Article 1er
Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres. » ;
1°bis Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Nonobstant l'absence de contrat de travail avec l'établissement, les personnels enseignants mentionnés à l'alinéa précédent sont, pour l'application des articles L. 236-1, L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 du code du travail, pris en compte dans le calcul des effectifs de l'établissement, tel que prévu à l'article L. 620-10 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les élections des délégués du personnel et les élections au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d'entreprise. Ils bénéficient de ces institutions dans les conditions prévues par le code du travail. Les rémunérations versées par l'Etat à ces personnels sont prises en compte pour le calcul de la masse salariale brute, tel que prévu à l'article L. 434-8 du même code, et la détermination du rapport entre la contribution aux institutions sociales et le montant global des salaires, mentionné à l'article L. 432-9 du même code. » ;
2° L'article L. 914-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les maîtres titulaires d'un contrat définitif dont le service est supprimé ou réduit, les maîtres titulaires d'un contrat provisoire préalable à l'obtention d'un contrat définitif ainsi que les lauréats de concours bénéficient d'une priorité d'accès aux services vacants d'enseignement ou de documentation des classes sous contrat d'association dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le 1° de cet article :
1° a) Le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces derniers sont soumis à l'application de l'article L. 911-1 du présent code, au même titre que les membres des corps de fonctionnaires du service public de l'éducation. »
b) L'article L. 911-1 est complété par les mots : « et par dérogation, aux personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du présent code et L. 813-8 du code rural »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à porter le débat sur l'ambiguïté du « double statut » - il en a été beaucoup question jusqu'à présent - des maîtres de l'enseignement des établissements privés sous contrat, flou qui subsiste après la première lecture à l'Assemblée nationale.
Je suis consciente de la difficulté qu'implique l'accès au statut de la fonction publique pour les enseignants du privé, de par la refonte de nombreux textes qu'il suppose. Il n'en reste pas moins que les partenaires sociaux réclament, aujourd'hui encore, une clarification de leur situation.
En effet, ce texte ne lève pas le flou juridique de leur statut. Je dirai même que leur situation empire, puisque, avec la prédominance de l'Etat et la suppression du contrat de travail, ces enseignants, qui interviennent pourtant dans des établissements privés, ne peuvent plus exercer les recours juridiques de droit privé issus du code de travail.
Par ailleurs, il est fondamental d'améliorer les conditions financières des enseignants du privé en alignant non seulement leurs pensions mais également leurs indemnités sur celles du public.
Pour répondre à cette justice sociale et permettre une véritable égalisation des situations, il faut mettre en place la fonctionnarisation - et non pas la nationalisation, monsieur Valade - des personnels enseignants, mais aussi, pourquoi pas, de l'ensemble de la communauté éducative des établissements privés.
En lieu et place, nous est soumise une proposition de loi dont le champ législatif est étroit et qui ne permet pas une véritable réforme. Pour parvenir à la fonctionnarisation, c'est d'un véritable socle juridique dont nous avons besoin, d'un socle qui nous permette de modifier de nombreux textes. Je ne les citerai pas, pour ne pas rallonger le débat.
Vous le savez, la tâche est titanesque, mais il faut s'en acquitter. Ce texte, me semble-t-il, est loin d'être à la hauteur de l'ambition affichée ! Si je ne me fais pas d'illusion sur le sort qui va être réservé à cet amendement, il a néanmoins le mérite de soulever un débat qui intéresse aujourd'hui une grande partie des personnels des établissements d'enseignement privés sous contrat.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Vanlerenberghe, C. Gaudin et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par le 1° de cet article pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 du code de l'éducation :
« Ils sont liés à l'Etat par un contrat d'enseignement et de classement dans une échelle de rémunération de l'enseignement public. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je crois que M. le ministre a répondu par avance à notre proposition.
La définition par la négative proposée à l'article 1er ne permet pas une clarification suffisante. C'est la raison pour laquelle nous avons eu l'idée de cet amendement, qui réaffirme la prééminence du lien avec l'Etat, à travers un contrat d'enseignement, sans évidemment rien retirer au lien qui unit l'enseignant, dans le cadre du caractère propre, à la direction de l'établissement.
Vous avez répondu, monsieur le ministre, que cette rédaction était le fruit d'un consensus qui prenait en compte la volonté du législateur de 1959. Je prends bonne note de cette réponse et je retire cet amendement pour me conformer à la volonté qui s'est exprimée au sein de la plupart des groupes de notre assemblée.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Lardeux, Darniche, Retailleau, Bailly et de Richemont, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 1° de cet article pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
Ils sont liés à l'Etat par un contrat d'enseignement et de classement dans une échelle de rémunération de l'enseignement public.
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Cet amendement étant semblable à celui que vient de défendre M. Jean-Marie Vanlerenberghe, je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qu'il vient de dire, d'autant que M. le ministre nous a effectivement déjà apporté une réponse.
Cet amendement est simplement le moyen de réaffirmer qu'une définition positive est peut-être meilleure et de rappeler que l'interprétation du Conseil d'Etat, dont j'ai déjà parlé tout à l'heure, est constante et bien connue. Comment la Cour de cassation, le moment venu, appréciera-t-elle cette rédaction ?
Par ailleurs, il est intéressant de noter que la démarche qui a inspiré cet amendement comme celui de M. Vanlerenberghe est diamétralement opposée à celle qui sous-tend l'amendement n° 7 de notre collègue Mme David.
Cela étant, pour répondre à l'appel de la commission, comme M. Vanlerenberghe, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié ter est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. En assimilant les maîtres du privé à des fonctionnaires, l'amendement n° 7 de Mme David est contraire à l'objet de la proposition de loi qui, au contraire, reconnaît explicitement leur qualité d'agents publics contractuels.
Au-delà, il conduit à remettre en question l'édifice législatif issu de la loi Debré sur lequel repose le principe de la liberté d'enseignement.
Ainsi, alors que les fonctionnaires sont soumis au devoir de neutralité, la proposition de loi réaffirme le respect de la liberté de conscience des maîtres et du caractère propre de l'établissement privé, qui a valeur constitutionnelle.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement n'a rien à ajouter à la brillante démonstration que vient de faire Mme le rapporteur. En réalité, on voit bien que cet amendement a pour objet, in fine, de mettre un terme à cette liberté de l'enseignement que, par ailleurs, Mme David nous a dit tout à l'heure vouloir préserver.
M. le président. Madame David, l'amendement est-il maintenu
Mme Annie David. Bien que l'esprit de mon amendement ne corresponde nullement à ce que vient de dire M. Fillon, j'avais néanmoins l'intention de le retirer. En effet, comme je l'ai dit moi-même, je ne me faisais pas d'illusions sur la suite qui lui serait donnée.
Je retire donc cet amendement qui avait pour objet de montrer que le flou dans la définition du statut des enseignants n'est pas vraiment levé.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par M. J. Boyer, Mme Dini et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du texte proposé par le 1° bis de cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 442-5 du code de l'éducation.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, par votre réponse aux orateurs précédents, vous avez pratiquement répondu à cet amendement, que vous me permettrez néanmoins de présenter.
Cet amendement a pour objet de mettre fin à une contradiction instaurée par l'article 1er, qui dispose, d'une part, que les professeurs sont des agents publics, rémunérés à ce titre par l'Etat, et, d'autre part, que ces rémunérations doivent être prises en compte pour le calcul de la masse salariale brute des établissements.
Il faut savoir qu'en moyenne, pour un établissement, la masse salariale des professeurs correspond à quatre fois celle des personnels salariés, et qu'une contribution au comité d'entreprise de 0,2 % de cette masse salariale supplémentaire représente annuellement une charge lourde. A titre d'exemple, un établissement de 3 700 élèves devrait acquitter 15 000 euros par an pour les professeurs.
Ces contradictions ne peuvent qu'engendrer des conflits et faire entrer les organismes de gestion dans une logique de substitution à l'Etat qui les contraindra inévitablement à faire supporter sans cesse de nouvelles charges financières aux familles.
Monsieur le ministre, dans votre propos introductif, vous nous avez rassurés ; je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Pour l'application du chapitre II du titre premier du livre IV du code du travail, un personnel enseignant mentionné dans le I ci-dessus peut être désigné comme délégué syndical de l'établissement au sein duquel il exerce en application de l'article L. 412-11 du code du travail.
II. En conséquence, faire précéder cet article par la mention :
I
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, en présentant l'amendement n° 8, je défendrai également l'amendement n° 13, qui a été déposé à l'article 3 bis. Ces deux amendements ont en effet le même objet, mais ils concernent deux codes différents, le code de l'éducation et le code rural.
L'objet de ces amendements est de garantir le plein exercice du droit syndical dans les établissements.
Je m'explique : pour nommer un délégué syndical, l'entreprise doit avoir un effectif au moins égal à cinquante personnes. Même si les enseignants sont pris en compte dans l'effectif d'après le 1° bis de ce texte amendé qui vise à réintroduire l'article L. 412-5 du code du travail, la jurisprudence qui en découle précise que le délégué syndical doit faire partie de « l'entreprise ». Or, si le contrat implicite de droit privé qui lie ces enseignants à l'établissement disparaît, la nomination d'un délégué syndical enseignant devient impossible.
Aussi, malgré vos explications, hier en commission, madame le rapporteur, il me semble toujours que cette nomination reste difficilement possible et, sauf à avoir une assurance forte de votre part, monsieur le ministre, quant à la possibilité de nommer un délégué syndical enseignant dans les établissements privés, je maintiens cet amendement, que je vous invite à voter, mes chers collègues, si votre intention n'est pas de porter préjudice aux droits syndicaux de ces personnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Madame David, l'alinéa 1° bis de l'article 1er a déjà pour finalité de garantir l'exercice des droits syndicaux des maîtres contractuels, « dans les conditions prévues par le code du travail », en dépit de l'absence de contrat de travail avec l'établissement.
Par ailleurs, je vous rappelle que l'Etat accorde aux maîtres du privé des décharges syndicales.
L'amendement n° 8 nous semble donc déjà satisfait. Compte tenu de ces garanties, la commission vous demande de bien vouloir le retirer, sinon, elle donnera un avis défavorable. Cet avis vaut également pour l'amendement n° 13.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. Mme David sait d'ailleurs qu'elle a tout à fait satisfaction, puisque l'article 1er de la proposition de loi prévoit que les dispositions relatives aux droits sociaux des maîtres sont maintenus.
Pour répondre directement à sa question, j'ajoute qu'un enseignant peut être délégué syndical.
Je souhaite donc que cet amendement, comme l'amendement n° 13, soit retiré.
M. le président. Madame David, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Annie David. Puisque M. le ministre m'assure qu'un délégué syndical - nous sommes bien d'accord qu'il s'agit d'un délégué syndical et non d'un délégué du personnel (M. le ministre acquiesce.) - peut être nommé par son syndicat dans un établissement privé, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - En cas de litige né d'une décision prise par l'établissement au sein duquel ils exercent, les enseignants mentionnés au I ci-dessus sont soumis à l'application de l'article L. 511-1 du code du travail. Pour l'application de l'article L. 513-3 du code du travail, c'est l'établissement qui doit communiquer à l'autorité administrative l'identité des enseignants afin d'établir la liste des électeurs.
La parole est à Mme Annie David.
M. Jean-Marc Todeschini. Il est retiré ! (Sourires.)
M. le président. Est-ce le cas, madame David ?
M. Jean-Marc Todeschini. Puisque le président de la commission nous a dit que le texte serait voté conforme !
Mme Annie David. Je vais présenter cet amendement n° 9 et mon explication vaudra pour l'amendement n° 14, déposé à l'article 3 bis, qui a le même objet mais qui concerne le code rural et non le code de l'éducation.
Ces amendements visent à permettre aux personnels enseignants et aux documentalistes de saisir les prud'hommes, comme c'est le cas aujourd'hui, en établissant une distinction entre les deux types de litiges existants, les litiges de droit privé, qui seront donc tranchés par le tribunal des prud'hommes, et les litiges de droit public, qui seront tranchés par le tribunal administratif.
Dans la forme actuelle de ce projet, les enseignants n'auraient aucun recours juridique face à des décisions abusives prises par les chefs d'établissements ou le président de l'organisme de gestion.
Aujourd'hui, la saisine des prud'hommes permet, par exemple, aux syndicats de défendre un délégué auxiliaire lorsque le chef d'établissement le remplace par un titulaire. Le délégué auxiliaire est alors mis au chômage sans indemnité. Les délégués syndicaux ont la possibilité de saisir les prud'hommes pour demander le licenciement du délégué auxiliaire avec tous les droits inhérents.
La jurisprudence pour ce cas de figure est constante et se positionne en faveur du délégué auxiliaire. Il en découle que les établissements préfèrent reclasser le délégué auxiliaire plutôt que de le licencier, ce qui est quand même un point positif.
De même, quel recours aura un enseignant pour s'opposer à un emploi du temps estimé trop contraignant ? On peut imaginer qu'un emploi du temps contraignant cache une sorte de harcèlement afin d'amener l'enseignant à demander sa mutation ou même à démissionner. Ainsi, les enseignants se retrouveraient dans une situation de déni de droit.
Vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, les décisions des établissements ou du président de l'organisme de gestion prises dans le cadre du droit privé ne peuvent en aucun cas être annulées par un tribunal administratif. Un chef d'établissement est une personne de droit privé qui n'est tenue de rendre des comptes qu'à son unique employeur, le président de l'organisme de gestion.
Mais peut-être pensez-vous transférer la puissance publique au chef d'établissement afin de résoudre ce problème. Il est vrai que, dans ce cas, seul le tribunal administratif serait compétent.
Vous comprendrez néanmoins que je ne pourrais, si cette disposition était envisagée, que m'inscrire en faux, tant je suis attachée à la laïcité. A l'heure où le Gouvernement ne cesse de plaider pour la laïcité, cette disposition vous mettrait pour le moins en porte-à-faux.
Aussi, chers collègues, je vous invite à adopter mon amendement, seule garantie pour les enseignants d'un recours en cas de litige entre eux et le chef d'établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Réaffirmer, comme le fait Mme David dans cet amendement, la compétence générale des conseils des prud'hommes est contraire à l'objet de la proposition de loi.
En effet, cet amendement revient à considérer l'établissement privé comme l'employeur des enseignants en lieu et place de l'Etat. Cela consolide l'instabilité juridique actuelle alors que la proposition de loi vise à mettre fin à cette situation. C'est pourquoi la commission a donné un avis défavorable sur les amendements nos 9 et 14.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les personnels enseignants et de documentation mentionnés au I ci-dessus bénéficient des garanties de prévoyance définies au contrat souscrit par l'établissement au sein duquel ils exercent. Le montant de la cotisation, à la charge de l'établissement, est au minimum égal à celui défini par l'accord-cadre de 1947.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cette présentation de l'amendement n° 10 vaudra également pour l'amendement n° 15, qui a le même objet.
Il s'agit, par ces amendements, de maintenir la couverture de prévoyance de droit privé à destination des enseignants pris en charge par les établissements.
Cette prévoyance est avantageuse pour les enseignants. Elle donne droit, par exemple, à un capital décès au moins égal à trois ans de salaire. Elle assure également une garantie de revenus en cas d'incapacité de travail ou d'invalidité.
L'établissement cotise pour chaque enseignant à hauteur de 1,50 % de la tranche A du salaire. L'employeur qu'est l'Etat ne pourra acquitter cette cotisation puisqu'elle est issue du droit privé. Les enseignants n'auront plus alors que la couverture minimale accordée par l'Etat à ses agents puisque, avec la suppression du lien entre le maître et l'établissement, la cotisation sera due par l'enseignant s'il souhaite bénéficier des avantages de cette couverture. Cela entraînera une diminution de 1,5 % de son indemnité nette, ce qui creusera encore plus l'écart de traitement avec ses collègues de l'enseignement public.
Vous m'avez assuré que les établissements maintiendraient leurs engagements. Mais, comme vous le savez sans doute, la Fédération nationale des organismes de gestion de l'enseignement catholique a déjà fait savoir, dans un courrier adressé par son président à une organisation syndicale, que cette cotisation ne serait plus due si le présent texte était adopté en l'état.
En outre, bien qu'il soit stipulé dans le relevé de conclusions qu'un groupe de travail entre le ministère et les organisations syndicales devra se pencher sur cette question, rien ne garantit l'issue de la réflexion. C'est pourquoi certains syndicats souhaitent le maintien de cet acquis tant que le Gouvernement n'apportera pas de garantie, d'autant qu'on voit mal comment ce groupe de travail peut s'engager sur un point qui lui échappe puisque les établissements n'en font pas partie.
Aussi, l'adoption de cet amendement permettrait d'éviter un recul social pour les enseignants, sans créer de charges nouvelles pour l'Etat puisque les établissements continueront d'acquitter cette cotisation.
C'est donc dans l'intérêt des personnels que je vous invite à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Les maîtres des établissements privés bénéficient en effet du régime de prévoyance des cadres, qui est lié à leur affiliation au régime complémentaire de retraite de l'AGIRC et non à un statut de droit privé. Cette affiliation demeure avec la présente proposition de loi.
Comme je l'ai souligné dans mon intervention, des négociations seront ouvertes, dans les semaines à venir, avec l'ensemble des partenaires concernés, notamment en vue d'actualiser le taux de la cotisation à la charge des établissements. Ce régime se cumule en effet avec le capital invalidité et décès servi par l'Etat.
Il ne semble donc pas souhaitable de figer ce régime dans la loi, alors que les représentants des personnels et des établissements comptent sur l'ouverture du dialogue social.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 10 ainsi que sur l'amendement n° 15, dont le libellé est identique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet le même avis, et ce sur l'amendement n° 10 comme sur l'amendement n° 15, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article L. 813-8 du code rural est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« En leur qualité d'agent public, ils ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié. » ;
2° Après la première phrase du troisième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de recrutement par concours et les garanties d'emploi dont les lauréats bénéficient. ». - (Adopté.)
Article 2 bis
I. - Il est institué un régime public de retraite additionnel obligatoire ouvert :
1° Aux personnels enseignants et de documentation mentionnés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural ;
2° A leurs conjoints survivants ainsi qu'à leurs orphelins.
Ce régime, par répartition provisionnée, est destiné à permettre l'acquisition de droits additionnels à la retraite.
II. - Les cotisations, dont les taux sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation, de l'agriculture et du budget, sont réparties entre l'Etat et les bénéficiaires. La cotisation à la charge de l'Etat est au moins égale à la cotisation à la charge des bénéficiaires. Les cotisations sont assises sur la totalité de la rémunération versée par l'Etat.
L'ouverture des droits des bénéficiaires est subordonnée à la condition :
- qu'ils justifient de quinze années de services en qualité de personnels enseignants et de documentation habilités par agrément ou par contrat à exercer leurs fonctions dans les établissements d'enseignement privés liés par contrat à l'Etat ;
- soit qu'ils aient atteint l'âge de soixante ans et aient été admis à la retraite, soit qu'ils bénéficient d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat.
La retraite additionnelle mise en paiement est servie en rente. Toutefois, lorsque la rente annuelle est inférieure à un montant fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation, de l'agriculture et du budget, la retraite additionnelle est servie en capital.
Les personnels enseignants et de documentation visés aux articles L. 914-1 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural n'ayant pas accompli quinze années de services à la date à laquelle ils sont admis à la retraite perçoivent du régime une somme égale aux cotisations acquittées au titre de ce régime.
III. - Les représentants des bénéficiaires participent à la gestion du régime.
IV. - Les dispositions du présent article sont applicables aux enseignants admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'Etat postérieurement au 31 août 2005.
V. - Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
entre l'Etat
Rédiger ainsi la fin de la première phrase et la deuxième phrase du II de cet article :
, les bénéficiaires et les établissements d'enseignements privés sous contrat, qui en supportent la charge complémentaire à parts égales. La part de ces derniers est minorée de l'indemnité de départ qu'ils sont tenus de verser de manière dégressive et transitoire comme stipulé dans l'article 2 ter.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme je l'ai annoncé lors de mon intervention dans la discussion générale, je propose, par cet amendement, de faire porter l'effort financier en partie sur les établissements.
Dans le contexte de rigueur budgétaire auquel nous sommes soumis, il est difficilement acceptable de faire peser l'effort financier uniquement sur l'Etat, d'autant plus que le système éducatif public rencontre des difficultés structurelles que seuls des moyens supplémentaires alliés à une politique ambitieuse pour notre école pourraient lui permettre de surmonter.
Par ailleurs, il me semble légitime de faire participer financièrement les établissements en vue d'une amélioration des conditions de travail des personnels qui contribuent en grande partie à leur rayonnement.
Cette participation financière est sans danger puisque je propose de la minorer de l'indemnité de départ à la retraite qu'ils versaient déjà.
A terme, l'effort consenti par les établissements pour verser cette indemnité serait alors consacré à améliorer le montant des pensions versées.
Je suis consciente du fait que, en toute logique, les établissements n'ont plus leur place dans le dispositif proposé en matière de versement des cotisations, l'Etat étant le seul employeur de ces personnels. Néanmoins, le contrat entre ces derniers et les chefs d'établissement est implicite.
Le texte qui nous est proposé mettant en place un statut hybride privé-public, vous comprendrez que je n'aie pas d'autre choix, en attendant la clarification du statut de l'ensemble de ces personnels, que d'user des mêmes subterfuges.
Aussi, dans un souci tant d'équité que de bonne gestion budgétaire, je vous invite à adopter mon amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cet amendement vise à créer un dispositif très complexe de financement tripartite du régime additionnel de retraite.
En outre, la participation des établissements ne se justifie pas dans la mesure où la proposition de loi réaffirme qu'il n'existe pas de contrat de travail entre le maître et l'établissement. Cela crée par ailleurs une charge nouvelle pour les établissements, alors que ceux-ci, vous l'avez dit, consentent déjà un effort important, par le maintien transitoire du versement de l'IDR.
Enfin, si le relevé de conclusions fixe une cotisation répartie à parité entre l'Etat et les personnels, l'article 2 bis précise que « la cotisation à la charge de l'Etat est au moins égale à la cotisation à la charge des bénéficiaires ».
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement souhaite que le Sénat ne se laisse pas abuser par les subterfuges de Mme David, fussent-ils présentés avec le sourire ! (Sourires.) Aussi émet-il un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par MM. Vanlerenberghe, C. Gaudin et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du II de cet article après les mots :
de documentation
insérer les mots :
ou de services assimilés
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cet amendement vise à apporter une précision. Le libellé de la proposition de loi n'est en effet pas tout à fait conforme à celui du relevé de conclusions que vous avez signé avec les organisations syndicales le 21 octobre dernier, monsieur le ministre. Ce relevé précisait que le régime additionnel permettrait « le versement d'un supplément de retraite à tous les enseignants du privé ayant 15 années ou plus de service d'enseignement ou assimilés ».
Ce dernier terme a disparu dans l'actuelle rédaction. N'ont été retenus que les services d'enseignement et ceux de documentation. Si vous voulez maintenir le texte conforme, il serait peut-être nécessaire de préciser, même verbalement - le compte rendu de nos travaux l'attestera -, que les services de surveillance ou le service militaire, par exemple, seront aussi pris en compte, comme ils le sont d'ailleurs actuellement, dans le calcul des retraites.
Cela me paraît important pour éviter toute interprétation ultérieure restrictive.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Lardeux, Darniche, Retailleau, Bailly et de Richemont, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du II de cet article par les mots :
ou de services assimilés
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Cet amendement a le même objet que l'amendement précédent. Il vise à lever une ambiguïté du texte quelque peu obscur proposé pour cet article.
Si la réponse du ministre est celle que je pense, nous serons probablement amenés à retirer l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Le présent article fixe un cadre législatif général dont les modalités d'application seront ensuite déterminées par voie réglementaire.
Le régime temporaire de retraite des enseignants privés, le RETREP, et l'allocation temporaire de cessation anticipée d'activité, l'ATCAA, prennent en compte ces services assimilés, mais ces deux régimes, je le rappelle, relèvent uniquement de décrets.
La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement et lui demande si les décrets qui seront pris en application de cet article intégreront les observations soulevées par ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur Lardeux lit dans mes pensées, ce qui ne m'étonne pas puisque nous nous connaissons depuis très longtemps. (Sourires.)
Je voudrais lui confirmer, ainsi qu'à M. Vanlerenberghe, que certaines positions de maîtres qui ne correspondent pas à une activité d'enseignement seront bien prises en compte dans le calcul des quinze années de service d'enseignement, ainsi que cela figure dans le relevé de conclusions du 21 octobre.
Il appartiendra d'arrêter par voie de décrets la liste de ces services assimilés. Je m'engage naturellement au respect par ces décrets de l'accord du 21 octobre et à leur publication sans délai.
M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Monsieur Lardeux, l'amendement n° 2 rectifié ter est-il maintenu ?
M. André Lardeux. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I - Après le IV de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Afin de favoriser le rapprochement des indemnités nettes des personnels enseignants et de documentation visés aux articles L. 914-du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural avec celles issues de la fonction publique, l'Etat et les établissements privés sous contrat prennent en charge, à part égales, le paiement des cotisations destinés à l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et l'Association des régimes de retraite complémentaire (ARCCO).
II - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - La perte de recettes pour l'Etat résultant du rapprochement des indemnités nettes des personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement public et celles des établissements d'enseignement privé est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement, en conformité avec la loi relative à la liberté de l'enseignement du 25 novembre 1977, dite « loi Guermeur », vise à instaurer une égalité de situation en matière de traitement, en prévoyant l'alignement des indemnités nettes des personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privé sur celles des établissements de l'enseignement public. Ce n'est pas encore le cas, au regret d'un certain nombre d'entre nous aujourd'hui.
En effet, si les « indemnités brutes » des enseignants des établissements privés sont calquées sur celles des enseignants des établissements publics, le différentiel de cotisations avec ces derniers, qui se monte à environ 100 euros, entraîne par voie de conséquence une inégalité dans « les indemnités nettes ». La conséquence en est bien évidemment un pouvoir d'achat inférieur.
Aussi, cet amendement vise à réparer cette injustice sociale par la prise en charge des cotisations salariales de retraite par l'Etat et les établissements.
Bien sûr, mon argumentation précédente sur la rigueur budgétaire à laquelle est soumise l'éducation nationale est toujours d'actualité. Si toutefois vous émettiez un avis favorable sur cet amendement, sachez, monsieur le ministre, que, lors du prochain vote sur le budget de votre ministère, je vous demanderai d'abonder ce dernier.
Néanmoins, c'est une revendication forte des partenaires, que le texte ne se propose pas de régler.
En conséquence, mes chers collègues, je vous propose d'aller jusqu'au bout de la réforme et du profond désir de justice sociale qui vous anime en adoptant cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Certes, l'objet de cet amendement est légitime puisqu'il vise à favoriser le rapprochement des rémunérations nettes perçues par les maîtres de l'enseignement privé de celles qui sont perçues par leurs homologues de l'enseignement public.
Toutefois, cet amendement est contraire à la clarification apportée par la proposition de loi, en visant à faire supporter la charge de ces cotisations aux établissements, qui ne doivent plus être considérés comme les employeurs de droit privé des maîtres.
Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. L'affiliation à l'AGIRC et à l'ARCCO donne droit aux maîtres du privé à une retraite complémentaire selon des modalités qui ne sont en rien modifiées par le présent texte.
Je veux en revanche informer le Sénat que l'Etat a soldé un contentieux avec les caisses de retraite complémentaire sur l'affiliation des maîtres du privé à l'AGFF, en prenant à sa charge les cotisations nécessaires au maintien de la retraite à soixante ans. Sur le principe, on ne peut pas exonérer les maîtres de toute contribution pour l'accès à une retraite complémentaire. D'ailleurs, la retraite additionnelle sera financée par des cotisations de l'Etat employeur et par celles des maîtres.