PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Prestation de serment d'un juge à la Haute Cour de justice et d'un juge à la Cour de justice de la République
M. le président. Les juges à la Haute cour de justice et à la Cour de justice de la République qui n'ont pu prêter serment lors des séances du mardi 26 octobre et mercredi 3 novembre vont être appelés à prêter devant le Sénat le serment prévu par les lois organiques.
Je vais donner lecture de la formule du serment. Il sera procédé ensuite à l'appel nominal des juges. Je les prie de bien vouloir se lever, lorsque leur nom sera appelé, et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».
(Successivement, M. Laurent Béteille, juge titulaire à la Cour de justice de la République, et M. Roland Courteau, juge titulaire à la Haute cour de justice, se lèvent à l'appel de leur nom et disent, en levant la main droite : « Je le jure ».)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.
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Financement de la sécurité sociale pour 2005
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale. [N°s 53, 57 et 5.]
Avant de commencer la discussion générale, je vous rappelle, mes chers collègues, que la conférence des présidents a retenu des modalités particulières de discussion du présent projet de loi.
Motion d'ordre
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, avant que ne s'ouvre la discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, je souhaite présenter à nos collègues l'organisation que nous avons envisagée pour l'examen de ce texte et que la conférence des présidents a bien voulu accepter.
Conformément à la pratique instituée voilà deux ans, nous souhaitons favoriser les discussions thématiques permettant d'isoler certaines dépenses en fonction de l'intérêt particulier qu'elles présentent d'un texte à l'autre.
Cette année, notre choix s'est porté, d'une part, sur l'assurance maladie, ce qui est naturel puisqu'elle constitue le coeur du projet - nous y consacrerons la journée de demain, en insistant particulièrement sur l'hôpital - et, d'autre part, sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, notamment en raison de la question spécifique de l'amiante ; nous aborderons ce thème jeudi prochain.
En conséquence, les articles du projet de loi ont été rattachés à la partie spécifique de la discussion générale qui les concerne. Cela nous conduit à découper le projet de loi « en tranches », sans rien changer à son déroulement logique, afin de permettre à chacun d'entre nous de bien identifier le moment où il souhaite intervenir.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Conformément aux propositions que vient de faire M. le président de la commission des affaires sociales, je soumets au Sénat une motion d'ordre concernant l'organisation de la discussion des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 :
Mardi 16 novembre, le soir :
Equilibres financiers :
Titre II (Dispositions relatives aux ressources) : articles 2 à 5 bis, soit sept articles ;
Titre V (Objectifs de dépenses révisés pour 2004) : article 31 ;
Titre VI (Mesures diverses et dispositions relatives à la trésorerie) : articles 32 à 35, soit six articles.
Mercredi 17 novembre, à quinze heures et le soir :
Débat organisé sur l'assurance maladie :
Titre III (Dispositions relatives à l'assurance maladie) : articles 6 à 18, soit dix-sept articles.
Jeudi 18 novembre, à neuf heures trente :
Débat organisé sur les accidents du travail et les maladies professionnelles :
Section 1 du titre IV (Branche accidents du travail et maladies professionnelles) : articles 19 à 23, soit six articles ;
L'après-midi et le soir :
Suite éventuelle de l'examen des articles 19 à 23 :
Section 2 du titre IV (Branche familles) : articles 24 A à 27, soit cinq articles ;
Section 3 du titre IV (Branche vieillesse) : articles 28 à 30, soit trois articles ;
Titre Ier (Orientation et objectif de la politique de santé et de sécurité sociale) : article 1er et annexe ;
Titre Ier bis (Contrôle de l'application des lois de financement de sécurité sociale) : articles 1er bis à 1er quinquies, soit quatre articles.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette proposition d'agenda ?
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, cette proposition d'agenda est adoptée et les priorités et les réserves correspondantes sont ordonnées.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 intervient dans un contexte particulier puisqu'il fait suite à trois grandes réformes sociales mises en oeuvre par le Gouvernement.
Tout d'abord, voilà un peu plus de trois mois, était promulguée la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
Ensuite, en juin, vous avez voté la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Enfin, la loi réformant notre système de retraites est entrée en application au cours de cette année à la suite de la publication de nombreux décrets.
Ces réformes fondamentales pour notre pays nous ont conduits à vous proposer un texte plutôt court et resserré, car la priorité est aujourd'hui la mise en oeuvre effective de l'ensemble de ces réformes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux ans, la sécurité sociale, à laquelle vous êtes tous ici profondément attachés, s'enfonçait dans une crise financière et institutionnelle. Chacun décrivait alors les réformes nécessaires, mais difficiles, voire impossibles à mettre en oeuvre.
En deux ans, nous avons assumé nos responsabilités et rassuré les Français sur l'avenir de notre sécurité sociale. Nous avons sauvegardé notre retraite par répartition, alors que certains disaient que nous allions la remettre en cause.
M. Guy Fischer. On va le répéter !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Nous avons construit les bases d'un système plus juste et plus solidaire. Car, dans ce type de situation, c'est l'immobilisme qui est le pire ennemi.
M. Laurent Béteille. Bravo !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Nous avons rénové la politique familiale pour l'adapter aux besoins de notre société ; Marie-Josée Roig vous en parlera.
Nous avons aussi refondé la politique de santé publique en donnant toute sa place à la prévention.
La création des groupements régionaux de santé publique, les GRSP, va permettre de rassembler les énergies au niveau régional pour atteindre les objectifs de santé publique. Nous poursuivons également, avec le plan « Hôpital 2007 », une modernisation en profondeur de l'hôpital : un plan d'investissement exceptionnel s'accompagne d'une modernisation de la gestion interne des établissements.
Nous avons enfin engagé une réforme structurelle de l'assurance maladie pour garantir sa pérennité.
Ces réformes vont permettre de consolider notre modèle de protection sociale en renforçant les droits des assurés.
L'effort engagé pour la mise en oeuvre de l'ensemble de ces réformes est très important. Il s'agit désormais de traduire celles-ci en changements effectifs pour nos concitoyens.
M. Roland Muzeau. Sur le dos des salariés ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le déficit de la sécurité sociale devrait atteindre plus de 14 milliards d'euros en 2004, ce qui est considérable. Ce déficit est d'abord dû à l'atonie des recettes.
En 2004, la sécurité sociale ne bénéficiera encore que faiblement du redémarrage de la croissance du début de cette année : la masse salariale ne devrait augmenter que de 2,6 %.
Nous sommes en progrès par rapport à 2003 : la croissance n'atteignait que 1,7 %. Cela reste néanmoins très insuffisant pour faire face au dynamisme des dépenses.
En 2004, ce dynamisme des dépenses concerne d'abord l'assurance maladie. Il conduit à un déficit supérieur à 13 milliards d'euros, ce qui représente le point le plus bas jamais atteint par cette branche.
Nous aurons l'occasion de débattre plus précisément de l'assurance maladie demain après-midi. Je m'en tiendrai donc aux lignes directrices de notre action.
Ce sont précisément ces chiffres qui imposent la réforme de l'assurance maladie. L'un des objets de cette réforme consiste à freiner la tendance forte des dépenses, car celle-ci ne correspond probablement pas à la réalité des besoins de santé de la population, comme le notent de nombreux observateurs, notamment la Cour de comptes.
On nous disait que cette réforme n'était pas possible, alors qu'il y avait 13 milliards d'euros de déficit, soit 23 000 euros par minute. Il fallait réagir !
Certes, nous avions bien la solution de la maîtrise comptable, mais celle-ci consistait simplement à remettre en cause la médecine à la française et à transformer les médecins en salariés.
J'ai pris connaissance des notes établies par les différents ministères. Pour ma part, je ne veux remettre en cause ni la médecine à la française, ni le paiement à l'acte, ni la liberté d'installation ou de prescription, ni la liberté pour tout malade de choisir son médecin.
En revanche, je suis favorable à une politique de contrôle des arrêts maladie de courte durée et de longue durée. J'ai d'ailleurs le plaisir d'annoncer à votre Haute Assemblée une baisse des arrêts maladie de courte durée et des indemnités journalières, et ce pour la première fois depuis trente ans, grâce à la mise en oeuvre de cette politique de contrôle systématique.
L'année 2005 marquera un redressement sensible des comptes de la sécurité sociale, puisque le déficit de l'assurance maladie devrait s'élever à environ 8 milliards d'euros. Cela reste évidemment insuffisant, mais c'est un premier pas dans la bonne direction. Comme nous l'avons toujours dit, le retour à l'équilibre ne peut se faire d'un coup de baguette magique ; il sera donc progressif : l'année 2005 n'est qu'une première étape.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette amélioration de 5 milliards d'euros de la branche maladie est, certes, quelque peu atténuée par le déficit important que devrait connaître la branche vieillesse du régime général en 2005 : près de 1,4 milliard d'euros.
Ce déséquilibre est surtout dû à une mesure que vous avez votée : la prise en charge de la mesure relative au départ anticipé des travailleurs âgés, mesure d'équité et de justice sociale. Son coût - 1,3 milliard d'euros en 2005 - pèse sur les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, alors même que la réforme des retraites ne produira ses effets positifs sur les comptes qu'à moyen terme.
Nous pouvons néanmoins nous réjouir que plus de 130 000 personnes qui ont commencé à travailler très jeunes, en exerçant des métiers souvent pénibles, aient pu, dès 2004, cesser leur activité.
S'agissant des pensions de réversion, j'ai saisi le Conseil d'orientation des retraites, le COR, afin qu'il examine la situation des droits dérivés en tenant compte de la nécessité d'assurer aux veuves et aux veufs la stabilité de leurs ressources et de maintenir un niveau de retraite digne, dans le respect du contrat intergénérationnel.
Le COR vient de remettre son avis et nous sommes en train de l'étudier. Nous allons, dans les tous prochains jours, engager les discussions avec les partenaires sociaux pour envisager très rapidement, sur la base de cet avis, les solutions à apporter.
D'ailleurs, mardi prochain aura lieu une réunion interministérielle autour de M. le Premier ministre, afin de déterminer la façon dont nous pouvons régler le plus vite possible ce problème. Nous ne laisserons pas entamer le pouvoir d'achat des veuves et des veufs.
MM. Adrien Gouteyron et Charles Pasqua. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. En effet, ils ont travaillé toute leur vie et ils méritent que leur pouvoir d'achat soit sauvegardé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Alors, pourquoi le décret ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le deuxième point important du volet « retraites » de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a trait à l'intégration financière du régime spécial de retraite des industries électro-gazières au régime général. C'est évidemment une opération importante du fait à la fois des montants financiers en jeu et de la complexité d'une telle intégration.
Dans ce processus, le Gouvernement s'est fixé trois objectifs : d'abord, la sécurisation des droits des salariés des industries électro-gazières ; ensuite, la neutralité de l'opération pour le régime général ; enfin - et cet impératif n'est pas le moins important - la clarté et la transparence.
La gestion de la soulte payée par les entreprises électro-gazières pour accompagner l'intégration du régime, dans son affectation comme dans ses versements successifs, doit s'effectuer au travers de circuits financiers garantissant la transparence de l'opération.
Les discussions entre la CNAV, le Gouvernement et les entreprises électro-gazières ont abouti à un montant de soulte de 7,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoute la prise en charge par le fonds social vieillesse, le FSV, des avantages familiaux du régime, sur le modèle de ce qui se fait pour le régime général.
J'ai la conviction que l'équilibre auquel nous sommes parvenus garantit effectivement la neutralité financière de cette opération pour la CNAV. C'est évidemment un point très important.
S'agissant des flux financiers, le texte voté par l'Assemblée nationale intègre les dispositions prévues dans l'accord intervenu entre les différents partenaires. Il prévoit d'abord le versement, en 2005, de 40 % de la soulte au fonds de réserve pour les retraites, ce montant étant bloqué jusqu'en 2020. Il prévoit ensuite qu'une part de la contribution tarifaire sera versée chaque année à la CNAV pour un montant global représentant 60 % de la soulte.
Ce mécanisme, s'il est complexe, repose sur l'adhésion des acteurs concernés, la CNAV comme les entreprises électro-gazières. Il garantit la transparence de l'opération d'adossement.
Le dernier point que je souhaitais aborder et qui rejoint le thème de la transparence est celui de la certification des comptes de la sécurité sociale.
Les organismes de sécurité sociale ont beaucoup progressé ces dernières années pour améliorer la qualité des comptes. La Cour des comptes a souligné ces progrès tout en relevant ceux qui restaient à accomplir. Comme je l'ai dit encore récemment à Xavier Bertrand, je souhaite que nous nous engagions, dans la logique de ce que prévoit la loi organique relative aux lois de finances, dans une procédure de certification dont les contours seront précisés progressivement. Le PLFSS pour 20005 marquera l'engagement dans cette procédure, qui me semble indispensable et qui est chère à M. Vasselle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. C'est bien de se réjouir !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 traduit l'impact des réformes ambitieuses que le Gouvernement conduit. Par ces réformes, le Gouvernement montre son attachement à la préservation et à l'adaptation de notre système de protection sociale. II s'est engagé dans un processus de consolidation et de responsabilisation des acteurs de la sécurité sociale. Il revient maintenant à ces derniers, que ce soit dans le domaine des retraites ou dans celui de la santé, de l'accompagner en prenant en charge les marges nouvelles d'action pour faire prévaloir les comportements collectifs respectueux de notre intérêt national.
Récemment, le Premier ministre et le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avaient décidé, à la demande du Président de la République, de baisser les impôts. Les impôts ont baissé et les prélèvements obligatoires ont augmenté, car les prélèvements sociaux ont augmenté.
M. Roland Muzeau. Donc, les Français payent plus !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. C'est grâce aux réformes de l'assurance maladie et des retraites que nous pourrons aboutir à une responsabilisation, ce qui constitue un enjeu majeur pour l'avenir de notre pays sur le plan à la fois économique et social. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Ce sont toujours les mêmes qui payent !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient naturellement de vous présenter les aspects du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui relèvent du ministère de la famille et de l'enfance.
J'évoquerai tout d'abord les mesures prévues par ce texte.
La première mesure concerne l'entretien de santé personnalisé, qui, même s'il figure dans la partie relative à la branche maladie, constitue la mise en oeuvre de l'une des principales mesures de la Conférence de la famille du 29 juin dernier.
Il s'agira d'un entretien qui aura lieu au niveau de la classe de cinquième : le médecin interrogera l'adolescent sur son état de santé et sur son environnement. Ce sera l'occasion d'identifier ses souffrances psychiques et de relever d'éventuelles situations de maltraitance.
Cet entretien de santé sera proposé sans reste à charge pour les familles : l'article 11 du PLFSS permet l'exonération du ticket modérateur.
La deuxième mesure sur laquelle je veux insister est relative au doublement de la prime à l'adoption, qui passera de 812 à 1 624 euros dés le 1er janvier 2005.
Cette disposition s'inscrit dans le cadre de la réforme de l'adoption internationale. Comme les parents en quête d'adoption doivent supporter des coûts spécifiques en raison de démarches onéreuses, il est légitime qu'il en soit tenu compte.
Même si le doublement de cette prime est loin de couvrir le prix d'un déplacement à l'étranger, c'est une reconnaissance que le Gouvernement a voulu marquer envers ces familles.
La troisième mesure, qui est inscrite à l'article 25 du projet de loi, tend à réformer les modalités de financement de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF. Deux enveloppes, dont les conditions d'évolution ont été adaptées de manière à favoriser une meilleure maîtrise financière, seront désormais très clairement identifiées : la première couvrira les missions fondamentales de I'UNAF qui découlent de la loi, notamment la représentation des familles ; la seconde enveloppe financera les actions qui lui sont confiées, en tant qu'opérateur, par l'Etat ; je pense notamment au soutien à la parentalité ou aux services aux familles.
Enfin, la quatrième mesure - elle est inscrite à l'article 26 du projet de loi - a trait au taux de transfert au fonds de solidarité vieillesse au titre des majorations de pension pour enfant : ce taux a été maintenu à 60 %. J'ai veillé, en particulier, à ce qu'aucune ponction nouvelle ne soit opérée sur la branche famille en 2005 ; je sais que beaucoup d'entre vous y tenaient.
S'agissant plus généralement des comptes de la branche famille, le quasi-retour à l'équilibre en 2005 m'amène à vous rappeler, s'il en était besoin, que la situation financière de la branche est fondamentalement saine et que ses ressources sont tout à fait en cohérence avec ses besoins de financement.
J'en viens aux orientations antérieures dont le PLFSS va poursuivre la mise en oeuvre.
En plus des mesures législatives que je viens d'évoquer, le PLFSS pour 2005 permet de continuer et de renforcer notre action en faveur de la petite enfance.
Je suis en effet très attentive à la montée en puissance de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, en particulier à l'élargissement du nombre de familles concernées - plus de 200.000 aujourd'hui - et aux améliorations des aides à la garde. Cette montée en charge représente 850 millions d'euros supplémentaires, dont 350 millions seront versés en 2005 aux parents de jeunes enfants.
C'est un effort considérable en faveur des familles dont le pouvoir d'achat est ainsi accru.
En matière de petite enfance, le développement de l'offre de garde sera largement poursuivi.
Ce sera le cas avec la rénovation du statut des assistants maternels et familiaux. Ce texte est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale les 21 et 22 décembre prochains. La branche famille prendra en charge plusieurs cotisations des assistants maternels pour un coût de 50 millions d'euros.
Enfin, le PLFSS pour 2005 a budgété la montée en puissance du plan de création de vingt mille nouvelles places de crèches avec 20 millions d'euros de dépenses effectives - effectives, mais non limitatives, j'y insiste - dès 2005.
Pour conclure, je considère que ce PLFSS pour 2005 permet de poursuivre notre politique de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle tout en prévoyant des mesures concrètes dès 2005 dans les domaines de l'adolescence et de l'adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique à l'égard des personnes handicapées, chantier présidentiel, fait l'objet d'efforts financiers importants de la part du Gouvernement depuis plus de deux ans.
M. Roland Muzeau. On l'a vu...
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. L'effort public en faveur des personnes handicapées avoisine, mesdames, messieurs les sénateurs, les 30 milliards d'euros.
Depuis 1995, date de changement de base de la comptabilité nationale, cet effort représente une part remarquablement constante aussi bien de la dépense de protection sociale - 6,2% - que de la richesse nationale mesurée par le PIB : 1,8 %.
Sur ces 30 milliards d'euros, près de 14 milliards d'euros sont constitués de prestations sociales en faveur des personnes handicapées relevant de la loi du 30 juin 1975.
J'espère que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances permettra, à l'avenir, un examen par le Parlement de la totalité de l'effort collectif en faveur des personnes handicapées et de sa performance.
Je vous présente aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits inscrits au titre de l'ONDAM « personnes handicapées » du PLFSS, qui représentent 21,6 % seulement de cet effort global de 30 milliards d'euros.
En 2005, l'ONDAM « médicosocial » continuera de progresser, mais cette progression sera limitée du fait de l'intervention de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.
Ce sont 330 millions d'euros supplémentaires pour le secteur du handicap que le Gouvernement vous propose d'inscrire à l'ONDAM, l'objectif total de dépenses étant de 6,5 milliards d'euros. Cela permettra la poursuite de la mise en oeuvre du plan de création de places en établissements.
En moyenne, toutes les semaines, cent places supplémentaires sont donc ouvertes sur l'ensemble du territoire national dans les établissements financés par l'assurance maladie. Elles permettent d'offrir une solution à de nombreuses personnes qui en étaient dépourvues et viennent s'ajouter aux quelque soixante places en moyenne qui sont créées chaque semaine dans les centres d'aide par le travail.
Cette politique s'inscrit dans la grande réforme de solidarité pour les personnes dépendantes, en raison de leur âge et de leur handicap, annoncée par le Premier ministre le 6 novembre 2003. La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie par la loi du 30 juin 2004 en est une première traduction.
Comme vous avez pu le constater lors de la seconde lecture du projet de loi, le Gouvernement a choisi de procéder à une réforme institutionnelle qui concilie deux exigences principales.
La première exigence, c'est le maintien de l'unicité de l'assurance maladie, puisque le Parlement continuera à voter les ONDAM « médicosociaux » relatifs aux personnes âgées et aux personnes handicapées, en prenant chaque année les mesures nouvelles nécessaires pour conforter notre politique médicalisée d'accueil, en institution comme en milieu ouvert, et de maintien à domicile.
La seconde exigence, c'est un pilotage unifié tant à l'échelon national, avec l'extension des missions confiées à la CNSA, qu'à l'échelon local, en faisant du département le chef de file de la solvabilisation de la demande des personnes âgées et des personnes handicapées.
L'effet vertueux de la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie se traduira dès 2005 par une modération de la progression de l'ONDAM - la CNSA contribuera à hauteur de 110 millions d'euros aux créations de places en établissements et en services médicosociaux - et, comme l'a préconisé la Cour des comptes dans un récent rapport, par un meilleur pilotage du risque dépendance, qui doit faciliter une vision globale et enfin cohérente de la politique relative à la dépendance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat.
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a décidé, en novembre 2003, d'engager une action très forte et très déterminée en faveur des personnes dépendantes et, en particulier, des personnes âgées en situation de perte d'autonomie.
Je souhaite insister, à cet instant, sur le travail accompli par mon prédécesseur, Hubert Falco : il a permis de dégager des financements d'un niveau sans précédent pour l'APA et pour la médicalisation des établissements et services pour personnes âgées. M. Falco et Mme Montchamp ont fait voter, avec votre appui, la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Il s'agit là d'une étape essentielle dans la réforme de la prise en compte de la dépendance et de la prise en charge de nos aînés.
Les crédits prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 constitueront la traduction concrète à la fois de la deuxième année de mise en oeuvre du plan « vieillissement et solidarité », qui porte sur la période 2004-2007, et de la mise en place de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
En effet, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, créée par la loi du 30 juin 2004, a vocation à financer des actions en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
Pour l'année 2004, la loi du 30 juin dernier a prévu le schéma financier de la CNSA et les charges qui lui sont attribuées, ce qui a permis d'allouer 155 millions d'euros aux établissements et services pour personnes âgées dès le second semestre de 2004.
Bien qu'il ne s'agisse pas de crédits relevant de la loi de financement de la sécurité sociale, je rappellerai que ce dispositif permet en outre un financement de l'APA à hauteur de 800 millions d'euros : 400 millions d'euros pour le remboursement de l'emprunt souscrit en 2003 et 400 millions d'euros supplémentaires, qui compléteront les crédits déjà apportés par l'Etat au titre de la solidarité envers les départements. Ainsi, la sauvegarde et le financement de l'APA seront enfin assurés.
Par ailleurs, il fallait mettre en place des dispositions à compter de l'année 2005, puisque l'article 13 de la loi du 30 juin 2004 distingue simplement plusieurs sections, en prévoyant la répartition des recettes de la caisse, mais sans préciser la nature des actions qui seront financées.
Il convient donc de définir dès à présent, pour 2005, la nature des dépenses afférentes à la section « personnes âgées » et à la section « personnes handicapées » : tel est l'objet de l'article 3 du PLFSS.
Cet article prévoit que 48 % des produits de la section « personnes âgées » seront consacrés à la médicalisation des établissements et services pour personnes âgées : en fonction de la recette du 0,3 % sur la journée de solidarité en 2005, cela devrait permettre de dégager environ 370 millions d'euros. Cette somme servira, d'une part, à faire entrer dans la base de financement les 155 millions d'euros dégagés en 2004 et, d'autre part, à financer les mesures pour 2005, à hauteur de quelque 215 millions d'euros.
Les dispositions du PLFSS anticipent la réforme définitive de la CNSA, prévue dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées défendue par Mme Montchamp et qui a été débattue en deuxième lecture ici même, voilà quelques jours.
M. Roland Muzeau. Elle a été massacrée !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. La réforme reposera sur la conciliation de la demande d'équité sur tout le territoire - à laquelle nos concitoyens sont à juste titre très attachés - et du souci de la proximité, garantissant une gestion proche des gens que seules les collectivités locales peuvent assurer.
A cette fin, les missions qui seront confiées aux conseils généraux seront équilibrées par un rôle puissant de régulation confié, à l'échelon national, à la CNSA, relayée sur le plan local par un système de délégation d'enveloppes dont l'Etat assurera la cohérence, dans une démarche contractuelle avec les conseils généraux.
Cette réforme s'articulera en outre avec les missions confiées à l'assurance maladie.
Il ne s'agit pas, en effet, de traiter de l'ensemble des questions relatives à la protection sociale des personnes âgées : en tant que malades, ces dernières continueront à bénéficier du même régime d'assurance maladie que tous nos concitoyens.
Il ne s'agit que de traiter de la prise en charge de la dépendance, qui ne concerne pas toutes les personnes âgées.
La Caisse aura ainsi un champ d'intervention couvrant tous les aspects du financement par l'Etat de la dépendance : la contribution au financement de l'APA, la médicalisation et les forfaits soins des établissements et services, les politiques d'études et de prévention.
Les crédits provenant de l'ONDAM, qui regrouperont ceux de l'ONDAM « classique » et ceux qui résulteront directement de la recette liée à la journée de solidarité, devront continuer à faire l'objet d'un débat et d'un vote au Parlement.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau dispositif permet de maintenir l'universalité de la sécurité sociale, à laquelle le Gouvernement est très attaché, comme le rappelait voilà quelques instants M. Philippe Douste-Blazy.
Le financement de ce plan ne reposera pas sur les seuls crédits dégagés par la contribution de solidarité de 0,3 % et affectés à la CNSA.
En effet, environ 210 millions d'euros complémentaires seront prévus pour la médicalisation des établissements et services dans l'ONDAM pour 2005.
Ainsi, au total, au titre du financement direct par la CNSA et des mesures complémentaires apportées par l'ONDAM, ce sont quelque 425 millions d'euros qui seront consacrés en 2005 à la mise en oeuvre du plan « vieillissement et solidarité ». Globalement, les crédits affectés aux personnes âgées au travers du PLFSS médicosocial, provenant de la CNSA et de l'ONDAM proprement dit, augmentent de plus de 11 %, pour atteindre 4,2 milliards d'euros.
Cela traduit la poursuite d'un effort exceptionnel en faveur des personnes âgées, voulu par le Gouvernement et le ministre de la santé et de la protection sociale.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Je souhaite rappeler en effet que les montants dédiés à l'ONDAM « personnes âgées » ont progressé de 900 millions d'euros en cinq ans, entre 1997 et 2002, et de 1,3 milliard d'euros en trois ans, entre 2002 et 2005.
Cela permettra, notamment en 2005, de poursuivre la médicalisation des établissements par la signature de conventions tripartites et le renforcement de l'encadrement en personnels soignants dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. Parallèlement à la mission MARTHE, mission d'appui de la réforme de la tarification d'hébergement en établissement, je vais d'ailleurs relancer ce chantier des conventions tripartites. Vous connaissez l'objectif : il faut aujourd'hui aller plus loin ; nous devons continuer non seulement à signer des conventions, mais aussi à discuter, dans l'intérêt de nos établissements.
Cela contribuera à la mise en place d'une politique que je souhaite tout particulièrement développer : celle qui a trait aux services à la personne.
Le maintien à domicile correspond au souhait de la majorité de nos concitoyens et des familles. C'est ainsi que, en 2005 comme en 2004, ces crédits permettront de financer 2125 nouvelles places d'accueil de jour et 1125 places d'hébergement temporaire, dont le développement contribue grandement à favoriser le nécessaire répit que sont en droit d'attendre les familles qui font le choix de s'occuper à domicile de personnes âgées atteintes de maladies, notamment dégénératives. Elles ont besoin de pouvoir « souffler » de temps à autre.
Ce volet médical du maintien à domicile sera également développé par le biais de la création, en 2005, de 4250 nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile. C'est là aussi un moyen d'oeuvrer en faveur de la proximité.
MM. Philippe Douste-Blazy, ministre, et Michel Mercier. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Plus largement, je considère que le service à la personne doit aussi être renforcé au moyen de nouvelles approches, sur lesquelles nous travaillons. Nous devrions être en mesure de proposer un plan au premier trimestre de 2005.
Le maintien à domicile concerne en effet près de 85 % des personnes très âgées puisque, au-delà de soixante-quinze ans, elles sont près de quatre millions dans ce cas, dont 445 000 environ sont accueillies dans des institutions.
Répondre aux attentes de nos concitoyens et faire face aux enjeux démographiques des années à venir, cela implique de développer une offre de qualité permettant de créer de nouveaux emplois attrayants et qualifiés et d'ouvrir de réelles perspectives de carrière au service des personnes âgées : c'est là un pari incontestablement ambitieux, parce que le gagner contribuera à faire émerger des gisements d'emplois et surtout parce qu'il s'inscrit dans une politique d'anticipation des évolutions démographiques et d'adéquation aux aspirations de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur. (M. Paul Blanc applaudit.)
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, je commencerai ma présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale en indiquant qu'il s'agit là, sans aucun doute, du dernier exercice du genre, puisque, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, le Gouvernement a pris devant la Haute Assemblée l'engagement, confirmé voilà quelques instants par M. le ministre, de présenter un projet de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Dans cette perspective, outre les enjeux concernant les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, la commission des affaires sociales du Sénat s'est interrogée sur les pistes qui pourraient guider notre réflexion en vue de la réforme annoncée.
Nous savons tous combien est difficile la situation des comptes sociaux, dont les contours ont déjà été dessinés par M. le ministre. Afin de ne pas retarder le moment où vous interviendrez, mes chers collègues, je me bornerai à vous livrer quelques éléments d'appréciation.
Je commencerai par dresser quatre constats.
Premier constat : le déficit de 14 milliards d'euros que nous enregistrons cette année est le plus élevé jamais atteint par les organismes de sécurité sociale. Ce fait n'est contesté sur aucune travée de cet hémicycle.
M. François Autain. Il est très fort !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Toutefois, la situation ne me paraît pas plus grave, globalement, que celle que nous avons connue voilà dix ans. A l'époque, mes chers collègues, les quatre branches du régime général accusaient en effet un déficit total de 10 milliards d'euros. Certes, ce montant est un peu inférieur à celui que nous constatons cette année, mais tout de même ! Nous sommes aujourd'hui confrontés aux difficultés de la seule assurance maladie.
Deuxième constat : le dérapage de l'ONDAM sera, en 2004, d'une moindre ampleur que l'année précédente. J'espère que nos collègues de l'opposition sauront faire preuve d'objectivité sur ce point.
Les éléments dont nous disposons sur l'exécution finale laissent entendre que le dépassement réel pourrait être inférieur à l'objectif révisé de 2004 tel que le prévoit le projet de loi.
Compte tenu de la baisse sensible des dépenses en cette fin d'année, le Gouvernement a sans doute été un peu pessimiste quant au résultat, mais il vaut mieux se retrouver dans cette situation plutôt que d'avoir prévu des diminutions de dépenses plus importantes.
La réalisation finale dépendra non seulement de la décélération des dépenses de santé, mais également du résultat des négociations conventionnelles actuelles. Lorsque j'ai fait état de ces dépenses en commission des affaires sociales, certains de nos collègues de l'opposition n'ont pas manqué de dire que celles-ci pourraient présenter un caractère inflationniste en fonction du résultat des accords conventionnels, de la discussion des honoraires des médecins, etc. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Troisième constat : chaque année, depuis trois ans, la tendance est nettement à l'infléchissement des dépenses de santé.
Je rappelle à ceux de nos collègues qui ne sont pas au fait de cette question que nous réduisons régulièrement l'ONDAM réalisé de près d'un point : 7,2 % en 2002 - c'était le résultat de l'ONDAM voté sous la majorité précédente -6,4 % en 2003 et 5,2% en 2004.
Pour mémoire, je précise que, sous la précédente législature, l'ONDAM réalisé était passé de 1,5 % en 1997 à 7,2 % en 2002.
M. François Autain. En 2002, ce n'était pas l'opposition d'aujourd'hui : c'était vous !
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'ONDAM de 1997 a été le seul à avoir été respecté.
M. François Autain. Et l'augmentation des honoraires !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Autain, en 2002, ce sont les dépenses effectivement constatées, à la suite de l'ONDAM fixé sous le gouvernement de M. Jospin, qui ont été votées ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C'était la campagne électorale !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si vous avez fait de l'électoralisme au travers du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mes chers collègues, vous avez une part de responsabilité !
M. Guy Fischer. Non, c'est vous !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mon dernier constat a trait aux recettes de la sécurité sociale. Les trois quarts du dérapage constaté dans les équilibres financiers de la sécurité sociale sont imputables à une moindre progression des cotisations.
La croissance économique a atteint, finalement, un niveau supérieur à celui qui était escompté, puisque nous étions partis d'une base de 1,7 % : en réalité, elle devrait s'élever à environ 2,5 % à la fin de l'année.
Mais alors que le PIB augmente, cette hausse ne se traduit pas par un accroissement de la masse salariale. Nous n'en ressentirons les effets que dans le courant de l'année 2005. Ce décalage entraîne un manque à gagner non négligeable pour les régimes sociaux.
La crise financière de grande ampleur subie par les comptes sociaux en 2004 était prévue. Elle n'était en elle-même acceptable et acceptée que parce qu'elle constituait le prix d'une réforme négociée, fondée sur une rupture délibérée avec les traditionnels plans d'économie ou de rationnement comptables des dépenses de santé précédemment mis en oeuvre. Le Gouvernement en a rappelé les enjeux, et c'est sur les bases de cette réforme que se reconstruira désormais l'équilibre financier de la sécurité sociale.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 traduit une première étape dans ce processus. L'objectif de contenir le déficit à 10 milliards d'euros pour le régime général, soit une réduction de 30 %, me semble réaliste.
M. Bernard Cazeau. On verra !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Même si des problèmes particuliers apparaissent çà et là dans les autres branches, les difficultés restent globalement concentrées sur l'assurance maladie. La branche famille enregistrera un très léger déficit, ainsi que la branche vieillesse, l'effet démographique n'étant plus porteur.
En recettes, les prélèvements nouveaux décidés dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie concernent la CSG et la C3S : ils alimenteront notre système de soins par environ 3 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter le milliard d'euros dû à la rétrocession d'une fraction des droits sur les tabacs. Cela représente une petite partie de ce que nous pouvions escompter ; nous nous en étions expliqués avec le Gouvernement au mois de juillet dernier, je n'y reviens donc pas.
La situation de l'assurance maladie sera améliorée par les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de soins. Les 2,2 milliards d'euros d'économies prévus se ventilent de la façon suivante : 1 milliard d'euros concerne la maîtrise médicalisée ; 0,3 milliard d'euros a trait à l'allègement des dépenses relatives aux indemnités journalières ; 0,7 milliard d'euros est relatif au plan « médicaments » ; enfin, 0,2 milliard d'euros concerne la modernisation de la gestion hospitalière. J'espère ainsi répondre à MM. Autain et Fischer qui s'étaient interrogés en commission des affaires sociales sur les économies réelles que nous pouvions escompter en matière de dépenses d'assurance maladie.
Il faut bien entendu y ajouter le paiement du fameux euro symbolique et l'augmentation du forfait journalier. Ces deux dernières mesures devraient se traduire par un allègement des dépenses de l'ordre de 700 millions d'euros.
Pour toutes ces raisons, la croissance de l'ONDAM a été fixée à 3,2 %. Ce taux est donc en net fléchissement par rapport à l'ONDAM de l'année dernière. Ce taux aurait été, tendanciellement, de 3,7 %, la baisse de 0,5 % correspondant à l'euro payé par les assurés sociaux.
En tenant compte des 2,2 milliards d'euros d'économies de dépenses potentielles que nous espérons, l'ONDAM se situerait à 5 % : il serait très nettement supérieur à celui qui a été voté l'année dernière, mais inférieur à celui qui est réellement constaté cette année.
Au vu des éléments d'information dont nous disposons, cet ONDAM paraît réaliste. Aussi puis-je espérer être exaucé en formulant le voeu de ne pas voir la procédure d'alerte pour dépassement de l'ONDAM mise en oeuvre en 2005.
M. Bernard Cazeau. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je voudrais à présent, en marge de la situation du régime général, vous livrer quelques analyses sur l'évolution des fonds concourant au financement de la protection sociale.
Le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de financement des prestations sociales agricoles accuseront, à la fin de l'année prochaine, 5 milliards d'euros de déficit cumulé. Les raisons en sont connues. Il s'agit, pour le premier, des conséquences du financement des 35 heures, notamment de la perte, par ce fonds, du produit des droits sur les alcools qui lui étaient attribués. Car on s'est servi du fonds de solidarité vieillesse au moment où, la conjoncture étant favorable, il dégageait des excédents.
A l'époque, Martine Aubry et Elisabeth Guigou avaient considéré que l'on pouvait puiser dans les réserves de ce fonds pour financer le dispositif des 35 heures. Le Gouvernement n'ayant pas les moyens d'appliquer sa politique, un certain nombre de recettes de la sécurité sociale ont été détournées. Depuis, nous traînons le déficit de la sécurité sociale comme un boulet.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'actuel gouvernement n'a même pas pu compenser à l'euro près ces pertes de recettes, qui se chiffrent à environ 3,5 milliards d'euros par an.
Dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, nous avons généreusement bénéficié de 1 milliard d'euros. J'évoquerai tout à l'heure les compensations, afin de faire le point sur la situation actuelle.
S'agissant du fonds de financement des prestations sociales agricoles, ces difficultés confirment qu'il ne pourra pas atteindre l'équilibre sans subvention de l'État.
La situation de ces deux fonds est néanmoins problématique : leur déficit, qui n'apparaît tel quel ni en loi de finances ni en loi de financement, pèse in fine sur la trésorerie des régimes, notamment de la CNAV et de la MSA.
A partir du moment où le FSV se trouve en déficit, il ne peut pas verser à la CNAV les fonds dont il ne dispose pas. Dans ces conditions, la CNAV doit supporter une partie des dépenses dites « de solidarité », qui correspondent aux dépenses non contributives, ce qui, bien entendu, aggrave sa situation financière.
Le fonds de réserve des retraites, qui est aussi une création du gouvernement de M. Jospin, pose un problème de nature tout à fait différente. Il a été conçu comme un alibi à l'absence de réforme des retraites.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce gouvernement voulait gagner du temps : il disait prendre mesures pour assurer, à terme, l'équilibre de la branche vieillesse. En 2010, ce fonds devait compter 1 000 milliards de francs. Des recettes devaient lui être affectées afin d'atteindre l'objectif. Parmi les recettes figuraient notamment les excédents du FSV. On sait ce qu'il en est de ces excédents : le trou s'est creusé ! D'autres mesures -privatisations, la téléphonie mobile - devaient générer des recettes nouvelles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'UMTS !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les licences UMTS devaient effectivement permettre de financer le fonds de réserve des retraites. Cela n'a pas été le cas !
M. Paul Blanc. Demain, on rasera gratis !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Aujourd'hui, 5 milliards d'euros sont généreusement prévus dans le fonds de réserve des retraites, alors que 150 milliards d'euros seront nécessaires en 2010.
Telle est la situation, mes chers collègues ! Il est désormais acquis que le plan de financement initial concernant le fonds de réserve des retraites était fantaisiste. Qui en doutait véritablement ? Nous l'avions dénoncé, mais Mme Guigou feignait de nous entendre.
Par conséquent, la commission des affaires sociales s'interroge sur la stratégie des pouvoirs publics s'agissant du fonds de réserve des retraites : quelles sont les intentions du Gouvernement ?
J'en viens à présent aux relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, notamment au respect du principe de la compensation, par l'Etat, des pertes de recettes sociales qu'il décide. Ce principe, adopté dans le cadre de la loi Veil de 1994, visait à compenser au franc près l'ensemble des mesures d'allégement de charges qui étaient décidées par le Gouvernement.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2004 a supprimé le FOREC, de façon vertueuse, c'est-à-dire en procédant à la « rebudgétisation » des recettes et des charges de cet organisme. Nous nous étions alors félicités de la suppression de ce symbole du financement des 35 heures par la sécurité sociale.
Qu'en est-il à présent ? Je ne souhaiterais pas, pour ma part, que cette suppression se traduise par une nouvelle dérive consistant à gonfler, dans les comptes des organismes sociaux, des créances à recouvrer sur l'Etat, qui se révèleraient finalement ne devoir jamais être honorées. C'est un peu la crainte que nous pouvons avoir aujourd'hui.
Ces créances existent déjà au titre des exercices passés. La Cour des comptes a estimé leur montant à 1,3 milliard d'euros au 1er janvier 2004. Or la création ou le renforcement récent de dispositifs d'exonération, qui ne trouvent pas leur contrepartie financière en loi de finances, pourraient nourrir le sentiment que leur montant va encore augmenter.
Il s'agit, en premier lieu, des fameux « contrats d'avenir », qui ont été adoptés dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Ils se substituent aux contrats emploi-solidarité, les CES, et aux contrats emploi consolidé, les CEC, qui faisaient l'objet de mesures d'allégement de charges. Ces allégements n'avaient pas été compensés, mais, du fait du changement de statut de ces contrats, ils devraient l'être par application de la loi de 1994, sauf si une disposition dérogatoire était adoptée par voie législative sur l'initiative du Gouvernement, afin d'éviter que cette compensation n'ait lieu. Or nous n'avons pas constaté de mesure allant dans ce sens.
Les sommes pourraient s'élever à 200 millions d'euros en 2004, 800 millions d'euros en 2005 et 1,4 milliard d'euros en 2007.
M. Roland Muzeau. L'Etat n'assume pas !
M. Guy Fischer. Mais il donne des leçons !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'aimerais que M. le ministre nous fasse part des intentions du Gouvernement dans ce domaine.
J'observe d'ailleurs que ce dispositif n'est pas isolé. Le Sénat discutera le 24 novembre prochain - nous n'avons pas eu l'occasion d'en débattre en commission des affaires sociales - d'une proposition de loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel...
M. Roland Muzeau. On sait d'où elle vient !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...et prévoyant que la part de rémunération des sportifs correspondant à l'exploitation collective de leur image n'est pas soumise à cotisation.
M. Guy Fischer. C'est une honte !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette mesure, qui entre dans le champ de compensation, ne trouvera pas sa contrepartie : elle représentera 200 millions d'euros de moins dans le budget du ministère des sports.
M. Roland Muzeau. C'est scandaleux !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans le même ordre d'idée, deux autres mesures figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances : le transfert, au fonds de financement de la couverture maladie universelle, la CMU, de la taxe sur les boissons, d'une part, et les règles relatives aux cotisations employeurs des maîtres de l'enseignement privé, d'autre part.
Le transfert des droits sur les alcools à la CMU intervient en compensation d'un allègement de dépenses au bénéfice de la CNAM résultant du transfert aux régions du coût de la formation des infirmières et aides soignantes. Ce transfert entraîne un manque à gagner de l'ordre de 80 millions d'euros pour la CNAM, qui n'est pas compensé.
En ce qui concerne les cotisations d'assurance maladie, le taux des employeurs du privé est fixé à 12,8 points, alors que celui de l'Etat s'élève à 9,7 points Le basculement des cotisations se traduira donc, pour la sécurité sociale, par une diminution des recettes de 20 millions d'euros.
L'addition est vite faite : au total, cela représentera, simplement pour l'exercice 2004-2005, près de 1 milliard d'euros.
L'année dernière, à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie, on nous a généreusement donné 1 milliard d'euros, mais il est aujourd'hui neutralisé par les dépenses.
L'Etat s'en sort très bien ! Les fonctionnaires de Bercy ont bien manoeuvré ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Quel réquisitoire !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le ministre, vous avez eu raison, tout à l'heure, de nous dire que des mesures devront être prises dans le cadre de la loi organique afin d'éviter que ce type de comportement ne subsiste.
Certains journaux, notamment un quotidien du soir, ont mal interprété les appréciations de la commission des affaires sociales (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) sur le respect de l'ONDAM au titre de l'exercice 2002 et des dépenses de santé : ils ont cru que la commission considérait que cet objectif ne serait pas respecté, car j'ai fait allusion, dans le rapport de la commission, au problème lié à l'absence de compensation.
Mais, dans ce rapport, je n'ai pas dit autre chose que ceci : si la loi organique était adoptée en imposant à l'Etat le principe de compensation, il y aurait un risque de censure par le Conseil constitutionnel dans l'hypothèse où celui-ci ne s'y conformerait pas. Mais cette remarque ne concernait pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté par le Gouvernement.
Je tenais à apporter cette correction, afin d'éviter tout malentendu sur le sujet.
Je terminerai mon propos par quelques développements sur la future réforme de la loi organique.
La commission des affaires sociales travaille sur cette question depuis déjà quelques années. C'est en effet mon collègue Charles Descours qui avait déposé une proposition de loi organique sur le sujet en 1999. La commission avait étudié, dans le cadre d'un groupe de travail auquel vous avez été associés, mes chers collègues de l'opposition, les moyens d'améliorer le contenu et la présentation des lois de financement, « outil essentiel et instrument perfectible » d'appréhension des finances sociales.
Le domaine est un peu technique. Je vous renvoie donc, mes chers collègues, à mon rapport écrit pour plus de précisions.
La redéfinition des agrégats que nous votons est sans doute le premier travail auquel nous devons nous atteler. J'évoquerai seulement quelques points clefs.
Tout d'abord, la présentation des recettes est aujourd'hui tributaire du choix opéré par le législateur organique de 1996, qui opta pour la présentation par catégorie. La construction des comptes d'alors le justifiait sans aucun doute. Mais cette présentation souffre d'un défaut majeur : elle rend impossible la confrontation du champ des recettes avec celui des dépenses lors du vote de la loi de financement.
Les progrès réalisés depuis lors nous permettent d'envisager sérieusement, pour le futur, une présentation des recettes par branche et par régime.
La révision devra également constituer l'occasion de mieux articuler le partage des recettes entre loi de finances et loi de financement.
L'année dernière, nous avons été confrontés à une difficulté majeure s'agissant des droits sur les tabacs, car la loi de financement fixe l'assiette et le taux d'une taxe et la loi de finances procède à sa répartition. Cette situation ne contribue ni à la transparence, ni à la lisibilité, ni à la bonne compréhension des lois de financement et des lois de finances.
Les objectifs de dépenses des différentes branches ne constitueront pas non plus des ensembles satisfaisants tant que le Parlement ne sera pas en mesure de discerner clairement trois éléments fondamentalement différents : la gestion du risque, c'est-à-dire les dépenses qui correspondent à la gestion administrative, l'action sociale et les prestations.
L'ONDAM concentre l'essentiel des griefs qui ont été formulés sur les lois de financement.
Je me bornerai à formuler deux souhaits.
Le premier est celui d'une meilleure coordination entre l'ONDAM et l'objectif de dépenses de la branche maladie, sans pour autant préconiser la suppression de l'un au profit de l'autre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela me semble en effet nécessaire afin de distinguer ce qui relève, d'une part, de la dépense d'assurance maladie et, d'autre part, des coûts d'un bon fonctionnement des régimes, notamment l'action sociale et la gestion administrative.
Mon second souhait est celui d'une meilleure ventilation de cet objectif à travers des sous-enveloppes. On a trop souvent dénoncé l'absence de connaissance des différents ONDAM : l'ONDAM « hôpital », l'ONDAM « médicaments », etc.
M. François Autain. Parlez-nous des médicaments !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce travail de définition sera sans aucun doute complexe en raison de la porosité, de la « fongibilité », en quelque sorte, de ces différentes sous-enveloppes. J'insiste néanmoins sur la nécessité de débattre successivement des moyens de la médecine de ville, du médicament, de l'hôpital, du médicosocial et de conclure nos discussions par un vote.
La redéfinition des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses devrait faciliter la définition d'un solde pour la sécurité sociale. Le législateur organique a, par défaut, organisé l'absence d'équilibre des lois de financement, le périmètre des recettes ne correspondant pas à celui des dépenses. Dans l'hypothèse de la réforme de ces agrégats, il me semble donc envisageable de construire un équilibre général du « périmètre des lois de financement de la sécurité sociale ».
Au-delà de la refonte des agrégats, se pose la question de l'extension de la compétence des lois de financement. Réduit aux seuls objectifs des régimes de base de plus de 20 000 ressortissants - ce n'est pas rien, je vous l'accorde - le périmètre des lois de financement mérite d'être réexaminé.
Il s'agit, en premier lieu, de la prise en charge de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, qui est désormais institutionnalisée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Les dépenses et recettes de ce volet de la protection sociale n'apparaissent ni en loi de finances ni en en loi de financement de la sécurité sociale. Le fait que le législateur n'ait pas fait de l'autonomie un cinquième risque de la sécurité sociale suffit-il à repousser l'idée d'un examen des comptes de la CNSA en loi de financement ? Ce point reste à trancher.
Il s'agit, en second lieu, de la place réservée à la protection sociale agricole : la suppression du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, s'est traduite par la disparition du débat traditionnel qui avait lieu à l'occasion de la loi de finances. Un cadre spécifique à la discussion de la protection sociale agricole me paraît devoir être imaginé en loi de financement.
Je conclurai cette présentation en disant un mot de la nécessaire refonte des modalités d'examen des lois de financement.
Premièrement, il me paraît nécessaire de clarifier l'environnement institutionnel des finances sociales : tout d'abord, en articulant la loi de financement avec les événements de la protection sociale - la commission des comptes de la sécurité sociale, la conférence annuelle de la famille ; ensuite, en prévoyant, au printemps, un débat sur le financement de la sécurité sociale. Un débat sur les prélèvements obligatoires est, certes, utile, mais un débat sur le financement de la sécurité sociale l'est tout autant. Cela nous permettrait d'intervenir en amont sur la l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit d'ailleurs d'un engagement qui avait été pris par le Gouvernement en 1996 mais qui n'a jamais été tenu.
Deuxièmement, l'amélioration des annexes explicatives constitue l'une des priorités d'une réforme de la loi organique. Leur fiabilité conditionne la qualité du contrôle parlementaire, qui est essentiel. A minima, il faudrait créer une annexe consacrée aux recettes construite sur le modèle des voies et moyens, instaurer un récapitulatif fiable des mesures nouvelles, ce qui n'est pas le cas de l'annexe C actuelle, et disposer d'un document propre aux agrégats de dépenses détaillant le contenu par catégorie, par régime et par branche.
Dans la plupart des cas, ces informations sont disponibles, ne serait-ce que parce qu'elles figurent dans d'autres documents, tel le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, mais elles nécessitent un effort de retraitement minutieux et relativement contraignant. La lisibilité et la cohérence des lois de financement sont donc à ce prix.
Mes chers collègues, cette reforme entraînera nécessairement un allongement des délais consacrés à l'examen des lois de financement. Mais rapportés à l'ampleur des enjeux financiers, ceux-là sont actuellement très courts.
Je vous rappellerais deux chiffres : demain, nous consacrerons trois heures à débattre à la branche maladie, qui absorbe 150 milliards d'euros ; c'est le temps qui sera consacré, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, au budget des anciens combattants, qui représente 3,4 milliards d'euros. Les chiffres parlent d'eux-mêmes !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne faut pas les opposer, mais un cadre aussi réduit conduit nécessairement à opérer des choix entre des sujets d'égale importance.
La dilatation de la loi de financement aurait pour contrepartie de réduire le nombre des projets de loi inscrits à l'ordre du jour lors de la première partie de la session. Le Gouvernement est-il prêt à accomplir cet effort ? Pour ma part, je l'appelle de tous mes voeux.
Telles sont les différentes observations que je souhaitais formuler au nom de la commission des affaires sociales, au titre des équilibres financiers, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.
Ces informations vous ont peut-être paru quelque peu fastidieuses, mes chers collègues, mais elles étaient nécessaires. Je vous invite à vous reporter à mon rapport écrit : vous y trouverez un éclairage plus fin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, après cinq années d'excédents, la branche famille n'est désormais plus épargnée par les difficultés financières.
L'année 2004 devrait ainsi enregistrer un déficit de près de 183 millions d'euros, les recettes ayant augmenté moins que prévu et les dépenses ayant crû plus rapidement. Ce léger dérapage s'explique globalement par une conjoncture économique difficile, donc favorable à l'augmentation des prestations sous condition de ressources ; il résulte aussi d'un calibrage trop imprécis de la nouvelle prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, établi l'an dernier.
La branche devrait de nouveau connaître un déficit en 2005, mais limité cette fois à 31 millions d'euros. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale tend en effet à rétablir l'équilibre des comptes en tablant sur une augmentation de 3,2 % pour les recettes, grâce au retour de la croissance, et de 2,9 % seulement pour les dépenses.
Si ces prévisions se réalisent et si l'embellie économique se maintient, le retour à une situation excédentaire des comptes de la branche famille est envisageable à compter de 2006.
La progression des recettes devrait résulter d'une augmentation de 3,5 % de la contribution sociale généralisée, car la croissance a pour conséquence d'accroître le rendement du point de CSG : celui-ci passerait de 8,9 milliards d'euros en 2003 à 9,6 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation de 7,4 % sur deux ans.
Les cotisations sociales, qui représentent près de 60 % des recettes de la branche, devraient conserver leur taux d'augmentation habituel, soit 3 %.
Troisième source de recettes, les remboursements de l'Etat à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, pour les prestations qu'elle sert pour son compte, devraient atteindre 5,9 milliards d'euros en 2005. Cette dernière ressource est toutefois peu fiable, dans la mesure où près du tiers de cette somme est versé par l'Etat en année n +1, au détriment de la trésorerie de la CNAF, ce que notre commission dénonce d'ailleurs chaque année.
Or cette situation ne va pas s'améliorer puisque, à compter de 2005, l'Etat remboursera à la CNAF, selon un schéma identique, les prestations légales et l'action sociale familiale collective des fonctionnaires. C'est déjà ainsi qu'il procède pour la PAJE et les aides au logement versées aux agents de l'Etat.
Cette mesure nouvelle concerne 430 000 nouveaux allocataires : seule l'action sociale individuelle devrait rester du ressort de l'Etat, les plafonds de ressources requis actuellement pour les fonctionnaires étant supérieurs à ceux des CAF.
En transférant cette charge à la CNAF, l'Etat devrait pouvoir économiser l'équivalent de six cents emplois. Le coût de cette opération est estimé, pour 2005, à 80 millions d'euros pour la CNAF, pris en charge par l'Etat grâce à une augmentation de son taux de cotisation de 5,2 % à 5,3 %.
La commission des affaires sociales n'est pas hostile à cette mesure, mais elle souhaite vivement qu'elle constitue une opération neutre pour la branche famille. Il conviendra donc de veiller, madame la ministre, à ce que l'Etat rembourse rapidement son dû à la CNAF, y compris en ce qui concerne les frais de gestion.
Les dépenses de la branche consistent, à 70 %, en des prestations légales, pour un total de 35 milliards d'euros en 2005.
Ces prestations légales augmentent faiblement, ce qui s'explique par le fait que les prestations d'entretien continuent de baisser en raison de la transformation des structures familiales, notamment de la diminution de la taille moyenne des familles résultant des séparations. La CNAF sert donc de plus en plus de prestations à des familles d'un à deux enfants, alors que c'est à partir de trois enfants que leur montant augmente sensiblement.
Enfin, si les entrées d'enfants dans le dispositif ont été numériquement importantes ces dernières années, elles ont été compensées par les sorties, tout aussi nombreuses, des générations nées au début des années quatre-vingt.
L'analyse de l'évolution des prestations d'entretien est toutefois délicate cette année en raison de la mise en place de la PAJE : curieusement, cette prestation est non pas comptabilisée dans la rubrique « prestations d'entretien », mais constitue une catégorie propre. En outre, son instauration a entraîné la diminution mécanique des deux autres prestations d'entretien qu'elle a remplacées : l'allocation pour jeune enfant, l'APJE, et l'allocation d'adoption.
En définitive, les dépenses de la branche famille consacrées aux prestations légales sont en recul par rapport à celles qui sont consacrées à l'action sociale et aux aides au logement versées aux familles les plus modestes.
Ce constat est renforcé par le poids grandissant des prestations légales versées sous condition de ressources, qui représentent désormais plus de la moitié du volume des prestations en 2004. Une conclusion semble s'imposer : la politique familiale se détourne d'une action en faveur de l'ensemble des familles.
La commission des affaires sociales comprend la légitimité d'une redistribution en faveur des familles les plus modestes, mais elle souhaite rappeler la vocation universelle de la politique familiale, symbolisée par les allocations familiales qui sont versées à toutes les familles sans condition de ressources.
Pour développer ce caractère universel, il est aujourd'hui nécessaire, madame la ministre, d'engager une réflexion sur les missions de la branche famille et de revaloriser plus largement la base mensuelle des allocations familiales, la BMAF, pour permettre une augmentation générale de l'ensemble des prestations. Celles-ci n'ont pas été revalorisées au-delà du taux d'inflation depuis 1997, même lorsque des périodes de croissance favorable auraient permis de l'envisager. En 2005, de nouveau, la hausse de la BMAF est fixée à 2,2 %, ce qui correspond à l'inflation et pas davantage.
Dans ce contexte financier moins favorable, la branche famille doit désormais arbitrer entre ses choix. C'est d'autant plus préoccupant que sa marge de manoeuvre est singulièrement réduite par les charges indues qu'elle supporte.
La plus coûteuse de ces dépenses indues concerne la prise en charge des majorations de pension de retraite pour enfants depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Celles-ci sont versées par le fonds de solidarité vieillesse, en tant qu'avantage vieillesse, comme un juste retour accordé aux parents qui ont contribué, en élevant au moins trois enfants, à l'équilibre des régimes de retraite par répartition. La CNAF lui restitue ensuite une fraction de cette majoration, soit 60 % depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale a maintenu ce taux à 60 %, ce qui correspond à un versement de 1,97 milliard d'euros, en hausse de 1,9 % par rapport à 2004 en raison de l'augmentation du nombre de départs à la retraite.
La commission approuve, bien entendu, le fait que ce taux de prise en charge ait été maintenu au même niveau en 2005, et non pas augmenté, mais elle déplore une fois encore cette utilisation abusive des moyens de la branche, au détriment des mesures qui pourraient être prises en faveur des familles.
Dans ce contexte, la CNAF a porté sa priorité sur l'accueil de l'enfant et sur l'aide aux familles défavorisées, ce que confirment les dispositions du présent texte.
En 2004, la mesure phare a été l'institution de la PAJE, afin d'aider financièrement les familles à la naissance ou à l'adoption d'un enfant, puis de les assister pour en assurer la garde. Cette prestation est versée désormais à 90 % des familles, soit 200 000 bénéficiaires de plus que dans le précédent système.
La deuxième étape en faveur de l'accueil de l'enfant consistera, en 2005, à réformer le système d'adoption.
En vingt ans, le nombre d'adoptions internationales a quadruplé en France : il atteignait, en 2003, le chiffre record de 3 995 enfants. Malgré cette progression, ce sont au mieux 5 000 enfants qui sont adoptés chaque année. Or 23 000 familles sont à ce jour en attente d'adoption et 8 000 nouveaux agréments sont délivrés chaque année.
Ce constat a conduit à l'élaboration d'une réforme, articulée autour des objectifs suivants : améliorer les procédures pour mieux aider les candidats à l'adoption ; rendre plus lisible le dispositif d'adoption internationale afin de faciliter les démarches des familles - une agence française de l'adoption sera créée et 3 millions d'euros sont inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2005 ; mieux associer le réseau consulaire aux procédures et favoriser le développement des actions de coopération en matière de protection de l'enfance ; enfin, améliorer la prise en charge, le suivi et la santé des enfants adoptés.
En outre, le présent PLFSS propose de doubler la prime à l'adoption et de la porter à 1 600 euros, pour un coût total de 2 millions d'euros, afin de tenir compte du coût des démarches entreprises par les familles adoptantes.
La troisième piste choisie pour favoriser l'accueil de l'enfant consiste à développer l'offre de garde, d'abord en réformant le statut des assistants maternels pour rendre ce métier plus attrayant grâce au projet de loi qui est en cours d'examen.
S'agissant de l'offre de garde collective, les dernières années ont été marquées par l'application de deux dispositifs.
D'une part, trois fonds exceptionnels pour la création de places de crèches ont été successivement institués depuis 2000. Le troisième système d'aide à l'investissement pour la petite enfance, doté de 160 millions d'euros, a été mis en place au mois d'avril 2004. Les résultats sont très positifs : au 31 juillet 2004, 475 millions d'euros avaient globalement été engagés, sur près de 3 200 projets, permettant le financement de plus de 70 000 places. En 2005, 761 projets seront mis en oeuvre et financés à hauteur de 78 millions d'euros.
D'autre part, l'aide aux crèches privées a également été développée. Ces structures peuvent recevoir des subventions des CAF et sont éligibles au crédit d'impôt « famille » institué par l'article 98 de la loi de finances de 2004.
Outre l'accueil de l'enfant, la branche famille a aussi choisi de développer l'aide aux familles défavorisées au travers de l'action sociale des CAF : 8 % des dépenses de la branche. Au total, le fonds national d'action sociale devrait dépasser, en 2005, 3,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,2 %.
Deux domaines de l'action sociale ont été particulièrement encouragés en 2004 et seront renforcés en 2005 : l'information des familles, avec l'installation des « points info familles », et la médiation familiale.
A cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 prévoit une réforme du mode de financement de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, en charge d'une partie de l'action sociale. Cette réforme s'appuie sur les travaux menés par le ministère de la famille et de l'enfance, en lien avec l'UNAF, et sur les observations de la Cour des comptes.
Le fonds spécial de l'UNAF, soit 24,3 millions d'euros en 2005, se décomposera en deux enveloppes. La première - 80 % de la dotation - permettra de financer les quatre missions traditionnelles de l'UNAF, à savoir la représentation des familles et l'appui au développement de la vie associative, l'émission d'avis aux pouvoirs publics, les actions en justice et la gestion des services d'intérêt général.
Le solde permettra de financer des actions nouvelles liées à la politique familiale, dont le contenu sera précisé par une convention conclue entre l'UNAF et le ministère de la famille.
La commission des affaires sociales a considéré parfaitement justifié l'esprit de clarification et de transparence qui a présidé à cette réforme.
Après les prestations légales et l'action sociale, les aides au logement constituent le troisième domaine d'intervention de la branche famille et concernent plus de 20 % de ses dépenses. La branche devrait participer à leur financement à hauteur de 6,6 milliards d'euros en 2005, soit autant qu'en 2004.
Cette stabilité du niveau de dépenses ne résulte pas seulement des effets positifs de l'amélioration de la conjoncture économique. En réalité, les aides au logement ont fait l'objet de mesures d'économie. Je pense, notamment, aux aides de faible montant qui ne seront désormais plus versées lorsqu'elles seront inférieures non plus à 15 euros mais à 24 euros ; cette mesure va exclure environ 75 000 familles du bénéfice de ces aides.
A cet égard, nous avons estimé qu'une réflexion pourrait être menée pour prévoir un versement annuel de l'aide au logement lorsque la mensualité est inférieure à 24 euros. Nous souhaitons, madame la ministre, que cette mesure puisse être rapidement mise à l'étude, et j'observe que des amendements ont d'ores et déjà été déposés en ce sens.
Après l'accueil et la garde des jeunes enfants et l'aide aux familles défavorisées, la branche famille aborde d'autres grands thèmes : la jeunesse, la démographie et les familles fragiles, qui constituent autant de défis pour notre société. Elle doit aussi préparer sa propre évolution en modernisant ses instruments de gestion dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion qui sera négociée avec l'Etat en 2005 pour les quatre années à venir.
La conférence de la famille de juin 2004 a été consacrée à l'adolescence. Elle a prévu différentes mesures orientées vers trois objectifs que je juge fondamentaux : valoriser l'engagement personnel, prévenir les comportements à risques et développer l'autonomie de l'adolescent. Il se trouve, par chance, que ces mesures n'emportent pas de réelles conséquences financières sur les comptes de la branche en 2005.
Vous avez choisi, madame la ministre, de travailler sur les thèmes de la démographie et des familles défavorisées en 2005. A ce titre, nous souhaitons apporter notre soutien à la préparation de la prochaine conférence de la famille par une participation active aux travaux préliminaires.
Pour mener à bien ces grands projets de la politique familiale, les ressources financières nécessaires devront être dégagées. Vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales soit particulièrement demandeuse d'un rapide retour à l'équilibre de la branche, et surtout d'une clarification des charges de la CNAF.
Sous réserve de cette observation, la commission a adopté les dispositions relatives à la famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le système français d'assurance vieillesse, bâti à la Libération sur les principes de répartition, de contributivité et d'équité, participe du pacte social de notre pays.
Depuis l'échec du plan Juppé en 1995, sa préservation était menacée par la tentation de l'immobilisme, par une contestation largement irrationnelle du principe même de la réforme, par une crispation sur tous les corporatismes et par un consensus national implicite sur les cessations précoces d'activité.
Or les échéances démographiques sont inéluctables. Le vieillissement de la population tend mécaniquement à dégrader le rapport entre le nombre des retraités et celui des cotisants amenés à financer leurs pensions.
Avec 12 millions de retraités aujourd'hui et 20 millions en 2020, comment faire l'économie d'une vraie réforme ?
Une autre solution aurait pu consister à recourir à l'emprunt pour financer les prestations sociales. Mais c'est un réflexe à courte vue : le recours à la dette n'est pas indolore. Il n'aurait fait que transférer la charge des retraites sur d'autres, plus tard. Accepter un déficit structurel de l'assurance vieillesse aurait conduit à faire porter sur les générations futures notre actuel bien-être.
L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 me donne aujourd'hui l'opportunité de présenter un premier bilan de la réforme des retraites votée l'an dernier ; c'est aussi l'occasion pour nous d'envisager quelles devront être les prochaines étapes pour consolider, à long terme, la branche vieillesse de la sécurité sociale ; je vous proposerai enfin, mes chers collègues, de nous pencher sur l'emploi des séniors pour inverser la tendance à la cessation précoce d'activité professionnelle qui existe dans notre pays.
Le premier point que je souhaite aborder est le bilan de la réforme des retraites votée voici un an, qui est encourageant.
Ce texte a amorcé des changements structurels et a apporté de vraies améliorations au moment où le choc démographique annoncé ces dernières années a commencé à faire sentir ses effets et au moment où le régime spécial de retraites des industries électriques et gazières a dû être adapté en raison de contraintes comptables internationales.
Cette réforme des retraites a été dans un premier temps généreuse, et je me place ici sur le plan des chiffres et des faits et non sur celui de la polémique. L'objectif principal du texte était d'anticiper les déséquilibres financiers futurs.
Ainsi, dans ce contexte difficile, le dispositif des carrières longues permettra cette année à plus de 130 000 personnes ayant commencé à travailler à quatorze ans, à quinze ans ou à seize ans de partir à la retraite dès cinquante-six ans, cinquante-sept ans ou cinquante-huit ans.
Cette avancée majeure a un coût, qui est évalué à 1,3 milliard d'euros pour la seule année 2005. Nous continuons néanmoins de croire à la justice de cette mesure puisque le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale transpose ce dispositif du secteur privé aux trois fonctions publiques.
Dans un premier temps, la réforme des retraites a donc créé de nombreuses dépenses supplémentaires. S'agissant du régime général, à l'horizon de l'année 2020, on peut citer la revalorisation du minimum contributif, qui coûtera 600 millions d'euros par an, le dispositif « carrières longues », qui coûtera 300 millions d'euros par an, ainsi que les mesures en faveur des pluripensionnés, qui coûtera 900 millions d'euros par an. Pour la fonction publique, il s'agit de la création du régime de retraite complémentaire, dont le coût annuel est estimé à 800 millions d'euros.
Au-delà de ces observations, on peut considérer cette réforme comme positive, car elle marque l'amorce de changements structurels. Les mesures réglementaires ont été prises pour qu'elle entre pleinement en application, à quelques réserves près.
J'observe également avec satisfaction que, quelques semaines à peine après son lancement, plus de 600 000 plans d'épargne retraite populaire ont été souscrits.
Autre changement significatif : la suppression progressive du mécanisme des transferts financiers entre régimes spéciaux, la surcompensation, dont nous avions régulièrement souligné les effets pervers.
Je mentionnerai enfin l'accord entre les partenaires sociaux intervenu le 13 novembre 2003 pour la gestion des régimes de retraite complémentaires AGIRC et ARRCO, qui constitue, pour eux, le pendant de la loi du 21 août 2003.
L'année écoulée a été dominée par un second dossier dont le règlement ne pouvait plus attendre : la réforme du financement du régime de retraite spécial des industries électriques et gazières.
Sans changement, l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2005, de nouvelles normes comptables internationales aurait obligé EDF et GDF à provisionner la totalité de leurs engagements de retraite, et ce pour près de 80 milliards d'euros, c'est-à-dire trois fois plus que leurs fonds propres.
La solution inédite retenue a consisté à préserver le niveau de prestations, y compris pour l'avenir, tout en adossant le régime spécial sur les régimes de retraite de droit commun.
Mes chers collègues, vous vous rappelez certainement que la commission des affaires sociales s'était fermement prononcée en faveur de la neutralité de cette opération pour les assurés sociaux du secteur privé, dont le régime est deux fois moins favorable que celui des gaziers et des électriciens.
Les engagements pris par le Gouvernement ont été tenus : la soulte qui sera acquittée par EDF et GDF a été calculée sur la base la plus juste - celle de la méthode prospective - et s'élève à 7,7 milliards d'euros pour la seule Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM.
Le deuxième point que je souhaite développer aujourd'hui n'est plus descriptif mais prospectif : la réforme essentielle est derrière nous, mais des efforts doivent encore être produits pour la consolider.
A court terme, deux priorités s'imposent : rétablir la situation financière du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et trouver de nouvelles ressources pour le Fonds de réserve pour les retraites, le F2R.
A plus long terme, il faut rappeler que la loi Fillon a pour échéance l'horizon de l'année 2020 et qu'elle ne réglera pas, à elle seule, tous les problèmes posés par le vieillissement de la population.
A court terme, je le répète, il s'agit en premier lieu de sauvegarder le FSV, qui prend en charge les avantages non contributifs de l'assurance vieillesse.
Face à un taux de chômage qui demeure élevé et compte tenu du coût croissant des avantages familiaux, ses résultats n'ont cessé de se dégrader. Le déficit prévu en 2005 est de 1,18 milliard d'euros.
Il s'agit en second lieu du F2R. Dès sa conception, cet organisme s'est vu assigner un objectif ambitieux : détenir 150 milliards d'euros de réserves en 2020, grâce à des financements essentiellement exceptionnels qui se sont taris, comme les licences téléphoniques UMTS.
Aujourd'hui, le F2R en est réduit à sa seule ressource fixe : la quote-part de 65 % de la taxe de 2 % sur les revenus des capitaux. Sur cette base réduite, il détiendra au mieux 56 milliards d'euros en 2020. Il faut donc désormais ou bien lui donner un second souffle, en lui affectant de futures recettes de privatisation, ou bien s'interroger sur sa légitimité et réfléchir à l'utilité de son maintien.
M. Claude Domeizel. C'est une question de volonté !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. A moyen et long termes, au-delà de la limite de 2020, des mesures doivent être préparées pour faire face à un vieillissement de la population qui fera sentir ses effets jusqu'en 2040, voire au-delà.
Par ailleurs, nous savons que la réforme de 2003 ne couvre qu'environ 40 % du besoin global de financement. Le solde repose sur le scénario macro-économique d'une baisse du taux de chômage - de 5 % à l'horizon de l'année 2020 - autorisant un transfert des excédents de l'assurance chômage vers la branche vieillesse.
Enfin, il faut tenir compte des engagements hors bilan, qui correspondent aux retraites des fonctionnaires : 850 milliards d'euros, dont pas un euros n'a été provisionné.
En conséquence, il est clair que la réforme de 2003 n'était que la première étape d'un processus de consolidation.
Il nous faut aussi désamorcer quelques bombes potentielles. Je pense, par exemple, au déséquilibre des régimes spéciaux ou au régime des agents publics de La Poste, qui n'ont pas davantage été provisionnés.
Comment faire face à 18 milliards d'euros d'engagement à la RATP, à 57 milliards d'euros à La Poste et peut-être à 70 milliards d'euros à la SNCF ? La généralisation du schéma d'adossement retenu pour les industries électriques et gazières, les IEG, justifié par les caractéristiques spécifiques d'EDF et GDF, ne me semble pas être ici la bonne solution.
Je pense aussi à certaines failles du code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment à deux d'entre elles.
La première est l'indemnité temporaire majorant la pension des fonctionnaires qui résident outre-mer : elle atteint jusqu'à 75 % en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Dans son rapport pour 2003, la Cour des comptes a sévèrement critiqué ce dispositif réglementaire datant de 1952 : pour 20 000 bénéficiaires, dont le nombre augmente rapidement, le coût annuel est aujourd'hui de 181,5 millions d'euros !
La commission des finances du Sénat avait établi le même diagnostic. Nous nous félicitons en particulier des démarches entreprises l'an dernier par son président, Jean Arthuis, et par son rapporteur général, Philippe Marini, visant à remettre à plat ce dispositif que nous jugeons également, pour notre part, injustifié. Nous regrettons que l'amendement qu'ils avaient déposé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004 n'ait pas abouti. Nous ne trouverions pas illégitime que ces décrets soient prochainement abrogés.
La seconde faille est l'application par le juge administratif français de la jurisprudence européenne sur l'égalité des hommes et des femmes en matière de liquidation de pension de retraite pour les parents de trois enfants et qui attestent de quinze ans de services, point qui a été relevé aussi par la Cour des compte. Une loi de 1924 réservait cet avantage familial aux mères ; le juge l'a étendu aux pères.
Or, dans la fonction publique, un départ en retraite sur six intervient sur cette base à un âge moyen de cinquante et un ans, mais parfois dès trente-cinq ans ou quarante ans ! La généralisation du dispositif dénature et surtout menace cet avantage familial, car 30 % des hommes dans la fonction publique sont pères de trois enfants. On crée ainsi un nouveau mécanisme de préretraite qui coûterait 1,3 milliard d'euros par an en régime de croisière. Ce niveau de dépense est bien entendu insoutenable ; il peut remettre en cause la pérennité de la mesure pour les femmes, en rendant son abrogation pour tous inévitable.
Dernier domaine où la réflexion doit être anticipée : les négociations à venir sur la pénibilité.
Ce concept recouvre une réalité incontestable, mais il faudra le définir avec beaucoup de subtilité pour qu'il ne remette pas en cause l'allongement de la durée d'activité décidé par la réforme de 2003.
Je reviendrai enfin brièvement sur des thèmes chers à commission des affaires sociales : le renforcement de la transparence et l'amélioration des règles de fonctionnement de l'assurance vieillesse.
Je n'évoquerai, à ce titre, que trois impératifs : repenser les règles de la compensation démographique entre les régimes ; mettre en place, comme nous le demandons depuis un certain nombre d'années, pour les fonctionnaires de l'État, une véritable caisse de retraite, comme la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, qui assure ce rôle depuis 1945 pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; enfin, améliorer le fonctionnement du service des pensions de l'État.
Au total, le chantier des retraites est loin d'être clos.
J'en viens à mon troisième point : le législateur ne peut pas tout faire. La loi du 21 août 2003 ne constituait qu'une condition nécessaire, mais non suffisante, au succès de la réforme.
M. Roland Muzeau. Forcément, elle n'était pas financée !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les trente-cinq heures non plus n'étaient pas financées !
M. Roland Muzeau. Il fallait faire mieux !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il faut faire évoluer les comportements, notamment sur deux points : le taux d'emploi des séniors et les préretraites, que certains qualifient de « drogue dure » de l'économie française.
La cessation précoce d'activité, conçue comme exceptionnelle au début des années 1980, s'est institutionnalisée et généralisée.
Le « stock » des préretraites, au sens large, dépasse ainsi aujourd'hui 480 000 bénéficiaires, soit l'équivalent d'une classe d'âge née pendant la Seconde Guerre mondiale !
Cette situation résulte, on le sait, d'un consensus national implicite entre les employeurs, les salariés et les syndicats. Or le résultat de cette intention partagée est incompatible avec l'intérêt général du pays.
Selon une étude réalisée sur l'ensemble des pays de l'OCDE, son coût d'opportunité pour notre économie pourrait dépasser 10 % de la richesse nationale potentielle.
Avec seulement 40 % de personnes actives parmi les personnes âgées de 55 à 64 ans, notre pays se classe presque au dernier rang des pays européens avant la Belgique et le Luxembourg.
Il faut donc renforcer la politique « anti-préretraites ». La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a déjà marqué une inflexion majeure dans ce domaine : les dispositifs existants ont été recentrés sur la pénibilité et les préretraites « maison » financièrement pénalisées. Mais l'impact de ces mesures se trouve, dans l'immédiat, contrarié par les effets du dispositif « carrières longues ». Surtout, le taux de chômage, aujourd'hui stabilisé autour de 10 % de la population active, explique la persistance mezza voce d'une politique de retrait d'activité.
Pourtant, des expériences réussies menées dans d'autres pays industrialisés - la Finlande notamment - montrent qu'il est possible d'accroître le taux d'activité des séniors.
Le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites évoque l'amorce d'une remontée en France depuis 1996. Toutefois, il tempère aussitôt cette évolution positive en l'expliquant pour moitié par des facteurs démographiques. Les témoignages des directeurs des ressources humaines des grandes entreprises françaises tendent aussi à relativiser ce timide jugement optimiste. Lors d'un récent colloque organisé à ce sujet, j'ai pu mesurer l'inquiétude des spécialistes du droit du travail face à la lenteur des changements de comportement.
Au terme de mon propos, je souhaite vous faire part, mes chers collègues, d'une double conviction fondée sur mon expérience des trois dernières années, au cours desquelles j'ai eu l'honneur de rapporter pour la commission des affaires sociales l'ensemble des textes de loi consacrés aux retraites.
Ma première conviction, c'est que nous n'aurons en réalité jamais fini de réformer les retraites. Après une décennie d'immobilisme, il nous faut organiser le pilotage de l'assurance vieillesse par des ajustements réguliers, raisonnables et de long terme.
Ma deuxième conviction, c'est que la logique de la réforme de 2003 n'est qu'accessoirement comptable et financière. Son ambition est d'éviter l'apparition de conflits de génération ou l'opposition entre les ressortissants du régime général et de la fonction publique, sans même évoquer ceux des régimes spéciaux.
Je crois au vrai choix de la solidarité et de l'équité et au refus des corporatismes : ce sont les termes nobles d'un débat politique fondamental que le Parlement en général, notre assemblée en particulier, s'honorera de conduire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est un texte d'ampleur limitée, comme l'a dit Philippe Douste-Blazy tout à l'heure. En effet, il fait suite aux votes de trois réformes sociales : la réforme des retraites, la réforme de l'assurance maladie, la réforme du financement de la solidarité nationale pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Nous sommes dans un contexte de dégradation financière sans précédent des comptes de la sécurité sociale. Le régime général connaîtra en effet en 2004 son déficit le plus élevé jamais atteint après trois années de dégradation exponentielle. Son solde financier est en effet passé d'un excédent de 1,2 milliard d'euros en 2001 à un déficit de 14 milliards d'euros en 2004, soit une détérioration moyenne de 5 milliards d'euros par an sur la période.
Ce déficit est presque exclusivement concentré sur la branche maladie du régime général, même si, pour la première fois depuis dix ans, toutes les branches seront déficitaires en 2004.
De plus, il faut s'inquiéter de la situation particulièrement dégradée du régime de protection sociale agricole, qui devrait connaître un besoin de financement de l'ordre de 900 millions d'euros en 2004 et de 1,5 milliard d'euros en 2005. Je rappelle que, à compter du 1er janvier 2005, le nouveau Fonds de financement des prestations des non-salariés agricoles, le FFIPSA, qui a le statut d'un établissement public administratif, reprendra les attributions du traditionnel BAPSA.
Le plafond d'avances de trésorerie de ce régime sera au demeurant relevé de manière importante en 2005, puisqu'il passera de 4,1 milliards d'euros à 6,2 milliards d'euros, ce qui donnera au FFIPSA une capacité d'emprunt plus importante. En revanche, le plafond d'avances de trésorerie du régime général sera ramené de 33 milliards d'euros à 13 milliards d'euros.
Cette dégradation des comptes sociaux a eu des conséquences inéluctables en termes d'évolution des prélèvements sociaux. Les prélèvements sociaux constituent en effet une part croissante du PIB puisqu'ils représentaient 20,5 % en 1997 et 21,8 % en 2003. Cette part devrait s'établir en 2004 à 20,5 % et à 20,6 % en 2005, en raison notamment de mesures de changement de périmètre liées à la disparition du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC.
Les administrations de sécurité sociale captent aujourd'hui près de la moitié de nos prélèvements obligatoires, qui représenteront 43,7 % du PIB en 2005, ce qui témoigne du besoin de financement engendré par les dépenses sociales de notre pays.
A travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, le Gouvernement se propose de relever le défi de l'amélioration des comptes sociaux et s'inscrit dans le droit-fil des réformes sociales déjà mises en oeuvre. Ces réformes suffiront-elles à assurer la « soutenabilité » à moyen terme de nos finances sociales ? Qu'il me soit aujourd'hui permis d'en douter.
Deux mesures de recettes contenues dans ce projet de loi méritent notre attention.
D'une part, les mutuelles et les institutions de prévoyance seront placées sur un pied d'égalité avec les institutions financières au regard de l'assujettissement à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la fameuse C3S, alors que l'assujettissement à cette contribution variait jusqu'à présent en fonction de la forme juridique de l'organisme concerné. Je rappelle que le produit total de la C3S atteint 3,33 milliards d'euros en 2004.
D'autre part, un nouvel article introduit par l'Assemblée nationale prévoit une mesure de coordination avec le projet de loi de finances pour 2005, qui fixe la répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs. La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, devrait ainsi, conformément aux dispositions de la loi relative à l'assurance maladie, voir le produit qui lui est affecté majoré. Elle recevra ainsi 32,5 % du produit du droit de consommation sur les tabacs, soit 3,07 milliards d'euros. Cette évolution se fait au détriment de la part affectée à l'Etat, qui passera de 25,91 % à 14,83 %.
Toutefois, le produit total du droit de consommation sur les tabacs a progressé bien moins que prévu en 2004, puisqu'il devrait s'élever à 9,25 milliards d'euros alors que 10 milliards d'euros étaient attendus. Faut-il s'en plaindre ? La campagne anti-tabac a porté ses fruits, mais c'est le financement même de la sécurité sociale par le tabac qui est en cause.
Par ailleurs, la part affectée à la CNAMTS a été majorée de 90 millions d'euros pour compenser partiellement le transfert, prévu par l'article 77 du projet de loi de finances, du produit de la contribution sur les boissons alcooliques de plus de 25 degrés au fonds de financement de la CMU, qui devrait atteindre 370 millions d'euros en 2005.
Quant aux objectifs de dépenses fixés dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, ils s'établissent à 361,7 milliards d'euros, en augmentation de 4,2 % par rapport aux objectifs révisés pour 2004. L'évolution de l'objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité, décès apparaît particulièrement optimiste. En effet, une grande incertitude pèse aujourd'hui sur le rendement des mesures de maîtrise médicalisée contenues dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
Je voudrais maintenant vous présenter rapidement la situation de chacune des branches de la sécurité sociale. Toutefois, je n'insisterai ni sur la branche maladie ni sur la branche accident du travail, qui feront, demain, l'objet d'un débat ici même.
La commission des comptes de la sécurité sociale évalue le déficit de la branche maladie à 13,2 milliards d'euros en 2004. Il devrait s'améliorer en 2005 pour atteindre 8 milliards d'euros.
Cette branche a été en constant déficit depuis le début des années quatre-vingt-dix. Toutefois, la dégradation du solde de l'assurance maladie s'est accélérée depuis la fin de cette décennie. En effet, le déficit de l'assurance maladie était inférieur à 1 milliard d'euros en 1999, il atteignait environ 2 milliards d'euros en 2000 et en 2001. Il a augmenté de près de 4 milliards d'euros chaque année depuis 2002, pour atteindre un record historique en 2004.
Même au plus fort de la croissance économique, l'assurance maladie n'a jamais retrouvé un solde positif ; c'est pourquoi on peut estimer que son niveau de déficit interdit aujourd'hui tout retour spontané à l'équilibre. Cette branche est en effet confrontée avant tout à une crise de dépenses liée, notamment, au comportement des différents acteurs, à l'allongement de la durée de vie de la population et au progrès technique, qui entraînent une accélération particulièrement vive du rythme de progression de l'ONDAM. Cette crise de dépenses est en outre aggravée par le ralentissement de la conjoncture économique, qui a rendu moins dynamique l'assiette des cotisations sociales, à savoir la masse salariale, créant par là même un effet de ciseau entre recettes et dépenses.
Toutefois, la décélération du rythme de progression des dépenses d'assurance maladie constatée en 2003 et en 2004 est encourageante.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, le Gouvernement a choisi de fixer la progression de l'ONDAM à 3,2 % par rapport à l'ONDAM pour 2004 rebasé. Cette prévision me parait très optimiste, voire irréaliste, dans la mesure où une grande incertitude pèse encore aujourd'hui sur le rendement des mesures de maîtrise médicalisée mises en oeuvre par la loi du 13 août 2004. Effectivement, leur réussite suppose des efforts importants de tous les acteurs et un changement des comportements qui devraient porter leurs fruits sur le long terme, même si nous notons en fin d'année une amélioration notable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Les mesures nouvelles contenues dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'agissant de la branche maladie, sont d'ampleur limitée. Elles visent notamment à permettre l'application, dans tous les établissements de santé, de la réforme portant tarification à l'activité mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Je reviendrai plus longuement sur l'avenir de l'assurance maladie demain, lors du débat spécifique consacré à cette question.
En ce qui concerne la branche accident du travail et maladies professionnelles, je voudrais simplement souligner qu'elle connaîtra un déficit important et croissant, puisqu'il devrait s'élever à 704 millions d'euros en 2005, après avoir atteint 505 millions d'euros en 2004. Ce déficit est accentué par le poids des contributions au fonds de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, et au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, qui sont toujours plus lourdes et qui progressent de 200 millions d'euros en 2005 pour s'établir à 800 millions d'euros.
Les comptes de la branche famille sont en excédent depuis 1999. Cet excédent s'élevait à 1 milliard d'euros en 2002 et à 400 millions d'euros en 2003 ; cette branche devrait néanmoins être déficitaire de près de 200 millions d'euros en 2004 et retrouver un équilibre précaire en 2005.
L'année dernière, la loi de financement de la sécurité sociale avait créé la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, dans un but de simplification.
La PAJE a un coût élevé puisqu'elle devrait se traduire pas une dépense nouvelle de 140 millions d'euros pour la branche famille en 2004 et d'environ 850 millions d'euros par an à compter de 2007.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 est assez pauvre s'agissant des mesures en faveur de la branche famille. En effet, le doublement de la prime d'adoption et la réforme du mode de financement de l'Union nationale des associations familiales sont les principales dispositions concernées.
La branche vieillesse connaîtra également un déficit de 70 millions d'euros en 2004 et de 1,5 milliard d'euros en 2005. La montée en puissance des retraites anticipées dans le régime général devrait se poursuivre ; elles représentent un coût de 630 millions d'euros en 2004 et de 1,3 milliard d'euros en 2005.
Cette mesure de départ anticipé à la retraite sera également progressivement étendue aux fonctionnaires, selon les mêmes modalités que celles qui sont retenues pour le régime général par l'article 29 du présent projet de loi et l'article 73 du projet de loi de finances pour 2005 : cela devrait représenter en 2005 une charge nouvelle de 68 millions d'euros pour la caisse de retraite de la fonction publique territoriale et hospitalière et de 70 millions d'euros pour l'Etat.
Je voudrais insister sur la situation difficile que connaîtra le Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit approchera 1,2 milliard d'euros en 2005, après avoir atteint 429 millions d'euros en 2004. Son déficit cumulé devrait atteindre près de 2,7 milliards d'euros en 2005, ce qui est très préoccupant et pose à la fois un problème de flux et un problème de stock.
En outre, le dispositif de compromis retenu sur la soulte des industries électriques et gazières, IEG, sur lequel je voudrais maintenant faire le point, contribuera à accroître ses difficultés.
L'article 28 du présent projet de loi, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, tient compte du compromis trouvé par le Gouvernement avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse au sujet de l'adossement du régime des IEG au régime général.
Sans entrer dans les détails techniques de calcul, je dirai simplement que la soulte des IEG correspondra à un « droit d'entrée » de 7,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutera 1,3 milliard d'euros de prestations familiales remboursées à la CNAVTS par le FSV, soit 9 milliards d'euros. Il faut préciser que ces données ne figurent pas dans le présent projet de loi.
Le versement de la soulte sera étalé dans le temps et payé de la façon suivante.
Un versement initial de 40 % de la soulte, soit 3,08 milliards d'euros en valeur 2005, sera confié au Fonds de réserve des retraites, pour être placé jusqu'en 2020 ; en 2020, la CNAVTS recouvrera son capital de 3,08 milliards d'euros, majoré des intérêts capitalisés depuis 2005.
Le solde de 4,62 milliards d'euros sera versé de façon échelonnée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières, la CNIEG, à la CNAV pendant vingt ans, de 2005 à 2024.
L'article 28 du présent projet de loi précise que « les versements directs à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés sont garantis par l'Etat dans des conditions définies en loi de finances ». Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions sur ce point lors de la discussion en séance publique.
Le Fonds de réserve pour les retraites assurera la gestion d'une partie de la soulte dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables aux autres actifs, sans qu'elle soit retracée dans une section ad hoc, mais les résultats de la gestion de cette partie de la contribution sont retracés chaque année dans l'annexe des comptes du fonds, ce qui paraît pertinent, dans la mesure où ce dispositif favorise l'efficacité de la gestion, alors que la séparation comptable et financière de la gestion de la soulte des autres réserves du fonds aurait été source de complication.
Quant aux autres réserves du fonds de réserve, je me contenterai d'indiquer qu'elles devraient s'élever à 20,9 milliards d'euros vers 2005.
En conclusion, je m'interroge sur la pertinence actuelle du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale, défini voilà plus de huit ans. Si, en 1996, l'instauration de ce nouvel instrument financier législatif a constitué une amélioration indéniable, force est de constater que cet instrument a aujourd'hui vécu et que nous avons atteint les limites de cet exercice parlementaire annuel.
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je vais vous l'expliquer, ma chère collègue.
La commission des finances du Sénat, forte de son expérience acquise lors de la rénovation du cadre organique relatif aux lois de finances, sera en mesure d'apporter une contribution utile au débat concernant l'indispensable réforme des dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. Je souhaite que les deux commissions compétentes de notre assemblée travaillent main dans la main pour moderniser un débat et un cadre législatif devenus obsolètes.
Mme Hélène Luc. Cette discussion, pour vous, c'est encore trop ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a émis un avis favorable sur l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le contenu des communications des rapporteurs qui m'ont précédé et qui ont exposé avec talent le contexte et les enjeux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.
Dans le contexte financier difficile que fut celui de ces dernières années, le Gouvernement n'a pas économisé ses efforts en matière sociale : sauvegarde des retraites et de l'assurance maladie, nouveaux droits pour les personnes handicapées et les personnes âgées, ambition nouvelle pour la cohésion sociale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Soyez plus modeste !
M. Nicolas About, président la commission des affaires sociales. Je sais que cela vous choque...
M. Guy Fischer. Oui !
M. Nicolas About, président la commission des affaires sociales. ... parce que vous aimeriez bien avoir le monopole du coeur, mais vous ne l'avez pas !
Le bilan du Gouvernement en matière sociale, chacun le sait, est digne d'éloges.
Dans ce contexte agité, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue une sorte de respiration qui nous donne l'occasion de mettre en perspective nos travaux passés et de préparer l'avenir.
Je présenterai brièvement demain les axes de travail retenus par la commission des affaires sociales sur l'assurance maladie.
Nous souhaitons contribuer au « service après vote », monsieur le secrétaire d'Etat, et avancer dans la voie tracée par la réforme, car nous avons le sentiment que beaucoup reste à faire.
M. Guy Fischer. Ça, c'est sûr !
M. Roland Muzeau. Tout reste à faire !
M. Nicolas About, président la commission des affaires sociales. Je me contenterai pour l'heure de demander au Gouvernement de nous faire connaître sa position sur un sujet d'importance : il s'agit des lois de financement de la sécurité sociale.
Alain Vasselle a résumé brillamment les grandes lignes de l'ambition que nourrit la commission des affaires sociales pour la réforme du cadre organique des lois de financement. Je n'y reviendrai pas.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été saisi de quelques interrogations à la lecture de nos travaux de mercredi dernier et des propos tenus par le président de la commission des finances dans le cadre du débat relatif aux prélèvements obligatoires et à leur évolution. Celui-ci a plaidé pour l'intégration de la loi de financement dans la loi de finances, en disant : « peut-être pourrons-nous même discuter en même temps du budget de l'État et du budget de la protection sociale ».
Cette perspective est parfaitement envisageable, « réenvisageable » devrais-je plutôt dire : elle correspond en effet à un retour en arrière de dix ans, à une époque où les comptes de la sécurité sociale étaient examinés dans le cadre du budget du ministère des affaires sociales, de la santé et de la ville et où le temps consacré à cet examen n'était pas plus important que celui qui était réservé au budget des anciens combattants, ainsi que vous le rappeliez, monsieur le rapporteur. (M. Alain Vasselle, rapporteur, acquiesce.)
Les documents d'archive de notre commission témoignent de nos débats d'alors, au cours desquels M. Douste-Blasy répondait aux questions de Charles Descours, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Jean Arthuis étant à l'époque rapporteur général du budget.
Cette discussion globale, « consolidée » ou « combinée », n'a pas permis d'éviter la crise majeure des comptes sociaux constatée alors pour les quatre branches et non pour la seule assurance maladie.
Le retour à un modèle que nous avons déjà écarté par le passé serait-il un gage de progrès ?
M. Guy Fischer. Mettez-vous d'accord !
M. Nicolas About, président la commission des affaires sociales. Personnellement, je n'en suis pas convaincu, mais je souhaiterais connaître la position du Gouvernement. Celui-ci souhaite-t-il fondre la loi de financement de la sécurité sociale dans la loi de finances ou, au contraire, souhaite-t-il progresser vers le renforcement des lois de financement ?
Dans cette dernière hypothèse, il faudra, mes chers collègues, que nous nous adaptions et que nous fassions un peu plus de place à cet instrument alors amélioré.
Mon souhait, en tant que président de la commission des affaires sociales, est de voir chacun de nos collègues s'approprier ces moments réservés aux préoccupations premières de nos concitoyens : la protection de leur santé, la garantie de leur retraite, l'assurance d'être aidé ans leurs responsabilités familiales.
Pour la troisième année consécutive, la conférence des présidents a bien voulu, et je l'en remercie, accéder à la demande de la commission des affaires sociales et organiser l'examen du projet de loi de financement par discussion thématique afin que nous concentrions notre attention sur les points chauds, à savoir, cette année, l'hôpital et la branche accidents du travail - maladies professionnelles. Je m'en félicite et je souhaite que nos collègues puissent pleinement profiter de cette clarification de présentation pour animer ces débats.
J'attire enfin l'attention du Gouvernement sur le fait que nous comptons sur son appui pour que la commission puisse exercer ses compétences en matière de contrôle et d'évaluation.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Nicolas About, président la commission des affaires sociales. Beaucoup dépend du Sénat et de son bureau, je le sais. Le président Christian Poncelet connaît nos propositions et nos souhaits en la matière. La réforme de la loi organique serait l'occasion d'y accéder. Mais le Sénat ne peut pas tout, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous avons dernièrement reçu le Premier président de la Cour des comptes, ainsi que les magistrats de la 6e chambre. Je me félicite d'ailleurs de l'attention avec laquelle ceux-ci étudient nos demandes, mais cette attention trouve ses bornes dans les moyens de la Cour, qui, malheureusement, ne sont pas illimités.
N'oublions pas, mes chers collègues, que le code des juridictions financières offre à la commission des affaires sociales les mêmes facultés de recourir aux enquêtes de la Cour dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale que celles qui sont offertes à la commission des finances dans le cadre du projet de loi de finances.
La commission des finances a bénéficié d'une assistance utile et importante ; la Cour lui a déjà communiqué les résultats de neuf enquêtes et devrait en rendre quatre prochainement.
La commission des affaires sociales a des ambitions plus modestes, mais pas moins efficaces. Convaincue que « le mieux est l'ennemi du bien », elle se satisferait d'une demande d'enquête annuelle aboutie chaque année. Mais il semble que les moyens dont dispose la 6e chambre de la Cour des comptes ne permettent pas un tel rendez-vous à la fréquence d'une fois par an.
Seul le Gouvernement pourrait résoudre cette difficulté dans le cadre du budget, en dotant la Cour des moyens d'exercer cette compétence « d'assistance au Parlement dans l'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale ». J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement pourra accéder à ce voeu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 76 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, nous partageons un constat quant à l'action du Gouvernement : nous considérons que l'action du Gouvernement est résolument sans précédent.
Mais je crains que nous n'entendions sous un même vocable deux réalités bien différentes. Vous estimez que la politique menée permet enfin de corriger les handicaps structurels du système de sécurité sociale tout en en préservant l'essence ; nous estimons que la politique du Gouvernement présente le risque d'une transformation profonde de la nature de la sécurité sociale et qu'elle ne prépare pas l'avenir.
Si nous n'y prenons garde, demain, la prise en charge collective des risques de l'existence sera drastiquement réduite. Alors que notre sécurité sociale vacille, rien de significatif, malheureusement, n'est prévu dans ce budget pour éviter qu'elle ne s'effondre.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 qui nous est soumis inquiète plus qu'il ne rassure. Il n'y a finalement que le MEDEF qui y trouve son compte, puisqu'il a décidé de réitérer sa participation aux instances de régulation de la sécurité sociale. Ce retour, d'ailleurs, ne trompe personne, il a très certainement été négocié.
Nos concitoyens, et principalement les salariés, ont quant à eux de bonnes raisons d'être inquiets des réformes à I'oeuvre, qui se traduiront pour eux, au mieux, par plus de prélèvements aujourd'hui, par une couverture sociale diminuée demain, au pire, par une faillite progressive de la sécurité sociale et une dérive vers un système d'assurances individualisées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. On n'en est pas là !
M. Bernard Cazeau. Quelles sont les raisons d'une telle dégradation des comptes sociaux ? Sommes-nous sur la voie d'une amélioration ? Les projets du Gouvernement préparent-ils l'avenir ?
Telles sont les questions que nos concitoyens nous posent. Je crains qu'ils ne trouvent pas, dans les dispositions du présent texte, de réponse à la mesure des enjeux.
L'inquiétude atteint en effet son paroxysme en raison du déficit calamiteux prévu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Tous les régimes sont dans le rouge : 14,8 milliards d'euros de déficit pour le régime général, dont 13,2 milliards d'euros pour celui de l'assurance maladie qui, comme d'habitude, se taille la part du lion.
Même les régimes vieillesse, familles et accidents du travail sont déficitaires.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si vous aviez engagé la réforme des retraites, nous n'en serions peut-être pas là !
M. Bernard Cazeau. Les promesses n'ont pourtant pas fait défaut depuis le début de la présente législature, à l'occasion des trois lois dernièrement votée : je veux parler de la loi portant réforme des retraites, de la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
Loin des objectifs annoncés, monsieur le secrétaire d'Etat, le grand soir de la réforme tant promise par le Gouvernement n'aura pas lieu en 2005. La dégradation inexorable des comptes que nous constatons cette année constitue la preuve tragique de l'échec de la politique économique et sociale du Gouvernement.
La formation du déficit du régime général entre 2003 et 2004 en est un exemple révélateur. En effet, alors que les dépenses progressaient aveuglément de 5,8 % durant cette période, les recettes n'évoluaient pour leur part que de 2,9 % en raison d'une croissance limitée de la masse salariale, sur laquelle sont assises les deux tiers des recettes du régime général.
Le constat est sur ce point unanime : une politique qui engendre du chômage entraîne irrémédiablement une détérioration des comptes sociaux.
Le problème de la France, à ce jour, est bien celui du développement économique et de l'emploi.
Dans ces domaines, la stratégie du Gouvernement s'est avérée être un échec patent : la baisse de la fiscalité pesant sur les plus riches n'a pas favorisé l'investissement ; de même, la dérégulation du marché du travail n'a pas favorisé les embauches.
L'équilibre des régimes sociaux s'en ressent : dans un contexte de hausse importante des dépenses, l'effet de ciseaux joue à plein.
Ce cercle vicieux, dépressionnaire et cumulatif, qui, ainsi que l'attestent les chiffres qui nous sont présentés cette année, atteint son paroxysme, s'est enclenché dès votre arrivée aux responsabilités : la dynamique française de croissance et de créations d'emplois s'est enrayée, la priorité politique donnée à la maîtrise des dépenses de santé a été délaissée et la recherche de justice sociale dans la conduite des réformes et la gestion des finances publiques a été remisée aux oubliettes.
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
M. Bernard Cazeau. Aujourd'hui, aucun élément économique ne permet raisonnablement de croire en un retournement de ces fâcheuses tendances.
La prévision de croissance sur laquelle vous fondez vos recettes, basée sur une évolution de 2,5 % du produit intérieur brut, telle que prévue dans la loi de finances 2005, n'est en rien garantie, ne serait-ce que parce que ladite loi de finances sous-estime de 30 % le cours du baril de pétrole par rapport à son cours actuel - de ce fait, la croissance n'atteindra que 0,1 % ce trimestre.
Plus foncièrement, la croissance de 4 % de la masse salariale que vous envisagez n'est nullement acquise. Vous fondant sur cette progression, vous extrapolez la hausse du SMIC consentie le 1er juillet à l'ensemble des salariés, ce qui, vous le savez, ne sera pas le cas puisque seuls 13 % d'entre eux en bénéficieront.
Compte tenu de la hausse du chômage et du rapport de force défavorable aux négociations salariales sur le marché du travail, rien d'extraordinaire n'est à attendre en matière d'évolutions salariales en 2005.
Cela nous rassure sur au moins un point : les conjoncturistes de votre ministère ne sont pas les mêmes que ceux du patronat, qui, pour leur part, ne voient pas d'un très bon oeil la croissance de la masse salariale en 2005 !
Aussi les promesses de réduction des déficits prévues dans votre projet de loi me paraissent-elles bien hypothéquées.
Pour la troisième année consécutive, on nous explique que nous allons voir ce que nous allons voir et que le renflouement des budgets sociaux est imminent !
La vérité est double : vos projections relèvent de la spéculation plus que de phénomènes avérés et l'essentiel des progrès réalisés le seront au détriment des salariés et des générations futures.
Selon vos projections, le déficit des régimes de base devrait atteindre 10,8 milliards d'euros en 2005 contre 14,8 milliards d'euros cette année. C'est essentiellement par la réduction du déficit de l'assurance maladie que vous réussissez cette ébauche de redressement, puisque le solde négatif de cette branche passerait de 13,2 milliards d'euros en 2004 à 7,9 milliards d'euros en 2005, soit une réduction de l'ordre de 5,3 milliards d'euros.
Pendant ce temps, les branches vieillesse et accidents du travail voient leurs déficits se généraliser tandis que la branche familles, pour la première fois depuis longtemps, est déficitaire et devrait péniblement, dites-vous, parvenir à l'équilibre en 2005.
Le miracle du rétablissement des comptes repose donc sur la branche maladie, laquelle connaîtra en 2005, selon vos prévisions, une franche rupture avec l'évolution des trois dernières années, les dépenses devant enfin croître moins vite que les recettes.
La réforme de l'assurance maladie, supposée atteindre la plénitude de son effet en 2007, commencerait donc dès 2005 à porter ses fruits.
M. Bernard Cazeau. J'en conviens en ce qui concerne les recettes, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est-à-dire celles qui correspondent à de nouveaux prélèvements ou à des déremboursements,...
M. Bernard Cazeau. ...déremboursements que M. Vasselle a baptisés - non sans un certain penchant pour l'euphémisme - « mesures de responsabilisation de l'usager » !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas lui le ministre ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Ce sont donc ces nouvelles mesures qui vont régler vos problèmes !
Au demeurant, permettez-moi de douter de la validité de vos prévisions pour ce qui concerne la réduction des dépenses.
J'aurai l'occasion d'expliciter ce propos lorsque nous en viendrons demain à l'examen détaillé des mesures contenues dans le texte sur l'assurance maladie.
Je déplore que vous succombiez à votre tour, monsieur le secrétaire d'Etat, au mirage de la méthode Coué, qui a emporté M. Mattei, l'éminent prédécesseur de M. Douste-Blazy !
Les mots ont leur limite. Les économies que vous attribuez à la « maîtrise médicalisée » ou au virtuel - du moins pour l'instant - « dossier médical partagé » peineront à trouver une traduction concrète, faute d'outils de régulation adaptés.
Attendre la restauration des équilibres financiers de l'assurance maladie d'un soudain « changement des comportements » des professions de santé me paraît être un pari sinon voué à l'échec, à tout le moins risqué.
M. Bernard Cazeau. Je suis rejoint en cela par une partie de votre majorité à l'Assemblée nationale, qui estime que vos chiffres ne sont pas crédibles, allant même, à l'instar de M. Préel, jusqu'à les qualifier de « pifométriques ».
Dans ces conditions, la maquette budgétaire qui nous est soumise est sujette à caution.
En ce qui concerne les branches familles et accidents du travail, la situation s'est nettement dégradée. La branche vieillesse, quant à elle, prend l'eau malgré les artifices comptables utilisés pour colmater les fuites dans l'urgence : il se vérifie ainsi chaque jour que nous étions fondés à critiquer l'absence de financement de la réforme des retraites, notamment des départs anticipés. Je n'insiste pas car mes collègues vous diront tout à l'heure tout le bien qu'ils en pensent !
Je dirai cependant un mot sur le déficit de certains fonds et caisses spécifiques.
Le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, connaissent une situation catastrophique, alors même que les besoins sociaux auxquels ils répondent sont absolument incontournables. Qui oserait s'en prendre aux modestes droits ouverts par le minimum vieillesse ?
Le déficit du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, successeur du BAPSA, qui atteindra 1,5 milliard d'euros en 2005, est une illustration significative. La responsabilité en incombe, juge-t-on, à la démographie du régime - 630 000 cotisants pour 1 900 000 bénéficiaires. Toutefois, cette situation devrait perdurer puisque chaque année 50 000 agriculteurs âgés quittent le régime tandis que 30 000 seulement l'intègrent. Compte tenu de la pyramide des âges, le différentiel s'amplifiera au fil des années.
On ne peut que déplorer que rien ne soit prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, hormis une augmentation à 6,2 milliards d'euros de ses possibilités d'emprunt, pour assurer la viabilité de ce régime fondamental pour le monde agricole.
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour assurer la pérennité financière du FFIPSA et répondre aux légitimes attentes des retraités agricoles, qui demandent désormais que leur statut et celui de leurs conjoints évoluent et qui exigent dès maintenant un effort de solidarité nationale en leur faveur ?
Quant à l'hôpital public, nous aurons l'occasion de l'évoquer au fil de nos débats. De brûlantes questions se posent à son sujet.
Je me contenterai de reprendre les remarques qui ont été faites par M. Jean-Marie Spaeth, ancien président de la CNAM, devant la commission des affaires sociales : « L'hôpital est fermé à l'assurance maladie et pourtant cette dernière paye tout ; la caisse est illégitime dans les hôpitaux publics. »
Les exemples sont nombreux. Prenons celui des médicaments : plus de 20 % d'entre eux en valeur sont délivrés de manière anonyme et sans contrôle par les médecins hospitaliers.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour l'hôpital comme pour la ville, il est nécessaire de développer des références et des règles communes. (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.)
M. Bernard Cazeau. Vous approuvez, mais vous ne le faites pas !
M. Bernard Cazeau. Un Etat juge et partie laisse toujours se développer une importante marge d'appréciation, d'autant que, en ce domaine, la communauté scientifique a toujours été très réticente, il est vrai, à assumer une véritable responsabilité.
Le volontarisme des paroles ne fait pas une politique. Derrière les discours rassurants et les paravents de la communication d'Etat...
M. Paul Blanc. C'est un expert qui parle ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeau. ...la vérité demeure, et elle n'est pas réjouissante. Cette vérité, votre vérité, celle de votre Gouvernement, c'est la politique des déficits, du laisser-aller, ce qui me désole, croyez-le bien.
Les faits sont là : les prélèvements sociaux sur les ménages ont été fortement alourdis tandis que les ménages aisés bénéficiaient de baisses d'impôts, et les comptes ne se sont améliorés que très marginalement.
Laisser croire à nos concitoyens, par des effets de manches médiatiques, que le financement de notre protection sociale est réglé à l'aide de quelques mesures de rafistolage, relève d'une tromperie éhontée.
Le comble de l'hypocrisie comptable est atteint avec la reprise de la dette de l'assurance maladie par la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, aux termes de l'article 76 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
Vous avez pris le parti de gommer artificiellement une partie du passif - pour une bagatelle comprise entre 35 milliards et 50 milliards d'euros - en prolongeant la durée de vie de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Cela signifie que vous avez opté pour un report des échecs actuels sur les générations futures.
Le Gouvernement illustre là sa bien étrange conception de la solidarité entre les générations.
Si les nouveaux-nés étaient appelés à voter, monsieur le secrétaire d'Etat (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.), je crois qu'ils ne porteraient pas leurs suffrages sur votre camp, car c'est un lourd fardeau que vous leur infligez là.
Pour ma part, je souhaite qu'ils fassent état de leurs récriminations à leurs parents. A charge pour ces derniers de manifester leur mécontentement par les moyens appropriés quand l'occasion leur en sera offerte !
En ce qui nous concerne, nous n'attendrons pas plus longtemps pour vous confirmer que nous ne voterons pas un texte qui non seulement manque de sincérité, mais encore - le rapporteur l'a dit, votre majorité l'a dit, et je l'ai lu dans un journal du soir - manque de rigueur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous sommes chargés d'examiner aujourd'hui est le neuvième depuis l'instauration des lois de financement en 1996. Avec 365,5 milliards d'euros, il est aujourd'hui supérieur au budget de l'Etat ; il faut le rappeler car nos concitoyens ont tendance à l'oublier. C'est dire son importance ! Nul ne peut donc raisonnablement soutenir que notre pays n'assume pas le coût d'un système de santé, de retraite ou d'aide aux familles digne d'un grand Etat développé.
Quel est le contexte ?
Comme l'a rappelé tout à l'heure M. Philippe Douste-Blazy, ce projet de loi est très largement déterminé par trois réformes que le Gouvernement nous avait proposées et que nous avons très favorablement accueillies. Je fais naturellement référence à la loi portant réforme des retraites, que nous avons adoptée en 2003, ainsi qu'à la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et à la loi relative à l'assurance maladie, que nous avons toutes deux adoptées au cours de la dernière session parlementaire.
Ce projet de loi s'intègre ainsi parfaitement dans le cadre de la refondation de notre politique de protection sociale que le Gouvernement a engagée avec beaucoup de détermination, mettant en évidence le fait que la lutte contre les gaspillages, par un changement des comportements, réduirait nos déficits et financerait les priorités sociales nouvelles.
Quelles sont les principales dispositions de ce texte ?
Après tant de réformes indispensables, ce projet de loi ne comporte certes pas de nouvelles mesures exceptionnelles, mais il comprend des mesures structurelles en faveur de la sauvegarde de notre système de santé. De surcroît, le texte qui nous est proposé n'est pas avare de mesures fortes, aussi bien en termes sociaux qu'en termes budgétaires.
Malgré tous ces efforts, l'ensemble des régimes devrait accuser un déficit prévisionnel de 10,5 milliards d'euros. Toutefois, les récentes réformes et le projet de financement de la sécurité sociale qui nous est soumis devraient contribuer à retrouver un équilibre moins précaire.
C'est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé de fixer l'évolution de l'ONDAM à 3,2 % pour 2005, représentant un montant de 134,9 milliards d'euros. Cet objectif est particulièrement volontariste, et non pas seulement velléitaire comme certains le qualifient à tort.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Paul Blanc. Par ailleurs, le projet de loi garantit une base légale à l'assujettissement des institutions financières à la contribution sociale de solidarité des sociétés, redéfinit les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, précise les modalités de mise en oeuvre de la tarification à l'activité, exonère du ticket modérateur les entretiens de santé des élèves de cinquième, crée une contribution sur les entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante, majore la prime d'adoption, prévoit la mise en oeuvre de la réforme du régime de retraite des industries électriques et gazières, enfin, adapte le dispositif de départ à la retraite anticipée aux fonctionnaires des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière.
Nous le savons tous, les comptes de la sécurité sociale pour 2004 ne sont pas à la hauteur de nos espérances. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Néanmoins, le Gouvernement a choisi de ne pas redresser artificiellement les mauvais comptes de 2004 par des méthodes purement comptables, comme certains ont su le faire en d'autres temps.
M. Roland Muzeau. Des noms ! Des noms !
M. Paul Blanc. Suivez mon regard. (L'orateur se tourne vers la gauche de l'hémicycle.)
M. Roland Muzeau. Regardez plutôt à droite !
M. Paul Blanc. Selon les indications de la commission des comptes de la sécurité sociale, les comptes de 2005 devraient être meilleurs, en amélioration de 3,9 milliards d'euros.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Effectivement !
M. Paul Blanc. Cette évolution résulte notamment d'une augmentation de 5 % des recettes qui s'élèvent à 350,5 milliards d'euros.
Quelles sont ces recettes ?
Les principales dispositions relatives aux recettes qui nous sont présentées dans le projet de loi sont les suivantes : assujettissement des institutions financières à la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S ; fixation de la participation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, aux régimes d'assurance maladie pour 2005 ; enfin, certification des comptes de la sécurité sociale.
S'agissant de la C3S, non seulement le projet de loi qui nous est soumis comble le vide juridique que la loi du 3 décembre 2002 avait créé en supprimant la contribution des institutions, dite CIF, sur les dépenses et charges engagées, mais il va plus loin : outre les établissements de crédit et les entreprises régies par le code des assurances, il inclut les mutuelles et les institutions de prévoyance. Cette mesure vient clore un vieux débat sur les distorsions de concurrence provoquées par la situation antérieure.
Néanmoins, en contrepartie, le projet de loi limite le champ de l'assiette applicable aux différents assujettis. En effet, il vient très logiquement retirer de la base imposable toutes les actions dites « vertueuses » de ces différentes structures. Indirectement, les établissements non mutualistes auparavant exemptés de C3S continueront à l'être pour la majeure partie de leurs activités. En contrepartie, les entreprises d'assurance sont incitées à respecter un certain nombre de règles de bonne conduite afin de bénéficier de tous ces avantages fiscaux. Cette restriction de l'assiette de la C3S conduit à une baisse de 9 millions d'euros de la C3S dont sont redevables les entreprises d'assurance et les établissements de crédit.
Finalement, les bénéficiaires sont les signataires des contrats de protection sociale et de prévoyance, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Par ailleurs, la loi a encadré pour l'année 2004 le schéma financier de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, et les charges qui lui sont attribuées. A compter de l'année 2005, la nature des dépenses afférentes à la section « personnes âgées » et à la section « personnes handicapées » de la caisse sera clairement définie. L'enjeu est de taille, vous en conviendrez, face au défi de la dépendance et au droit à la compensation que nous avons voté récemment. Seront ainsi distinguées avec clarté les responsabilités respectives de l'assurance maladie et de la CNSA. Cette disposition qui figure à l'article 3 du projet de loi doit permettre le versement par la CNSA d'une participation d'un montant d'environ 480 millions d'euros dès 2005.
L'affectation ainsi programmée pour 2005 des recettes aux sections « personnes âgées » et « personnes handicapées » est en parfaite cohérence avec la définition de l'architecture de la CNSA, telle que nous l'avons votée dans le projet de loi sur le handicap.
Enfin, nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir à discuter l'article 34, qui vise à mettre en oeuvre une véritable certification des comptes de la sécurité sociale au niveau tant local que national. Il s'agit en effet de créer une obligation légale pour les caisses nationales de vérifier et de valider les comptes des organismes locaux. Il s'agit également de créer une obligation à la charge des organismes nationaux de transmettre leurs comptes annuels au ministère concerné et à la Cour des comptes. A cet égard, un amendement proposé par la commission vient compléter utilement cette disposition.
Pour 2005, l'analyse des ressources par la commission des comptes de la sécurité sociale montre que nous pouvons et devons être optimistes quant aux résultats escomptés pour les comptes de la sécurité sociale. L'équilibre de ceux-ci sera bien évidemment lié à la maîtrise des dépenses.
J'en viens donc aux dépenses.
Si la branche famille et la branche accidents du travail ne présentent que peu de difficultés à court terme, il n'en est pas de même pour la branche vieillesse et la branche de l'assurance maladie.
Cette année, les comptes de l'assurance vieillesse doivent être examinés à travers le prisme de la soulte d'EDF et de GDF qui lui est versée en contrepartie de l'adossement de leur régime de base de retraite sur le régime général, point qui a été largement exposé par notre collègue Dominique Leclerc. Toutefois, le choc démographique n'est plus très éloigné et les prochaines années seront de plus en plus difficiles malgré la courageuse réforme des retraites adoptée il y a dix-huit mois, qui ne donnera son plein effet que progressivement.
En outre, je suis très préoccupé par la situation financière du Fonds de solidarité vieillesse. En effet, cette année, ce fonds est encore déficitaire de plus de 2 milliards d'euros. Or ses missions sont essentielles pour l'équilibre de notre protection sociale. Celui-ci devrait être garanti par l'Etat. Nous connaissons l'état des finances de la France, qui ne permet pas actuellement une telle prise en charge. Pour autant, nous ne ferons pas l'économie, tôt ou tard, d'une réflexion sur son financement, et notamment sur la réaffectation des droits sur les alcools à laquelle ce fonds pourrait prétendre.
S'agissant des dépenses de l'assurance maladie, dont la croissance est moins facile à appréhender que celle de la branche vieillesse, le projet de loi traduit les aménagements législatifs nécessaires à l'application de la réforme adoptée cet été. Cette réforme, n'en déplaise à ses détracteurs, permettra de soigner mieux en dépensant mieux.
M. Paul Blanc. Les chiffres diffusés en cette fin d'année par la Caisse nationale d'assurance maladie sont encourageants. Ainsi, la consommation des médicaments génériques représente désormais plus de 12 % du volume des ventes. La consommation d'antibiotiques, grâce à la campagne engagée ces deux dernières années, a diminué de 16 % en deux ans. Les indemnités journalières croissent bien moins vite que les années précédentes.
C'est donc bien l'illustration d'une prise de conscience, d'un changement des comportements. Dans ce cadre, grâce aux décrets qui ont été publiés et à ceux qui paraîtront prochainement, les effets de la réforme de l'assurance maladie devraient se faire sentir dès 2005. Je ne souhaite pas anticiper sur le débat de demain, mais je tiens à souligner que l'avenir de notre système d'assurance maladie dépend de la réussite de la réforme, et je voudrais que chacun ici soit bien conscient de cet état de fait.
Je vois d'autres signes positifs dans le retour autour de la table du conseil d'administration de la CNAM de tous les partenaires sociaux. Cela devrait, je l'espère, permettre une reprise et, surtout, la conclusion des négociations conventionnelles avec les différents professionnels de santé.
Enfin, je souhaite aborder le volet familial avec une attention toute particulière.
Comme l'a rappelé notre collègue André Lardeux, la branche famille est aujourd'hui appelée à répondre à de nouveaux défis, ceux de la jeunesse, de la démographie et des famille fragiles. Ces défis sont d'autant plus difficiles à relever qu'il y va de l'avenir de notre société.
Alors que la Conférence de la famille en 2004 a été consacrée à l'adolescence, Mme Marie-Josée Roig a choisi de travailler en 2005 sur les questions de démographie et des familles défavorisées. Je ne peux que la remercier de lancer ce chantier encore trop souvent ignoré, en attendant de la Conférence qu'elle permette au Gouvernement de poursuivre une politique familiale toujours plus universelle.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bravo !
M. Paul Blanc. A l'aube de cette vaste entreprise, je tiens à revenir sur l'enjeu fondamental que représente la réussite d'une politique familiale centrée sur la jeunesse. Jusqu'à l'année dernière les politiques familiales successives s'étaient peu penchées sur les besoins spécifiques à cet âge. Pourtant, cet âge charnière est une période décisive pour le développement de l'être humain, entre l'enfance, pour laquelle le Gouvernement a récemment entrepris de courageuses réformes, et l'âge adulte, qui constitue le centre d'intérêt majeur de nos discussions.
C'est pourquoi je souhaite tout particulièrement faire remarquer le travail considérable qui a été effectué par les groupes de travail de la Conférence de la famille de 2004. En effet, douze mesures ont été proposées et approuvées lors de la Conférence de la famille en 2004. Elles suivent toutes la même ligne directrice, articulée autour des valeurs de liberté, d'autonomie et de responsabilité. Ces mesures apportent enfin des réponses adaptées, de manière que « l'adolescence soit une période exaltante : celle de tous les enthousiasmes, de toutes les utopies et de toutes les générosités », comme l'a rappelé Mme Roig.
C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que j'attends une mise en oeuvre rapide de ces propositions, d'autant qu'elles ne devraient avoir que des conséquences financières limitées.
Pour terminer, je voudrais souligner l'importance de l'examen des lois de financement de la sécurité sociale, qui permet au Parlement, et tout particulièrement à notre commission des affaires sociales et à nos rapporteurs, d'examiner au fond les comptes de la sécurité sociale.
Les conditions de ce débat peuvent être améliorées, ainsi que M Alain Vasselle l'a proposé. Je remercie M. le ministre de bien vouloir y accorder la plus grande attention, dans la perspective de l'examen de la loi organique par le Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a le mérite d'être bref : il ne comprend que trente-cinq articles, auxquels il faut ajouter un rapport annexé, et ne fait que mettre en oeuvre ou rappeler les dispositions déjà votées par le Parlement en 2003 pour les retraites et en 2004 pour l'assurance maladie ou la santé publique.
Ce texte confirme les orientations structurelles, mais ne nous apporte pas, il est vrai, de solutions nouvelles. Face à un déficit de 14 milliards d'euros du régime général, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne fait qu'enrayer de manière insuffisante - vous l'avez vous-même souligné tout à l'heure - une dérive dangereuse.
Soyons honnêtes et parlons franc... même s'il ne s'agit que d'euros. (Sourires.) Nous vous reconnaissons, monsieur le ministre, l'immense mérite de ne pas avoir mené la politique de l'autruche, comme avait pu le faire la précédente majorité.
M. François Autain. Et M. Mattei, qu'a-t-il fait ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Vous avez posé de vraies questions et suggéré des voies de réforme pour y répondre.
M. Guy Fischer. Vous allez voir quand je vais intervenir !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne nous faites pas peur ! (Sourires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mais reconnaissons, comme chacun s'accorde à le penser, qu'une partie seulement du chemin est derrière nous. A ce titre, le cas de la branche maladie, qui totalise plus des neuf dixièmes du déficit total de la sécurité sociale, est emblématique. La réforme du 13 août dernier ne portait que sur 45 % des dépenses. Elle ne traitait que de l'ambulatoire et du médicament sans s'attaquer à l'ensemble du système hospitalier.
L'impression dominante est que l'on ne maîtrise pas intellectuellement le système. D'ailleurs, comment résoudre un déficit permanent lorsque l'on se prive d'intervenir sur 55 % des dépenses ?
Pourtant, dans le domaine hospitalier, des économies sont possibles. Pour ne prendre qu'un exemple, je citerai la mise en place dans mon département d'un numéro 15 bis avec des médecins libéraux qui a sensiblement désengorgé les urgences. Il est aussi indispensable de rationaliser la gestion et les projets médicaux hospitaliers.
Enfin, il est urgent de revoir la gouvernance des hôpitaux publics. Le pouvoir de décision ne devrait-il pas être mieux partagé entre les médecins et les agents administratifs dans le cadre d'un directoire à l'autonomie accrue ? L'assurance maladie ne devrait-elle pas exercer un pouvoir de contrôle plus incisif ?
Ma collègue Valérie Létard développera ces différents points demain, lors du débat consacré à la santé. Elle traitera aussi du report des charges des hôpitaux insuffisamment pris en compte dans votre projet, ainsi que de la disparition de l'allégement des charges pour les établissements sanitaires privés instauré lors du passage aux 35 heures.
Un autre problème n'est pas traité : celui de la démographie médicale. Je ne pense pas un instant que vous pensiez l'utiliser pour résoudre le déficit de l'assurance maladie : moins de médecins, moins de soins, moins de dépenses. Alors comment comptez-vous faire, monsieur le ministre, face à ce problème ?
Lors de l'examen de la réforme de l'assurance maladie, le Sénat avait adopté, sur l'initiative du groupe de l'Union centriste, un amendement tendant à moduler la rémunération des médecins qui s'installeraient dans des déserts médicaux. Où en est la mise en oeuvre de ce premier jalon d'une politique destinée à rééquilibrer l'offre de soins ?
Continuons à parler franc, monsieur le ministre. Vous savez très bien que les lois sur les retraites et la santé ne permettront pas de faire face aux besoins de financement à venir, d'autant que les chiffres annoncés à la représentation nationale sont très largement sous-estimés ou... surestimés.
Prenons l'exemple de l'ONDAM que vous nous proposez de voter. Un affichage à 3,2 % est irréaliste, tout le monde en convient. Avec un point de plus, nous serions certainement plus proches de la réalité. Une telle sous-estimation alimente la technique du « rebasage » et fait perdre au vote du Parlement et au projet gouvernemental toute leur crédibilité. C'est justement ce qu'il faut éviter. Face à une situation aussi difficile, nous pensons que notre système de protection sociale a un besoin urgent, d'une part, de transparence et, d'autre part, de refonte de son financement.
La transparence, question majeure, est directement liée à la nécessaire réforme du cadre organique du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut réformer les ordonnances de 1996. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait pris l'engagement de le faire. La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances pour le budget de l'Etat était une occasion à saisir.
Il faut aussi exploiter les synergies qui peuvent naître entre les deux textes pour transposer aux lois de financement de la sécurité sociale le principe de sincérité budgétaire ou, dans le même ordre d'idée, pour instaurer de vrais budgets annexes de la sécurité sociale et shunter toute tentative de débudgétisation de dépenses sociales.
Il nous faut aussi traduire le principe d'équilibre. Il est anormal que le Parlement ne se prononce pas explicitement sur le montant de la subvention d'équilibre qu'il est prêt à assumer.
Telles sont les grandes lignes qui, à notre avis, devront présider à la réforme à venir.
Quoi qu'il en soit, au-delà du cadre juridique, le mode de financement de la sécurité sociale ne nous semble plus adapté au monde actuel.
Alors que la logique de notre protection sociale est une logique de solidarité, celle-ci est toujours financée sur la base de principes assuranciels. En d'autres termes, nous ne voyons pas pourquoi la sécurité sociale continue d'être principalement financée par des cotisations assises sur le travail.
Ce système est d'autant plus regrettable qu'il conduit à des effets récessifs. Le conserver n'est-il pas anti-économique dans un univers de plus en plus concurrentiel ? Aussi le débat portant sur le projet de loi est-il directement lié à la discussion que nous avons eu la semaine dernière ici même sur l'évolution des prélèvements obligatoires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il est temps de réfléchir à un déplacement - qui peut être progressif - de la charge sociale de la production vers la consommation.
Tout cela mérite une réflexion approfondie que nous regrettons, pour notre part, de ne pas trouver dans le rapport annexé. Nous nous félicitons néanmoins que M. le ministre de l'économie et des finances se soit engagé ici même, lors du débat relatif à l'évolution des prélèvements obligatoires, à ouvrir sans délai le chantier de la TVA sociale.
Puisqu'il n'est question, pour l'heure, que de nous prononcer sur les aménagements qui nous sont proposés dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, attelons-nous à cette tâche dans un esprit constructif.
Le groupe de l'Union centriste considère le texte qui nous est soumis comme porteur de certaines mesures intéressantes : c'est le cas, par exemple, du doublement de la prime d'adoption.
Au demeurant, ce projet de loi est, à plusieurs égards, perfectible. Aussi présenterons-nous au cours de son examen un certain nombre d'amendements tendant à lutter contre la désertification médicale, à créer une caisse spécifique pour les accidents du travail et les maladies professionnelles ou encore à améliorer la situation des agriculteurs en termes de protection sociale.
Nous insisterons aussi sur la nécessité d'introduire plus d'équité dans le dispositif des pensions de réversion. C'est une question qui nous tient à coeur. Vous y accordez également, monsieur le ministre, une certaine importance ; vous y avez même déjà apporté une réponse par avance.
De même profiterons-nous de l'examen de ce projet de loi pour réclamer le rétablissement de l'aide personnalisée au logement pour les sommes comprises entre 15 et 24 euros, aide qui a été supprimée par un décret publié en mai dernier.
Nous avons également repris un amendement présenté par la commission qui nous semble très important. Il s'agit du contrôle des médecins hospitaliers, dont nous ne contestons pas l'excellence, mais qui n'ont pas moins de responsabilités et de devoirs que les médecins libéraux.
Enfin, vous me permettrez, monsieur le ministre, de conclure mon intervention par une interrogation. Depuis la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, qui n'est censée couvrir que l'aide à domicile des personnes dépendantes, les crédits d'action sociale accordés par les caisses de retraite aux personnes non dépendantes au titre de l'aide à domicile ou de l'aide ménagère ne cessent de diminuer. Quelle est l'opinion du Gouvernement sur cette évolution de la politique des caisses ? Est-il prévu d'y remédier ?
Sur ces différents points, nous espérons être entendus et obtenir des réponses. A défaut, le scepticisme que nous inspire certaines dispositions de votre projet de loi pourrait prendre le pas sur la reconnaissance du caractère louable de vos intentions. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ne comporte rien d'original par rapport aux précédents. Oscillant entre étatisation et privatisation rampante de notre système de protection sociale, il constitue une étape supplémentaire dans la réduction drastique des ressources de la sécurité sociale et la culpabilisation des assurés.
Chacun sait que les besoins non satisfaits en matière de prise en charge des assurés sont immenses. L'inégalité d'accès aux soins s'aggrave, au détriment des plus démunis, qui sont les plus touchés. Cette situation est préoccupante et mérite d'être évoquée.
Au lieu de rechercher des réponses innovantes, des propositions de financements qui permettraient de donner de nouveaux moyens à notre sécurité sociale - sur ce point, nous divergeons totalement de l'orateur qui m'a précédé -, des réformes qui permettraient d'améliorer la prise en charge des dépenses de santé, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, dont vous êtes l'initiateur, monsieur le ministre, vise à faire des économies sur le dos du plus grand nombre, c'est-à-dire des assurés.
Ce projet vise en effet à faire payer toujours plus les assurés sociaux par une augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG, de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, et des taxes en tout genre, et non à prendre l'argent où il est, là où se créent les richesses, fondement même du financement historique de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah bon ? Il y a des réserves cachées quelque part ?
M. Guy Fischer. Eh oui, les profits ont explosé, notamment pour un certain nombre de grandes entreprises industrielles et d'importants groupes bancaires. La réalité n'est pas du tout celle que vous dites.
A contrario, vous vous êtes obstinés à rejeter toutes les propositions de financement, préférant multiplier les mesures de restriction, de sanction, de pénalisation et de contrôle à l'encontre des assurés sociaux comme des professionnels de santé.
Une telle attitude obstinée nous autorise à mettre en doute le bien-fondé de votre démarche comme votre attachement aux principes de notre protection sociale. En effet, non seulement les besoins actuels ne sont pas couverts, mais maintenant vous vous appliquez à faire des économies sur ceux qui le sont.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous faisons des économies sur des dépenses injustifiées. Ce n'est pas la même chose !
M. Guy Fischer. Evoquons brièvement la situation de la sécurité sociale depuis votre arrivée au Gouvernement.
Le régime de sécurité sociale connaissait un déficit de 3,4 milliards d'euros en 2002 ; il est de plus de 14 milliards d'euros cette année. Pour la branche maladie, vous avez pris le pouvoir avec un déficit de 6,1 milliards d'euros ; il est passé à 13,2 milliards d'euros cette année.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est l'héritage ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Non, ce n'est pas l'héritage ! C'est la mauvaise gestion !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pas du tout ! Ce sont les 35 heures !
M. Guy Fischer. Depuis votre arrivée, le déficit du régime général a quasiment quintuplé et celui de la branche maladie a doublé.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Grâce aux trente-cinq heures !
M. Guy Fischer. Mais vous ne pourrez pas toujours invoquer cet argument. C'est fini !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous les payons encore.
M. Guy Fischer. Ce sinistre record s'explique par votre entêtement à refuser de réformer l'assiette des cotisations visant à augmenter les recettes de la sécurité sociale. Alors, bien entendu, il s'agit de faire payer toujours les mêmes !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et la C3S ?
M. Guy Fischer. Vous savez bien que c'est une simple égratignure.
Alors, que faut-il retenir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ?
Ce projet de loi poursuit les orientations engagées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Il met en oeuvre les différentes ordonnances : celles qui découlent du plan « hôpital 2007 », de la réforme de l'assurance maladie, de la privatisation d'EDF-GDF, pour ce qui est des retraites des électriciens et gaziers du pays. Ce projet de loi peaufine le travail des différentes lois relatives à l'organisation et aux prestations de sécurité sociale, en s'efforçant de réduire la part des ressources qui pourraient leur être consacrées.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reste dans la stratégie énoncée lors de la réforme de l'assurance maladie : l'équilibre viendra du changement des comportements des assurés sociaux et d'une accentuation de la maîtrise des dépenses.
M. le ministre évoque la maîtrise médicalisée. Mais, de toute évidence, personne n'est dupe : il s'agit de la maîtrise comptable. Les conséquences de ce choix sont évidemment lourdes pour les assurés sociaux, qui vont découvrir mois après mois quelles seront les conséquences des lois qui ont été votées et auxquelles, fort justement, nous nous sommes opposés. Bien entendu, les conséquences de ce choix sont lourdes pour les assurés sociaux, qui vont voir s'élargir à nouveau les économies réalisées sur les prestations.
A titre d'exemple, je citerai d'abord les économies sur les affections de longue durée. Il y a une volonté de culpabiliser les personnes âgées mais aussi les médecins, qui auraient ouvert les vannes. En fait, c'est au détriment des personnes âgées que vous ferez ces 800 millions d'euros d'économie.
L'économie sur les arrêts de travail et les diminutions des indemnités journalières s'élève au total à 300 millions d'euros. On prétend qu'il y aurait des abus. Mais ces abus sont marginaux, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle, rapporteur Vous reconnaissez qu'il y en a !
M. Guy Fischer. Vous, monsieur le rapporteur, vous stigmatisez la plupart des français !
M. Alain Vasselle., rapporteur. Vous noircissez le tableau à des fins politiciennes.
M. Guy Fischer. François Autain reviendra demain sur le problème de l'hôpital. Mais, je tiens à dire d'ores et déjà que 850 millions d'économies sont annoncées, auxquelles s'ajoutent des déficits de trésorerie de 850 millions.
Au lieu de discuter avec les directeurs des établissements, avec les professeurs qui s'insurgent contre certaines mesures, avec les personnels, vous imposez une marche forcée.
M. Alain Vasselle. Quelle caricature !
M. Guy Fischer. Non ce n'est pas de la caricature. Jamais autant d'établissements de soins n'ont été fermés, jamais autant de lits n'ont été supprimés que durant les cinq dernières années. Cela pose un réel problème pour l'accès aux soins.
M. François Autain. Absolument !
M. Nicolas About., président de la commission des affaires sociales. Elisabeth Guigou avait commencé.
M. Guy Fischer. Alors que la dette de la sécurité sociale avoisine 33 milliards d'euros, calée à 50 milliards d'euros si l'on englobe les années 2005 et 2006, les dispositions diverses de trésoreries s'inscrivent dans ce schéma. Elles se bornent à un renforcement de la répression - glissement de compétence, en matière de recouvrement, de l'ACOSS vers les URSAFF - et à une intransigeance dans les contentieux. A quoi il faut ajouter un renforcement des pouvoirs de contrôle sur les assurés sociaux bénéficiant de prestations dans les établissements de santé, au moyen d'une redéfinition pratique du rôle des caisses nationales de sécurité sociale, telle que l'a envisagé le projet de loi de réforme de l'assurance maladie.
L'assistance publique des hôpitaux de Paris vient d'annoncer de son côté la suppression de 4000 postes. De toute part, prévalent des réductions considérables d'emplois, à l'image de ce qui se passe dans les différents services publics.
Concernant l'hôpital plus particulièrement, au delà de l'étranglement financier des établissements auquel vous ne répondez pas, vous programmez la poursuite du plan « hôpital 2007 », ce qui amplifiera de toute évidence ses difficultés.
Vous proposez la mise en oeuvre de la tarification à l'activité dans les établissements de santé publics et privés malgré l'opposition de plus en plus ouverte des personnels hospitaliers, médicaux ou administratifs et en dépit des mises en doute explicites des responsables des pôles hospitaliers quant à l'efficacité du dispositif. Mais vous préférez ne pas les entendre.
Ce plan a des conséquences multiples et néfastes. Il entraîne la suppression de 20% à 30% des plateaux techniques et favorise la recherche de pratiques au détriment de la prise en charge globale du malade. Il met en place des pôles de compétence en quête de rentabilité et ouvre la voie vers un déséquilibre dans la couverture nationale en établissements de santé, accentuant ainsi la désertification et les inégalités régionales. Et les aberrations ne manquent pas, comme celle qu'a rapportée Louis Souvet.
Sourds aux témoignages inquiets des professionnels attachés au service public hospitalier et malgré les expériences fâcheuses de certains pays voisins, vous persévérez dans l'engrenage qui entraînera la fin des spécificités de nos établissements. Je pense particulièrement aux missions de service public de l'hôpital proposant un accueil et des soins de qualité pour tous, mais aussi à la recherche et à la formation de jeunes médecins et personnels soignants.
Dans cette politique de limitation autoritaire des dépenses de santé, vous avez volontairement fixé un objectif national des dépenses d'assurances maladie trop faible qui sera sans aucun doute dépassé puisqu'il ne tient pas compte de la réalité.
En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe à 134,9 milliards d'euros l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour 2005, soit une progression de 3,2% par rapport à 2004.
La conséquence de cette politique financière est évidente : aucune recette nouvelle n'est envisagée sérieusement. Mais cela n'empêche pas le Gouvernement d'escompter 20 milliards de recettes supplémentaires pour 2005. A l'évidence, ce sont les assurés sociaux qui en paieront les conséquences.
Concernant la branche famille, vous poursuivez votre politique d'individualisation de la prise en charge de la petite enfance.
Le doublement de la prime à la naissance pour les familles adoptantes répond très certainement à une attente. Mais le considérer comme un élément d'une politique en faveur des familles est pour le moins démagogique si on en juge par son impact quantitatif.
En revanche, il convient de souligner que, cette année encore, vous n'envisagez rien de significatif pour la prise en charge collective de la petite enfance, alors que ce secteur manque de moyens de fonctionnement suffisants au regard du nombre de demandes des familles.
Quant à la branche vieillesse, vous tirez très logiquement les conséquences catastrophiques de la réforme des retraites et de la privatisation annoncée des entreprises publiques. Vous financiarisez, par l'intermédiaire du fonds de réserve des retraites, la soulte que EDF et GDF doivent verser à la CNAV pour les retraites futures. Vous soumettez ainsi les comptes de la CNAV à un jeu boursier que l'on sait très dangereux.
Vous n'ignorez pourtant pas que la CNAV a rendu un avis négatif et a voté à l'unanimité une motion concernant la soulte du régime de retraites des industries électriques et gazières.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ont obtenu ce qu'ils réclamaient.
M. Guy Fischer. Par ailleurs, votre projet organise un départ en retraite anticipé pour les carrières longues des fonctionnaires des collectivités locales dans des conditions inacceptables, sans même prévoir leur remplacement.
M. Guy Fischer. L'objectif visé à long terme est bien la suppression de 300 000 fonctionnaires ; n'ayons pas peur de le dire. Pour répondre à vos ambitions de réduction du déficit public, vous prenez ainsi le risque énorme de déséquilibrer et de paralyser le fonctionnement des administrations locales.
Vous ne craignez pas de tenir deux langages : vous manifestez à la campagne contre la suppression des services publics et vous votez ici les lois qui suppriment ces services publics.
En définitive, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est la concrétisation d'un objectif de remise en cause de notre système solidaire de sécurité sociale. Il s'inscrit d'ailleurs dans un plan plus vaste de démantèlement de l'ordre public national.
Atomisation du code du travail, privatisation des services publics, destruction des fondements solidaires de notre système de protection sociale - retraites, santé, assurance chômage : depuis votre prise de pouvoir, vous n'avez fait que dynamiter l'ordre social public,...
Mme Christiane Hummel. Dynamiser ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. ...au nom d'une libéralisation outrancière visant à introduire la flexibilité et la régulation marchande dans tous les pans de l'organisation sociale. Notre système de retraite par répartition mérite de vivre ; nous le défendrons.
Vous vous apprêtez à faire la même chose avec notre système de sécurité sociale. Vous êtes sur le point de le soumettre, sans le dire, à la voie assurancielle ; cela mérite discussion.
En fait, en opposition à l'intérêt général, pour répondre aux ambitions des grands groupes d'assurance qui attendent, vous avez installé, sous la férule de l'Etat, les conditions d'une privatisation de cette couverture socialisée de santé.
Je ne vois rien d'étonnant à cela, puisque votre ambition est de liquider un à un les services publics en les privatisant et en substituant à l'intérêt général les intérêts privés des marchés financiers.
Ne comptez pas sur nous pour soutenir cette véritable marche forcée vers la déréglementation sociale, au mépris des besoins économiques et sociaux de nos concitoyens.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, nous voterons évidemment contre ce projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après le tableau apocalyptique tracé par M. Fischer,...
M. Guy Fischer. C'est la réalité !
M. Gilbert Barbier. ...je vais essayer de considérer les choses un peu plus concrètement.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale intervient au terme d'une année marquée par une nouvelle dégradation de l'ensemble des comptes sociaux. Le solde du régime général devrait atteindre sont point le plus bas, avec un déficit de près de 14 milliards d'euros.
Ce déficit, dont l'essentiel résulte de la situation de la branche maladie, est certes dû en partie à la faiblesse de la croissance au cours de ces dernières années, mais aussi et surtout à l'irrésistible ascension des dépenses remboursables.
Dans ce contexte, la question se pose d'une éventuelle modification du mode de financement afin de donner une assise moins cyclique, plus dynamique aux recettes de la sécurité sociale.
De ce point de vue, le débat sur la réforme des cotisations sociales patronales, en particulier la prise en compte de la notion de valeur ajoutée, s'il n'est pas dépourvu d'intérêt intellectuel, ne semble toutefois pas répondre aux véritables besoins.
Quoi qu'il en soit, dans l'attente d'une assiette miracle, il paraît préférable de s'attacher à maîtriser les dépenses remboursables plutôt qu'à ajuster les recettes à celles-ci, car, comme l'a dit avec raison notre rapporteur Alain Vasselle, les arbres ne peuvent monter jusqu'au ciel ! Le poids des prélèvements sociaux est déjà lourd : il ne pourra s'accroître indéfiniment sans pénaliser la croissance et l'emploi.
La réforme de l'assurance maladie, engagée par le Gouvernement, se caractérise justement par le refus d'un simple redressement financier.
Le volet recettes y est secondaire, puisqu'il ne représente qu'un tiers des sommes concernées. L'essentiel de l'ajustement passe par des réformes de structures et des changements de comportement.
Près de 10 milliards d'euros d'économies sont attendus, d'ici à 2007 du médecin référant, du dossier médical personnalisé, du renforcement du contrôle des indemnités journalières, du développement des médicaments génériques ou encore de la modernisation de l'hôpital.
Ce refus d'un ajustement brutal par la baisse des prestations ou par la hausse des prélèvements se retrouve aussi dans la réforme des retraites qui a été engagée en 2003.
Le choix du Gouvernement a été celui d'un allongement graduel de la durée de cotisations tout en préservant une liberté de choix quant à l'âge de départ à la retraite.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 intègre les conséquences financières de ces deux réformes ainsi que celles de la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Cette loi, à l'instar de la réforme des retraites, doit se traduire par des dépenses supplémentaires. En revanche, il est prévu de réduire le déficit de la branche maladie de 13,2 milliards à 8 milliards d'euros dès cette année.
Il est vrai que, même en l'absence d'efforts des acteurs de la santé, l'assurance maladie devrait bénéficier des effets mécaniques de la réforme ; je pense notamment aux recettes nouvelles procurées par l'élargissement de l'assiette et la hausse du taux de la CSG, ainsi que par l'augmentation du forfait hospitalier.
S'agissant des mesures d'économies, je serai peut-être un peu moins optimiste que le Gouvernement. En effet, ce dernier compte sur 1 milliard d'euros d'économies de la maîtrise médicalisée. Or les outils seront-ils tous en place en 2005 ?
M. Gilbert Barbier. Par ailleurs, le lancement du dossier médical personnalisé, qui me paraît être l'outil le plus efficace, nécessitera du temps et une forte implication des professionnels.
La contribution forfaitaire d'un euro par acte médical à la charge du patient doit entraîner 600 millions d'euros d'économies. Les caisses seront-elles techniquement en mesure de la prélever dès le 1er janvier ? (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
S'agissant des médicaments, l'économie attendue est de 700 millions d'euros. Or, s'il est vrai que de nombreux médicaments deviennent « généricables », il est non moins vrai que nous sommes en attente de nouvelles molécules qui risquent d'être très onéreuses.
Par ailleurs, vous avez fixé l'augmentation de l'ONDAM pour 2005 à 3,2% par rapport à 2004. Il s'agit là d'un objectif assez volontariste, mais il est nécessaire que vous affichiez votre détermination sous peine de décrédibiliser votre action.
Cet objectif intègre-t-il le coût de certaines mesures annoncées telles que la mise en oeuvre de la classification commune des actes médicaux, la CCAM, technique, la revalorisation des astreintes médicales et chirurgicales, celle des praticiens hospitaliers ou l'augmentation du KCC chirurgical ?
Comme vous le savez, l'ONDAM prévu pour 2004 n'a pas été plus respecté que les précédents.
Sans éprouver quelque nostalgie que ce soit pour la maîtrise comptable, on peut affirmer qu'un objectif de dépenses dont le dépassement n'entraîne aucune conséquence semble bien difficile à faire respecter.
La réforme du 13 août a prévu que, en cas de dépassement de l'ONDAM de plus de 0,75%, un comité d'alerte en informe le Gouvernement et le Parlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Gilbert Barbier. Or quelles mesures pourra-t-on prendre, sinon une hausse des cotisations ?
Une modification des lois de financement de la sécurité sociale paraît indispensable et urgente ; vous en avez d'ailleurs exprimé le voeu, monsieur le secrétaire d'Etat. Cette modification doit répondre à un triple objectif : promouvoir un débat politique portant sur les orientations mises en oeuvre, permettre une perception claire des comptes, présenter une vision prospective des actions et de l'équilibre de la sécurité sociale.
Il y aurait évidemment bien d'autres choses à dire, notamment sur l'hôpital, mais nous en parlerons plus longuement demain, lors du débat consacré exclusivement à l'assurance maladie, dont la réforme, qui a commencé à se mettre en place, mérite d'être confortée.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2005 est bien décevant, notamment en ce qui concerne les familles : pas la moindre ambition pour la politique familiale ; aucune évolution positive ; aucune mesure phare, excepté le doublement de la prime d'adoption ; pas de mesures spécifiques pour les familles en difficulté, en situation de précarité.
Bien au contraire, les aides au logement, destinées à prévenir la pauvreté et l'exclusion, et dont l'importance est prépondérante pour les familles en situation difficile, se trouvent modifiées, risquant de ce fait de fragiliser encore plus ces familles.
La question primordiale de l'adolescence est laissée de côté, alors que la France compte aujourd'hui 5 400 000 jeunes âgés de onze à dix-sept ans. A cet égard, nous nous souvenons tous que les Conférences de la famille de 2002 et 2004 avaient affiché, dans ce domaine, des objectifs ambitieux.
Que sont-ils devenus ?
Pour la première fois depuis 1998, l'année 2004 devrait être celle du déficit de la branche famille, résultat de la dégradation sans précédent des comptes et du laxisme du Gouvernement en matière de politique économique.
Nous veillerons à ce que le budget de l'action sociale ne pâtisse pas de ce déficit ; nous veillerons à ce que, sous couvert de mesures dites « techniques », de nombreuses familles ne soient pas exclues de l'accès aux prestations.
Car c'est bien ce déficit, pourtant annoncé dès 2003, qui explique la pauvreté des mesures en direction des familles que vous nous avez proposées depuis. C'est bien ce déficit cumulé qui a conduit le Gouvernement à faire des économies au détriment de la politique familiale.
En effet, aujourd'hui, nous pouvons observer que ce projet contient nombre de mesures d'économie qui pénalisent fortement les familles modestes.
Au demeurant, cette politique restrictive n'est pas nouvelle. Dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, nous observions les méfaits de la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, que nous dénoncions ici même il y a pratiquement un an jour pour jour.
Cette PAJE, qui était présentée par le Gouvernement comme un grand progrès, a en réalité durci les conditions requises pour bénéficier de l'allocation du libre choix d'activité.
Dorénavant, pour pouvoir en bénéficier, les mères de trois enfants et plus doivent avoir travaillé deux ans dans les cinq ans qui précèdent chacune des naissances, alors qu'il leur suffisait auparavant d'avoir travaillé deux ans dans les dix ans qui précédaient la troisième naissance.
Où est le progrès ? Nous voyons plutôt une régression !
Un bilan du dispositif PAJE devait être dressé en septembre 2004, ce qui n'a pas été fait. Nous attendons toujours cette étude ; nous y porterons une particulière attention.
De plus, en 2004, la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant a failli remettre en cause gravement l'API, l'allocation de parent isolé. En effet, l'instauration, depuis le `1er janvier 2004, de la PAJE lésait les mères isolées les plus pauvres touchant l'API. L'allocation allouée aux mères avec un enfant né après le 1er janvier 2004 aurait, en effet, pu être diminuée de 1 300 euros par rapport à celle dont bénéficiaient les mères avec un enfant né avant cette date. Ce sont ainsi 400 000 jeunes mères qui auraient été lourdement pénalisées et 50 millions d'euros économisés !
On peut se demander si, sous couvert de réformer l'accueil du jeune enfant, le Gouvernement n'a pas voulu, là encore, faire des économies au détriment des mères isolées.
On ne voit encore que restrictions et économies en matière d'aides au logement.
Ce sont 75 000 familles qui seront exclues des aides au logement dès lors que les aides de faible montant ne seront plus versées, le minimum passant de 15 euros à 24 euros.
C'est ainsi qu'une famille de deux enfants vivant avec un salaire mensuel net de 1 900 euros ne bénéficiera désormais plus de cette aide.
La raison en serait les coûts de gestion ! Permettez-nous de nous interroger !
En effet, n'aurait-il pas été possible de diminuer ces coûts de gestion en effectuant un seul versement annuel ? M. Lardeux, alors rapporteur de la commission des affaires sociales, avait en son temps fait cette suggestion.
Non, il s'agit bien d'économies, effectuées, cette fois, au détriment des familles des classes moyennes.
Il en va de même pour la revalorisation des plafonds de ressources.
C'est ainsi que, aux termes de deux décrets signés au coeur de l'été, le 15 juillet dernier, les frais de garde des enfants ne seront plus déductibles des ressources pour bénéficier des prestations familiales.
Jusqu'à présent, les familles qui faisaient garder leurs enfants de moins de sept ans pouvaient déduire de leurs revenus 762 euros. Depuis juillet, c'est terminé !
Ainsi, 100 000 familles sont directement touchées par cette mesure, qui permet au Gouvernement de réaliser 40 millions d'euros d'économies !
Ces revalorisations toucheront aussi les 6 000 familles des classes moyennes qui se situaient à la limite du droit à l'allocation de rentrée scolaire ou à l'allocation pour jeune enfant et qui vont perdre, dans le premier cas, 257 euros par enfant et, dans le second cas, 161 euros par mois.
Economies encore : les droits des chômeurs ne seront réexaminés que deux mois après la perte de leur emploi. Cette mesure concernera 80 000 familles et permettra au Gouvernement de « gagner » 20 millions d'euros !
Quant aux veuves et aux veufs, nous savons déjà, depuis le décret du mois d'août relatif aux pensions de réversion, qu'ils risquent de se retrouver dans des situations catastrophiques. Nous attendons du Gouvernement qu'il revienne sur ces dispositions qui leur portent gravement préjudice.
Toutes ces mesures d'économie contrastent fortement avec les cadeaux fiscaux destinés à privilégier les familles les plus aisées, celles qui emploient, par exemple, une personne à leur domicile, cadeaux fiscaux qui vont concerner moins de 40 000 familles très aisées. En effet, pour bénéficier pleinement de cette réduction d'impôt, il faudra disposer d'un niveau de revenus permettant d'engager 15 000 euros de dépenses sur l'année, soit 1 250 euros par mois !
A titre d'exemple, cette mesure aura pour effet de rendre non imposable un couple avec deux enfants disposant d'un revenu imposable mensuel de presque 4 600 euros, soit 55 000 euros par an. Ces chiffres sont éloquents !
Nous regrettons vivement que la politique menée précédemment par le gouvernement de gauche en faveur des structures collectives d'accueil du jeune enfant ne soit pas poursuivie.
Le manque de mesures dont fait preuve ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est l'illustration du choix du Gouvernement, qui consiste à privilégier les modes de garde individuels au détriment des modes de garde collectifs.
Nous aurons l'occasion dans quelques jours, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, de revenir à nouveau sur la progression très faible des prestations d'aide à la garde des enfants, qui n'est que de 0,1%, progression qu'il faut comparer à celle de 2,9% atteinte en 2001 et à celle de 5,6% atteinte en 2002.
Je le répète, alors que les prestations logement et les prestations familiales jouent un rôle majeur dans la prévention de la pauvreté et de l'exclusion, le Gouvernement a délibérément choisi, à travers toutes les mesures d'économie dont je viens de parler, de fragiliser les familles modestes.
Ces décisions viennent contredire les intentions affichées par le Gouvernement, il y a quelques jours à peine, autour de la médiatisation du projet de loi pour la cohésion sociale !
Le sort des familles fragilisées est renvoyé à la prochaine Conférence de la famille. Pourquoi attendre encore, alors que le Conseil de l'emploi des revenus et des coûts, le CERC, dans un rapport du 21 janvier dernier, a souligné qu'un à deux millions d'enfants peuvent être considérés comme pauvres aujourd'hui en France et que le taux de pauvreté des enfants augmente avec l'âge, les transferts sociaux étant plus efficaces pour les jeunes enfants que pour les adolescents !
Je n'omettrai pas d'évoquer l'inadaptation de la politique familiale actuelle destinée à aider les familles à financer les études des adolescents, ni la dégradation de la situation financière des étudiants, dont 100 000 vivent dans la précarité.
A aucun moment, le Gouvernement n'a voulu se saisir de ces questions. Madame la ministre, permettez-moi de vous dire notre désaccord sur ce choix.
Le projet de loi sur la cohésion sociale, que le Sénat vient d'examiner, aurait pu être le support permettant de prendre les mesures destinées à améliorer la situation de ces enfants et de ces jeunes. Pourquoi attendre le printemps 2005 alors qu'il y a urgence ?
En 2005, la CNAF devra faire face à une importante augmentation du nombre de ses allocataires puisqu'elle devra prendre en charge la gestion des prestations familiales des fonctionnaires.
Cette mesure concerne à terme 430 000 nouveaux allocataires et est évaluée par la CNAF elle-même à 80 millions d'euros pour 2005.
Nous veillerons à ce que ce transfert n'implique pas une nouvelle dégradation des comptes de la branche famille. En effet, nous ne savons pas encore comment l'Etat compensera les cotisations « employeurs ».
J'en arrive aux quelques mesures proposées par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La première concerne l'allocation d'adoption, qui est doublée pour atteindre 1 624 euros.
Cette mesure, certes intéressante, reste néanmoins symbolique pour les familles concernées, notamment pour celles qui envisagent d'adopter un enfant étranger - elles représentaient 70% des familles adoptives en 2003 - puisque vous avez vous-même évalué, madame la ministre, le coût de cette adoption à 12 000 euros.
Mme Claire-Lise Campion. La Conférence de la famille de juin dernier a institué un entretien de santé personnalisé pour les jeunes qui sont en classe de cinquième. L'article 11 du présent projet de loi prévoit que cet examen sera réalisé par des médecins libéraux, avec information des médecins scolaires. Il prévoit également l'exonération du ticket modérateur dans le cadre des consultations de prévention destinées aux mineurs.
Toutes ces dispositions mériteraient d'être précisées, notamment quant aux procédures d'échanges d'informations. A-t-on mené une concertation avec les représentants de la médecine libérale ? Il semblerait que ce ne soit pas le cas !
Mme Claire-Lise Campion. Cette intention louable risque de rester un voeu pieux. N'est-ce pas plutôt un habillage qui permet de pallier la faiblesse des effectifs des services de médecine scolaire, l'absence de médecins, d'infirmières et d'assistantes sociales dans les établissements ? Il aurait fallu se donner les moyens de rendre cette mesure véritablement efficace, l'objectif étant bien, dans un souci de prévention des comportements à risques, d'accompagner les jeunes adolescents dans ces moments psychologiquement difficiles et d'éviter que ne surviennent des situations dramatiques. Nous proposerons un amendement sur ce sujet.
L'article 25 vise à réformer le mode de financement de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF. Il est proposé de créer un fonds spécial comprenant deux enveloppes : la première est destinée à financer les missions traditionnelles de l'UNAF; la seconde est prévue pour les actions nouvelles liées à la politique familiale.
Madame la ministre, pourriez-vous préciser davantage le contenu que vous entendez donner à cette réforme ? Je pense notamment aux modalités de répartition des fonds entre les associations familiales.
Pauvreté des mesures annoncées, absence d'ambition pour les familles ! Depuis juin 2002, vous avez laissé filer les déficits, renoncé à toute politique de soutien de la croissance économique et de l'emploi, abandonné toute démarche d'aide en direction des plus défavorisés, refusé toute réforme de l'organisation de l'offre de soins et reporté les déficits accumulés et à venir sur les générations futures. Le pacte social est totalement remis en cause.
Vous avez choisi une démarche libérale : pour réduire le poids des déficits publics, vous proposez de transférer le poids des dépenses de sécurité sociale vers des financements individuels.
La loi sur les retraites de 2003, la loi sur l'assurance maladie de 2004, les mesures sur la famille que vous avez prises depuis deux ans n'ont fait que mettre en application les choix d'une protection sociale à deux vitesses, d'une politique familiale qui profite aux familles les plus aisées et multiplie les évictions.
On est loin des soldes positifs de la branche famille qui ont permis de financer un fonds d'investissement pour les crèches, de favoriser la parité parentale, de simplifier les aides au logement, de pérenniser l'indexation des prestations familiales sur le coût de la vie, d'abonder le fonds social pour les cantines. On est loin de la solidarité par un soutien aux familles les plus déshéritées, de l'intégration et de l'accompagnement des enfants, mais aussi et surtout de l'égalité de tous au sein de la famille.
Nous n'approuvons pas votre démarche. Nous ne pouvons accepter vos choix. Nous voterons donc contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce stade de notre débat, je ne reviendrai pas sur les excellentes présentations qui viennent d'être faites par M. le ministre et MM. les rapporteurs. Je me limiterai à formuler quelques observations.
Je tiens tout d'abord à souligner, après M. le ministre, que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit, en quelque sorte, dans le sillage de trois réformes sociales majeures et courageuses mises en oeuvre par le Gouvernement.
Il s'agit d'abord de la réforme des retraites. Comme l'a indiqué M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, la réforme de 2003 n'est que la première étape d'un processus, mais c'est une étape capitale, essentielle.
Il s'agit ensuite de la réforme de l'assurance maladie, puis de la loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
Je tiens à mon tour à relever que le Gouvernement s'est refusé à appliquer l'adage malicieux d'un de nos grands humoristes : « Pourquoi remettre au lendemain ce que l'on peut faire après-demain ? » (Sourires.)
Nos compatriotes doivent mesurer l'importance du budget de la sécurité sociale en ayant présent à l'esprit qu'il est supérieur à celui de l'Etat et que l'effort de la nation en ce domaine - effort que nous ne regrettons pas, bien entendu - est considérable.
Le point le plus préoccupant est sans conteste le déficit prévisionnel, historique si l'on peut dire, de l'assurance maladie. Il est à lui seul supérieur à celui de l'ensemble du régime général en 1995 qui, on s'en souvient, avait conduit à la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES.
Le déficit de la seule année 2004 équivaut à la totalité de la dette accumulée entre 1996 et 1998, qui entraîna la prolongation pour cinq ans de la durée de vie de la CADES. Cette dette, issue de l'accumulation des déficits, pèse sur les comptes courants de la branche : 500 millions d'euros d'intérêts sont prévus en 2004.
Toutefois, nous avons des raisons d'espérer une amélioration. La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, confirme un infléchissement très significatif de l'évolution des dépenses de soins. Elles devraient augmenter de 4,5 % cette année alors qu'elles ont progressé de 5,9 % en 2001, de 7,2 % en 2002 et de 6,2 % en 2003.
A cet égard, tout le monde en convient, l'année 2005 sera décisive pour tous les acteurs.
En effet, la réforme ne prendra corps qu'à la suite des accords conventionnels que concluront les représentants des professions de santé. Il faudra par ailleurs que les patients eux-mêmes, les bénéficiaires, comprennent que la réforme vise non pas à leur imposer des contraintes supplémentaires, mais seulement à sanctionner certains abus...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Exactement.
M. Adrien Gouteyron. ...et que son objectif principal est de préserver notre régime de sécurité sociale. Un sursaut, une prise de conscience sont indispensables.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien ! Voilà qui contraste avec les propos de M. Fischer.
M. Adrien Gouteyron. J'ai beaucoup d'estime pour M. Fischer, il le sait, mais je peux ne pas toujours être d'accord avec lui.
M. Michel Mercier. Il est rare que vous votiez avec lui ! (Sourires.)
M. Adrien Gouteyron. Au début de notre discussion, M. le ministre a évoqué la diminution des sommes versées au titre des indemnités journalières et la réduction du nombre des arrêts de maladie de courte durée. C'est un signe encourageant. Nous sommes nombreux dans cette enceinte à l'avoir souligné. Il ne s'agit pas de porter atteinte à un droit. Il s'agit de faire en sorte que notre système de sécurité sociale ne souffre pas d'abus insupportables.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de relever un point très important pour la mobilisation de l'opinion. Notre pays pâtit trop souvent, après le vote d'une loi, de l'attente interminable des décrets d'application, qui, souvent, ne paraissent finalement pas. C'est pourquoi nous apprécions que le Gouvernement, en l'occurrence, ait veillé à la publication rapide des décrets d'application.
M. Adrien Gouteyron. Je crois savoir qu'avant la fin de l'année près de 90 %, voire de 95 % des décrets d'application auront été publiés. Je salue l'effort du ministre de la santé et je salue, s'il me le permet, l'effort de M. Xavier Bertrand, ici présent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Le fait est suffisamment nouveau pour que nous le signalions. Si l'on veut marquer l'opinion, il faut des signes comme celui-là.
Je ne rappellerai pas que la dégradation des comptes alourdit chaque année davantage la part des prélèvements sociaux, lesquels représentent près de la moitié des prélèvements obligatoires, cela a déjà été dit.
Puis-je cependant mettre un bémol à mes propos, monsieur le secrétaire d'Etat, ou exprimer une légère crainte ? En tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, j'avais fait remarquer que la mise au point du dossier médical personnalisé était peut-être plus compliquée qu'on ne le laissait entendre à l'époque. Si vous pouvez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous en dire davantage à ce sujet, nous enregistrerons vos propos avec la plus grande attention, parce que, comme le rappelait M. Barbier à l'instant, cet aspect constitue évidemment un élément extrêmement fort de la réforme.
Je dirai quelques mots de l'hôpital, qui, on le sait, répond à un besoin social considérable,...
M. François Autain. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Dont acte !
M. Adrien Gouteyron. ...besoin que ressentent profondément tous les Français - et non pas vous seuls, mes chers collègues qui siégez à gauche de l'hémicycle ! Il doit répondre à sa vocation d'accueil de la souffrance, d'écoute, de qualité de soins, d'égal accès pour tous. A ce titre, il mérite une attention tout à fait particulière des pouvoirs publics, je veux dire du Gouvernement, bien sûr, mais aussi du Parlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Adrien Gouteyron. L'hôpital, je le rappelle, représente la moitié des dépenses de l'ONDAM et connaît dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons aujourd'hui un taux de progression de 3,6 %, contre 3,2 % pour l'ONDAM global.
En raison tant de sa vocation sociale que de la part qu'il représente dans les dépenses, l'hôpital mérite que nous lui accordions une considération tout à fait particulière.
Je veux bien sûr relever l'importance du plan « hôpital 2007 », voulu par le Président de la République et mis en oeuvre par le Gouvernement, plan pour lequel doivent être mobilisés 10 milliards d'euros destinés à moderniser les locaux et les équipements hospitaliers.
Si vous le permettez, monsieur le secrétaire d'Etat, je vais vous poser quelques questions. Elles vous paraîtront peut-être trop précises, mais elles m'ont été soufflées, je dois l'avouer, par quelques responsables hospitaliers.
Je veux d'abord vous faire part de quelques craintes sur le financement des mesures nouvelles, qui ne paraît pas toujours intégralement assuré.
M. François Autain. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Adrien Gouteyron. En effet, si des crédits sont accordés à l'hôpital, on demande aux établissements de consentir des efforts budgétaires qui ne sont pas toujours faciles à réaliser.
Je veux aussi attirer votre attention sur les conséquences de ce que l'on appelle le « reclassement professionnel », la revalorisation des professions hospitalières. On me dit que les crédits accordés à ce titre ne correspondent pas aux besoins et qu'un effort parfois très significatif est demandé aux établissements hospitaliers. J'aimerais que vous nous indiquiez ce que vous en pensez.
Par ailleurs, on signale souvent, et l'on a raison, que les hôpitaux peuvent faire des économies sur leurs achats.
M. François Autain. Sur les achats de médicaments ?
M. Adrien Gouteyron. Ce point est incontestable, et nous souhaitons que ces économies soient effectives. Au demeurant, si j'en crois les indications que j'ai pu obtenir, elles commencent à le devenir. Mais je voudrais souligner que les hôpitaux sont freinés dans leur démarche par la réglementation relative aux marchés publics, qui leur impose - comme aux autres, certes - des délais importants et des lourdeurs quelquefois difficiles à surmonter.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, il faudrait tout de même que le Gouvernement veuille bien considérer le caractère anormal de la taxe sur les salaires. (M. Guy Fischer applaudit.) Non seulement les hôpitaux sont soumis à la TVA, mais ils paient aussi la taxe sur les salaires : d'une certaine manière, le budget de l'Etat appelle une participation du budget de l'assurance maladie !
Cela suscite des interrogations, voire des inquiétudes dans les établissements.
J'indiquerai, pour conclure cette intervention quelque peu disparate, que, bien entendu, je voterai le projet de loi de financement de la sécurité sociale en saluant les efforts du Gouvernement, mais en l'invitant à poursuivre ses efforts tout en portant son attention sur les quelques points que je me suis permis de lui signaler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)