Article 7
I. - Non modifié.
II. - A la demande de chaque chambre de commerce et d'industrie concernée, l'autorité administrative peut autoriser la cession ou l'apport de la concession aéroportuaire à une société dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la chambre de commerce et d'industrie titulaire de la concession cédée. Par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent prendre des participations dans cette société. Un avenant au contrat de concession fixe, le cas échéant, la nouvelle durée de la concession sans que la prolongation puisse excéder quarante ans, ainsi que les contreparties, au minimum en termes d'investissements et d'objectifs de qualité de service, sur lesquelles la société aéroportuaire s'engage. En outre, cet avenant met le contrat en conformité avec les dispositions d'un cahier des charges type approuvé par le décret prévu au I du présent article.
Les deuxième à cinquième alinéas de l'article 38 et les deuxième à quatrième alinéas de l'article 40 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux opérations réalisées selon les dispositions du présent II.
III. - Les agents publics affectés à la concession transférée sont mis à la disposition de la société pour une durée de dix ans. Une convention conclue entre l'ancien et le nouvel exploitant détermine les conditions de cette mise à disposition et notamment celles de la prise en charge par ce dernier des coûts salariaux correspondants.
Pendant la durée de cette mise à disposition, chaque agent peut à tout moment demander que lui soit proposé par le nouvel exploitant un contrat de travail. La conclusion de ce contrat emporte alors radiation des cadres. Au terme de la durée prévue au premier alinéa, le nouvel exploitant propose à chacun des agents publics un contrat de travail, dont la conclusion emporte radiation des cadres. Les agents publics qui refusent de signer ce contrat sont réintégrés de plein droit au sein de la chambre de commerce et d'industrie concernée.
Les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail sont applicables aux contrats de travail des salariés de droit privé des chambres de commerce et d'industrie affectés à la concession transférée, en cours à la date du transfert de la concession, qui subsistent avec le nouvel employeur.
IV. - Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, les partenaires sociaux négocient une convention collective nationale applicable aux personnels des exploitants d'aérodromes commerciaux ne relevant pas de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Dans la mesure où cet amendement vise à supprimer l'article 7, je ne me fais aucune illusion quant à son adoption. Au demeurant, si j'en avais eu, elles auraient sans doute été déçues, car il me semble voir poindre à l'horizon la volonté du Sénat d'adopter un texte conforme à celui de l'Assemblée nationale. Il se peut que je me trompe... L'avenir nous le dira !
M. Michel Billout. Les amendements de la commission, bien qu'ils appellent quelques réserves de ma part, soulèvent quand même des questions importantes. Je regretterais donc que l'on en arrive là. Mais sans doute n'est-ce qu'une vision erronée de la suite de notre débat !
L'article 7 est particulièrement important puisqu'il constitue, à lui seul, le titre II du projet de loi.
Il s'inscrit parfaitement dans la continuité de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a transféré aux collectivités locales la propriété et la gestion des aérodromes civils appartenant à l'Etat et ne présentant pas d'intérêt national ou international.
Avec l'article 7, le Gouvernement fait un pas de plus vers le désengagement de l'Etat de ses missions d'aménagement et de développement harmonieux des territoires.
En autorisant les collectivités locales à être partie prenante des futures sociétés gérantes d'aérodromes, vous risquez, monsieur le secrétaire d'Etat, de favoriser la concurrence des territoires. Les collectivités seront en effet amenées à s'aligner sur les critères du marché pour attirer les investisseurs privés dont elles ont absolument besoin pour pallier leur absence de moyens, absence que les transferts de charges de l'Etat vers les collectivités ne rendent que plus criants.
Les critères du marché, c'est-à-dire la rentabilité et le retour sur investissement, ne seront malheureusement pas toujours en accord avec ceux des populations riveraines en termes d'environnement et de qualité de la vie.
En outre, cet article 7 intéresse particulièrement les chambres de commerce et d'industrie. En première lecture, M. Gilles de Robien nous disait ainsi que « les CCI pourront, par la création d'une société aéroportuaire, sortir de la précarité ». Elles n'ont apparemment pas dû comprendre l'opportunité que vous leur offriez, car vous avez dû leur donner des garanties : les futures sociétés aéroportuaires seront créées uniquement sur leur initiative.
En effet, les chambres de commerce et d'industrie sont concessionnaires de la gestion des aérodromes régionaux. L'article 7 leur permettra d'être à l'initiative de la création, par l'autorité administrative, d'une société aéroportuaire dont le capital initial est entièrement détenu par des personnes publiques. Il s'agit pourtant, selon moi, d'une clause de pure forme puisque les concessions arriveront toutes à termes d'ici à 2008.
Grâce à ce texte, les concessions détenues par les chambres de commerce et d'industrie pourront, sur leur initiative, être transférées à des sociétés avec une nouvelle échéance maximale de quarante ans. Mais rien n'empêche que ces aéroports soient majoritairement détenus, à terme, par des capitaux privés.
M. de Robien a proposé, devant l'Assemblée nationale de « poser les bases d'un noyau dur public qui associe les CCI, les collectivités qui le souhaitent et l'Etat ». Cela se traduit concrètement par la proposition du Gouvernement de permettre l'acquisition d'au moins 25 % du capital initial des sociétés par les chambres de commerce et d'industrie et de 15 % de ce capital par les collectivités.
Mais que se passerait-il si l'Etat décidait, un jour, de se défaire de ses actions au profit d'actionnaires privés ? Ce sont des choses qui arrivent ! On pourrait alors assister à de nombreuses fermetures de lignes pour ne maintenir que celles dont la rentabilité est garantie.
M. Michel Billout. On assisterait ainsi à une concentration de certaines lignes européennes et internationales sur quelques aéroports bien desservis par des liaisons ferroviaires nationales, provoquant ainsi la mutation d'autres aéroports internationaux en aérodromes régionaux. C'est bien pourquoi M. Bret, qui ne peut être présent parmi nous cet après-midi, s'inquiète de l'avenir de l'aéroport de Marseille-Provence.
Autrement dit, certains aéroports régionaux pourraient être sacrifiés, ce qui aurait de lourdes conséquences économiques pour les régions concernées : les secteurs du commerce, du tourisme et de l'industrie et, par voie de conséquence, l'emploi régional, en subiraient directement les répercussions.
Dès lors, que deviendront les missions d'aménagement du territoire et de service public, d'autant que les clauses des contrats à venir sont renvoyées à un cahier des charges à la rédaction duquel le législateur est, je le constate, totalement exclu ?
A terme, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la douzaine de grands aéroports régionaux de notre pays, combien pourront-ils résister ?
Les nouvelles sociétés aéroportuaires, qui seront confrontées à une forte concurrence du TGV, risquent de faire pression sur la masse salariale et d'accroître le recours à la sous-traitance. Elles chercheront à diversifier leur activité au détriment du coeur de leur métier - nous avons les mêmes craintes pour ADP - et de leur vocation aéroportuaire. On peut donc s'interroger sur l'avenir du statut des personnels.
Certes, le projet de loi semble apporter certaines garanties aux personnels puisqu'il prévoit que les agents publics affectés à la concession transférée aux nouvelles sociétés aéroportuaires seront mis à disposition de ces dernières pour une durée de dix ans.
Toutefois, le statut juridique des personnels des aéroports régionaux employés par les chambres de commerce et d'industrie n'est pas homogène : deux tiers de ces agents sont sous statut, 25 % sont titulaires de contrats de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée et 10 % sont couverts par la convention collective des ports autonomes maritimes. C'est le cas, par exemple, de l'aéroport de Marseille-Provence. Le paragraphe III de l'article 7, qui fait référence aux agents publics, ne correspond donc pas à la réalité du terrain.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 37 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du II de cet article, supprimer le mot :
initial.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet de préserver le caractère public des sociétés aéroportuaires, ce qui n'est pas tant l'expression de notre volonté que celle à la fois des CCI et des collectivités locales intéressées.
Si la création des sociétés aéroportuaires ne rencontre pas notre totale hostilité, même si elle complexifie le système, elle nous paraît toutefois, par certains côtés, un peu inquiétante.
Lors de la discussion générale, j'ai dit que vous avez eu la prudence de ne pas faire pour les grands aéroports régionaux ce qui sera fait pour ADP, à savoir le déclassement des biens aéroportuaires. Néanmoins cette création, telle qu'elle est présentée, peut permettre, à terme, de privatiser les grands aéroports de province, ce que nous contestons.
Les aéroports de province, peut-être plus encore qu'ADP, remplissent une fonction très structurante pour l'ensemble des régions concernées, ce qui justifie d'ailleurs l'intérêt qu'y portent les collectivités locales, que ce soient les communes, les départements ou les régions qui, depuis longtemps, participent à leur financement.
Ils ont une fonction structurante pour leur propre région et, globalement, pour l'ensemble du territoire. Ils représentent une condition du développement équilibré du territoire.
Nous considérons qu'une telle mission ne peut être totalement confiée à des intérêts privés. Le politique doit rester maître des décisions qui ont un impact sur l'aménagement du territoire ! D'ailleurs, le système des concessions permet de conserver au politique le rôle essentiel qu'il mérite.
Nombre d'aéroports régionaux doivent leur vitalité aux élus locaux qui se sont mobilisés pour les faire vivre, comme ils l'ont fait pour l'ensemble des infrastructures de communication.
À travers cet amendement, nous vous demandons donc de préserver le caractère public du capital des sociétés aéroportuaires en charge de l'exploitation des grands aéroports de province. Nous ne souhaitons pas, en effet, qu'ils passent sous le contrôle total de grands groupes privés.
Vous avez cité, monsieur le secrétaire d'Etat, des exemples d'aéroports dont la concession a été attribuée à des groupes privés, ce qui n'est pas interdit par le système. Toutefois créer des sociétés aéroportuaires qui seraient totalement privées est autre chose.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous poser une question, puisque, à mon avis, vous ne m'avez pas totalement répondu lors de la discussion générale, sur ces fameux aéroports régionaux : existe-t-il des critères objectifs qui fondent leur liste, que nous ne connaissons toujours pas et qui sera fixée par un décret en Conseil d'Etat ? Existe-t-il des critères objectifs qui permettraient à certains de cesser de s'interroger pour savoir s'ils font ou non partie de cette liste, ou de savoir pourquoi ils ne sont pas sur cette liste ?
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Yves Coquelle. M. Reiner s'étant longuement exprimé sur cet article 7, je serai très bref.
L'article 7 a pour objet de transférer les concessions aéroportuaires dont sont actuellement titulaires les chambres de commerce et d'industrie à de nouvelles sociétés, dont il est précisé que le capital initial sera détenu pas des personnes publiques.
Dans la logique des amendements que nous avons défendus depuis tout à l'heure, nous souhaitons que ces sociétés ne puissent pas être privatisées.
Maintenir un capital public dans ces sociétés, c'est se donner les moyens d'une véritable politique d'aménagement du territoire, mais aussi d'emploi et de développement économique à l'échelon régional.
Cet amendement est donc un amendement de repli qui devrait permettre le maintien de capitaux publics au sein de ces nouvelles sociétés.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa du II de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le capital de cette société est détenu majoritairement par des personnes publiques.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet de préserver le caractère majoritairement public du capital des sociétés aéroportuaires, compte tenu du rôle qu'elles ont à jouer en terme d'aménagement du territoire. A cet égard, permettez-moi de reprendre un certain nombre d'arguments que j'ai utilisés pour défendre l'amendement précédent.
Ainsi, les CCI ont très fortement exprimé leur souhait de préserver le caractère majoritairement public du capital des sociétés aéroportuaires. Les responsables des régions de France que nous avons interrogés n'ont pas une opinion bien arrêtée sur ce sujet. Il est vrai que leur emploi du temps est très chargé en ce moment !
Pour autant, l'association des régions de France - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, puisqu'elle a dû vous s'adresser à vous - désire que la place des collectivités territoriales soit assurée, si elles le souhaitent, dans le capital des futures sociétés aéroportuaires, dans une proportion telle que cela leur permette de jouer un rôle réel.
Le Gouvernement a annoncé qu'il y aurait un noyau dur public constitué pour l'essentiel par les CCI, les collectivités locales et l'Etat. M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, a détaillé ce noyau dur public à l'Assemblée nationale : 25 %, soit un quart du capital initial, aux CCI, et 15 % pour les collectivités locales. Très honnêtement, je ne comprends pas bien la raison de cette répartition. Pourquoi plus pour les CCI que pour les régions ? Quoi qu'il en soit, si elles veulent y jouer un rôle déterminant, il faut qu'elles soient majoritaires au sein du capital.
Voilà la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin de la première phrase du premier alinéa du III de cet article, remplacer les mots :
dix ans
par les mots :
quinze ans
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet d'apporter des garanties supplémentaires aux personnels des CCI qui seront mis à la disposition des nouvelles sociétés de gestion aéroportuaires et pour lesquels a été fixé un délai de dix ans au-delà duquel il faudra qu'ils choisissent ou de réintégrer la CCI ou d'adopter un nouveau statut qui n'est pas déterminé pour l'instant.
A la demande des personnels des CCI, et en référence au projet de loi relatif à la régulation des activités postales, selon lequel « les fonctionnaires en activité à La Poste peuvent, avec leur accord, être mis à la disposition, le cas échéant à temps partiel, de l'établissement de crédit [...] et des sociétés dont il détient directement ou indirectement la majorité du capital pour une durée maximale de quinze ans », nous pourrions retenir ici cette durée de quinze ans, qui offrirait une perspective pour des personnes qui se trouvent en fin de carrière, voire en milieu de carrière.
Nous vous proposons donc d'allonger ce délai de dix ans à quinze ans. Il me semble d'ailleurs que les CCI ne seraient pas opposés à cette idée. Un gros effort a en effet été réalisé en leur faveur, puisque les durées de concession ont été prolongées jusqu'à un maximum de quarante ans. Ce qui est fait pour les CCI, afin de leur offrir des perspectives et une vision à long terme de la planification de leurs investissements, faisons-le pour les personnels mis à disposition !
Voilà la raison pour laquelle, défendant ces personnels, je propose de faire passer cette durée de dix à quinze ans.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le IV de cet article, remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
deux ans
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. L'Assemblée nationale a prévu qu'une convention collective nationale serait négociée dans un délai de trois ans. Parce que les personnels ont envie de savoir clairement ce qu'il en est, nous proposons de réduire ce délai à deux ans.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que la négociation devait commencer « d'urgence ». Traduisons cette urgence : nous sommes certainement capables de mettre en place - cela ne représente pas tant de personnes ! - une convention collective beaucoup plus rapidement, ce qui permettrait effectivement aux personnels de voir plus clair en ce qui concerne la suite de leur carrière.
J'ajoute que c'est ce même délai que le Parlement a retenu lorsque la convention collective pour la nouvelle société Air France a été mise en place. Pourquoi, s'agissant également de transport aérien, ne retiendrions-nous pas ce délai ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je rappelais ce matin, lors de la discussion générale, les trois grands axes de ce projet de loi. Le premier est la modification du statut d'ADP, que nous venons d'évoquer. Le deuxième concerne l'évolution des aéroports régionaux, qu'il s'agit de favoriser.
Nous sommes au coeur de ce dispositif avec l'article 7, qui est suffisamment explicite pour qu'il ne soit pas utile d'en rajouter.
Tout d'abord, à propos de l'amendement n° 36 de nos collègues du groupe CRC, je ne suis pas sûr que cela serve à quoi que ce soit de diaboliser systématiquement un projet de loi ou un article. Pourquoi imaginer le pire, pourquoi penser qu'un article peut conduire à la catastrophe alors que, finalement, rien ne permet de justifier cette diabolisation ?
En ce qui concerne l'opportunité offerte aux chambres de commerce de demander elles-mêmes des modifications, je rappelle que les échéances sont complètement disparates selon les aéroports. Ainsi, l'échéance court jusqu'à 2017 pour Marseille et Strasbourg, jusqu'à 2009, me semble-t-il, pour Saint-Denis de la Réunion, jusqu'à 2008 pour Pointe-à-Pitre, jusqu'à 2010 pour Fort-de-France, etc. Il y a donc là des opportunités offertes aux chambres de commerce d'intervenir avant l'échéance de la concession.
C'est la raison pour laquelle donner l'initiative aux chambres de commerce n'a absolument rien en soi de diabolique, ni même de dangereux. De plus, les chambres de commerce et les collectivités auront largement la possibilité de réfléchir, d'intervenir et de demander à anticiper les échéances.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 36.
De même, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 16 et 37. Il faut pouvoir moderniser la gestion des aéroports et permettre le financement de leur développement tout en conservant un rôle prépondérant aux chambres de commerce et d'industrie, qui sont les opérateurs historiques. Ces dernières sont d'ailleurs elles-mêmes regroupées dans un organisme, l'Union des chambres de commerce et établissements gestionnaires d'aéroport, l'UCCEGA, et, entre elles, elles pratiquent des échanges de technologies, d'expériences. Elles connaissent donc très bien la situation.
Il est toutefois nécessaire d'assouplir le dispositif. Prenons l'exemple de l'évolution du transport de fret : voilà quelques années, le « combi » transportait à la fois des passagers et du fret. Aujourd'hui, compte tenu de l'explosion des échanges, de la croissance de la Chine et de celle de l'Inde, le fret dédié augmente. Qui aurait parié, jadis, sur la réussite de l'aéroport de Vatry, dédié au fret ? Dieu sait si, au moment de la naissance de cette plate-forme, ceux qui misaient un euro ou un centime d'euro sur sa réussite étaient rares !
Aujourd'hui, la situation est similaire pour d'autres aéroports. Il faut donc que nous puissions faire évoluer nos modes de gestion, pour que les aéroports régionaux puissent se développer de toutes les façons possibles et imaginables.
Tout à l'heure M. Angels rappelait les péripéties du troisième aéroport. Mais la décongestion du fret sur d'autres aéroports va dans le sens souhaité d'une diminution du nombre des mouvements liés au fret sur des plates-formes qui sont d'ores et déjà elles-mêmes très engorgées, ou en tout cas un peu contraintes, et qui fonctionnent au maximum de leurs capacités aéroportuaires !
Nous offrons en l'occurrence à des plates-formes aéroportuaires régionales la possibilité de défendre leurs chances soit avec le fret, soit avec le trafic de passagers, donc de croître et, peut-être, de soulager d'autres plates-formes.
Bref, il serait dommage de se priver de la souplesse de gestion et d'adaptation de ces plates-formes aéroportuaires et, je le disais, cela irait à l'encontre de l'intérêt général.
Les amendements n° 16 et 37 visent à interdire l'ouverture du capital des nouvelles sociétés aéroportuaires chargées de gérer les aéroports régionaux, conformément à la philosophie qui anime leurs auteurs. On comprendra que je ne fasse pas de longs développements sur celle qui sous-tend nos décisions ! La commission est donc défavorable à ces amendements.
Par ailleurs, monsieur Reiner, imposer la détention majoritaire du capital par des personnes publiques, comme tend à le faire l'amendement n° 17, est quelque peu contraire à la fois au principe de la décentralisation et à la Constitution même ! Personne ne peut exercer véritablement de tutelle sur une collectivité, qui n'est tenue de respecter que la légalité !
Si une région veut être majoritaire dans le capital d'un aéroport régional, la décision lui appartient ! Pourquoi l'imposer systématiquement à celles qui ne le souhaiteraient pas ? Certains conseils régionaux s'engageront à fond dans ce dispositif, d'autres estimeront que ce n'est pas leur rôle et qu'il vaut mieux laisser la place aux opérateurs historiques associés à des capitaux privés. Et n'oublions pas que, par ailleurs, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'Etat tout à l'heure, l'Etat continue de jouer son rôle.
L'amendement n° 18 rectifié vise à porter de dix ans à quinze ans le délai accordé aux personnels pour choisir leur statut, et vous avez fait référence, monsieur Reiner, à une disposition du projet de loi relatif à la régulation des activités postales. Mais proposer aux salariés de La Poste d'aller vers un établissement bancaire postal, c'était une nouvelle donne, c'était un changement profond d'activité, et il était normal de leur laisser ce temps pour prendre leur décision.
Au contraire, les salariés des CCI qui travaillent aujourd'hui sur les plates-formes aéroportuaires ne quitteront pas leur métier : ils resteront sur la plate-forme aéroportuaire. Pourquoi porter à quinze ans le délai accordé pour choisir leur statut ? Honnêtement, monsieur Reiner - je vous le dis en toute amitié -, cela ne change rien !
M. Daniel Reiner. Cela donne cinq ans de plus !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Mais ils savent de quels métiers il s'agit, ils les exercent déjà ! En dix ans, ils ont tout de même largement le temps de se refaire une philosophie, s'ils ne se la sont pas déjà faite.
L'amendement n° 19 a un objet symétrique, puisqu'il vise à réduire de trois ans à deux ans le délai de négociation des conventions collectives, en s'appuyant sur l'exemple d'Air France.
Si un délai de deux ans a été imposé à Air France, c'est parce qu'il s'agissait d'une entreprise ayant sa propre culture. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, il s'agit d'un changement de nature, il s'agit de passer des CCI, qui sont des établissements publics, à des sociétés aéroportuaires.
Il est d'autant moins choquant de prolonger le délai d'un an que c'est là un maximum : personne n'interdit à quiconque de mener la négociation plus rapidement, et nous souhaitons tous que cela aille le plus vite possible. Au demeurant, « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Je suis persuadé que, dans cet esprit, les délais maximaux qui sont proposés ne seront pas forcément utilisés. L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement sur les amendements nos 36, 16, 37, 17, 18 rectifié et 19 est également défavorable. (M. Daniel Reiner proteste.)
Monsieur Billout, vous avez évoqué des fermetures de ligne liées au changement de statut de l'exploitant. Cela n'a strictement rien à voir ! (M. Jean Desessard s'exclame.) Les lignes sont exploitées par des compagnies aériennes, et ce n'est pas le rôle de l'aéroport que de décider quelle ligne le desservira. Quant aux obligations de service public, elles sont du ressort de l'Etat, qui les finance : c'est vraiment un autre sujet.
Tout au contraire, je crois que des sociétés dynamisées auront à coeur de développer le trafic, et donc d'essayer d'attirer de nouvelles compagnies et de nouvelles lignes.
Sur le fond de l'article 7, qui traite de la création des sociétés aéroportuaires, je crois utile de rappeler la situation actuelle. Elle est extrêmement simple : à l'échéance de la concession, l'Etat lance un appel d'offres, examine les offres et peut choisir de déposséder immédiatement la chambre de commerce gestionnaire pour attribuer l'exploitation de l'aéroport à telle ou telle entreprise qui aura présenté une offre jugée préférable. Le droit positif en vigueur se caractérise donc par une certaine brutalité, à laquelle nous entendons mettre fin par la solution originale, intéressante, qu'ont initialement avancée les chambres de commerce elles-mêmes, à savoir par la création de sociétés aéroportuaires.
Il est vrai que c'est une solution pragmatique, comme l'est l'ensemble du projet de loi.
Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons pas d'emblée dessiner précisément les lignes, notamment s'agissant de la composition du capital.
Mme Michaux-Chevry, ce matin, a évoqué les aéroports des départements d'outre-mer : on comprend bien que, pour des raisons qu'elle a d'ailleurs fort éloquemment évoquées, l'intérêt stratégique, le caractère vital des aéroports pour ces départements amèneront sans aucun doute l'Etat à rester davantage présent dans le capital des sociétés aéroportuaires si les chambres de commerce prennent l'initiative d'en demander la création.
Dans d'autres cas, en particulier s'il faut réaliser de très gros investissements - je pense notamment au nouvel aéroport qui doit être construit à Nantes -, il peut être de l'intérêt des acteurs locaux que la loi ouvre différentes possibilités afin qu'ils puissent choisir entre, d'une part, des modes de gestion voisins de ceux que l'on connaît aujourd'hui, caractérisés par la place prépondérante de la chambre de commerce, avec des financements essentiellement publics, et, d'autre part, une plus grande ouverture du capital leur permettant d'obtenir plus rapidement un financement provenant du privé.
Nous ne savons pas quelles seront les solutions retenues. Mais comment faire pour que ces possibilités existent ? Il faut pour cela adopter un texte qui comporte des marges de souplesse, des marges d'ouverture. Il est de bon sens de légiférer de cette manière, car c'est la seule façon de répondre à des situations qui, en effet, sont très différentes d'un grand aéroport de notre pays à l'autre, que ce soit outre-mer ou en métropole.
Quant à la fameuse liste des aéroports concernés, Gilles de Robien l'a citée tout à fait explicitement à l'Assemblée nationale. Ce sont, pour la métropole, les aéroports de Nice, Lyon, Marseille, Strasbourg, Toulouse, Bordeaux, Montpellier et Nantes. Je précise qu'à Nice est rattaché Cannes ; à Lyon, Lyon-Bron ; à Marseille, Aix-Les-Milles ; à Nantes, Saint-Nazaire, puisque, aujourd'hui, la gestion est commune. Outre-mer, on trouve Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Denis de la Réunion et Cayenne.
Quels ont été les critères de choix ? Tout simplement l'importance du trafic de ces plates-formes aéroportuaires, c'est-à-dire leur importance absolue, et leur importance relative dans la région où elles se situent. En croisant ces deux critères, le choix devenait évident.
Naturellement, nous aurions pu en retenir vingt, trente, quarante... et considérer comme d'importance nationale des aéroports qui ne figurent pas dans la liste qui a été arrêtée. Tout peut se défendre ! En l'occurrence, nous avons choisi des plates-formes d'une taille certaine, qui ont sur leur région un impact absolument incontestable et qui constituent des équipements d'importance régionale et nationale par leur rôle en termes d'aménagement du territoire.
Pour Aéroports de Paris, nous avons souhaité conserver la propriété du foncier, de sorte que l'Etat reste maître du jeu quelle que soit l'évolution du capital.
Pour ce qui est de la composition du capital elle-même, je crois avoir rappelé ce matin quelles étaient les intentions du Gouvernement et, à l'instant, quelle serait la diversité des approches suivant les situations. Il est clair que les chambres de commerce, qui sont aujourd'hui concessionnaires et qui, en quelque sorte, apportent leur concession à la nouvelle société pour la durée résiduelle, ont un droit, que nous reconnaissons, à bénéficier d'une participation très significative au capital. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé que celle-ci serait au moins égale à 25 %.
Les collectivités territoriales n'ont aujourd'hui absolument aucun pouvoir sur les aéroports régionaux, sauf celui de les financer, ce qui n'est pas négligeable. Par conséquent, nous pensons tout à fait légitime de prévoir leur entrée au capital ; 15 % est effectivement une part inférieure à celle des CCI, mais les collectivités sont présentes depuis moins longtemps dans la gestion. Naturellement, leur montée en puissance est tout à fait envisageable et rien, à ce stade, n'est figé.
A propos du délai de dix ans fixé pour le choix de leur statut par les personnels, le rapporteur a avancé des arguments qui peuvent être parfaitement compris par chacune et chacun d'entre vous. La situation est évidemment très différente de celle de La Poste, qui est une très grande entreprise et qui gère ses effectifs sur le long terme. Les chambres de commerce n'ont pas les mêmes possibilités, et dix ans me paraissent largement suffisants pour choisir l'une ou l'autre option.
Enfin, pourquoi prévoir un délai de trois ans pour la négociation de la convention collective ? Là encore, le rapporteur l'a exposé très pertinemment : Air France est une entreprise qui avait déjà une tradition de discussion sociale, alors qu'aujourd'hui nous sommes confrontés à une pluralité de situations.
Notre objectif, qui est aussi celui des organismes gestionnaires actuels, est d'aboutir le plus rapidement possible. D'ores et déjà, les dossiers ont été préparés et les discussions pourront s'engager dès l'entrée en vigueur de la loi pour ne pas perdre de temps sur ce point, qui est évidemment extrêmement important pour l'ensemble des personnels concernés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 37.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)