Article 2
A l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris qui ne sont pas déclassés sont attribués à l'Etat. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement. Les incidences financières de la signature de cette convention figurent dans la plus prochaine loi de finances.
Les ouvrages appartenant à la société Aéroports de Paris et affectés au service public aéroportuaire sont des ouvrages publics.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 28 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Daniel Reiner. L'article 1er transformant l'établissement public Aéroports de Paris en société anonyme ayant été adopté conforme par l'Assemblée nationale, il ne nous est plus possible de discuter du statut juridique d'ADP. Nous le regrettons vivement, car nous ne comprenons toujours pas le motif de ce choix. Les arguments que vous avancez ne nous paraissent pas recevables.
Le principe de spécialité empêcherait ADP de diversifier ses activités. C'est juridiquement vrai, puisque l'objet social d'ADP, tel qu'il a été voulu par le législateur, est d'abord de construire, d'aménager, de développer et d'exploiter les aéroports d'Ile-de-France. Mais ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Vous auriez donc pu vous contenter de modifier l'objet social d'ADP, d'assouplir le principe de spécialité, voire de transformer ADP en société d'économie mixte.
En réalité, vous voulez non pas assouplir le principe de spécialité, mais le supprimer. Nous ne pouvons pas vous suivre, car nous ne pensons pas qu'il faille banaliser les activités liées aux services aéroportuaires et les mettre au même niveau que les autres activités que pourrait développer ADP. Il y a là un risque évident de conflits, que nous avions d'ailleurs souligné, notamment notre rapporteur, en première lecture. Nous reviendrons sur cette question importante, que nous retrouverons à l'article 6, au travers de divers amendements.
S'agissant de l'argument financier, c'est-à-dire le manque d'argent pour financer les investissements, c'est votre problème, budgétaire !
Si nous ne pouvons plus revenir sur le statut d'ADP, peut-être est-il encore temps de préserver la domanialité publique. Là encore, nous ne comprenons pas le choix du Gouvernement. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas répondu à mon observation sur la complexité des différents systèmes.
Tandis que la domanialité publique est maintenue pour les grands aéroports régionaux au nom de la préservation des missions de service public, vous faites le choix inverse pour les deux plus grands aéroports français, dont l'intérêt stratégique est patent. Vous justifiez ce choix par le souci de répondre à une demande des salariés d'ADP. Ce serait bien la première fois que vous vous préoccupez de l'intérêt des salariés ! Nous ne pouvons croire que le passage à la domanialité privée soit une garantie du maintien de l'intégrité de l'entreprise.
Vous savez fort bien que ce texte permet - c'est la mode, en ce moment ! - la vente à la découpe d'un certain nombre de biens d'ADP : une douzaine d'aérodromes sont concernés et il est clair que certains d'entre eux risquent d'être fermés. Par ailleurs, les mécanismes de contrôle de cessions d'actifs prévus à l'article 6 ne sont pas totalement sans faille, comme l'a noté en première lecture M. Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, puisque ceux-ci dépendent essentiellement du contenu d'un cahier des charges.
Vous justifiez également ce choix par l'intérêt des compagnies aériennes : le passage à la domanialité privée serait plus protecteur que le maintien de la domanialité publique, celle-ci limitant les possibilités d'une emprise durable sur les terrains. Mais alors, comment expliquez-vous que le président d'Air France ait tenu à alerter nombre d'entre nous, toutes tendances politiques confondues, sur les dangers de la suppression de la domanialité publique pour le bon accomplissement des missions de service public ?
En fait, cela a été dit et répété - et il faudra encore le redire - vous êtes prêts à tout pour attirer des actionnaires privés, quitte à déclasser le domaine aéroportuaire. Il s'agit tout simplement de « valoriser la société », de multiplier les profits potentiels pour les investisseurs à venir, comme le prouve l'un des amendements adoptés à l'Assemblée nationale. Tout à l'heure, j'ai évoqué l'aggravation du texte par l'Assemblée nationale. Il a été précisé que seuls les ouvrages affectés au service public aéroportuaire pouvaient être qualifiés de « publics ». De ce fait, vous revenez sur la jurisprudence administrative selon laquelle les ouvrages ouverts au public sont aussi des ouvrages publics.
Il est donc clair - nous y reviendrons dans un amendement de repli - que vous déniez aux parkings des aéroports la qualité d'ouvrages publics. Or leur raison d'être est totalement liée au bon accomplissement de missions de service public puisqu'ils conditionnent essentiellement l'accès aux aéroports. Il s'agit de ne pas les soumettre à la compétence du juge administratif et, surtout, aux régimes de responsabilité plus protecteurs en cas de dommage. De telles « contraintes » ne permettraient pas une valorisation optimale des biens ; nous y reviendrons.
Enfin, le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit, et c'est une nouveauté, que l'incidence financière de la convention conclue entre l'Etat et Aéroports de Paris pour achever le remboursement des investissements faits par ADP pour le compte de l'Etat sera traitée dans la prochaine loi de finances.
Selon les rapporteurs de l'Assemblée nationale, la créance de l'Etat serait de l'ordre de 150 millions d'euros. Il n'est pas question pour nous de critiquer cette remise à plat des comptes entre ADP et l'Etat. Mais si cette créance est remboursée en une seule fois - pour attirer les actionnaires, les comptes doivent être clairs ! -, cela ne se fera-t-il pas aux dépens de nouveaux moyens consacrés à la navigation aérienne dans le prochain budget, ce qui serait inacceptable ?
En conclusion, l'Etat doit garder la pleine propriété des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire et pas seulement, comme le prévoit l'article 2 dans une rédaction peu précise, « de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire ».
Tous ces arguments justifient notre opposition à cet article 2 et ils valent aussi pour l'article 1er, qui a été voté conforme par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 28.
M. Michel Billout. L'article 2 déclasse des biens du domaine public d'une valeur inestimable, et inestimée, dans aucun rapport parlementaire, pour les transférer purement et simplement à la société anonyme Aéroports de Paris.
Les 6 643 hectares de patrimoine foncier sont un véritable cadeau fait par le Gouvernement à cette nouvelle société et, surtout, à ses actionnaires. Même si, dans un premier temps, l'Etat reste majoritaire, il y a fort à parier que de nombreux actionnaires le rejoindront bientôt au sein du capital d'Aéroports de Paris.
A votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, les investisseurs intéressés par ADP seront-ils plutôt attirés par le service public aéroportuaire ou par le potentiel des biens transférés ? La réponse semble évidente et je pense que vous y avez réfléchi.
En ce qui concerne la valeur du patrimoine que le Gouvernement a décidé de déclasser, à défaut d'informations précises, le chiffre de 8 milliards d'euros en valeur d'acquisition circule. A combien estimez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, le montant du patrimoine foncier et immobilier que vous envisagez de déclasser et de transférer à la société anonyme ADP ? Cette question me semble importante.
Etes-vous en mesure de nous dire de quel apport financier va bénéficier la société ADP en vertu du déclassement lié à son changement de statut ?
Tiendrez-vous le législateur moins informé que l'investisseur qui sera désireux de placer son capital dans ADP ?
Le déclassement est une notion juridique bien utile, mais surtout bien pudique. On confie de cette manière à ADP, société privée - ou en voie de le devenir - un rôle d'aménageur, puisqu'elle disposera d'un potentiel foncier très important. D'ores et déjà, les communes qui possèdent sur leur territoire des parcelles propriété d'ADP sont l'objet de pressions pour faire classer ces zones en terrains aménageables ; je pourrais vous citer des exemples.
Ainsi, cette disposition ne peut se comprendre qu'à l'aune de l'élargissement des activités d'ADP et, plus précisément, de l'extension de ses compétences en matière non aéroportuaire.
Le déclassement du domaine public comporte alors le risque non négligeable de la valorisation à tout prix des territoires et du fleurissement de projets de grands centres commerciaux aux abords des aéroports, comme c'est déjà le cas à Roissy.
Au mépris des territoires, de leur aménagement, de leur cohésion, de leur équilibre, vous avez choisi le principe de la domanialité privée, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, notamment aux Etats-Unis, le pays modèle et inspirateur de toutes les réformes de portée libérale. Il y a quand même une certaine incompréhension. En effet, les Etats-Unis ont choisi de conserver le principe de la domanialité publique. Cette solution a également été retenue par l'Etat néerlandais, qui met gratuitement les terrains de l'aéroport de Schiphol à la disposition de la société gestionnaire Schiphol group.
Le gouvernement français lui, n'a aucun scrupule pour faire reculer, une nouvelle fois, les prérogatives de la puissance publique. La domanialité publique est pourtant la garantie nécessaire du contrôle de l'Etat sur les infrastructures nationales du territoire, de leur bonne affectation à l'accomplissement du service public.
Au-delà, de sérieuses questions de sécurité sont posées par le passage à la domanialité privée. Je pense, en particulier, à l'accès de l'Etat aux portes d'entrée sur le territoire national. C'est d'ailleurs cette considération qui avait justifié la création d'ADP sous forme d'établissement public.
Enfin, l'article 2 vise à préciser que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions. Que faut-il entendre par missions de service public ? Le texte renvoie au cahier des charges qui sera défini ultérieurement par le Conseil d'Etat. Que faut-il entendre par biens du domaine nécessaires à l'exercice du service public ? Encore une fois, le texte renvoie au cahier des charges.
Décidément, ce texte, qui contient des enjeux majeurs, reste, paradoxalement, désespérément flou.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'ensemble des biens et terrains relevant du domaine public de l'établissement public aéroport de Paris sont, à la date de transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, transférés au domaine public de l'Etat.
L'ensemble de ces biens et terrains ainsi que ceux du domaine public de l'Etat font l'objet d'une convention de concession conclue entre la société Aéroports de Paris et l'Etat, en vue de leur affectation à un service public, à une opération d'intérêt général ou à toute autre activité.
La durée minimale de la concession est de 40 ans.
En cas de manquement aux obligations de service public, la convention de concession peut être suspendue par décision ministérielle.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Il s'agit d'un amendement de repli, dont l'objet est de maintenir soumis au régime de domanialité publique l'ensemble des biens et terrains qui, jusqu'à présent, faisaient partie du domaine public de l'Etat ou de l'établissement public.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Font partie du domaine public de l'Etat et sont mis gratuitement à disposition de la société Aéroports de Paris l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget qui sont nécessaires à cette société pour assurer ses missions de service public et le développement de celles-ci ou dont l'affectation à d'autres usages serait de nature à compromettre l'exécution actuelle ou future de ces missions et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat qui font actuellement partie du domaine public de l'Etat ou de celui de l'établissement public Aéroports de Paris. S'il est mis fin aux missions de service public confiées à la société dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, la mise à disposition de ces emprises et ouvrages cesse de plein droit.
Les autres biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper, à l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement prévoit que demeurent la propriété de l'Etat et restent soumis à un régime de domanialité publique l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget, qui font actuellement partie du domaine public de l'Etat ou de l'établissement public ADP. Ce sont en effet des ouvrages irremplaçables et essentiels pour l'activité économique et les relations internationales du pays.
Le présent amendement vise à assurer la continuité du service public.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
affectés au service public aéroportuaire
insérer les mots :
ou à l'usage du public
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. On va de repli en repli. J'espère ne pas aller jusqu'à une défaite en rase campagne ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. On va terminer à Roissy ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Reiner. Revenant sur la notion d'ouvrages publics, nous considérons que ceux qui sont à l'usage du public doivent également être qualifiés d' « ouvrages publics ». Il ne faut pas limiter cette qualité aux biens affectés au service public aéroportuaire, comme le prévoit le texte de l'Assemblée nationale.
Chacun conviendra de l'intérêt à inclure dans cette qualification les parkings des aéroports, qui sont des ouvrages ouverts à la circulation du public. Ainsi, en cas de dommages, les victimes bénéficient d'une bonne protection. En cas de dommage accidentel causé par un ouvrage public, le tiers bénéficie d'un régime de responsabilité sans faute, et l'usager de l'ouvrage d'un régime de responsabilité pour risque en cas de défaut d'entretien normal. Et, en cas de dommage permanent lié à l'existence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, la victime bénéficie d'un régime de responsabilité de plein droit.
Cette précision me paraît d'autant plus utile quand je lis le rapport pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale de notre collègue député M. Charles-Amédée de Courson : « Il convient d'être cohérent : si le domaine aéroportuaire est déclassé, les plus-values qui pourront être réalisées par la cession des biens doivent être la propriété des actionnaires d'ADP. En n'assumant pas toutes les conséquences de la domanialité privée, ce projet de loi aboutit à des dispositifs d'une complexité extrême, qui risquent de nuire à la valorisation d'ADP. » On voit bien l'intention clairement exprimée, celle qui était, au préalable, largement sous-jacente.
Quand on évoque les parkings, on nous rétorque : « les hôtels ». Mais les parkings sont clairement liés à l'usage de l'aéroport. Personne, à ma connaissance, n'utilise les parkings de Roissy pour aller faire ses courses dans les magasins ! A l'évidence, il y a un lien entre les deux, qui est exprimé par la notion d'ouverture au public pour ces ouvrages publics. L'intérêt financier est, naturellement, d'une importance que chacun peut mesurer.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ne peuvent ni être déclassés, ni apportés en pleine propriété à la société Aéroport de Paris, les biens suivants ainsi que leurs terrains d'assiettes : les tours de contrôle et les bâtiments techniques associés; les radars ; les pistes, les voies de circulation et les aires de stationnement des aéronefs ; les installations de stockage de carburant ; les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications et de carburant pour aéronefs.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Fidèles à notre souci de précision, nous poursuivons la discussion commencée en première lecture et poursuivie à l'Assemblée nationale.
L'article 2 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer la liste des biens qui ne pourraient pas être déclassés. Pour notre part, nous considérons que nous pouvions parfaitement le faire.
Aux tours de contrôle et bâtiments techniques associés, aux radars, dont tout porte à croire qu'ils seront mentionnés dans le décret, nous proposons d'ajouter d'autres équipements qui nous paraissent essentiels, ne seraient-ce que les pistes, les voies de circulation, les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage de carburant, les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications, etc. Cette liste, non limitative, vise simplement à cadrer les choses.
Cet amendement de repli vise aussi à demander des explications. Il est important que vous nous donniez de manière plus claire la liste des ouvrages en question.
Pour les aéroports locaux, la loi relative aux responsabilités locales a été beaucoup plus claire. En effet, son article 28 a exclu expressément du transfert les emprises - c'est la formule qui a été retenue - et installations nécessaires pour les besoins, par exemple, de la défense nationale, de la sécurité de la circulation aérienne, de la météorologie, de la sécurité civile.
Pourquoi ne serait-il pas possible d'étendre à ADP ce qui a été fait pour les aéroports locaux ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Les amendements identiques de suppression n0s 5 et 28 de nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen sont dans la logique que ceux-ci ont exprimée : la suppression des articles. Cette logique n'est pas la nôtre. Nous sommes donc globalement opposés à tous ces amendements de suppression. Je ne reprendrai pas les arguments qui ont déjà été exposés tant au cours de la discussion générale que lors de la première lecture. Simplement, Aéroports de Paris a besoin d'un nouveau cadre juridique, qui lui permette d'exprimer tout son potentiel de dynamisme et de croissance.
J'en viens aux amendements de repli, pour lesquels je rentrerai plus dans le détail. L'amendement n° 29 de nos collègues du groupe CRC est sous-tendu par une logique qui se retrouve dans l'amendement n° 6 : faire entrer ADP dans un système de concession. Or toute concession a une fin, suivie d'un appel d'offres.
Au reproche de ne pas nous préoccuper du devenir des personnels d'ADP, j'apporte un démenti flagrant : nous nous en soucions à un degré tel que nous ne voulons pas qu'il y ait une fin à ce processus. Limiter la concession, c'est aller à l'encontre des intérêts des personnels.
La commission est donc défavorable aux amendements n°s 29 et 6.
J'en viens aux amendements n°s 7 et 8. S'agissant de la qualification d'ouvrages publics, j'attire votre attention sur le fait qu'aux termes de votre rédaction peuvent être englobés tous les ouvrages qui accueillent du public, par exemple l'hôtel Hilton de Roissy. Je ne suis pas sûr que vous vouliez en arriver là !
M. Daniel Reiner. Je n'ai pas parlé de l'hôtel Hilton !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Dans ces conditions, la commission ne peut être favorable ni à l'amendement n° 7 ni à l'amendement n° 8, qui vise à établir une sorte de liste exhaustive des installations techniques qui seraient concernées. Graver cette liste dans le marbre reviendrait à s'opposer à toute évolution jurisprudentielle, à interdire le dynamisme du service public, lequel repose sur la capacité à évoluer, conformément à une jurisprudence administrative constante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Je partage l'avis de M. le rapporteur sur les amendements qui viennent d'être présentés. Ils portent tous sur le même sujet : la domanialité.
Je rappelle que ADP possède aujourd'hui plus des deux tiers de son patrimoine. Il n'y a donc pas d'innovation.
Mme Hélène Luc. C'est un établissement public !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Vous dites que le patrimoine sera transféré à des actionnaires ou à des investisseurs privés. Non, le patrimoine sera transféré à une société qui sera détenue à 100 % par l'Etat. Il n'y a donc pas de transfert d'un patrimoine à des intérêts privés !
Ensuite, lorsque l'ouverture du capital aura lieu, la valorisation des intérêts minoritaires tiendra compte, naturellement, de l'ensemble des actifs de la société, lesquels n'auront pas changé de manière significative. Donc, le mauvais procès qui est fait s'agissant d'un transfert du patrimoine à des intérêts privés n'a pas lieu d'être.
Mme Hélène Luc. Vous voulez nous faire croire qu'il n'y a aucun changement ! Alors, pourquoi présenter ce projet ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Quant à la poursuite des activités aéroportuaires, ne laissez pas entendre, sauf à tomber dans la caricature la plus totale, qu'Aéroports de Paris pourrait se transformer en société immobilière ! Bien sûr, ADP a des activités immobilières, que nous voulons simplifier et dynamiser. Mais le cahier des charges, la loi, l'ensemble de textes applicables lui imposent évidemment de maintenir et de développer ses activités aéroportuaires. Vous tombez vraiment dans l'excès en présentant ainsi la loi.
Ce qui existe, dans certains pays, c'est la pratique des licences. Mais pas aux Etats-Unis, effectivement ! Il est si peu courant d'entendre des élus du groupe CRC prendre pour référence ce qui se fait outre-Atlantique que cela mérite d'être souligné. Certains pays ont ainsi décidé de vendre des licences aéroportuaires, c'est-à-dire de confier intégralement et jusqu'à la fin des temps l'exploitation des aéroports à des sociétés privées. Que ces solutions puissent être qualifiées de purement libérales, je vous le concède. Mais telle n'est absolument pas l'approche qui a été retenue par le Gouvernement.
L'éventuelle fermeture d'aéroports secondaires relève d'une décision de l'Etat et non d'Aéroports de Paris.
L'accès des services de l'Etat à toutes les installations est évidemment garanti par tous les textes qui s'appliquent : il n'est pas question que l'on argue de la détention privée de tel ou tel bâtiment pour en interdire l'accès aux services chargés des contrôles et inspections de tous ordres, au titre de l'environnement, de la sécurité, de la sûreté.
Quant à la question de la domanialité publique ou privée des parkings, je ne rappellerai pas aux élus que vous êtes que la concession de parkings est une pratique courante des collectivités territoriales. Ces parkings, du même coup, ne relèvent plus du domaine public. Cela ne pose aucun problème particulier. La jurisprudence judiciaire n'a rien à envier, en matière de protection et d'indemnisation des dommages, à la jurisprudence administrative.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. J'ai omis de formuler une observation importante : le transfert de tous les biens d'ADP au domaine public reviendrait à priver ADP de ce qu'il a gagné « à la sueur de son front ».
M. Daniel Reiner. Avec l'argent de l'Etat !
Mme Hélène Luc. Pourquoi ne dites-vous pas les choses clairement, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il ne faut pas piquer l'argent des autres !
Mme Hélène Luc. Mais que pense la majorité sénatoriale de tout cela ? Elle est bien silencieuse ! Il n'y a pas de débat !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements nos 5 et 8.
M. Michel Billout. Je me dois de formuler trois observations.
D'abord, la question du passage de la domanialité publique à la domanialité privée semble vous poser un problème d'argumentation. En fait, vous tentez de nous convaincre que rien ne va changer, que ce projet de loi ne pose strictement aucun problème. Vous essayez de nous rassurer. Et pourtant, une fois votée, la loi entraînera des modifications extrêmement importantes en matière de domanialité.
Ensuite, je vois une certaine incohérence dans les propos de M. le rapporteur.
En effet, en réponse à l'amendement n° 29, qui vise à poser le principe d'une concession sur la propriété des terrains, alternative à la transformation de cette richesse patrimoniale en pleine propriété privée, M. le rapporteur nous a répondu que cette concession aurait une limite de quarante ans ; il a posé la question de savoir ce qu'il adviendrait après ces quarante ans.
Or je me souviens qu'en première lecture M. le rapporteur avait envisagé cette concession de quarante ans pour les grands aéroports régionaux. Si ce type de concession est possible pour les grands aéroports régionaux, pourquoi ne le serait-il pas pour Aéroports de Paris ? Nous n'avons pas obtenu de réponse sur ce point.
Enfin, je pense que la transformation d'ADP en société anonyme, telle que vous la prévoyez, constitue un danger beaucoup plus grave pour l'emploi et pour le statut des personnels qu'une concession de quarante ans.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 28.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3.