien faire, de ne pas soulever le problème et d'attendre d'arriver au terme du dispositif de la comitologie.
Or le Gouvernement a estimé que, s'agissant de la transposition de directives d'ordre financier, il lui était impossible de ne pas nous convier à ce débat, ce qui est tout à son honneur, et en particulier au vôtre, monsieur le ministre. Le Parlement est, en effet, susceptible de répondre à votre attente en vous faisant part de ses préoccupations en la matière.
C'est d'ailleurs ce que nous faisons lorsque, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, nous demandons au Gouvernement de tenir compte de nos observations dans les négociations de directives en cours avec nos partenaires européens.
L'amendement n° 8 vise à préciser l'encadrement du champ de l'habilitation et à vous demander, monsieur le ministre, de bien vouloir vous assurer que quatre principes s'appliqueront aux mesures de niveau 2.
Premièrement, il s'agit de préserver la circulation des ordres, en particulier les ordres à cours limité, entre les différents canaux d'exécution, dans un contexte de fractionnement de la liquidité.
Deuxièmement, il s'agit de garantir la protection de l'investisseur le moins expérimenté, c'est-à-dire du particulier, afin d'assurer un traitement équitable des investisseurs, notamment de garantir une application réelle de la règle, figurant dans la directive-cadre, de meilleure exécution des ordres.
Troisièmement, il s'agit de prévoir une définition équitable des dérogations apportées à la transparence prétransaction pour les ordres dépassant « la taille normale de marché ».
On sait que la taille normale de marché est le seuil de référence à partir duquel, au sein des systèmes internalisés, des aménagements à la transparence seront possibles. Il convient de rappeler, à ce stade, que la définition technique de la taille normale de marché est encore en cours d'élaboration par le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières.
Enfin, quatrièmement, il s'agit de prévenir les conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement, plus particulièrement des internalisateurs systématiques, afin de respecter les exigences de transparence et d'intégrité des marchés.
La commission des finances est convaincue, en son âme et conscience, que, si ces quatre principes sont respectés, la directive-cadre sera acceptable et la transparence et l'équité de fonctionnement de nos marchés financiers pourront être assurées.
Bien entendu, tout cela va se dérouler dans les mois qui viennent et nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous porterez une attention toute particulière à ce dispositif.
Par ailleurs, la commission émet bien évidemment un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 3 et 15.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?
M. Thierry Breton, ministre. Même si je comprends la nature des amendements de suppression, je veux réaffirmer ici que le Gouvernement a souhaité être le plus transparent possible à l'égard de la Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale, et je remercie M. le rapporteur des propos qu'il a tenus à cet égard.
Je rappelle que la directive qu'il s'agit de transposer par ordonnance comporte soixante-treize articles. Comme M. le rapporteur l'a relevé, tous les industriels de la place n'ont pas réagi.
Sur la procédure, je crois sincèrement que celle que nous utilisons est la plus réaliste possible. En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement sera à nouveau conduit à débattre de ce sujet lors de la ratification de l'ordonnance. Il pourra d'autant mieux contrôler l'habilitation qu'il aura donnée au Gouvernement qu'il disposera également des textes réglementaires.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, il y sera défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 8, je fais miens les propos de M. le rapporteur qui souhaite abroger, par voie législative, à l'échéance de la transposition, le principe de centralisation des ordres sur les marchés réglementés.
Je comprends, monsieur le rapporteur, que vous teniez au fait que le Parlement vote lui-même cette disposition centrale du texte. L'initiative est judicieuse, car elle est de nature à instaurer un débat démocratique sur un point essentiel, j'y insiste, de cette partie du texte. J'y suis donc tout à fait favorable.
Par ailleurs, la commission souhaite préciser le contenu de l'ordonnance. Le Gouvernement partage, là encore, totalement ses préoccupations.
En matière de transparence, il sera très attentif aux mesures de niveau 2 que la Commission européenne proposera dans les mois qui viennent au Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières.
Cela dit, les règles d'organisation et de conduite applicables aux entreprises d'investissement, comme les règles de transparence en matière de négociation, relèvent d'ores et déjà du pouvoir réglementaire de l'AMF. Les dispositions complémentaires seront donc principalement prises à ce niveau.
Sous réserve de cette précision, le Gouvernement souscrit pleinement à votre amendement, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 3 et 15.
M. François Marc. J'ai bien écouté les explications qui ont été fournies, mais elles ne m'ont pas convaincu, loin de là.
M. le rapporteur se réjouit du fait que le Gouvernement nous convie à un débat. En effet, rien n'obligeait le Parlement à examiner cette disposition dès aujourd'hui puisque la date butoir pour transposer la directive est encore lointaine.
Toutefois, je considère que, pour un débat, celui que l'on nous propose est quelque peu tronqué : envisager de traiter par ordonnance soixante-treize articles dont certains sont d'une importance majeure ne me semble pas être la meilleure façon d'organiser le « débat ».
Par ailleurs, monsieur le ministre, certaines questions demeurent, notamment sur l'efficacité du dispositif et la transparence des négociations. Si l'information est payante, comment va-t-on garantir son accès ? Chacun disposera-t-il de la même information au même moment ? Le contrôle du respect par les entreprises se fera-t-il vraiment sur des bases satisfaisantes ? Ce sont, à mon avis, autant de questions fondamentales auxquelles vous n'avez pas répondu.
Or, s'agissant de transactions de dizaines de milliards d'euros, on peut penser qu'il est nécessaire de prévoir des dispositifs très précis.
Comme je n'ai pas obtenu d'éléments de réponse clairs, je ne puis que maintenir mon amendement qui prévoit que le Parlement examine dans le détail, à l'occasion d'un projet de loi, les mesures nécessaires à la transposition de la directive.
La manière dont use ici le Gouvernement est frustrante pour le Parlement, et elle ne contribuera sans doute pas à l'efficacité que l'on aurait pu espérer s'agissant d'un tel champ financier.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 15.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
Article 6
La présente loi, à l'exception de son article 2, est applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Est ratifiée l'ordonnance n° 2004-1201 du 12 novembre 2004 relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier, prise en application de l'article premier de la loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
II. - Est ratifiée l'ordonnance n° 2005-303 du 31 mars 2005 portant simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison, prise en application de l'article 34 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, sous réserve de la disposition ci-après :
Le 1° de l'article premier de l'ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Le transfert de propriété d'instruments financiers mentionnés aux 1, 2 et 3 du I de l'article L. 211-1 et de tous les instruments financiers équivalents émis sur le fondement de droits étrangers, lorsqu'ils sont admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison d'instruments financiers, mentionné à l'article L. 330-1, résulte de leur inscription au compte de l'acheteur, à la date et dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à compléter le processus de transposition des directives communautaires.
En l'occurrence, la commission préconise que soit ratifiée l'ordonnance du 12 novembre 2004 relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier.
Je veux dire à M. Marc que, dans ce domaine, qui est, lui aussi, sensible, la transposition de la directive a été faite au moyen d'une ordonnance ; il convient à présent de la ratifier.
Par ailleurs, la commission propose de ratifier explicitement par voie législative l'ordonnance du 31 mars 2005 relative à la simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers.
Il s'agit, à notre avis, d'une réforme importante pour accroître l'attractivité de notre droit financier et faciliter le développement du futur compartiment Alternext, marché non réglementé d'Euronext dédié aux valeurs moyennes, qui devrait être prochainement lancé.
Mes chers collègues, la commission vous propose donc de ratifier ladite ordonnance tout en y apportant une modification. Je veux insister sur ce point.
En effet, en termes de procédure, je tiens à rappeler que, lorsque le Parlement habilite le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, il ne renonce en aucune manière à tous ses pouvoirs. Dans le cadre d'une loi de ratification, en effet, il lui est loisible d'amender une ordonnance ; il y a d'ailleurs des précédents en la matière.
En l'occurrence, il s'agit plus précisément ici d'étendre le dispositif aux titres régis par un droit autre que le droit français. C'est une disposition raisonnable, conforme, d'une façon générale, à nos engagements européens, qui est également de nature à valoriser notre position dans le cadre des discussions en cours en matière de règlement-livraison des titres.
Il convient d'améliorer encore la position de la France dans une discussion internationale, notamment communautaire, puisqu'un projet de directive est actuellement en cours d'examen sur ce sujet.
Or, assimiler les titres relevant de droits étrangers aux titres relevant du droit français serait de nature à améliorer la position de notre pays en matière de négociation tant à l'égard du projet de directive sur le règlement-livraison qu'à l'égard de la convention de La Haye, qui est actuellement en cours de finalisation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, en ce qu'il vise à autoriser la ratification des deux ordonnances, et, compte tenu des explications très détaillées de M. le rapporteur, est également favorable à l'ensemble du dispositif proposé.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 18, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-209 du code de commerce est ainsi modifié :
I. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les actions achetées dans le cadre des finalités et selon les modalités définies par l'assemblée générale ne peuvent être réaffectées à d'autres finalités sans son autorisation.
II. - Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le nombre d'actions acquises par la société en vue de la conservation et de la remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de fusion, de scission ou d'apport ne peut excéder 5 % de son capital.
« Les actions ainsi acquises par la société ne peuvent être affectées à la finalité prévue au précédent alinéa dans un délai de trois mois à compter de leur acquisition. Les actions non utilisées pour cette fin dans un délai de vingt-quatre mois à compter de leur acquisition sont annulées. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, dans une décision du 22 mars dernier, l'Autorité des marchés financiers a accepté, comme relevant d'une pratique de marché admise, l'acquisition d'actions propres par une société aux fins de conservation et de remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'opérations de croissance externe.
Lesdites pratiques de marché admises sont visées par le dispositif communautaire relatif à l'abus de marché. Définies par les autorités nationales de régulation, elles permettent aux émetteurs de bénéficier d'une présomption simple de légitimité au regard de l'abus de marché.
Or, il convient de rappeler l'origine de la législation française en matière de rachat d'actions. Cette pratique s'est répandue très rapidement dans les marchés financiers, peut-être même trop aux yeux de certains analystes, de certains commentateurs, de certains économistes, mais elle est très récente.
En effet, c'est en 1998 que le premier jalon sur ce chemin a été posé avec le rapport de place confié à M. Bernard Esambert.
Le Parlement avait accepté les régimes de rachat d'actions à l'occasion de la discussion d'un texte de 1998, qui étendait les dispositifs préexistants, lesquels n'admettaient que la régularisation de cours, c'est-à-dire des acquisitions réalisées dans le cadre de programmes assez strictement définis et pour de faibles volumes.
Dans son rapport de janvier 1998 sur la réforme du rachat d'actions, M. Bernard Esambert proposait une certaine libéralisation de ce régime, mais insistait sur la nécessité d'éviter les pratiques de contournement et d'assurer la transparence des opérations :
« La nouvelle législation devrait permettre aux entreprises qui décident de ne pas les annuler d'utiliser les titres rachetés notamment pour procéder à une acquisition ou à un échange par remise de titres comme c'est le cas aux Etats-Unis. Cette possibilité pourrait cependant faire craindre certains abus : remise des titres à des sociétés amies, risque de dilution pour les actionnaires, possibilité de replacer les titres sur le marché sans passer par la procédure protectrice d'émission [...], financement d'acquisitions sans respecter la procédure des apports en nature.
« Afin de supprimer ces risques, il serait nécessaire que la plus grande transparence existe quant au sort des titres rachetés. C'est pourquoi l'entreprise devrait être contrainte d'informer les actionnaires et le marché de l'exacte situation des titres autodétenus, et cela régulièrement. »
Au regard des propositions formulées dans ce rapport, la décision précitée de l'AMF paraît trop souple. En effet, elle est de nature à entériner certaines pratiques controversées des émetteurs et tend à s'écarter des objectifs du règlement européen de 2003, adopté dans le cadre du dispositif communautaire sur l'abus de marché.
Certains épisodes de la vie du marché financier, notamment celui que j'ai évoqué au cours de la discussion générale, ont attiré notre attention. C'est pourquoi la commission des finances propose de renforcer l'encadrement des rachats d'actions selon trois axes.
Premièrement, il s'agit de faire en sorte que les assemblées générales des sociétés concernées respectent le principe de constance et de cohérence.
En effet, les actionnaires votent un programme de rachat d'actions en vue de la réalisation d'un objectif parmi les quatre qui sont admissibles : il faut s'y tenir et rendre compte sur l'exécution. Les rachats d'actions prévus pour chaque objectif ne doivent pas être commodément réaffectés à un autre objectif.
En d'autres termes, les objectifs autorisés par l'assemblée générale ne sont pas fongibles et toute réaffectation suppose la convocation d'une nouvelle assemblée générale des actionnaires, laquelle, en la matière, reste seul juge. J'insiste, monsieur le ministre, sur l'opportunité de valoriser ici le rôle des actionnaires délibérant en assemblée générale.
Deuxièmement, il s'agit d'introduire un sous-plafond de 5 % du capital de l'émetteur pour les opérations de rachat d'actions destinées à la croissance externe, au sein du plafond global de 10 % du capital de l'émetteur prévu pour les rachats d'actions.
Troisièmement, enfin, et conformément aux préconisations du rapport Esambert, il s'agit de prévoir que les actions ainsi rachetées ne pourront servir au financement d'une opération de croissance externe que dans un délai de trois mois à compter de leur acquisition, et ce afin d'éviter les aléas de marché.
En outre, si aucune opération de croissance externe n'a été réalisée dans un délai de deux ans et si l'assemblée générale n'a pas décidé de réutiliser les titres acquis pour une autre finalité, ces titres seront purement et simplement annulés. Ainsi cet autocontrôle qui ne dit pas son nom ne pourra-t-il plus prospérer.
Tel est, monsieur le ministre, le raisonnement sur lequel se fonde la commission des finances pour présenter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, cet amendement vise à encadrer de façon plus stricte les rachats d'actions, en particulier ceux qui ont pour objectif de permettre à la société d'accumuler des titres en vue d'un paiement ou d'un échange à l'occasion d'une opération de fusion-acquisition. Plus précisément, il tend à ce que la raison initiale soit préservée tout au long de la durée de ces titres.
Depuis l'entrée en vigueur du règlement européen qui a permis l'application de la directive « Abus de marché », les conditions encadrant les rachats d'actions ont été revues et, dans l'ensemble, plutôt durcies. C'était nécessaire, vous l'avez rappelé, même si, comme vous, je pense que des améliorations sont encore possibles.
Monsieur le rapporteur, je comprends votre souci d'apporter des solutions à des problèmes plus particuliers, qui sont, vous l'avez rappelé, délicats à traiter et qui ont soulevé un certain nombre de difficultés dans le passé.
Pour autant, faut-il empêcher en toutes circonstances la réaffectation de titres achetés en vue d'un objectif vers un autre objectif qui aurait été approuvé par l'assemblée générale dans le même programme de rachat ?
Je comprends bien la nature de la question que vous posez, mais il me paraît nécessaire de prendre le temps d'en rediscuter avec les différents acteurs concernés dans le cadre d'une concertation que nous pourrions mener dans les semaines à venir.
En outre, il semble utile que ces problèmes importants, même s'ils restent spécifiques, soient - lorsque c'est possible - résolus par l'AMF, qui a notamment été créée pour élaborer des doctrines claires, rigoureuses, pragmatiques et évolutives.
Vous avez fait allusion à certaines décisions, monsieur le rapporteur ; je me propose d'examiner, dans les semaines à venir, comment elles peuvent évoluer, de façon à pouvoir éventuellement élargir les règlements dans le sens que vous indiquez.
Il est parfaitement naturel que le législateur exprime ses préoccupations, ainsi que vous venez de le faire devant la Haute Assemblée, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement entend réfléchir au problème que vous avez soulevé. J'ai ainsi l'intention de rencontrer le président de l'AMF, je le répète, et je ne manquerai pas de vous associer évidemment à ces discussions. Ainsi pourrons-nous de nouveau évoquer les possibilités d'évolution de la réglementation, si nous n'aboutissons pas d'ici à un mois.
Puisque l'occasion nous est donnée de nous revoir prochainement, monsieur le rapporteur, le Gouvernement vous propose de retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au terme de la discussion de ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.
Je me réjouis d'abord de la qualité d'écoute mutuelle entre le Gouvernement, le Sénat et sa commission des finances sur des textes certainement peu accessibles au plus grand nombre.
Je ne voudrais pas que notre collègue François Marc, qui est un spécialiste en ces matières, nourrisse une quelconque frustration au motif que délégation aurait été donnée au Gouvernement de transposer par ordonnance des dispositions largement techniques. Je ne doute pas que le Gouvernement saura associer la commission des finances aux différentes phases préparatoires de cette ordonnance.
En ce qui concerne l'amendement n° 18, M. le rapporteur a exprimé avec force ses préoccupations : les membres de la commission des finances et moi-même les partageons totalement.
Sans doute est-il risqué de couper court à des exercices de virtuosité, même s'ils n'ont pas contribué à renforcer la réputation de la place de Paris. Au demeurant, nous pouvons considérer que, dans une période de trouble, les sociétés françaises et les autorités de marché ont réussi à maintenir un climat de confiance. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a également su prendre à temps les bonnes dispositions : ainsi, la loi de sécurité financière a largement jalonné le parcours, ce qui a considérablement simplifié la transposition de la directive « Abus de marché ».
M. François Marc. Et Jospin ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je remercierai également Philippe Marini, qui a su trouver les bonnes formulations pour parfaire votre texte, monsieur le ministre.
La discussion a été particulièrement riche. Elle est pour nous extrêmement prometteuse, puisque c'était, monsieur le ministre, la première fois que vous défendiez un projet de loi devant le Parlement. C'est un bon début, et nous sommes déjà impatients de vous retrouver dans quelques semaines pour l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Je ne sais quelle décision prendra M. le rapporteur sur la question du rachat d'actions par une société en vue de financer des projets de croissance externe. Sans doute est-il possible et opportun d'accorder au Gouvernement un temps de réflexion en la matière.
Monsieur le ministre, rendez-vous est pris sur le projet de loi que vous avez fait approuver en conseil des ministres. Mais rendez-vous est également pris, à l'issue des discussions d'aujourd'hui, sur ce point particulier. Vous l'aurez compris : nous ne vous lâcherons pas ! (Sourires.)
Il sera temps, au mois de juin prochain, de traduire notre volonté en actes. Il importe, en effet, de rappeler que c'est l'assemblée générale des actionnaires qui décide et que les dirigeants doivent se conformer aux délibérations prises à cette occasion.
J'espère que le Sénat votera ce projet de loi, qui contribue efficacement à renforcer la transparence, la sécurité et la confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Non, je le retire, monsieur le président, dans l'esprit qu'a indiqué le président de la commission des finances et qui est également celui de M. le ministre, ainsi que sa réponse en témoigne.
Nous travaillerons donc ensemble, afin d'élaborer un dispositif alliant à la fois rigueur et compétitivité. Nous sommes, en effet, toujours confrontés à la difficulté de concilier les deux : il ne faut pas que la rigueur devienne un obstacle à la compétitivité !
A l'inverse, la place de Paris n'est pas de celles qui fondent leur réputation sur une souplesse qui irait au-delà de ce que nous sommes prêts à admettre. Il convient donc de trouver l'équilibre. Mais nous avons tout à fait confiance, monsieur le ministre, dans le travail partenarial qui va se poursuivre.
Au moment d'achever l'examen de ce texte, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos proches collaborateurs, qui nous ont permis d'avancer de manière aussi utile. C'est très certainement de bon augure pour les textes que nous serons amenés à examiner avec vous dans les prochaines semaines !
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. François Trucy, pour explication de vote.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi illustre les apports, mais aussi la complexité de la construction européenne. Il s'inscrit dans un long processus d'harmonisation du droit boursier européen et de réalisation d'un marché unique des marchés financiers.
L'adoption de l'euro a constitué un puissant moteur d'intégration économique et financière en facilitant la circulation des capitaux, en élargissant les possibilités de placement et d'emprunt et en réduisant les coûts de financement.
La réalisation du marché intérieur des services financiers devrait permettre au moteur de l'euro de tourner à plein régime dans un cadre plus efficace, plus stable, plus sûr et plus transparent.
Le projet de loi que nous venons d'examiner s'inscrit dans ce processus d'intégration ; M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en a très bien décrit les enjeux et les apports. Ce processus reste néanmoins complexe du fait de la succession de textes européens qu'il implique, de leur contenu technique et de leurs modalités d'élaboration.
A cet égard, le rapporteur, M. Philippe Marini, a très bien souligné les spécificités et les limites du « processus Lamfalussy » dans son rapport, dont le groupe UMP salue la grande qualité. Ses observations sur le fonctionnement de cette procédure législative simplifiée nous paraissent riches d'enseignements, sur le plan européen comme sur le plan national.
Nos débats ont mis en évidence la difficulté d'élaborer et de transposer rapidement des dispositifs communautaires très techniques, mais aux conséquences concrètes non négligeables sur l'environnement juridique et financier des acteurs économiques.
Le groupe UMP souhaite formuler trois observations.
Première observation, la directive sur les abus de marché a déjà été largement transposée dans la loi de sécurité financière du 1er août 2003, puis dans le nouveau règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
Alors que l'on déplore régulièrement les retards de la France en matière de transposition des directives européennes, et ces retards sont réels, il convient de saluer la volonté du Gouvernement d'anticiper la mise en place de nouvelles mesures de contrôle et de sanction, dont la principale fut la création de l'AMF.
La deuxième observation porte sur le caractère très concret des nouvelles obligations de déclaration imposées aux intermédiaires financiers, aux dirigeants des sociétés et aux émetteurs. Ces nouvelles obligations nous paraissent indispensables pour renforcer la protection de l'épargnant et favoriser ainsi le retour de la confiance sur les marchés financiers.
Enfin, la troisième observation concerne la transposition par ordonnance de la directive relative aux marchés d'instruments financiers. Cette directive permet d'adapter le cadre juridique à l'évolution des techniques et de l'organisation des marchés financiers, mais elle ne constitue pas une fin en soi, d'autant que toutes ses mesures d'application ne sont pas encore finalisées sur le plan européen.
La nouvelle architecture des marchés financiers comporte un certain nombre de risques ; notre collègue Philippe Marini les a évoqués. Les pouvoirs publics doivent faire preuve de la plus grande vigilance, sur ce point comme sur les conditions dans lesquelles certaines sociétés procèdent au rachat de leurs propres actions, sujet opportunément abordé par le rapporteur.
Le groupe UMP est favorable à la réalisation d'un grand marché unique des marchés financiers, mais il considère qu'il ne peut y avoir de marché performant sans cadre, sans règles, sans contrôle, sans transparence. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui répond pleinement à cette préoccupation. C'est pourquoi le groupe UMP votera le texte tel qu'il résulte des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref, car les arguments qui motivent notre vote ont déjà été développés lors de l'exposé des amendements.
La discussion qui a eu lieu tout à l'heure à propos d'un amendement présenté par M. le rapporteur a démontré, s'il en était besoin, que plusieurs questions restaient en suspens. Cet amendement avait du sens, même s'il doit être réexaminé à la lumière des éléments qui ont été apportés dans le débat.
De même, les amendements que nous avons déposés étaient tout à fait adaptés aux problèmes qui se posent aujourd'hui et les arguments qui ont été avancés pour les repousser nous ont quelque peu laissés sur notre faim.
Enfin, l'article 5 de ce projet de loi - tout à fait essentiel- conduit à ôter au Parlement une partie de ses prérogatives en amont. Je sais bien que celui-ci devra valider les textes a posteriori, mais il ne sera pas véritablement consulté en amont.
Au regard des différentes questions que pose la directive MIF, il aurait été prudent de prendre le temps nécessaire - nous avons encore plusieurs mois devant nous - et qu'un projet de loi spécifique soit élaboré. Telle était la demande que j'avais formulée dans mon propos introductif. Malheureusement, il n' y a pas été donné suite.
Dans ces conditions, compte tenu de toutes les questions qui ont été soulevés à l'occasion de l'examen des différents articles de ce projet de loi et en raison du rejet des amendements que nous avons présentés, nous voterons contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite à mon tour, à la suite du président Jean Arthuis et du rapporteur Philippe Marini, de la qualité du débat.
Je souhaite remercier M. le ministre qui, à l'occasion de la présentation de ce projet de loi - le premier pour lui - nous a montré qu'il était à l'écoute de la Haute Assemblée ; une suite devrait être donnée à cette discussion dans le texte qui nous sera présenté au mois de juin prochain.
Un certain nombre d'amendements de la commission des finances ont été pris en compte. Les dispositifs adoptés devront être finalisés. Sans être des jusqu'au-boutistes, nous voulons faire en sorte que notre place financière puisse défendre au mieux la croissance, que nous attendons avec impatience dans notre pays.
Le groupe UC-UDF votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les propos de mon collègue François Marc en ce qui concerne l'article 5, qui est essentiel, mais j'y souscris.
Rien n'a bougé au cours de ce débat, qui s'est limité à un dialogue entre le rapporteur et le ministre, et nos amendements ont été rejetés par la majorité sénatoriale.
Puisque rien n'a bougé et puisque nous n'avons pas été écoutés, nous voterons contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite corriger une injustice. Si la discussion a été riche, nous le devons, certes, à la qualité des échanges, mais aussi au fait que la séance a été remarquablement présidée, et je tenais à vous en remercier, monsieur le président.
Cela dit, je ferai deux observations très brèves.
Tout d'abord, ce n'est pas parce que l'on habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, monsieur Marc, que l'on se prive du droit d'amender l'ordonnance ; nous venons d'en faire la démonstration. Par conséquent, n'accréditons pas l'idée qu'aujourd'hui le Sénat se serait, en quelque sorte, dessaisi de ses prérogatives.
Le texte en préparation aura peut-être des accents lyriques, mais, pour l'essentiel, il sera d'une rigueur technique qui n'en facilitera ni la lecture ni la compréhension. Mais, grâce à la diligence de Philippe Marini, il est clair que nous disposons du droit d'amender les ordonnances.
Ensuite, malgré toute la rigueur que nous pouvons souhaiter quand il s'agit de contenir des dérives et des abus, nous devons toujours avoir à l'esprit l'exigence de compétitivité. Nous sommes aujourd'hui face à un marché de dimension européenne, voire mondiale. Dès lors, tout excès de rigueur sur le plan national peut devenir un facteur de délocalisation d'activités de marché, ce qui n'est pas conforme à l'intérêt de la France.
Faisons confiance au ministre pour conduire, dans une Europe politique, les négociations requises pour faire partager nos attentes et nos convictions par nos partenaires européens et faire émerger, sur le plan européen, des normes qui répondent à ces attentes de transparence et de confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je souhaite, au nom du Gouvernement, vous remercier de la qualité de nos débats.
Puisque vous avez eu la bienveillance de signaler que je défendais pour la première fois un texte devant le Parlement, je peux d'ores et déjà tirer la conclusion de ma très modeste expérience que la Haute Assemblée mérite et son nom et sa réputation de sagesse, car c'est bien la sagesse qui a inspiré tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui sur ce texte très important pour notre économie, donc pour notre pays, mais aussi pour l'Europe.
Vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, ce projet de loi n'est pas anodin : il doit permettre à la fois d'assurer plus de transparence et de donner davantage de sécurité juridique - pour le reste, le risque de l'actionnaire est celui de l'actionnaire et le risque de l'entrepreneur est celui de l'entrepreneur - tant aux émetteurs qu'aux épargnants qui souhaiteront demain mobiliser et orienter leur épargne vers l'entreprise. C'est fondamental, tant nous souffrons, en Europe, mais surtout en France, de l'insuffisance de l'investissement dans les entreprises. Or c'est l'un des éléments nécessaires à la croissance, donc à l'emploi.
Par conséquent, je me réjouis, au nom du Gouvernement, de l'adoption de ce projet de loi, comme je me réjouis du dialogue que j'ai pu avoir avec chacune et chacun d'entre vous, même si, à l'évidence, le Gouvernement n'a pas retenu l'ensemble des amendements proposés.
Je souhaite également faire miens les propos qui ont été tenus tant par le président de la commission des finances que par le rapporteur. Le Gouvernement va effectivement légiférer par ordonnance sur une partie du texte, mais, bien entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela vient d'être démontré, le droit d'amendement de la Haute Assemblée demeure entier et nous pourrons nous prononcer sur les propositions qui vous auront semblé opportunes.
Pour ma part, j'attends avec impatience, compte tenu de ce qui a été annoncé, de pouvoir vous retrouver dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Monsieur le ministre, la présidence ne peut que s'associer au souhait commun de voir nos échanges conserver à l'avenir la qualité que vous avez bien voulu leur reconnaître aujourd'hui.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
9
energie
Discussion d'un projet de loi d'orientation en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai aujourd'hui l'honneur de vous présenter en deuxième lecture ce projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Comme je m'y étais engagé, le Gouvernement n'a pas demandé l'application de la procédure prévue à l'article 45 de la Constitution, et je m'en réjouis, car cette deuxième lecture, quelques mois après la transposition des directives ouvrant le marché français à la concurrence, après le changement de statut d'EDF et de Gaz de France, et dans un contexte quelque peu chaotique d'évolution des prix du pétrole, a permis de soulever de nouvelles questions et d'enrichir le texte de nouvelles propositions.
Après tout, c'est bien l'objet d'une loi d'orientation et, d'une manière générale, du débat parlementaire que de dégager, sur un problème aussi complexe et lourd de conséquences à long terme que celui de l'énergie, les propositions d'action qui seront partagées par tous nos concitoyens.
Le débat sur la politique énergétique de la France est, comme vous le savez, essentiel pour l'avenir de notre économie et la place de notre pays dans le monde.
A l'heure où le prix du baril flambe, jusqu'à dépasser parfois les cinquante dollars au cours du premier trimestre de 2005, et fait peser un risque sur la reprise économique mondiale, en particulier sur l'économie française et le pouvoir d'achat de nos concitoyens - la facture énergétique a ainsi progressé de 24 % en 2004, comme je l'ai annoncé en présentant le bilan énergétique de 2004, la semaine dernière - notre politique d'indépendance énergétique, qui nous permet de nous protéger des aléas du cours des énergies fossiles, est réaffirmée par le projet de loi qui vous est présenté.
Cette priorité, affirmée à partir des années soixante-dix, est aujourd'hui plus que jamais d'actualité. Cependant, la question de notre indépendance énergétique ne se pose plus exactement dans les mêmes termes qu'alors.
En effet, l'épuisement à terme des ressources pétrolières n'est plus, désormais, le seul facteur à prendre en compte : les risques politiques, dans certaines zones géographiques, l'accélération de la croissance de la Chine et de l'Inde, qui représentent déjà 23 % du produit intérieur brut mondial, l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et des aléas climatiques nous amènent à repenser notre politique. Nous devons faire face, non seulement à un risque de raréfaction des ressources, mais aussi à une formidable accélération de la consommation d'énergie mondiale.
C'est pourquoi, si nous devons bien sûr continuer à inventer de nouveaux modes de gestion de l'énergie et de consommation, dans un souci de développement économique durable, nous devons aussi imaginer de nouveaux processus d'exploitation et de gestion de ressources telles que le charbon, le gaz, l'uranium, mais aussi de ressources renouvelables, à savoir, notamment, la biomasse, l'hydroélectricité, la géothermie, pour répondre aux besoins énergétiques de la planète.
Ce projet de loi s'articule autour de trois axes.
Le premier concerne le développement des énergies de substitution au pétrole, grâce au lancement de l'EPR - european pressurized reactor - et à un recours accru aux énergies renouvelables pour la production de chaleur et d'électricité, ainsi qu'aux biocarburants dans les transports.
Le deuxième a trait aux actions visant à la maîtrise de la croissance des consommations, avec, notamment, la mise en place de certificats d'économie d'énergie. Le bilan énergétique de 2004 a, d'ailleurs, montré que l'efficacité énergétique de notre économie était en nette amélioration puisque la hausse de la consommation totale d'énergie finale est de seulement 0,4 % et que l'intensité énergétique finale baisse de 1,7 %, l'objectif étant une diminution de 2 % par an à l'horizon 2015.
Le troisième touche au renforcement de la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie : les réacteurs nucléaires de quatrième génération et la fusion nucléaire, le solaire photovoltaïque, l'hydrogène comme vecteur énergétique, notamment dans les piles à combustibles, la séquestration du CO2 pour un usage plus propre des énergies fossiles, les bâtiments à énergie positive.
Ces axes sont assortis d'objectifs ambitieux et concrets : outre la réduction de l'intensité énergétique finale à un rythme porté à 2 % par an d'ici à 2015, que je viens de mentionner, la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre à un rythme de 3 % par an pour atteindre une division par quatre d'ici à 2050, une production d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 % de consommation, contre 14 % aujourd'hui, une augmentation des énergies renouvelables thermiques de 50 % d'ici à 2010, soit une économie annuelle de 6 millions de tonnes d'équivalent pétrole, et, enfin, l'incorporation de biocarburants à hauteur de 5,75 % d'ici à 2010, soit une économie annuelle de 2,5 millions de tonnes d'équivalent pétrole.
L'ouverture des marchés de l'énergie et le développement des interconnexions sont aussi des éléments qui doivent nous aider à assurer, à l'échelon européen, la sécurité de nos approvisionnements ou la gestion des pics de demande, comme l'a montré un récent épisode climatique au cours duquel la France a ainsi pu importer l'électricité nécessaire.
Toutefois, il nous faut aussi définir des réponses sur le plan international.
C'est pour cette raison, et parce que j'estime que la France est désormais bien avancée sur ces sujets, que j'ai pris l'initiative de réunir aujourd'hui mes homologues européens et le commissaire chargé de l'énergie, afin que nous apportions ou tentions d'apporter une réponse européenne à la crise du pétrole à l'occasion des réunions ministérielles de l'Agence internationale de l'énergie et de l'OCDE.
J'ai proposé des axes de réflexion incluant, notamment, le développement des investissements, tant dans l'exploration-production que dans les capacités de raffinage, ainsi que la promotion des économies d'énergie et la mise en place de mesures sur l'efficacité énergétique.
Je tiens, enfin, à souligner que les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé de relancer leur politique énergique en matière de sécurité d'approvisionnement en prenant exemple sur la France, avec, en particulier, la relance du nucléaire comme source de production d'électricité non polluante, ainsi que la construction de nouvelles raffineries et terminaux de gaz naturel liquéfié.
Au-delà des mesures qui peuvent nous permettre d'assurer notre indépendance énergétique à moyen terme, il nous faudra poursuivre, dans un cadre international, les recherches de long terme sur les technologies de nouveaux réacteurs, sur la fusion, sur l'utilisation de l'hydrogène ou sur le stockage du CO2.
Enfin, et ce n'est pas l'une des moindres dimensions de toute politique énergétique, les choix que notre pays doit opérer supposent une convergence de vue de l'ensemble de nos concitoyens.
Qu'il s'agisse de production d'énergie, avec le nucléaire, l'éolien ou encore l'hydraulique, de transport d'énergie, avec le développement des lignes électriques ou des interconnexions, ou encore de consommation, avec les économies d'énergie dans le bâtiment, nous devons concilier développement économique et préservation de notre environnement. C'est à cette condition que chacun adhérera à notre politique énergétique, qui engage plusieurs générations.
C'est tout l'objet de ce projet de loi, et la passion des débats comme l'implication forte de la Haute Assemblée dans l'élaboration de ce texte témoignent de l'importance de ces questions pour l'avenir de nos concitoyens.
Notre débat, engagé depuis le premier semestre de 2003 avec un grand débat national, un Livre blanc sur l'énergie et une première lecture du projet de loi d'orientation au Parlement au premier semestre de 2004, touche maintenant à sa fin, et il nous faut en dégager des conclusions définitives.
Conscient de l'importance des enjeux qui s'attachent à ce texte, je veux insister sur un point qui me tient particulièrement à coeur : sa constitutionnalité.
Le Gouvernement est extrêmement attaché à l'adoption de ce projet de loi. Or la récente décision du Conseil constitutionnel sur la loi d'orientation pour l'avenir de l'école nous engage à la prudence. Le statut des lois de programme évolue ; il a évolué, en particulier, avec l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, postérieure au dépôt au Parlement du présent projet de loi.
La politique énergétique de la France repose sur des orientations en matière de maîtrise des consommations d'énergie et de développement d'une offre diversifiée, s'appuyant en priorité sur les filières de production d'énergie sans émission de gaz à effet de serre. Elle comporte des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Pour atteindre ces objectifs, elle passe par des mesures législatives normatives, mais elle s'appuie aussi sur des mesures réglementaires ou incitatives.
Il est essentiel de préserver l'ensemble de ces orientations, sur lesquelles le Parlement se sera prononcé.
C'est pourquoi la proposition de M. le rapporteur, consistant à transformer l'actuel projet de loi d'orientation en projet de loi de programme, me semble constituer la solution à privilégier afin de donner une sécurité juridique au texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappelle que ce projet de loi d'orientation sur l'énergie, dont nous avions commencé la discussion au début de l'été dernier et dont nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture, a pour objet de fixer les grands principes devant présider à la conduite de la politique énergétique de la France au cours des prochaines décennies.
J'en résumerai, en introduction de mon propos, les principales orientations.
Ce texte vise, tout d'abord, à affirmer les objectifs de maîtrise de la demande d'énergie, qu'il fixe à 2 % par an pour la réduction de l'intensité énergétique finale, en prévoyant la création d'un dispositif original, les certificats d'économies d'énergie, et le renforcement des règles de performances énergétiques des bâtiments.
Il tend, ensuite, à prévoir la relance du programme électronucléaire français en indiquant que l'Etat appuie la construction d'un réacteur tête de série de modèle EPR.
Enfin, il a pour objet de déterminer les grands principes de soutien aux énergies renouvelables électriques et thermiques, avec l'affichage des objectifs de développement des énergies renouvelables et des biocarburants à l'horizon 2010 et avec la création d'un système de garantie d'origine des énergies renouvelables.
Alors que ce projet de loi était initialement constitué de treize articles et d'une annexe, nous avons désormais à nous prononcer, après la deuxième lecture de l'Assemblée nationale, sur plus de quatre-vingts articles restant en discussion.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions totalement nouvelles que je vais tenter de présenter brièvement.
Elle a, tout d'abord, adopté des articles visant à préciser le rôle des autorités organisatrices des réseaux de distribution d'électricité ou de gaz, ainsi qu'une série de dispositifs visant à encourager et faciliter l'exploitation du potentiel hydroélectrique français.
Les députés ont par ailleurs voté des articles tendant à préciser et à clarifier le régime juridique de la contribution pour les charges de service public de l'électricité.
Enfin, ils ont inséré dans le texte, d'une part, un mécanisme permettant aux gestionnaires de réseaux de transport d'électricité de surveiller que les conditions de l'équilibre entre l'offre et la demande sont réunies et, d'autre part, des dispositions clarifiant le cadre législatif relatif à l'éligibilité des clients et aux tarifs réglementés.
S'agissant de l'architecture du texte qui nous a été transmis, il ne vous aura pas échappé que les députés ont de nouveau décidé d'intégrer dans le corps même du projet de loi les dispositions de l'annexe.
En première lecture, je vous le rappelle, nous avions estimé que l'intégration dans la loi de principes n'ayant pas intrinsèquement de valeur normative ne permettait pas de donner à ces orientations l'autorité qui doit s'attacher à la loi. En conséquence, nous avions rétabli l'organisation du texte selon les principes suivants : fixation dans la loi des grands principes de la politique énergétique, libellés de manière concise ; renvoi à une annexe de la plus grande part des dispositions, dépourvues de caractère normatif, détaillant ces orientations.
L'Assemblée nationale ne nous a malheureusement pas suivis dans cette voie et a jugé nécessaire de maintenir les dispositions de l'annexe dans les articles du texte.
Je tiens à affirmer avec force qu'il ne s'agit en rien d'un débat théorique de jurisconsultes. L'affaiblissement du rôle normatif de la loi nous expose au risque d'affaiblir notre état de droit,...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Henri Revol, rapporteur. ...comme l'ont rappelé récemment, et à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel et son président, M. Pierre Mazeaud, ainsi que M. Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale.
Aussi la commission des affaires économiques a-t-elle décidé, lors de sa réunion du mercredi 13 avril, de rétablir l'architecture du projet de loi tel que nous l'avions voté en première lecture.
Si la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 21 avril dernier sur la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école conforte notre raisonnement quant à la nécessité d'assurer la valeur normative des dispositions législatives, elle nous oblige néanmoins à infléchir nos décisions afin de prémunir le texte contre tout risque de censure constitutionnelle.
Sans entrer dans les détails et, surtout, sans anticiper sur les décisions que la commission des affaires économiques prendra lors de sa réunion de demain matin, je tiens à vous informer dès aujourd'hui que je serai amené à lui proposer de transformer le texte en projet de loi de programme et à rectifier l'amendement tendant à rétablir une annexe, afin de prendre en compte la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Si la commission des affaires économiques accepte ces propositions, je vous présenterai en détail ces orientations lors de la discussion des articles.
Autre point sensible de ce projet de loi : la très délicate question des éoliennes.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Henri Revol, rapporteur. Vous l'avez constaté dans vos gazettes locales, le vote à l'Assemblée nationale a fait beaucoup de bruit !
M. Thierry Repentin. Cela brasse du vent ! (Sourires.)
M. Henri Revol, rapporteur. Comme vous vous en souvenez certainement, nous avions eu ici même, en première lecture, un long débat sur ce sujet, en raison de l'adoption par les députés d'un dispositif donnant aux maires la compétence de délivrer les permis de construire des éoliennes, après avis conforme de la Commission des sites, perspectives et paysages.
Saisis de cette proposition, nous étions parvenus, lors de nos travaux en séance, à une position d'équilibre recueillant l'unanimité des groupes politiques de notre assemblée : il s'agissait d'attribuer cette compétence aux préfets, l'intervention de la commission des sites étant limitée à un avis simple.
Ce débat n'a plus lieu d'être en deuxième lecture puisque l'Assemblée nationale a supprimé l'article en cause et que la commission des affaires économiques ne vous en propose pas le rétablissement.
M. Daniel Raoul. Eh non !
M. Henri Revol, rapporteur. En revanche, les députés ont, afin de limiter le « mitage » du territoire par des implantations d'éoliennes, adopté un article créant des zones de développement de l'éolien et modifiant le régime de l'obligation d'achat de l'électricité produite à partir de ces installations. Ce dispositif présente de réels avantages, car il permet de promouvoir une implantation harmonieuse des éoliennes. (M. Roland Courteau s'esclaffe.)
Toutefois, telles qu'elles sont rédigées, ces dispositions sont vraisemblablement trop restrictives, car l'obligation d'achat ne s'appliquerait qu'aux parcs éoliens les plus importants, d'une puissance supérieure à 20 mégawatts.
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Henri Revol, rapporteur. Mes convictions sur ce sujet me conduiront à proposer, au nom la commission des affaires économiques, un amendement sur cet article.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Henri Revol, rapporteur. Toutefois, cet amendement ne doit en aucun cas être interprété comme le signe d'une bataille entre nos deux assemblées.
Comme nos collègues députés, la commission des affaires économiques a à coeur de limiter le mitage du territoire par les éoliennes, dont personne ne peut aujourd'hui nier l'impact environnemental et paysager. (Mme Dominique Voynet s'exclame.)
Aussi doit-on chercher à atteindre l'objectif de porter à 21 % la part des énergies renouvelables à l'horizon 2010 tout en conciliant les différents enjeux énergétiques et environnementaux. C'est pourquoi il est indispensable de rationaliser l'implantation de ce mode de production énergétique et d'éviter tout développement anarchique.
La création de zones de développement de l'éolien est une excellente idée, car elle permettra de mettre de l'ordre dans les implantations et de promouvoir une organisation plus rationnelle.
Pour autant, j'estime que l'Assemblée nationale est peut-être allée trop loin dans la voie de la rationalisation en instaurant un seuil de 20 mégawatts.
M. Daniel Goulet. Bien sûr !
M. Henri Revol, rapporteur. En l'état actuel des technologies disponibles, ce seuil conduit en effet à la construction de parcs d'au moins six ou sept machines de 3 mégawatts. Au nom de quel principe peut-on affirmer que, compte tenu du paysage environnant, un parc de six machines est plus pertinent qu'un parc de trois machines ?
En résumé, je dirai que nous ne sommes pas favorables à la multiplication de petites unités en tous points du territoire, mais que, pour autant, il ne nous paraît pas souhaitable qu'il n'y ait plus que des grosses fermes éoliennes en France.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. Henri Revol, rapporteur. De plus, des unités importantes présentent des inconvénients paysagers, mais aussi énergétiques...
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Henri Revol, rapporteur. ...puisque, au-delà d'une certaine puissance, il est nécessaire de construire un poste source ainsi qu'une ligne de raccordement au réseau de transport, voire, pour les grandes puissances, d'associer des moyens de production thermiques afin de pallier l'intermittence de la production électrique éolienne, celle-ci faisant défaut en moyenne un tiers du temps.
M. Daniel Raoul. Il est temps de s'en apercevoir !
M. Henri Revol, rapporteur. Pour ces raisons, la commission des affaires économiques proposera un amendement qui, tout en étant conforme à l'esprit du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, vise à renvoyer aux pouvoirs locaux le soin de définir les conditions d'installation des éoliennes. Dans la mesure où l'implantation de ces équipements constitue un enjeu paysager et environnemental local, les décisions doivent être prises au plus proche du terrain.
Cependant, je ne vois pas au nom de quel principe il conviendrait d'autoriser uniquement la création de grandes fermes éoliennes. En effet, les projets éoliens de taille moyenne présentent aussi un intérêt énergétique et non seulement permettent de créer des emplois, mais encore sont susceptibles d'apporter à nos communes des recettes fiscales non négligeables.
D'ailleurs, je soumettrai demain matin à la commission un amendement tendant à mieux répartir la taxe professionnelle provenant de ces équipements entre les différentes communes qui en subissent les nuisances environnementales.
Telles sont, mes chers collègues, mes propositions et réflexions sur les deux principaux points durs de ce texte.
M. François Trucy. Et elles sont excellentes !
M. Henri Revol, rapporteur. Quant aux nombreux autres amendements de la commission, afin de ne pas prolonger à l'excès mon intervention, je vous les présenterai au fur et à mesure de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà pratiquement un an, nous examinions le présent texte dans l'urgence et la précipitation.
Il est vrai que son examen précédait de quelques jours à peine celui d'un autre projet de loi, qui transformait EDF et GDF en sociétés anonymes et permettait l'ouverture de leur capital.
Dans le contexte de l'ouverture du capital de ces deux établissements publics, le présent projet de loi, censé nous engager sur le long terme, était d'autant plus apparu comme un alibi destiné à donner des gages qu'il était déclaré d'urgence, ce qui risquait de nous priver du nécessaire examen en deuxième lecture.
Nous sommes donc satisfaits, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait finalement renoncé à l'urgence, nous permettant ainsi de soumettre ce projet de loi à une deuxième lecture.
Nous sommes moins satisfaits, en revanche, de constater que, malgré des modifications et quelques améliorations, la teneur du texte n'est pas radicalement modifiée. Au fond, si nous attendions depuis longtemps une loi d'orientation - et je tiens à rappeler que le Parlement avait retenu le principe d'une telle loi sous le gouvernement de Lionel Jospin -, ce n'est certainement pas ce type de texte que nous espérions.
Un projet de loi d'orientation doit fixer des grandes lignes directrices et des axes stratégiques. Il doit être porteur d'une vision à long terme. Il doit être révélateur de choix politiques qui engagent l'avenir du champ qu'il balise, surtout s'il porte sur l'énergie, secteur des plus stratégiques, car il conditionne notre indépendance nationale. Enfin, il doit indiquer comment seront atteints les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés, ce qui nécessitera, j'en conviens, de faire évoluer nos comportements individuels et collectifs.
De même, mes chers collègues, le contexte géostratégique actuel, dans lequel les tensions se multiplient, sur fond de hausse des prix du pétrole et de l'épuisement programmé des réserves, plaide également en faveur d'une loi d'orientation permettant de dégager une visibilité à long terme en matière d'énergies alternatives.
L'épuisement prévisible des réserves de pétrole, avec le fameux pic de production, dit « pic d'Hubbert », situé en 2020, peut-être avant, nous oblige - et tel est précisément l'objet, aujourd'hui, d'un projet de loi d'orientation sur l'énergie - à penser et à favoriser le développement des énergies alternatives.
De ce point de vue, ce projet de loi manque de souffle et d'ambition. J'ai le sentiment que, en vérité, il manque sa cible et passe à côté des grands enjeux de société.
Nous sommes en effet aujourd'hui dans une phase de rupture technologique, où des avancées notables se font jour dans de multiples domaines, comme la pile à combustible, la biomasse, le biogaz, le solaire photovoltaïque, l'utilisation de l'hydrogène. Autant de nouvelles techniques destinées à produire de la chaleur ou de l'électricité et qui devraient, dans quelques décennies, à l'horizon 2050, pénétrer notre quotidien. Ainsi, l'hydrogène pourra être utilisé dans les transports, avec des carburants comme l'hythane, mélange d'hydrogène et de gaz naturel.
Aux Etats-Unis, des bus fonctionnent déjà avec des piles à combustible. A Montréal, des bus roulent à l'hythane. La France ne peut rester à l'écart de ces évolutions. Au contraire, alors que, nous dit-on, elle est à la pointe du nucléaire, elle devrait aussi être pionnière dans ces domaines.
Ces énergies de transition doivent être soutenues par des crédits publics, notamment en vue de développer leur utilisation dans les transports en commun, ce qui permettrait de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre.
Un recours plus important aux biocarburants peut également contribuer à la lutte contre les gaz à effet de serre. De ce point de vue, le mécanisme institué par la loi de finances va dans le bon sens et peut nous permettre d'avancer sur la voie de l'objectif d'incorporation de biocarburants à hauteur de 5,75% d'ici à 2010.
Hélas, une disposition adoptée par l'Assemblée nationale dénature l'économie du dispositif. En effet, selon cette disposition, les sociétés distributrices pourraient avoir toutes possibilités d'incorporer principalement de l'éthyl-tertio-buthyl-éther, l'ETBE, au détriment des autres biocarburants, diester ou éthanol. Or il faut savoir que l'ETBE contient de l'isobutène, qui n'est qu'un résidu polluant du raffinage du pétrole. Nous proposerons donc un amendement de suppression de la mesure adoptée par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, d'une manière plus générale, nous pensons que la France risque de rater le développement de ces nouvelles technologies si les efforts de recherche en la matière ne sont pas accrus et si les moyens financiers demeurent aussi peu substantiels qu'ils le sont actuellement. Monsieur le ministre, les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, qui financent certains de ces projets ne cessent de diminuer. Nous ne devons pourtant pas sacrifier la recherche dans les technologies qui nous permettent de diversifier notre mix énergétique, à l'heure où notre taux de dépendance énergétique s'accroît.
Ainsi, on aurait pu s'attendre à ce que des engagements fermes au regard de ces domaines de recherche et de ces nouvelles technologies figurent au titre des axes stratégiques dans une loi d'orientation sur l'énergie, avec des engagements budgétaires pluriannuels à la clé. Tel n'est pas le cas. On se cantonne à des déclarations d'intention, on reste dans l'ordre de l'incantatoire. Il suffit de lire les premiers articles du projet de loi pour s'apercevoir qu'en matière de moyens financiers, ce texte est plus que laconique, et c'est là que le bât blesse.
Bref, c'est d'une véritable loi de programmation fiscale et budgétaire que nous avons besoin. C'est la raison pour laquelle nous avons de nouveau déposé un amendement allant dans ce sens. A défaut d'une telle programmation, une loi d'orientation est vidée de toute substance.
Au fond, mes propos éclairent, sous un autre angle, la querelle qui perdure entre le Sénat et l'Assemblée nationale concernant la portée à donner aux premiers articles, dans lesquels figurent les grands principes, les visées et intentions politiques.
Il est clair que, faute de moyens budgétaires, les ambitions seront, de toute façon, revues à la baisse. C'est bien précisément parce que vous considérez, monsieur le rapporteur, que les premiers articles de ce projet de loi constituent le droit « mou », le droit « flou », ou encore le droit « à l'état gazeux », que vous avez décidé de les reléguer dans l'annexe. On peut vous comprendre, surtout après avoir entendu les propos que vient de tenir M. le ministre.
Il n'en demeure pas moins que plus on reléguera dans l'annexe des dispositions figurant dans les articles du projet de loi, moins les pouvoirs publics se sentiront liés par des engagements politiques entraînant la nécessité de dégager malgré tout quelques crédits, au moins pour les axes les plus importants.
C'est pourquoi nous proposerons de faire figurer dans le corps de la loi quelques points qui nous paraissent essentiels, comme la recherche dans les nouveaux domaines technologiques, la préservation des contrats de long terme pour le gaz ou, en matière de sécurité d'approvisionnement en pétrole, le maintien des stocks équivalents à environ cent jours.
De même, nous proposons d'insister plus sur la référence au service public, car nous n'aurons pas trop de garde-fous dans le contexte actuel de libéralisation.
Par ailleurs, comment pourrons-nous respecter nos engagements internationaux en matière de réduction des gaz à effet de serre si nous ne menons pas une politique plus volontariste et plus ambitieuse dans le domaine des transports, par exemple ? Là encore, on ne nous propose que des déclarations d'intention, sur fond de politique de restriction des crédits. Et les exemples ne manquent pas ! Quel sens donner aux engagements inscrits dans les premiers articles du projet de loi si les finances ne suivent pas ? Nous avons besoin, au contraire, non seulement de fixer des engagements plus précis dans ce domaine, comme le doublement du fret ferroviaire d'ici à 2015, mais aussi de dégager des moyens budgétaires pour doter le pays des infrastructures dont il a besoin.
D'autant que, en la matière, rien ne va plus. J'ai en effet appris ces derniers jours qu'à Sète, la plate-forme multimodale rail-route-mer de la Compagnie nouvelle de conteneurs, la CNC, filiale à 93%de la SNCF, cessera toute activité le 12 juin. Selon les mêmes informations, les plates-formes de Perpignan et d'Avignon pourraient être définitivement fermées par la CNC. Seraient menacées également de fermeture celles de Clermont-Ferrand, Grenoble, Tours, Hendaye, Rennes, Dourges, mais cela reste à vérifier. Deux cents emplois seraient ainsi supprimés.
Voilà qui, ajouté au très mal nommé « plan fret » et aux 3 500 suppressions de postes programmées par la SNCF, ne sera pas sans conséquences sur l'augmentation, déjà régulière, du nombre de poids lourds sur les routes. Les experts prévoient ainsi une augmentation de 120 % d'ici à 2020. Bonjour les gaz à effet de serre !
C'est maintenant qu'il faut agir sur les choix d'infrastructures qui conditionnent les modes de consommation et de vie pour les décennies à venir, pour ce qui concerne notamment le rail, le fluvial, le maritime, avec le cabotage et le « merroutage ».
Faut-il rappeler que la Commission européenne s'est fixée, dans son Livre blanc sur la politique européenne des transports à l'horizon 2010, l'objectif de développer des infrastructures de réseau de transport transeuropéen efficaces, afin de respecter les engagements du protocole de Kyoto ?
A ce propos, comment ne pas souligner que le retard pris dans la mise en oeuvre de grands projets d'investissement explique, pour une bonne part, l'atonie de la croissance européenne et de l'emploi ?
Il semble nécessaire de desserrer les contraintes du pacte de stabilité, en retirant, par exemple, les investissements publics relatifs à la recherche et aux infrastructures de transport de l'ensemble des dépenses prises en compte pour le respect du pacte.
Dans ce domaine, la France, en tant que pays de transit, subissant donc de fortes nuisances, devrait pouvoir faire entendre sa voix et montrer l'exemple.
Concernant toujours les transports, monsieur le ministre, pourquoi avoir enterré le mécanisme du bonus-malus du plan climat qui, en encourageant l'achat de véhicules les moins polluants et les moins consommateurs, constituait une bonne mesure pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour favoriser les économies d'énergie ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie la plus propre étant celle que l'on ne consomme pas, priorité doit donc être donnée à la maîtrise de l'énergie.
M. Daniel Raoul. Exact !
M. Roland Courteau. En ce domaine, le projet de loi que nous examinons contient quelques propositions concrètes ; il faut d'autant plus les souligner qu'elles sont rares !
Ainsi en est-il de la mise en place des certificats d'économie d'énergie, sur le modèle du marché des quotas de gaz à effet de serre, ou « droits à polluer ». Je continue de croire que de tels instruments de marché sont bien insuffisants pour faire face aux exigences de maîtrise de la demande d'énergie.
Cela dit, monsieur le ministre, essayons de faire en sorte, comme je l'avais proposé en première lecture, que les pénalités libératoires appliquées aux fournisseurs ne respectant pas leurs engagements en ce domaine puissent au moins profiter à des institutions qui, comme l'ADEME, conduisent de remarquables actions. Vous aviez été assez favorable, en première lecture, à l'amendement allant dans ce sens.
Dans le domaine de l'habitat et du logement ancien, des mesures plus fortes doivent être prises si l'on veut vraiment que, d'une part, des économies d'énergie soient réalisées et que, d'autre part, soient réduites les émissions de gaz à effet de serre. Or il faut bien reconnaître que les mesures en la matière font particulièrement défaut.
Nous présenterons une série d'amendements visant à l'application d'un taux de TVA réduit sur les réseaux de chaleur utilisant le bois ou fonctionnant par cogénération, qui constituent d'incontestables outils de développement des énergies renouvelables. Il s'agit simplement là d'anticiper l'application d'une directive européenne prévue pour 2007.
Par ailleurs, certains de nos amendements visent à réduire la facture des ménages les plus modestes, puisque seraient principalement concernés par cette réduction de TVA les logements sociaux.
Dans le même esprit, nous continuons de refuser que l'usager domestique puisse être pénalisé par une hausse des tarifs liée à la répercussion des dépenses engagées par les fournisseurs pour faire des économies d'énergie. Cela est d'autant plus important que, depuis l'ouverture à la concurrence, les prix de l'électricité et du gaz ne cessent d'augmenter, pénalisant le consommateur final, notamment l'usager.
Pour la deuxième fois en quelques mois, les tarifs du gaz devraient augmenter ; on parle d'une hausse de 5 % : de quoi répondre aux appétits des futurs actionnaires de l'entreprise, bientôt privatisable.
Les usagers, les particuliers, mais aussi les PME, les gros industriels, la SNCF, se sont plaints, ces derniers mois, de l'envolée subite des prix de l'électricité, alors qu'on leur promettait une baisse consécutive à la libéralisation du secteur énergétique. Doit-on rappeler que, jusqu'à maintenant, en France, les prix de l'électricité étaient des plus compétitifs ? Dans le contexte actuel d'ouverture du marché à la concurrence, le comportement de nos grands fournisseurs d'énergie, qui anticipent l'ouverture de leur capital, risque d'entraîner la délocalisation de nos entreprises électro-intensives. Cela n'est pas acceptable.
Il faut faire peser des contraintes sur nos grandes entreprises, qui sont encore publiques. Quel est l'objectif ? Que les opérateurs historiques se préparent à dégager des rendements important pour les actionnaires privés ou qu'ils continuent à oeuvrer pour l'intérêt général ? Voilà une question qui mérite, je crois, d'être posée.
Je conclurai en évoquant le mauvais coup - le deuxième en moins d'un an : cela fait beaucoup ! - qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale concernant l'énergie éolienne. Le doute n'est plus permis : c'est la mort de l'éolien que certains veulent.
Voilà une filière mature et performante, produisant une énergie propre, de proximité, obéissant à des règles strictes, dans un cadre juridique clair et précis. Elle crée des emplois : 2 000 pour le moment, 20 000 si on ne l'anéantit pas. Elle contribue au développement économique local et à la revitalisation des zones les plus défavorisées. De surcroît, parmi les filières des énergies renouvelables, elle est celle qui dispose le plus des marges de progression susceptibles de nous rapprocher de l'objectif européen de 21 %, permettant ainsi à la France de tenir ses engagements, de respecter sa parole.
J'ajoute que 91 % des personnes interrogées lors d'un sondage se sont déclarées favorables au développement de cette filière, alors que seulement 7 % d'entre elles la considéraient comme inutile ou préjudiciable.
Mais foin de tout cela : par un amendement « éolicide », l'Assemblée nationale a supprimé l'obligation d'achat, jusqu'à 20 mégawatts, ce qui conduit à casser net le développement de cette filière.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est scandaleux !
M. Roland Courteau. Nous défendrons plusieurs amendements sur ce sujet.
J'entends dire que les députés ont adopté cette mesure pour « soutenir » l'éolien... Sans doute, mais comme la corde soutient le pendu !
Décidément, ce texte n'est guère favorable aux énergies renouvelables, même si l'hydroélectricité est quelque peu soutenue et même si y figure une excellente mesure, que je me dois de souligner, celle du crédit d'impôt pour l'acquisition de certains équipements, pour les énergies renouvelables ou l'efficacité énergétique.
Le problème, monsieur le ministre, c'est que vous partez du principe selon lequel le nucléaire est la réponse à tous les problèmes. En conséquence, vous en faites votre seule véritable priorité, en reléguant tout le reste au deuxième plan. C'est peut-être la voie de la facilité, mais nous préférons, quant à nous, celle de la diversité de notre bouquet énergétique et donc du rééquilibrage par rapport au nucléaire.
Nous reviendrons, au cours du débat, non seulement sur la question des déchets nucléaires, mais aussi sur les exigences de nos concitoyens quant à une plus grande transparence en ce qui concerne la filière nucléaire.
Nous reviendrons aussi sur le rôle des collectivités territoriales organisatrices de l'espace, responsables de la construction et des transports.
Au total, monsieur le ministre, compte tenu de toutes les réserves dont je viens de vous faire part, il m'étonnerait fort que notre groupe vote ce projet de loi.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes en seconde lecture, je me bornerai donc à quelques observations.
Je ne reviendrai pas sur la logique qui sous-tend ce texte, logique fort bien présentée par le rapporteur, notre collègue Henri Revol, je me bornerai à dire, en préalable à mon intervention, que l'actuel gouvernement, que vous représentez ici, monsieur le ministre, a pris des décisions courageuses en matière énergétique.
Bien des pays dans le monde envient la France pour sa politique énergétique et pour le taux d'indépendance auquel elle est parvenue. Quand on sait ce que nous réserve le marché des matières premières énergétiques, mes chers collègues, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que la France, grâce aux choix scientifiques et technologiques de long terme qu'elle a su faire et au soutien durable qu'elle a accordé à sa politique énergétique, se trouve dans une situation enviable.
Je voudrais mettre l'accent sur quelques aspects ponctuels, en regroupant mes observations sous deux vocables : fidélité, d'une part, transparence, d'autre part.
Fidélité d'abord à différentes positions qu'au nom de la commission des finances ou à titre personnel j'ai été amené à prendre en ce qui concerne la place, les fonctions et le rôle du régulateur public du secteur de l'énergie.
Une commission de régulation de l'énergie forte et réellement indépendante est une nécessité. Cela implique, conformément à ce que le Parlement avait voté dans la loi de finances rectificative pour 2004, la reconnaissance de la personnalité morale de cette commission ainsi que la mise à sa disposition de ressources propres, car, monsieur le ministre, une commission qui attend son budget d'une administration centrale à laquelle elle est fonctionnellement rattachée n'est pas véritablement indépendante.
Même si doter le régulateur de ressources propres suppose de surmonter quelques difficultés techniques, rappelons que neuf de nos voisins, membres de l'Union européenne, ont su se donner un tel outil. Tout ce qui s'oppose à cette évolution n'est que manoeuvre d'arrière-garde qui ne saurait durer bien longtemps.
Monsieur le ministre, il est de l'intérêt de l'exécutif d'être déchargé des arbitrages techniques, sectoriels ou corporatifs en la matière. C'est à cela que sert un régulateur indépendant.
Le régulateur, qui a été en mesure d'affirmer son rôle, ne saurait développer ce dernier sans exercer une réelle surveillance des marchés, en liaison étroite avec le Conseil de la concurrence.
Il faudra également conforter son rôle en matière de règlement des différends, ce qui suppose sans doute qu'il puisse prononcer des injonctions.
Il convient enfin d'étendre ses compétences à l'accès aux réseaux des clients qui n'ont pas encore pu faire jouer leur éligibilité.
Sur ces aspects, les positions que j'exprime, à titre personnel, ne sont pas en accord, pour le moment, avec celles de la commission des affaires économiques ; cela ne m'empêche pas de redire ma fidélité à ces options, qui, je le pense très sincèrement, finiront un jour ou l'autre par être admises.
Au demeurant, monsieur le ministre, nous avons de nombreux régulateurs sectoriels dans notre paysage institutionnel, régulateurs dont il faudrait harmoniser les statuts ainsi que les moyens et les conditions d'intervention.
M. Philippe Marini. Nous aurions déjà pu le faire en 2001 : en tant que rapporteur du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, j'avais reproché au gouvernement de l'époque de n'avoir pas été suffisamment courageux en la matière. Pour la lisibilité de notre paysage institutionnel, nous aurions tout à gagner à aller dans le sens d'un alignement des pouvoirs et des rôles des différents régulateurs.
Toujours au chapitre de la fidélité, je voudrais m'arrêter un instant sur la question des biocarburants.
Partisan fidèle de la promotion de ces derniers, j'estime nécessaire de redire que la filière huile végétale et la filière éthanol doivent être équitablement traitées.
A cet égard, je suis en plein accord avec la position de la commission des affaires économique, qui nous propose de supprimer l'article 1er octies adopté par l'Assemblée nationale.
Au chapitre de la transparence, j'évoquerai en premier lieu le débat sur l'énergie éolienne.
L'énergie éolienne va prendre - ce sont nos engagements européens qui l'impliquent - une part croissante dans l'ensemble de notre dispositif énergétique. Il convient d'analyser cela froidement sur les plans économique et financier et d'effectuer quelques rappels.
Face à l'objectif européen qui doit nous conduire à multiplier par vingt d'ici à 2010 la puissance éolienne installée sur notre territoire, il nous faut faire la transparence sur les conditions dans lesquelles sont implantés ces dispositifs et surtout sur les conditions de rémunération des investisseurs.
Dans la mesure où il est opportun de lancer un nouveau secteur, les producteurs d'énergie éolienne bénéficient actuellement d'une rente de situation considérable grâce à la refacturation réalisée sur le consommateur d'électricité.
Rappelons en effet que, quel que soit l'élément de comparaison, le tarif d'achat de l'électricité produite par l'énergie éolienne demeure très supérieur à la somme des coûts et des externalités environnementales évitées : au moins 15 euros par mégawattheure !
Pour les sites qui sont correctement ou bien ventés, les rentabilités après impôts représentent plus de 20 % par an, sachant qu'il s'agit de taux moyens sur quinze ans, sans risque de défaillance de l'acheteur. Quels produits financiers garantissent de tels rendements assurés ?
Ces rendements assurés sont en réalité, madame Voynet, le fruit d'une économie administrée et résultent d'une fixation tout à fait artificielle des prix. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Telle est la réalité ! On peut l'assumer, mais il serait préférable de faire valoir la transparence sur ce sujet, de dire qui sont les investisseurs, quels sont ceux qui appartiennent à de grands groupes et ceux qui interviennent de manière plus individuelle, afin que l'on sache de façon plus précise à qui profite cette rente de l'éolien.
Mme Nicole Bricq. Vous parlez d'une rente !
M. Philippe Marini. Le développement de l'éolien pourrait très bien - les chiffres le confirment - faire passer la part de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, à plus de 10 % de la facture d'électricité des consommateurs : 3 % pour les ménages, 15 % pour les plus gros clients industriels.
En tout état de cause, monsieur le ministre, de tels écarts peuvent faire courir des risques : on peut craindre qu'une autorisation administrative ayant une telle valeur économique ne suscite des tentations, et il suffit pour s'en convaincre d'observer le démarchage particulièrement actif de propriétaires fonciers, voire de communes rurales désireuses d'abonder à court terme leur budget.
Peut-être faudra-t-il tirer de ces constatations les conséquences logiques qu'elles semblent emporter. En particulier, un système d'appel d'offres permettant d'établir un prix de marché et de sortir du système de prix administrés avec ce que ce dernier a de particulièrement critiquable devrait être envisagé.
Toujours au chapitre de la transparence, je voudrais revenir un instant sur le rôle du régulateur, à savoir la commission de régulation de l'énergie, dans le domaine de la surveillance des marchés.
Il y a certainement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, des progrès à réaliser dans le sens de la transparence, notamment s'agissant de la publicité des délibérations de la CRE et de la modulation des tarifs de l'électricité.
Quelles que soient les décisions prises, il faut les assumer avec toutes leurs conséquences.
A titre de conclusion, monsieur le ministre, je ferai une brève allusion au projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, projet de loi que vous avez soutenu avec succès en juillet dernier. J'aurais souhaité connaître votre analyse sur l'évolution de ce texte et sur le calendrier de l'ouverture du capital d'EDF et de GDF, car cela conditionne la poursuite du développement de ces deux grandes entreprises, la poursuite de leur stratégie industrielle, en particulier de leur stratégie d'alliances.
Il est à l'honneur de ce Gouvernement d'avoir réalisé cette réforme de statut. Beaucoup sont impatients de voir cette réforme se réaliser.
M. Yves Coquelle. Incroyable !
M. Philippe Marini. Beaucoup sont impatients en effet - mais peut-être ne les entend-on pas suffisamment - de voir GDF et EDF réaliser avec succès l'ouverture de leur capital, ce qui rendra possible des alliances et donnera un nouveau dynamisme à ces groupes qui représentent des actifs de grande valeur et sont vitaux pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir tenu vos engagements et de présenter aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi d'orientation sur l'énergie devant la Haute Assemblée, alors que la déclaration d'urgence initialement décidée vous autorisait à convoquer immédiatement une commission mixte paritaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelle mansuétude ! (Sourires.)
M. Marcel Deneux. Près d'un an s'est écoulé depuis la première lecture au Sénat de ce projet de loi. Dans ce laps de temps, le protocole de Kyoto est entré en vigueur, et le problème de la maîtrise de la consommation d'énergie se pose maintenant sous un autre angle. Parallèlement, les cours du pétrole se sont envolés et s'établissent durablement à des niveaux jamais atteints, ce qui rend la question de nos choix énergétiques plus que jamais impérative.
Pour toutes ces raisons, le texte que nous examinons est fondamental. Même si certaines problématiques liées à notre stratégie industrielle ont été actées avant même la fin du processus législatif - je pense notamment au programme nucléaire EPR -, les enjeux encore en discussion sont nombreux.
J'évoquerai d'abord les principaux points de friction entre nos deux assemblées, à commencer par la forme même du texte : les députés souhaitent que l'ensemble du projet loi ait valeur normative, alors que notre rapporteur préfère un texte clarifié à une loi bavarde, empiétant largement sur le domaine réglementaire.
M. Henri Revol, rapporteur. Bien sûr !
M. Marcel Deneux. Le risque serait de voir le quart du projet de loi censuré par le Conseil constitutionnel, ce qui décrédibiliserait considérablement le travail du Parlement. C'est pourquoi le groupe UC-UDF soutiendra sans réserve la position du rapporteur de la commission des affaires économiques.
Deux questions majeures, à savoir celles des biocarburants et celle de l'énergie éolienne, se posent également à l'issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les biocarburants, il est difficile d'admettre que l'on revienne sur les mesures contenues dans la loi de finances pour 2005 en favorisant la filière biodiesel au détriment de l'éthanol.
D'une part, le développement équilibré des deux types de biocarburants s'inscrit dans le cadre du plan national pour le développement des biocarburants, plan lancé par le Premier ministre à Compiègne en septembre 2004 et qui se traduit par des volumes d'agrément proches dans les deux filières.
D'autre part, il serait irrationnel de condamner la filière bioéthanol alors que celle-ci présente de nombreux atouts qui, au-delà de considérations économiques et sociales par ailleurs essentielles, légitiment son existence au même titre que celle de la filière biodiesel. Ainsi, la productivité agricole des produits de la filière éthanol est particulièrement élevée et ces produits offrent au surplus une marge de progression substantielle en termes d'efficacité énergétique. Enfin, la multiplicité des ressources utilisables - céréales, pomme de terre, betterave, biomasse, maïs, etc. - permettrait de constituer pour ces produits, dont certains connaissent souvent des périodes de surproduction, des débouchés appréciables et continus.
C'est pourquoi le groupe UC-UDF, qui soutient la position de la commission, a, comme elle, déposé un amendement visant à supprimer l'article 1er octies.
S'agissant de l'énergie éolienne, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a proposé l'adoption d'un mécanisme qui, pour lutter contre le « mitage », terme d'ailleurs inadapté pour décrire la dispersion des implantations d'éoliennes, limite le bénéfice de l'obligation d'achat aux seules installations dont la puissance est supérieure à 20 mégawatts.
Un tel mécanisme pourrait signer l'arrêt brutal du développement de cette filière.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Marcel Deneux. Je n'ose pas croire que ce serait l'objectif inavoué de cette mesure,...
M. Roland Courteau. Ça !
M. Marcel Deneux. ...dans la mesure où les petits projets locaux, qui sont aujourd'hui majoritaires, seraient à l'avenir interdits.
C'est pourquoi l'amendement de la commission tendant à supprimer toute référence à un seuil chiffré de puissance mais à prévoir que, dans leurs propositions, les communes pourront fixer des normes me semble intéressant et propre à apaiser le débat.
A propos d'énergie éolienne, la difficulté sera, monsieur le ministre, de tenir nos engagements. Vous avez évoqué nos engagements en termes de production d'électricité à partir des énergies renouvelables ; j'attire votre attention sur le fait qu'en la matière on confond allégrement la puissance installée et la production, lesquelles ne sont pas du tout équivalentes, comme l'expérience, là où des éoliennes fonctionnent, le démontre : l'écart est de un à trois, voire de un à quatre, suivant les situations géographiques.
Je souhaite évoquer maintenant les orientations majeures de ce texte, qui a vocation à définir la politique énergétique pour les trente prochaines années.
S'il est un point qui me paraît essentiel, c'est la maîtrise de la consommation d'énergie et la réduction de l'émission des gaz à effet de serre.
En effet, pour lutter efficacement contre l'effet de serre, une véritable rupture dans nos habitudes et dans nos comportements quotidiens est nécessaire.
La France n'est pourtant pas mal placée en ce qui concerne les émissions de gaz, et cela grâce - on ne le dira jamais suffisamment - à l'importance de notre parc nucléaire : elle émet 40 % de moins de CO2 que l'Allemagne, qui utilise fortement le charbon, et 35 % de moins que la Grande-Bretagne, qui recourt beaucoup au gaz. La France est donc à cet égard un pays plutôt vertueux et possède une certaine avance.
Un des mérites nouveaux de ce projet de loi est de prendre pour la première fois en compte les considérations liées à la santé et de lier cette problématique à la politique énergétique. Toutefois, la seule innovation majeure apportée en la matière réside dans les certificats d'économies d'énergie.
Ce dispositif s'inspire d'expériences étrangères, en particulier du programme britannique, pour lequel il n'existe cependant pas de marché des certificats d'économies d'énergie comparable à celui qui est proposé dans le projet de loi d'orientation.
Je m'interroge ainsi sur la nature de ces certificats, qui peuvent être assimilés à un prélèvement obligatoire affecté, et qui seront distribués, sous forme d'aides à l'investissement, par les grands offreurs d'énergie. Ce dispositif administré pourra encourager certains investissements, mais, à mon avis, il sera incapable d'induire des comportements de nature à constituer des gisements d'économies considérables, à coût faible, voire nul.
De plus, ce dispositif ne concerne absolument pas le secteur d'activité le plus polluant, à savoir les transports.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Marcel Deneux. L'industrie n'est que le troisième secteur en termes d'émission de gaz à effet de serre, les deux premiers étant les transports et les bâtiments.
Les transports sont exclus du projet de loi, lacune ô combien dramatique, que j'avais déjà dénoncée en première lecture. Je rappelle simplement que, pour ce secteur, le développement des biocarburants, en vue duquel nous amorçons une politique, peut amener un embryon de réponse, mais j'affirme que ce ne sera pas suffisant.
S'agissant des bâtiments, il est indispensable d'instituer une politique volontariste et d'enrichir le texte issu de l'Assemblée nationale en mettant en place un plan de réhabilitation énergétique du parc de bâtiments existants.
Depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre liées aux bâtiments résidentiels et tertiaires ont fortement crû : de 14 % entre 1990 et 2003, et de 3 % supplémentaires entre 2003 et 2004, c'est-à-dire en un an seulement. Au total, ce sont 100 millions de tonnes d'équivalent CO2 qui sont rejetées chaque année dans l'atmosphère par les bâtiments.
En l'absence de nouvelles mesures, 25 millions de tonnes d'équivalent CO2 supplémentaires seront rejetées dans l'atmosphère. Stopper l'impact des émissions de gaz liées aux constructions neuves ne suffira pas : au mieux on va stabiliser les émissions de CO2. Or il n'existe encore ni programme ni obligation pour les bâtiments existants, qui représentent actuellement plus de 3 milliards de mètres carrés et qui constitueront encore plus des deux tiers du parc en 2050.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Marcel Deneux. C'est pourquoi le groupe UC-UDF propose d'inscrire dans ce projet de loi l'objectif de 50 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré pour le chauffage, en moyenne nationale, en 2050. Cela signifie que, à cette date, les consommations et les rejets de CO2 par les bâtiments aient ainsi été divisés par quatre en France par rapport à aujourd'hui, ce qui est l'objectif annoncé.
Il est indispensable, monsieur le ministre, d'inscrire cet objectif dans la loi. En effet, l'enjeu est considérable et l'effort est comparable à celui qu'a exigé reconstruction après la dernière guerre. Si l'effort était réparti de façon linéaire jusqu'en 2050, cela reviendrait à ramener chaque année la consommation de 400 000 logements au niveau de l'objectif des 50 kilowattheures. Il est donc indispensable de donner une visibilité aux acteurs économiques afin qu'ils puissent organiser la filière technique - développement des technologies, bien sûr, mais aussi formation des filières professionnelles - et la filière économique.
Enfin, un autre levier nous paraît sous-employé au regard de nos légitimes ambitions en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre : l'outil fiscal.
Si nous voulons vraiment diviser par quatre notre consommation d'énergies fossiles en cinquante ans, conformément à l'objectif annoncé, pour remédier au risque de changement de climat et à l'épuisement des énergies non renouvelables ainsi qu'à la vulnérabilité géopolitique de la moins abondante et de la plus difficile à remplacer de ces énergies, à savoir le pétrole, il nous faut définir dès à présent - à côté de mesures incitatives qu'il convient de renforcer - une stratégie d'augmentation progressive de la tarification et de la fiscalité des énergies fossiles, en application du principe « pollueur-payeur ».
C'est la seule manière d'agir, avec efficacité et pédagogie, sur les comportements de millions de consommateurs et sans doute aussi la meilleure façon d'anticiper l'augmentation des prix de l'énergie qui résultera inéluctablement de la réduction des réserves de pétrole disponibles et du coût des conséquences du changement de climat.
Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je voulais formuler. Je terminerai en félicitant Henri Revol et les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que leurs collaborateurs, pour leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Première constatation : si le nombre des articles a évolué, il n'y a pas eu de grands bouleversements entre les deux lectures concernant les orientations gouvernementales, ce qui n'est pas sans nous inquiéter, car, au-delà de quelques intentions louables, nous recherchons vainement les moyens que l'Etat entend mettre en oeuvre pour réaliser ses objectifs.
Nous avons toujours considéré, avec d'autres, et cela au-delà des clivages politiques, que l'énergie n'était pas une marchandise comme les autres et qu'il convenait d'en garder la maîtrise, ce qui impliquait de bâtir une entreprise publique dégagée de l'emprise de la finance.
On connaît le succès de ces orientations qui, dans les années soixante-dix, permirent à notre pays de conforter son indépendance énergétique, avec la maîtrise de la filière nucléaire, dans des conditions de sécurité sans aucun doute unique au monde.
Aujourd'hui encore, notre pays bénéficie de la pertinence de ces choix. Faut-il les modifier pour faire face aux évolutions intervenues en France depuis cinquante ans ? Ne sommes-nous pas toujours confrontés aux difficiles questions de la sécurisation de nos approvisionnements, de la préservation de notre indépendance énergétique, du maintien de tarifs supportables pour nos concitoyens et de la mise en oeuvre du principe du droit à l'énergie pour tous, sujet très sensible sur lequel le débat est à peine engagé ?
L'indépendance énergétique demeure une condition essentielle de la maîtrise par les peuples de leur développement.
On voit aujourd'hui quels atouts donne à notre pays une moindre dépendance énergétique à l'égard des énergies fossiles, notamment du pétrole, et cela grâce au développement de la filière nucléaire. Ce mouvement doit bien évidemment se poursuivre : l'indépendance énergétique de la France et, au-delà, de l'Europe doit demeurer une priorité absolue, de même qu'il convient de rester particulièrement vigilants quant à la gestion des déchets nucléaires.
Une politique énergétique cohérente doit également donner la priorité à la réduction des inégalités et permettre à tous d'accéder à l'énergie. Que des familles en très grande difficulté sociale, alors que sévissent des températures hivernales particulièrement rigoureuses, puissent se voir privées d'énergie est insupportable et indigne d'un grand pays civilisé.
Il faut impérativement prendre à bras-le-corps cette question et trouver les moyens légaux d'empêcher les coupures. Nous n'avons pas l'intention d'abandonner ce combat : c'est un combat pour la dignité.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yves Coquelle. Autre enjeu de taille : les gaz à effets de serre.
Il s'agit là d'un axe majeur d'une authentique politique énergétique. Il convient de privilégier les énergies les moins polluantes et de favoriser la diversification des énergies non polluantes, renouvelables, qui sont en outre souvent plus économiques.
Comment réussir à atteindre l'objectif de réduction de 3 % par an des émissions de gaz à effet de serre sans proposer de mesures concrètes favorisant le fret ferroviaire et le transport combiné ?
On ne trouve pourtant dans ce texte aucune disposition visant à engager un véritable effort en faveur de la recherche dans le domaine des énergies renouvelables.
Quelles solutions proposez-vous, monsieur le ministre, pour réduire l'explosion du transport routier, en hausse continuelle ?
Quels efforts entendez-vous consacrer à la recherche dans les technologies innovantes telles que les carburants alternatifs ?
Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs que vous vous fixez ?
Il nous paraît nécessaire que l'Etat s'engage à maîtriser la demande d'énergie, à diversifier les sources de production, à développer la recherche, à élaborer un plan climat, à donner la priorité aux investissements ferroviaires et fluviaux, à favoriser les transports en commun.
Cependant, au-delà de ces objectifs consensuels, les moyens ne sont pas au rendez-vous, une fois de plus.
Prenons l'exemple des transports publics collectifs, pour lesquels l'Etat n'apporte plus aucune contribution puisque les lignes budgétaires consacrées aux subventions pour les transports en commun en site propre sont supprimées depuis plus de deux ans.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Yves Coquelle. Et que dire de la recherche, pour laquelle les moyens, là encore, sont absents ?
Il y a donc, par-delà le discours, un véritable problème de volonté politique.
L'énergie dont l'Europe est majoritairement importatrice devrait relever de l'intérêt commun et donner lieu à une politique européenne cohérente et ambitieuse.
Les décisions prises à Kyoto pour lutter contre l'effet de serre, les limitations de rejets exigées, la nécessité pour la France de produire 21 % de l'électricité à partir d'énergies renouvelables, contre 16 % aujourd'hui : tout cela nécessitera de renforcer la recherche pour améliorer les technologies et diminuer les surcoûts actuellement importants.
De fait, c'est la diversification des sources d'énergie qu'il est nécessaire de développer pour obtenir une plus grande indépendance énergétique.
La canicule de 2003 comme les froidures de l'hiver dernier démontrent qu'il est nécessaire de développer des moyens de production supplémentaires. A défaut, nous courrons le risque d'une nouvelle pénurie et notre pays, habituellement excédentaire sur le plan énergétique, pourrait s'en trouver fragilisé.
Cela paraît d'autant plus vrai quand on sait que la durée de vie d'une centrale nucléaire est de quarante ans et que le renouvellement du parc nucléaire n'est actuellement pas assuré en France. Si une centrale tombait définitivement en panne, il faudrait en reconstruire une nouvelle pour pouvoir retrouver une capacité de production énergétique suffisante. La production d'énergie fonctionne à flux tendu, ce qui risque de poser de graves problèmes dans le futur. Il nous faut donc anticiper le vieillissement de notre parc nucléaire.
Un autre élément paraît lourd de conséquences : l'entrée en force des règles du marché capitaliste, en vertu desquelles c'est la rentabilité financière qui est principalement recherchée. Une telle visée semble difficilement conciliable avec les investissements lourds requis par la production énergétique, lesquels n'ont de rentabilité que sur le long terme.
Ces quelques aspects doivent être intégrés au débat sur la politique énergétique. La question fondamentale est de savoir si ce projet de loi répond aux enjeux majeurs qui sont devant nous.
Il me semble que les propositions formulées par le Gouvernement ne répondent pas aux exigences de notre époque. L'irruption du privé dans le domaine de l'énergie n'est pas une bonne chose. Vous avez décidé de libéraliser le secteur de l'énergie, et ce alors que les faillites historiques d'Enron ou de l'économie californienne devraient nous inciter à la plus grande prudence.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yves Coquelle. Cependant, il n'y a pas que ces faillites spectaculaires ; il y a aussi les effets de la création d'un marché de l'énergie sur notre continent.
Au cours des deux dernières années, 90 milliards d'euros ont été utilisés par les plus grands groupes européens pour capter des parts de marché, mais sans que cet argent ait servi à produire un seul mégawatt.
On nous explique que c'est inéluctable et que, pour exister dans ce jeu de dupes, il faut faire appel aux marchés financiers, et donc ouvrir le capital de nos entreprises publiques.
Tel fut, en 2004, l'objet de la loi modifiant le statut d'EDF et de GDF, en attendant l'ouverture du capital de ces entreprises, mesure ô combien impopulaire qui sera prise courageusement... après le référendum !
M. Roland Courteau. Bien vu !
M. Yves Coquelle. Compte tenu des particularités du secteur de l'énergie, la mise à mal des groupes publics ouvre la voie à la constitution de groupes privés qui, à terme, échapperont au contrôle de l'Etat.
Les monopoles publics seront remplacés par des groupes privés géants à l'échelle européenne.
Comptons sur cette logique libérale pour que - rentabilité oblige ! - les tarifs augmentent et les emplois diminuent !
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. Yves Coquelle. L'ouverture à la concurrence signifie gaspillage, augmentation de tarifs et réduction d'emplois.
Notre pays a lancé, voilà plus de soixante ans, une politique énergétique fondée sur la diversification des énergies et en particulier sur le nucléaire, qui nous permet depuis vingt ans de bénéficier du kilowattheure le moins cher d'Europe.
Mais comment ne pas être inquiet devant l'évolution que connaît ce secteur ? En effet, la confiance qu'a la population dans le nucléaire repose sur trois conditions essentielles : la mise en oeuvre du nucléaire par une entreprise publique ; l'entretien et la maintenance des installations par des personnels compétents ; des tarifs à la consommation moins élevés.
Or, aujourd'hui, avec la modification du statut d'EDF, avec l'arrivée massive d'intérêts privés dans le capital de l'entreprise, avec l'utilisation de personnels appelés « nomades du nucléaire », la confiance des français dans le nucléaire est de plus en plus battue en brèche.
Nous appuyons l'idée de relancer l'hydroélectricité, mais cela ne doit pas cacher la nécessité d'investir rapidement dans des moyens de production.
Toutes les études confirment le besoin de mettre en place de nouveaux moyens de production entre 2006 et 2010 de manière qu'ils soient opérationnels avant la fin de la décennie.
Il est indispensable de concilier la diversification des sources d'énergie et les économies d'énergie afin d'éviter les coupures tournantes d'électricité annoncées par les experts dès 2008, et qui se traduiraient par la remontée brutale des prix de l'électricité.
Plus que jamais, il faut sortir les questions énergétiques de la domination des intérêts privés. La mise en concurrence sur notre territoire d'EDF et de GDF est une aberration économique, sociale, financière et scientifique.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, à l'inverse de la politique que vous conduisez, nous maintenons notre proposition de créer un pôle public de l'énergie assurant une réelle maîtrise du secteur, animé par des ambitions techniques et scientifiques, des ambitions sociales, sociétales, des ambitions d'égalité entre les peuples, des ambitions environnementales, se souciant de nouer des coopérations européennes. Bien évidemment, ces ambitions supposent moyens financiers à la hauteur, s'agissant d'un secteur hautement capitalistique, afin d'éviter que l'énergie n'entre en concurrence avec d'autres besoins vitaux : l'éducation, la santé, l'eau.
Nous voulons également rappeler que, si les sources d'énergie sont différentes, elles sont non pas interchangeables, mais complémentaires.
Monsieur le ministre, parce que vos propositions vont exciter les appétits des groupes capitalistes qui convoitent d'ores et déjà ce secteur, parce que nous refusons l'idée de cette emprise libérale, parce que nous constatons que votre projet de loi est très en deçà des défis à venir, parce que vous avez délibérément fait le choix de casser un formidable outil qui, depuis la Libération, a fait ses preuves au service de notre peuple et du pays, pour toutes ces raisons, nous dirons de nouveau non à votre projet de loi d'orientation sur l'énergie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a presque un an, l'ordre du jour du Sénat nous amenait à examiner en première lecture ce projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Ce débat, dont chacun s'est plu à rappeler l'importance pour notre pays et pour les générations futures, a pourtant bien failli ne pas connaître de suite puisque nous avons échappé de peu - merci, monsieur le ministre ! - à la déclaration d'urgence.
Cela dit, urgence il y a effectivement : plus que jamais, nous nous devons de présenter aux Français une politique énergétique à court, moyen et long termes qui soit claire et transparente.
Pour autant, cette urgence ne doit pas empêcher la représentation nationale de jouer tout son rôle. Cette deuxième lecture nous en donne heureusement l'occasion.
Par ailleurs, il y a trois semaines, nous apprenions que la question orale avec débat qui devait traiter des transferts de routes et de personnels aux départements serait remplacée par celle portant sur les déchets nucléaires.
Par ailleurs, je ne peux manquer d'évoquer une nouvelle fois devant vous, mes chers collègues, un autre manque de ce texte : le vide complet autour de la transparence nucléaire, alors même que les orientations énergétiques qui nous sont ici proposées laissent la part belle au nucléaire.
Un texte sur la transparence dans le domaine du nucléaire, préparé lors de la précédente législature, devait être suivi par Mme Bachelot. Il l'est maintenant par M. Lepeltier. Je m'interroge, et je vous interroge, monsieur le ministre, dans la suite des observations formulées par la Cour des comptes, sur la non-inscription à l'ordre du jour de ce texte qui étend les droits à l'information du citoyen et crée un Haut comité de transparence sur la sûreté nucléaire. Je n'ai eu à ce jour comme seule réponse que l'engagement imprécis qu'on en débattrait « prochainement » !
Voilà le cadre dans lequel prend place le débat d'aujourd'hui. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que je m'interroge sur le degré de motivation du Gouvernement au sujet de l'ensemble de ces questions.
Ces textes sont effectivement tous liés, imbriqués, et il nous est difficile d'en adopter un sans maîtriser clairement les futures orientations de l'autre.
Vous nous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, à l'occasion de nos échanges sur la question orale avec débat de notre collègue M. Revol, alors que vous nous parliez de la future loi de 2006 sur les déchets: « Il est trop tôt pour indiquer les dispositions exactes que contiendra ce projet de loi. »
Il reste que nous devons aux Français de nourrir une véritable ambition pour ce texte : la seconde lecture de l'Assemblée nationale ne prend pas la mesure de cette exigence. Comme en première lecture, le texte qui nous est soumis n'est guère plus qu'un ensemble de voeux. Nous sommes pourtant en droit d'attendre, surtout quand nous élaborons une loi d'orientation, une direction, des priorités, des moyens affichés.
Je soumets à votre réflexion trois citations.
Première citation : « La loi n'est pas faite pour affirmer des évidences, émettre des voeux ou dessiner l'état idéal du monde - en espérant sans doute le transformer par la seule grâce du verbe législatif ? La loi ne doit pas être un rite incantatoire. Elle est faite pour fixer des obligations et ouvrir des droits. »
M. Daniel Raoul. Deuxième citation : « La multiplication des lois déclaratives contribue à l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées. Il faut se concentrer sur l'essentiel. »
Troisième citation : « Trop de loi tue la loi. »
Monsieur le ministre, vous avez reconnu l'auteur de la première citation : il s'agit bien du président du Conseil constitutionnel. Vous savez aussi certainement que les deux autres sont respectivement du président de l'Assemblée nationale et du Président de la République !
Nous pouvons tout de même trouver un avantage à ce patchwork législatif : nous avons encore à l'esprit le débat sur la question orale relative aux déchets nucléaires.
Vous le comprendrez bien, monsieur le ministre, nous ne pouvons parler de nos orientations énergétiques sans aborder l'ensemble des questions qui concernent 80 % de notre production énergétique, à savoir le nucléaire.
A ce propos, je souhaite évoquer de nouveau, à l'occasion de cette discussion générale, le rapport de nos collègues députés Christian Bataille et Claude Birraux. En tant que membre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, j'ai pu prendre connaissance dans le détail de ce texte particulièrement instructif et prospectif.
Les aspects du financement de la gestion des déchets nucléaires devraient concerner directement le texte dont nous débattons aujourd'hui, car le coût du financement et sa répartition peuvent ou doivent impliquer directement les opérateurs du monde énergétique.
L'un des enjeux principaux concerne le financement de la gestion des déchets dans le nouveau contexte concurrentiel, avec le changement de statut d'EDF et l'ouverture, à terme, du capital des opérateurs du nucléaire.
La question n'est autre que celle de la garantie du financement de la gestion des déchets, et elle est d'autant plus importante que des opérateurs privés et étrangers pourront entrer dans le capital des entreprises du secteur.
Alors que nous débattons de nos orientations énergétiques, des sommes considérables, notamment dans le domaine du stockage futur, sont en jeu. Le coût effectif pourrait avoir des répercussions négatives sur la marge d'EDF. Le surcoût est estimé à 10 milliards d'euros.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans leur rapport, MM. Bataille et Birraux, proposent à ce sujet la création d'un fonds de gestion dédié, alimenté par les producteurs de déchets.
Tenant compte du nouveau statut de société anonyme d'EDF, principal producteur de déchets radioactifs en France, les deux députés proposent de réexaminer les modalités de financement des recherches sur la gestion à très long terme des déchets radioactifs, ainsi que sur la gestion industrielle de ces derniers et d'organiser une transition du système actuel de provision de bilan de l'entreprise à un dispositif pérenne et indépendant qui garantisse les financements sur une très longue période.
Les auteurs du rapport recommandent ainsi de créer un mécanisme adossé à 1'Etat pour garantir un financement pérenne. Un tel fonds est une nécessité en raison du changement de statut des entreprises, qui seront soumises aux contraintes à court terme des marchés financiers.
Le fonds dédié pourrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations et alimenté par les producteurs. Nous aimerions, monsieur le ministre, pouvoir bénéficier de vos réflexions sur ce point.
Au chapitre des sujets dont le texte fait malheureusement l'économie se trouve la recherche, habituel parent pauvre de ces dernières années ! Je souhaite aborder ici un point qui nous concerne spécifiquement : l'avenir de la recherche dans le domaine énergétique.
Le moins que l'on puisse dire est que ce projet de loi ne nous ouvre aucune perspective dans un domaine où la performance est un objectif aussi important à atteindre que la quantité de production.
Une fois de plus, nous devons nous contenter de déclarations, certes précises et ajustées dans le temps, mais qui n'indiquent aucune direction, aucune priorité et moins encore de perspectives budgétaires.
Ce projet de loi ne peut se dispenser de fixer des orientations pour nos laboratoires de recherche et pour leur financement. Puisque nous parlons d'énergie, il n'aura échappé à aucun d'entre nous que ce n'est pas en essayant d'améliorer le feu que l'homme a inventé l'électricité ni en améliorant la conduction qu'on a découvert les semi-conducteurs ! Toutes les recherches doivent donc être accompagnées et financées, qu'il s'agisse des recherches pures et théoriques ou des recherches appliquées. Monsieur le ministre, je vous dis cela avec la plus grande et la plus sincère conviction en raison de mon expérience professionnelle.
Enfin, je ne comprends toujours pas comment, en faisant basculer dans le secteur privé les grands opérateurs historiques, on ne se prive pas par la même occasion de ce qui constitue a priori les instruments mêmes de la mise en oeuvre d'une politique d'orientation énergétique.
Le texte que vous nous proposez, autant qu'il est essentiel et comporte des avancées non négligeables, reste trop imprécis et manque d'ambition C'est un comble, s'agissant d'une loi d'orientation.
Enfin, monsieur le ministre, il y a un an, je vous avais suggéré que la France prenne l'initiative - ce qui l'honorerait - d'un plan d'indépendance énergétique destiné aux membres de l'Union pour faire face à la crise du pétrole et pour sortir du simple débat franco-français. Pourriez-vous nous dire, ce qui est d'actualité aujourd'hui, quelles sont la position de la France et celle des membres de l'Union, dans le cadre de la réunion, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, des ministres de l'OCDE ? Il faut que cessent les attitudes hypocrites de pays voisins qui se retranchent derrière le nimby, ou not in my backyard.
Les amendements que mes collègues et moi-même allons présenter devraient permettre d'atteindre en partie des objectifs essentiels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de plaider en faveur de certains aspects de ce projet de loi, je voudrais rappeler quelques vérités fondamentales.
En 2030, si nous continuons tous sur la même lancée, la consommation d'énergie mondiale aura augmenté de 60 %. Ce n'est pas acceptable
Ce n'est pas acceptable d'abord en raison de l'épuisement des ressources en énergie fossile, quoiqu'on découvre constamment de nouveaux gisements.
Plus gravement, ce n'est pas acceptable en raison de la dépendance des consommateurs à l'égard d'un petit nombre de sites de production, essentiellement concentrés en Russie et au Moyen-Orient.
Beaucoup plus gravement encore, ce n'est pas acceptable en raison des effets sur le climat. Dans cette hypothèse, en 2030, l'émission de dioxyde de carbone augmenterait de 65 %.
Enfin, tout aussi grave est le fait que ne diminuera pas la part de la population mondiale qui a accès aujourd'hui à un moyen moderne d'énergie, soit 20 % de cette population, c'est-à-dire aujourd'hui 1,6 milliard de personnes.
Le problème est à la fois moral, économique, social et politique.
Si je me suis permis de faire ces rappels, c'est que, me semble-t-il, nos concitoyens n'ont pas encore suffisamment conscience de l'avenir qui se prépare dans ces domaines.
Que faire ? A mon sens, il faut agir dans trois directions.
D'une part, il faut rechercher l'efficacité énergique aussi bien dans les habitations que dans les transports. La tuile solaire, pour laquelle des recherches sont menées, ou la voiture électrique, dont je sais qu'un opérateur français produira quatre prototypes avant la fin de l'année, constituent des exemples. Il y a dans ce domaine, j'en suis persuadé, beaucoup de gisements d'économies. Il faut poursuivre la recherche, aussi bien dans l'amélioration de l'isolation que dans la capture et la séquestration du dioxyde de carbone, ainsi que vous l'avez indiqué dans votre propos liminaire, monsieur le ministre.
D'autre part, il faut poursuivre le développement de réacteurs thermonucléaires expérimentaux et la recherche sur le traitement des déchets, tout en sachant qu'on ne pourra pas tout régler par le nucléaire, car l'approvisionnement de toute la planète en électricité à partir de cette seule source supposerait l'existence de trois mille centrales !
Enfin, les énergies renouvelables peuvent résoudre une partie du problème énergétique. Pour atteindre le taux de 21 % de la consommation d'électricité produite à partir de sources renouvelables, il faut faire feu de tous bois, c'est le cas de le dire !
Dans cette optique, je voudrais mettre en garde notre assemblée contre le dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur les éoliennes, même si j'ai bien conscience que c'est une toute petite partie de la solution globale.
Comme tous, je suis attaché à la protection des paysages et je crois en même temps à la nécessité de développer la filière de l'énergie éolienne. Il s'agit de concilier ces deux impératifs.
Concernant l'article 10 ter qui a été ajouté par l'Assemblée nationale, je relève un paradoxe : le seuil initial de 12 mégawatts est relevé à 20 mégawatts pour éviter le mitage du paysage, ce qui revient pour ainsi dire à doubler quasiment la taille de chaque parc. Doubler la taille des sites pour protéger les paysages est assez singulier.
Si l'on veut protéger les paysages, je ne vois pas en quoi l'insertion de parcs plus importants serait préférable à celle de petits parcs, d'autant que, nous le savons, les populations locales accepteront plus difficilement la création de parcs importants.
Aussi, je me réjouis de la position adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat, qui propose d'introduire un délai maximum de six mois pour la définition des zones de développement de l'éolien par le préfet de département.
En outre, les avis des communes limitrophes et celui de la commission départementale des sites, perspectives et paysages seront réputés favorables faute de réponse dans un délai de trois mois suivant la transmission de la demande par le préfet. Ainsi, les délais pour la réalisation des parcs ne seront pas allongés indéfiniment.
Enfin, l'abandon du seuil de 20 mégawatts et l'attribution aux pouvoirs locaux de la responsabilité de définir les conditions d'installation des éoliennes ainsi que le seuil de puissance me paraissent être une solution de bon sens. A l'heure de la décentralisation, les acteurs locaux pourront choisir de réaliser des projets importants de fermes éoliennes ou des petits parcs.
Ainsi que vous l'avez dit, monsieur le ministre, ce projet de loi vise notamment à nous protéger des variations aléatoires du prix de l'énergie fossile. J'espère vivement que, pour atteindre cet objectif, vous suivrez les propositions de la commission des affaires économiques, particulièrement en ce qui concerne les éoliennes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur de l'énergie est confronté à une quadruple menace : d'importantes pollutions - notamment celle de l'air -; de graves risques technologiques, la perspective, désormais certaine, du changement climatique et, bien sûr, la vulnérabilité de l'approvisionnement pétrolier.
A cet égard, il serait temps de reconnaître que nous sommes à nouveau confrontés à un vrai choc pétrolier. En effet, le prix du baril du pétrole a doublé, passant de 26 dollars en 2002 à 49,36 dollars aujourd'hui même.
Notre tâche, monsieur le ministre, vous au Gouvernement, nous au Parlement, consiste à recueillir l'adhésion de tous, en garantissant un accès à l'énergie dans des conditions reconnues d'équité, en cherchant ensuite à rendre notre pays moins vulnérable, alors que toutes nos fournitures d'énergie dépendent désormais des importations, à la seule exception des énergies renouvelables. Cela suffit à disqualifier les tentatives d'obstruction au développement de l'éolien introduites dans ce projet de loi, qui vont à l'encontre de l'indispensable recherche d'une plus grande indépendance nationale.
En conséquence, le Parlement devrait aborder la question de l'énergie sous cinq aspects.
Premièrement, il faut élaborer des règles démocratiques et préciser quels sont les critères, non seulement techniques, mais aussi politiques et éthiques, qui fonderont l'arbitrage entre différents choix énergétiques.
Deuxièmement, la loi devrait fixer des objectifs quantitatifs de long terme, avec des obligations de résultats à partir des priorités définies.
Troisièmement, les différents niveaux territoriaux devraient être associés à la mise en oeuvre de la politique énergétique en tant que mission de service public, et les compétences des collectivités locales en la matière devraient être renforcées.
Quatrièmement, la loi devrait engager un effort en faveur de la recherche et fixer des règles économiques qui permettent d'effectuer des choix cohérents avec les enjeux de long terme, correspondant à des objectifs de service public devant désormais être affirmés dans un espace européen. Le Parlement devrait ensuite en programmer les moyens financiers, puis les faire inscrire dans les lois de finances.
Cinquièmement, la loi devrait mettre en place des instruments d'évaluation et de suivi, permettant un pilotage effectif de la politique énergétique.
Le projet de loi d'orientation sur l'énergie présenté par le Gouvernement apparaît, hélas, à la quasi-totalité des observateurs comme une caricature qui tourne le dos à ces critères. Justifié en réalité par la seule volonté de construire l'EPR,...
M. Roland Courteau. C'est vrai !
Mme Dominique Voynet. ... il met sur le même plan les options à risques et celles qui les réduisent, évacue toute avancée démocratique et retient des orientations sans proposer, à l'exception des certificats blancs, le moindre moyen qui permettrait de les réaliser.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Dominique Voynet. Le débat préparatoire organisé en 2003 n'a guère regroupé que des fonctionnaires et des salariés des grands groupes du secteur. Comble de la désinvolture, à aucun moment l'Etat n'a présenté le moindre travail de prospective. Il n'y avait ni hiérarchisation des enjeux, ni échéances, ni chiffres.
Il est vrai que le résultat était connu d'avance, dans la mesure où la ministre de l'industrie de l'époque avait, sans attendre les conclusions du débat, maladroitement lâché le morceau. On persiste ainsi à considérer en France comme acquise l'idée selon laquelle il n'y a qu'une option possible, celle du nucléaire, au mépris de ce qui se fait partout ailleurs en Europe.
Certes, les ressources, les conditions d'approvisionnement, les préférences technologiques et le niveau de décentralisation diffèrent, mais les opinions publiques convergent de plus en plus. Tous pourraient s'accorder sur des priorités. La France, qui a constamment placé le nucléaire au coeur de sa politique, a longtemps bloqué toute avancée commune. Demain, j'espère qu'il y aura une Europe de l'énergie.
J'ai évoqué brièvement les enjeux auxquels toute politique de l'énergie est aujourd'hui confrontée. Il ne faut pas oublier le défi que constitue le développement durable d'une humanité dont l'effectif sera de neuf milliards en 2050 !
Pour y répondre, nous devons hiérarchiser nos priorités et convenir d'une double stratégie : d'abord, réduire les contraintes autant que possible ; ensuite, et seulement ensuite, répartir les contraintes entre les options restantes, en tenant compte de leurs dangers.
Il faut d'abord réduire les contraintes, avec les priorités suivantes.
Premièrement, il faut accroître l'efficacité de l'utilisation de l'énergie, non seulement dans le secteur de la production d'électricité, qui occupe depuis des années l'essentiel du débat public, mais aussi et surtout dans les secteurs de l'habitat et des transports.
Aucun scénario de réduction de l'exposition aux risques, de réduction de la dépendance énergétique, de limitation des changements climatiques ne peut se dispenser de mettre la recherche de l'efficacité énergétique au centre de sa politique. Or les crédits de l'ADEME ont été réduits de 40 % en trois ans, en plein choc pétrolier.
Deuxièmement, il faut encourager la sobriété énergétique dans tous les domaines. C'est une avancée culturelle collective qui est ici nécessaire.
Troisièmement, il faut réorganiser le secteur des transports, principale source de pollution de l'air et d'émission de gaz à effet de serre, qui, année après année, croît plus vite que le produit intérieur brut et qui se caractérise à la fois par une très forte dépendance à l'égard du pétrole et par une très grande inertie. Chacun sait désormais ce qu'il faut faire ! Qu'aucune mesure sérieuse n'ait été arrêtée dans le cadre du plan national de lutte contre le changement climatique adopté il y a quelques mois n'en est que plus choquant.
Quatrièmement, il faut développer les énergies renouvelables
Je m'attarderai quelque peu sur ce point, compte tenu des amendements de pure flibuste auxquels nous avons à faire face.
M. Roland Courteau. C'est bien vu !
Mme Dominique Voynet. Les énergies renouvelables constituent des sources d'approvisionnement énergétique qui ne comportent ni risque d'épuisement des ressources, ni risque technologique, ni contribution à l'effet de serre. Et ce sont les seules ressources dont, dans ce siècle, le prix ne sera jamais indexé sur la colère du monde.
Il convient bien sûr d'être attentif aux nuisances locales et aux pollutions possibles. Les énergies renouvelables n'en sont pas toutes au même stade de maturité. Certaines filières doivent bénéficier d'un effort de recherche continu - le photovoltaïque, la géothermie de grande profondeur - ; d'autres sont matures, mais leur faible diffusion provoque un surcoût transitoire - carburants d'origine végétale, solaire thermique.
Certains extrémistes de votre majorité viennent d'inventer une nouvelle catégorie d'énergies renouvelables : celles qui, s'approchant de la compétitivité, lui font peur et justifient des obstacles administratifs pour bloquer leur développement. L'énergie éolienne est la grande victime de ce texte, en l'état.
Comment interpréter les dispositions, que vous avez acceptées et qui, pour le coup, sont assez éloignées d'une « concurrence libre et non faussée » entre sources d'énergie, sinon comme un gros cadeau fait au nucléaire, « entre copains » ?
Monsieur le ministre, il est permis de penser que, bien ciblés, les efforts visant à la réduction des contraintes pourraient permettre de diviser celles-ci par deux à l'horizon de trente ans. C'est à la fois énorme et insuffisant. Le débat, à ce stade, se concentre sur la répartition des contributions des autres sources d'approvisionnement énergétiques, à savoir les combustibles fossiles et le nucléaire.
Cette répartition relève d'un choix politique difficile. Aucun critère objectif et stable dans le temps ne permet de décider si le risque nucléaire est plus grave que l'effet de serre ou l'épuisement des ressources fossiles, ou l'inverse. C'est affaire de conviction. Les événements, souvent dramatiques, se chargent, hélas, de bouleverser régulièrement ce classement.
Le recours indispensable, pour longtemps encore, aux combustibles fossiles implique de choisir les sources qui allient le plus faible impact en termes d'effet de serre et les meilleurs rendements. La cogénération, qui associe à la production d'électricité des débouchés pour la chaleur qui en résulte, en est un exemple.
Quant au nucléaire, des enseignements importants découlent des trente années de développement de la filière : une sûreté moins contestée, mais de plus en plus coûteuse ; une compétitivité économique obtenue à court terme, au prix d'un report à très long terme des dépenses considérables engendrées par le démantèlement des installations et le stockage des déchets ; un coût totalement éludé des dommages en cas d'accident majeur ; une incapacité à se prémunir contre les risques de prolifération nucléaire, qui augmentent au fur et à mesure que l'énergie nucléaire se banalise et se miniaturise ; un marché mondial réduit, le nucléaire ne constituant évidemment pas une solution crédible pour les deux milliards d'êtres humains qui, faute de devises, de réseau ou même d'Etat, n'ont aucun accès à l'électricité, et restant une solution largement contestée ailleurs.
Vous avez cru pouvoir affirmer, monsieur le ministre, que les Etats-Unis suivaient désormais l'exemple de la France. Il est vrai que George Bush, au cours d'un précédent mandat, a évoqué son intention de relancer le nucléaire. Depuis, il ne s'est rien passé, car cette référence avait pour seul objet d'éviter que l'opinion américaine ne focalise son attention sur les intentions réelles du gouvernement américain, à savoir s'attaquer aux réserves de l'Alaska.
Les Etats-Unis n'ont pas commandé une seule centrale nucléaire en trente ans. J'en prends le pari avec vous, monsieur le ministre : aucune nouvelle tranche ne sera ni commandée ni, bien entendu, mise en service au cours du second mandat du président américain.
Mes convictions sont connues. Je suis convaincue que nous devrons sortir progressivement du nucléaire, c'est-à-dire faire le choix inverse de celui que vous proposez. Mais que l'on soit favorable ou non au nucléaire, convenons au moins que le recours à cette forme d'énergie, qui ne contribue que pour 17 % à la satisfaction des besoins d'énergie finale des différents secteurs, ne peut résumer la politique énergétique de la France.
C'est le raisonnement qui est en cause. Une séparation claire entre ce qui relève du premier choix - l'évitement des contraintes - et ce qui relève du second choix - la répartition des contraintes résultantes - constitue en effet la seule méthode permettant d'engager le débat sur des bases saines.
Votre projet de loi ne permet de progresser ni sur le développement des énergies renouvelables, ni sur la réorientation des politiques de transport, ni sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni sur la diversification énergétique.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions pas nous en satisfaire et que nous soyons amenés, aujourd'hui comme demain, à en combattre les orientations et les conséquences négatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis un peu gêné d'intervenir dans ce débat qui tutoie des perspectives technologiques extraordinaires !
En effet, je veux simplement parler d'un produit sans surprise, sans originalité, qui ne présente aucun caractère de nouveauté puisqu'il accompagne l'humanité depuis toujours et qui est quelquefois oublié, sauf à l'occasion de la promenade du dimanche : le bois de nos forêts. C'est d'ailleurs un sujet que j'avais déjà évoqué en première lecture.
Le bois a sa place dans la politique de diversification des énergies renouvelables dont le pays veut se doter. Pourtant, ayant écouté très attentivement tous les orateurs qui se sont exprimés ce soir, je crois pouvoir dire que pas une seule fois n'a été prononcé le mot « bois », sauf lorsque notre collègue Francis Grignon a dit qu'il fallait faire feu de tout bois ! (Sourires.)
Pour ma part, en tant que président de la Fédération nationale des communes forestières et me comptant à ce titre parmi les animateurs politico-économiques de la filière bois, je suis choqué qu'on parle de « biomasse » sans jamais évoquer spécifiquement le bois. Il est vrai que le bois fait partie de la biomasse, mais, ne serait-ce que sur le plan du symbole, je me réjouirais que le bois soit mentionné dans ce texte.
Mon seul motif de satisfaction est l'introduction par notre rapporteur, Henri Revol, du mot « bois » dans l'annexe à l'article 1er. Sans lui, il n'y figurerait pas du tout !
Au-delà du symbole, il nous faut prendre de vraies mesures en faveur du bois énergie, monsieur le ministre. Nous en tenons un bon nombre à votre disposition, et vous les connaissez.
Il n'est plus acceptable que, par exemple, s'agissant de la baisse du taux de la TVA sur les réseaux de chaleur alimentés par une énergie renouvelable, vous vous contentiez encore de dire que cette demande n'est pas recevable parce que contraire au droit communautaire qui ne permet pas d'appliquer un taux variable de TVA à un même produit. Les taux communautaires sont toujours objets de négociations, et nous aimerions savoir quelle est au fond la position du Gouvernement sur cette question et s'il entend nous aider à faire progresser cette demande jusqu'au succès.
Je voudrais également revenir sur un point que vous avez abordé lors de la deuxième lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen d'un amendement déposé par M. Brottes qui demandait que la politique forestière favorise l'accès de la filière forestière aux mécanismes financiers amenés à être développés dans le cadre de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Nous avons beaucoup entendu parler du marché des certificats d'économies d'énergie. Il faut trouver un moyen de « brancher » la forêt sur ce marché !
Nous commençons à travailler sur ce sujet. La Fédération nationale des communes forestières ainsi que l'Association des sociétés et groupements fonciers et forestiers, l'ASFFOR, qui représente la forêt privée, ont décidé de soumettre aux pouvoirs publics une proposition d'étude qui serait confiée à la société forestière de la Caisse des dépôts et consignations, organisme qui, comme vous le savez, tient le registre du certificat des économies d'énergie.
A la suite de l'appel d'offres biomasse-gaz lancé en décembre 2003, plusieurs grands projets, dont cinq sont basés sur l'énergie bois, ont été retenus en janvier 2005. Nous nous en réjouissons. C'est la confirmation, s'il en était besoin, que, lorsqu'il le veut, le Gouvernement sait trouver des financements, même si c'est sur la facture d'électricité des usagers plutôt que dans les caisses de l'Etat que l'argent sera prélevé ! (Sourires.) Un deuxième appel d'offres est lancé. Très bien !
Mais la politique du bois énergie ne peut être réduite à de grandes opérations. Il faut mettre en place une véritable filière bois énergie en milieu rural. J'en reviens encore à des objectifs très modestes, mais c'est cela qui permettra, dans l'esprit de la troisième priorité de diversification énergétique exposée à l'article 1er du projet de loi, la valorisation locale de la ressource énergétique bois à travers les installations de chaufferie bois et des réseaux de chaleur de cent kilowatts à un ou deux mégawatts.
Aujourd'hui, les aides publiques sont prioritairement accordées aux opérations urbaines : il importe de remettre les réalisations en milieu rural à parité de financement.
Nous avons déjà manqué une occasion législative avec la loi sur le développement des territoires ruraux. Ce projet de loi sur l'énergie est une deuxième occasion, mais je ne suis pas sûr que nous pourrons la saisir. Faudra-t-il attendre la loi d'orientation agricole pour obtenir enfin un premier résultat politique ?
Meilleure gestion de la forêt, meilleure valorisation du bois, appui à la lutte contre le réchauffement climatique : à ces bénéfices-là on ajoutera alors la création d'activités, d'emplois en milieu rural et l'utilisation de sous-produits dont, actuellement, nous ne faisons rien. Vous savez en effet, monsieur le ministre, que la surface boisée s'accroît chaque année de 20 millions de mètres cubes qui ne sont pas récoltés et qui contribuent à l'épaississement et à l'assombrissement de la forêt.
Tout cela est très important. Je sais que cette question ne figure pas au rang de vos priorités immédiates, mais je vous demande une minute d'attention, un mot de charité en faveur de ce pauvre produit qui accompagne l'humanité depuis toujours et qui a été quelque peu oublié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas donner l'impression, après mon collègue Yann Gaillard, que nos interventions n'ont pour thèmes que les causes oubliées ou considérées comme perdues. (Sourires.)
Le débat sur les orientations de la politique énergétique de la France était attendu. En 2002, au sommet de Johannesburg, le Président de la République lançait : « La maison brûle mais l'on regarde ailleurs »... La maison a-t-elle cessé de brûler ? Et regarde-t-on au bon endroit ?
Beaucoup a déjà été dit et vous me permettrez d'évoquer rapidement quelques interrogations sur une partie du volet des énergies renouvelables avant que d'insister sur une énergie qui me semble la grande délaissée - encore une, monsieur le ministre ! - de ce projet de loi : le solaire.
Permettez-moi d'abord quelques considérations sur certaines énergies renouvelables.
Je n'évoquerai pas la pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène, qui constitue un enjeu majeur pour le transport et représente à elle seule la vraie révolution à attendre des prochaines années. Elle mérite de se trouver aujourd'hui au coeur des programmes de recherche que l'Etat doit soutenir avec la même ambition que celle qu'il a manifestée hier pour le nucléaire.
Dois-je par ailleurs rappeler que 56% de l'électricité française était produite par l'énergie hydraulique en 1960 ? Cette part, qui n'est plus aujourd'hui que de 12 %, ne peut que continuer à diminuer encore en valeur relative compte tenu du niveau d'exploitation des capacités hydrauliques de notre pays.
En qualité d'élu d'un département de montagne, j'ai été sensible aux propos que vous avez tenus le 24 mars dernier à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, lorsque vous avez fait référence au débat relatif à la loi sur l'eau en même temps que vous avez souligné l'engagement pris par Thierry Breton et vous-même de « renforcer la mobilisation des compétences de vos ministères dans le domaine de l'eau et d'approfondir avec l'ensemble des acteurs la connaissance de notre potentiel de développement hydraulique pour définir les voies d'une meilleure gestion de ce potentiel ».
On peut toutefois regretter, car cela n'a pas facilité le travail législatif, que ces deux thèmes de l'eau et de l'énergie aient été traités séparément, le texte sur l'eau conduisant à une diminution des capacités alors que le projet de loi sur l'énergie se donne pour objectif de les accroître.
Cela est d'autant plus regrettable que la mise en place d'une procédure de classement des cours d'eau aurait dû constituer la chance à saisir. Votre détermination, monsieur le ministre, m'apparaît comme un gage, et j'espère que la mise en oeuvre de ces deux lois permettra de trouver un point d'équilibre dans la procédure de classement des cours d'eau.
S'agissant de l'éolien, je me félicite que notre rapporteur veuille en revenir à des propositions plus équilibrées.
Au-delà du débat de fond, nous sommes confrontés à une question essentielle en matière d'énergie renouvelable : il s'agit de l'efficacité des mesures d'accompagnement, qui doivent reposer sur la constance, la durée, la sécurité, c'est-à-dire la crédibilité à l'égard des investisseurs, qui sont la plupart du temps les usagers eux-mêmes.
On parle de bouquet énergétique, et il est bien vrai que toute énergie peut être utile et donc prise en considération. C'est ainsi que l'aérothermie doit être traitée au même titre que la géothermie, d'autant plus que l'on se trouve dans un domaine industriel particulièrement mature.
Par ailleurs, ce projet de loi ne doit pas nous faire oublier le marché et les usagers, notamment industriels. Vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous interroger sur la situation particulièrement difficile des industries électro-intensives, situation aggravée, pour certaines d'entre elles, par leur localisation dans les vallées au pied des chutes hydrauliques, qui s'explique historiquement.
Là encore, nous comptons sur votre soutien, en souhaitant que les amendements déposés sur ce sujet permettent d'aboutir à un point d'équilibre, dans le prolongement des amendements adoptés en première lecture, pour préserver une industrie nécessaire mais fragile, face à une concurrence non équitable, notamment dans le domaine du développement durable.
J'en viens maintenant, monsieur le ministre, aux enjeux du solaire.
Très sincèrement, je suis surpris, pour ne pas dire davantage, du manque d'ambition dans ce domaine.
Ce débat sur les énergies, M. le Président de la République l'avait appelé de ses voeux dès le printemps 2003. Lors du discours d'ouverture du débat sur les énergies, M. le Premier ministre soulignait sa volonté de mettre en oeuvre « une politique forte de soutien à la recherche-développement » et se demandait « comment faire émerger des leaders en matière de solaire ».
Les conclusions de Jean Besson, député du Rhône, à qui avait été confiée une mission sur les énergies aboutissaient à de vraies perspectives pour le solaire et dégageaient des orientations prometteuses.
Je n'ai donc pu manquer d'être sensible au message du Président de la République et du Premier ministre japonais, lors du forum franco-japonais du 28 mars dernier, concernant leur proposition d'une alliance franco-japonaise au service du développement durable et à l'annonce de nouvelles incitations en faveur des énergies renouvelables, dont le solaire photovoltaïque.
Le Président de la République a raison, et vous me permettrez de citer quelques chiffres qui devraient vous convaincre, même si je connais les arguments véhiculés ici et là.
Pourquoi ne pas rappeler qu'il s'agit de l'énergie propre par excellence, celle qui est la mieux acceptée par nos concitoyens, suscitant même une vraie sympathie ?
Un chiffre est éloquent : 0,01 % de l'énergie émise par le soleil suffirait à couvrir les besoins de toute la planète. Or l'énergie solaire en France ne représente, précisément, que 0,01 % de l'énergie totale utilisée.
La France est-elle en retard ? Oui, assurément !
Est-ce une fatalité ? Non !
La société Photowatt, qui fabrique des capteurs photovoltaïques en région Rhône-Alpes, occupe plus de 500 personnes. Elle était l'une des trois sociétés leaders à l'échelle mondiale il y a dix ans, avant de rétrograder à la onzième place, alors même que sa production a continué de croître de plus de 75 % en 2004, mais avec à peine 4 % de son chiffre d'affaires réalisés sur le territoire national d'.
En 2003, le parc solaire photovoltaïque était en France de 5 mégawatts, contre 200 mégawatts en Allemagne. En 2004, il est passé à 5,8 mégawatts en France, pour 363 mégawatts en Allemagne et 280 mégawatts au Japon. Le différentiel entre la France et l'Allemagne, qui était dans un rapport de 1 à 40 en 2003, est passé à un rapport de 1 à 60 en 2004.
Faut-il rappeler que, dans le même temps, le marché européen a progressé de près de 70 % en 2004 par rapport à 2003 et que la France occupe le onzième rang au sein du classement de la puissance photovoltaïque par habitant des pays de l'Union européenne et de la Suisse en 2004 ?
Or, en Allemagne, ce secteur d'activité regroupe aujourd'hui plus de 450 entreprises, ce qui représente 27 000 emplois et ouvre, selon le gouvernement allemand, une perspective de 93 000 emplois à l'horizon 2010-2015.
Nous pouvons considérer qu'en France le même secteur ne représente pas plus de 800 emplois.
J'ai évoqué le photovoltaïque, mais j'aurais pu parler en termes identiques du solaire thermique, avec 56 000 mètres carrés supplémentaires de surface couverte en France en 2004, pour 750 000 mètres carrés en Allemagne et 6 millions en Chine.
Pour relever le défi du solaire, la France doit répondre à trois enjeux : la recherche, la simplification administrative et le coût de rachat de l'électricité solaire.
S'agissant de l'enjeu de la recherche et du développement, M. le Premier ministre a eu raison de faire appel à la mobilisation des collectivités, essentiellement des départements et des régions, car, aujourd'hui, ce sont ces collectivités qui, au côté des associations et de l'ADEME, ont relevé ce défi. La région Rhône-Alpes en est l'illustration.
Vous me permettrez de citer aussi le département de la Savoie, qui occupe aujourd'hui la cinquième place européenne en ce qui concerne la surface équipée par tête d'habitant. La ville de Chambéry inaugurera d'ailleurs dans quelques jours une station solaire photovoltaïque de 600 kilowatts.
Le solaire est marginalisé par certains, à tort. Hier, la fabrication du silicium correspondait à une consommation d'énergie de cinq années. Celle-ci sera bientôt ramenée à deux années. Par ailleurs, les experts et spécialistes estiment que le rapport puissance/coût devrait progresser dans un rapport de 5 à 7.
La recherche, notamment la recherche et développement industriel, dispose de vraies marges de manoeuvre car, dans ce domaine, on n'attend guère de ruptures technologiques.
C'est ainsi que, six ans après l'engagement pris en 1998 par Michel Barnier et le président de l'ADEME, j'aurai le plaisir, dans quelques semaines, au nom du conseil général de la Savoie, de signer avec la région Rhône-Alpes, le Commissariat à l'énergie atomique, le CNRS et l'Etat, par l'intermédiaire du ministère de la recherche, une convention-cadre portant sur une enveloppe d'environ 60 millions d'euros pour la création de l'Institut national des énergies solaires, qui permettra d'accueillir une première équipe de quarante chercheurs. Un pilote industriel de silicium est également en cours d'installation et sera mis en activité à la fin de l'année 2005.
Certes, monsieur le ministre, ces projets sont suivis par vos services. Mais je me permets d'attirer tout particulièrement votre attention sur les candidatures qui ont été déposées ces dernières semaines au titre des pôles de compétitivité : celles-ci représentent, dans le domaine des énergies nouvelles comme dans les autres filières d'excellence, une vraie opportunité et la possibilité pour l'Etat de soutenir efficacement à la fois la recherche et le développement industriel.
Monsieur le ministre, votre engagement dans ce domaine constituera un signe fort.
J'en viens à l'enjeu de la simplification administrative et de la facilité des raccordements.
Les problèmes rencontrés en ce domaine résultent aussi bien des complexités administratives que des difficultés et des délais de raccordement. Dans une délibération en date du 6 mars 2003, la Commission de régulation de l'énergie insistait d'ailleurs sur les difficultés rencontrées par les producteurs.
Reconnaissons qu'en deux ans la situation a évolué, mais elle est encore loin d'être satisfaisante.
Il n'en demeure pas moins que la simplification administrative repose pour partie sur le regroupement des procédures et de l'accompagnement : nombreux sont ceux qui formulent le voeu du guichet unique.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi constituera un élément sérieux de progrès dans ce domaine.
Enfin, le coût de rachat de l'électricité d'origine solaire est un point essentiel.
L'abaissement des coûts du photovoltaïque est une perspective réelle, bien qu'elle soit contestée par certains. Une récente étude européenne démontrait qu'à l'horizon de dix ou quinze ans l'énergie solaire photovoltaïque deviendrait économiquement compétitive.
Il s'agit donc d'accompagner ce développement, ce que fait et continue de faire l'Etat en soutenant la recherche et le développement d'autres énergies.
Les chiffres communiqués par l'Observatoire européen sont sans équivoque : tous les pays européens qui ont engagé une politique volontariste et qui voient progresser fortement leur parc solaire ont adopté une politique voisine de la pratique allemande ou s'acheminent vers des démarches identiques, comme c'est le cas de l'Italie.
Mais pourquoi chercher chez les autres un exemple que nous pouvons trouver chez nous ?
Alors que l'essentiel du gisement solaire français se trouve en métropole, le marché français est porté par l'outre-mer, qui représente le double de la puissance installée en France continentale. Or, justement, le tarif de rachat de l'électricité, qui est de 15 centimes le kilowatt en métropole, représente le double en Corse et en outre-mer, soit 30 centimes le kilowatt.
Monsieur le ministre, je vous ai précisé que mon intervention porterait pour une part importante sur l'enjeu du solaire.
En fait, la problématique du solaire est celle des énergies renouvelables. C'est le défi européen des 21 % d'énergie renouvelable en 2010. C'est aussi le défi de Kyoto. C'est, tout simplement, le défi que doit relever notre civilisation.
Depuis des millénaires, le mythe du soleil a traversé toutes les civilisations : grecque, perse, romaine, égyptienne, japonaise, indienne, chinoise ou aztèque.
Faisons en sorte que les mythes ne soient pas plus puissants que le soleil lui-même, qui est, selon les scientifiques, « cette extraordinaire machine qui émet en une seule seconde plus d'énergie que l'humanité n'en a jamais consommé ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Roland Courteau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons la deuxième lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie et, à écouter les uns et les autres, il est manifeste que tous s'accordent sur la nécessité de repenser notre politique énergétique.
Le diagnostic est unanime. L'augmentation continue des besoins en énergie, l'épuisement programmé des énergies fossiles, la fin de vie de notre parc nucléaire, la rapide et profonde mutation du paysage énergétique français et mondial, ne peuvent qu'aboutir à des tensions. Cela nous impose d'accéder dans les décennies à venir à une énergie compétitive, de qualité et peu génératrice d'effet de serre.
Nous devons par conséquent nous entendre sur les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire durablement aux intérêts supérieurs de notre pays. L'équation n'est pas facile à résoudre, mais c'est le grand mérite de ce texte que de poser clairement les options qui s'offrent à nous.
C'est pourquoi je tiens à saluer votre geste, monsieur le ministre. En levant la déclaration d'urgence, vous privilégiez le débat, et seul ce dernier nous permettra de définir les contours d'une politique qui requiert l'agrément du plus grand nombre.
Qu'il s'agisse de la construction d'un réacteur nucléaire à eau pressurisée, du lancement des certificats d'économies d'énergie, des mesures fiscales incitatives en faveur de la promotion des énergies renouvelables ou de la maîtrise de la demande d'énergie, les bases d'une politique énergétique responsable et cohérente sont jetées.
D'ailleurs, en faisant appel à tous les acteurs du secteur, ce texte s'appuie judicieusement sur un important capital de savoir-faire, auquel les collectivités locales prennent toute leur part.
Sur ce plan, le bilan des premières lectures est plutôt positif. Je salue à cet égard l'excellent travail de notre rapporteur, Henri Revol, que je remercie de son sens de l'écoute.
Il est à souhaiter que ces acquis soient consolidés dans le texte définitif. Je tiens à souligner à cet égard l'action des élus. La décentralisation permet en effet d'exercer d'importants effets de levier, qu'il serait dommage de ne pas utiliser dans la perspective des objectifs que nous poursuivons.
Les collectivités locales constituent un milieu très favorable à la mise en place de politiques de maîtrise de la demande, et ce pour deux raisons : d'une part, les services publics locaux sont des consommateurs d'énergie qui comptent et, d'autre part, les collectivités locales peuvent faire de la pédagogie par l'exemple, voire assumer le rôle de conseiller et de prescripteur vis-à-vis des tiers. Il est donc essentiel que celles-ci puissent clairement bénéficier de l'attribution de certificats d'économies d'énergie lorsqu'elles investissent dans des actions d'économies d'énergie sur des patrimoines publics et privés.
Par ailleurs, les collectivités compétentes dans le domaine de l'énergie doivent pouvoir constituer des points d'appui pour la protection des consommateurs d'électricité et de gaz, notamment les consommateurs de petite taille.
On peut, de ce point de vue, se réjouir de l'adoption, dès la première lecture, d'un amendement donnant aux collectivités organisatrices de la distribution d'électricité ou de gaz la possibilité d'exercer des missions de conciliation pour le règlement des différends entre les fournisseurs de dernier recours et les consommateurs éligibles.
Il faudrait également permettre clairement à ces collectivités organisatrices de vérifier si les dispositifs de maintien prévus pour les consommateurs en situation de précarité fonctionnent correctement et, le cas échéant, d'aider ceux-ci à mieux maîtriser leur consommation. En effet, en ce domaine, il est toujours préférable de prévenir. Je présenterai un amendement en ce sens, à l'article 5.
En ce qui concerne la qualité de l'électricité distribuée, je me réjouis que le dispositif prévu à l'article 13 rende possible la définition par voie réglementaire de niveaux de qualité ambitieux. Le décret d'application devra évidemment être à la hauteur des espérances manifestées sur nos travées.
A propos de ces préoccupations de qualité, je rappelle que le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux doit être fixé à une hauteur suffisante pour permettre aux gestionnaires de réseaux, mais aussi aux collectivités locales qui assurent la maîtrise d'ouvrage, d'effectuer correctement leurs missions.
Aussi est-il essentiel que la Commission de régulation de l'énergie, à laquelle nous avons confié un rôle déterminant, encore renforcé par l'article 17 bis A du projet, pour la fixation de ces tarifs, soit particulièrement attentive au fait qu'une partie du produit de ces tarifs est destinée aux collectivités maîtres d'ouvrage pour l'entretien des réseaux, via les redevances et financements prévus par les contrats de concession, ainsi que par l'intermédiaire du dispositif du fonds d'amortissement des charges d'électrification.
S'agissant enfin des questions de production d'électricité, je formulerai deux observations.
Tout d'abord, le choix de construire un réacteur à eau pressurisée répond à une attente forte, à laquelle les élus sont sensibles, celle de garantir la sécurité d'approvisionnement en énergie des consommateurs raccordés aux réseaux de distribution.
Ce choix, je tiens à le souligner, témoigne de la volonté du Gouvernement de maintenir à un niveau ambitieux l'indépendance énergétique de la France, en recourant à une technologie particulièrement vertueuse pour répondre au défi écologique le plus urgent et le plus important de notre époque : l'effet de serre.
Pour autant, et ce sera ma deuxième observation, tout doit être fait pour favoriser une diversification raisonnée du bouquet énergétique La mobilisation des élus est essentielle à la réalisation de cet objectif, et ce pour trois raisons.
Premièrement, l'implantation des nouvelles infrastructures doit se faire en accord avec les populations.
Deuxièmement, les collectivités disposeront dorénavant, grâce à ce texte, de nouvelles possibilités pour faciliter la pénétration des énergies renouvelables.
Troisièmement, et c'est le plus important, les collectivités ont la possibilité d'acheter de l'énergie verte.
Mais encore faut-il que la réglementation soit cohérente jusqu'au bout. Il est donc particulièrement opportun d'avoir prévu, dans l'article 5 quater, la possibilité pour les collectivités de vendre librement l'électricité produite à partir de sources renouvelables, dès lors qu'elles ne pourraient pas ou plus bénéficier de l'obligation de rachat.
S'agissant de l'éolien, gageons que notre assemblée saura trouver une solution sage et équilibrée, ménageant l'indispensable rationalisation du développement de cette énergie, sans pour autant brider trop les initiatives dans ce domaine.
Au moment où le débat référendaire voit les tenants du oui et du non s'opposer sur l'option la mieux à même de garantir la voix de la France dans le monde, j'ai la ferme conviction que l'acte législatif que nous allons accomplir cette semaine sera aussi déterminant pour l'avenir de notre pays que le résultat du 29 mai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, il me paraît convenable que le Gouvernement puisse apporter quelques explications en réponse aux interpellations dont il a fait l'objet.
Monsieur Courteau, à propos des biocarburants, sachez que le Gouvernement soutiendra l'amendement tendant à supprimer le dispositif voté par l'Assemblée nationale, qui fait la distinction des filières.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En ce qui concerne les ruptures technologiques, le projet de loi prévoit explicitement le financement de recherches sur les nouvelles technologies de l'énergie. Le CEA, l'Institut français du pétrole et l'ADEME bénéficient de crédits importants, d'un montant de 120 millions d'euros par an.
Je veux vous dire, comme à Mme Voynet, que les crédits industrie de l'ADEME ont toujours été préservés. Une ouverture complémentaire de 4,5 millions d'euros en fin d'année 2004 a d'ailleurs permis de financer une campagne sur la maîtrise d'énergie, pour répondre à la hausse du prix du pétrole.
S'agissant des tarifs du gaz, monsieur Courteau, les augmentations ne sont pas liées à l'ouverture du capital. Elles sont la simple répercussion des coûts d'approvisionnement, puisque, comme vous le savez, Gaz de France achète l'essentiel de ce qu'il revend.
Par ailleurs, il est faux de prétendre que nous sommes favorables au « tout nucléaire ». Le projet de loi défend, au contraire, un mix énergétique, l'objectif étant d'arriver, comme M. le rapporteur l'a rappelé tout à l'heure, à 21 % d'énergies renouvelables en 2010.
M. Roland Courteau. Ce sera difficile !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans le débat difficile sur l'éolien, je voudrais rappeler quelle est la position du Gouvernement. L'éolien est souvent la forme moderne du don quichottisme, avec, naturellement, les moulins ! (Sourires.) Dans la recherche d'un équilibre, il s'agit, non de faire moins d'éolien, mais de faire mieux d'éolien. Il faut arriver à concilier cette énergie renouvelable et la défense des paysages.
En outre, je voudrais rappeler que l'éolien est l'une des énergies renouvelables les plus compétitives, loin devant les autres, monsieur Vial, y compris le solaire photovoltaïque ! Il vaut encore 66 euros par mégawattheure, alors que le prix du marché s'établit à 35 euros par mégawattheure, marché certes fourni essentiellement, mais pas seulement, par le nucléaire.
Au total, l'éolien a coûté 40 millions d'euros en 2004 à la CFPE. Cette somme devrait augmenter naturellement avec le développement de cette énergie. Je le rappelle, la PPI, la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, prévoit une puissance de 2 000 mégawatts en 2007. Soyez rassuré, les dernières statistiques dont nous disposons montrent que nous sommes sur la bonne voie.
Sachez, enfin, que les tarifs de l'éolien, qui baissent chaque année de 3 %, diminueront de 10 % dès que la puissance installée aura atteint 1 500 mégawatts.
Monsieur Marini, votre raisonnement sur la taxe affectée au régulateur pour garantir son indépendance a sa logique, mais si la taxe affectée est la condition de l'indépendance, cela suppose d'avoir une taxe affectée pour la Cour des comptes, une pour le Conseil d'Etat, une pour la Cour de cassation, bref pour l'ensemble du système judiciaire. Donc, si la taxe affectée est la condition de l'indépendance, il va falloir que nous révisions entièrement le financement de la justice. Je crains que nous n'allions, à ce moment-là, à rebours complet de la LOLF. En revanche, je suis d'accord pour étendre le rôle de la CRE, qui est indispensable.
S'agissant du calendrier d'ouverture du capital de Gaz de France et d'Electricité de France, je vous rappelle ce qui a été annoncé par Thierry Breton : GDF avant l'été 2005, EDF d'ici à la fin de l'année. Et quoi qu'en disent les mauvais esprits, le choix fait pour GDF est lié, non au référendum, mais aux conditions du marché, dont chacun peut d'ailleurs prendre connaissance en lisant les journaux économiques (M. Roland Courteau manifeste son scepticisme.). Donc, nous verrons au mois de juin si les circonstances sont meilleures.
Monsieur Deneux, je vous confirme la volonté du Gouvernement de revenir à la rédaction initiale sur la « TGAP biocarburant ». Je suis donc favorable à la suppression de l'article 1er octies.
S'agissant des économies d'énergie, le projet du Gouvernement n'est pas, en la matière, de mettre en place un système administré. Il est, bien au contraire, de créer un marché, avec une offre et une demande de certificats d'économies d'énergie. Ce marché permettra d'atteindre les gisements d'économies les plus rentables.
En ce qui concerne le transport, vous avez cité les biocarburants et vous avez raison. Vous auriez pu mentionner également l'objectif de 120 grammes de CO2 par kilomètre en moyenne, ou encore la priorité donnée au fret et au transport fluvial, autant de choix qui témoignent du souci du Gouvernement en la matière.
Sur le bâtiment, vous avez également raison : ce secteur très important doit, lui aussi, contribuer à l'objectif de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, il faut être prudent dans les mesures à mettre en oeuvre : pour passer des 300 kilowattheures par mètre carré actuels aux 50 kilowattheures par mètre carré que vous proposez, les investissements nécessaires sont estimés à 200 euros par mètre carré. Les surcoûts sont donc importants, au moins sur le court terme.
Monsieur Coquelle, pour les transports, la réponse est dans la promotion du rail, des biocarburants, dans la recherche sur les carburants alternatifs et sur le vecteur à hydrogène. Même si nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure d'atteindre notre objectif, les moyens sont fournis pour avancer dans ce domaine.
S'agissant des initiatives à prendre en matière d'énergie, je suis heureux de vous dire que j'ai réuni aujourd'hui, lors d'un déjeuner - et c'est une première - les ministres de l'énergie des vingt-cinq pays de l'Union européenne, accompagnés du commissaire en charge de l'énergie et du président du conseil compétitivité dans sa formation énergie.
Nous avons pris la décision de travailler à la mise en oeuvre d'une réponse commune de l'Union européenne à la crise du prix du pétrole. Des pistes de réflexion ont été citées. Pour la première fois, l'Union européenne va se saisir de ce problème et je pense que vous vous en réjouirez.
Des initiatives européennes ont déjà été prises en matière d'énergie - d'un autre ordre, et plus modeste - puisque des protocoles ont été signés entre la France, la Belgique et les Pays-Bas - et, prochainement, l'Allemagne - afin de faciliter les interconnexions.
Monsieur Raoul, vous m'avez interrogé sur le point de savoir quand viendrait en discussion le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire : il est programmé en première lecture, au Sénat, dès le mois de juin. Vous ne perdez donc rien pour attendre ! Pour le projet de loi sur la gestion des déchets nucléaires, vous devrez, en revanche, patienter jusqu'au printemps 2006.
J'en viens à l'intervention de Mme Voynet, au moins pour que ma réponse figure au Journal officiel. Elle nous a fait, avec ce sourire qui nous a permis de mieux l'entendre, un exposé de conviction.
Je voudrais lui rappeler que les énergies renouvelables sont soutenues dans le projet de loi d'orientation. En ce domaine, la France est aujourd'hui la première en Europe. A défaut de savoir si nous sommes de mauvais élèves, je peux vous dire que nous sommes les premiers sur l'hydraulique.
M. Roland Courteau. Y compris en hydroélectricité ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Y compris pour l'hydroélectricité, bien sûr, qui compte pour 12 %. Vous n'excluez pas, j'imagine, l'hydroélectricité des énergies renouvelables !
Le fait que, en ce domaine, des objectifs quantitatifs figurent au projet de loi est révélateur.
J'entends souvent parler de « sortir du nucléaire ». Mais quelles sont les solutions proposées pour y parvenir ?
En tout cas, depuis que je suis en charge de l'énergie, je vois tous nos partenaires et voisins européens défiler à Bercy pour venir me dire que le nucléaire est interdit chez eux, mais que, s'ils pouvaient participer chez nous à un projet nucléaire dont ils pourraient tirer de l'électricité, cela les intéresserait beaucoup.
M. Daniel Raoul. C'est le phénomène Nimby !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Voilà ! Mais à vouloir sortir du nucléaire pour aller le chercher chez les autres, il arrive un moment où il n'y a plus personne pour prendre part à ce petit jeu et, là, comment fait-on ?
Si j'ai du mal à retenir cette solution, convenant que le nucléaire n'est sans doute pas la solution pour les 6 milliards d'habitants de la planète, je rappelle tout de même que, en France, il permet d'économiser 120 millions de tonnes de CO2 chaque année. Si la Chine suivait cet exemple, la question de l'effet de serre ne se poserait plus de la même façon !
Je veux bien que l'on fasse des révérences devant le protocole de Kyoto, mais j'imagine mal comment on pourra le respecter sans le nucléaire. Oui, j'ai peine à l'envisager!
M. Gaillard nous a parlé du bois en termes quasiment poétiques, en tout cas avec une conviction que pourrait lui envier Mme Voynet, mais aussi avec beaucoup de vérité.
Même si, je le reconnais, il n'est pas cité dans le texte, sachez que le bois n'est pas oublié. En effet, il représente déjà 8,6 millions de tonnes équivalent pétrole par an. Et le projet de loi prévoit une augmentation de 50 % de la production d'énergie thermique renouvelable d'ici à 2010.
Il est également prévu une production d'électricité d'origine renouvelable à hauteur de 21 %, contre 14 % aujourd'hui. Le bois aura donc toute sa place dans ce développement même si, évidemment, il est compris dans le concept de biomasse et même si, j'en conviens volontiers avec Alfred de Vigny, le cor le soir au fond de la biomasse ne sonne pas comme au fond des bois ! (Sourires.)
En 2005, dans le cadre d'un appel d'offres, j'ai déjà autorisé l'installation de 200 mégawatts. J'entends lancer un nouvel appel d'offres cette année et la PPI, la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, prévoit 400 mégawatts en 2007.
En ce qui concerne l'énergie solaire, je voudrais indiquer à M. Vial qu'un plan « Face sud » est prévu pour le solaire thermique, avec un rythme annuel d'équipement de 200 000 chauffe-eau solaires et de 50 000 toits thermiques photovoltaïques à l'horizon 2010.
S'agissant du solaire photovoltaïque, vous avez eu raison, monsieur le sénateur, d'insister sur l'importance de la recherche : c'est en effet le coeur du sujet. Elle est indispensable pour réduire le coût de production du kilowattheure. Le coût de rachat actuel, qui est de 150 euros le mégawattheure, est quatre fois supérieur au prix du marché, mais reste, malgré cela, encore très inférieur au coût de production. Le solaire photovoltaïque fait partie des sujets qu'abordera l'Agence nationale de la recherche.
En ce qui concerne les entreprises électro-intensives, je rappellerai que j'ai constitué un groupe de travail sur le maintien de leur compétitivité. Quelque 100 000 emplois sont en jeu, ce qui n'est nullement négligeable. Il conviendra évidemment de prendre en compte la spécificité de ces entreprises dans les contrats de fourniture d'EDF ou d'autres producteurs d'électricité.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité dans le domaine de l'énergie, je puis vous dire, monsieur Vial, que je soutiendrai, s'agissant de la région Rhône-Alpes, les énergies renouvelables, mais aussi les pôles nucléaires, comme ceux du Tricastin ou de Marcoule.
Je voudrais maintenant indiquer à M. Pintat que j'ai pris des dispositions concernant les personnes en situation de précarité. Le projet de décret résultant des réflexions menées par le groupe de travail installé en décembre 2004 prévoit que les fournisseurs d'électricité transmettront aux services sociaux du département responsables de l'attribution d'aides sociales au titre du Fonds de solidarité pour le logement les informations relatives à ces personnes.
Cela étant, je ne pense pas qu'il soit envisageable de multiplier les destinataires de ces informations, pour des raisons bien compréhensibles de confidentialité. La CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, ne l'accepterait d'ailleurs pas, me semble-t-il. Le maire devrait également pouvoir intervenir au côté des services sociaux du département, en mobilisant des aides complémentaires.
S'agissant de la qualité du courant électrique, les amendements qui ont été déposés par M. le rapporteur sur ce thème seront acceptés par le Gouvernement.
Enfin, les dispositions de l'article 5 quater tendent à permettre à une collectivité territoriale produisant de l'électricité à partir d'une source d'énergie renouvelable de la vendre librement à l'issue du contrat d'obligation d'achat. Est notamment concernée la production d'électricité résultant de l'incinération des ordures ménagères.
Sans prétendre à l'exhaustivité, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai essayé de répondre aux principales préoccupations que vous avez exprimées. L'examen des articles et des amendements me donnera l'occasion d'aborder les autres points que vous avez pu évoquer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Coquelle, Billout et Le Cam, Mmes Demessine, Didier, Beaufils et Borvo Cohen-Seat, M. Bret, Mmes Assassi et David, MM. Fischer, Foucaud et Hue, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Vera et Voguet, Mme Hoarau, MM. Biarnès et Autain, d'une motion n° 125, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture (n° 275,2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi se déroule à une période où les citoyens de notre pays débattent de l'avenir même de notre société et démontrent leur volonté d'être mieux associés aux choix qui les concernent. La politique énergétique n'est pas déconnectée des préoccupations des Françaises et des Français, leur vie quotidienne en dépendant largement. Les orientations qui seront définies par les parlementaires au travers de ce texte ne pourront donc ignorer le débat qui a lieu actuellement dans tout le pays.
Monsieur le ministre, vous faites la sourde oreille aux revendications des salariés, vous laissez s'envoler les profits, vous organisez la dégradation du pouvoir d'achat de nos concitoyens, vous dénoncez les coûts de la main-d'oeuvre en France au regard de ce qu'ils sont dans les nouveaux pays membres de l'Union européenne, justifiant ainsi les délocalisations, même si, à quelques semaines du référendum, vous avez lâché un peu de lest s'agissant des fonctionnaires. A cet égard, la campagne sur le traité établissant une constitution pour l'Europe montre votre difficulté à accepter l'intrusion des citoyens dans le débat sur le fond de la politique que vous voulez mener.
Or cette question de la construction européenne a tout à voir avec la politique énergétique de la France. Vous le dites vous-même au travers du projet de loi qui nous est soumis : dans la perspective d'un marché intégré européen de l'énergie, « il importe que les pays européens coordonnent mieux leurs politiques énergétiques », et « des décisions majeures en matière de politique énergétique sont désormais prises dans le cadre européen et c'est, en partie, au niveau européen que s'apprécie désormais notre sécurité d'approvisionnement. La France vise donc à faire partager les principes de sa politique énergétique par les pays de l'Union européenne (...). »
Comment une telle déclaration pourrait-elle nous rassurer, quand toutes les décisions que vous avez prises jusqu'à ce jour dans ce domaine de l'énergie se traduisent par un affaiblissement de nos capacités d'intervention ? L'éclatement de l'entreprise publique, son changement de statut pour mieux engager la privatisation en témoignent.
Officiellement, vous avez, monsieur le ministre, pris la décision de ne pas ouvrir le capital de GDF avant le référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, tout en ayant signé le décret permettant la réalisation de cette opération. Il a en outre été précisé que celle-ci interviendrait avant l'été, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie « prenant prétexte », selon Le Figaro du 29 avril dernier, « de la mauvaise tendance actuelle des marchés ». Vous savez quelle incidence une telle ouverture pourrait avoir sur le scrutin. Le même journal, rapportant les propos d'un familier du dossier, précisait d'ailleurs que si le « non » l'emporte le 29 mai, « le Gouvernement ne prendra pas le risque de déclencher l'opération, il sera trop occupé à réparer les dégâts politiques ».
Vous savez très bien, monsieur le ministre, que les salariés, comme les usagers, sont très nettement opposés à cette privatisation de GDF : ils vous l'ont signifié à maintes reprises. GDF n'a aucun besoin de financement extérieur, parce qu'un désendettement a été réalisé en 2004 et que son autofinancement réel, de 6,6 milliards d'euros sur deux ans, est supérieur au chiffre prévisionnel de 5 milliards d'euros ; la seule raison invoquée tient à la nécessité de s'ouvrir à l'étranger, or cette politique d'expansion a déjà montré ses limites et ses dangers par le passé.
Quant aux choix opérés depuis la transposition de la directive « gaz » en 2003, ils font dépendre nos importations d'une multiplicité d'opérateurs privés, ce qui risque de compromettre notre sécurité d'approvisionnement.
Les usagers, que vous nommez « clients », se rendront compte très prochainement des conséquences de votre politique, puisqu'une augmentation de 7 % à 8 % des tarifs serait prévue pour le 1er juillet, après le référendum. Et vous osez affirmer que le principal bénéficiaire de cette politique libérale serait le consommateur ! Vous le savez très bien, elle n'aboutit qu'à faire supporter une charge plus lourde aux usagers qui, vous le reconnaissez vous-même, doivent pouvoir bénéficier d'une politique de solidarité, pour leur garantir l'accès à l'énergie.
Cependant, vous proposez que ce soit les collectivités compétentes qui, dans le cadre plus global de leur politique d'aide sociale, « aident leurs administrés en difficulté à payer leurs factures, quelle que soit l'origine de l'énergie utilisée ». Or des entreprises publiques dont l'Etat actionnaire peut définir la politique sont tout à fait aptes à remplir cette mission de solidarité, sans qu'il soit besoin de se tourner une fois de plus vers les collectivités territoriales. C'était d'ailleurs tout l'intérêt de ces entreprises publiques, où la péréquation a toujours permis que la rentabilité d'un secteur compense les difficultés enregistrées dans d'autres. Mais vous préférez les ouvrir à la privatisation, offrant ainsi aux actionnaires des perspectives de bénéfices qui ne peuvent être compatibles avec une réponse équilibrée aux besoins de tous les usagers.
Dans quelle société voulons-nous vivre demain ? C'est bien la question qui sous-tend ce projet de loi. Ce que nous proposent aujourd'hui ceux qui défendent la concurrence « libre et non faussée », c'est une société qui privilégie essentiellement le profit, une société qui soumet donc l'énergie aux règles de celui-ci, plutôt que de reconnaître le droit à l'énergie pour chacun, quelles que soient ses ressources, quel que soit son lieu de vie.
Une fois de plus, au travers de ce projet de loi, on propose aux Français de dépenser moins, d'économiser l'énergie : c'est la même démarche que pour la sécurité sociale, les Français étant invités à moins se soigner. En fait, on oublie à chaque fois que nombre de nos compatriotes - ils sont plus de trois millions à vivre en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec des revenus inférieurs à 602 euros par mois - ne sont pas en mesure de réduire leur consommation énergétique.
Cette politique répand déjà partout injustice, misère, chômage. Il s'agit de choix de société fondés sur le « tout profit », incompatibles avec l'intérêt général. Ce remodelage en profondeur de notre société, dont le traité de Maastricht constituait une première étape, le projet de constitution européenne le prolonge, le renforce et tend à le rendre irréversible.
Dans cette perspective, l'énergie étant considérée comme un domaine de compétence partagée, elle serait soumise de façon encore plus forte que d'autres secteurs aux dispositions de la partie III du texte, où il est répété comme un leitmotiv que « la concurrence est libre et non faussée ».
Vous avez d'ailleurs déjà pris les devants en changeant le statut de l'entreprise, en décidant d'en ouvrir le capital pour mieux organiser la privatisation. C'est donc là un débat majeur pour l'avenir de notre pays et de l'ensemble de l'Union européenne. Une vraie coopération entre Etats à l'échelle de l'Europe, voilà bien ce qui permettrait de se donner les moyens d'une nouvelle dynamique industrielle, tout en répondant aux besoins de nos concitoyens dans des conditions acceptables.
La déréglementation dans le domaine de l'énergie a montré son caractère néfaste dans d'autres pays. Plutôt que de poursuivre dans cette voie, réalisons un bilan national et européen des déréglementations, et gelons les procédures d'ouverture des marchés tant que cette analyse n'aura pas été faite.
A travers ce projet de loi, vous voulez franchir une étape supplémentaire dans le processus de libéralisation. Vous parlez de politique de maîtrise de l'énergie, mais l'une de vos principales propositions est de créer des certificats d'économie d'énergie, qui seront des biens meubles négociables. Ils permettront à ceux qui auront les moyens financiers de les acquérir de polluer à loisir.
C'est un système que nous jugeons immoral et cynique que vous mettez là en place. Qui plus est, il risque d'être inefficace économiquement, puisqu'il repose sur votre postulat dogmatique selon lequel le marché serait capable de s'autoréguler. Or tout le monde reconnaît aujourd'hui que notre production n'est pas suffisante, que nous risquons de rencontrer des difficultés de fourniture, ainsi qu'un déficit de capacité de production, à l'horizon 2009-2010.
Par ailleurs, pour une politique énergétique efficace, ne devons-nous pas tenir compte de l'épuisement à terme des ressources fossiles ? On estime généralement que, sur la base de la consommation actuelle, la demande de pétrole pourra être satisfaite pendant encore quarante ans. Toutefois, les avis diffèrent quant à l'évaluation des réserves d'hydrocarbures. La production suit une courbe en forme de cloche, dont le sommet correspond à l'épuisement de la moitié de la ressource. Ce sommet sera atteint avant 2010, ensuite le pétrole sera beaucoup plus cher, et l'on voit combien la maîtrise de cette matière première peut engendrer de conflits. Epuiser une ressource que la Terre nous a léguée après l'avoir accumulée pendant des milliards d'années n'aurait aucun sens !
Il faut donc diversifier la réponse énergétique dans notre pays et ne pas en rester au seul débat sur l'éolien, que les médias ont mis en exergue. L'énergie solaire, parmi bien d'autres sources que je n'énumèrerai pas ici, devrait également mobiliser notre attention
Nous devons aussi faire confiance à la capacité de la recherche à apporter d'autres réponses aux besoins énergétiques. Cependant, il faut lui en donner les moyens. A cet égard, on pourrait considérer que Total, qui réalise des profits exceptionnels, pour une part liés à l'évolution actuelle du prix du pétrole, devrait être largement sollicité pour contribuer au financement de la recherche.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marie-France Beaufils. L'énergie n'étant pas une marchandise - vous le reconnaissez vous-même, monsieur le ministre -, il est alors difficile d'admettre que seul le marché puisse réguler l'activité économique de ce secteur. De plus, l'énergie n'étant pas stockable, elle exige des investissements à long terme afin de permettre une production supérieure à la demande moyenne pour faire face aux pointes de consommation. Mais votre politique n'a d'yeux que pour le court terme !
La première étape de la libéralisation a déjà fait des victimes : les entreprises ont vu leur facture augmenter en moyenne de 30 % en 2003 - 35,6 % pour la SNCF ! -, et cela se répercute sur les consommateurs, les usagers.
Monsieur le ministre, votre projet manque d'ambition. Pensez à nos prédécesseurs qui, au lendemain de la guerre, dans un pays exsangue, avaient eu l'audace et la générosité de créer les entreprises publiques, gages de l'équilibre et de la solidarité sur notre territoire. Aujourd'hui, vous les détruisez sans aucun remord !
Ces entreprises ont permis le redressement de notre économie, elles ont contribué au réaménagement du territoire dans des conditions financières que seul le statut public a rendu possibles. Grâce à elles, les coûts de l'énergie ont pu être maîtrisés. Votre projet de loi prévoit « de garantir un prix compétitif de l'énergie » ; je ne suis pas certaine que cette formule ait le même sens.
Selon l'Agence internationale de l'énergie, en 2030, la demande d'énergie mondiale sera 60 % plus importante qu'à ce jour. Nous ne pouvons imaginer que les pays en voie de développement soient bloqués dans leur réponse énergétique par une insuffisance de financement des besoins à la fois de renouvellement et de croissance en Europe.
Une politique énergétique ne peut reposer que sur le long terme. Elle doit s'inscrire dans un projet européen de coopération. Les investissements sont trop lourds pour être supportables sur du court terme. Quant à la sécurité des sites nucléaires, elle est également primordiale. Il faut les moyens de pouvoir l'assurer ! Or ce besoin indispensable de long terme n'est pas conciliable avec les exigences de court terme des actionnaires, qui seront à mettre en oeuvre si la politique que vous proposez à l'échelon de la France et de l'Europe est poursuivie.
Comment ne pas tenir compte des expériences de libéralisation déjà existantes ? Je ne voudrais pas répéter ce que nous avons déjà dit en première lecture, mais ignorer les conséquences désastreuses pour les consommateurs ainsi que pour la sécurité des installations, n'est-ce pas suicidaire pour notre économie ? Comment accepter une politique énergétique à court terme, alors que l'on sait qu'il faut huit ans pour construire une centrale nucléaire et six ans pour une ligne à très haute tension ?
La politique d'investissement d'EDF est obligée d'intégrer l'effort de recherche, mais aussi les prévisions de consommation. Ces investissements ont pu être réalisés grâce à l'existence de la grande entreprise publique EDF-GDF depuis soixante ans. Elle a assuré avec responsabilité la sûreté et la protection nucléaires, même si celles-ci doivent toujours être améliorées, en particulier, comme le rappelait mon collègue Yves Coquelle tout à l'heure, en en finissant avec le système des « nomades du nucléaire ».
« Le mécanisme de concurrence est le plus efficace, lorsqu'il est correctement mis en place, pour inciter les entreprises d'un secteur à améliorer leur qualité de service et à baisser leurs coûts de production. Les réseaux - transports, énergie, télécoms ... - ne font pas exception à cette règle, mais peuvent nécessiter une approche particulière » nous disent les « notes bleues » de Bercy de juillet 2003. Celles-ci n'ont rien à envier au texte de la Constitution européenne, qui mentionne que « les entreprises publiques chargées de la gestion de services d'intérêt général ou présentant le caractère d'un monopole sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence, dans la mesure où l'application de ces dispositions ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur est impartie. »
Avec votre projet de loi, vous proposez que « la France élabore tous les deux ans des propositions énergétiques à l'intention de l'Union européenne visant notamment à promouvoir la notion de service public ». Cette bonne intention que l'on aurait pu vous reconnaître est contrecarrée par les déclarations multiples et variées auxquelles nous avons droit depuis quelques semaines sur la définition des services d'intérêt économique général et leur différence avec les services publics. Je n'irai pas jusqu'à vous rappeler les propos du Président de la République ou ceux du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à ce sujet.
Monsieur le ministre, nous attendions un véritable projet de loi d'orientation sur l'énergie. Vous nous présentez plutôt un catalogue de mesures paré de bonnes intentions où les termes « inciter », « veiller à », « encourager », « promouvoir », sont autant de déclarations, mais sans véritable moyen d'action.
Le titre Ier A s'attaque d'emblée à la stratégie énergétique, sans même engager de façon préalable une réflexion d'ensemble prenant en compte toutes les questions liées aux aspects géopolitiques, environnementaux ou même à l'épuisement de certaines ressources.
Ce texte de loi devrait insuffler une politique audacieuse pour les cinquante prochaines années. Or il n'est qu'adaptation au système de concurrence.
Il devrait porter une attention particulière aux salariés qui ont construit EDF-GDF depuis tant d'années en harmonisant les conditions de travail des salariés prestataires dans le nucléaire. Il devrait préserver les intérêts des usagers qui ont largement contribué à la politique énergétique de la France.
Monsieur le ministre, votre projet de loi n'est pas à la hauteur des besoins croissants de notre pays pour les prochaines années. Vous voulez obtenir un consensus sur les points techniques en évacuant la question essentielle : celle de faire face aux défis énergétiques d'ici à 2012-2015. Cette politique à courte vue ne garantit pas que le protocole de Kyoto sera respecté.
D'ailleurs, comment pourrait-il l'être quand, malgré vos déclarations d'intention, vous favorisez dans les faits le transport routier, vous détruisez le secteur des transports combinés ? Et ce n'est pas la première desserte privée ferroviaire qui permettra de relancer les dessertes de certains industriels que la SNCF abandonne !
Comment ce protocole et vos objectifs seraient-ils remplis, alors que vous abandonnez toute aide aux transports collectifs urbains, et que ce sont les transports routiers qui sont les plus gros contributeurs à la production de gaz à effet de serre ?
Il est temps que les orientations énergétiques reprennent le bon chemin en se libérant des intérêts privés pour être au service de l'intérêt général. Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de ne pas poursuivre l'examen de ce projet de loi d'orientation sur l'énergie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Contrairement à l'usage, la commission des affaires économiques n'a pas formellement examiné cette question préalable. Toutefois, sans trahir l'esprit de la majorité de ses membres, je peux indiquer que son avis ne peut être que défavorable, puisque, lors de sa réunion du 13 avril, elle a approuvé le rapport que je lui présentais et donc confirmé qu'il y avait bien lieu de débattre sur ce sujet.
En me fondant sur l'argumentaire présenté dans le texte de la motion, je répondrai à chacun des points que vous avez évoqués, madame Beaufils.
Il est vrai que le projet de loi ne prévoit pas de moyens financiers spécifiques. Mais cette démarche est logique, puisque c'est précisément le rôle des lois de finances. Nous débattons actuellement du projet de loi d'orientation sur l'énergie afin de fixer les grandes orientations politiques du secteur énergétique pour les décennies à venir. A ce titre, les dispositifs proposés pour maîtriser la demande d'énergie, comme les certificats d'économies d'énergie ou le renforcement des règles de performance énergétique des bâtiments, apportent une réponse pertinente.
Vous évoquez ensuite le manque de soutien aux énergies renouvelables. Laissez-moi vous rappeler que le mécanisme de la CSPE ainsi que les tarifs de rachat très intéressants pour les producteurs - les calculs ont été présentés tout à l'heure - permettent de soutenir fortement les énergies renouvelables. Au demeurant, le projet de loi prévoit des dispositions qui faciliteront la mise en oeuvre des appels d'offres et il fixe les grands objectifs de l'Etat en la matière.
Enfin, vous nous dîtes que le projet de loi entérine la volonté du Gouvernement de privatiser le secteur énergétique. D'une part, je ne vois rien qui, dans le projet de loi, concrétise cette intention, qui ne se fonde donc que sur des a priori. D'autre part, je vous rappelle que la commission a déposé un amendement n° 1 sur l'article 1er visant à indiquer que la conduite de la politique énergétique s'appuie sur le maintien et le développement d'entreprises publiques. En outre, plusieurs dispositions du projet de loi confortent le système des tarifs réglementés de vente de l'énergie.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, votre commission soutient pleinement et sans réserve le projet de loi et vous demande de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet le même avis que celui, très pertinent, de M. le rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous sommes d'accord sur les lignes essentielles de la motion, telle qu'elle a été déposée par nos collègues du groupe CRC, ainsi qu'avec l'intervention de Mme Marie-France Beaufils. En revanche, chacun ici le comprendra, nous ne partageons pas les remarques qui ont été faites sur le traité constitutionnel.
Avec cette réserve, le groupe socialiste votera la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 125, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 173 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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DÉPÔT D'UNE question orale avec débat
M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 17 - Le 5 mai 2005 - M. Ivan Renar attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'inquiétante explosion des importations européennes de textiles provenant de Chine.
Celle-ci résulte de la suppression des quotas d'importation entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Depuis le début d'année, les importations de certaines catégories de produits textiles chinois au sein de l'Union européenne ont augmenté de plus de 500 %. De tels flux représentent une très grave menace pour les emplois de ce secteur industriel européen, déjà fragilisé et qui poursuit sa modernisation, notamment en proposant de nouveaux produits à haute valeur ajoutée. A très court terme, ce sont quelques 20 000 emplois qui devraient disparaître. Les effets seront particulièrement dramatiques pour des régions telles que le Nord-Pas-de-Calais où l'industrie textile emploie plusieurs dizaines de milliers d'hommes et de femmes. Particulièrement préoccupé par cette menace pesant sur ce secteur vital de l'économie nationale et européenne, il lui demande de lui préciser les intentions du gouvernement en la matière et, notamment, s'il compte demander à l'Union européenne la rédaction formelle de clauses de sauvegarde et s'il compte agir sur ceux qui importent. Il souhaiterait également savoir si la France entend demander à l'Europe d'exiger de la Chine qu'elle respecte les engagements pris lors de son adhésion à l'Organisation internationale du commerce en 2001, à savoir reconnaître aux autres pays adhérents le droit de limiter leurs importations d'articles de confection et de textiles chinois à 7,5 % au-dessus de leur niveau de l'année précédente, et ce jusqu'en 2008, dès lors que ces pays ont fait la preuve des dommages subis par leurs propres entreprises.
(déposée le 26 avril 2005 - annonce en séance publique le 2 mai 2005)
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
11
Retrait d'une question orale sans débat
M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 725 de M. Adrien Gouteyron est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
12
DÉPÔTs rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 14 avril 2005
Dépôt d'un projet de loi organique
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, le 20 avril 2005, de M. le Premier ministre un projet de loi organique modifiant la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 305, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Dépôt d'un projet de loi
M. le président du Sénat a reçu, le 20 avril 2005, de M. le Premier ministre un projet de loi modifiant la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 306, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Dépôt de propositions de loi
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Sueur, Daniel Reiner, Yannick Bodin, Bernard Piras et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi tendant à assurer la transparence du régime de l'assurance des risques de catastrophes naturelles.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 302, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 19 avril 2005, de M. Yves Détraigne une proposition de loi tendant à étendre aux membres d'un établissement public de coopération intercommunale ayant reçu délégation le régime indemnitaire et la protection pénale des conseillers municipaux délégués.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 304, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 27 avril 2005, de M. Philippe Richert une proposition de loi tendant à modifier le mode d'élection des conseillers municipaux dans les communes de 2 500 à 3 499 habitants.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 310, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Dépôt de propositions de résolution
M. le président du Sénat a reçu, le 19 avril 2005, de M. Yves Détraigne une proposition de résolution tendant à actualiser le règlement du Sénat.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 303, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, le 27 avril 2005, de M. Jean Louis Masson une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les atteintes au devoir de réserve des membres du Conseil constitutionnel et sur leurs conséquences quant à l'impartialité des décisions rendues.
Cette proposition de résolution sera imprimée sous le n° 308, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
M. le président du Sénat a reçu, le 28 avril 2005, de MM. Roland Muzeau, Guy Fischer, François Autain, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Bret, Michel Billout, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Gérard Le Cam, Yves Coquelle, Mmes Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Annie David, MM. Thierry Foucaud, Robert Hue, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et M. Jean-François Voguet une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (E-2704).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 311, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour le développement de répertoires d'entreprises utilisés à des fins statistiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2186/93 du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2854 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant la gestion de restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2855 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits sidérurgiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2856 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant la mise en oeuvre et la poursuite du programme Périclès pour la protection de l'euro contre le faux monnayage. Proposition de décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision du Conseil du 17 décembre 2001 établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation, pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme Périclès). Proposition de décision du Conseil élargissant aux États membres non participants l'application de la décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision du Conseil du 17 décembre 2001 établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation, pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme Périclès).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2857 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un Protocole à l'Accord entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif aux critères et mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre, en Islande ou en Norvège. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'Accord entre la Communauté européenne, la République d'Islande et le Royaume de Norvège relatif aux critères et mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre, en Islande ou en Norvège.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2858 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 18 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de Position commune 2005/.../PESC du Conseil du ... prorogeant et modifiant les mesures restrictives à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2859 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 21 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet du budget 2006 pour Europol.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2860 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 22 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi (2005-2008) : Communication du président comprenant une recommandation de la Commission relative aux grandes orientations des politiques économiques des Etats membres et de la Communauté (en application de l'article 99 du traité CE) et une proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres (en application de l'article 128 du traité CE).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2861 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 25 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision-cadre du Conseil concernant l'ordonnance d'exécution européenne et le transfèrement des personnes condamnées entre les Etats membres de l'Union européenne. Actes législatifs et autres instruments.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2862 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 25 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne la durée d'application du minimum du taux normal, la directive 77/388/CEE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2863 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 25 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark étendant au Danemark les dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark étendant au Danemark les dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2864 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 27 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Améliorer la santé, la sécurité et la confiance des citoyens - une stratégie en matière de santé et de protection des consommateurs. Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'action communautaire dans le domaine de la santé et de la protection des consommateurs.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2865 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 29 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social : Accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le Développement : la contribution de l'Union européenne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2866 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le 29 avril 2005, de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 27/2005 en ce qui concerne les possibilités de pêche dans les eaux du Groenland, des îles Féroé et de l'Islande et la pêche du cabillaud dans la mer du Nord, et modifiant le règlement (CE) n° 2270/2004 en ce qui concerne les possibilités de pêche relatives au requin des grands fonds et au grenadier de roche.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2867 et distribué.
Dépôt d'un rapport
M. le président du Sénat a reçu, le 27 avril 2005, de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (n° 267, 2004-2005).
Ce rapport sera imprimé sous le n° 309 et distribué.
Dépôt de rapports d'information
M. le président du Sénat a reçu, le 15 avril 2005, de M. Gérard Dériot un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur la gestion des fonds de l'amiante.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le n° 301 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu, le jeudi 21 avril 2005, de M. Jean François-Poncet, Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Robert Del Picchia un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée du 13 au 16 mars 2005 aux Etats-Unis.
Ce rapport d'information sera imprimé sous le n° 307 et distribué.
13
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 3 mai 2005 :
A dix heures :
1. Dix-sept questions orales.
À seize heures et le soir :
2. Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 275, 2004-2005) d'orientation sur l'énergie, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture ;
Rapport (n° 294, 2004-2005) de M. Henri Revol, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif (n° 237, 2004 2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 mai 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 mai 2005, à dix-sept heures.
Projet de loi organique modifiant la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République (n° 305, 2004-2005) ;
Projet de loi modifiant la loi n° 82 471 du 7 juin 1982 relative à l'assemblée des Français à l'étranger (n° 306, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 11 mai 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 mai 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 3 mai 2005, à zéro heure trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD