compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Questions d'actualité au Gouvernement

Mme la présidente. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Le président du Sénat, M. Christian Poncelet, ne peut présider cette séance de questions d'actualité car il participe, en ce moment même, au Forum de l'entrepreneuriat en Europe, au Conseil économique et social des Nations unies. Le président Poncelet présente, devant des dirigeants politiques et économiques réunis par l'ONU, les actions engagées par le Sénat en direction du monde de l'entreprise.

Par ailleurs, M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, ne peut assister à notre séance de questions car il doit se rendre à Bruxelles pour rencontrer M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, au sujet de la proposition de directive sur les services. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

MOUVEMENTS SOCIAUX EN FRANCE

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, après la manifestation impressionnante de samedi dernier, réunissant des centaines de milliers de salariés du public comme du privé, et interrogé à ce propos il y a trois jours par François Hollande à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a déclaré être attentif aux demandes des syndicats.

Si les mots ont un sens, vous avez l'occasion de le montrer, puisque le débat parlementaire sur la question des 35 heures n'est pas terminé, le Sénat devant examiner prochainement cette question essentielle pour le monde du travail.

D'ores et déjà, la commission des affaires sociales du sénat a procédé aux auditions nécessaires. Celles-ci font apparaître qu'aucune organisation syndicale, y compris patronale, à l'exception notable du MEDEF,...

M. Jean-Pierre Bel. ...ne demande une deuxième remise en cause des 35 heures, après la loi Fillon dite « d'assouplissement ».

Par conséquent, monsieur le ministre, après la loi de 2004 relative au dialogue social, texte voté sur l'initiative de ce Gouvernement et qui mentionne qu'aucun nouveau projet de loi ne peut intervenir sans concertation préalable - ce qui, en l'occurrence, vous le savez bien, n'a pas été respecté -, comptez-vous vous donner les moyens de cette concertation...

M. Jean-Pierre Bel. ...ou bien allez-vous vous ranger derrière l'idée selon laquelle « les promesses n'engagent que ceux qui y croient » ?

Que doit-on attendre, monsieur le ministre, des déclarations faites il y a deux jours par M. Gaymard, ici présent, annonçant la création d'un conseil d'orientation sur les pistes de réforme du marché de l'emploi ? Allez-vous en saisir l'opportunité pour les 35 heures,...

M. Jean-Pierre Bel. ...ou s'agit-il d'un simple miroir aux alouettes ?

Vous êtes devant l'épreuve de vérité ! Le Gouvernement, et tout particulièrement le Premier ministre qui a l'habitude des discours compassionnels, a ici la possibilité de mettre ses actes en conformité avec ses déclarations.

Pouvez-vous nous annoncer, après ce mouvement de grande ampleur, une initiative en direction des organisations syndicales ? Sinon, nous serons bien obligés d'interpréter vos propos, de comprendre que vous avez un sens du dialogue sélectif et que, selon vous, il existe deux types de partenaires sociaux : ceux que vous écoutez sans même avoir besoin de les voir, autrement dit le MEDEF, et ceux que vous voyez sans jamais les entendre, à savoir les organisations syndicales représentatives des salariés de ce pays.

Prenez garde, monsieur le ministre, de rester totalement sourd au mécontentement qui s'exprime et de vous faire le simple porte-parole d'une organisation patronale.

Enfin, dites-nous clairement, en essayant d'éviter la polémique sur l'héritage du passé,...

M. Dominique Braye. Et quel héritage !

M. Jean-Pierre Bel. ...quelle suite vous allez donner aux manifestations de samedi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé que le jour même où l'Assemblée nationale, après de longs débats, votait une proposition de loi visant, d'une certaine manière, à moderniser les 35 heures (Applaudissements sur les travées de l'UMP) pour rendre cet acquis social compatible avec la compétitivité économique de notre pays, les syndicats et le patronat d'un pays voisin situé au nord de la France signaient, conventionnellement, quasiment le même accord. Ou alors, vous ne suivez pas l'actualité internationale et ce que font les partis socialistes européens. (Sourires sur les travées de l'UMP.) D'une manière générale, ils essaient de combiner l'aménagement du temps de travail dans les entreprises...

M. René-Pierre Signé. Il ne faut pas regarder ce qui se passe ailleurs !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. On peut regarder ce qui se passe ailleurs ! Vos amis socialistes, qu'ils soient britanniques ou allemands, tendent vers l'adaptation du temps de travail tout en préservant la compétitivité des entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Eh oui, cela vous dérange !

M. Jean-Marc Todeschini. Répondez à la question, monsieur le ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Par conséquent, la question est extrêmement simple. L'Assemblée nationale a voté une proposition de loi. Le Sénat est maintenant saisi de ce texte. Le débat est ouvert. Vos commissions ont la possibilité d'entendre les uns et les autres et un débat en séance publique aura lieu ici même.

Dans le même temps, le dialogue social se poursuit.

M. René-Pierre Signé. C'est une grande nouvelle !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est ainsi que les négociations sur la pénibilité, que vous n'aviez pas entreprises, sont maintenant ouvertes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une réponse !

RÉPARTITION DE LA BANDE FM

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

La radio est le média de proximité par excellence. Chaque jour et en moyenne pendant trois heures, elle est écoutée par plus de 90 % de la population. Néanmoins, et vous le savez, monsieur le ministre, en chaque point du territoire, au moins l'un des principaux programmes n'est pas accessible : seules seize villes reçoivent l'ensemble des fréquences du réseau national. Même le service public ne couvre pas tout le territoire ! Et s'il y a cinquante radios à Paris, nombre de villes en région n'en comptent qu'une dizaine. Pourquoi cette inégalité géographique subie sans volonté politique suffisante pour y mettre un terme ?

Cette situation, qui s'explique par la façon dont se sont développés les premiers réseaux publics, depuis près de cinquante ans, et par l'inactivité des gouvernements précédents n'a plus de sens. Il est même choquant que les progrès de l'électronique, de l'informatique, des télécommunications, des techniques de transmission et de réception ne soient toujours pas pris en compte en ce domaine. Il convient donc de remédier rapidement à cette situation.

M. Jean-Marc Todeschini. Que fait le Gouvernement ?

M. Philippe Nogrix. Il va plus vite que le précédent !

Au printemps dernier, dans le cadre de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, le Parlement, avec votre soutien - vous vous en souvenez, monsieur le ministre - a adopté un amendement tendant à charger le Conseil supérieur de l'audiovisuel de procéder, dans les trois mois suivant la date de publication de la loi, à une consultation contradictoire relative, d'une part, à l'aménagement du spectre hertzien et à l'élaboration d'un nouveau plan de fréquences en vue d'un développement optimal de la diffusion radiophonique sur la totalité du territoire, et, d'autre part, à l'optimisation de la diffusion et de la couverture des services associatifs, locaux, régionaux et thématiques indépendants.

La loi a été publiée le 9 juillet 2004, mais c'est seulement le 12 octobre suivant que la consultation contradictoire a été organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, soit bien après le délai prévu par le législateur.

M. Simon Sutour. La question !

M. Philippe Nogrix. J'y viens. Ne soyez pas impatient !

Cette consultation publique est close depuis le 31 janvier dernier, les opérateurs ayant remis à cette date au CSA les réponses au questionnaire qui leur avait été adressé.

Il ne s'agit pas seulement d'une réforme concernant un média particulièrement populaire et qui mettrait fin aux inégalités inacceptables résultant du plan de fréquences.

Mme la présidente. Veuillez poser votre question.

M. Philippe Nogrix. Il s'agit surtout d'offrir à chacun de nos concitoyens la liberté de pouvoir - enfin ! - écouter partout en France la radio de leur choix.

Pouvez-vous m'assurer, monsieur le ministre, de votre volonté de ne pas laisser cette réforme s'enliser, et ainsi de mettre un terme à une discrimination territoriale difficile à supporter, tant elle est injuste ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, en vous écoutant, j'ai d'abord songé au cri d'Antigone : «  tout, tout de suite, ou alors je refuse ! ».

M. René-Pierre Signé. C'est vraiment le ministre de la culture !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Puis j'ai considéré que vous défendiez avec beaucoup de passion la diversité à la radio, ce qui m'a rappelé cette expression extraordinaire, utilisée par une radio lors du congrès de Valence en 1981, dans les Alpes de Haute Provence : « Donnedieu de Vabres, pas la peine de le guillotiner, il n'a pas de tête ! » (Rires.)

Comme vous, monsieur Nogrix, je comprends tout le charme de la diversité de l'information, de la musique, de la culture en général grâce à la diversité des ondes. Vous avez donc raison de rendre hommage au travail que l'Assemblée nationale et le Sénat ont accompli pour faire en sorte que, face au risque de saturation de la bande FM, un certain nombre de dispositions techniques soient prises.

Le lancement de la radio numérique devrait, à moyen terme, permettre de répondre aux besoins des éditeurs, du fait du nombre plus élevé de programmes qui pourraient alors être proposés. Mais il s'agit là d'une perspective ultérieure.

Aujourd'hui, il faut agir - et vous avez raison de le souhaiter, monsieur le sénateur - avec un calendrier précis.

Les débats parlementaires avaient fixé le cadre d'amélioration de la planification de la bande FM afin de dégager de nouvelles ressources : consultation contradictoire menée par le CSA et possibilité pour le Conseil de proroger pour une durée maximale de deux ans les autorisations de radiodiffusion arrivant à échéance avant la fin 2006.

Je vais vous livrer trois éléments.

Premièrement, le CSA a engagé dans les délais requis la consultation publique contradictoire. Les résultats de cette consultation publique, close depuis plusieurs jours, ne sont pas encore disponibles, mais le CSA permettra à chacun d'accéder à une synthèse des contributions reçues.

Deuxièmement, le CSA, en liaison directe avec mon ministère, étudie les différentes possibilités techniques susceptibles de libérer des ressources en fréquences sur la bande FM, et notamment la distinction, formulée dans un rapport rédigé par le député M. Pierre-Christophe Baguet, entre des réseaux nationaux qui bénéficieraient d'une bande de fréquences unique sur tout le territoire et des réseaux locaux ou régionaux. Par conséquent, ce travail est en cours et fait l'objet d'un examen très attentif.

Troisièmement, le CSA a créé le groupe de travail nommé « FM 2006 », chargé d'élaborer les conditions d'appel à candidatures dans l'optique du renouvellement des autorisations de radiodiffusion venant à échéance dans les prochains mois et les prochaines années.

Ces éléments montrent que nous ne nous livrons pas à des manoeuvres dilatoires. Vous mesurez bien que, étant donné la sensibilité extrême de cette question, nous avons les uns et les autres intérêt à la transparence la plus absolue. Toutes les données sont sur la table, les résultats viendront à l'heure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

BAISSE DU NOMBRE DES FONCTIONNAIRES

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre. Je sais qu'il ne pouvait être présent parmi nous cet après-midi, mais je le regrette, car je comptais lui demander, devant l'ampleur du mécontentement qu'ont exprimé les enseignants et qu'expriment aujourd'hui les lycéens, de retirer le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école de M. Fillon. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Mais M. Fillon va vous répondre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Premier ministre demande, dans les lettres de cadrage adressées aux ministres, d'accélérer la diminution du nombre des emplois publics. Ce sont de 12 000 à 21 000 postes supplémentaires qui disparaîtront, les recrutements ne compensant pas les départs à la retraite, quelque 14 000 emplois ayant d'ores et déjà été supprimés par le Gouvernement depuis 2002. Sachant que la moitié des fonctionnaires français prendront leur retraite dans les dix prochaines années, vous vous faites fort, monsieur le ministre, comme vous l'avez dit vous-même, de supprimer jusqu'à 350 000 postes d'ici à 2015.

Le Gouvernement donne ainsi satisfaction au MEDEF, qui exige, je cite le baron Seillière, « un Etat plus économe, qui ne cherche plus à tout faire et accepte de confier des missions au secteur concurrentiel ». (Bravo ! et rires sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Vous voulez plus de dépenses publiques !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne riez pas trop !

Cela est en pleine conformité, évidemment, avec la logique ultralibérale européenne. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Guy Fischer. On en reparlera !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'ailleurs, le Premier ministre s'est engagé à satisfaire aux injonctions de Bruxelles et du MEDEF, quelles qu'en soient les conséquences pour la vie quotidienne de nos concitoyens.

Toutefois, monsieur le ministre, le MEDEF n'est pas la France !

M. Dominique Braye. Le parti communiste non plus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hélas ! votre oreille est beaucoup moins attentive aux demandes des salariés du secteur public et du secteur privé et de l'ensemble de la population.

Le 20 janvier dernier, les fonctionnaires se sont mobilisés pour défendre leurs emplois et les missions de service public ; 66 % des Françaises et des Français les ont soutenus, montrant ainsi leur attachement à une réponse nationale à leurs besoins.

Nos concitoyens veulent que les services publics puissent accomplir leurs missions : celles de l'éducation nationale, de la santé, de La Poste, de l'équipement, de la justice, de la police...

A l'heure actuelle, dans de nombreux départements, les perspectives de réduction du nombre de postes au sein de l'éducation nationale, que ce soit dans le primaire ou dans le secondaire, suscitent la colère des enseignants et des parents.

Par conséquent, monsieur le ministre, je voudrais que vous indiquiez clairement quels agents publics seraient en trop aujourd'hui.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S'agit-il d'enseignants, d'infirmières, de cheminots, de postiers ?... Les Français attendent de le savoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Madame la sénatrice, la France a créé pendant longtemps de très nombreux emplois publics. Ainsi, depuis 1980, un million d'emplois ont été créés dans la fonction publique. Les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté de 43 %,...

M. René-Pierre Signé. C'était nécessaire !

M. Renaud Dutreil, ministre. ...ceux de la fonction publique hospitalière de près de 29 %,...

M. Renaud Dutreil, ministre. ...et ceux de la fonction publique de l'Etat de 16 %.

Par conséquent, ne dites pas que, en France, on ne crée pas d'emplois publics : c'est faux !

M. Jean-Marc Todeschini. Ce n'est pas vous !

M. Renaud Dutreil, ministre. Notre politique est très simple : elle consiste à adapter les effectifs aux besoins des Français.

M. Renaud Dutreil, ministre. Lorsque c'est nécessaire, nous créons des postes supplémentaires. A cet égard, François Fillon a annoncé, au travers du projet de loi de finances pour 2005, 1 000 emplois supplémentaires dans l'enseignement supérieur.

M. René-Pierre Signé. Pour combien de supprimés ?

M. Renaud Dutreil, ministre. Dominique de Villepin annonce 800 emplois supplémentaires dans le secteur de la sécurité, Dominique Perben 1 000 dans celui de la justice,...

Mme Hélène Luc. L'ensemble est très mauvais !

M. Renaud Dutreil, ministre. ... et Philippe Douste-Blazy 800 dans les SMUR, les services mobiles d'urgence et de réanimation, et les SAMU, les services d'aide médicale urgente. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ne dites pas que nous ne répondons pas aux besoins des Français !

M. Jean-Marc Todeschini. Allez voir aux urgences !

M. Robert Hue. Allez dire cela aux infirmières !

M. Renaud Dutreil, ministre. En revanche, lorsque cela est possible, grâce à la modernisation, par exemple au développement de l'administration électronique, nous supprimons des postes. Nous ne raisonnons pas comme vous : nous ne pensons pas, pour notre part, qu'il faille embaucher en empruntant, car si aujourd'hui l'Etat français est aussi endetté, c'est parce que la gauche a créé des emplois à crédit, en en faisant supporter le poids aux générations suivantes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Ce n'est pas de bonne gestion, et ce sont aujourd'hui les fonctionnaires qui paient les factures de la gauche !

M. Jean-Marc Todeschini. C'est vous qui ne voulez pas payer les fonctionnaires ! Vous les méprisez !

Mme Hélène Luc. C'est honteux de dire cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne répondez pas à ma question !

M. Renaud Dutreil, ministre. Les fonctionnaires le savent et ils n'ont pas oublié. Nous modernisons l'Etat, c'est l'intérêt des fonctionnaires, des contribuables et des usagers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels sont les emplois publics en trop ?

SITUATION DANS LES TERRITOIRES PALESTINIENS

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères, représenté aujourd'hui par M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

Quatre ans après la rencontre infructueuse entre Yasser Arafat et Ehud Barak, le sommet qui s'est tenu mardi dernier à Charm el-Cheikh entre Mahmoud Abbas, président démocratiquement élu de l'Autorité palestinienne, et le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, constitue une nouvelle chance pour la paix, dans une région en proie à une instabilité chronique.

Les deux dirigeants sont parvenus à un accord de cessez-le-feu mutuel, qui laisse enfin entrevoir une solution pacifique au conflit. Les deux parties ont déjà montré leur souci du dialogue et leur bonne volonté : plan de retrait israélien de la bande de Gaza, libération de 900 prisonniers palestiniens, création d'une commission conjointe de détermination des critères de libération de tous les prisonniers, trêve décidée unilatéralement par le Hamas.

En dépit de ces avancées notables, il reste d'importants points de contentieux à régler pour que l'application de la feuille de route puisse déboucher sur la création d'un Etat palestinien en 2005.

En effet, depuis l'accord d'Oslo de 1993, les questions appelant une solution négociée ont été « cristallisées » : statut de Jérusalem, retour des réfugiés palestiniens, pérennité des colonies israéliennes, tracé définitif des frontières, maintien de la sécurité globale.

L'euphorie de 1992, lorsque Israéliens et Palestiniens découvraient les vertus du dialogue dans un contexte d'après-guerre froide, ne prévaut plus aujourd'hui. L'enlisement du processus de paix a suscité une méfiance réciproque et une radicalisation des protagonistes, institutionnels ou non : les attentats très meurtriers et les représailles tout aussi meurtrières qui s'ensuivent ont engendré un cycle infernal de violence.

La résolution de ce conflit aurait certainement des répercussions très heureuses à travers le monde, tout spécialement en matière de terrorisme. Dans ce contexte, nous ne devons pas, nous ne pouvons pas rester inertes.

En conséquence, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quel rôle la France et, plus largement, l'Union européenne entendent jouer et quelle influence elles comptent exercer dans ce conflit israélo-palestinien, au regard des nouvelles avancées du processus de paix. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. Michel Barnier, qui se trouve aujourd'hui en Lituanie.

Comme vous l'avez souligné, le dialogue israélo-palestinien a repris. Nous en sommes évidemment satisfaits, mais, si nous sommes optimistes, nous restons néanmoins prudents. En effet, ce matin même encore, des tirs palestiniens dirigés sur les territoires occupés ont montré que la situation demeure fragile et qu'il convient d'être très vigilants.

Dans ce contexte, qu'avons-nous fait ?

Tout d'abord, comme vous le savez, M. Barnier s'est déjà rendu à deux reprises au Proche-Orient, où il a rencontré les deux parties, qu'il a encouragées au dialogue avant même qu'elles n'aient décidé de le reprendre.

Par ailleurs, la conférence de Charm el-Cheikh a été un succès, et la trêve est aujourd'hui décidée. Il convient de poursuivre dans cette voie.

Dans cette perspective, il faut d'abord prendre des mesures d'apaisement visibles, ce qui suppose, en particulier, la libération des prisonniers.

Il importe en outre que les Palestiniens soient capables d'assurer la sécurité dans la région et qu'ils ne donnent aucun signe de volonté de reprise du conflit. Les Israéliens devront, pour leur part, alléger leurs dispositifs de bouclage des zones concernées.

Enfin, il faut que la communauté internationale se mobilise et que l'Etat palestinien à venir soit soutenu par toutes les parties, selon ce que l'on appelle la « feuille de route ».

En ce qui concerne l'action de la France, j'indiquerai qu'elle s'inscrit pour l'essentiel dans le cadre de l'Union européenne.

A cet égard, le 1er mars prochain se tiendra à Londres une réunion de réflexion sur le statut des territoires palestiniens, à laquelle participera bien entendu M. Barnier.

Par ailleurs, la France encourage au retrait complet d'Israël de la bande de Gaza.

Enfin, la France contribue à la relance de ce que l'on appelle le « quartet », regroupant l'Organisation des Nations unies, les Etats-Unis, la Russie et l'Union européenne, qui se penchent ensemble sur la question du Proche-Orient.

Je conclurai mon propos en formulant deux observations.

En premier lieu, la question du Proche-Orient est essentielle dans l'optique des relations transatlantiques. Vous n'ignorez pas qu'elle a été très présente lors de la visite en France de Mme Rice. L'intérêt de la France à agir va au-delà des seuls territoires concernés : il s'agit aussi de renouer avec les Etats-Unis autour de vues communes concernant le Proche-Orient.

En second lieu, nous appelons et nous essayons d'inciter à l'organisation d'une conférence internationale qui puisse permettre de régler définitivement ce conflit. Je le répète, nous sommes optimistes mais nous restons prudents, au vu des événements de ce matin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

RÉFORME DE L'ÉCOLE

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Chaque année, environ 150 000 jeunes sortent du système éducatif français sans qualification et 80 000 enfants entrent en classe de sixième sans maîtriser les savoirs fondamentaux.

Pourtant, en vingt-cinq ans, les moyens ont été multipliés par deux, et, en quinze ans, 130 000 enseignants supplémentaires ont été recrutés, tandis que le nombre d'élèves baissait de 500 000.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est déjà la réponse !

M. Simon Sutour. C'est téléphoné !

M. Bernard Murat. Ces chiffres, monsieur le ministre, révèlent l'essoufflement de notre système éducatif et prouvent que la logique quantitative a atteint ses limites.

Vous allez prochainement nous présenter votre projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas sûr !

M. Bernard Murat. Il s'agit là de l'une des grandes réformes du quinquennat, voulue par le Président de la République et dont l'élaboration a donné lieu à une longue réflexion publique.

Ainsi, après plus de deux ans de débats sur l'ensemble du territoire, les travaux de la commission Thélot...

M. René-Pierre Signé. On n'en tient pas compte !

M. Bernard Murat. ...ont permis d'établir un diagnostic partagé entre professeurs, élèves et parents d'élèves et de définir les orientations qui ont largement inspiré votre projet de loi.

Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas l'air très convaincu de ce que vous dites ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Bernard Murat. Afin d' « assurer un parcours de réussite à tous les élèves »,...

M. René-Pierre Signé. Ils sont dans la rue !

M. Bernard Murat. On se demande qui les pousse, mon cher collègue ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. C'est Moscou !

Mme Hélène Luc. Allez leur demander !

M. Bernard Murat. Afin d' « assurer un parcours de réussite à tous les élèves », disais-je, vont être proposées de nouvelles mesures concernant le rétablissement du brevet, la refonte du baccalauréat, le socle de connaissances, l'apprentissage des langues, le soutien personnalisé.

Pour autant, depuis plusieurs jours, un procès d'intention est fait au Gouvernement, qui plonge les jeunes et les parents d'élèves dans l'inquiétude.

J'ai ainsi reçu, voilà peu, à la mairie de Brive-la-Gaillarde, Alexandra, Chloé et Pierre, tous trois lycéens, comme nos enfants et petits-enfants. Ils pensent que le baccalauréat va être dévalorisé et que les enseignements artistiques et sportifs vont disparaître.

Mme Hélène Luc. Vous voulez les supprimer !

M. Bernard Murat. Votre réforme, monsieur le ministre, leur est présentée par ses détracteurs de manière totalement caricaturale. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Je crois que, devant ces inquiétudes, il est nécessaire de rétablir certaines vérités, car il y va de l'avenir de la France dans ce qu'elle a de plus essentiel. Je me suis engagé auprès d'Alexandra, de Chloé et de Pierre à les aider à mieux comprendre ce projet de loi ; en me répondant maintenant, monsieur le ministre, c'est à tous les jeunes et à leurs parents que vous allez vous adresser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Jacques Pelletier applaudit également. )

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement préoccupé par le fait qu'aujourd'hui des adolescents manifestent dans les rues de nos villes.

M. Simon Sutour. Il vaut mieux !

Mme Hélène Luc. Vous avez raison de l'être !

M. François Fillon, ministre. Je suis préoccupé, comme vous tous, parce que les manifestations de lycéens présentent toujours des risques.

Je suis préoccupé parce que je ne veux pas laisser s'installer une incompréhension entre la jeunesse et les pouvoirs publics.

M. Simon Sutour. C'est trop tard !

M. René-Pierre Signé. C'est vous qui avez mis les jeunes dans la rue !

M. François Fillon, ministre. Les questions très précises que vous avez posées, monsieur Murat, me donnent l'occasion de leur répondre directement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne sais pas s'ils regardent le Sénat.

M. François Fillon, ministre. Non, monsieur Murat, rien dans le projet de loi qui va vous être soumis ne remet cause, en quoi que ce soit, les options, l'enseignement de l'éducation physique et sportive, l'enseignement artistique, ou l'enseignement des sciences économiques et sociales.

Non, monsieur le sénateur, il y aura toujours, au baccalauréat, une note pour les travaux personnels encadrés, qui sont maintenus en classe de première.

Enfin, le baccalauréat restera un examen national, un examen anonyme, un examen qui permet automatiquement l'entrée dans l'enseignement supérieur.

Mme Hélène Luc. Il ne sera plus ce qu'il est !

M. François Fillon, ministre. Permettez-moi de dire un mot sur cette réforme du baccalauréat, qui n'est pas centrale dans la réforme que je propose, laquelle est tout entière destinée à lutter contre l'échec scolaire.

Si j'ai proposé que l'on modernise le baccalauréat, c'est parce que tout le monde le réclame. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Pas comme vous le faites !

M. François Fillon, ministre. C'est parce que les trois associations de parents d'élèves le souhaitent (Signes d'assentiment sur les travées de l'UMP), c'est parce que la plupart des organisations syndicales demandent que l'on réduise la pression qui est mise sur le mois de juin, quand les élèves doivent passer douze épreuves, alors que tous ceux qui sont présents ici en ont passé six ou sept.

M. Josselin de Rohan. Exactement !

M. François Fillon, ministre. J'ai mis en place un groupe de travail, pour que l'on détermine ensemble comment réduire le nombre d'épreuves terminales et instiller, soit une dose de contrôle continu, soit ce que l'on appelle des partiels, comme dans les études supérieures.

Les organisations qui participent à ce groupe de travail, notamment celles de parents d'élèves ainsi que plusieurs organisations de lycéens, viennent de me demander de prolonger de deux mois le délai qui a été donné à ce groupe pour mettre au point un dispositif qui soit parfaitement satisfaisant pour tout le monde. J'ai, naturellement, accédé à cette demande.

M. Christian Cointat. Très bien !

Mme Hélène Luc. Alors il faut retirer votre projet de loi et les entendre !

M. François Fillon, ministre. Je souhaite que le dialogue se poursuive ici même et à l'Assemblée nationale lorsque nous examinerons le projet de loi, comme au sein de la commission qui étudie les moyens de moderniser le baccalauréat.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est ouvert au dialogue avec la jeunesse.

M. René-Pierre Signé. Il a tout prévu !

M. François Fillon, ministre. Il a proposé une réforme qui vise à améliorer les conditions d'étude, notamment en terminale. Nous en discuterons, en particulier avec les lycéens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -  M. Jacques Pelletier applaudit également. )