Article 2
I. - Après l'article L. 212-6 du code du travail, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-6-1. - Lorsqu'une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement le prévoit, le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement en vertu de l'article L. 212-6.
« La convention ou l'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles ces heures choisies sont effectuées, fixe la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu et, le cas échéant, les contreparties, notamment en terme de repos. Le taux de la majoration ne peut être inférieur au taux applicable pour la rémunération des heures supplémentaires dans l'entreprise ou dans l'établissement conformément au I de l'article L. 212-5.
« Les dispositions de l'article L. 212-5-1 et du premier alinéa de l'article L. 212-7 ne sont pas applicables.
« Le nombre de ces heures choisies ne peut avoir pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail au-delà des limites définies au deuxième alinéa de l'article L. 212-7. »
II. - Le II de l'article L. 212-15-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait. La convention ou l'accord collectif précise notamment les conditions dans lesquelles ces heures sont effectuées, fixe la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu ainsi que les conditions dans lesquelles le salarié fait connaître son choix. »
III. - Le premier alinéa du III du même article L. 212-15-3 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. La convention ou l'accord collectif détermine notamment le montant de cette majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix. »
IV. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du III du même article, après les mots : « sur un compte épargne-temps », sont insérés les mots : « ou auxquels le salarié a renoncé dans les conditions prévues au premier alinéa ».
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 2 de la proposition de loi introduit cette nouvelle notion de « temps choisi », si chère au Gouvernement et à Jean-Pierre Raffarin. Mais que recèle exactement cette sémantique ?
Pour forcer les salariés à travailler plus, le Gouvernement a choisi de jouer sur les heures supplémentaires, s'engouffrant dans la brèche laissée grande ouverte par le précédent ministre du travail. Leur contingent a été porté de 130 heures à 180 heures en 2002. Puis, la loi Fillon du 17 janvier 2003 a permis de l'accroître au moyen d'accords de branche. De plus, dans le « Contrat France 2005 », le Premier ministre propose de passer à 220 heures, voire d'aller plus loin sous forme d'heures « complémentaires ». Mais, tout cela ne peut en aucun cas doper l'emploi.
La preuve en est que, sur 160 branches, seules 20 d'entre elles ont signé les accords Fillon, et deux seulement vont au-delà du contingent légal.
En outre, le nombre annuel moyen d'heures supplémentaires se situe entre 60 et 80 ; on est donc très en dessous du contingent légal. Il est vrai qu'il s'agit là des heures supplémentaires rémunérées, qui ne représentent environ qu'un quart du total, comme l'indique très officiellement Eurostat.
Si l'on y ajoute le fameux jour férié supprimé, on constate que le détricotage des 35 heures conduit à un retour subreptice aux 40 heures.
Mais cela va encore plus loin, car le Premier ministre propose la mise en place d' « accords pour le temps choisi », par branche ou par entreprise, permettant « d'effectuer des heures supplémentaires choisies, au-delà du contingent conventionnel ». On comprend que Ernest-Antoine Seillière, le patron du MEDEF, ait pu se réjouir du fait que l'on « redonne la liberté au temps de travail » dans la mesure où cette proposition de loi a pour effet de faire voler en éclats la durée légale du travail.
Cette référence au « temps choisi » est d'un détestable cynisme. L'idée que cela permettra de créer des emplois ne tient absolument pas la route : tout allongement de la durée du travail est évidemment un obstacle à l'embauche. En réalité, les patrons font des profits, mais ils n'embauchent pas, car ils sont en train d'éponger les 35 heures en infligeant aux salariés une « double peine », pour reprendre l'expression de Jean-Claude Mailly, en gardant la flexibilité et l'intensification du travail, tout en allongeant le temps de travail pour un salaire bloqué. Les patrons exercent un chantage aux licenciements ou aux délocalisations pour obtenir des salariés qu'ils travaillent plus pour le même salaire, l'un des derniers exemples étant celui de l'entreprise rémoise Chausson Outillage.
Mais, surtout, ce discours fait l'impasse sur une masse de main-d'oeuvre potentielle qui ne demanderait qu'à être employée, à commencer par les chômeurs et les femmes contraintes au temps partiel. Pour ces personnes, on se demande bien où est le « temps choisi » !
Tout au long de la discussion relative à l'article 2, nous combattrons fermement cette violente offensive contre la dégradation des conditions de travail. Il est temps que le Gouvernement cesse de tenir des discours démagogiques, selon lesquels il faut travailler plus pour gagner plus, alors que, dans le même temps, les entreprises engrangent des bénéfices records grâce à des gains de productivité effarants. Il faut engager une réelle politique de l'emploi et le patronat doit redistribuer aux salariés la part qui leur est due ; votre politique doit englober tous les aspects de la condition salariée, monsieur le ministre, à savoir l'emploi, les salaires et les conditions de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, sur l'article.
Mme Eliane Assassi. Comme l'indique M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, l'article 2 est « au coeur de la réforme de la durée du travail ». Je le pense également, mais, ne vous réjouissez pas trop vite, chers collègues de la majorité sénatoriale, car je le pense pour des raisons diamétralement opposées aux vôtres.
La présentation des dispositions de cet article par le Gouvernement et par le rapporteur relève plus de la manipulation sémantique, voire de l'hypocrisie, que de la description objective de la mise en pièces des 35 heures. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Vous nous parlez de « temps choisi », d'« accord entre l'employeur et le salarié ». Seuls les salariés « qui le souhaitent » seront concernés par les heures choisies. Mais j'aurai l'occasion, avec mes amis, de décortiquer la méthode utilisée par les députés, auteurs de la proposition de loi, exécutants des basses oeuvres que le Gouvernement ne souhaite pas endosser, pour démanteler ce qui, au-delà des insuffisances, des effets pervers, était porteur d'un progrès de civilisation manifeste, incontestable.
Oui, je parle d'hypocrisie, car comment oser parler de choix, de liberté, alors que des salariés confrontés à une régression continue de leur pouvoir d'achat, peuvent être tentés de renoncer à leurs droits pour desserrer d'un petit cran leur ceinture ? Comment oser parler d'accord entre salariés et entreprises, alors que le patronat, en ces temps de chômage massif, de précarité, se trouve systématiquement là pour imposer aux salariés une dégradation de leurs conditions de travail ?
Le chantage au licenciement n'est apparemment connu de personne à droite de cet hémicycle. Ces notions de désir, de choix, de liberté sont déplacées.
La réalité, c'est que le Gouvernement et sa majorité, suivant en cela une directive du patronat, imposent un recul social considérable, contre l'avis largement majoritaire de la population. La droite répond à une revendication légitime qui monte chez les salariés, à savoir la progression de leur pouvoir d'achat, par cette formule lapidaire : travaillez plus !
Vous faites fi de l'épanouissement humain, du droit au repos et à la vie de famille. Vous faites fi de la dignité humaine. Et cela, au nom d'un seul principe : préserver le taux de profit et le dynamiser toujours plus.
Pourquoi ne pas se poser cette question dont la réponse me paraît évidente : et si l'on répartissait différemment les richesses pour permettre aux salariés de percevoir plus sans exiger un travail supplémentaire ?
Cette intention, qui fait si mal aux oreilles des partisans indéfectibles d'une protection absolue des actionnaires et de leurs dividendes, choque la majorité sénatoriale.
La lecture des derniers résultats des grandes entreprises françaises, si elle ne vous fait pas réfléchir, fait certainement s'interroger nombre de nos compatriotes.
Vous vous attaquez aux 35 heures ! Vous cherchez encore et toujours à améliorer la productivité au détriment des créations d'emplois, alors que d'aucuns s'accordent à reconnaître les profits réalisés l'année dernière comme éhontés !
C'est aux salariés que l'on demande de faire des efforts, toujours et encore, alors que les dividendes distribués en 2004 et 2005 aux actionnaires par les entreprises du CAC 40 devraient croître de 43 % environ sur deux ans.
Je ne prendrai que quelques exemples :
L'Oréal : 143 % de taux d'augmentation des bénéfices en 2004, soit l'équivalent en marge dégagée de 240 000 salaires moyens annuels !
Total : 9 millions d'euros de profits en 2004, de quoi rémunérer 1,2 million d'emplois pendant un an !
M. Jean-Claude Carle. Caricatural !
Mme Eliane Assassi. Arcelor : plus de 900 % d'augmentation des bénéfices ; Alcatel : 114 % ; Renault : 43 % !
Le secteur bancaire n'est pas en reste avec une progression de 25 % pour la Société générale et de 24 % pour la BNP.
M. Jean-Claude Carle. Ils se paient une page dans l'Humanité !
Mme Eliane Assassi. Monsieur le ministre, messieurs les sénateurs de la majorité, ne faut-il pas comparer les 43 % d'augmentation des dividendes octroyés aux actionnaires à l'évolution du pouvoir d'achat des salariés, qui avoisine au mieux les 2 % ?
Ce sont donc bien deux logiques qui s'affrontent : celle d'une revalorisation du travail dans la répartition des richesses et celle de la recherche du taux de profit maximal, conformément à un libéralisme qui, cela dit en passant, imprègne le traité constitutionnel européen.
Cet article 2 montre bien que les partisans de ce texte font le choix non pas de l'homme, mais bien celui d'une petite minorité de profiteurs. Nous le rejetterons donc résolument. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de l'examen de cet article 2 relatif à l'institution d'un régime de temps choisi pour parler de tous ceux, et surtout de toutes celles, qui n'ont pas le bonheur d'écouter nos débats et de constater combien vous défendez le temps choisi, alors qu'ils voudraient bien choisir leur temps de travail mais ne le peuvent pas.
Nous l'avons déjà dit : 3,2 millions de salariés, dont 80 % de femmes, travaillent à temps partiel non choisi.
La région d'Ile-de-France est particulièrement concernée par le temps partiel : les secteurs pourvoyeurs de cette nouvelle forme d'emplois - commerce, nettoyage, grande distribution et hôtellerie-restauration - y sont fortement représentés. Dans la restauration, la moitié des emplois sont à temps partiel et souvent annualisés. Quant aux salariés du nettoyage, ils sont environ 270 000 en Ile-de-France, dont 60 % de femmes. Hélas ! 90 % d'entre elles sont employées à temps partiel non choisi, avec des contrats de trois à six heures par jour sur plusieurs lieux de travail. Elles effectuent donc un temps plein en dehors de chez elles, mais ne sont rémunérées que sur la base d'un temps partiel. Et je ne parle pas de celles qui restent près de leur téléphone dans l'attente de savoir à quelle heure elles travailleront, ce qui, bien sûr, exclut qu'elles puissent faire autre chose de leur journée.
Concernant plus particulièrement la capitale, selon des chiffres de 2002 - je ne pense pas qu'ils aient évolué favorablement -, 80 % des personnes percevant des revenus inférieurs à 556 euros - vous savez combien il est difficile de se loger dans la capitale avec un tel salaire ! - et 84 % des personnes employées à temps partiel sont des femmes. Cela signifie, hélas ! salaire partiel, chômage partiel et retraite partielle non choisis.
De plus, depuis quelques années, on assiste dans de nombreuses entreprises, plus particulièrement dans le secteur du commerce, à une multiplication des conflits liés à l'explosion de la précarité de l'emploi et des salaires. En effet, l'emploi précaire non choisi se développe de façon quasiment systématique, qu'il s'agisse du contrat à durée déterminée, du temps partiel imposé ou de l'intérim, et se traduit, bien sûr, par des bas salaires. Dans les grands magasins - BHV, Galeries Lafayette, Printemps, etc. -, 45 % des salariées en moyenne - ces charmantes vendeuses ! -, occupent un poste à temps partiel non choisi, à l'instar de 90 % des caissières.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les magasins populaires, Monoprix par exemple, les taux sont extravagants : 90 % des salariés occupent un poste à temps partiel non choisi. Cela va de pair avec une polyvalence imposée, une pénibilité du travail accrue, une multiplication des nocturnes, une répression syndicale des plus dures et une suppression d'emplois, et ce malgré les nombreux avantages fiscaux accordés à la grande distribution.
A ce tableau, il faut ajouter le fait que, dans leur écrasante majorité, ces salariés habitent loin de Paris, car les salaires qu'ils perçoivent ne leur permettent pas de se loger dans la capitale, ce qui provoque des problèmes de transport. Là aussi, le temps qu'ils passent hors de leur domicile est très long et aussi important que s'ils effectuaient un travail à temps plein, mais il n'est pas rémunéré.
Devant cette situation, de nombreux salariés se révoltent afin de se faire respecter et refusent une vie hachée et méprisée, qui, vous en avez bien conscience, est loin d'être choisie.
A coup de déréglementation des horaires et d'ouverture les dimanches et les jours fériés, la grande distribution et les enseignes du centre-ville se livrent à une concurrence féroce pour remporter des parts de marché. Un lien direct existe entre l'augmentation de l'amplitude horaire et l'extension des temps partiels imposés. Ni l'amplitude ni la durée du travail des salariés ne sont choisies !
L'argument du chiffre d'affaires de ce secteur est fallacieux : tout le monde sait que les capacités de consommation ne sont pas extensibles, d'autant que les gens gagnent de moins en moins. Cela ne sert absolument à rien !
Plutôt que de poursuivre dans cette logique, sans doute serait-il plus judicieux de revenir aux règles relatives au secteur du commerce que nous connaissions auparavant et qui limitent l'amplitude d'ouverture à 10 heures ou 11 heures, ce qui signifie la fermeture à 19 heures et le dimanche.
Il faudrait également renforcer les moyens de l'inspection du travail, pour faire respecter le droit du travail dans un secteur où les « arrangements », le non-respect des contrats et les fiches de paie illégales foisonnent. Bien entendu, tout cela n'est pas choisi par les salariés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositions de l'article 2 sont bel et bien la preuve que cette proposition de loi a pas pour objet non pas d'assouplir les 35 heures, mais bien de les remettre en cause, tant elles sont la négation de la notion de durée légale du travail et de celle de contingent d'heures supplémentaires.
En effet, cet article libéralise totalement le régime des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, qu'il soit réglementaire ou conventionnel !
Le contingent réglementaire a déjà été augmenté par deux fois par ce Gouvernement : de 130 heures, il a été porté à 180 heures en mars 2003, puis à 220 heures en décembre 2004. Pourtant, lors des auditions organisées par la commission, toutes les organisations syndicales et patronales, à l'exception d'une, ont reconnu que le contingent n'était pas utilisé. Certes, les chiffres diffèrent selon les sources, mais la moyenne des heures supplémentaires auxquelles auraient recours les entreprises atteint au plus 80 heures : on est loin de 130 heures, et encore plus de 180 ou 220 heures ! (M. le ministre s'entretient avec l'un de ses collaborateurs.)
Monsieur le ministre, je sais que mes propos ne vous intéressent pas beaucoup...
M. Henri de Raincourt. Ils ne sont, en effet, guère intéressants !
M. Jean-Pierre Godefroy. Alors, pourquoi continuer ? Je vous le dis très gentiment : c'est fort désagréable, quand on s'adresse à un interlocuteur, de ne pas être écouté. On a vraiment l'impression de parler dans le vide. Si cela ne vous intéresse pas, dites-le, et cela figurera au Journal officiel !
M. Henri de Raincourt. Cela ne nous intéresse pas !
M. Charles Revet. En effet !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je ne désespère pas, non de vous convaincre, mais de convaincre à l'extérieur, ce qui sera beaucoup plus important.
M. Charles Revet. Vous ne parlez donc pas pour nous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pourquoi continuer d'augmenter le contingent ? En fait, le choix de ce nouveau seuil de 220 heures n'a pas été opéré au hasard ; c'est celui qui permet de revenir à la semaine de travail de 40 heures, voire de 48 heures ! Quel recul !
M. Charles Revet. C'est la liberté de travailler !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-être est-ce un moyen de légaliser les heures supplémentaires dans les secteurs où les droits des travailleurs sont les plus bafoués.
Quant au concept de « temps choisi » énoncé par le texte, tous les salariés de ce pays savent qu'il s'agit d'un leurre : ce ne sont pas les salariés qui choisissent les heures supplémentaires qu'ils auront à effectuer, ce sont les patrons ! C'est d'ailleurs logique puisque c'est bien la direction de l'entreprise qui décide des variations de l'activité.
Jusqu'à ce jour, les dérogations à la durée légale du travail devaient être encadrées par des garanties collectives. Cette obligation disparaît au profit d'une négociation directe entre l'employeur et chacun de ses salariés, avec toutes les dérives possibles que cela peut engendrer, notamment en termes de pression : l'employeur étant désormais libre d'accorder des heures supplémentaires à qui il veut, les risques de discrimination entre les salariés sont accrus.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un point qui me semble extraordinairement inquiétant. Le danger est d'autant plus grand qu'ont été introduites dans la loi si mal nommée de programmation pour la cohésion sociale plusieurs dispositions relatives aux licenciements. L'une d'entre elles fait du refus d'une modification du contrat de travail - temps, salaire, lieu, etc. - un motif propre de licenciement économique. Le salarié qui refusera les heures choisies sera-t-il menacé de licenciement ?
Au cours de l'examen de cet article, nous présenterons des amendements afin de vous convaincre de la nocivité de ce texte. J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez la courtoisie de nous écouter attentivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite donner à nos collègues du groupe CRC un exemple concret démontrant que nous ne sommes pas, comme ils le prétendent, à des années lumière de la réalité mais, au contraire, qu'un certain nombre de salariés souhaitent travailler davantage.
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Ainsi, le 16 février dernier, les employés d'une société de messagerie du Rhône se sont mis en grève pour travailler plus. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Eliane Assassi. Prenez l'exemple d'H&M au Bourget !
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Je cite leurs propos : « Quand nous faisions 220 heures, nous avions de bons salaires, de l'ordre de 1800 à 1900 euros mensuels. Avec le passage aux 35 heures, nous n'avons plus eu le droit de faire autant d'heures, alors que cela nous arrange, d'où une perte très importante de salaire, de 300 à 400 euros par mois. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sûr !
Mme Hélène Luc. Il faut augmenter les salaires !
Mme Eliane Assassi. Très mauvaise démonstration !
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. « On travaillait peut-être beaucoup avant, mais, en contrepartie, on gagnait bien notre vie. Maintenant, on est au SMIC. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'est qu'à voir la directive européenne à venir !
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Que faut-il en conclure, mes chers collègues, sinon que, à l'évidence, le mécanisme du temps choisi peut effectivement intéresser de nombreux salariés, en particulier ceux qui ont des rémunérations modestes ?
A cet égard, je reviendrai un instant sur l'intervention de Claude Domeizel qui, hier soir, m'a fait l'honneur de souligner qu'il avait pris connaissance du rapport pour avis de la commission des affaires économiques. Il s'est offusqué que je puisse écrire, à la page 6, que « le taux de satisfaction des salariés relevant de la législation sur les 35 heures est loin d'atteindre les 100 % ». (M. Claude Domeizel proteste.) N'est-ce pas l'exacte vérité puisque - je reprends les chiffres que vous avez cités -23 % des salariés se déclarent insatisfaits ?
M. Claude Domeizel. Donc, 77 % sont satisfaits !
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. De plus, selon un sondage paru hier dans la presse nationale, 62 % des Français approuvent l'assouplissement apporté au régime des 35 heures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Raymonde Le Texier. Vous avez oublié de leur dire qu'ils ne seraient pas payés !
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Par ailleurs, l'opposition affirme que 80 % des salariés à temps partiel n'ont pas choisi ce régime de travail - je parle de l'ensemble de la France et non du cas particulier de la région d'Ile-de-France, monsieur Domeizel. Un tel pourcentage me surprend ; je serais curieuse de connaître vos sources.
Pour ma part, je me réfère aux informations diffusées par l'ANPE : le temps partiel subi concernerait environ quatre emplois sur dix. C'est déjà beaucoup, il est vrai, mais c'est tout de même moitié moins que ce que vous affirmez ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de cinquante-six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 170 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 53.
Mme Raymonde Le Texier. Dans un contexte de chômage qui s'est encore aggravé et qui atteint maintenant officiellement 10 % de la population active, c'est véritablement un non-sens que de vouloir augmenter encore le recours aux heures supplémentaires, à condition, bien entendu, que le but du Gouvernement soit réellement l'accroissement du nombre d'emplois ! Il est, en effet, permis d'en douter, au vu des mesures qui ont été prises depuis 2002, et qui connaissent leur apothéose avec ce texte.
Le contingent réglementaire est passé, en deux ans, de 130 heures à 220 heures ; l'étape de 180 heures, qui avait été fixée l'année dernière, permettait déjà aux employeurs de faire travailler les salariés 39 heures par semaine. Avec 220 heures, nous sommes arrivés à 40 heures, soit une durée hebdomadaire moyenne supérieure à celle de 1982. C'est cela, le progrès, pour la majorité gouvernementale ?
Ce choix comporte incontestablement une dimension idéologique, une dimension de revanche, non seulement sur la gauche - ce qui, après tout, ne serait pas très grave - mais aussi sur le mouvement historique d'amélioration du sort des salariés, ce qui est beaucoup plus ennuyeux.
La réduction du temps de travail est l'un des éléments fondamentaux de cette amélioration, tout comme un droit du travail qui considère les salariés comme des êtres humains et non comme un stock de main-d'oeuvre. Il est donc particulièrement choquant que vous ayez entrepris de détruire tout cela, au seul nom du profit, car c'est, en effet, le profit seul qui est au centre de ce texte.
En quoi la création de ce que ses auteurs appellent les « heures choisies » va-t-elle favoriser l'emploi ? En quoi ces « heures choisies » vont-elles être utiles au développement de notre économie ?
M. Jean-Marc Todeschini. En rien !
Mme Raymonde Le Texier. Nous touchons là à leurs motivations réelles.
L'augmentation anarchique des heures supplémentaires va à l'encontre des créations d'emplois. C'est une évidence qu'un collégien en classe de sixième peut parfaitement saisir.
C'est pourquoi on peut se demander comment s'articule cette proposition de loi avec les dispositions de la loi de programmation pour la cohésion sociale qui tendent à obliger les chômeurs à accepter n'importe quel emploi, même sous-payé, précaire et éloigné de leur domicile, sous peine de se voir supprimer leur allocation de chômage.
Comment peut-on prétendre obliger des chômeurs à travailler et, en même temps, prendre des mesures qui vont si clairement à l'encontre de l'emploi ?
Tout cela montre bien, s'il en était encore besoin, le caractère démagogique de la loi de programmation pour la cohésion sociale, la volonté de stigmatiser les chômeurs, mais sans que les mesures de soutien à l'emploi suivent.
Les heures supplémentaires choisies sont une machine à fabriquer des chômeurs et des travailleurs pauvres à temps partiel subi. Sur le plan macro-économique, elles ne seront donc pas d'une grande utilité pour soutenir la demande et la croissance, d'autant qu'elles pourront être rémunérées avec une majoration de 10 % et placées sur un compte épargne-temps.
Ce système risque d'alimenter les circuits financiers et d'aggraver les phénomènes spéculatifs bien plus que d'engendrer une croissance saine et qui profite à tous.
Par ailleurs, ces heures choisies sont-elles demandées par les entreprises ? Dans la plupart des branches, vous le savez bien, l'on s'arrête à une soixantaine d'heures supplémentaires par an. La situation économique ne conduit pas, en effet, à se rapprocher du contingent autorisé.
Faut-il donc voir dans ce texte une anticipation de reprise qui justifierait ce débordement ? Cela entre certainement pour une part dans les intentions des membres du MEDEF. En effet, les branches sont parvenues, après de longues négociations, à signer des accords de réduction du temps de travail, soit d'application directe, soit déclinés dans les entreprises. Les employeurs n'ont aucune envie de rouvrir ce dossier du temps de travail sur un plan général, publiquement et dans une vraie négociation avec les syndicats.
En revanche, il existe une voie beaucoup plus simple pour contourner l'obstacle : celle de l'allongement individuel de la durée du travail, à la prétendue demande du salarié, lequel n'a pas encore compris que ces heures supplémentaires ne lui seraient pas payées !
Non seulement la dernière loi de finances a permis de maintenir la trappe à bas salaires avec un seuil d'exonération de cotisations sociales patronales ramené à 1,6 SMIC, mais, de plus, on ouvre en grand la porte à ces heures choisies.
Pour percevoir une rémunération qui leur permette d'avoir un niveau de vie correct, les salariés n'auront donc d'autre choix que d'accepter ces conditions, surtout avec un taux de chômage de 10 %, mais cela ne gêne pas outre mesure le MEDEF : seule une petite moitié des chômeurs est indemnisée par I'UNEDIC, les autres étant confiés aux collectivités territoriales. De plus, cela maintient une pression utile sur les salaires et incline les salariés à la soumission.
Le mécanisme est parfaitement en place, d'une part, sur le plan juridique, avec la fin de la hiérarchie des normes, et, d'autre part, sur le plan pratique, avec la création de ces heures hors contingent sans intervention ni des partenaires sociaux, ni de l'inspection du travail. II est, d'ailleurs, extraordinaire que l'on prétende renforcer le rôle des inspecteurs du travail tout en leur supprimant une prérogative aussi importante pour la protection des salariés sur le temps de travail.
Ce texte est, en fait, le reflet de la volonté de pousser à son maximum l'exploitation des salariés qui sont déjà en poste.
Il traduit également une absence totale de motivation, pour ne pas dire plus, quant à la mise en place de moyens pour soutenir la création d'emplois stables et décemment payés dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 170.
M. Roland Muzeau. Chacun, ici, comprendra que nous ne puissions que demander la suppression de l'article 2 de la présente proposition de loi, en ce qu'il remet purement et simplement en cause la durée légale du travail et légalise la faible rémunération des heures supplémentaires.
En effet, il s'agit bien de démanteler le régime des 35 heures et, plus généralement, de remettre en cause la limitation du temps de travail à un seuil fixe.
Ainsi, avec ce nouveau dispositif, un salarié pourra travailler jusqu'à 48 heures par semaine ! Autant le dire clairement : mesdames, messieurs de la majorité gouvernementale, vous laissez les 35 heures sur le papier pour les enterrer dans les faits. Vous avez, d'ailleurs, pratiqué de la même manière avec la retraite à soixante ans.
J'y vois votre désir d'anticiper une directive européenne qui portera la durée maximale hebdomadaire à 61 heures ou à 48 heures sur douze mois. Vous vous pliez ainsi aux exigences de Bruxelles, qui, nous le savons tous, réduit trop souvent la part sociale à la portion congrue.
Avec l'article 2, nous sommes en présence de l'invention de l'une des formules choc qu'affectionne le Gouvernement : la notion de « temps choisi ». Pourtant, le terme « choisi » n'est pas approprié à la réalité, bien au contraire ! Il faudrait plutôt parler de « temps subi », ou encore de « temps imposé », car la marge d'autonomie des salariés sera inévitablement réduite à une peau de chagrin. Le volontariat dont vous habillez les modalités de mise en oeuvre de ce temps choisi sera, en fait, la seule volonté de l'employeur.
D'autres questions se posent également quant : quid des contreparties légales dont bénéficient les salariés ? Quid du repos compensateur obligatoire ? Quid, enfin, de la possibilité, pour l'inspection du travail, d'interdire à l'entreprise le recours aux heures supplémentaires au-delà du contingent de 220 heures - contingent déjà élevé, nous aurons l'occasion d'y revenir - pour favoriser l'embauche de nouveaux salariés ?
Il faut cesser de se voiler la face. Nous ne nous laisserons pas endormir par ces phrases et formules qui plaisent tant au Gouvernement.
Aujourd'hui, ce qu'il faut faire, ce n'est pas « remettre au travail » les Français, car ils ne sont pas les maux de vos carences, ni des fainéants, comme certains aiment à le laisser entendre. Je signale au passage le caractère assez lamentable de certaines appréciations portées sur eux au cours de l'examen de quelques projets de loi ; je pense aux lois Fillon, en particulier, et aux débats sur le RMI et le RMA. Ce qu'il faut, c'est adapter le travail à la dure réalité sociale que nous connaissons pour que tous ceux qui veulent travailler puissent avoir accès à un emploi digne, valorisé et valorisant.
J'ajouterai qu'il suffit de regarder d'où vient l'inspiration d'une telle mesure pour se rendre compte qu'il n'est pas question ici d'afficher un élan de générosité en faveur des salariés.
En effet, l'idée du « temps choisi » a germé, dans l'esprit des auteurs de ce texte, à la lecture de l'une des cent dix mesures préconisées par le rapport de M. Michel Camdessus d'octobre 2004. Or, ce n'est pas un mystère, le sursaut de la France prôné par l'ancien directeur du FMI s'appuie sur une large panoplie de mesures ultra-libérales.
Je rappellerai que M. Camdessus, dans son rapport, monte une véritable cabale contre le code du travail, tout en dénonçant le « déficit de travail » des Françaises et des Français. Pour appuyer sa position, il qualifie de « stratégie perdante » les 35 heures et s'interroge fortement sur les droits liés au CDI.
Cette stigmatisation croissante de nos concitoyens est insupportable et doit cesser !
Au final, les conséquences de cet article sont claires : le volume de travail augmentera considérablement sans pour autant s'accompagner d'une augmentation des salaires en proportion, ce qui aura pour conséquence de freiner le marché de l'emploi et la relance des embauches.
Vous conviendrez, mes chers collègues de la majorité, qu'à l'heure où le chômage vient de franchir, grâce à vous, la barre des 10 %, il nous est proposé là une disposition vraiment contreproductive.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et que je complèterai par d'autres dans un instant, je demande au Sénat d'adopter cet amendement de suppression de l'article 2.
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Après le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les quatre premières et de 50 % pour chacune des heures suivantes. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Alors que nous débattons ici de l'organisation du temps de travail, une expression revient régulièrement, celle de « temps choisi ».
Le « temps choisi » dont vous parlez, mesdames, messieurs de la majorité, est censé désigner la possibilité théorique des salariés de choisir de travailler au-delà de leurs horaires normaux. Nous avons déjà démontré qu'il s'agissait là d'un véritable mensonge, que les salariés n'étaient pas maîtres de leurs horaires et qu'ils allaient encore moins le devenir avec cette proposition de loi qui officialise le droit, pour l'employeur, d'imposer des heures supplémentaires sans les payer.
Ce n'est pas la première fois que nous nous heurtons à ce discours idéologique sur le « temps choisi » : nous l'avons entendu quasiment chaque fois que le thème de l'emploi à temps partiel a été abordé dans cet hémicycle ou dans d'autres enceintes.
Pourtant, la réalité sociale vient tristement contredire cette utopie du « temps choisi ». En effet, rares sont les cas où le temps partiel a fait l'objet d'un choix. En France, un emploi sur six est à temps partiel : cela concerne donc près de quatre millions de salariés, dont une immense majorité de femmes, soit 80 %. Ce chiffre, qui a doublé en vingt ans, concerne aussi plus de 46 % des jeunes qui arrivent sur le marché du travail ainsi qu'un nombre croissant de travailleurs de plus de cinquante ans pour qui le temps partiel constitue une forme de sortie du marché de l'emploi.
Bref, il s'agit des catégories sociales les plus soumises à la précarité, et le recours à l'emploi à temps partiel est, dans l'immense majorité des cas, imposé, comme je l'ai démontré.
Or, les différentes lois mises en place pour favoriser l'emploi à travers le temps partiel n'ont fait que contribuer à la précarisation des salariés et ont favorisé les entreprises, grâce à des exonérations de charges.
A l'heure où la majoration des heures supplémentaires est gravement remise en cause par différentes dispositions dont cette proposition de loi fait partie, nous demandons que les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel soient majorées de 25 % pour les quatre premières, puis de 50 % pour les suivantes.
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 212-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« I. - Chacune des quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 % ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de rappeler que les heures supplémentaires, aux termes de l'article L. 212-5 du code du travail, sont des heures effectuées par le salarié à la demande de l'entreprise au-delà de la durée hebdomadaire légale du travail, soit 35 heures.
Si les heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu'à la demande de l'entreprise, les tribunaux admettent de longue date que cette demande puisse être implicite. Par conséquent, si l'employeur ne s'oppose pas à l'attitude d'un salarié qui « n'hésite pas à prolonger son travail au-delà de la durée normale », il cautionne les heures supplémentaires effectuées.
En somme, ce qui nous est présenté comme étant une innovation, une nouvelle trouvaille, à savoir « travailler plus pour gagner plus », n'est ni plus ni moins qu'une lapalissade, puisque rien n'a jamais interdit à un salarié qui veut effectuer des heures supplémentaires d'en réaliser.
La réalité, c'est qu'au nom de ce mot d'ordre vous organisez un régime dans lequel tout est fait pour que les heures supplémentaires soient moins payées, voire non payées.
C'était déjà l'objet de la loi Fillon, qui a abaissé le seuil légal de majoration des heures supplémentaires à 10 %, et c'est l'objet de cette proposition de loi, qui tend à proroger le régime dérogatoire pour les PME et à autoriser le placement sur un compte épargne-temps des heures supplémentaires sur demande unilatérale de l'employeur.
Par ailleurs, le dispositif mis en place vise également à étendre le droit conventionnel - c'est ce point que nous contestons - dans un domaine, en l'occurrence les heures supplémentaires, où les garanties collectives revêtent un caractère d'ordre public social.
Sous le prétexte de renvoyer à des accords conventionnels discutés au niveau des branches, ou même au niveau des entreprises, voire des établissements, vous faites tout imploser. Or, dans la mesure où ils doivent être les mêmes pour tous les salariés, ces « avantages minimaux » - je dis bien « minimaux » - que représente la majoration des heures supplémentaire ne sauraient être fixés par des dispositions conventionnelles.
D'autant que les acteurs du dialogue social ne sont pas aujourd'hui en mesure, compte tenu de la faible démocratisation du droit et des règles de la négociation collective, de conclure des accords collectifs de qualité ; j'entends par là des accords équilibrés, traduisant bien la volonté des salariés.
C'est pourquoi, par cet amendement, nous demandons que soit fixé par la voie législative le régime de rémunération des heures supplémentaires à un taux de 25 % pour les quatre premières heures et de 50 % pour les heures suivantes.
M. le président. L'amendement n° 171, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les mots : « fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou, à défaut, du contingent fixé par décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 » sont remplacés par les mots : « fixé à 130 heures ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Voilà deux ans, vous avez mis fin à l'existence juridique du contingent annuel d'heures : d'une part, en supprimant le contingent réglementaire fixé à 130 heures par an et par salarié ouvrant droit à repos compensateur pour le faire passer à 180 heures ; d'autre part, en supprimant le contingent conventionnel fixant le seuil à partir duquel une autorisation de l'inspection du travail est obligatoire.
Comme si cela n'était pas suffisant, aujourd'hui, vous revenez à la charge en augmentant de 40 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires pour le faire passer à 220 heures.
Concrètement, cela se traduit par un rétrécissement du champ du repos compensateur, dont l'objet est de limiter les excès en matière d'heures supplémentaires et, par ricochet, d'être un facteur de création d'emplois, mais également de compenser la pénibilité du travail.
A plus long terme, je suis persuadé que ces mesures régressives auront des incidences négatives sur la santé des salariés, sur leur vie personnelle et familiale. Dois-je vous rappeler que de nombreuses études démontrent que l'intensification du travail est cause d'une recrudescence des maladies professionnelles ? En augmentant le nombre d'heures supplémentaires que peut effectuer un même salarié, vous accroissez le risque qu'il subisse une maladie ou un accident professionnel.
A force de détruire les règles de l'organisation du temps de travail, celles-ci vont bientôt être calquées sur une directive européenne adoptée en 1993 qui exige que la durée maximale du temps de travail hebdomadaire soit de 48 heures, que les congés annuels payés soient de quatre semaines par an, que le travail de nuit se limite à 8 heures consécutives et que des périodes minimales obligatoires de repos soient aménagées : 11 heures consécutives chaque jour et 24 heures consécutives chaque semaine. Il s'agit là d'un dispositif légal ultra-minimal, dépassé en France depuis 1936...
Si l'on ajoute à cela le fait que cette proposition de loi met en place un système qui permettra aux employeurs de contourner le paiement des heures supplémentaires, force est de constater qu'on se trouve face à un phénomène de régression sociale rarement égalé.
Nous proposons donc, par cet amendement, que le contingent de 130 heures reste la référence pour le déclenchement du repos compensateur et que le seuil déterminant le taux du repos compensatoire ne soit pas modifié.
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les mots : « au-delà de quarante et une heure » sont remplacés par les mots : « au-delà de la trente-neuvième heure »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Aurait-on pu imaginer que la réduction du temps de travail crée une telle polémique et fasse couler autant d'encre ? Depuis la première loi Aubry, vous n'avez cessé de dénoncer les 35 heures, tant et si bien qu'on assiste depuis cinq ans à une véritable agression permanente contre le droit du travail, où tous les arguments, surtout les plus affligeants, sont employés.
Vous avez attribué à la diminution du temps de travail tous les maux de la terre et l'avez désignée comme la cause de tous les problèmes économiques et sociaux que nous connaissons, tour à tour machine infernale créatrice de chômage et responsable de l'enfoncement du pays dans la « paresse et le déclin ». Vous avez alors prétendu vouloir remettre « la France au travail ». Quel mépris pour l'ensemble des précaires, chômeurs, sans emploi de notre pays, c'est-à-dire pour quatre millions de nos concitoyens !
C'est aussi une marque de mépris total pour l'ensemble des salariés. Chaque trimestre, le ministère du travail produit une statistique élaborée à partir des déclarations des employeurs. Selon elle, pour l'année 2004, la durée moyenne hebdomadaire de travail des salariés s'établirait à 35,6 heures. Mais cet indicateur laisse de côté les travailleurs indépendants, les agriculteurs et les salariés des petites entreprises. Il ne comptabilise qu'une partie des heures supplémentaires et prend encore moins en compte ces heures «d'appoint » faites par les cadres, et souvent même par les non- cadres, pour terminer un dossier ou satisfaire une commande.
En revanche, si l'on se fie aux chiffres produits par la DARES et l'INSEE, qui, chaque année, demandent à quelque 150 000 actifs d'indiquer leur durée hebdomadaire de travail, on s'aperçoit qu'ils sont bien différents. En effet, la durée moyenne du temps de travail hebdomadaire atteindrait les 41 heures !
Bien que l'on observe une baisse sensible de la durée du travail, on est donc loin du compte, particulièrement dans les professions les plus pénibles ou à durée de travail élevée, qui sont celles où cette baisse est la plus faible.
En somme, on est bien loin de la durée hebdomadaire de 35 heures que vous dénoncez avec tant de véhémence. Il a fallu, et cela a été dit, attendre les années soixante-dix pour que la semaine de 40 heures instaurée en 1936 devienne la durée hebdomadaire moyenne de travail des Français. Faudra-t-il attendre 2030 avant que les salariés travaillent moins de 40 heures ? La proposition de loi que nous examinons nous le laisse penser. Pis, elle donne l'impression que même la semaine de 40 heures est révolue.
C'est pour de tels motifs que nous déposons cet amendement afin que le repos compensateur se déclenche automatiquement dès la trente-neuvième heure, et non pas à partir de la quarante et unième. Car notre objectif, soyez-en assurés, est de diminuer la durée du temps de travail sans baisse de salaire, et non l'inverse, comme vous ambitionnez de le faire.
M. le président. L'amendement n° 176, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Dans le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les mots : « conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 » sont remplacés par les mots : « fixé à 130 heures ».
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. A force de dénoncer le coût insupportable des 35 heures pour l'économie française, le Gouvernement a déclenché un mouvement qui semble le dépasser. Fin juin, les salariés de Bosch à Vénissieux ont accepté de travailler 36 heures au lieu de 35, sans compensation salariale, pour éviter une délocalisation en République tchèque. Déjà le groupe Doux avait dénoncé l'accord sur les 35 heures et amputé de 23 jours la RTT alors que SEB allonge également la semaine de travail et que d'autres entreprises déclarent envisager de le faire.
La proposition de loi que nous examinons poursuit pourtant dans cette direction, puisqu'elle autorise le recours massif aux heures supplémentaires sans augmentation de salaire. Or, accroître le temps de travail à salaire constant ne permettra pas de relancer la croissance et l'emploi.
En réalité, pour ceux qui poussent à aller dans ce sens, la manoeuvre est claire : l'augmentation du temps de travail constitue avant tout un moyen de diminuer le coût du travail. Et cela d'une façon, en apparence, beaucoup plus indolore que si l'on procédait à une réduction du salaire à temps de travail constant. Chez Bosch, chaque salarié a vu son contrat de travail modifié et son salaire horaire diminué, cette diminution étant compensée par la réalisation obligatoire d'une heure supplémentaire. Le Gouvernement avait lui-même ouvert cette voie avec la suppression d'un jour férié censée financer le plan dépendance.
« Il faut plus de liberté pour les travailleurs et notamment pour ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus ». Avec ce slogan, vous faites appel à l'égoïsme de ceux qui ont déjà un emploi contre le parti pris de solidarité entre chômeurs et salariés qu'impliquaient les 35 heures.
Le choix de flatter l'égoïsme individualiste peut paraître surprenant quand on prétend réduire « la fracture sociale ». Mais ce n'est pas là le seul problème que pose ce discours : en fait, la « liberté de travailler plus » est très largement un leurre. Travailler un peu, beaucoup ou pas du tout est très rarement un véritable choix des salariés. Ce sont les chefs d'entreprise qui décident d'avoir ou non recours aux heures supplémentaires et ils ont le pouvoir de les imposer aux salariés.
Pour l'instant, ils n'ont guère besoin de plus de libertés en ce domaine : le contingent de 180 heures dont ils disposent depuis fin 2002 et l'annualisation des horaires de travail négociée dans le cadre des 35 heures ont déjà donné beaucoup de flexibilité. Pourquoi alors augmenter ce contingent à 220 heures, si ce n'est pour accroître cette souplesse dont disposent les employeurs mais dont pâtissent les salariés ?
Pour ces raisons, nous demandons que soit rétabli le contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures et que celui-ci soit inscrit expressément dans le code du travail, plutôt que de renvoyer à un décret ou une convention salariale dont on sait qu'elle peut désormais être bien plus défavorable aux salariés que la loi elle-même.
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le groupe communiste a déposé cet amendement de suppression du I de cet article parce qu'il ne peut accepter les dispositions qui y figurent. Elles sont la négation de la notion de durée légale du travail et de celle de contingent d'heures supplémentaires.
Elles permettent, en effet, aux salariés qui ont pu négocier des conventions de forfait, qu'elles soient en heures ou annuelles - ou qui ont pu obtenir en contrepartie de la négociation sur les 35 heures que la réduction du temps de travail intervienne sous forme de jours ou de demi-journées de repos - de racheter ces jours ou ces garanties, dans des conditions qui leur sont totalement défavorables. La durée légale du travail ne leur sera donc plus de facto opposable.
Ces dispositions prévoient également que « les salariés qui le souhaitent » - nous avons déjà dit à quel point parler de liberté était là une véritable supercherie - « peuvent, en accord avec leur employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires ». La vérité, c'est que seul l'employeur décidera des heures supplémentaires qu'il impose à ses salariés ! Cela est d'autant plus vrai que la loi Fillon a inversé la hiérarchie des normes en matière de négociations et que désormais un accord d'entreprise ou d'établissement pourra prévaloir sur les accords de branche.
En fait, cette proposition de loi vise, tout en affirmant qu'on maintient la durée légale du travail à 35 heures, à jouer sur les contingents d'heures supplémentaires, relevés successivement à 180 heures puis à 220 heures, sur leur taux de rémunération, qui passe à 10 % au lieu de 25 %, sur la définition du travail effectif, qui exclut désormais les astreintes, le tout pour satisfaire la grande revendication du MEDEF : encore et toujours plus d'heures supplémentaires payées le moins possible !
On ne respecte donc plus le principe d'un contingent maximal d'heures supplémentaires. Si on suit à la lettre ces dispositions, la limite de la durée du temps de travail journalier pourra être fixée à 48 heures, comme le prévoit la directive européenne que nous avons évoquée voilà quelques instants. Cette proposition de loi ne fait ni plus ni moins que revenir à la situation d'avant 1936.
Ces dispositions sont dangereuses et méconnaissent les principes de notre droit du travail. Elles sont mal conçues et n'ont d'autre but que de remettre en question la durée légale du travail. Nous connaissons pourtant tous la situation, monsieur le ministre : surendettement, 3,5 millions de pauvres, nombre de RMIstes en augmentation de 10,5 %, des millions de gens au chômage - 4 millions selon M. Borloo -, de plus en plus d'emplois précaires, notamment chez les jeunes.
Prenez donc la seule décision qui serait utile : provoquez, entre les entreprises et les organisations syndicales, une négociation interprofessionnelle sur les salaires, « un Grenelle des salaires », disent certains. La médiatisation récente des bénéfices engrangés par les grandes entreprises françaises pour 2004 montre qu'il existe d'autres moyens d'augmenter les salaires que de faire travailler plus les gens.
Au lieu de cela, vous augmentez le contingent d'heures supplémentaires alors que celles-ci sont sous-utilisées dans la majeure partie des branches : la moyenne des heures supplémentaires effectuées par les salariés se situe - nous l'avons déjà dit et nous continuerons à le répéter - entre 60 et 80 heures... En réalité, vous organisez pour le patronat une marge de manoeuvre qui, en cas de relance de la croissance, permettra de faire travailler plus au lieu d'embaucher. En somme, vous organisez le chômage de masse.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 178 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Claude Domeizel. Notre amendement vise à supprimer le premier alinéa de cet article, qui nous paraît reposer sur une méconnaissance totale de la réalité du monde du travail et aussi, ce qui n'est pas rien, du droit du travail. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) En effet, vous indiquez dans cet alinéa que « le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement ».
Ainsi donc, monsieur le ministre, le salarié est bien un citoyen au sein de l'entreprise. C'est, pour nous socialistes, un motif de profonde satisfaction de vous voir aujourd'hui, par votre pétition de principe sur le choix du salarié, aller au-delà des lois Auroux que vos amis avaient tant vilipendées dans les années quatre-vingt. Il y était question du dialogue social, de l'information et de la consultation des salariés, voire, par grand vent, de leur participation à la mise en oeuvre de meilleures conditions de travail grâce à la négociation annuelle.
Monsieur le ministre, vous allez bien au-delà ; nous tenons à vous en faire prendre conscience. Vous inversez les rôles en permettant au salarié de décider des heures qu'il effectuera. II lui suffira d'obtenir l'accord de son employeur, ce qui sera sans doute une simple formalité ! Mais pourquoi n'a-t-on pas écrit qu'il décidera aussi de la rémunération des heures choisies ? Cela aurait rendu votre texte encore plus révolutionnaire !
L'introduction de la notion de libre arbitre du salarié en droit du travail est une innovation qu'il convient de saluer et qui ne manquera pas de susciter les commentaires des spécialistes de la matière !
Sommes-nous encore dans le cadre d'une entreprise impliquée dans l'économie de marché, hiérarchisée, ou allons-nous carrément vers la cogestion, et même l'autogestion ?
Monsieur le ministre, nous voilà véritablement débordés sur notre gauche ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Rassurez-vous !
M. Claude Domeizel. A moins que tout cela ne relève d'une formidable hypocrisie ?
M. Robert Bret. C'est plutôt cela !
M. Claude Domeizel. Qui peut sérieusement croire que le salarié décidera des heures « sur-supplémentaires » qu'il effectuera ? Comment aura-t-il connaissance du carnet de commandes de l'entreprise ? A fortiori, comment en aura-t-il la maîtrise ?
Comment peut-on feindre d'ignorer, nous vous l'avons d'ailleurs déjà dit, que c'est l'employeur qui décide des heures supplémentaires et que le refus par un salarié de les effectuer est une faute qui peut le conduire au licenciement ? Et qu'adviendra-t-il si un employeur - c'est une hypothèse ! - refuse les heures choisies souhaitées par le salarié ? Comment ce souhait sera-t-il d'ailleurs formalisé ? Et comment se manifestera le refus de l'employeur ?
Mme Raymonde Le Texier. Dehors !
M. Claude Domeizel. Vous avez vous-même déclaré à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que les heures choisies étaient bien des heures supplémentaires. Elles relèvent donc de cette législation et de cette jurisprudence de la Cour de cassation.
On veut faire croire aux salariés qu'ils disposeraient d'une nouvelle liberté pour augmenter leur salaire. C'est, et je mesure mes propos, une double escroquerie,...
M. Roland Muzeau. Au minimum !
M. Claude Domeizel. ...tant sur le plan juridique que sur le plan financier.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 178.
Mme Hélène Luc. Le contingent annuel d'heures supplémentaires vient d'augmenter. Alors qu'il était de 130 heures, le Gouvernement a, dès son arrivée aux affaires, décidé de le faire passer à 180 heures.
Mais cela n'a pas suffi. Le Gouvernement a donc décidé de l'augmenter de nouveau : depuis le mois de décembre dernier, il est de 220 heures.
Apparemment, cela ne suffit toujours pas ! Le MEDEF continue d'exiger toujours plus souplesse en termes de gestion des effectifs, dans un sens évidemment défavorable aux salariés, puisque ceux-ci voient leur durée hebdomadaire de travail être tout simplement remise en cause.
Vous avez donc trouvé une solution qui permet de passer outre la notion de contingent d'heures supplémentaires et les différentes restrictions qui y sont attachées : les heures choisies.
Grâce à ce nouveau concept, les salariés, qui, dans leur majorité, je vous le rappelle, sont attachés aux 35 heures et ne souhaitent pas que celles-ci soient remises en cause, seront amenés à travailler encore davantage. Madame Lamure, vous en avez involontairement fait la preuve tout à l'heure.
Il faudra travailler plus pour ne pas gagner plus. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Oui, c'est la réalité !
Vous ne modifiez pas la durée légale du travail, mais vous augmentez le contingent d'heures supplémentaires. Or, vous n'êtes pas sans savoir qu'un salarié ne peut refuser de les effectuer : après 220 heures supplémentaires, les 35 heures ne seront plus, pour lui, qu'un vague souvenir !
Tout à l'heure, ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a évoqué le cas des employés des grands magasins. Je peux vous parler des employés de La Poste, qui sont informés la veille qu'ils travailleront le lendemain, à quatre heures ou cinq heures du matin. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Oui, c'est ainsi que cela se passe ! Si vous le souhaitez, je vous donnerai des exemples très précis. Renseignez-vous dans vos communes ! Moi, je l'ai fait.
Aujourd'hui, toutes les limites sont dépassées, puisque un salarié pourra encore travailler après avoir épuisé ce contingent d'heures.
Alors, vous arguez du fait que ces heures seront choisies par des salariés désireux de travailler plus. Mais la majorité des salariés - 56 % d'entre eux, selon un sondage en date du 9 février dernier - ne souhaitent pas voir augmenter la durée légale du travail.
Les gains en termes de qualité de vie sont bien plus importants qu'une hausse des salaires uniquement due - je dis bien « uniquement due » - à une augmentation de la durée du travail. Il est bien évident que la hausse des salaires figure parmi les premières revendications des salariés ; les salaires doivent être revalorisés, mais pas au détriment de la réduction du temps de travail.
Ces heures choisies sont également le moyen pour les employeurs de détourner les contrôles afférents à la durée légale du travail et aux heures supplémentaires. En effet, dans de nombreuses situations, l'employeur doit demander à l'inspecteur du travail son autorisation avant d'agir. C'est le cas, par exemple, lorsqu'il souhaite faire travailler les salariés au-delà du contingent libre d'heures supplémentaires.
Mais en déconnectant ces heures choisies des heures supplémentaires, vous épargnez aux employeurs d'avoir à demander toute autorisation et, surtout, vous leur évitez tout contrôle de l'inspection du travail sur l'augmentation de la durée du temps de travail pour les salariés. C'est d'ailleurs bien précisé dans le rapport : « Le recours aux heures choisies n'est soumis ni à l'autorisation de l'inspection du travail, ni à l'avis des représentants du personnel.»
L'employeur aura donc les mains libres et pourra exercer une pression sur ses salariés afin qu'ils effectuent des heures supplémentaires au-delà du contingent. Ceux-ci seront dans l'incapacité pure et simple de refuser de les effectuer.
Monsieur le ministre, vous le savez, c'est ce que les salariés diront en défilant le 10 mars prochain dans les rues : ils veulent des augmentations de salaire, et non plus de flexibilité. Ils souhaitent travailler et pouvoir vivre normalement, dignement. Ils veulent vivre avec leur famille et ne pas travailler la nuit.
Telles sont les remarques que je souhaitais faire, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur cette proposition de réforme du temps de travail, que le Gouvernement n'a pas osé présenter au Parlement et dont l'initiative revient aux députés, mais qu'il a avalisée et admise, qu'il appuie de toutes ses forces, comme le ferait d'ailleurs le MEDEF.
Un tel abus, une telle outrance dans la négation des droits des salariés ne peuvent être que fermement combattus. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, après le mot :
branche
insérer le mot :
étendu
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je ferai quelques remarques sur nos méthodes de travail.
M. Roland Muzeau. Vous avez raison !
M. Claude Domeizel. Nous avons renvoyé à la fin de notre discussion des amendements qui auraient dus être examinés avant ou après les article 1er, 2 et 3.
Je me trouve donc dans une situation un peu surréaliste.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Claude Domeizel. Je suis en effet contraint de présenter un amendement tendant à modifier une partie d'un article dont je viens de demander la suppression dans un autre amendement !
Imaginez - après tout, pourquoi pas ? -, que j'aie été assez convaincant tout à l'heure et que mon amendement de suppression soit adopté.
M. Alain Gournac. Aucune chance !
M. Claude Domeizel. J'aurais donc parlé pour rien !
M. Henri de Raincourt. C'est ce que vous faites déjà !
M. Louis Souvet, rapporteur. Continuez de parler pour rien, monsieur Domeizel ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Nos méthodes de travail sont totalement illogiques !
M. le président. Monsieur Domeizel, je suis chargé d'appliquer le règlement et la situation que vous relevez est extrêmement fréquente dans nos débats.
Veuillez poursuive, mon cher collègue.
M. Claude Domeizel. Ce n'est pas parce qu'elle est fréquente qu'elle est logique !
Même si je le fais pour rien, je vais vous présenter l'amendement n° 55.
M. Alain Gournac. Cela ne va pas changer grand-chose !
M. Claude Domeizel. Il s'agit d'un amendement de cohérence, qui tend à insérer dans le premier alinéa du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'article L. 212-6-1 du code du travail le mot « étendu » après le mot « branche », pour qualifier l'accord de branche autorisant la réalisation des heures choisies.
Je rappelle que ces heures choisies peuvent aller bien au-delà du contingent réglementaire des 220 heures, lequel n'a qu'un caractère subsidiaire par rapport au contingent conventionnel, qui peut lui-même aller au-delà des 220 heures. Tout le monde aura suivi ! (Sourires.)
Ces allongements successifs des heures que pourront effectuer les salariés sont inquiétants, notamment d'un point de vue sanitaire. Il est donc important que l'Etat, qui se désengage déjà puisque l'autorisation de l'inspecteur du travail ne sera plus nécessaire s'agissant des heures choisies, conserve au moins la capacité de s'assurer de la conformité des accords de branche avec les dispositions sanitaires d'ordre public.
Mais, à l'issue de tout cela, restera-t-il un ordre public social ? Et surtout, à quoi bon étendre les accords de branche alors que l'objectif du MEDEF est d'utiliser les textes qu'il vous concocte comme autant de bombes à fragmentation contre le droit du travail ?
J'espère vous avoir convaincus, mes chers collègues, ...
M. Louis Souvet, rapporteur. Surtout avec des bombes à fragmentation !
M. Claude Domeizel. ... et, dans l'hypothèse où l'amendement n° 53 tendant à supprimer l'article 2 serait rejeté, je vous demande de voter cet amendement n° 55.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 179 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, supprimer les mots :
, de groupe, d'entreprise ou d'établissement
La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Claude Domeizel. La multiplication des possibilités d'application différente du droit du travail selon les entreprises, et même les établissements, semble désormais être une doctrine de ce gouvernement et de cette majorité.
Nous sommes entrés dans l'ère de la législation aléatoire sur une durée du travail variable, différemment rémunérée grâce au compte épargne-temps. Cela crée une insécurité juridique totale et c'est surtout porteur de graves inégalités entre les salariés, selon l'établissement dans lequel ils sont employés et, parfois même, au sein d'une même entreprise.
Imaginons une entreprise comme France Télécom - je prends, bien entendu, cet exemple sans aucune malice -, qui aurait déjà supprimé 20 000 emplois, qui aurait cessé d'embaucher des salariés sous statut de droit public et qui aurait au contraire entrepris de filialiser et de sous-traiter un maximum de ses activités à des entreprises elles-mêmes divisées en de nombreux établissements locaux fonctionnant en doublon avec les établissements de l'entreprise donneuse d'ordres. Et je ne parle même pas des contrats à durée déterminée ni des entreprises d'intérim qui interviennent dans le même champ !
Imaginez-vous, monsieur le ministre, l'extraordinaire complexité devant laquelle se trouvera le juge prud'homal pour déterminer, dans un premier temps, le statut du salarié qui aura voulu effectuer des heures choisies et auquel son employeur aura refusé son accord ?
Quel accord va donc s'appliquer à cette situation et que va-t-il dire sur l'hypothèse du refus patronal ? Nous sommes dans un flou absolu et délibéré de votre part.
Ce sont là des conditions qu'un législateur responsable ne peut accepter et je tiens à dire, connaissant la qualité de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, que nous nous étonnons de son manque de curiosité sur ce texte et que nous le regrettons : peut-être est-ce, là aussi, le signe d'une forme de perplexité... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 179.
Mme Hélène Luc. Nous avons déposé cet amendement de repli afin que les dispositions sur les heures choisies ne pénalisent pas diversement les salariés selon qu'ils sont soumis à un accord d'établissement, d'entreprise, de groupe ou de branche.
En effet, plus les négociations se situeront à un niveau restreint, celui de l'établissement ou de l'entreprise par exemple, et plus les situations des salariés diffèreront. Or, il est indispensable, lorsqu'il s'agit d'un régime aussi dérogatoire que celui des heures choisies, que son organisation soit confiée à la négociation de branche.
Les heures choisies, dans les conditions prévues par ce texte, représentent une véritable régression sociale pour les salariés et, plus encore, je ne le dirai jamais assez, pour les femmes.
Les résultats des sondages prouvent que les salariés avaient organisé leur temps de travail en fonction des 35 heures et que les entreprises y avaient trouvé leur compte, comme certaines ont l'honnêteté de l'admettre. En effet, ayant eu la curiosité de lire le compte rendu de quelques auditions auxquelles s'est livrée la commission des affaires sociales, j'ai constaté que M. Perrin, dans l'une de ses réponses à M. Fischer, avait confirmé que tel était le cas pour un grand nombre d'entre elles. Néanmoins, comme le MEDEF juge la loi en vigueur insuffisante, il faut aller plus loin !
Il convient cependant de ne pas aggraver encore la situation en permettant une multiplication des négociations d'établissement ou d'entreprise. Seule la négociation de branche constitue pour les salariés une garantie d'équité. Elle nous semble d'autant plus indispensable que rien dans ce texte n'est prévu afin de renforcer la responsabilité de l'employeur. En effet, les salariés, après avoir épuisé les 220 heures de leur contingent d'heures supplémentaires, pourront en effectuer plus. Mais quid de la responsabilité de l'employeur en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés ?
Ces dispositions sur le temps choisi relèvent tout simplement de la démagogie. Je vous donne à parier que, le 7 mars, date de leurs états généraux organisés par le président du Sénat, toutes les femmes maires nous parleront des problèmes que posent le temps choisi, le travail des femmes et le stress. Mais, ce stress d'où vient-il, si ce n'est de l'augmentation de la productivité, de la dureté des conditions de travail, de la durée des transports, des soucis que causent les enfants et des problèmes de l'école ?
En conclusion, il n'y aura pas de choix pour les salariés, surtout dans les petites entreprises où n'existent ni délégués du personnel ni représentants syndicaux. C'est là une certitude ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, après les mots :
d'établissement
insérer les mots :
signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés, respectivement dans la branche, le groupe, l'entreprise ou l'établissement concerné aux élections de représentativité organisées dans la branche dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Sur le plan juridique, il s'agit d'un amendement de cohérence. Il prévoit que l'accord collectif destiné à mettre en place la possibilité des heures choisies soit obligatoirement un accord majoritaire.
Il est en effet indispensable, compte tenu du caractère exceptionnel de ces heures au regard de ce qui reste la durée légale du travail, c'est-à-dire 35 heures hebdomadaires ou 1600 heures annuelles, qu'elles ne puissent être mises en oeuvre que sur la base d'un accord majoritaire.
La question est d'autant plus sérieuse que les accords peuvent n'être, comme nous l'avons vu, que d'établissement, et signés par un salarié mandaté.
Ces éléments nous permettent de bien comprendre pourquoi vos exigences sur le plan des conditions de validité de l'accord sont aussi réduites. Il risque, en effet, de ne pas être facile de trouver des organisations syndicales majoritaires en voix qui signeront des accords aussi dérogatoires à ce que l'on appelle « l'ordre public social ».
Là encore, vous nous permettrez de mettre en relief une contradiction supplémentaire entre, d'une part, l'affichage de vos intentions et votre politique et, d'autre part, la réalité.
Des négociations que vous avez appelées de vos voeux, vont s'engager sur la pénibilité du travail. Elles seront interprofessionnelles et réuniront donc les confédérations syndicales et patronales. Au demeurant, elles ne débuteront pas sous les meilleurs auspices, puisque les critères de pénibilité retenus ne sont pas les mêmes et que les objectifs des partenaires sociaux sont assez divergents.
Faut il diminuer la pénibilité ou faut-il la reconnaître et l'indemniser d'une manière ou d'une autre, en abaissant, par exemple, l'âge de départ en retraite pour un certain nombre de métiers ? Faut-il reconnaître seulement la pénibilité physique ou aussi la pénibilité mentale ou le stress ? On conçoit que, sur ce tout dernier point, les représentants du patronat soient particulièrement réticents, puisque ce sont eux-mêmes qui augmentent la pression qui pèse sur les salariés.
On note aussi que diminuer ou indemniser la pénibilité sont deux hypothèses qui risquent d'entraîner quelques frais pour les entreprises, ce qui nuirait à leur compétitivité, bien entendu, selon les patrons, et explique leur manque d'enthousiasme.
Si j'évoque l'ouverture de ces négociations, c'est parce que nous ne pouvons nous empêcher de les rapprocher du contenu de ce texte. Nous espérons vivement qu'il ne va pas résoudre, sans bruit et sans négociation, les deux aspects de la question.
Nous voyons poindre, en effet, un accroissement de la pénibilité par une augmentation importante de la durée du travail, au mépris de la santé des salariés, et une absence de majoration doublée d'un placement de la rémunération sur un compte à long terme, le tout étant bien évidemment exonéré de charges fiscales et sociales.
Tout cela n'empêchera certainement pas les représentants du patronat, si une telle négociation aboutit, de demander à bénéficier d'aides publiques, dans une démarche éminemment sociale de diminution de la pénibilité. Ils gagneraient ainsi sur les deux tableaux.
Nous saisissons donc l'opportunité qui nous est donnée avec ce texte pour indiquer que nous ferons preuve de la plus grande vigilance sur cette question de la pénibilité, dont l'augmentation excessive et non majorée de la durée du travail est l'un des éléments les plus importants.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, après les mots :
effectuer des heures
insérer le mot :
supplémentaires
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Il s'agit d'un amendement de précision pour rappeler que les heures choisies ne sont que des heures supplémentaires hors contingent, effectuées sans intervention ponctuelle des représentants du personnel ni de l'inspection du travail, malgré leur caractère particulièrement dérogatoire par rapport à la durée légale du travail. Elles restent donc, quoi qu'en prétende le Gouvernement, soumises à la législation et à la jurisprudence relatives aux heures supplémentaires.
A partir du moment où un salarié se sera engagé à effectuer ces heures, il lui deviendra difficile de rompre cet accord formel. Il aura lui-même contracté, sans même s'en être aperçu, une nouvelle obligation à l'égard de son employeur sur l'exécution de nouvelles heures supplémentaires. Dès lors, son refus d'exécution d'heures supplémentaires sera une faute.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif de travail précise les conditions dans lesquelles les heures choisies sont proposées en priorité aux salariés à temps partiel qui souhaitent effectuer un nombre d'heures supérieur à celui mentionné dans leur contrat de travail ainsi que les conditions dans lesquelles l'existence de ces heures est portée à la connaissance des salariés à temps partiel par l'employeur.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à ce que les heures choisies soient proposées en priorité aux salariés à temps partiel. Comme vous le savez, ces salariés, qui sont le plus souvent des salariées, sont contraints d'accepter des horaires fragmentés et des durées du travail qui, compte tenu de l'insuffisance très nette des salaires horaires, ne leur permettent pas d'assurer à leur famille un niveau de vie décent.
Nous sommes ici devant le phénomène des travailleurs pauvres, d'autant plus pauvres que vous avez drastiquement diminué, dans le secteur non marchand, les contrats aidés qui permettaient à nombre de ces femmes et de ces hommes de s'en sortir, et constituaient un vrai levier pour la consommation.
Les lois idéologiques de 2003 et 2004 sont passées par là, même si aujourd'hui le ministre des affaires sociales est obligé de recourir en catastrophe aux contrats emploi-solidarité pour parer au plus pressé.
S'agissant de cette proposition de loi, je rappelle que les salariés à temps partiel ne peuvent effectuer qu'un tiers de leur temps de travail hebdomadaire en heures complémentaires non majorées et sans que cela ait pour effet de porter le temps de travail au niveau de l'horaire collectif de l'entreprise.
C'est là une vision profondément malthusienne, qui maintient ces personnes dans leur situation de travailleur pauvre, sans aucune justification sérieuse. A moins, encore une fois, que certains employeurs ne trouvent leur compte à utiliser ce prolétariat qui réalise déjà des heures supplémentaires non majorées.
L'introduction d'heures choisies, peut-être enfin assorties pour ces salariés d'une majoration d'au moins 10 %, voire de 25 %, serait sans doute la bienvenue. On peut concevoir que cette catégorie de salariés serait à bon droit favorable à un tel dispositif, à condition, bien entendu, que l'employeur ne décide pas de rendre la majoration de salaire virtuelle en la plaçant sur un compte épargne-temps.
Nous n'avons certes pas beaucoup d'espoir que cet amendement soit adopté. Mais il importe surtout pour nous de rappeler à cette occasion que votre texte est fait non pas pour que les salariés qui ne réalisent pas d'heures supplémentaires et le regrettent puissent en réaliser, mais pour que ceux qui en font déjà soient contraints d'en effectuer encore plus.
Le slogan « travailler plus pour gagner plus » est manifestement d'application sélective.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer des heures choisies ne constitue pas une faute ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement l'amendement n° 61 dans la mesure où il obéit à la même volonté de préciser clairement que le refus du salarié d'effectuer des heures choisies ne constitue pas une faute et ne peut aboutir à un licenciement. La proposition de loi étant étrangement muette sur ce point, je reviens donc sur cette question.
Le salarié est supposé prendre l'initiative de réaliser des heures supplémentaires au-delà du contingent. Si l'on admet cette hypothèse, il ne peut donc y être contraint. Mais comment s'assure-t-on qu'il n'y est pas contraint ? C'est là une première question. Il serait pour le moins souhaitable, comme nous l'avons indiqué à l'article 1er, que la volonté du salarié soit manifestée de manière incontestable, par exemple par écrit.
Mais d'autres questions se posent ensuite. Pour quelle durée le salarié souhaite-t-il effectuer des heures supplémentaires ? Peut-il changer d'avis, et selon quelles formalités ? Comment s'assure-t-on alors de l'expression de cette volonté et de son respect ?
Les heures choisies sont des heures supplémentaires dissimulées derrière un faux nez. Elles n'en demeurent pas moins des heures supplémentaires, et le refus de les exécuter après un engagement à le faire pourrait exposer les salariés à des sanctions. Le leur cacher en leur promettant simplement de « travailler plus pour gagner plus » relève de la dissimulation.
Nous avons, par ailleurs, peine à croire que les services du ministère du travail ne seront ni informés ni consultés, même officieusement, sur la rédaction des accords types qui mettront en place ces heures choisies.
La réponse, que vous avez formulée antérieurement, monsieur le ministre, selon laquelle « l'accord le précisera » est en tout cas un peu courte s'agissant d'un point aussi délicat. Nous vous demandons donc de nous indiquer votre point de vue - en vous voyant discuter, je veux croire que vous sollicitez un avis de vos services (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) - et d'en faire part, par la même occasion, aux partenaires sociaux qui seront ainsi utilement guidés.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 180, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer des « heures choisies » visées au premier alinéa de l'article proposées par l'employeur, ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il est introduit dans notre code du travail une « innovation », selon les propres termes du rapporteur, à savoir le régime des heures choisies. Ces heures choisies « doivent permettre aux salariés qui le désirent de continuer à travailler même lorsque leur contingent d'heures supplémentaires est épuisé ».
Alors que le contingent d'heures supplémentaires a explosé suite à la loi Fillon et au décret du 22 décembre 2004, qui le portent à 220 heures - je ne sais pas si cela a déjà été évoqué au cours du débat ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) - il est prévu que des salariés pourront encore effectuer des heures supplémentaires après avoir épuisé leur contingent de 220 heures.
Certes, le Gouvernement ne remet pas directement en cause la durée légale du travail, qui reste officiellement fixée à 35 heures. Cependant, pour reprendre un article du journal Le Monde, «si la loi aboutit, cela fera des 35 heures une loi morte » !
Cela dit, personne ici n'est dupe, pas plus que ne sont dupes les salariés : cette prétendue innovation du temps choisi représente une négation pure et simple des 35 heures.
Le contingent d'heures supplémentaires est une notion appelée à se vider de son sens, puisque ses limites sont aujourd'hui dépassées. Autant dire qu'elles n'existent plus. Pourquoi ne pas proposer de supprimer toute idée de contingent d'heures supplémentaires ?
Nous verrons ce que pensent les salariés de votre « innovation » quand, après avoir épuisé leur contingent de 220 heures supplémentaires, leur employeur leur demandera de travailler davantage !
Le rapport de force entre un employeur et un salarié n'est pas égal - ceux qui le découvrent aujourd'hui sont bien naïfs ! -, surtout depuis que vous avez démantelé la législation sociale au détriment des salariés.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Roland Muzeau. L'employeur sera en position de force, ce qui est bien naturel, pour attiser le désir chez ses salariés de faire des heures au-delà de leur contingent d'heures supplémentaires.
Nous émettons donc de sérieux doutes quant à la sincérité de l'accord qui sera passé entre le salarié et l'employeur sur les fameuses heures choisies. Comme le dit parfaitement bien M. le rapporteur, « seuls les salariés "qui le souhaitent" seront concernés par les heures choisies, qui seront effectuées "en accord avec l'employeur". Celui-ci conserve donc, in fine, la maîtrise de la durée du travail et de la masse salariale dans son entreprise ». Fermez le ban !
Pour une fois, nous sommes d'accord avec vous. C'est bien l'employeur qui reste maître d'imposer des heures supplémentaires, d'une part, et d'exercer une pression afin que les salariés effectuent en plus des heures dites « choisies », d'autre part.
Notre amendement a pour objet de réorganiser le rapport de force entre le salarié et l'employeur afin que le refus du salarié d'effectuer des « heures choisies » ne puisse constituer une faute ni être un motif de licenciement. A cet égard, monsieur le rapporteur, votre appréciation sur cette proposition, tout comme la vôtre, monsieur le ministre, apporteront sans doute un éclairage particulier sur la sincérité des propos avancés.
Toutefois, nous ne nous faisons guère d'illusions. Ce dispositif du temps choisi, loin d'avantager les salariés, va, en revanche, considérablement « arranger » les chefs d'entreprise, qui disposeront de salariés flexibles pour un coût salarial faible.
Ainsi, il devient inutile d'embaucher ; les entreprises pourront même continuer de licencier, et donc d'accroître leurs marges. En effet, il suffit de constater que les groupes qui ont augmenté le plus spectaculairement leurs marges sont ceux qui ont supprimé le plus d'emplois pour comprendre à quel point cette proposition de loi, et notamment les dispositions contenues dans son article 2, sont intéressantes pour ces groupes qui affichent des bénéfices records !
Cet article 2 prévoit un assouplissement outrancier des 35 heures, uniquement réservé aux employeurs, ce qui n'est pas acceptable. Nous combattrons donc fermement ces dispositions, qui prévoient une déréglementation totale de la durée du travail.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui précise - je le rappelle, car c'est très important - que « le refus du salarié d'effectuer des heures choisies, visées au premier alinéa de l'article, proposées par l'employeur, ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer des heures choisies ne constitue pas un refus d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail visé à l'article L. 321-1.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 117 rectifié, présenté par MM. Dassault, Saugey, Carle, Branger, Hérisson, Vasselle et César, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises de moins de 250 salariés, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés, le dispositif visé au premier alinéa peut être prévu par accord signé entre le chef d'entreprise et les représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou les délégués du personnel ou, à défaut, les membres du personnel.
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Comme on l'a maintes fois répété au cours de ce débat, la proposition de loi dont nous discutons permet de mettre en oeuvre un assouplissement de la loi sur les 35 heures qui soit favorable à la fois aux entreprises et aux salariés. Mais, pour cela, il faut bien évidemment qu'il y ait du travail, car, s'il n'y a pas de travail, il n'y a pas d'heures supplémentaires et, s'il n'y a pas d'heures supplémentaires, l'entreprise ne peut plus effectuer ses livraisons et pourra être amenée, éventuellement, à licencier une partie de son personnel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par conséquent, si les dispositions proposées ne permettent pas d'augmenter le nombre d'emplois - vous avez raison de le dire, mes chers collègues - il reste tout de même qu'elles contribuent à conforter l'emploi dans des entreprises dont l'activité va augmenter et qui connaîtront un taux de rentabilité plus important pour faire face à la concurrence extérieure que j'évoquais avant-hier.
Mme Raymonde Le Texier. Elles peuvent embaucher !
M. Serge Dassault. Le dispositif du temps choisi permettrait donc de travailler au-delà du contingent d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise. Mais ce qui est fondamental, c'est de mettre réellement en oeuvre ces assouplissements dans les petites et moyennes entreprises.
Cet amendement concerne l'application de la loi en l'absence d'accord de branche pour les PME qui n'ont pas de délégués syndicaux, ce qui est tout de même le cas pour plus de 80 % d'entre elles. Or, la proposition de loi implique, dans une telle situation, qu'un délégué syndical hors de l'entreprise soit désigné par une centrale, à la demande du chef d'entreprise, pour négocier cet accord. Personnellement, je pense que cela se produira rarement, les chefs d'entreprise ne souhaitant pas discuter d'un accord avec un délégué syndical imposé qui ne soit pas membre de leur entreprise.
Par conséquent, pour que les PME bénéficient elles aussi de ces dispositions, nous souhaitons qu'un accord d'entreprise puisse être conclu avec les élus du personnel ou avec le personnel lui-même, s'il n'y a pas d'élus. Cela permettrait à la loi d'être largement appliquée, ce qui ne sera pas le cas si notre amendement n'est pas adopté.
Je rappelle que, en ce qui concerne l'accord de participation, l'article L. 441-1 du code du travail précise que, dans le cas où il n'y a pas d'accord de branche ou de délégué syndical, l'accord peut être conclu dans l'entreprise avec les représentants du personnel ou, à défaut, l'ensemble du personnel à une majorité des deux tiers.
Nous demandons l'application de la même disposition, qui fait jurisprudence, pour la présente proposition de loi.
Cependant, si la loi Fillon du 4 mai 2004 permet déjà de conclure des accords dérogatoires dans les petites entreprises où il n'y a pas de délégués syndicaux, soit avec les représentants élus du personnel, soit avec des délégués mandatés de l'entreprise et si cela s'applique à cette proposition de loi, nous sommes prêts, monsieur le ministre, à retirer notre amendement tout en regrettant que le personnel ne puisse pas lui-même voter cet accord à la majorité des deux tiers comme cela existe pour la participation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 182, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 212-6-1 dans le code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales représentatives ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La loi Fillon du 4 mai 2004 sur le dialogue social a répondu aux voeux du MEDEF en institutionnalisant l'affaiblissement des pouvoirs des syndicats.
Cette loi a bouleversé la structure de la négociation collective, notamment en affaiblissant le dialogue par branche professionnelle au profit de la négociation au sein de chaque entreprise, au détriment de la protection collective des salariés. Elle remet profondément en cause le principe de faveur, faisant ainsi courir de grands risques aux salariés.
Quant à la question de l'accord majoritaire, la loi du 4 mai 2004 se contente de l'introduire à la marge, sans l'inscrire durablement dans le code du travail. Or nous pensons qu'il est nécessaire de faire figurer explicitement dans le code du travail le principe de l'accord majoritaire au niveau interprofessionnel, au niveau des branches professionnelles et au niveau de l'entreprise, afin de redonner un nouvel élan à la démocratie sociale.
Nous estimons, par ailleurs, que l'expression syndicale des salariés lors des élections professionnelles, pour qu'elle soit valorisée et encouragée, doit être accompagnée par la reconnaissance du principe majoritaire. En effet, à quoi bon voter, donner son point de vue, exprimer ses préférences syndicales si le code du travail autorise une ou des organisations syndicales minoritaires à passer outre les choix majoritaires des salariés ?
Il est aberrant et antidémocratique qu'un accord signé par des partenaires sociaux minoritaires, voire ultra- minoritaires, puisse, par exemple, engager l'ensemble du monde du travail, comme c'est le cas de la réforme des retraites, voire toute une profession, à l'instar de ce qui s'est passé avec la réforme du statut des personnels intermittents du spectacle.
Cette démocratie sociale que nous appelons de nos voeux est d'autant plus souhaitable qu'elle formerait un véritable contrepoids à la réforme Fillon sur le dialogue social, prévoyant que l'accord d'entreprise pourra, à quelques exceptions près, déroger à l'accord de branche.
Tel est l'objet de cet amendement que nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 183 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour défendre l'amendement n° 62.
Mme Raymonde Le Texier. L'alinéa que cet amendement vise à supprimer prévoit que la convention ou l'accord collectif de travail fixera les conditions dans lesquelles les heures choisies seront effectuées, ainsi que la majoration à laquelle elles donneront droit et d'éventuelles contreparties.
Ce n'est pas faire preuve de défiance à l'égard des partenaires sociaux que de souhaiter que des aspects aussi fondamentaux concernant les heures supplémentaires hors contingent soient précisés par la loi.
Cette rédaction de la proposition de loi est d'autant plus regrettable qu'elle se situe très en deçà de ce qui est mentionné dans le code du travail s'agissant des heures supplémentaires.
Ainsi, je rappelle que le code du travail, dans ses articles L. 212-5 à L. 212-7, prévoit expressément une majoration de salaire qui peut être remplacée par un repos compensateur. Il prévoit, en outre, un repos compensateur obligatoire pour les heures supplémentaires hors contingent.
Certes, il ne s'agit là que de deux exemples, mais qui indiquent assez bien l'attention que le législateur a porté à tout ce qui a trait aux heures supplémentaires.
La doctrine, sur ce point, est claire : « Les dispositions légales sur les heures supplémentaires et le repos compensateur sont d'une portée générale et d'ordre public. Elles s'appliquent dans toutes les professions assujetties à la réglementation sur la durée du travail et à tous les salariés soumis à cette réglementation, quel que soit leur mode de rémunération ».
En faisant en sorte que ce soit les accords qui dorénavant fixent les modalités relatives aux heures supplémentaires hors contingent, vous revenez sur des dispositions d'ordre public social qui, jusqu'à présent, protégeaient tous les salariés. Après vous être attaqué à la hiérarchie des normes, vous vous en prenez aux fondements du droit du travail, ceux-là mêmes qui ont été élaborés avec soin au fil des ans pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs.
On a pu dire que votre texte revient sur les 35 heures, c'est vrai ; qu'il revient sur les garanties collectives, c'est également vrai. Mais il constitue surtout, dans le domaine des principes d'ordre public, un retour bien plus considérable et plus puissant encore, dont les conséquences ne tarderont pas à apparaître. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 183.
M. Guy Fischer. Afin « d'offrir » aux 18 % de salariés qui déclarent souhaiter travailler plus pour gagner plus, selon un sondage du Journal du dimanche, dans leur grande bonté, les auteurs de la proposition de loi ont imaginé le dispositif dit des « heures choisies ».
Ce dispositif présente l'avantage non négligeable de contourner l'obstacle des limites qui sont actuellement posées par le code du travail afin justement d'éviter le dépassement du contingent d'heures supplémentaires, à savoir, d'une part, l'autorisation de l'inspection du travail et l'avis du comité d'entreprise ou des représentants du personnel avant toute augmentation du volume d'heures supplémentaires et, d'autre part, le droit au repos compensateur obligatoire.
Ces limites ont pour but de favoriser l'embauche des travailleurs sans emploi ou d'améliorer la situation de ceux en sous-emploi, contraints notamment à un temps partiel subi, mais aussi de protéger la santé et la sécurité des salariés.
Conscients du caractère dérogatoire du nouveau régime ainsi promu, le recours à ce dispositif serait tout de même, selon vous, mes chers collègues, entouré d'un certain nombre de garanties au premier rang desquelles figure l'existence d'une convention collective de branche étendue ou d'un accord d'entreprise.
La vigilance s'impose dans la mesure où rien ne garantit que ces accords, que vous rêvez être les plus décentralisés possibles, soient démocratiquement conclus, le fait majoritaire ne s'appliquant pas en l'espèce.
Par ailleurs - et l'amendement présenté par notre collègue Serge Dassault, toujours à l'affût pour satisfaire les exigences patronales, le montre - toutes les portes restent ouvertes pour que vous preniez demain prétexte de la faiblesse de la représentation des salariés dans les petites et moyennes entreprises pour passer outre la négociation d'accord avec les organisations syndicales. Ne rêvez-vous pas, comme le MEDEF, de négocier directement avec les instances élues du personnel au niveau de l'entreprise, directement, de gré à gré, avec des « salariés maison » ?
Quant aux autres garanties supposées entourer le régime des heures choisies, dont aucune n'est bien sûr précisée législativement puisque tout est renvoyé à l'accord collectif, permettez-moi de considérer, là encore, que vous faites preuve de légèreté.
Refusant le principe même des heures choisies mais également de donner un chèque en blanc à la négociation - le plus souvent instrumentalisée - pour décider de l'existence même d'un tel régime et pour en définir les conditions, nous plaidons en faveur de la suppression des dispositions de l'article 2 à cet égard. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 184 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail, supprimer les mots :
, le cas échéant,
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Jean-Pierre Godefroy. Notre amendement prévoit de supprimer la mention « le cas échéant » qui s'applique aux contreparties auxquelles vont donner lieu les « heures choisies », notamment, dites vous, en termes de repos.
Ces trois petits mots sont pour nous, monsieur le ministre, absolument inacceptables, voire scandaleux.
Je vous rappelle que l'article L.212-5-1 du code du travail, dans son alinéa premier, prévoit un repos compensateur obligatoire de 50 % des heures accomplies, au-delà de 41 heures, dans les entreprises de plus de vingt salariés. Nous sommes encore là à l'intérieur du contingent.
Mais en ce qui concerne les heures supplémentaires hors contingent, le code du travail est encore plus net. Le troisième alinéa du même article indique : « Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel ou à défaut du contingent fixé par décret ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de la durée de ces heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés et 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.»
Les heures que vous appelez « choisies » ne sont ni plus ni moins que des heures supplémentaires hors contingent.
En quoi consiste donc vraiment la novation de cette proposition de loi ? Tout bonnement, et brutalement, en la suppression du repos compensateur obligatoire pour les salariés qui feront ces heures supplémentaires hors contingent. Et, pour ôter toute ambiguïté, votre texte précise que les dispositions de l'article L.212-5-1 et de l'article L.212-7, qui exigent l'autorisation de l'inspecteur du travail, ne sont plus applicables.
En réalité, vous faites disparaître la protection spécifique qui entourait la réalisation de ces heures. Vous supprimez les heures supplémentaires hors contingent pour les faire réaliser, sous la pression, par des salariés qui n'auront plus comme majoration salariale que les 10 % légaux, puisque c'est là le plancher que vous osez fixer pour ces heures. Encore faudra-t-il que la majoration ne soit pas placée d'autorité sur un compte épargne-temps, sur l'initiative de l'employeur.
On a rarement vu un piège aussi bien fabriqué ; il y a certainement fallu toute l'astuce et la compétence des conseillers de M. Seillière. Il est consternant que le Gouvernement de la République prête ainsi la main à une atteinte aussi lourde à la protection des salariés.
Il est vraiment dommage que vous n'ayez pas communiqué sur ce point auprès de l'opinion publique. Sans doute dans un souci pédagogique, vous êtes-vous limités à distiller l'espoir que les bas salaires pourraient être ainsi améliorés. Améliorés ? Oui, mais si peu, et surtout, dans l'avenir, et c'est très grave, si peu protégés.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 184.
M. Roland Muzeau. A l'exception du régime de la majoration des « heures choisies », calé a minima sur celui des heures supplémentaires, c'est-à-dire sur le plancher légal de 10 % de la rémunération habituelle, comme le prévoit le code du travail à défaut d'accord collectif indiquant un autre taux - ce qui rend bien difficile la possibilité pour le salarié d'être justement rémunéré pour les heures qu'il effectue -, l'article 2 renvoie aux négociateurs de l'accord collectif instituant le temps choisi le soin de fixer librement les contreparties appropriées, solution peu satisfaisante pour les salariés placés pourtant dans une situation dérogatoire au droit commun en matière d'heures venant en sus du contingent annuel.
Le second alinéa de l'article L.212-6 dispose que l'accord collectif peut « le cas échéant prévoir des contreparties en termes de repos ». Vous conviendrez avec moi qu'il est simplement suggéré et non imposé de poser des règles relatives au repos compensateur, pourtant nécessaire pour sauvegarder la santé des salariés, repos compensateur par ailleurs de droit dès lors que le contingent annuel est dépassé.
Notre collègue Aymeri de Montesquiou, soucieux de conserver aux « heures choisies » toute leur raison d'être - c'est-à-dire un moyen de faciliter le dépassement des 220 heures du contingent en dédouanant l'employeur du respect des garanties et contreparties légales qui en découle - considérait cette suggestion inadmissible. Elle l'est tellement qu'il n'a pas défendu l'amendement qu'il avait déposé !
A l'inverse, nous pensons qu'il revient au législateur d'être beaucoup plus impératif C'est pourquoi notre amendement n° 184 prévoit que la convention doit préciser les contreparties, notamment en termes de repos.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 173 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Le taux de la majoration ne peut être inférieur à 50 %.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 64.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement va dans le même sens que le précédent, mais il concerne la majoration minimale applicable à ces heures supplémentaires hors contingent.
Nous proposons que le taux de majoration ne puisse être inférieur à 50 %. Cela paraît logique, puisque le taux légal de majoration doit être de 25 % pour les quatre premières heures supplémentaires et de 50 % ensuite.
Il est vrai que, depuis la loi Fillon de 2003, un taux conventionnel de 10 % est possible. Nous reviendrons, lors de l'examen de l'article 3, sur ce taux de 10 % de majoration dont vous prolongez l'existence au moins jusqu'au 31 décembre 2008 dans les entreprises de moins de vingt salariés.
Ce n'est évidemment pas un hasard si vous modifiez le régime des heures supplémentaires en permettant dorénavant que tout passe par les accords collectifs, y compris d'entreprise ou d'établissement.
La disparition éventuelle des majorations de 25 % et de 50 %, qui est contenue en perspective dans cet article, ne sera certainement pas un facteur d'enrichissement des salariés, comme vous tentez de le faire croire abusivement. En revanche, vous vous dirigez à terme vers une rémunération de plus en plus fréquente à 10 %, conformément à ce que souhaite le MEDEF.
Nous tenons à dire avec beaucoup de force que ce qui est déjà inacceptable pour les heures comprises dans le contingent prend un caractère tout à fait scandaleux pour les heures effectuées au-delà des 220 heures annuelles.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 173.
M. Roland Muzeau. Le droit au travail, justement reconnu par les juges, est déformé par le Gouvernement actuel en « devoir de travailler plus ». En effet, un décret du 21 décembre 2004 est venu porter le contingent d'heures supplémentaires de 180 à 220 heures par an et par salarié, modifiant ainsi l'article D.212-25 du code du travail.
Aujourd'hui nous examinons une proposition de loi qui entérine ce changement.
Ce nouveau contingent vise toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et il concerne les ouvriers, les employés, les agents de maîtrise et les cadres soumis à l'horaire collectif de travail, ainsi que les salariés itinérants non cadres et les cadres mentionnés à l'article L.212-15-3 qui n'ont pas signé de convention individuelle de forfait ou qui sont régis individuellement par une convention de forfait établie en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
En outre, nous n'oublions pas que le taux de ce contingent n'est qu'indicatif : une convention, un accord de branche étendu ou, depuis la triste loi du 4 mai 2004, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peuvent fixer un contingent à un volume inférieur ou supérieur aux 220 heures nouvellement prévues. Il en va de même avec le taux de majoration des heures supplémentaires, fixé à 25 % par la loi, sauf si la convention ou l'accord collectif, quel qu'il soit - de branche, d'entreprise ou d'établissement -, prévoit un autre taux qui ne peut être inférieur à 10 %. Or, 10 %, c'est à la fois dérisoire pour le salarié et un beau cadeau pour le patronat !
Par cet amendement, nous demandons que l'on revienne sur les dispositions de l'article 2 qui prévoit cette possibilité pour les employeurs de ne quasiment pas payer les heures supplémentaires et nous exigeons que celles-ci soient majorées de 50 %, quelle que soit la taille de l'entreprise.
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 212-6-1 dans le code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les branches d'activité où existe déjà un accord prévoyant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures, les règles actuellement en vigueur en matière de déclenchement du repos compensateur obligatoire continuent de s'appliquer aux heures supplémentaires effectuées au-delà de 130 heures.
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. L'amendement que nous présentons a pour but de sécuriser la situation des salariés qui travaillent dans une branche où le contingent d'heures supplémentaires est supérieur au contingent réglementaire actuel.
Pour cela, nous partons du principe que doivent être maintenues les règles actuelles relatives au déclenchement du repos compensateur. En effet, nous estimons que celui-ci est un élément essentiel pour garantir la santé au travail et qu'à ce titre il est indispensable qu'il soit déclenché automatiquement pour les heures effectuées au-delà des 130 heures.
Il est d'ailleurs étonnant que vous ne nous suiviez pas dans cette direction alors que vous venez de présenter à la presse votre plan santé 2005-2009. On peut dès lors craindre que ce plan ne soit qu'un effet d'annonce et n'ait aucune conséquence concrète.
Pourtant, les indicateurs qui vous ont servi à l'élaborer devraient vous faire réaliser le rôle majeur que joue le repos compensateur dans la bonne santé des salariés. Ainsi, pour ceux qui, par exemple, sont soumis à. des contraintes articulaires ou ceux qui sont exposés à un niveau de bruit supérieur à 85 décibels plus de 20 heures par semaine, le repos compensateur est plus que nécessaire : il est vital.
Avec cette proposition de loi, des salariés exposés à des risques professionnels, notamment des risques dus à la répétitivité des tâches comme les troubles musculo-squelettiques, en pleine expansion aujourd'hui, devront, si l'employeur le décide, travailler 220 heures supplémentaires sans se voir nécessairement offrir un droit à des repos compensateurs.
De plus, comme le fait remarquer Philippe Askenazy, que vous avez tant cité, monsieur le ministre, les problèmes de santé au travail ne sont plus l'exclusivité des professions dangereuses ou réputées pénibles ; le travail intellectuel s'accompagne de plus en plus souvent d'éléments de pénibilité physique. Par ailleurs, de nouveaux types de contraintes apparaissent, comme l'impératif de l'urgence. Enfin, porter des charges n'est plus réservé à l'industrie ou au bâtiment. C'est l'exemple des caissières qui, en plus d'avoir la contrainte d'assurer les relations avec les clients, effectuent un travail à la chaîne et soulèvent des tonnes de produits chaque jour.
En somme, du fait de l'intensification de la productivité, c'est l'ensemble des professions qui sont de plus en plus exposées à des risques professionnels. Faire travailler plus va donc, de toute évidence, conduire à ce que cette situation empire.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 186 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 65.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement est de cohérence avec les deux derniers amendements que nous avons présentés, puisqu'il vise à maintenir les garanties des salariés en matière de repos compensateur notamment, ces garanties que, dans votre propre logique, vous éliminez discrètement du code du travail pour augmenter la durée du travail sans contrepartie réelle.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 186.
Mme Eliane Assassi. Le troisième alinéa du I de l'article 2 prévoit que les « heures choisies » seront rémunérées à un taux majoré, défini dans la convention ou l'accord collectif. Toutefois, cette majoration ne pourra être inférieure à celle qui est applicable aux heures supplémentaires effectuées dans l'entreprise ou l'établissement.
Cet alinéa inspire plusieurs remarques.
Tout d'abord, la majoration de ces heures ne peut certes pas être inférieure à celle des heures supplémentaires, mais rien dans la loi ne vient garantir qu'elle sera supérieure à 10 %.
Si le but de ces heures choisies est de gagner plus, le gain pour les salariés est minime eu égard au nombre d'heures phénoménal qu'ils auront effectuées.
Ensuite, il est précisé que la convention ou l'accord collectif fixe non seulement la majoration de salaire à laquelle donnent lieu ces heures choisies, mais aussi, le cas échéant, les contreparties, notamment en termes de repos.
Cette phrase est extrêmement dangereuse pour les salariés. En effet, ces heures choisies s'ajoutant à un très grand nombre d'heures supplémentaires devraient faire l'objet d'une majoration de salaire et de contrepartie en repos.
Le caractère cumulatif de cette contrepartie en argent et en repos devrait être explicitement indiqué dans la proposition de loi. Le fait qu'il ne le soit pas nous rend évidemment méfiants à l'égard de cette nouvelle mesure.
Malheureusement, une fois encore, le Gouvernement cherche à réduire au maximum les droits des salariés pour permettre une flexibilité maximale que réclame désespérément le MEDEF.
L'introduction dans notre législation sociale de cette notion de temps choisi n'est-elle pas le résultat de son apparition dans le rapport Camdessus ?
Par ailleurs, parler de temps choisi est tout simplement provocateur si l'on se place du point de vue des chômeurs, qui aimeraient déjà travailler, et des salariés à temps partiel ou en intérim, qui aimeraient effectivement choisir de travailler plus.
Ce régime des heures choisies ne va évidemment pas inciter les employeurs à embaucher davantage.
Nous ne pouvons laisser le Gouvernement désagréger le droit du travail au détriment des salariés et de l'emploi. Tel est le sens de ce présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 212-6-1 dans le code du travail.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est en parfaite cohérence avec la position que nous avons défendue depuis le début de l'examen de cet article 2.
Le I de l'article 2 vise à intégrer au sein du code du travail un article L. 212-6-1. Cette nouvelle rédaction est bien loin de constituer une avancée particulière de notre législation sociale. Elle correspond sans doute mieux à l'idée que certains idéologues libéraux, plus ou moins forcenés, se font de la souplesse et de la lutte contre les rigidités législatives ou réglementaires.
Quelques observations s'imposent donc à la lecture et à l'analyse du présent texte.
Idéologie pour idéologie, le concept d'heures choisies, qui est introduit dans notre code du travail avec cet article, est une pure vue de l'esprit. Tout se passe en effet comme si les salariés étaient désireux, à en croire les auteurs de la proposition de loi, de travailler plus pour gagner plus. Gagner plus, c'est sûr ; travailler plus, ce n'est pas sûr du tout !
Reconnaissons à la vérité que les salariés, dans leur ensemble, souhaiteraient, comme je viens de le dire, pouvoir gagner plus, et que l'impression assez largement partagée dans le monde du travail est qu'on leur demande souvent aujourd'hui de faire autant en 35 heures que ce qu'ils faisaient par le passé en 39 heures.
Mais le concept d'heures choisies est assez fabuleux, quand on regarde d'encore plus près. On nous indique en effet que, dans chaque entreprise, par un accord particulier entre le salarié et l'employeur, on pourra, moyennant l'existence d'un accord collectif, effectuer ces fameuses « heures choisies ». Nous ne pouvons que nous interroger sur cette lubie qui semble avoir traversé l'esprit des auteurs de la proposition de loi.
En effet, quel rapport d'égalité peut-il exister aujourd'hui entre un salarié et un employeur dans la liberté de contracter, qui semble si bien illustrée par ce concept furieusement à la mode des heures choisies ? Qu'on le veuille ou non, le salariat est un rapport de subordination entre deux personnes qui ne sont par conséquent pas à égalité. Oser prétendre le contraire s'apparente à une pure escroquerie intellectuelle - nous nous répétons, mais c'est tellement vrai ! - comme l'idéologie libérale la plus poussiéreuse en est au demeurant porteuse depuis de longues, si longues décennies.
A la vérité, cette innovation de la proposition de loi n'en est pas une, et elle ne constitue qu'une forme à peine retouchée de la plus parfaite exploitation du salarié, comme il est de rigueur depuis que le capital et le travail se confrontent dans l'entreprise. Je ne vous rappellerai pas ce que disait le professeur d'économie que j'ai cité dans mon intervention lors de la discussion générale et qui parlait d'une conception digne du XIXe siècle.
Nous ne pouvons évidemment valider cette ahurissante nouveauté ; c'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement de suppression du texte proposé pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 212-6-1 du code du travail :
« Le nombre de ces heures choisies ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail au-delà des limites définies au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. La proposition de loi prévoit que l'accomplissement des heures choisies ne doit pas avoir pour effet de faire passer la durée hebdomadaire de travail du salarié au-delà du maximum visé à l'article L. 212- 7 du code du travail, soit 48 heures par semaine.
Mais ce texte omet de faire référence à la durée maximale quotidienne du travail, soit 10 heures par jour. Il n'y a pas de raison que la création des heures choisies soit l'occasion de revenir sur ce maximum. Cet amendement a donc pour objet de rappeler la règle en vigueur.
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 212-6-1 dans le code du travail par deux phrases ainsi rédigées :
Le repos compensateur, qui ne peut être inférieur au temps travaillé, est obligatoire lorsque le salarié dépasse le contingent de 130 heures supplémentaires. Dans ce cas, le repos compensateur ne peut faire l'objet d'une affectation au compte épargne-temps prévu à l'article L. 227-1 du code du travail. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il s'agit d'un amendement de cohérence et de repli par rapport à notre proposition de fond sur ce nouveau et réjouissant concept d'heures choisies.
Si l'on procède à une lecture précise des données du droit du travail en matière de durée du travail, nous avons un principe général, qui est l'application de la moyenne hebdomadaire de 35 heures de travail par semaine.
Ensuite, l'ensemble des dispositions conventionnelles susceptibles d'être adaptées sur la base de ce principe peut clairement prévoir des dépassements pour peu que, par compensation, des semaines ou des périodes d'activité moindre permettent de revenir à cette moyenne.
Puis vient se greffer la question des heures supplémentaires légales, dont le volant autorisé va encore s'accroître pour atteindre les 220 heures. Pour un cadre dont le temps de travail est calculé sur la base d'un forfait annuel, un tel volant représente à peu de chose près, soit dit en passant, l'équivalent d'une heure supplémentaire de travail par jour de présence dans l'entreprise.
Il en est de même, ou peu s'en faut, pour des salariés non cadres puisque, par exemple, la convention collective de la restauration rapide retient le principe de 236 jours de travail sur l'année pour les personnels de service, ce qui banalise, soulignons-le, les samedis et les dimanches comme des jours ordinaires de travail et fait de même pour les jours fériés officiels du calendrier.
Malgré l'annualisation et l'augmentation du volant des heures supplémentaires - volant qui est d'ailleurs assez largement sous-utilisé, et pour cause, du fait même de l'annualisation et du calcul des horaires de travail sur une base plus large que la semaine ou le mois -, le concept d'heures choisies vient s'intégrer dans le paysage.
Les heures choisies, c'est, si l'on peut dire, le choix pour le salarié de s'imposer tout seul des heures supplémentaires. Alors, il faut border la mise en place de ces accords particuliers entre salariés et employeurs découlant de facultés ouvertes par des accords collectifs.
C'est le sens de notre amendement, qui pose le principe d'un repos compensateur obligatoire dès lors que le seuil de 130 heures supplémentaires est atteint et de la prise effective de ce repos par non-affectation de son équivalent au compte épargne-temps.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le deuxième alinéa du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après le mot : « prédéterminée », le mot : « ou » est remplacé par le mot : « et ».
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Notre amendement a pour objet de revenir à la définition originelle des salariés itinérants non cadres, qui relèvent du forfait horaire.
En effet, dans la loi relative à la réduction négociée du temps de travail de 2000, la définition des salariés itinérants non cadres avait fait l'objet de multiples précautions, afin d'éviter des dérives toujours à craindre. Le groupe socialiste du Sénat avait d'ailleurs suivi très attentivement l'élaboration de cette définition, qui était la suivante : « les conventions de forfait en heures sur l'année sont applicables aux salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».
Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur le fait que ces deux conditions sont cumulatives grâce à l'emploi de la conjonction « et ». Nous nous trouvions donc alors en présence de salariés qui n'étaient certes pas cadres, mais qui, au-delà de l'impossibilité de prédéterminer leur temps de travail, avaient une autonomie, donc une responsabilité dans leur organisation personnelle pour accomplir la tâche demandée par l'employeur.
Avec la loi Fillon de 2003, qui a décidément causé les plus grands dégâts dans la protection des salariés, vous avez remplacé le mot « et » par le mot « ou », faisant ainsi de conditions cumulatives des conditions alternatives. Ah ! Mais où est donc Ornicar ? (Sourires.)
Depuis lors, il suffit donc que l'employeur estime ne pouvoir prédéterminer les horaires d'un salarié, même si celui-ci n'a aucune autonomie dans son organisation personnelle, pour que ce salarié soit basculé en forfait horaire. Les heures supplémentaires qui étaient auparavant décomptées peuvent être forfaitisées.
II est bien évident que la définition d'un salarié à horaires non définis, mais qui ne dispose par ailleurs d'aucune autonomie, nous renvoie à une réalité salariale et sociale bien différente de celle qui correspondait au cumul des deux conditions. Depuis 2003, ce que nous avions craint est arrivé : par cet artifice, un livreur de pizzas, un réparateur de photocopieuses sont assimilés à des cadres disposant d'une véritable autonomie.
C'est une véritable injustice, puisque ces salariés ont en général des revenus modestes et sont en position systématique de sujétion.
C'est aussi un détournement de l'esprit de la loi, qui vise en fait simplement, comme tout ce que vous avez fait dans ce domaine depuis 2002, à allonger la durée du travail sans « allonger », si j'ose dire, la majoration correspondant aux heures supplémentaires.
Par conséquent, avec ce petit changement de mot survenu en 2003 dans la discrétion, vous avez appliqué à tous ces salariés modestes, itinérants non cadres, le slogan « Travailler plus pour gagner moins. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 189 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 66.
Mme Raymonde Le Texier. Avec cet amendement, nous proposons de retirer la possibilité de faire effectuer des heures dites « choisies » à des salariés déjà au forfait horaire.
Les salariés placés sous forfait horaire sont, le plus souvent, des personnes que leurs fonctions amènent à se déplacer, sans que l'on puisse pour autant parler de salariés totalement itinérants, tels les VRP.
Compte tenu de la spécificité de leurs fonctions au sein de l'entreprise, ces salariés réalisent en général des horaires supérieurs à l'horaire collectif.
La convention de forfait a donc pour principal intérêt d'intégrer dans leur rémunération les heures supplémentaires qu'ils effectuent, notamment en se déplaçant, et d'annualiser celles-ci. Le tout se double d'un lissage de la rémunération à l'année.
L'accord qui pourrait être, encore une fois, un accord d'établissement signé par un salarié mandaté permettra d'augmenter encore cette durée. Et je rappelle que la convention de forfait n'est pas obligatoirement un écrit, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation du 11 janvier 1995.
Votre texte ne comporte pas plus d'exigence de formalité s'agissant du prétendu libre choix du salarié. Nous sommes donc dans un flou absolu. La seule chose qui demeure certaine est que le salarié va être amené à réaliser des horaires supérieurs à ceux, souvent excessifs, qu'il pratique déjà.
Or un problème se pose : si la rémunération prévue par la convention de forfait doit être versée, même lorsque le salarié réalise passagèrement un horaire inférieur, il est reconnu par la jurisprudence de la Cour de cassation que des heures supplémentaires sont toujours réalisables et donnent droit à une rémunération majorée et à un repos compensateur.
Il est également dit clairement par la réglementation que la durée du travail au forfait doit apparaître sur le bulletin de paie, de même que le décompte des heures supplémentaires. Avec cette renonciation prétendument spontanée à des heures de repos, puisque c'est de cela, en fait, qu'il s'agit, ne visez-vous pas simplement la disparition des heures supplémentaires majorées pour les salariés au forfait horaire ?
C'est une question à laquelle nous souhaiterions obtenir une réponse claire, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 189.
M. Guy Fischer. Le début du paragraphe II de l'article 2 est ainsi libellé :
« Le II de l'article L. 212-15-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement peut enfin ouvrir la faculté au salarié qui le souhaite, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des heures au-delà de la durée annuelle de travail prévue par la convention de forfait.[...] »
Cette disposition législative est particulièrement intéressante. En effet, il s'agit, en réécrivant pour partie les dispositions du code du travail relatives au forfait cadres, de donner une validité législative à ce qui est tout de même la question principale pour les personnels d'encadrement : l'absence de réalité concrète de la réduction du temps de travail.
Quelle est en effet la réalité de la situation des cadres, qui sont particulièrement choyés par l'ensemble de la propagande - c'est bien le mot qui convient - patronale et que la majorité parlementaire courtise évidemment avec insistance, persuadée qu'elle est que le vote de cette catégorie socioprofessionnelle sera déterminant le moment venu ?
La réalité de la situation des cadres est bien moins reluisante que ce que certains ont tendance à laisser croire de-ci de-là.
Permettez-moi de vous faire part de quelques exemples qui sont évoqués dans les enquêtes officielles. Un dixième des cadres travaillent la nuit. Cette proportion est bien évidemment plus élevée parmi les cadres du secteur industriel, notamment dans les établissements qui fonctionnent avec des équipes postées. Et ce nombre n'est pas en voie de régression.
La moitié des cadres, ou peu s'en faut, sont aujourd'hui fréquemment amenés à travailler le samedi, et plus du quart d'entre eux le dimanche, ce qui est préjudiciable à l'équilibre de leur vie familiale.
Le quart des cadres de ce pays est amené à travailler le dimanche, ce qui pose les mêmes questions quant au maintien de l'équilibre de la vie familiale de ces salariés.
Enfin, pour corser le tout, il subsiste, à compétences et responsabilités équivalentes, des distorsions et des discriminations de rémunérations entre les cadres hommes et les cadres femmes. C'est un problème de parité.
Je considère d'ailleurs que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes devrait se saisir de cette question dans les meilleurs délais.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Guy Fischer. Elle pourrait, au travers d'une mission d'information ou d'une mission d'enquête, préconiser des moyens pour affirmer une véritable égalité en la matière.
Toujours est-il que l'écart entre les rémunérations atteint aujourd'hui, selon les secteurs d'activité, 25 à 30 % au détriment des femmes.
Avec la rédaction qui est proposée pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, c'est le principe même de la réduction du temps de travail qui risque de disparaître. Ce principe est pourtant fixé par les lois Aubry et codifié dans le paragraphe I du même article qui dispose que : « Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche [...] doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail ». Tout se passe comme si cette phrase était un arbre dissimulant la forêt des exceptions et des dérogations qui sont déclinées dans cet article.
Je ne vais pas insister en cet instant, ...
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. Guy Fischer. ...car je me réserve pour l'article 3. (Sourires.)
Le régime dérogatoire supplémentaire proposé dans le paragraphe II de l'article 2 fait de ces salariés, exploités comme les autres - sauf qu'il s'agit là bien souvent de leurs capacités d'anticipation, d'initiative et de créativité -, les cobayes d'un retour en force du contrat individuel adaptant le droit de travail aux conditions objectives de la « profitabilité » de l'entreprise.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après le mot :
branche
insérer le mot :
étendu
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président, qui vise à rétablir l'adjectif « étendu », s'agissant des accords de branche.
Nous nous sommes déjà expliqués à deux reprises sur l'objet de cet amendement lors de la discussion de l'article 1er et du premier paragraphe de l'article 2.
Nos motivations, qui portent sur la nécessité d'un engagement fort de la puissance publique auprès des partenaires sociaux, vous sont déjà connues. Aussi, dans un geste de clémence envers le Sénat, je ne vous répéterai pas une nouvelle fois nos arguments. J'ajoute que nous renonçons à demander un scrutin public.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, supprimer les mots :
, de groupe, d'entreprise ou d'établissement
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Il s'agit d'un amendement de coordination. Il vise à maintenir la garantie d'un accord de branche pour les salariés au forfait horaire qui se trouveront invités à choisir de renoncer à leurs heures de repos.
Les conditions de conclusion d'une convention de forfait en heures sont visées par l'article L. 212-15-3 du code du travail. Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement indique que, à défaut de convention ou d'un accord collectif étendu, ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement, les conventions de forfait en heures ne peuvent être établies que sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
La proposition de loi souffre cruellement de l'absence de cette précision. Il résulte aussi de sa rédaction le sentiment que cet article tente de contourner les accords collectifs existants en intégrant également les accords de groupe.
Au total, ce sont les salariés qui seront une fois encore victimes de ce procédé, puisque la garantie du forfait hebdomadaire ou mensuel disparaît. Nous entrons dans l'annualisation absolue par l'artifice de leur libre choix.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots :
d'établissement
insérer les mots :
signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés, respectivement dans la branche, le groupe, l'entreprise ou l'établissement concerné aux élections de représentativité organisées dans la branche dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit à nouveau d'un amendement de cohérence, mais qui prend une importance particulière s'agissant des salariés au forfait horaire.
Monsieur le ministre, vous introduisez subrepticement une nouvelle législation relative aux heures supplémentaires dans le cadre du forfait horaire. Nous ne considérons pas qu'il soit possible de l'appliquer dans les établissements sans qu'elle ait été validée par des organisations syndicales représentatives, offrant en plus toutes les garanties de représentativité dans le champ de l'accord.
Mais peut-être l'obtention de cette signature soulèverait-elle quelques difficultés compte tenu des horaires que réalisent le plus souvent les salariés au forfait. On peut d'ailleurs s'interroger, pour cette même raison, sur le nombre de ces salariés qui choisiront de renoncer à leurs heures de repos. L'avenir nous éclairera sur ce point si, par malheur, ce texte devait être voté.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots :
la majoration de salaire à laquelle elles donnent lieu
insérer les mots :
, dont le taux ne peut être inférieur à 50 %
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme nous l'avons déjà indiqué, s'il s'agit pour les salariés au forfait horaire d'effectuer des heures supplémentaires, les dispositions légales et réglementaires le prévoient déjà. Elles prévoient aussi une majoration dans le cadre des accords en vigueur.
En revanche, s'il s'agit pour ces salariés d'effectuer des heures supplémentaires non prévues par les conventions de forfait, il est bien évident que nous risquons de nous trouver en face de majorations qui restent à définir. On peut même parfaitement concevoir que certains accords ne prévoient qu'une rémunération minimale légale, celle que le Gouvernement a fixé en 2003 à 10 %.
Pour des salariés qui sont déjà couramment au-delà des horaires collectifs, avec des sujétions particulières, ce serait évidemment inacceptable.
Nous proposons donc que les employeurs, comme vous semblez le souhaiter, soient vigoureusement incités par la loi à ne pas pouvoir majorer la rémunération des heures choisies des salariés au forfait horaire en dessous de 50 %. Ce montant correspond d'ailleurs au nombre d'heures supplémentaires dans lesquelles se trouveront nécessairement les heures choisies par rapport à l'horaire légal de 35 heures.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail par les mots :
par écrit avant la réalisation de ces heures
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à ce que le choix du salarié soit recueilli par écrit, s'agissant du renoncement à des heures de repos au-delà du forfait. En effet, le salarié qui est déjà au forfait en heures doit souvent jongler avec des horaires irréguliers et excessifs sur une journée.
La nécessité de recueillir son choix par écrit lui permettra sans doute de mesurer avec plus de précision ce à quoi il s'engage et d'évaluer les avantages et les inconvénients de sa nouvelle situation.
A cet égard, l'imprécision de la proposition de loi ne laisse pas d'inquiéter. Non seulement les conditions d'exécution des heures choisies sont laissées à l'accord collectif, ce qui pourrait se concevoir, mais il en est de même du montant de la majoration. Quant aux autres compensations, notamment en matière de repos compensateur, elles ont purement et simplement disparu, ce qui constitue un retrait considérable par rapport à la situation actuelle.
En effet, nous tenons à vous rappeler la jurisprudence claire et constante de la Cour de Cassation sur ce point.
D'une part, selon l'arrêt du 14 décembre 1993, en cas d'application d'un forfait, l'employeur est tenu d'effectuer, pour des salariés occupant un horaire non collectif, le décompte de la durée du travail et des heures supplémentaires donnant lieu à un repos compensateur.
D'autre part, selon l'arrêt du 3 février 1994, sous réserve des restrictions concernant certains cadres et les itinérants non cadres, l'existence d'un forfait ne prive pas le salarié de son droit à repos compensateur ou d'une indemnité équivalente en cas de rupture du contrat de travail.
Nous appelons votre attention sur ce point, monsieur le ministre, et nous souhaitons que vous nous fassiez part de votre sentiment sur ce sujet lorsque vous donnerez l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements qui ont été déposés sur l'article 2.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer ces heures ne constitue pas une faute ou une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Je présenterai en même temps les amendements nos 72 et 73.
Ces deux amendements concernent l'éventualité du refus du salarié d'effectuer des heures supplémentaires en plus de celles qui ont déjà été incorporées dans son forfait horaire. Nous tenons à préciser que ce refus, compte tenu à la fois du caractère particulier du forfait et de l'ambiguïté qui règne sur la détermination réelle de l'initiative de ces heures choisies, ne saurait constituer ni une modification d'un élément essentiel du contrat de travail ni une faute.
Ces deux amendements de cohérence visent également à assurer la protection du salarié qui serait victime de pressions de la part de son employeur pour réaliser des heures supplémentaires, peu majorées, sans repos compensateur et avec une rémunération placée sur un compte épargne-temps sur l'initiative de l'employeur.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour compléter le II de l'article L. 212-15-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer ces heures ne constitue pas un refus d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail visé à l'article L. 321-1. »
Cet amendement a déjà été défendu par son auteur.
L'amendement n° 111, présenté par Mmes Procaccia et Gousseau et M. Cambon, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
Dans la troisième phrase du premier alinéa du III du même article L. 212-15-3, après les mots : « les catégories de cadres », sont insérés les mots : « ou d'itinérants non cadres, sous réserve de leur accord individuel formel et écrit, ».
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à attirer l'attention sur les problèmes d'application du système de décompte de la durée du travail sur une base horaire quand elle est appliquée à certains commerciaux itinérants, en particulier à ceux de l'assurance.
Certes, cet amendement est catégoriel, mais il concerne plus de 14 000 personnes qui bénéficient toutes d'une convention collective et des accords d'entreprise. Si Mme Gousseau et moi-même soulevons ce problème, c'est parce que nous parlons d'un métier que nous connaissons.
Quelle est la réalité de ce métier ? C'est celle de salariés non cadres qui travaillent loin de leur domicile et du siège de leur entreprise, de façon complètement indépendante, et qui sont contraints de ne pas respecter les accords horaires et le temps de travail.
En effet, quand vous êtes salarié commercial itinérant et que vous intervenez à plus de 200 kilomètres de chez vous, que la journée de travail théorique est terminée mais qu'il vous reste un client à rencontrer, que faites-vous ? Parcourez-vous 200 kilomètres pour rentrer chez vous et autant le lendemain pour revenir sur place ou continuez-vous à travailler, vous mettant ainsi volontairement dans l'illégalité ?
En revanche, lorsqu'un commercial a terminé sa journée après trois ou quatre heures de travail, il rentre chez lui, bien qu'il n'en ait pas le droit. Il en aurait le droit s'il était au forfait-jour, et il serait alors couvert en cas d'accident du travail.
Cet amendement vise donc à étendre le forfait-jour à ces salariés itinérants de l'assurance, sous réserve de leur accord individuel formel et écrit, afin de protéger ceux qui trouveraient des avantages au système actuel.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 75 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 190 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 75.
Mme Dominique Voynet. Avec cet amendement nous abordons la possibilité de rachat des jours de repos non pris par les salariés cadres. Cela nous amène à évoquer plusieurs aspects.
S'agissant de l'application de la réduction du temps de travail aux cadres, faut-il rappeler que les cadres, à l'exception des véritables cadres dirigeants dont la spécificité justifie sans doute un régime particulier, sont des salariés comme les autres ? Ils ont eu largement l'occasion, depuis une dizaine d'années, d'en prendre pleinement conscience. Ils n'ont pas été épargnés par le chômage, y compris par le chômage de longue durée. Ils ont également vu, au cours de cette période, leur pouvoir d'achat fondre de près de 10 %.
Par ailleurs, le statut de cadre ne se distingue vraiment que par les cotisations et les prestations sociales afférentes. Il n'y a pas lieu de priver les cadres des éléments de progrès social qui ont été votés, jusqu'en 2002, en faveur des salariés dans leur ensemble. C'est pourquoi la définition d'un forfait en jours pour calculer leur temps de travail avait été votée en 2000. Elle permettait de tenir compte de la nécessaire autonomie des cadres ; certains d'entre eux sont d'ailleurs qualifiés depuis de « cadres autonomes ».
Que s'est-il passé ensuite ? Peu d'employeurs - et cela nous renvoie au début de notre débat - ont fait le choix de l'investissement et de la création d'emplois. J'ai envie de dire que les cadres, eu égard à leurs conditions de travail, à leur charge de travail, sont de véritables victimes du capitalisme patrimonial.
D'un côté, des jeunes, nombreux, surdiplômés, restent à la porte des entreprises, porte qui demeure obstinément close, alors qu'ils sont prêts à mettre leur talent, leur créativité, leur énergie, au service de la dynamique économique. De l'autre côté, des cadres pressurés, surmenés, accumulent sur un compte épargne-temps, en trois ou quatre ans à peine, jusqu'à six mois de congés non pris, jours de réduction du temps de travail ou congés payés.
Ne serait-il pas préférable que les entreprises qui exploitent ainsi leurs cadres réfléchissent à leur organisation interne et à la possibilité d'embaucher des jeunes - ou même des moins jeunes ?
Je ne fais là que citer le témoignage des représentants de la Confédération générale des cadres, la CGC, que la commission des affaires sociales a auditionnés.
Nous sommes là dans un système absurde et contre-productif non seulement au regard de l'emploi, mais aussi en termes de développement économique et de dynamique entrepreneuriale. C'est pourtant ce système que vous voulez encourager en créant la possibilité de racheter les jours de repos.
D'ailleurs, si le texte est d'une grande imprécision sur les modalités exactes de ce rachat, il est en revanche sans ambiguïté quant à son principe : il s'agit bien d'augmenter le temps de travail des cadres, en échange d'une majoration dont le montant est inconnu, en ouvrant par exemple la possibilité à l'employeur d'expliquer aux cadres que, s'ils ne veulent pas se voir licenciés pour faute professionnelle lourde sans indemnité, il leur faudra renoncer à leurs jours de RTT.
Mais ce ne sont pas seulement ceux dont le compte épargne-temps est trop garni qui vont devoir racheter leurs jours de repos : en prenant cette mesure générale, le Gouvernement encourage le procédé.
Monsieur le ministre, vous jouez non seulement contre l'emploi présent, mais aussi contre l'emploi futur, et ce alors même que, en matière de durée du travail, les cadres sont mal protégés par la législation européenne actuelle. Une personne relevant d'une convention de forfait en jours, en effet, pourrait ne bénéficier que des règles relatives au repos quotidien de onze heures et au repos hebdomadaire. Le lien n'est que trop facile à faire avec la proposition de loi !
Poursuivre dans cette voie est clairement erroné, tant sur le plan du développement économique que sur le plan social.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 190.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le ministre, le libellé du paragraphe III de l'article 2 montre l'intérêt particulier que vous portez à la situation des personnels d'encadrement.
Il s'agit, concrètement, de leur proposer de choisir entre repos compensateur et rémunération complémentaire pour ce qui concerne les heures effectuées sous le régime du temps choisi.
La vérité est que, d'une certaine manière, ce paragraphe est l'hommage du vice à la vertu !
Quelle est la réalité du travail des cadres ?
Cela a été dit, ils sont, comme les autres salariés, victimes de la modération salariale. Ils constituent d'ailleurs le principal public d'expérimentation des formes individualisées de rémunération liées à l'atteinte d'objectifs de production, à la réalisation de contrats commerciaux ou à la concrétisation de projets de recherches et d'études.
Ils sont singulièrement visés - et pour cause ! - par l'ensemble des dispositifs de distribution de stock-options, par la mise en place de plans d'épargne retraite et, de fait, sont souvent victimes de politiques salariales menées au détriment de l'accroissement de la rémunération directe.
Parallèlement, ces dernières années, du fait de l'intensification des processus de production et de la complexité croissante des tâches qui leur sont demandées, ils sont aussi les premières victimes de l'incapacité à mettre en pratique la réduction du temps de travail. Ainsi, nous avons indiqué que la réalité du forfait-jours des cadres, eu égard au plafond existant, limitait la portée de la réduction du temps de travail à sept jours calendaires pour une année, c'est-à-dire environ quarante-neuf heures de présence pour l'ensemble d'un exercice.
Quarante-neuf heures de réduction du temps de travail pour quarante-sept semaines théoriques d'activité professionnelle, cela veut dire que, assez étrangement, le passage des 39 heures aux 35 heures s'est traduit pour les personnels d'encadrement forfaitisés par une réduction d'une heure par semaine de leur temps de travail ! Il y a là une arithmétique de la réduction qui nous échappe.
Voilà donc que, avec ce paragraphe III, on nous propose de permettre aux cadres, la tête sur le billot, de renoncer à leurs congés et d'opter pour une rémunération majorée dont le montant serait au demeurant fixé par un accord collectif : en clair, les heures choisies seraient rémunérées au petit bonheur la chance, avec un bonus ici de 10 %, là de 25 %, ailleurs de 15 %, sans que soit appliquée aucune autre règle que celle de l'existence d'un accord.
Quant aux conventions collectives qui interdisent expressément le recours aux heures supplémentaires - cela existe ! -, elles seraient hors champ d'application.
Soit dit en passant, rien n'empêche sans doute de penser que la majoration de ces « heures choisies » puisse trouver d'autres formes de compensation qu'une compensation salariale.
Tant que nous y sommes, qu'est-ce qui pourrait empêcher un employeur de proposer à un cadre la prise en charge d'une complémentaire santé qu'il aurait, lui, employeur, choisie en lieu et place du salarié pour couvrir ses dépenses de santé et celles de sa famille ? Cela existe, monsieur le ministre, vous le savez ! Je me demande si de telles dispositions sont respectueuses de la liberté du contrat, et je pense que vous devriez les examiner de plus près.
De fait, quand on y réfléchit bien, le paragraphe III de l'article 2 est bel et bien un outil destiné à renforcer l'individualisation de la rémunération des salariés. Or, pour la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail des cadres, il n'existe pas de solution individualisable qui soit acceptable, voire défendable.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, après le mot :
branche
insérer le mot :
étendu
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Acceptez-vous, monsieur le président, que je défende en même temps l'amendement n° 77 ?
M. le président. Certainement !
L'amendement n° 77, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, supprimer les mots :
, de groupe, d'entreprise ou d'établissement
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Claude Domeizel. Ces amendements pourront être considérés comme défendus lorsque je vous aurai dit que ce sont tous deux des amendements de coordination. (Sourires. -M. Simon Loueckhote applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du texte proposé par le III de cet article pour compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail par les mots :
, qui ne peut être inférieure au taux de 50 %
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement a pour objet d'appeler l'attention sur le montant de la majoration qui sera appliquée aux cadres au forfait en jours qui accepteront de renoncer à leurs jours de RTT, et peut-être à davantage encore.
Les seules barrières qui restent sont en effet celle des cinq semaines de congés payés - nous l'avons évoquée tout à l'heure - et celle du 1er mai, seul jour férié chômé légal. Il est vrai que certains accords, il faut le noter, acceptent le travail du 1er mai...
Sont ici concernés des cadres qui accomplissent déjà des journées fort longues, bien au-delà de sept ou huit heures par jour ; les journées de dix heures avec déplacements et déjeuners de travail ne sont pas rares. Ces cadres sont déjà victimes d'un rythme effréné, se voient imposer des contraintes de résultats à peu près inatteignables, vivent un stress constant et, de plus, ne passent que fort peu de temps avec leur famille.
Par parenthèse, peut-être les employeurs et les sociologues ne devraient-ils pas chercher plus loin la raison du désengagement massif des cadres par rapport à leur entreprise et du scepticisme massif qui règne dans cette catégorie ! Un jeune responsable informatique dans une importante société nous disait ainsi : « On sait désormais que l'on sera pressé comme un citron, puis jeté à cinquante ans. »
On va donc exiger des cadres qu'ils renoncent « volontairement » à leurs jours de RTT : c'est déjà placer la rémunération sur le même plan que les conditions de vie. Mais cela est parfaitement normal dans une perspective ultra-libérale, il n'y a pas lieu de s'en étonner ! Surtout, on va le faire alors que l'on ignore tout de ce que sera la majoration de rémunération pour ces jours travaillés au-delà des heures supplémentaires déjà forfaitisées. Une telle imprécision, pour une catégorie qui est déjà placée sous un régime d'exception au regard du droit du travail, ne peut laisser le législateur indifférent.
C'est pourquoi nous demandons que la majoration qui sera due pour cette renonciation soit au moins égale à 50 % du salaire calculé sur une base journalière.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du texte proposé par le III de cet article pour compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail par les mots :
par écrit avant la réalisation de ces jours supplémentaires de travail
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement a également pour objet la défense des intérêts des salariés. Il tend à rendre obligatoire que l'accord du cadre qui sera supposé avoir choisi de racheter ses jours de RTT soit recueilli par écrit avant la réalisation de ces jours de travail.
En effet, que va-t-il se passer dans les entreprises ? Un accord de principe sera obtenu sans difficulté par l'employeur qui aura déjà obtenu des salariés qu'ils aillent au-delà de leurs heures et jours de travail : on n'aura pas manqué d'invoquer la charge de travail, le devenir de l'entreprise, le sens des responsabilités, l'impossibilité d'accorder tous ces congés accumulés... pour faire pression sur eux.
Une fois cet accord de principe obtenu et éventuellement signé par un salarié mandaté, comment les accords individuels vont-ils se décliner ? Il faut éviter que des accords individuels de principe et portant sur une longue durée ne soient donnés oralement dans la foulée de l'accord d'établissement et que le salarié ne puisse ensuite s'en dégager. Le texte ne prévoit rien en la matière ; c'est là l'inconvénient de s'en remettre pour tout à l'accord !
Le problème ne pourrait-il d'ailleurs se poser aussi pour un employeur qui aurait affaire à un cadre stakhanoviste ou idéologiquement opposé à la RTT qui refuserait de prendre des jours de RTT ? (Rires.)
Moins paradoxalement, pour aider les salariés à bien mesurer ce à quoi ils s'engagent, pour qu'ils puissent éventuellement se faire conseiller, nous proposons d'inscrire dans la loi la nécessité d'une formalité écrite préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le III de cet article pour compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer ces jours supplémentaires de travail ne constitue pas une faute ou une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
L'amendement n° 81, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le III de cet article pour compléter le premier alinéa du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'effectuer ces jours supplémentaires de travail ne constitue pas un refus d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail visé à l'article L. 321-1. »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ces deux amendements sont directement liés à l'amendement précédent, qui portait sur l'accord écrit préalable du salarié. Celui-ci doit en effet pouvoir à tout moment se dégager de cette sujétion, dont on tente de nous faire croire qu'elle sera volontaire, et ce sans courir le risque d'être victime de sanctions.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 82 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 191 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le IV de cet article.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour défendre l'amendement n° 82.
M. Claude Domeizel. Le dernier alinéa de l'article L. 212-15-3 du code du travail est en quelque sorte un alinéa de précaution, ou de réparation. Il dispose en effet qu'un salarié, lorsqu'il a dépassé le plafond légal du nombre de jours travaillés annuellement, y compris les jours affectés sur un compte épargne-temps, « doit bénéficier, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement ».
Il est simplement prévu dans la proposition de loi d'ajouter à ce total les jours de congé auxquels le salarié aura renoncé : ils donneront donc droit à des jours. Mais, pardonnez ma candeur, monsieur le ministre : des jours de quoi ? Selon l'ancien système, on pouvait raisonnablement penser que le salarié surmené avait droit à des jours de congé ; dorénavant, aura-t-il droit à des jours de repos, ou bien aura-t-il le droit de stocker d'autres jours de travail sur son compte épargne-temps ? Sur le plan des conditions de vie et de travail, la différence n'est pas mince ! Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 191.
M. Roland Muzeau. Peu importe si week-ends, jours fériés et repos dominicaux n'ont plus guère de sens pour les personnels d'encadrement ; peu importe si l'infarctus ou la dépression peuvent les guetter avant qu'ils aient atteint l'âge de dénouer leur PERCO : tout doit être fait pour monétiser les congés payés et les congés acquis sous forme de repos compensateur.
Il est un point, relevé dans toutes les enquêtes d'opinion, qu'il ne faut pas sous-estimer : c'est l'attachement profond des personnels d'encadrement à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
J'invite d'ailleurs l'ensemble des parlementaires de la majorité et le Gouvernement, à travers vous, monsieur le ministre, à faire attention à cette donnée. En effet, les personnels d'encadrement sont tout de même des gens qui vous intéressent en temps ordinaire. C'est une France qui vous préoccupe et dont vous parlez beaucoup. Vous pouvez donc continuer à faire semblant de ne pas les entendre, mais vous vous réservez alors des lendemains qui déchantent. Il est vrai que vous y êtes un peu habitués, les dernières élections ayant quand même été des sanctions sévères.
Une enquête CSA réalisée au mois de février a montré que la majorité des salariés étaient favorables au maintien des dispositions sur les 35 heures et que 56 % d'entre eux étaient défavorables à la proposition de loi dont nous débattons.
Mais notons-le, et c'est là une situation pour le moins inédite, les personnels d'encadrement étaient quant à eux à 63 % défavorables à toute remise en cause de la réduction du temps de travail. Ils constituent même, d'après cette enquête, la catégorie de salariés la plus attachée à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
Et voilà que nous débattons depuis plusieurs heures d'un article qui met précisément à bas toute perspective réelle de réduction du temps de travail pour les personnels d'encadrement !
Quelles sont les véritables priorités en la matière pour ce qui nous concerne ? Légaliser le recours à des contrats à caractère individualisé tournant plus ou moins le dos aux règles légales en vigueur, au motif que des dispositions conventionnelles l'autoriseraient, ou plutôt poser les vraies questions ?
La première vraie question pour le personnel d'encadrement, c'est le rajeunissement des cadres et l'embauche effective de jeunes diplômés qui demeurent trop souvent aujourd'hui privés d'une affectation sur un poste correspondant à leurs compétences et leurs qualifications acquises au fil de leur formation initiale.
Certains cadres travaillent trop et ont des horaires à rallonge. Mais que l'on crée des emplois, c'est ce qu'ils demandent.
La seconde vraie question, c'est la discrimination salariale entre les personnels d'encadrement, hommes et femmes, qui atteint, selon les études de l'INSEE disponibles, 10 000 euros par an. Et ne nous voilons pas la face : qui pourra objectivement décider de faire des heures choisies ? La femme cadre directrice des ressources humaines, dont les enfants en bas âge ont besoin le week-end de profiter de quelques moments privilégiés avec leur mère ou le jeune loup technicien informatique prêt à tout pour occuper des fonctions de directeur d'agence ou de directeur exécutif ?
Le paragraphe IV du présent article 2, outre la légalisation du pseudo contrat libre individualisé entre le salarié et l'employeur, est un encouragement aux pires comportements prédateurs au sein des entreprises.
Nous ne sommes pas certains que le développement économique et la croissance dans notre pays soient facilités par la mise en concurrence des salariés entre eux.
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement qui vise à supprimer le paragraphe IV de l'article 2.
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 212-9 du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art L. ... - Un accord de branche étendu, ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un mode d'aménagement du temps de travail spécifique permettant d'organiser le temps de travail de manière individuelle ou collective, dans le cadre des dispositions des articles L. 212-1, L. 212-7-1, L. 212-8 ou L. 212-9 ou par les combinaisons de ces mêmes dispositions.
« Le mode d'organisation du travail devra respecter les dispositions légales relatives au repos quotidien et hebdomadaire.
« L'accord devra également rappeler ou préciser le cadre d'appréciation des heures supplémentaires. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet d'attirer l'attention sur la situation des associations du secteur social et médico-social, qui rencontrent, pour mettre en oeuvre la réduction du temps de travail en fonction des dispositifs d'annualisation-modulation, de cycles, de jours de réduction du temps de travail, un certain nombre de difficultés liées à leur fonctionnement en continu.
Pour satisfaire aux règles du droit du travail relatives à la réduction du temps de travail, ces associations ont adapté, dans le cadre d'un accord collectif, ces dispositifs, tout en respectant les règles relatives à la durée du travail, que ce soit la durée annuelle - 1 575 heures par an aujourd'hui -, la durée quotidienne, le repos quotidien ou les repos hebdomadaires.
Cependant, en prenant cette initiative, les associations n'ont pas respecté les modalités d'application de ces outils fixés par le code du travail, et cet amendement a donc pour objet de permettre d'adapter ces modalités à la spécificité du travail de ces associations.
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par MM. de Montesquiou et Pelletier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le III de l'article L. 212-15-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l'accord peut également préciser que les conventions de forfait en jours sont applicables aux salariés non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. »
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Plus de 100 000 salariés non cadres exercent leur fonction en se déplaçant, tels les commerciaux itinérants ou les visiteurs médicaux.
Ces personnes organisent elles-mêmes leur emploi du temps en fonction de la disponibilité des clients.
D'autres professions sont également concernées dans des secteurs multiples : le bâtiment, la distribution, les agents de maintenance, par exemple.
Avant les lois Aubry, la jurisprudence considérait que ces salariés relevaient, de par la nature de leur fonction, d'un régime de forfait de rémunération sans référence horaire.
La loi du 19 janvier 2000 a limité la possibilité d'utiliser le régime de forfait sans référence horaire aux seuls cadres dirigeants. Les salariés non cadres sont dès lors soumis à la réglementation du temps de travail, sur une base horaire.
Le présent amendement vise à leur permettre, s'ils le souhaitent, de se voir appliquer des conventions de forfait en jours et non plus en heures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Quand je pense que nous nous battons pour qu'il n'y ait pas de travail de nuit !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 53 et 170, qui visent à empêcher la création des heures choisies et sont donc contraires à l'architecture retenue pour ce texte. La commission a par conséquent émis un avis défavorable.
La mesure proposée dans l'amendement n° 175 aurait pour effet de renchérir le coût des heures complémentaires pour l'entreprise, ce qui dissuaderait les employeurs de faire travailler davantage leurs salariés à temps partiel et pénaliserait finalement ces derniers. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 174 vise à revenir sur la modification introduite par la loi Fillon du 17 janvier 2003. Nous n'allons pas défaire ce qui a été fait voilà quelques mois. La commission n'a pas voulu se déjuger, et elle a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 171 tend à revenir à un contingent de 130 heures, alors que le Gouvernement l'a porté récemment à 220 heures. Cela ne va évidemment pas dans le sens qui est souhaité, et la commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 172, en abaissant le seuil de déclenchement du repos compensateur obligatoire, renchérirait le coût des heures supplémentaires pour l'employeur et irait donc à l'encontre de l'objectif de la proposition de loi, qui est d'inciter à travailler plus. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 176 vise à revenir sur la liberté de nos partenaires sociaux de négocier librement. La commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 177 tend à empêcher la création des heures choisies, qui sont l'une des innovations majeures de la proposition de loi. Pour ce motif, la commission a émis un avis défavorable.
Les amendements nos 54 et 178 visent à empêcher la création des heures choisies. Ce n'est évidemment pas le sens de ce qui a été retenu par le Gouvernement et par la commission, laquelle émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 55, la procédure d'extension n'est pas une condition de validité des accords de branche. Elle en modifie simplement le champ d'application. On peut donc tout à fait concevoir que les heures choisies soient instituées par un accord de branche non étendu. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
Les amendements nos 56 et 179 sont en contradiction avec la philosophie suivie par la majorité depuis 2002 qui consiste à décentraliser la négociation collective pour qu'elle soit au plus près des réalités du terrain. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
L'amendement n° 57 prévoit que les accords instituant les heures choisies soient obligatoirement des accords majoritaires. Cette exigence, qui va au-delà des dispositions prévues par la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social, risque d'être un obstacle au développement des heures choisies dans les entreprises. La commission a par conséquent émis un avis défavorable.
L'adoption de l'amendement n° 58 créerait une confusion entre les heures supplémentaires et les heures choisies qui obéissent, vous le savez bien, à deux régimes distincts. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 59 part d'une intention généreuse, mais son adoption risquerait de poser de sérieux problèmes pratiques dans les entreprises. En effet, les salariés à temps partiel ne sont pas nécessairement ceux qui possèdent les qualifications requises pour effectuer à un moment donné les remplacements des heures choisies comme vous le souhaitez. La commission a donc émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 60, le texte de la proposition de loi indique déjà de manière très claire que les heures choisies sont effectuées uniquement par les salariés qui le désirent. Le refus d'effectuer des heures choisies ne saurait donc exposer un salarié, qu'il soit salarié ouvrier ou cadre - et j'aurai l'occasion de le répéter plusieurs fois dans la soirée - à une quelconque sanction. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 180, la commission a émis un avis défavorable au motif que les heures choisies étant obligatoirement effectuées avec l'accord du salarié, un éventuel refus de sa part ne saurait évidemment l'exposer à des sanctions disciplinaires.
L'amendement n° 61 est sans objet puisque les heures choisies n'ont pas d'incidence sur le contrat de travail. La commission a donc émis un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 117 rectifié, l'article L.132-26 du code du travail prévoit déjà que l'employeur puisse, en l'absence de délégués syndicaux, négocier avec les représentants élus du personnel, mais il subordonne cette possibilité à la conclusion préalable d'une convention de branche ou d'un accord professionnel étendu afin d'entourer cette procédure des garanties nécessaires. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 182 prévoit que l'accord collectif instituant les heures choisies soit obligatoirement un accord majoritaire. Cette exigence, je l'ai dit déjà tout à l'heure, va au-delà des prescriptions de la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social. L'amendement a pour objectif de rendre plus difficile la conclusion de tels accords, et la commission a donc émis un avis défavorable.
Les amendements nos 62 et 183 sont des amendements de suppression. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements nos 63 et 184, le texte de la proposition de loi prévoit que l'accomplissement des heures choisies aura obligatoirement une contrepartie pour le salarié, à savoir le paiement de ses heures à un taux majoré. Il laisse toute liberté aux partenaires sociaux pour prévoir éventuellement d'autres contreparties. Attachée à la liberté de la négociation collective, la commission ne souhaite pas revenir sur la rédaction du texte, et elle a donc émis un avis défavorable.
Les amendements nos 64 et 173 prévoient que les heures choisies seront rémunérées à un taux égal à celui qui est appliqué aux heures supplémentaires effectuées dans l'entreprise. Ce taux de majoration peut varier depuis que la loi Fillon du 17 janvier 2003 a autorisé les partenaires sociaux à le négocier. Les amendements proposés risqueraient de rendre prohibitif le coût des heures choisies pour l'entreprise et d'entraver ainsi son développement. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 185 prévoit que le seuil de déclenchement du repos compensateur obligatoire soit toujours de 130 heures, même si un accord conventionnel a prévu un contingent d'heures supplémentaires supérieur. Il prévoit ainsi de revenir sur une des mesures de la loi Fillon du 17 janvier 2003 et amoindrirait donc le rôle de la négociation collective en matière d'heures supplémentaires. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements nos 65 et 186, le texte de la proposition de loi offre déjà de solides garanties aux salariés puisqu'il prévoit que la réalisation d'heures choisies est subordonnée d'abord à la conclusion d'un accord collectif, puis à l'accord du salarié. Il y a un double verrou ; il n'est donc pas nécessaire de prévoir, de surcroît, l'autorisation de l'inspection du travail et l'intervention des représentants du personnel. La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n° 187 tend à supprimer l'alinéa dans lequel est rappelée la durée maximale hebdomadaire du travail que les salariés ne doivent pas dépasser. Or cette importante garantie doit être maintenue, et la commission émet donc un avis défavorable.
Il en est de même s'agissant de l'amendement n° 188, qui vise à renforcer les droits des salariés en matière de repos compensateur tout en interdisant à ces derniers d'affecter la contrepartie sur un compte épargne-temps, ce qui va manifestement à l'encontre de la philosophie du texte.
L'amendement n° 74 a pour objet de restreindre les catégories de salariés pouvant être couverts par les conventions de forfait en heures, lesquelles peuvent pourtant s'avérer utiles pour les entreprises. Une telle restriction ne paraissant pas souhaitable, la commission y est défavorable.
La commission a évidemment émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 66 et 189, qui visent à empêcher les salariés ayant conclu une convention de forfait en heures d'effectuer des heures choisies.
En ce qui concerne l'amendement n° 67, la procédure d'extension n'est pas une condition de validité des accords de branche ; elle en modifie simplement le champ d'application. Il est donc tout à fait concevable que les heures choisies soient instituées par un accord de branche non étendu, et la commission émet donc un avis défavorable.
Les auteurs de l'amendement n° 68 s'opposent à la philosophie suivie par la majorité depuis 2002, qui consiste à décentraliser la négociation collective pour qu'elle soit au plus près des réalités du terrain. La commission émet donc un avis défavorable sur ce texte.
L'amendement n° 69 prévoit que les accords collectifs instituant un régime d'heures choisies pour les cadres soumis à une convention de forfait en heures soient obligatoirement des accords majoritaires. Je l'ai déjà dit, une telle exigence risquerait de freiner le développement des heures choisies. La commission émet donc un avis défavorable.
L'adoption de l'amendement n° 70 aurait pour effet de rendre très coûteux le recours aux heures choisies pour les cadres au forfait en heures. Cela s'avérerait dissuasif pour les employeurs puisque le taux de la majoration ne pourrait être inférieur à 50 %. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 71 vise à obliger les cadres soumis à des conventions de forfait en heures à faire connaître, par écrit, leur souhait d'effectuer des heures choisies. Or la commission estime qu'il revient aux partenaires sociaux de définir le formalisme qui entoure le recours aux heures choisies. Elle émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 72 n'a pas de raison d'être, puisqu'il est clairement indiqué dans le texte que les cadres couverts par une convention de forfait en heures accomplissent des heures choisies uniquement s'ils le désirent. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 73 n'a pas d'objet puisque le recours ou non aux heures choisies n'a aucune incidence sur le contrat de travail.
L'amendement n° 111 vise à faire bénéficier les salariés itinérants non cadres des conventions de forfait en jours, qui sont aujourd'hui réservées aux seuls cadres. Si nous reconnaissons qu'il y a, sur ce sujet, une forte demande de la part des employeurs mais aussi de certains membres du personnel, il faut tout de même souligner que les conventions de forfait en jours soulèvent de délicates questions relatives à la durée du travail. Monsieur le ministre, la commission a donc souhaité entendre le Gouvernement avant de se prononcer sur cet amendement.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 75 et 190, au motif qu'ils visent à empêcher les cadres soumis à une convention de forfait en jours de renoncer à des jours de repos en échange d'un complément de rémunération, ce qui va à l'encontre de l'objectif principal du texte, à savoir autoriser les salariés à « travailler plus pour gagner plus ».
En ce qui concerne les amendements nos 76 et 77, des amendements analogues ont déjà été discutés. La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 78 a pour objet d'imposer une majoration de salaire d'au moins 50 %, en contrepartie de la renonciation du salarié à une partie de ses jours de repos. Or chacun comprend que cela rendrait prohibitif le recours au dispositif prévu pour les entreprises, ce qui empêcherait leur essor.
La question soulevée dans l'amendement n° 79 a déjà été abordée à deux reprises au cours du débat. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n° 80 n'a pas d'objet puisqu'il ressort clairement du texte de la proposition de loi que la renonciation à des jours de repos est volontaire. Elle ne peut donc avoir aucune incidence, notamment en termes de sanction. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 81, je le répète, la décision d'un salarié de renoncer ou non à des jours de repos est sans incidence sur son contrat de travail. La précision proposée dans cet amendement est donc tout à fait superflue.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 82 et 191.
S'agissant de l'amendement n° 99, monsieur Mercier, sa rédaction n'est pas assez précise pour être acceptée en l'état. Il est possible que la réglementation actuelle pose des difficultés à certains secteurs d'activités, mais il conviendrait alors de bien cerner les problèmes posés pour pouvoir les résoudre.
En fait, l'adoption de cet amendement conduirait à ce que les partenaires sociaux organisent le temps de travail, en s'affranchissant à peu près complètement des règles légales. Par conséquent, la commission souhaiterait entendre le Gouvernement sur ce sujet.
L'amendement n° 107 rectifié vise à élargir le bénéfice des conventions de forfait en jours à des salariés non cadres. S'il y a là une vraie demande de la part des employeurs et de certains salariés, la commission est attentive aux conséquences d'une telle mesure sur la durée du travail. Elle souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, mes chers collègues, à cet instant du débat sur un sujet qui fait beaucoup réagir les Français, je souhaite revenir sur les résultats, qui avaient fait sourire certains, d'un sondage paru dans un journal vendu surtout le dimanche.
Or, ce matin, j'ai pu lire un autre sondage dans un journal tout aussi renommé.
M. Roland Muzeau. Le Figaro ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Je ne le citerai pas ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Comment voulez-vous qu'on le lise ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. J'ai demandé à l'institut de sondage concerné de me faire parvenir les résultats détaillés de l'enquête. Comme je viens de les recevoir, il me semble intéressant de vous en lire très rapidement, à titre indicatif, quelques passages.
« Une assez large majorité de Français se révèle favorable à un assouplissement des 35 heures. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Au total, une telle évolution suscite l'approbation de 62 % d'entre eux, 35 % manifestant au contraire leur opposition à un tel assouplissement.
« Ce qui frappe le plus, c'est certainement la part de personnes très désireuses que les choses évoluent. Si traditionnellement sur les questions d'opinion, les personnes interrogées se retranchent sur les items intermédiaires pour nuancer leur opinion - "plutôt favorable", "plutôt opposé" -, ce n'est pas ici le cas, puisque les Français approuvant "tout à fait" cet assouplissement sont presque aussi nombreux que ceux le souhaitant "plutôt" - respectivement 30 % et 32 %. [...]
« Logiquement, cette question, éminemment politique, fait apparaître d'importants clivages : si l'assouplissement fait quasiment l'unanimité à droite, les sympathisants de gauche se révèlent très partagés sur la question - 48 % d'entre eux y sont favorables, autant y sont opposés.
« Parallèlement, les salariés du privé y sont plus favorables - 68 % - que ceux du public même si ces derniers l'approuvent majoritairement - 53 %. [...]
« Mais le signe le plus fort démontrant que les esprits sont très certainement mûrs pour une évolution du régime des 35 heures réside très probablement dans le fait que les salariés du secteur public eux-mêmes sont aujourd'hui presque aussi nombreux à souhaiter cette extension - 46 % - que ceux d'entre eux qui manifestent leur hostilité - 50 %. »
Même s'il ne s'agit que de données indicatives, il m'a semblé intéressant de vous en faire part. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Eliane Assassi. Et alors ?
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que ça prouve ?
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. Que l'on a raison d'assouplir le temps de travail !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. D'une manière générale, le Gouvernement ne peut être favorable aux amendements de suppression totale ou partielle de l'article 2.
En définitive, la portée de cet article est importante : il prévoit en effet, pour un salarié, la possibilité - il ne s'agit bien, en effet, que d'une possibilité - d'effectuer des heures ou des jours de travail au-delà du contingent conventionnel d'heures supplémentaires applicable dans l'entreprise, contingent qui n'est pas automatiquement fixé à 120 heures et qui peut être déterminé par un accord, ou au-delà du forfait pour les salariés au forfait.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, cette possibilité s'inscrit dans un cadre très strict, avec plusieurs principes.
Premier principe : un accord collectif est obligatoire. Par conséquent, en l'absence d'un tel accord, il n'y aura pas de dispositif d'heures choisies.
Deuxième principe : le volontariat du salarié. A la différence des heures supplémentaires, l'accomplissement de ces heures ou de ces jours dépend de l'accord exprès du salarié. Monsieur Godefroy, vous pouvez donc être rassuré sur ce point !
Pour le dire autrement, seuls les salariés volontaires entreront dans un tel mécanisme. Naturellement, l'employeur ne pourra tirer aucune conséquence disciplinaire du fait que tel ou tel salarié ne serait pas volontaire. Je prends le temps pour le préciser de nouveau, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale.
Il ne peut donc y avoir aucune sanction ou rupture du contrat de travail pour un salarié qui, tout simplement, ne donnerait pas son accord pour effectuer ces heures.
Troisième principe : le respect des règles relatives à la durée maximale du travail et du repos. Par conséquent, l'inspection du travail aura naturellement pour mission de contrôler ces règles, s'agissant notamment de la durée maximale.
Monsieur Muzeau, monsieur Fischer, tout cela constitue une différence majeure avec le mécanisme de l'« opting out », que j'ai évoqué hier et qui est autorisé, à titre provisoire, par une directive communautaire. Vous le savez, je me bats pour que cette autorisation provisoire soit supprimée, même si certains souhaiteraient, au contraire, la poursuite de ce mécanisme qui est d'ailleurs plus connu, dans le patois bruxellois, sous le nom de « phasing out ».
Quatrième principe : le taux de majoration des heures effectuées. Il se situera au moins à la hauteur du taux retenu pour les heures supplémentaires, soit 10 %, voire à 25 % ou à 50 %.
J'ai entendu certains orateurs mettre en doute l'opportunité d'une telle mesure, au motif que les entreprises françaises ne consommeraient pas leur contingent d'heures supplémentaires.
Vous le savez, en matière économique, les moyennes n'ont guère de sens. Hier, j'ai cité un secteur industriel qui, tout en étant très porteur aujourd'hui, ne dispose pas d'une main-d'oeuvre immédiatement disponible en termes de formation. Il faut donc également se préoccuper du développement de la formation professionnelle et du renforcement de l'apprentissage.
A cet égard, je rappelle que le plan de cohésion sociale fixe un objectif à cinq ans de 500 000 apprentis, qui est extrêmement important à nos yeux.
Au demeurant, il existe une vraie différence, je tiens à le dire, entre les heures supplémentaires, qui relèvent de la décision du chef d'entreprise et sont encadrées, et les heures choisies.
Puisque les accords de Matignon de 1936 ont été évoqués, je vous précise, après vérification, qu'ils n'avaient pas prévu un plafond d'heures supplémentaires. En effet, le mécanisme instauré en 1936 a eu pour objet de fixer la durée hebdomadaire du travail à 40 heures et de faire émerger ainsi des heures rémunérées autrement : un taux de majoration de 25 % était appliqué pour les huit premières heures supplémentaires et, au-delà, un taux de 50 %.
Les seuils fixés en 1936 portaient sur le temps de travail des enfants et des femmes. Je reviendrai sur ce point, qui me paraît important, dans un instant, car un texte est en préparation sur ce sujet. Mme Luc évoquait tout à l'heure le rassemblement des femmes maires de France, qui aura lieu prochainement au Sénat : s'agissant de la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, le droit existe, mais il est vrai que la réalité est loin d'être satisfaisante, comme je le disais hier.
Le souci de faire correspondre le droit et la situation concrète des femmes est, vous le savez, une priorité du Président de la République, comme il l'a rappelé dans ses voeux aux forces vives. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Des promesses !
Mme Hélène Luc. Il faut des moyens !
M. Guy Fischer. La fracture sociale a déjà dix ans !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La véritable garantie de l'égalité réside non pas dans le seul contrôle, mais aussi dans les dispositifs que nous établirons. Très bientôt, vous aurez l'occasion de débattre d'un projet de loi qui sera déposé sur ce sujet.
Monsieur Domeizel, je reviens sur la jurisprudence de la Cour de cassation que vous avez citée et qui ne s'applique pas à ce dispositif. Avec les heures choisies, nous sommes dans une logique différente, qui est celle de l'encadrement collectif et du volontariat individuel.
Ces quelques réflexions me permettent à la fois de répondre au rapporteur et d'émettre plus rapidement l'avis naturellement défavorable du Gouvernement sur les amendements de suppression, comme je l'ai dit en préambule de mon intervention.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 53 et 170.
S'agissant de l'amendement n° 175, qui vise à modifier le taux de majoration du salaire pour les heures supplémentaires, je rappelle qu'il existe un taux plancher, mais que l'accord peut fixer des taux et des modes d'organisation différents. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Sur l'amendement n° 174, dont l'objet est assez comparable à celui de l'amendement précédent, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 171, il vise à rétablir le contingent de 130 heures maximum d'heures supplémentaires. L'idée de régler les problèmes dans la diversité et au plus près de l'entreprise sous-tend non pas la loi du 4 mai 2004 mais les lois Auroux de 1982, qui ont abandonné le régime de l'autorisation des heures supplémentaires par l'inspection du travail, pour fixer un forfait.
C'est autour de ce thème que se décline, il est vrai, de plus en plus, au niveau de l'entreprise et du groupe, un droit relatif aux heures supplémentaires Mais ce droit n'est pas apparu dans la loi du 4 mai 2004, et les lois de 1998 et de 2000 s'inscrivent dans le sillage des lois de 1982.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur l'amendement no 171, ainsi que sur les amendements nos 172 et 176.
L'amendement n° 177 vise à supprimer le I de l'article 2, qui institue le régime des heures choisies. Celles-ci étant librement effectuées par le salarié, je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant des amendements identiques nos 54 et 178, comme je m'en suis expliqué tout à l'heure, le Gouvernement a également émis un avis défavorable.
L'amendement n° 55 vise à insérer le mot « étendu » après les mots « accord collectif de branche » dans le premier alinéa du texte proposé par le I de l'article 2 pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.
Je rappelle qu'un tel mécanisme, lorsqu'il est étendu à l'ensemble de la branche, a des conséquences pour l'ensemble des entreprises concernées de cette branche. Or nous pensons que la négociation collective n'implique pas une extension automatique et obligatoire des accords. En règle générale, ce sont les partenaires sociaux qui doivent, dans leur négociation, demander ou non une telle extension. Nous offrons donc aux partenaires sociaux cette possibilité, qui n'est pas du tout exclue.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 55.
Il a également émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 56 et 179, qui visent à supprimer des niveaux de négociation, ceux du groupe, de l'entreprise ou de l'établissement.
S'agissant de l'amendement n° 57, je souhaite rappeler la règle issue de la loi du 4 mai 2004.
M. Roland Muzeau. La loi Fillon ! Eh oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Elle est issue d'une déclaration commune des partenaires sociaux...
M. Roland Muzeau. Mais non !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'exclus l'un d'eux, qui s'était lui-même exclu de la déclaration commune de 2001.
Il s'agit donc de la transcription de l'accord majoritaire ou du désaccord majoritaire, qui peut être un mode de fonctionnement, comme en témoigne un certain nombre de situations...
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas la Bible ! Et quand bien même, d'ailleurs !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur l'amendement nos 57 ainsi que sur l'amendement n° 59.
Il en est de même pour l'amendement n° 60, qui évoque la notion de sanction. A ce titre, je tiens à redire, comme je l'ai fait tout à l'heure de manière un peu solennelle, que, avec le régime des heures choisies, on ne trouvera aucune justification pour une sanction ou pour une rupture du contrat de travail.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement no 60 ainsi qu'aux amendements nos 180 et 61.
S'agissant de l'amendement n° 117 rectifié, M. Dassault a indiqué qu'il le retirerait si je lui apportais un certain nombre d'éclaircissements. (Exclamationss sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. Il est parti !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La loi du 4 mai 2004 a permis de fixer un certain nombre de règles dans les entreprises qui n'ont pas de délégués syndicaux : elles peuvent désormais signer un accord, à condition qu'il soit renvoyé à la commission nationale paritaire, ou, tout simplement, par le biais du mandatement.
Par conséquent, M. Dassault a la réponse à la question qu'il m'a posée : d'ores et déjà, dans les entreprises de moins de 250 salariés, le dispositif prévu à l'article 2 de la proposition de loi peut être prévu par un accord.
Encore faudra-t-il s'appesantir, à l'article 3 - nous reviendrons sur ce point -, sur la procédure du mandatement dans les très petites entreprises.
S'agissant de l'amendement no 182 et des amendements identiques nos 62 et 183 relatifs à la validation des accords collectifs relatifs aux heures supplémentaires, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Concernant les amendements identiques nos 63 et 184, les contreparties en repos au titre des heures choisies sont contraires au régime des heures choisies. Il appartient aux partenaires sociaux de définir les modalités selon lesquelles ils peuvent recourir aux heures choisies, en prévoyant, s'ils le souhaitent, les modalités de compensation en repos. C'est donc l'accord collectif, et non la loi, qui fixera ces modalités. Il revient aux partenaires sociaux de définir les conditions d'application de leur accord. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
S'agissant des amendements identiques nos 64 et 173, qui visent à définir le taux de majoration, j'ai dit tout à l'heure qu'il existe un taux plancher et que l'accord peut fixer un taux supérieur. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 185, qui est relatif au déclenchement du repos compensateur.
Sur les amendements identiques nos 65 et 186, qui tendent à modifier le régime des heures choisies, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Avec l'amendement n° 4, monsieur le rapporteur, vous interrogez le Gouvernement sur la durée maximale de travail.
Les heures choisies, je le dis solennellement, ne peuvent avoir pour effet de porter le temps de travail au-delà des durées maximales prévues par le code du travail.
Or, quelles sont ces durées maximales ? L'article L. 212-1 du code du travail fixe la durée maximale de travail à 10 heures par jour et l'article L. 212-7 du même code, à 48 heures par semaine. S'ajoutent à ces dispositions les règles relatives aux repos et aux congés obligatoires.
La proposition de loi est, sur ce point, sans aucune ambiguïté, et je pense donc, monsieur le rapporteur, après cet éclaircissement, que vous pourriez retirer l'amendement n° 4.
Par ailleurs, vous savez également que cette règle est également celle de la directive européenne, qui fixe la durée maximale de travail à 48 heures ou à 44 heures sur 12 semaines.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 188, qui vise à modifier le régime de repos compensateur obligatoire.
S'agissant de l'amendement n° 74 relatif à la possibilité, pour les salariés itinérants non cadres, de conclure des conventions de forfait en heures sur l'année, les dispositifs d'aménagement du temps de travail ouverts aux salariés itinérants non cadres ont déjà été modifiés par la loi du 17 janvier 2003 et nous ne souhaitons pas revenir à la rédaction antérieure. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est également défavorable, en toute logique, aux amendements identiques nos 66 et 189.
L'amendement n° 67 étant un amendement de coordination avec l'amendement n° 55, le Gouvernement n'y est pas favorable.
De même, l'amendement n° 68 étant un amendement de coordination avec l'amendement n° 56, le Gouvernement y est donc défavorable.
L'amendement n° 69 pose la question de la représentativité des signataires de l'accord prévoyant que les cadres peuvent travailler au-delà de la durée prévue dans la convention de forfait. Il est similaire à l'amendement n° 57, qui concernait les non-cadres. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
L'amendement n° 70 est analogue à l'amendement n° 173, et le Gouvernement y est défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 71, qui vise à préciser que l'accord du salarié doit être formulé « par écrit avant la réalisation de ces heures », nous avons prévu l'accord exprès qui, s'il n'est pas obligatoirement écrit, peut l'être. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Là encore, c'est l'accord collectif qui devra prévoir le « mode de recueil » de l'accord individuel, et le Gouvernement n'est pas favorable à ce que cette précision figure dans la loi.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 72, qui est analogue à l'amendement n° 60.
Il en est de même s'agissant de l'amendement n° 73, analogue à l'amendement n° 61.
Mesdames Procaccia et Gousseau, l'amendement n° 111 a pour objet de permettre aux itinérants non cadres de conclure des conventions de forfait en jours à l'instar des cadres.
Mme Raymonde Le Texier. Elles sont quand même plus intéressantes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. A ce titre, je rappelle que ces salariés peuvent d'ores et déjà conclure des conventions de forfait en heures, sur une base annuelle de 1 607 heures, ce qui constitue déjà un élément de souplesse.
Cependant, je conçois que ce système peut se révéler inadapté pour certaines catégories de salariés qui, bien que non cadres, se déplacent systématiquement et changent sans cesse de lieu de travail hors de l'entreprise.
Il s'agit d'un sujet non seulement important mais aussi délicat, sur lequel toute évolution des règles doit être réfléchie. Le Gouvernement a prévu d'engager rapidement cette réflexion, mais souhaite une concertation préalable. Par conséquent, je souhaiterais, mesdames Procaccia et Gousseau, que vous puissiez retirer cet amendement, puisque la concertation s'engage sur cette question des itinérants non cadres.
Les amendements identiques nos 75 et 190 visent à supprimer le III de l'article 2, qui prévoit que les salariés peuvent renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration de leur salaire. Le Gouvernement y est défavorable.
L'amendement n° 76 a pour objet l'extension de l'accord. Le Gouvernement y est défavorable puisque ce sont les partenaires sociaux qui devront prévoir s'ils souhaitent l'extension de l'accord collectif.
Par parallélisme, le Gouvernement émet le même avis sur l'amendement n° 77.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est une hécatombe !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 78 relatif au taux de majoration, ainsi que sur l'amendement n° 79 visant à prévoir un accord par écrit : c'est l'accord collectif qui devra déterminer la nature de l'accord personnel du salarié.
Il en est de même pour l'amendement n° 80, puisque j'ai déjà expliqué que le refus du salarié d'effectuer des heures supplémentaires ne peut être une cause de rupture de son contrat de travail ou de poursuites disciplinaires contre lui.
Le Gouvernement est également défavorable aux amendements identiques nos 82 et 191.
Par le biais de l'amendement n° 99, M. Mercier pose une question majeure ...
Mme Raymonde Le Texier. A droite, ce sont toujours des questions majeures. C'est incroyable ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... que nous avons déjà abordée hier au travers de l'intervention de M. Jean-Léonce Dupont.
Il s'agit d'un système qui est né de l'accord, lié notamment aux lois Aubry, passé par les établissements sociaux et médico-sociaux appartenant à des associations et sans but lucratif. Avec les régimes de la tarification, trois systèmes différents vont s'appliquer, et notamment une convention collective qui pose aujourd'hui à ces établissements des problèmes de fonctionnement.
Je peux simplement vous dire que, dans les jours qui viennent, nous allons entamer une discussion avec la fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif, la FEHAP, qui représente ces établissements de manière très majoritaire. Nous étudierons les moyens d'adapter les conditions collectives de travail. En effet, un certain nombre de mécanismes bloquent totalement la continuité du service. Nous examinerons également les conditions de l'équilibre financier de ces établissements par rapport à des établissements publics ou à des établissements privés à but lucratif. Je crois donc qu'il nous faut trouver de nouveaux équilibres.
Quoi qu'il en soit, à ce stade de la discussion, monsieur Mercier, je souhaiterais que vous acceptiez de retirer votre amendement. Je tiens à dire au Sénat, et à vous-même en particulier, que le Gouvernement s'engage à entamer cette discussion avec la FEHAP.
A la lumière des propos que j'ai tenus en m'exprimant sur l'amendement n° 111 de Mme Procaccia, je souhaiterais que M. Pelletier accepte de retirer son amendement n° 107 rectifié. Cela favoriserait certainement la réflexion, ainsi que la concertation avec les partenaires sociaux, qui nous paraît nécessaire pour les itinérants non cadres.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'éclairage que je pouvais apporter à nos débats.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 53 et 170.
M. Claude Domeizel. Madame Lamure, un peu comme la mule du pape qui a attendu sept ans pour donner un coup de pied à Tistet Védène (Rires sur les travées du groupe socialiste.- Mme Dominique Voynet applaudit), vous avez attendu vingt-quatre heures pour réagir aux propos que j'ai tenus hier en défendant la motion tendant à opposer la question préalable !
Vous avez soutenu que le taux de satisfaction des salariés relevant de la législation des 35 heures était loin d'atteindre 100 %. Madame Lamure, je vous signale que, contrairement à vous, qui auriez pu intervenir dès hier soir, j'ai dû attendre patiemment jusqu'à maintenant pour pouvoir m'exprimer !
Vous avez indiqué que cette information n'était pas tout à fait exacte puisque 23 % des salariés étaient satisfaits. J'avais déclaré, pour ma part, que 77 % d'entre eux étaient mécontents. Nous disons donc la même chose ! Si je vous ai dit que je devinais votre réponse, c'est parce que j'ai cité hier le sondage dont vous nous avez fait part.
Je suis au courant du sondage qui est paru aujourd'hui. Il fait apparaître que 62 % des personnes interrogées sont favorables à l'assouplissement des 35 heures. Mais ce ne sont pas les mêmes personnes ! Les 77 % sont les salariés qui se trouvent sur le terrain, tandis que les 62 % sont « tout public », ce qui est tout de même assez différent.
Et j'ajouterai, madame Lamure, que, si ces 62 % sont tout à fait favorables à cet assouplissement, c'est parce qu'ils n'ont pas encore réalisé le caractère mensonger de votre publicité, « travailler plus pour gagner plus ».
M. Guy Fischer. L'arnaque !
M. Claude Domeizel. Mais lorsqu'ils vont s'apercevoir que c'est le patron qui décide d'attribuer les heures supplémentaires, que c'est toujours le patron qui décide de payer ces heures ou de les inclure dans le compte épargne-temps, quand ils vont comprendre qu'ils vont être rémunérés par une utilisation abusive du compte épargne-temps, autrement dit qu'ils vont être payés en monnaie de singe, les résultats du sondage vont sans doute être différents. Et quand ils vont arriver au constat que toute cette loi entraînera la casse du code du travail, que l'ensemble du dispositif prévu est à l'avantage de l'employeur, la situation va peut-être changer.
Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, je voterai les amendements identiques nos 53 et 170.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. A cette heure tardive, alors que nous terminons l'examen de l'article 2, je constate que, plus nous avançons dans les débats, plus il est évident que votre politique, monsieur le ministre, confine à l'irresponsabilité sociale !
Cette politique totalement irresponsable, qui est évidemment issue des ultras de l'UMP et de l'UDF, vous réservera de vilains tours. Je n'ai pas eu besoin de lire dans le marc de café pour le dire puisque c'est une évidence que reconnaissent tous les économistes : vous faites un battage médiatique autour de slogans et de promesses qui ne pourront satisfaire, vous le savez bien, les demandes légitimes des salariés et des demandeurs d'emplois. C'est incroyable à quel point nous baignons dans l'hypocrisie, le mensonge, la duplicité !
Au moins peut-on constater quelques éclairs de vérité dans nos débats. M. le rapporteur a fort justement relevé qu'un certain nombre des amendements du groupe CRC et du groupe socialiste augmenteraient le coût du travail. Mais le but visé, c'est l'augmentation des rémunérations pour les salariés, c'est le « gagner plus », monsieur le rapporteur. Et à partir du moment où vous indiquez - M. le ministre le confirme -, que les mesures que nous proposons coûtent trop cher, vous refusez, de fait, le « gagner plus ». C'est une évidence !
M. Jean-Pierre Godefroy. CQFD...
M. Roland Muzeau. Mais à ce stade de nos débats, je souhaiterais tout de même vous dire un mot gentil, ...
Mme Dominique Voynet. Un dernier !
M. Roland Muzeau. ... non pas que j'aie été méchant pendant tous ces débats, mais parce que j'estime que, contrairement à la façon dont vous avez répondu à nos amendements à l'article 1er, la pédagogie a fait son effet : la discussion sur l'article 2 a permis que le rapporteur et le ministre donnent des explications sur les amendements. Cette méthode de travail est tout de même meilleure pour la qualité de nos débats.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Permettez-moi simplement, monsieur le président, de formuler quelques remarques générales.
Nous avons les oreilles rebattues par deux slogans : « travailler plus pour gagner plus » et « rétablir la liberté de choix ».
Je souhaiterais citer une nouvelle fois quelques passages d'un article écrit par un professeur de sciences économiques à l'université Paris-X, M. Olivier Favereau, dont les idées sont très intéressantes. Celui-ci écrit : « On voit parfaitement la cohérence commune aux deux slogans : une relecture hyperindividualiste des relations du travail. Chaque salarié est invité à tirer son épingle du jeu, en "proposant" à son employeur de travailler plus longtemps. On peut même redouter une mise en concurrence des salariés, où travailler "plus longtemps" signifierait travailler "plus longtemps que son voisin". »
Ce passage nous permet de bien mesurer cette course à l'impossible, cette course en direction d'une catastrophe annoncée, à savoir la dégradation faramineuse des conditions de travail et de vie des salariés.
Un autre économiste, M. Giulio Palermo, indique ceci : « Mais qui est donc réellement plus libre ? Le travailleur qui peut enfin vendre une partie plus importante de sa journée de travail - pour obtenir toujours le même sacré morceau de pain - ou le patron qui peut enfin acheter une partie plus importante de la journée de travail du travailleur ? » Il ajoute, pour forcer le trait : « Le malheureux qui peut vendre un rein, ou celui qui peut se l'acheter ? Sur le marché nous sommes loin d'être tous égaux. Il y a toujours un côté fort et un côté faible. Le travailleur a besoin de travailler pour vivre, le patron a besoin de faire travailler pour s'enrichir. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je sais bien que cela vous écorche les oreilles, mais ce n'est pas grave !
M. Giulio Palermo poursuit : « L'un veut vivre, l'autre s'enrichir : là est la différence. Qui plus est, c'est cette différence qui écrase les salaires vers le bas. Il ne faut alors pas s'émerveiller de ce que les patrons insistent afin que la négociation sur la durée du travail ait lieu directement entre le patron et le travailleur, et non à un niveau centralisé, parce que c'est ainsi qu'ils pourront le mieux faire valoir l'asymétrie de pouvoir qui existe entre eux et les travailleurs. »
Que dit Force ouvrière sur le temps ? Que ce dispositif résulte « tout simplement de la suppression de l'avis de l'inspection du travail pour autoriser l'augmentation du volume d'heures supplémentaires ».
Pour Force ouvrière, « il est illusoire de laisser croire aux salariés qu'ils vont gagner plus en travaillant plus et qu'ils vont devenir responsables de leur gestion du temps de travail. N'oublions pas que le contrat de travail repose sur le lien de subordination : de plus, l'activité des entreprises ne peut qu'être soumise aux carnets de commande. Pourquoi le dispositif n'est pas ouvert aux salariés à temps partiel subi ? Quel impact sur les accidents du travail ? »
Ce que dit Force ouvrière, c'est exactement ce que disent la CFDT, la CGT, la CFTC, la CGC. J'en ai déjà parlé à plusieurs reprises.
Vous nous ressassez toujours cette pseudo-liberté du salarié face à un choix qui n'existe pas !
Je reprendrai une observation très intéressante de M. Gérard Filoche. A la question : « Que faut-il faire pour ces 18 % de salariés - d'après un sondage du Journal du dimanche - qui souhaitent pouvoir travailler plus pour gagner plus ? », il répond avec raison ceci : « Il faut les protéger contre eux-mêmes : les durées du travail relèvent de l'ordre public social, ces lois sont faites pour protéger la santé et l'emploi. Le progrès, c'est de travailler moins en gagnant plus, pas l'inverse. La France n'a jamais été aussi riche et aussi productive, les actionnaires n'ont jamais fait tant de profit, il est temps de redistribuer les richesses produites par le travail, pourquoi retourner au XIXe siècle ? »
Je vois bien l'impatience qui vous guide en cet instant, mes chers collègues. Mais si vous voulez jouer la montre pour entamer l'examen de l'article 3 à cette heure avancée de la nuit, sachez que j'interviendrai pour explication de vote sur nombre d'amendements...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Pas de menace !
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas une menace ! Nos débats, qui ont été très contradictoires mais sérieux, doivent rester ainsi jusqu'au bout. Je souhaite que nous arrêtions nos travaux après l'examen de l'article 2.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas vous qui décidez ! C'est le président !
M. Roland Muzeau. Si vous souhaitez bâcler ce texte en commençant l'examen de l'article 3, j'en tirerai les conséquences !
M. le président. Mon cher collègue, je vous fais remarquer que je préside encore !
La parole est M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je veux simplement informer nos collègues sur le contenu de l'accord Bosch, qui a été signé le 19 juillet et qui anticipait cette proposition de loi.
Cet accord résultait d'un chantage simple : il fallait, pour sauver 190 des 300 emplois à l'horizon 2008 et pour éviter une délocalisation en République tchèque, investir 12 millions d'euros sur le site. Je vous rappelle que l'usine de Vénissieux est certainement l'une des plus performantes au monde de par son savoir-faire historique.
L'objectif de réduction des coûts salariaux était fixé entre 15 % et 20 %. Il a été arrêté à 12,1 % par heure travaillée. Cela a engendré des mesures d'économie qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2005. Ainsi ont été supprimés le lundi de Pentecôte, mesure que l'on connaît, le jour de repos supplémentaire dit « du pont de l'Ascension » et les dispositions d'aménagement d'horaires et de sortie anticipée, avantages collectifs qui prévalaient jusqu'à présent.
La durée du travail a été augmentée : de 35 heures en moyenne hebdomadaire sur l'année, elle est passée à 36 heures à travers la suppression de six jours de RTT sur vingt.
Pour les équipes de suppléance, conséquence des 35 heures, c'est-à-dire celles qui travaillent le week-end, un jour de RTT a été supprimé, sans augmentation de rémunération.
Vient ensuite le problème des rémunérations et de la formation.
Les augmentations de salaires ont été modérées pour une période de trois ans. Les heures de travail de nuit seront désormais rémunérées avec une majoration de 20 % au lieu de 25 % auparavant. Cela va même jusqu'à la remise en cause de diverses mesures, concernant, par exemple, l'assiette du calcul des indemnités ; la subvention pour les activités sociales et culturelles accordée au comité d'établissement sera réduite de 0,25 %.
Je vous ai cité les mesures les plus importantes. Mais on voit bien le chantage qui est en oeuvre. Lors de la défense de la motion tendant au renvoi en commission, j'avais cité un certain nombre d'entreprises en apportant des détails.
Monsieur le ministre, je suis peut-être hors sujet, mais c'est cette réalité qui s'imposera de plus en plus aux entreprises françaises.
M. Roland Muzeau. Exactement !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est dans le cadre de la loi Aubry qu'a été signé l'accord Bosch et non dans celui de cette proposition de loi. Naturellement, nous avons fait expertiser ledit accord. Il y avait un accord collectif extrêmement favorable en deçà de la loi Aubry, vous le savez. Si l'on renégocie un accord en fonction d'une situation économique, c'est parce que l'on ne peut pas déconnecter le social de l'économique et l'économique du social.
Vous avez choisi le plus mauvais exemple par rapport à la proposition de loi que nous examinons ce soir. C'est de la loi Aubry pure ! Il s'agit tout simplement de l'application d'un accord collectif différent parce que la réalité économique est différente ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Cela avait été dit dans cet hémicycle !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 et 170.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 98 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 175.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 et 178.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 179.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, dans votre propos en réponse aux amendements, vous avez pris soin de dire que vous étiez d'accord sur une telle protection des salariés, puisque je m'étais inquiété des conséquences que pourrait avoir la loi de cohésion sociale dans ce cas précis.
Nous proposons d'insérer dans l'article L. 212-6-1 tel qu'il est proposé par l'article 2 de la proposition de loi l'alinéa suivant : « Le refus du salarié d'effectuer des heures choisies ne constitue pas une faute ou une cause réelle et sérieuse de licenciement. » Pourquoi refusez-vous d'inscrire dans la loi cette disposition puisqu'elle est conforme à la volonté que vous affichez ? Je n'ose pas imaginer que vous ne voulez pas accepter cet amendement parce qu'il a été déposé par le groupe socialiste.
M. Jean-Pierre Godefroy. Lors de l'examen d'autres textes, vous avez accepté certains amendements. Pourquoi n'acceptez-vous pas celui-là ? Vous avez pourtant pris soin de dire deux fois que vous étiez d'accord !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 99 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 180.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 117 rectifié.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, M. Dassault m'a fait savoir qu'il était obligé de partir et qu'il retirait son amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voulais simplement formuler une observation au sujet de l'amendement n° 117 rectifié.
J'ai entendu notre collègue M. Dassault dire que cette loi ne créerait pas d'emploi. C'est la parole d'un expert, issu de votre majorité ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 117 rectifié est retiré
Je mets aux voix l'amendement n° 182.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 et 183.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 184.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 173.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 186.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement no 4 est-il maintenu ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Compte tenu des assurances apportées par M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 188.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 66 et 189.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 71.
M. Jean-Pierre Godefroy. Là encore, monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que vous étiez pratiquement d'accord avec notre proposition.
Vous avez parlé d'« accord exprès ». Qu'est-ce juridiquement qu'un « accord exprès » ?
M. Roland Muzeau. C'est un ectoplasme politique ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour éviter des contentieux, et donc pour le confort tant des salariés que des employeurs, il faudrait à mon avis prévoir un accord écrit de renoncement au temps de repos. Sinon, expliquez-moi la valeur juridique de l'accord exprès.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 100 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 72.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Procaccia, l'amendement n° 111 est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 111 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 75 et 190.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 191.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. M. le rapporteur et M. le ministre m'ont fait remarquer que cet amendement était mal rédigé. Ils ont certainement raison. J'aurais préféré qu'ils me disent comment bien le rédiger, mais ils ne me l'ont indiqué ni l'un ni l'autre ! Je retire donc cet amendement, afin de leur laisser le soin de parvenir à une rédaction satisfaisante ! (Rires.)
M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.
Monsieur Pelletier, l'amendement n° 107 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Pelletier. M. le ministre a indiqué que ce problème important pour plus de 100 000 salariés sera abordé à la table des négociations et figurera probablement dans une loi prochaine. Je retire donc l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 107 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 101 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 204 |
Contre | 124 |
Le Sénat a adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.