compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
Monsieur le Premier ministre, nous vous remercions de participer à notre séance de questions d'actualité. Nous sommes sensibles à votre présence.
Je tiens également à saluer très cordialement M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir dans cette enceinte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous espérons qu'il sera attentif à nos préoccupations : pas d'impôts, beaucoup de subventions ! (Sourires.)
projet de directive sur les services (directive bolkestein)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Madame la ministre, la directive Bolkestein constitue une épine dans le pied des partisans de l'adoption du traité constitutionnel européen, épine qu'ils peinent à retirer.
Cette directive, déposée en janvier 2004 et inscrite dans le marbre de la Constitution giscardienne, suscite aujourd'hui une panique à retardement chez les partisans de l'Europe libérale.
Sous l'impulsion du Président de la République, c'est l'idée d'une remise à plat qui prévaut aujourd'hui.
M. Larcher, ministre du travail, était ce matin à Bruxelles pour participer à ce ballet de bonnes intentions. Il y a cependant un « hic » : la Commission de Bruxelles a déjà indiqué, le mois dernier, qu'elle n'avait aucunement l'intention de retirer cette directive, rappelant ainsi sa toute-puissance, qui échappe au contrôle démocratique.
De plus, tout dernièrement, le Parlement européen a rendu public son programme législatif à venir, qui comprend l'examen de la directive Bolkestein en son état actuel. Pouvez-vous le confirmer, madame la ministre ?
Ce double langage des partisans du « oui » en France, qui s'agitent pour contester la directive avant le référendum et pour ensuite laisser faire, est inacceptable.
Pour prouver votre bonne foi, madame la ministre, il n'y a pas à tergiverser : c'est le retrait de la directive que M. Chirac et le Gouvernement doivent obtenir et non pas une hypothétique remise à plat renvoyée aux calendes grecques.
Madame Haigneré, vous disiez, le 1er décembre dernier : « Cette proposition de directive justifie un accueil globalement positif. » Or, hier, vous affirmiez : « La position du Gouvernement est très claire. La directive est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat. » Que faut-il croire entre ces deux positions si contradictoires ?
Madame la ministre, l'attitude du gouvernement auquel vous appartenez est une attitude de circonstance.
La directive Bolkestein applique à la lettre le principe de la concurrence libre et non faussée, omniprésente dans le traité constitutionnel que vous défendez bec et ongles et dans lequel l'explosion du code du travail est programmée.
Pis - et je vous demande de me confirmer ce fait -, une fois le traité constitutionnel adopté, la France ne pourra plus dire « non » à la directive Bolkestein, puisque la supériorité des normes européennes sur les normes nationales est expressément prévue par le traité aux articles III-207 et III-210. En cas de refus persistant, la Cour de justice de l'Union européenne pourra imposer l'application de la directive à l'Etat récalcitrant.
Ma conclusion est logique. Pour réduire à néant la directive Bolkestein, deux moyens s'imposent : voter « non » au référendum (Rires sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP) et retirer la directive au nom d'une justice sociale européenne.
M. Robert Hue. Eh oui !
M. Gérard Le Cam. Quelles dispositions allez-vous prendre pour obtenir le retrait définitif de cette directive ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Le Cam, le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit clairement : la proposition de directive de la Commission européenne sur les services est inacceptable en l'état et doit faire l'objet d'une remise à plat.
Par ailleurs, nous soutenons un approfondissement du marché intérieur dans le domaine des services, car cela contribuera à développer la croissance et les emplois en Europe, tout particulièrement en France, qui, vous le savez, est la première nation exportatrice de services en Europe.
Mais la méthode envisagée n'est pas acceptable : appliquer de façon généralisée le principe du pays d'origine risque en effet de tirer vers le bas les législations, et niveler par le bas les législations serait un contresens au regard du projet européen tel que nous l'envisageons.
Nous considérons qu'il est nécessaire de poursuivre le processus d'harmonisation pour garantir un socle fondamental de protection pour les travailleurs et pour les consommateurs.
Nous voulons aussi, bien sûr, préserver notre modèle social et culturel sur les aspects concernant les services publics, le droit du travail, la diversité culturelle.
Comme vous le savez, nous demandons que soient exclus du champ d'application de cette directive les services sociaux et de santé, l'audiovisuel, la presse, les professions juridiques réglementées, les jeux d'argent, les services de transport et les services de gestion collective des droits d'auteurs et droits voisins.
Certains voudraient instrumentaliser le débat sur le traité constitutionnel à propos de cette directive. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Je rappelle que cette proposition n'est en rien liée au traité constitutionnel. Elle a été formulée sur la base des traités existants et elle ne pourra être approuvée que si elle recueille une majorité au Parlement européen et au Conseil des ministres de l'Union.
J'ajouterai même que je vois au contraire dans les discussions qui ont lieu actuellement un exemple de la vitalité démocratique de l'Union et du fonctionnement des institutions européennes, qui seront renforcées aux termes du traité constitutionnel qui vous est proposé.
L'action conjuguée du Gouvernement, du Parlement européen, qui examinera le texte dans les prochains mois, du Sénat - action à laquelle vous avez participé -, et de l'Assemblée nationale, puisque les députés se sont également mobilisés sur ce texte, a permis de faire prendre conscience à la Commission des difficultés très importantes que soulève cette proposition de directive.
Le 2 février dernier, le président de la Commission européenne a annoncé son intention de réexaminer cette proposition de directive en vue d'aboutir à un consensus sur deux points en particulier, qui nous sont chers : l'application du principe du pays d'origine, et le champ d'application de la directive, dont je viens de parler.
La Commission est particulièrement attachée à ces deux points, comme l'ont de nouveau souligné hier le président Barroso et le collège des commissaires. De plus, Charlie McCreevy, qui est le commissaire en charge de cette directive, a confirmé ce matin, lors d'une conférence de presse, qu'un réexamen profond du texte de la directive était prévu.
Mme Hélène Luc. Vous ne vous engagez pas à la retirer !
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. A partir d'une approche positive, nous pourrons travailler sereinement sur la remise à plat de ce texte dans les mois à venir afin de sauvegarder notre conception de l'Europe.
A cet égard, je souhaite que votre assemblée s'associe à la mobilisation du Gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
accès aux médicaments génériques pour le traitement du sida
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, en 2004, dans le monde, 40 millions de personnes ont été infectées par le virus du sida et plus de 3 millions d'entre elles sont décédées.
Dans les vingt prochaines années, près de 70 millions de personnes pourraient mourir dans les quarante-cinq pays les plus touchés par cette pandémie.
Cette situation, terriblement préoccupante, rend nécessaire la mobilisation de tous, car il y a bien une urgence sanitaire mondiale.
Depuis quelques années, nous assistons à la mise sur le marché de médicaments génériques afin que les malades des pays les plus pauvres puissent recevoir des traitements à des prix acceptables.
Malheureusement, cette avancée décisive est menacée par l'entrée en vigueur des accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce établis dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
En effet, aux termes de ces accords, entrés en vigueur le 1er janvier 2005, la plupart des pays en développement doivent introduire dans leurs législations des lois interdisant la copie et la vente de médicaments sous brevet.
C'est notamment le cas de l'Inde, principal fournisseur mondial de génériques à très bas prix contre le sida à destination de tous les pays du Sud.
Certes, l'accord du 30 août 2003 permet de poursuivre la fourniture de génériques. Mais sa mise en oeuvre risque d'être très difficile tant les procédures sont complexes.
En effet, pour chaque achat de médicaments, une double licence est requise, tant pour le pays importateur que pour le pays exportateur.
De plus, la licence émise est valable pour une unique transaction. Elle concerne un médicament précis, pour une quantité donnée.
Cette situation est humainement et politiquement intolérable.
Nous acceptons que le commerce international soit très ouvert, mais pas au détriment de la vie de dizaines de millions de personnes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, alors que le gouvernement français a fait de la lutte contre le sida la grande cause nationale pour 2005, quelle est sa stratégie au niveau mondial pour combattre ce fléau, en favorisant notamment un accès facile aux génériques ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le sénateur, je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il y a aujourd'hui une urgence sanitaire mondiale. Faire reculer sur notre territoire - mais aussi dans le monde entier - ce terrible fléau qu'est le sida est pour nous une priorité.
A cet égard, je tiens à vous dire que, en matière d'accès aux médicaments dans les pays pauvres, la France a été le tout premier pays européen à demander une transposition des accords de Doha, et ce, il faut le savoir, en même temps que l'application des accords sur les droits liés à la propriété intellectuelle, car il faut que tout se passe exactement en même temps.
Si la règle doit être rigoureuse, l'exception, en la matière, doit être généreuse. Ainsi, l'automne dernier, Philippe Douste-Blazy s'est rendu au Brésil pour y rencontrer le président Lula, de même qu'il s'est rendu au Sénégal pour y rencontrer le président Wade. Il a discuté avec ces deux chefs d'Etat des modalités d'accès sur leur territoire respectif, au profit de leurs compatriotes, de ces médicaments à un prix moindre. Nous continuons aujourd'hui de travailler en partenariat avec ces pays sur la mise en place de ces modalités.
Lors du Conseil européen des ministres de la santé qui s'est tenu le 6 décembre dernier, j'ai défendu auprès de la présidence luxembourgeoise de l'Union, à la demande de Philippe Douste-Blazy, l'idée que nous puissions octroyer des facilités aux pays pauvres afin de les dispenser du paiement des brevets et de leur permettre d'avoir accès à des médicaments génériques moins chers, en dépit des nouvelles règles s'appliquant à la protection des brevets.
Ce point est désormais inscrit très clairement dans l'agenda de la présidence luxembourgeoise de l'Union, présidence qui prendra fin le 1er juillet. Cela signifie que, avant la fin du premier semestre, nous obtiendrons, au niveau européen, des résultats en la matière.
Si le mécanisme des doubles licences n'est pas complètement appliqué à ce jour, c'est parce qu'il est nécessaire que l'accord de Doha soit transposé partout.
Au-delà de ces médicaments bon marché, l'enjeu, ce sont ces médicaments gratuits. Vous connaissez le combat du Président de la République...
M. René-Pierre Signé. Heureusement qu'il est là ! (Sourires.)
M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. ... en faveur de l'affectation du produit des taxes internationales au développement. C'est ainsi que nous pourrons enfin faire reculer durablement dans le monde entier le fléau du sida. En tout cas, nous sommes entièrement mobilisés sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
réforme de la politique agricole commune
M. le président. La parole est à M. Claude Bertaud. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Bertaud. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
A quelques jours de l'ouverture de la campagne référendaire sur la Constitution européenne, les agriculteurs ont besoin d'être rassurés sur leur avenir face aux contraintes de plus en plus fortes de la politique agricole européenne.
Le Salon international de l'agriculture se tient cette semaine dans un contexte bien particulier : les agriculteurs se posent beaucoup de questions sur la manière dont la réforme de la politique agricole commune va s'appliquer en France.
M. René-Pierre Signé. Ils ont bien raison !
M. Claude Bertaud. L'élevage bovin se porte plutôt bien aujourd'hui, les prix ayant retrouvé leur niveau d'avant la deuxième crise de la vache folle. En revanche, d'autres grandes productions agricoles, comme les produits laitiers, les ovins, les élevages hors sol - notamment les porcs et les volailles -, les céréales ou la viticulture rencontrent encore des difficultés.
La profession agricole constitue la catégorie sociale qui vit le plus à l'heure européenne depuis l'adoption de la politique agricole commune en 1962. Au lendemain de l'adhésion à l'Union européenne de dix nouveaux pays, et à la veille du référendum sur la Constitution européenne,...
Mme Hélène Luc. Votez « non » !
M. Claude Bertaud. ... les agriculteurs ont besoin d'un signe fort du Gouvernement qui leur redonne espoir et qui efface leurs inquiétudes.
Comme vient de le déclarer le Président de la République au Salon de l'agriculture, l'Europe est essentielle à l'agriculture française. Leur avenir est commun, notre agriculture et nos agriculteurs ont besoin d'une Europe forte et ambitieuse, sachant s'affirmer sur la scène mondiale.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, rassurer le monde agricole...
M. René-Pierre Signé. Non ! Il ne rassure plus personne !
M. Roland Muzeau. Il suffit de voter « non » au référendum !
M. Claude Bertaud. ... et lui apporter les réponses qu'il attend afin qu'il ne tourne pas le dos à la Constitution européenne, rejetant du même coup l'Europe de demain ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Oui, monsieur Bertaud, le Salon international de l'agriculture est une manifestation très importante qui montre le dynamisme, l'esprit de qualité, la compétence et le savoir-faire de notre agriculture. Je pourrais d'ailleurs présenter les mêmes remarques à propos du Salon du machinisme agricole, qui constitue un beau symbole lui aussi.
Vous dites qu'il faut des signes. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le sénateur, que le compromis de Luxembourg nous offre une lisibilité ainsi qu'une certitude tout à fait exceptionnelles sur le plan budgétaire : 10 milliards d'euros, dont 8 milliards d'euros de soutiens indirects, sont garantis à notre agriculture jusqu'en 2013.
Nous devons mettre à profit cette période pour adapter notre agriculture, pour continuer à la moderniser, et surtout pour élargir nos débouchés. C'est bien ce défi qu'elle doit relever, ainsi que le Premier ministre l'a redit ce matin au Salon, et c'est ce qui est fait en particulier dans le domaine agroalimentaire ainsi que pour les biocarburants, avec le plan que M. Raffarin a annoncé l'automne dernier et que nous mettons en oeuvre aujourd'hui. Nous relevons ce défi, en relation avec les professionnels.
Mais vous avez raison de dire que, à court terme, des inquiétudes se font jour. Elles sont liées à la mise en oeuvre concrète des contreparties budgétaires, à savoir la conditionnalité des aides, les bonnes pratiques agro-environnementales et la réforme des droits à paiement unique.
Nous avons beaucoup travaillé avec Dominique Bussereau sur ces questions, en fonction de l'analyse et des observations des professionnels. Nous nous y employons notamment, de manière concrète, sur la question de la conditionnalité des aides.
Prenons l'exemple de l'élevage, que vous avez évoqué. On sait bien qu'une bête peut perdre une boucle dans un pré, contre une barrière ou contre une haie. A l'avenir, ce ne sera plus une anomalie et, en 2005, les anomalies mineures ne seront plus pénalisées financièrement. Nous allons réécrire les « cahiers d'instruction » de la conditionnalité pour les rendre plus simples à l'horizon 2006.
Nous travaillons avec les professionnels - les directions départementales de l'agriculture et de la forêt sont missionnées à cet effet - de façon à proposer à la Commission avant la fin de l'année 2005, pour une prise d'effet en 2006, un certain nombre de simplifications.
M. René-Pierre Signé. C'est faux, il n'y en a pas !
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Il en va de même pour les droits à paiement unique.
Nous avançons donc et ces signes très concrets, monsieur le sénateur, s'inscrivent dans le cadre d'une politique beaucoup plus ambitieuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
chômage et emploi en france
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. Josselin de Rohan. Il est là !
M. Claude Domeizel. Monsieur le Premier ministre, le 15 janvier dernier, dans un entretien accordé à un quotidien, vous vous êtes engagé à faire baisser le chômage d'un point par an à partir de 2005.
La semaine dernière, la mauvaise nouvelle est tombée : le seuil de 10 % de chômeurs a été franchi pour la deuxième fois.
Je dis « pour la deuxième fois » car, sous le gouvernement de Lionel Jospin, quand le chômage franchissait cette barre, c'était dans l'autre sens - à la baisse -, pour atteindre le taux le plus bas depuis 1983 : 8,6 %.
M. Didier Boulaud. Bravo !
M. Josselin de Rohan. Jospin, reviens ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Depuis deux jours, au Sénat, nous examinons la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail et nous constatons que votre slogan, « travailler plus pour gagner plus », est une véritable publicité mensongère.
M. René-Pierre Signé. Une escroquerie ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Domeizel. Les Français doivent savoir qu'avec cette proposition de loi les salariés pourront être appelés à travailler jusqu'à quarante-huit heures par semaine. Les heures supplémentaires seront payées en monnaie de singe grâce à l'utilisation dévoyée du compte épargne-temps, qui renverra le paiement des heures supplémentaires aux calendes grecques.
Cette proposition de loi procède à la casse du code du travail, au seul avantage de l'employeur. Elle porte gravement atteinte au salaire, à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Il ne faut pas sortir d'une grande école pour comprendre que cette proposition de loi, qui encourage à outrance les heures supplémentaires, ne va pas être créatrice d'emplois, bien au contraire.
Les grands groupes affichent pour 2004 des bénéfices considérables, au profit des gros actionnaires et au détriment de l'emploi. Un seul exemple : Total, qui a réalisé 9 milliards d'euros de bénéfices, supprime trois cent quatre-vingt-trois emplois dans les Alpes-de-Haute-Provence, alors que quelques dizaines de millions d'euros d'investissement auraient suffi pour sauver l'usine.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement cautionne ces dérives. Depuis que vous êtes aux affaires, vous favorisez inconditionnellement le MEDEF. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Les patrons croient que tout est permis pour satisfaire une nouvelle devise : « licencier plus pour gagner plus. »
M. Josselin de Rohan. La question !
M. Claude Domeizel. Un changement de politique est maintenant indispensable. Comptez-vous, monsieur le Premier ministre, persister malgré tout dans vos choix néfastes pour l'emploi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Didier Boulaud. M. le Premier ministre ne répond pas ?
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Domeizel, vous évoquez les chiffres du chômage en janvier. Il est vrai que, durant toute l'année 2004, le chômage nous a habitués à ces effets de hausse et de baisse : six mois de hausse, six mois de baisse. Et, aujourd'hui, l'emploi marque le pas après avoir considérablement régressé dans notre pays à partir de 2001.
Nous devons tous être, sur cette question de l'emploi, d'une grande modestie. Je vous rappelle en effet que les douze mois les plus catastrophiques, en matière de chômage des jeunes, ce sont les douze derniers mois de la mandature de Lionel Jospin, au cours desquels, je vous invite à vérifier les chiffres, il a crû de 16 % ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. C'est totalement faux !
M. André Rouvière. C'est du roman ! Vous êtes vraiment à court d'arguments !
M. Yannick Bodin. C'est scandaleux !
Mme Raymonde Le Texier. Provocation !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Veuillez écouter M. le secrétaire d'Etat !
M. René-Pierre Signé. Démission !
M. Didier Boulaud. Elections !
M. René-Pierre Signé. Dissolution !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, le Gouvernement est tout entier mobilisé pour atteindre l'objectif assigné par le Premier ministre, qui est de faire baisser le chômage de 10 % au cours de l'année 2005. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.)
Trois voies sont empruntées. D'abord, il faut faire en sorte que la croissance soit plus riche en emplois. C'est l'objectif assigné aux pôles de compétitivité, sur lesquels travaillent le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire.
M. René-Pierre Signé. Vos mensonges, personne n'y croit plus !
M. Jean-Marc Todeschini. C'est scandaleux !
M. René-Pierre Signé. Démission !
M. Didier Boulaud. Dissolution !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. C'est aussi le sens du programme de services à la personne, qui permettra durant trois années à 500 000 individus de renouer avec l'activité professionnelle.
M. Jean-Marc Todeschini. Gadget !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Il faut ensuite moderniser le service public de l'emploi, dans la mesure où, dans notre pays, de 300 000 à 400 000 offres ne sont pas pourvues, les départs massifs à la retraite augmentant de surcroît leur nombre.
Mme Nicole Bricq. Les départs à la retraite, c'est ce que vous attendez !
M. Didier Boulaud. Gadget !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. ... contribue à cette modernisation : le dossier du demandeur d'emploi sera regroupé en un seul guichet, auprès de l'ensemble des acteurs du service public. (Le brouhaha s'amplifie sur les travées du groupe socialiste et couvre la voix de M. le secrétaire d'Etat.)
M. Didier Boulaud. Dissolution !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Les nouveaux emplois aidés, qui allient activité professionnelle et formation et qui rompent avec une pratique trop longue d'emplois parkings, participent aussi au retour à l'activité des demandeurs d'emploi, notamment des plus jeunes d'entre eux, par le développement de l'apprentissage. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin et surtout, la loi de programmation pour la cohésion sociale met en place des outils pour permettre d'accompagner les reconversions industrielles. (Les protestations redoublent sur les travées du groupe socialiste.)
Vous évoquiez, monsieur le sénateur, le cas de la filiale de Total, la société Arkema, qui, dans votre département, sur le site de Saint-Auban, reconsidère 380 postes de travail sur les 713 que compte l'entreprise.
M. Didier Boulaud. Il y a d'autres sites ailleurs !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Permettez-moi de rappeler la mobilisation du préfet ainsi que celle de la direction départementale du travail, en accord avec les acteurs locaux.
M. André Rouvière. C'est faux !
M. Didier Boulaud. Il a du travail, le préfet !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Vous savez que l'Etat a obtenu trois engagements de la part de Total. Ainsi, à l'échelon national, la restructuration de la branche chimie de l'entreprise doit s'accompagner d'un effort d'investissement sans précédent, d'un montant de 300 millions d'euros ; par ailleurs, sur le site menacé - et Saint-Auban est éminemment concerné -, un contrat de site sera passé, avec des engagements de deux ordres : d'une part, un nombre d'emplois équivalent à celui des emplois menacés seront créés - sur Saint-Auban, Total s'engage à créer 400 emplois en 2005 et 2006, et l'Etat sera comptable de cet engagement -...
M. René-Pierre Signé. Il est nul !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. ... et, d'autre part, une étude sera menée sur les effets induits sur les sous-traitants et les fournisseurs. Vous savez comme moi que les conclusions de cette étude, diligentée par les élus locaux, l'Etat et la société Arkema, seront rendues au mois de mai.
Ces outils - contrats de site, congés de reclassement, que le plan de cohésion sociale met à la disposition de l'ensemble des acteurs du pays - sont nouveaux.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. C'est avec ce type d'outils nouveaux que nous pourrons accompagner le développement du plein-emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Résultat : un taux de chômage de 10 % ! C'est nul !