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Développement des territoires ruraux
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif au développement des territoires ruraux (nos 27,138).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur et le plaisir de vous soumettre le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux dans la forme que lui ont donnée les deux premières lectures de l'Assemblée nationale ainsi que la première lecture dans votre Haute Assemblée.
Ce texte relève d'un travail véritablement interministériel qui a mobilisé mes collègues Gilles de Robien, Serge Lepeltier, Jean-François Copé, Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand, ainsi, naturellement, que Frédéric de Saint-Sernin et Nicolas Forissier, présents aujourd'hui au banc du Gouvernement. Je voudrais remercier les uns et les autres pour leur contribution, mais aussi, vous le comprendrez aisément, saluer Hervé Gaymard, qui a porté et présenté à trois reprises ce projet de loi devant le Parlement.
Je tiens également à évoquer le travail remarquable réalisé par la commission des affaires économiques et du Plan, et particulièrement l'investissement de ses rapporteurs, Jean-Paul Emorine et Ladislas Poniatowski. Le projet de loi s'en est trouvé profondément enrichi.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, des compliments que vous adressez au Sénat. Il les mérite !
M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur le président, vous avez raison de le souligner, car le Sénat réalise un travail législatif tout à fait remarquable.
M. Charles Revet. Toujours !
M. Dominique Bussereau, ministre. Comme toujours, monsieur Revêt, bien entendu ! Veuillez me pardonner d'avoir énoncé une évidence ! (Sourires.) Enfin, je voudrais remercier l'ensemble des sénateurs qui ont participé aux longs débats suscités par ce texte.
L'enjeu est de taille. Le Président de la République a affirmé à deux reprises, dans un discours à Ussel, au mois d'avril 2002, puis de nouveau à Tulle, en Corrèze, samedi dernier, que « notre espace rural mérite une véritable ambition ». Il est vrai que la ruralité doit être mieux connue, réellement aidée et soutenue de manière efficace. Dans une France devenue largement urbaine, elle doit rester un point d'équilibre. Nous devons, les uns et les autres, nous attacher à la conservation de ses espaces, de sa culture et de ses traditions.
Sans retracer la genèse du projet de loi, je souhaite rappeler les trois ambitions affirmées par Hervé Gaymard et par Nicolas Forissier, ce dernier poursuivant désormais à mes côtés son engagement pour une ruralité vivante.
La première ambition est d'assumer le patrimoine rural qui fait l'identité de notre pays. Nous souhaitons le valoriser, en gardant toujours à l'esprit notre responsabilité à l'égard des générations à venir.
La deuxième ambition est de réguler les évolutions divergentes de nos territoires ruraux, en veillant à en préserver la cohésion. Ce n'est pas à vous, mesdames et messieurs les sénateurs, que j'apprendrai que la ruralité n'est plus uniforme. Selon les spécificités locales, les enjeux diffèrent profondément.
De manière quelque peu simpliste, nous pouvons distinguer, d'une part, les terres agricoles intégrées aux zones périurbaines, dans lesquelles la pression foncière fait varier la structure des exploitations en raison de la spéculation et du changement d'affectation des terres et, d'autre part, les campagnes plus isolées, qui souffrent souvent d'une désaffection de la part de nos concitoyens en raison de réseaux de communication insuffisants ou mal reliés entre eux. En revanche, sur tout le territoire, de nouvelles zones intermédiaires ont gagné près d'un demi-million d'habitants entre les deux derniers recensements et requièrent un regard et des outils neufs pour rendre leur développement plus harmonieux.
La troisième et dernière ambition de ce texte est de renouveler le contrat social dans les campagnes, en veillant à répondre aux besoins des ruraux qui ne veulent pas changer de vie, mais qui, pour beaucoup, ont déjà profondément changé de mode de vie.
Voilà trois ambitions de grande portée que je reprends aisément à mon compte, en m'appuyant sur ma longue expérience d'élu local.
Ce texte arrive en deuxième lecture au Sénat considérablement enrichi. C'est pourquoi je souhaite vous présenter brièvement les apports résultant du travail de l'Assemblée nationale et la place de ce projet de loi dans le cadre de réflexion et d'action législatif pour la ruralité dans les mois à venir. En effet, une fois que ce texte aura été adopté, il conviendra ensuite de le faire vivre sur le terrain.
Composé à l'origine de soixante-seize articles dans le projet du Gouvernement, il a pris de l'ampleur au fur et à mesure des travaux parlementaires : cent quatre-vingts articles après la première lecture à l'Assemblée nationale, deux cents après la première lecture au Sénat ; il en compte aujourd'hui deux cent trente-trois, après la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Au cours de la deuxième lecture, au mois d'octobre dernier, près de huit cent cinquante amendements ont été déposés sur le texte issu des débats du Sénat. L'examen par l'Assemblée nationale s'est conclu par le vote conforme de cinquante-cinq articles, auxquels s'ajoutent les soixante et un articles que vous aviez votés conformes en première lecture, la suppression conforme de vingt-cinq articles, la suppression de dix articles, la modification de quatre-vingts et la création de trente-sept. Le travail accompli est donc, comme vous pouvez le constater, tout à fait considérable.
Par conséquent, sur les deux cent trente-trois articles du projet de loi issu de la deuxième lecture de l'Assemblée nationale, cent seize, soit la moitié, ne seront plus discutés, ayant été votés conformes. L'autre moitié, soit cent dix-sept articles, est à examiner ; il faut y ajouter dix articles supprimés à l'Assemblée nationale. L'examen du Sénat en deuxième lecture porte donc, mesdames, messieurs les sénateurs, sur cent vingt-sept articles de ce texte.
Ces précisions, qui ne sont pas seulement arithmétiques, font ressortir l'intérêt politique porté au texte soumis à votre adoption. Elles témoignent non seulement du travail fourni par les parlementaires mais aussi de l'écoute du Gouvernement à l'égard des suggestions du Parlement. En définitive, j'en prends d'ores et déjà le pari, le projet de loi comportera beaucoup plus d'articles issus des débats parlementaires que du premier travail gouvernemental. Pour autant, l'économie générale de ce texte n'a pas varié, la structure - chapitres et titres - n'ayant pas été globalement modifiée.
Naturellement, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositions du texte adopté à l'issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Je concentrerai mon propos sur les mesures phares et sur les thèmes qui seront abordés lors de cette deuxième lecture en suivant la structure du texte déposé. Je laisserai le soin à Nicolas Forissier de développer les questions relatives à l'immobilier, aux aides aux entreprises et à la présence des vétérinaires.
En premier lieu, ce texte vise à accompagner le développement économique et à agir pour l'emploi.
L'objectif de ce texte est d'améliorer le quotidien des territoires ruraux, en particulier des plus fragiles d'entre eux. Les aspects économiques de soutien au développement sont donc essentiels. A cet égard, le statut des zones de revitalisation rurale, auxquelles nous sommes attachés et dont le périmètre a été précisé, est, dans une large mesure, aligné sur celui des zones franches urbaines.
Les modifications concernant les activités économiques en milieu rural sont de portée limitée ; c'est le cas notamment de la rédaction de l'article relatif aux sociétés d'investissement pour le développement rural, les SIDER, modifiée à la marge.
Le chapitre III consacré au soutien des activités agricoles a retenu l'attention en raison du débat relatif à la publicité sur le vin. Vous entendrez sur ce point le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy.
L'emploi est une priorité pour les politiques publiques de notre pays. Ce texte l'illustre clairement en mettant au coeur de ses préoccupations la pluriactivité, c'est-à-dire le cumul d'un emploi public avec un emploi privé dans les petites communes, ou les groupements d'employeurs de remplacement, dispositions votées conformes à l'Assemblée nationale.
A travers l'emploi, bien sûr, l'objectif de cohésion sociale est en jeu. L'Assemblée nationale a manifesté ce souci en votant conforme un article qui permet à un saisonnier de cumuler les périodes de contrats successifs dans une même entreprise pour le calcul de son ancienneté.
En deuxième lieu, ce texte vise à garantir une meilleure offre de services aux populations. L'accès aux services est essentiel à l'attractivité économique, à la qualité du cadre de vie et, plus largement, à l'égalité des chances de nos concitoyens.
Ce texte traite des services publics de proximité. Le Premier ministre en a rappelé l'importance structurante dans nos territoires ruraux. Leur situation et leur évolution seront suivies par la conférence des services publics.
Le projet de loi adapte et simplifie le régime juridique des maisons de service public pour permettre l'accueil de services privés en leur sein, dans le respect des règles de la concurrence. Les modalités de l'association des élus locaux aux décisions de réorganisation de services publics ou de proximité ont fait à nouveau l'objet de débats.
Quant aux services de santé, il s'agit d'en garantir l'égalité d'accès sur le territoire. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, abordera devant vous la question de l'offre médicale en milieu rural, qu'il s'agisse de l'installation, des pôles de soins, des cabinets de groupe et d'autres sujets encore.
En troisième lieu, les mesures adoptées pour la préservation des espaces spécifiques ou sensibles et la protection de l'environnement doivent s'accompagner de dispositions réglementaires et, surtout, d'une concertation avec les élus au-delà de l'examen de ce texte.
Les aspects relatifs aux forêts privées et aux espaces pastoraux étaient déjà bien stabilisés en première lecture. La deuxième lecture à l'Assemblée nationale a conforté les dispositions relatives aux zones humides et à Natura 2000.
S'agissant du littoral, question qui intéresse nombre d'entre vous, des modifications ont été introduites par l'Assemblée nationale. Elle a distingué la consultation obligatoire du Conseil national pour le littoral pour les décrets relatifs au domaine public maritime des consultations facultatives pour les autres. Le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement sera renforcé par le dépôt du rapport gouvernemental sur l'application de la « loi littoral » tous les trois ans.
Une attention particulière a été portée à la montagne. Sous l'égide de Frédéric de Saint-Sernin, le volet « montagnes » illustre la volonté du Gouvernement de parvenir à l'intégration de tous les territoires de manière à assurer un développement équilibré de notre pays.
Le thème des microcentrales hydrauliques, le rôle des organisations interprofessionnelles pour la dénomination de la qualité des produits de la montagne, les questions environnementales, notamment autour des lacs de montagne, devront être abordés.
En définitive, beaucoup a été fait pour recentrer le texte sur les grands enjeux de la ruralité. L'application de la loi et des dispositifs qui en résulteront fournira la matière de la conférence annuelle de la ruralité qui rendra compte de l'évolution de la ruralité. Une attention particulière sera accordée à la question des services publics en milieu rural.
Certaines propositions qui ont été écartées du projet de loi n'en font pas moins l'objet d'un travail d'approfondissement. Je pense notamment à l'amendement présenté par Ambroise Dupont sur l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions présentant un réel intérêt architectural et patrimonial. Nous essayerons, avec le ministère de l'équipement, d'aboutir à une proposition équilibrée.
En quatrième et dernier lieu, il convient de renforcer les capacités d'intervention de certains établissements publics.
Le Sénat sera appelé à se prononcer sur des dispositions relatives à trois types d'établissements publics : les chambres consulaires, qui pourraient se voir confier la gestion de programmes d'aides de l'Etat ou de l'Union européenne ; l'établissement public de Chambord, notamment dans la répartition de ses compétences avec l'Office national des forêts, et le futur Conseil national du littoral.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comment ce texte s'articule-t-il avec la loi d'orientation agricole ?
La cohérence juridique du texte qui vous est aujourd'hui présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, a été renforcée grâce à une rédaction améliorée lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
La matière, très abondante et très diverse, reflète la variété des territoires ruraux en France. Ce texte apporte des outils qui permettront de répondre de manière adaptée à des situations spécifiques.
Il faudra, naturellement, veiller à la mise en oeuvre de ces dispositions. Les décrets d'application devront être publiés dans un délai restreint. J'aurais préféré, pour ma part, qu'ils soient déjà prêts.
J'ajoute que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux doit se comprendre dans son articulation avec la future loi d'orientation agricole.
Les agriculteurs, même s'ils ne sont plus majoritaires au sein de la population rurale, représentent le coeur de nos espaces ruraux. L'activité économique et le développement équilibré des territoires sont étroitement liés. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement va mettre en chantier une future loi d'orientation agricole ; le Président de la République en a de nouveau évoqué le contenu dans son discours à Tulle, samedi dernier.
Cette loi d'orientation agricole se situe dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune et des négociations à l'OMC qui entrent dans une phase très active, avec la perspective de conclure le cycle de Doha en 2006 et la tenue d'une conférence intergouvernementale à Hongkong à la fin de l'année.
Une commission nationale d'orientation avait été installée, sur l'initiative de Hervé Gaymard et de Nicolas Forissier ; elle a réalisé un travail très important, et ce dans toutes les régions. Cette loi d'orientation agricole devra donc dessiner les contours d'une nouvelle agriculture, qui soit « économiquement efficace et écologiquement responsable ».
Dans cette loi, le foncier rural, l'installation des agriculteurs, les métiers de l'agriculture, le dessin d'une nouvelle organisation économique, les nouveaux débouchés -biomasse, bois, énergie issue de l'agriculture - seront abordés.
Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs - c'est le souhait du Gouvernement et du Premier ministre -, que cette loi soit une loi politique, claire et simple, qui définisse les formes de l'agriculture pour les vingt années à venir. Il faudrait que nous laissions de côté la partie technique et réglementaire et que nous la reportions aux textes d'application, afin d'élaborer un véritable projet de loi qui donne un avenir à notre agriculture ...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien !
M. Dominique Bussereau, ministre. ... et qui fasse l'objet d'un débat important au Sénat, à l'Assemblée nationale et dans nos régions.
Il nous faut éviter la loi « fourre-tout » et renouer avec la tradition des grandes lois d'orientation agricole adoptées dans notre pays depuis le début des années soixante.
Permettez-moi de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, en remerciant une nouvelle fois les membres de la commission des affaires économiques et du Plan.
Ce projet de loi vise un impératif de solidarité et d'équilibre entre les territoires. Il doit nous aider à préserver l'unité de notre pays, à restaurer l'égalité des chances, à jeter les fondements d'un pacte de solidarité et de développement avec l'ensemble des Français du monde rural.
Nous évoquerons tous ces sujets ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs.
Quoi qu'il en soit, je le répète, ce projet de loi doit se lire en ayant à l'esprit la future loi d'orientation agricole, qui replacera ce texte dans la politique d'ensemble menée par notre gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a très bien dit Dominique Bussereau, le projet de loi dont le Sénat entame aujourd'hui la deuxième lecture traduit la confiance du Gouvernement dans l'avenir de nos territoires ruraux.
Ce texte favorise une dynamique et fait en sorte d'offrir aux acteurs du monde rural les outils de leur propre développement. Il s'inscrit dans une réflexion plus vaste, initiée depuis deux ans et demi, sur le thème d'un essor plus harmonieux de nos territoires et d'une meilleure utilisation de notre espace. Il obéit à une volonté forte : celle de donner aux acteurs du monde rural les moyens d'agir.
Le Gouvernement a engagé, depuis son arrivée, une politique volontariste et cohérente en faveur du monde rural. Jamais sans doute, depuis longtemps, le monde rural n'avait pu disposer d'autant d'outils pour bâtir des projets, libérer ses énergies et construire son avenir.
De nombreuses actions ont été engagées depuis deux ans et demi, qui témoignent de la cohérence de cette démarche : les grandes lois de décentralisation, qui sont un signe très fort de confiance de l'Etat envers les acteurs de nos territoires ; les comités interministériels pour l'aménagement du territoire, les CIADT, et notamment le CIADT rural de septembre 2003, celui sur les grandes infrastructures de décembre 2003, celui sur les pôles de compétitivité et l'essor du haut débit de septembre 2004 ; la politique menée en faveur de la couverture totale du territoire en téléphonie mobile, décisive depuis deux ans ; l'accès à l'internet à haut débit pour tous, avec des objectifs et un calendrier précis ; le projet de loi sur les territoires ruraux, dont nous allons terminer les débats ; la future grande loi d'orientation agricole, qui doit être articulée avec ce texte, comme l'a rappelé Dominique Bussereau, qui a été précédée, dans toutes les régions, de débats sur le thème de l'agriculture, des territoires et de la société et qui devra être applicable l'an prochain ; le partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire, auquel je travaille, et qui doit conforter un secteur qui assure 70 % des débouchés de notre agriculture :
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces outils s'inscrivent dans une réflexion de fond que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a lancée afin d'ouvrir de nouvelles perspectives et d'essayer de faire « bouger les lignes » en faveur du monde rural.
Qui sait, en effet, que depuis dix ans le monde rural a regagné 500 000 habitants ? On croit souvent qu'il continue de perdre des habitants ; en réalité, même si les situations sont contrastées, il en regagne.
Pourquoi, dès lors, ne pas dessiner une nouvelle frontière, en se fixant pour objectif 30 % de la population française dans les territoires ruraux, contre 20% aujourd'hui ? Un tel objectif n'est pas forcément impossible à atteindre, au regard des évolutions des dernières décennies.
Nous devons essayer de relever ce défi, car une répartition plus harmonieuse de la population sur notre territoire aurait, évidemment, de nombreuses conséquences positives, en termes de vie économique et sociale, pour le monde rural.
Les problématiques et les besoins sont multiples ; les richesses de nos terroirs sont diverses ; nous devons libérer toute cette capacité d'initiative. Il fallait donc se doter d'une véritable « boîte à outils », dans laquelle chaque acteur puisse trouver les instruments adaptés. Tel est l'objet de ce projet de loi.
Je voudrais, à l'instar de Dominique Bussereau, souligner l'apport du Parlement, toujours riche et de grande qualité. Je le dis avec beaucoup de force et de sincérité : cet apport a été et sera essentiel. Je souligne, en particulier, la qualité du travail accompli par les rapporteurs et le rôle joué par le Sénat dans l'enrichissement de ce texte. J'ai eu beaucoup de plaisir à commencer ma mission ministérielle sur ces bancs, avec vous, et je suis heureux de vous retrouver, aujourd'hui, pour poursuivre ce travail.
Je voudrais prendre quelques exemples, très concrets, pour illustrer la démarche du gouvernement auquel j'appartiens, démarche, je vous l'ai dit, de confiance en l'avenir du monde rural.
Ce qui compte, c'est avant tout d'assurer le développement économique de nos territoires ruraux. Celui-ci passe par deux grands axes : une action résolue en faveur des entreprises, créatrices d'emplois, et une action tout aussi déterminée en faveur du niveau de services, de la qualité de l'accueil et du logement, pour les salariés de ces entreprises et pour les habitants des régions rurales. Ces deux problématiques sont indissociables et le projet de loi leur apporte des réponses précises.
Il faut d'abord maintenir et développer les entreprises. Nos campagnes, surtout les plus fragiles d'entre elles, ont impérativement besoin des entreprises, des commerces, des artisans. Nous devons encourager une vie économique qui puisse s'y implanter durablement.
Mais soyons tout à fait lucides : pour y parvenir, il nous faut trouver un « avantage comparatif » pour ces territoires afin de renforcer leur attractivité.
Ce projet de loi revoit et renforce donc les zones de revitalisation rurale, les ZRR, en les dotant de dispositions fiscales et financières incitatives, notamment au travers d'exonérations de taxe professionnelle, à même de mieux attirer les initiatives et donc les emplois. Frédéric de Saint-Sernin reviendra sans doute sur ce sujet.
Il s'agit d'une démarche très importante, en particulier dans le secteur de l'industrie agroalimentaire, dont je suis chargé. C'est une industrie « rurale » s'il en est puisque huit entreprises sur dix sont des petites et moyennes entreprises, des PME, ou des très petites entreprises, des TPE, qui maillent notre territoire.
Il faut les conforter, en particulier dans les zones rurales fragiles. Tel est, d'ailleurs, l'objet du plan d'action pour le développement des industries agroalimentaires auquel je travaille et qui, lui aussi, doit s'articuler avec le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Ce plan d'action, je le rappelle, sera définitivement opérationnel en juin prochain.
Nous devons donc conforter les entreprises, favoriser leur implantation, mais nous devons aussi développer les services pour maintenir les emplois. Si nous voulons encourager la venue d'entreprises dans les territoires ruraux, nous devons offrir à leurs salariés des conditions d'accueil, de services et de logement comparables à celles qu'ils trouvent en zone urbaine.
Les territoires ruraux ont beaucoup progressé dans cette voie, ces dernières années, grâce à l'utilisation des fonds européens, grâce au soutien des collectivités locales et de l'Etat. Nombre d'entre eux - notamment les campagnes des villes et les nouvelles campagnes, à savoir les bourgs ruraux qui, avec dynamisme, savent s'équiper - proposent déjà une qualité de vie et des infrastructures égales à celles des grandes zones urbaines.
Néanmoins, un effort particulier doit être fourni, de nouveau, pour les campagnes les plus fragiles. Un effet de levier est nécessaire pour amplifier ce mouvement positif. Tel est aussi l'objectif visé à travers plusieurs mesures et plusieurs chapitres du projet de loi.
Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat chargé de l'assurance maladie, abordera le sujet-clé de l'installation des médecins et de la meilleure coordination de l'offre médicale.
Je voudrais, pour ma part, mettre l'accent sur un autre besoin qui conditionne non seulement l'implantation, mais encore le maintien d'activités économiques : le logement.
Le texte entend remédier à l'insuffisance de l'offre de logements en zone rurale. Par plusieurs dispositions fiscales, il favorise l'habitat locatif ; il comporte également des dispositions pour les travailleurs saisonniers, via la rénovation de locaux qui pourraient leur être loués ensuite. C'est, de nouveau, une réponse concrète aux besoins d'un grand nombre d'exploitants agricoles.
Le projet de loi permet également la reprise par le bailleur de bâtiments de ferme présentant un intérêt architectural pour les mettre sur le marché locatif. La mise en valeur du patrimoine et des paysages de nos terroirs est aussi un élément de qualité de vie, et donc d'attractivité. La démarche gouvernementale est cohérente.
Là encore, nous avons cherché, ensemble, à apporter des réponses concrètes, en soutenant à la fois la préservation du patrimoine rural bâti et l'essor de l'activité touristique.
Un autre exemple concret est la présence des vétérinaires, qui sont de vrais partenaires des agriculteurs et des garants de notre sécurité sanitaire. Cette présence est indispensable. Il était donc primordial que le projet de loi s'attache à réunir des conditions favorables pour leur maintien dans nos territoires ruraux. C'est le cas au travers de la possibilité d'exonération de taxe professionnelle, prévue lors de l'installation ou du regroupement de vétérinaires dans les zones de revitalisation rurale.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte comporte nombre de mesures concrètes et apporte des réponses à la multitude de problèmes que nous rencontrons dans nos territoires.
Après l'adoption définitive de ce projet de loi, il restera à accomplir la tâche, évidemment essentielle, de le mettre en oeuvre et de l'expliquer. Ce sera le rôle du Gouvernement, et je puis vous dire que Dominique Bussereau, moi-même comme « secrétaire d'Etat du rural », et Frédéric de Saint-Sernin en tant que secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, nous y serons particulièrement attentifs. Ce sera un travail de tous les instants dans les années à venir et, notamment, dans le courant de cette année 2005.
Soyez certains, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous assurerons pleinement le service « après-vote » de la loi, sur le terrain, pour faire vivre ce texte, pour présenter aux acteurs du monde rural la « boîte à outils » dont ils vont disposer.
Cela passera par nombre de déplacements très concrets, mais aussi par une approche vivante. Un texte de loi, au fond, mesdames, messieurs les sénateurs, est un « chantier » que nous ouvrons, mais qui peut encore évoluer. Il faudra vérifier sur le terrain que les dispositions de ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux sont bien adaptées. C'est ce que nous ferons, quitte à les ajuster par la suite.
J'ai d'ores et déjà sensibilisé les services déconcentrés du ministère, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, et les directions régionales de l'agriculture et de la forêt, les DRAF, à la nécessité d'informer, d'expliquer les mesures de la loi. Je leur demanderai également de faire remonter du terrain les réactions, les initiatives, mais aussi les difficultés éventuelles dans la mise en oeuvre de telle ou telle mesure, de façon que l'on fasse encore évoluer ce « chantier ».
En effet, comme je l'ai dit, la loi n'est pas un aboutissement, c'est un « chantier » ouvert qui doit s'adapter à l'évolution et à la variété des territoires ruraux, à la diversité des problèmes posés. C'est bien ainsi que nous redonnerons au monde rural les perspectives dont il a vraiment besoin. Je voudrais vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous nous y employons dans un esprit de confiance et de volonté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il est symbolique, et j'en suis particulièrement heureux, que ce début d'année soit consacré à l'adoption définitive du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.
Nombreux parmi vous sont les représentants du monde rural ; j'ai donc bien conscience de l'importance que revêt à vos yeux le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui. Il s'agit d'un texte essentiel pour l'avenir des « zones rurales » : leurs difficultés, les contraintes qui leur sont propres appellent une réponse ambitieuse de la part des pouvoirs publics. Notre défi est bien de leur donner les moyens de garder leurs spécificités tout en leur permettant de s'intégrer pleinement dans l'économie du XXIe siècle.
Comme nous l'avions évoqué lors de la première lecture devant votre assemblée au mois de mai dernier, ce projet de loi se rapporte largement à la mission qui est la mienne, au côté de Gilles de Robien. L'aménagement du territoire s'incarne dans cette volonté des pouvoirs publics d'apporter à nos concitoyens, quels que soient leur région, leur métier et les obstacles naturels qu'ils rencontrent, les moyens de se sentir pleinement intégrés à notre société et de profiter de façon équitable des retombées du progrès technique, économique et social.
Corriger les déséquilibres est au coeur de ma mission ; donner aux territoires et à leurs habitants les moyens de valoriser leur potentiel est notre volonté à tous.
Le CIADT du 13 décembre 2002 avait donné une nouvelle impulsion à la politique d'aménagement du territoire, en soulignant les défis auxquels est confronté l'espace rural et la nécessité d'une politique volontariste à son égard.
Cette ambition a été confirmée au moins à deux reprises depuis lors, avec le CIADT rural du 3 septembre 2003 et celui du 18 décembre 2003 consacré aux cinquante grands projets, dont nombre d'entre eux touchent de près les territoires ruraux, à travers notamment les réseaux d'infrastructures.
Nous constatons aujourd'hui que les territoires ruraux sont affectés par plusieurs grandes ruptures. Nous les avions évoquées : une inversion démographique, non généralisée mais importante - Nicolas Forissier l'a souligné - ; une image de l'espace rural qui a changé ; un tissu économique qui évolue ; un espace rural de plus en plus diversifié dans ses usages ; un essor des « territoires de projets », à savoir les intercommunalités et les pays.
Tous ces changements appellent une nouvelle forme d'action publique, fondée sur la solidarité en faveur des territoires les plus fragilisés mais aussi sur un appui résolu au dynamisme et à la compétitivité de ces espaces, au profit des hommes et des femmes qui y résident et des activités qui s'y développent.
Au titre de la solidarité, il me paraît important de rappeler, parce que je vous sais attentifs à ce sujet, que le Gouvernement a engagé une réforme des dotations consistant à changer les règles internes de leur répartition afin de renforcer le mécanisme de péréquation. Jean-François Copé, alors ministre délégué à l'intérieur, s'était engagé sur ce point lors de la première lecture.
L'engagement a été tenu puisque, depuis lors, le Gouvernement a pris la décision, conformément au souhait du Comité des finances locales, de créer, au sein de la dotation forfaitaire, le socle des financements de l'Etat aux budgets locaux, une dotation proportionnelle à la superficie, par conséquent favorable aux territoires ruraux qui sont les moins densément peuplés.
La loi de finances pour 2005 a prévu de réformer sur le fond la dotation de solidarité rurale. Elle prévoit, en particulier, un effort financier important pour la fraction de DSR « bourgs centres », notamment en faveur de ceux qui sont classés en ZRR. Cela représente environ 80 millions d'euros supplémentaires par an.
Concernant l'attractivité et de la compétitivité, je suis conscient de l'importance que vous attachez, à juste titre, au développement d'activités économiques, source de vitalité pour vos territoires, ainsi qu'au maintien d'une offre de services publics adaptée aux besoins de nos concitoyens.
En matière de ZRR, je voudrais d'abord rappeler l'importance du volet fiscal, dont cette loi n'est que l'un des vecteurs. En effet, conformément aux décisions du CIADT rural de septembre 2003, certaines dispositions fiscales parmi les plus importantes sont d'ores et déjà entrées en vigueur à travers la loi de finances pour 2004. Tel est le cas de l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui s'installent en milieu rural, dont la durée a été portée de deux à quatre ans. Cette disposition a été renforcée lors de la première lecture devant votre assemblée.
Venons-en à la définition du zonage lui-même. Si je suis toujours très prudent - et même réservé - sur le principe des zonages, dans la mesure où ils peuvent créer des frustrations et ignorer les évolutions d'une zone défavorisée, je crois pourtant qu'il faut maintenir un principe et développer une exigence.
Le principe, c'est celui de la sélectivité : pour qu'il conserve tout son effet bénéfique, le zonage, qui est une forme de rééquilibrage, ne doit toucher que des territoires réellement défavorisés.
Selon la simulation réalisée par la DATAR, le nombre de communes classées et le chiffre de la population concernée seraient légèrement supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui. Ainsi, un peu plus de 11 700 communes seraient classées, regroupant 4 662 000 habitants.
Ces chiffres, issus des simulations communiquées à votre commission des affaires économiques, montrent par ailleurs que 10 400 communes environ qui sont actuellement classées le resteraient.
L'exigence, c'est d'articuler le zonage avec les dynamiques de projets, c'est-à-dire de l'inscrire dans le cadre des intercommunalités. La rédaction proposée par le Gouvernement va dans ce sens. Le principe en a été validé devant l'Assemblée nationale et devant le Sénat.
Par ailleurs, les débats conduits dans les deux assemblées ont permis d'enrichir de façon notable le dispositif permettant d'adapter les mesures législatives et les outils de développement à la hauteur des enjeux auxquels ces territoires sont confrontés.
Ainsi, les ZRR sont à la fois redéfinies et confortées. Elles bénéficient aujourd'hui d'un ensemble de mesures attractives et ciblées sur les activités qui s'implantent dans ces territoires ruraux.
Il s'agit notamment : de l'exonération, jusqu'à cinq ans, de taxe professionnelle pour la création, l'extension ou la reprise d'entreprises industrielles et tertiaires en difficulté, disposition qui a été étendue aux professions libérales par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture ; de l'exonération d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu, à taux plein durant cinq ans au lieu de deux ans, puis à taux dégressif durant neuf ans au lieu d'un an, pour la création d'entreprises artisanales ou l'installation de professions libérales ; de la prorogation de l'amortissement exceptionnel sur l'immobilier d'entreprise et de l'extension de cette mesure aux travaux de rénovation ; enfin, de l'exonération de cotisations sociales à la charge de l'employeur pour les organismes intervenant en matière sanitaire et sociale.
Vous connaissez les contraintes de notre exercice, qui nous amènent à ne retenir que des dispositions efficaces et offensives compte tenu des enjeux auxquels sont confrontées ces zones.
A cet égard, je n'éluderai pas deux des points majeurs qui sont encore en débat sur les ZRR.
Concernant la reprise d'entreprise, le Gouvernement a entendu les attentes exprimées à l'Assemblée nationale et vous propose une disposition qui, je crois, y répond. Celle-ci vise à accompagner la reprise d'entreprises artisanales et commerciales de moins de cinq salariés en ZRR. Elle complète une autre disposition prévue à ce jour permettant la reprise d'une entreprise en difficulté.
S'agissant de la question de la récupération de la TVA sur les loyers consentis aux entreprises dans les zones où le marché de l'immobilier est peu actif voire quasi inexistant, le Gouvernement vous propose de ne plus retenir une durée d'amortissement fiscal forfaitaire mais de revoir ses instructions pour que, dorénavant, cet amortissement soit apprécié selon la durée de vie réelle du bien immobilier. Cette solution nous semble répondre à la problématique posée tout en restant compatible avec le droit communautaire.
Notre défi consiste aussi à maintenir des services de qualité pour tous. Sur ce sujet particulièrement sensible, notamment dans les territoires ruraux, le Premier ministre a demandé, lors du congrès des maires de France qui s'est tenu en novembre dernier, qu'une conférence nationale soit organisée. Celle-ci sera lancée dans les semaines qui viennent.
Notre ambition est d'offrir des services publics proches des usagers et polyvalents, des services publics, en somme, adaptés aux réalités de ce siècle. Il n'est donc aucunement question d'en priver les territoires ruraux.
Il s'agit également de garantir un accès à des services aussi modernes en milieu rural qu'en milieu urbain. Ces dispositions ne sont pas reprises dans la loi, car elles sont d'ores et déjà mises en oeuvre. Ainsi, la couverture du territoire en haut débit a très fortement progressé cette année pour toucher environ 90 % de la population. La couverture en téléphonie mobile des zones blanches devrait connaître une forte accélération en 2005 après une phase, certes bien trop longue mais néanmoins indispensable, d'identification précise des sites d'implantation des pylônes en 2004. A ce jour, une quarantaine de sites ont été ouverts. Ce n'est peut-être pas suffisant mais rappelons qu'il n'y en avait qu'un seul au printemps dernier.
Une approche moderne des services publics doit s'appuyer non seulement sur les nouvelles technologies rendues disponibles dans les territoires, mais encore sur les attentes des citoyens dans leur diversité.
Pour répondre à ces dernières, les services publics doivent tenir compte des contraintes et des besoins propres à chaque territoire. C'est dans cet esprit que le Gouvernement avait lancé en 2003 des expérimentations pilotes dans quatre départements. Nous avons récemment élargi ce dispositif à onze nouveaux départements. En donnant davantage la parole aux acteurs de terrain, nous voulons encourager les initiatives locales dans ce domaine.
Sur la base de ces expérimentations, un travail important avait été réalisé en première lecture avec votre commission des affaires économiques. Il avait conduit à modifier l'article 29 de la loi Pasqua afin d'adopter un dispositif dont les principes s'articulent autour de trois points : la fixation d'objectifs nationaux d'aménagement du territoire ; la concertation locale avec les élus ; un recours suspensif auprès des ministres de tutelle ou auprès du ministre en charge de l'aménagement du territoire.
Ces principes ne sont pas défensifs. Au contraire, ils visent à ce que le préfet, en liaison avec les élus et en amont des modifications de réseau, engage toute action destinée à garantir l'offre d'accès aux services publics.
Enfin, ils allègent les procédures pour faciliter leur mise en oeuvre tout en garantissant la concertation avec les élus et les autres partenaires dans le cadre de la commission départementale d'organisation et de modification des services publics, la CDOMSP.
Cette réécriture constitue un excellent point d'équilibre. Elle n'a fait l'objet que d'ajustements et de clarifications en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, sans que soient modifiées les orientations voulues par votre assemblée.
Les politiques de montagne font partie de vos préoccupations. Elles ne sont pas absentes de celles du Gouvernement.
Sur ce point, je signalerai simplement que les institutions qui interviennent dans ce qu'on appelle la « gouvernance montagnarde » sont confortées. Ainsi, les comités de massif, installés à l'automne dans leur nouvelle configuration, établiront désormais des schémas de massif, base de la contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales.
J'ai eu l'honneur et le plaisir de participer, le 15 octobre dernier, à l'invitation de son président sortant, votre collègue Pierre Jarlier, à l'assemblée générale de l'association nationale des élus de la montagne, l'ANEM. Elle nous a donné l'occasion de tirer un bilan objectif et valorisant des apports de ce projet de loi, dans l'attente naturellement de cette dernière lecture.
En matière d'urbanisme de montagne, les échanges réalisés avec les parlementaires, avant la lecture devant le Sénat et au cours de la navette parlementaire, devraient nous permettre de disposer d'un texte équilibré sur plusieurs sujets : les nouvelles règles de constructibilité le long des rives des plans d'eau de montagne, qui tiennent compte de la topographie des lieux ; la gestion de la « superposition » des lois littoral et montagne autour des lacs de montagne de plus de mille hectares ; les règles d'inconstructibilité le long des grands axes de circulation en montagne.
Un sujet reste cependant en suspens : celui qui est relatif à la procédure d'unités touristiques nouvelles, les UTN. Nous souhaitions collectivement faire évoluer cette procédure pour ne pas augmenter le nombre de projets qui y seraient soumis, en renforçant la sécurité et la transparence des décisions et, enfin, en recherchant une plus grande proximité pour les décisions qui relèvent des projets locaux, sans incidence majeure pour l'ensemble du massif.
Après d'intenses débats en phase finale et après la validation par la commission permanente du conseil national de la montagne des principes du projet de décret en Conseil d'Etat, nous arrivons à un accord global qui répond à ces objectifs. J'en rappellerai l'économie générale lors de l'examen de l'article 64.
Au fil du travail parlementaire, le projet de loi s'est aussi renforcé d'un volet tout à fait important relatif aux zones littorales. Régions rurales dans leur grande majorité, elles connaissent de manière plus accentuée que tous les autres espaces ruraux les mutations que j'évoquais au début de cette intervention : usages multiples du territoire ; forte diversification de l'activité économique ; relations entre les villes et les campagnes fortes mais parfois conflictuelles ; importance des enjeux de la préservation des ressources naturelles, fragilisées en raison de la pression globale des activités, mais gage, simultanément, des activités touristiques.
Le CIADT du 14 septembre dernier est, du reste, revenu sur les grands enjeux de cet espace.
Le texte qui vient en débat prévoit, à l'instar de ce qui a été mené depuis deux décennies sur la montagne, et avec l'appui des élus du littoral, un dispositif nouveau de gouvernance et de suivi : le Conseil national du littoral, le CNL. Ce projet de loi permet également un nouvel équilibre entre les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et les schémas de mise en valeur de la mer, les SMVM, pour donner aux espaces littoraux les outils de planification adaptés à leurs besoins.
Le Gouvernement s'est engagé à ce que les dispositions réglementaires soient prises rapidement afin que les textes de loi puissent être réellement applicables dans les meilleurs délais.
Ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ne fera pas exception, au contraire. Vous le savez et vous êtes attentifs à plusieurs décrets d'application qui sont déjà bien avancés et qui devraient pouvoir être publiés ou transmis au Conseil d'Etat très rapidement après le vote de ce texte.
Il s'agit notamment des textes réglementaires relatifs à la définition des zones de revitalisation rurale, aux seuils et à la nature des opérations soumises à la procédure d'autorisation d'« unités touristiques nouvelles » - texte que nous venons d'évoquer et qui, je le confirme, a bien fait l'objet d'une validation -, ou encore à la composition et au fonctionnement du Conseil national du littoral créé par le présent projet.
En conclusion, je tiens à saluer la disponibilité du président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, ainsi que de l'ensemble de ses membres. J'ai pu apprécier leur implication lors des échanges préalables aux deux lectures de ce projet de loi devant la Haute Assemblée et les améliorations apportées au texte leur doivent beaucoup.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la ruralité est un sujet que l'on évoque avec passion et avec coeur. Le combat pour la ruralité est un combat d'avenir : la ruralité est une richesse économique, patrimoniale, culturelle et environnementale plus nécessaire que jamais dans ce XXIe siècle. C'est la conviction dont je tenais à témoigner à nouveau devant vous, au nom de l'ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)