Art. 32 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. additionnel avant l'art. 34

Article 33

Les dispositions de l'article L. 932-1 du code du travail tel que rédigé par la présente loi ne sont pas opposables aux conventions et accords collectifs de branche ou d'entreprise conclus avant le 1er janvier 2002. - (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen du titre Ier du projet de loi.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre II.

TITRE II

DU DIALOGUE SOCIAL

Art. 33
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. 34

Article additionnel avant l'article 34

M. le président. L'amendement n° 164, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Avant l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Pour apprécier la représentativité des organisations syndicales, une consultation des salariés est organisée le même jour, par branche professionnelle, tous les cinq ans dans chaque entreprise.

« Cette consultation à laquelle participent les salariés, satisfaisant aux conditions fixées aux articles L. 433-4 ou L. 423-7 du code du travail, doit respecter les principes généraux du droit électoral. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Par cet amendement, qui vise à poser le principe de la mise en place dans les branches d'une élection de représentativité permettant aux salariés de toutes les entreprises de s'exprimer le même jour et à intervalles réguliers, nous entendons mettre l'accent sur une question majeure pour la réalisation d'un des objectifs que vous assignez à votre texte, monsieur le ministre : renforcer le dialogue social.

Comment, en effet, prétendre vouloir donner toute leur place aux acteurs sociaux et permettre qu'au niveau de l'entreprise, par accord, on puisse découdre l'existant, réduire le socle des garanties collectives et négliger la problématique de l'aptitude des organisations syndicales à exprimer les intérêts collectifs de salariés d'une entité de travail, d'une branche d'activité ?

Appréciant en conséquence votre projet de loi, monsieur le ministre, M. Luc Martin-Chauffier, s'exprimant au nom de l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, a déclaré qu'« il était entaché du péché originel, ne modifiant pas les règles du jeu ».

Pour renforcer la légitimité des accords signés, vous prescrivez la modification des règles de conclusion, en l'occurrence en généralisant le droit d'opposition majoritaire. En cela, vous espérez recomposer le paysage syndical.

En revanche, vous vous gardez bien d'aborder la question - qui va pourtant de pair - de la légitimité des acteurs. Vous choisissez par défaut de laisser subsister les règles actuelles, spécifiques aux cinq confédérations syndicales bénéficiant d'une présomption irréfragable de représentativité, mais dont chacun s'accorde à dire qu'elles brident à la fois l'efficacité du syndicalisme et la démocratie sociale.

Vous laissez subsister les dispositions du code du travail imposant aux autres syndicats de présenter la preuve de leur représentativité pour jouir des mêmes droits que les autres organisations syndicales. Là encore, monsieur le ministre, vous savez qu'il y a débat : le juge contrôle si les critères de représentativité sont ou non réunis - effectifs, indépendance, cotisations, expérience et ancienneté -, ces critères, non cumulatifs selon la jurisprudence, pouvant être appréciés de façon plus ou moins souple.

Considérant, à l'instar de notre rapporteur, qu'il était raisonnable de ne pas ouvrir parallèlement deux chantiers, celui de l'accord majoritaire et celui de la représentativité syndicale - au risque d'engendrer de nouveaux blocages -, vous avez opté, monsieur le ministre, pour le statu quo. Pourtant, en relisant les propositions des différentes organisations syndicales, dont la CGT, la CFDT et l'UNSA, j'ai cru comprendre qu'un consensus majoritaire existait sur la nécessité de changer les règles, pour qu'à l'avenir la légitimité dépende des scrutins organisés parmi les salariés à tous les niveaux.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, que ce texte n'était qu'une étape. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour rapidement concrétiser l'élection de représentativité ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Chérioux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, vous posez un vrai problème. Toutefois, je trouve que vous êtes bien virulent vis-à-vis des organisations syndicales.

M. Roland Muzeau. Oh ! (Sourires.)

M. Jean Chérioux, rapporteur. Mais si ! D'ailleurs, au cours des auditions, vous ne vous êtes pas exprimé de cette façon ; vous avez été beaucoup plus prudent !

M. Roland Muzeau. Je suis moi-même syndicaliste !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Eh bien, ne brûlez pas ce que vous avez adoré !

Certes, il y a un problème. Mais on ne peut pas régler tous les problèmes à la fois ! D'ailleurs, dans la Position commune de 2001, ce problème n'est pas abordé.

Au demeurant, reconnaissez que le principe d'élection de représentativité est abordé dans le texte, avec un début de solution, au niveau des branches notamment. Je ne sais pas si vous vous en êtes aperçu. En tout cas, il est envisagé en tant que possibilité.

En fait, chers collègues communistes, vous n'avez pas compris ce texte. Il ne cherche pas à imposer, mais à mettre en oeuvre un compromis, signé par les partenaires sociaux, qui ouvre des possibilités.

M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas vrai, il n'y en a pas !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Ainsi, le problème de la représentativité n'est pas écarté totalement : il est envisagé et ce sera aux partenaires sociaux, lorsqu'ils définiront des accords de méthode, de décider, éventuellement, d'apprécier la majorité sur la base d'élections de représentativité de branche.

Dans toute cette affaire, le Gouvernement s'est efforcé d'être extrêmement prudent et de ne pas anticiper sur ce qui était contenu dans cette fameuse Position commune de 2001. Par conséquent, je ne peux émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je l'ai dit à plusieurs reprises, je suis favorable à l'organisation d'élections de représentativité devant permettre aux organisations syndicales de faire régulièrement la preuve de leur légitimité.

D'ailleurs, le texte qui vous est soumis, qui vise à donner plus de responsabilités aux partenaires sociaux, à leur confier le soin, dans bien des domaines, de mettre en place, par la voie conventionnelle, des règles en matière de droit du travail qui, jusqu'à présent, l'étaient par la voie législative ou par le biais d'accords interprofessionnels, conduit naturellement à encourager une vérification régulière de la légitimité des acteurs.

Je vous ai dit aussi, pendant les auditions en commission, que, pour modifier profondément les règles du dialogue social, j'avais essayé de m'appuyer sur des positions de compromis élaborées par les partenaires sociaux. Je sais bien qu'aujourd'hui certains d'entre eux réfutent tant ces positions que les signatures qu'ils ont apposées au bas d'un texte.

MM. Gilbert Chabroux et Jean-Pierre Sueur. Tous !

M. François Fillon, ministre. Il n'empêche : ils ont apposé ces signatures et c'est sur la base de leur travail que je me suis engagé dans cette réforme.

Il est d'ailleurs impossible de réformer en profondeur notre système de dialogue social sans avoir un minimum de soutien de la part des acteurs. Nous verrons bien tout au long de ce débat que, sur chacun des grands points de ce texte, il y a un accord avec un nombre suffisant d'organisations, tant du côté syndical que du côté patronal, pour pouvoir avancer. Cela concerne la Position commune pour l'essentiel, ou les résultats des consultations que j'ai conduites.

Sur le sujet qui nous intéresse ici, je n'ai pas pu obtenir un minimum de soutien de la part des partenaires sociaux. Il faut dire les choses comme elles sont : deux organisations, parmi celles qui sont aujourd'hui jugées représentatives, sont favorables à des élections de branche, la CGT et la CFDT. Toutes les autres y sont hostiles. Or je ne crois pas que l'on puisse faire avancer réellement la cause du dialogue social sans un minimum de soutien de la part du patronat et des syndicats.

J'ai déjà, d'une certaine manière, été plus loin que l'accord signé par les partenaires sociaux puisque la question de la représentativité n'était même pas abordée dans la Position commune.

J'ai introduit dans ce texte la possibilité pour les partenaires sociaux d'organiser des élections de branche « s'ils le souhaitent ». Je reconnais que cette formulation n'est pas totalement satisfaisante. Cependant, c'est une façon pour le Gouvernement et pour le législateur d'exprimer leur souhait de voir les partenaires sociaux choisir ce système d'élections de branche.

Vous me demandez quelles initiatives je compte prendre pour faire évoluer la situation plus rapidement, mais je vous ferai remarquer que, pendant près de quinze ans, vous avez eu l'occasion de faire bouger les choses et que vous ne l'avez pas fait.

Pour la première fois, dans un texte législatif, il est proposé d'instaurer des élections de branche. C'est une première étape. Je suis convaincu que, plus les partenaires sociaux seront amenés à négocier, plus la question de leur légitimité se posera de manière publique et plus la nécessité de ces élections de représentativité sera ressentie par les uns et par les autres.

J'ajoute que, s'agissant des syndicats qui frappent à la porte du « club des cinq », il y a au moins une procédure judiciaire en cours dont nous attendons le résultat. Il est incontestable que le paysage syndical devra évoluer dans les mois et les années qui viennent. Ce texte y contribuera. Mais ce n'est qu'une étape.

Aujourd'hui, je demande au Sénat de respecter les accords très fragiles que j'ai eu bien du mal à trouver. Par conséquent, je ne suis pas favorable à l'amendement qui vient d'être défendu par M. Muzeau, même si, je le répète, je suis convaincu qu'il faudra, à terme, organiser ces élections de représentativité.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. La négociation collective existe dans notre pays à un niveau élevé. Il est donc curieux d'entendre, à droite et au MEDEF, autant de propos dévalorisant le travail mené par les organisations syndicales. L'explication réside peut-être dans la volonté de construire un discours à la mesure de l'ambition du MEDEF !

La revalorisation du dialogue social est une nécessité. Toutes les organisations syndicales - sans exception et dans leur diversité - ne cessent depuis de longues années non seulement d'appeler à relancer le dialogue social, mais aussi de formuler diverses propositions.

La trop fameuse Position commune de juillet 2001 entre quatre syndicats et le patronat éclaire par ailleurs ce débat récurrent qui témoigne d'une nouvelle approche de la négociation, de la confrontation de points de vue et de propositions.

Nul doute que notre pays connaît un retard réel quant à la qualité du dialogue social. Il y a, d'un côté, les mots et leurs caractères généraux sur la bonne volonté de tous les partenaires sociaux à conduire une telle démarche. Il y a, de l'autre côté, la réalité, bien moins arrangeante, qui replace sur le devant de la scène les contradictions vécues par des millions de salariés qui posent et reposent des questions on ne peut plus pertinentes.

Les salaires, le pouvoir d'achat, les qualifications, les conditions de travail, la santé au travail, la précarité, l'emploi, la situation économique, le droit syndical et son respect, la démocratie dans l'entreprise, le harcèlement au travail sont quelques-unes des nombreuses questions qu'il est si difficile d'aborder de façon constructive.

Pour l'avoir vécu, monsieur le ministre, je sais que, dès qu'une voix s'élève pour contester l'orientation libérale que vous défendez, elle se voit taxée d'archaïsme, de pensée du xixe siècle !

En fait, vous-même, le Gouvernement et la majorité qui vous soutient, donnez le ton, le même que celui du MEDEF : un ton cassant, je dirai même agressif contre certains, coupables d'avoir un avis qui n'est pas le vôtre.

La pensée unique est passée par là, les résultats sont visibles, destructeurs pour la cohésion sociale.

La réforme des retraites, les intermittents, les chercheurs, les personnels de l'éducation, la conduite de la réforme de l'assurance maladie, le RMI, le RMA, tous ces épisodes de la transformation sociale à la mode patronale ont mis en évidence l'absence de démocratie sociale.

Par cet amendement, monsieur le ministre, nous entendons placer les salariés, nos concitoyens, au centre de l'élaboration des changements pour un progrès social.

Pour ce faire, il faut clairement établir la représentativité des organisations syndicales en organisant une consultation des salariés, le même jour, par branche professionnelle et tous les cinq ans, dans chaque entreprise.

En adoptant cet amendement, nous passerons d'une possibilité virtuelle contenue dans le texte à un vrai engagement démocratique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 141 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés313
Majorité absolue des suffrages157
Pour113
Contre200
Art. additionnel avant l'art. 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social
Art. 34 bis

Article 34

Il est inséré, après l'article L. 132-2-1 du code du travail, un article L. 132-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-2-2. - I. - La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de l'accord. L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord.

« II. - Lorsqu'une convention de branche ou un accord collectif professionnel étendu, conclu conformément aux dispositions du I, le prévoit, la validité des conventions ou accords conclus dans le même champ d'application professionnel est subordonnée à leur signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés de la branche.

« La convention ou l'accord, mentionné à l'alinéa précédent et conclu conformément aux dispositions du I, définit la règle selon laquelle cette majorité est appréciée en retenant les résultats :

« a) Soit d'une consultation des salariés concernés, organisée périodiquement, en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales de la branche ;

« b) Soit des dernières élections aux comités d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel.

« La consultation prévue au a, à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7, doit respecter les principes généraux du droit électoral. Ses modalités et sa périodicité sont fixées par la convention ou l'accord de branche étendu mentionné au premier alinéa ci-dessus. Les contestations relatives à cette consultation relèvent de la compétence du tribunal de grande instance.

« Dans le cas prévu au b, la convention ou l'accord de branche étendu fixe le mode de décompte des résultats des élections professionnelles.

« A défaut de la conclusion de la convention ou de l'accord étendu prévu au premier alinéa, la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est soumise aux conditions prévues au I.

« III. - Une convention de branche ou un accord collectif professionnel conclu conformément aux dispositions du II, détermine les conditions de validité des conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement, en retenant l'une ou l'autre des modalités énumérées aux 1° et 2° ci-après :

« 1° Soit la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement est signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; si les organisations syndicales signataires ne satisfont pas à la condition de majorité, le texte peut être soumis, dans des conditions fixées par décret, à l'approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l'entreprise ou de l'établissement, à l'initiative des organisations syndicales de salariés signataires, à laquelle des organisations syndicales non signataires peuvent s'associer ;

« 2° Soit la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement ne donne pas lieu à l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. L'opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la notification de cet accord.

« En cas de carence d'élections professionnelles, lorsqu'un délégué syndical a été désigné dans l'entreprise ou dans l'établissement, la validité d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement signé par ce délégué est subordonnée à l'approbation de la majorité des salariés dans les conditions du 1°.

« Lorsque la convention ou l'accord n'intéresse qu'une catégorie professionnelle déterminée relevant d'un collège électoral défini à l'article L. 433-2, sa validité est subordonnée à la signature ou à l'absence d'opposition d'organisations syndicales représentatives ayant obtenu les voix d'au moins la moitié des suffrages exprimés dans ce collège.

« En l'absence de convention ou d'accord étendu tel que prévu au premier alinéa du présent III, la validité de la convention ou de l'accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa conclusion selon les modalités définies au 2° du présent III.

« IV. - La partie la plus diligente des organisations signataires d'une convention ou d'un accord collectif en notifie le texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature.

« V. - L'opposition est exprimée par écrit et motivée. Elle précise les points de désaccord. Elle est notifiée aux signataires.

« Les textes frappés d'opposition majoritaire et les textes n'ayant pas obtenu l'approbation de la majorité des salariés sont réputés non écrits. Les accords mentionnés au I, les conventions et accords étendus mentionnés au premier alinéa du II, les conventions et accords mentionnés au dernier alinéa du II et aux troisième et cinquième alinéas du III ne peuvent être déposés en application de l'article L. 132-10 qu'à l'expiration du délai d'opposition. »

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, sur l'article.

M. Gilbert Chabroux. Avec cet article 34, nous abordons l'examen du titre II. Il faudrait plutôt dire du second projet de loi tant ces deux morceaux de texte n'ont en effet rien en commun, si ce n'est l'intérêt pour le Gouvernement de présenter au Parlement, à l'abri d'un texte consensuel sur la formation négocié par les partenaires sociaux, une attaque en règle contre le droit du travail. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

L'article 34 est sans aucun doute l'article le plus important du titre II. Il vise à renverser la hiérarchie des normes. Je le répète, il s'attaque frontalement au droit du travail.

En effet, depuis plusieurs décennies, dans notre pays, le droit du travail est structuré par la loi, par les accords interprofessionnels - assez rares, il faut bien le dire - et, surtout, par les accords de branche ainsi que par les conventions collectives, puis par les accords d'entreprise.

Notre rapporteur le rappelle excellemment - je lui rends hommage au passage -, c'est la loi du 19 mars 1919 qui a apporté un premier cadre institutionnel aux conventions collectives. Il ajoute, et cela nous paraît particulièrement approprié au regard de ce projet de loi, que c'était pour mettre fin aux errements jurisprudentiels antérieurs.

En d'autres termes, nos lointains prédécesseurs voulaient conforter le fonctionnement de notre économie, de nos entreprises, par davantage de sécurité juridique. Prenons garde, mes chers collègues, à ne pas défaire ce que nos anciens ont construit voilà bientôt un siècle !

C'est en 1936 - année qu'il faut rappeler ! - que les conventions collectives deviennent véritablement l'élément structurant de notre droit du travail. C'est aussi la même année, avec la loi du 24 juin 1936, qu'apparaît le principe de faveur : la convention collective ne peut comporter de dispositions moins favorables que les mesures qui figurent dans les lois et règlements en vigueur. Ce principe fondamental a été étendu ensuite aux rapports entre la convention collective et l'accord d'entreprise.

Les lois de 1971 et 1982 ont complété le dispositif, en instaurant un véritable droit de la négociation collective et une obligation de négocier annuellement sur certains points fondamentaux, énumérés par le code du travail dans ses articles L. 132-12 et L. 132-27.

Cet édifice juridique s'est maintenant généralisé et concerne près de 94 % des salariés qui sont couverts par un accord de branche. Ce taux monte à 97 % pour les entreprises de plus de dix salariés.

Plus important encore, 698 textes de base sont applicables au niveau des branches. Depuis 1982 et le vote des lois Auroux, auxquelles vous avez fait aussi allusion, monsieur le ministre, moyennant un strict encadrement, des dérogations limitées sont possibles au niveau des accords d'entreprise. Or ce n'est pas ce que vous nous proposez.

En rappelant cette Histoire, à laquelle nous devrions être sensibles, nous pourrions donc raisonnablement penser que ce système, élaboré progressivement sur un temps aussi long et conçu de manière assez large et souple, devrait pouvoir fonctionner dans des conditions satisfaisantes.

La question, évidemment naïve, que nous nous posons, est la suivante : pourquoi changer ? Accessoirement, pourquoi changer aussi vite, sans avoir préalablement invité les partenaires sociaux - je veux dire tous les partenaires sociaux, pas seulement le MEDEF ! - à débattre des dispositions de ce texte, à proposer des axes de réflexion et de réforme ? Ce n'est pas rien que de modifier ainsi un équilibre structurel lentement acquis !

Tel quel, ce projet de loi, qui n'est réellement approuvé, je le redis, que par le MEDEF, semble déséquilibré. Si gouverner c'est choisir, c'est aussi prévoir. Or nous craignons que l'ensemble des conséquences non seulement juridiques mais aussi sociales de ces changements brutaux n'aient pas été étudiées avec tout le soin et la prudence nécessaires.

Cette précipitation n'est pas conforme à ce que l'on appelle un bon gouvernement. Aujourd'hui, votre texte rencontre l'hostilité de l'ensemble des organisations syndicales, ce que l'on pourrait presque considérer comme une performance tant leurs sensibilités sont diverses.

Mais, du point de vue du législateur, il y a plus grave. En examinant les différents amendements qui ont été déposés, nous y reviendrons plus précisément. Dès à présent, pour nous, il est clair que tout l'édifice du droit du travail, qui apportait une sécurité juridique aux salariés et aux employeurs, est remis en cause. J'en veux pour seul exemple le fait que les conventions de branche devront préciser si les dispositions qu'elles comportent s'imposent ou non aux entreprises.

Jusqu'alors, il était clair que ces dispositions s'imposaient. Désormais, faudra-t-il sans cesse se poser la question et risquer l'illégalité et le contentieux ?

Devons-nous accepter de détruire un système qui fonctionne pour créer de l'insécurité juridique ? Serions-nous bien dans notre rôle en agissant ainsi ? Nous ne le croyons pas, et c'est ce qui nous rend d'autant plus réservés sans même aborder encore le fond du débat, sur cette affaire qui témoigne d'une grande impréparation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Le titre II du projet de loi nous apparaît aujourd'hui comme très lourd de conséquences. Si l'on met bout à bout les dispositions de l'article 34 et de l'article 36, on observe en effet, une véritable mise en cause du droit du travail, du code du travail, et du fruit de très nombreux accords collectifs conclus depuis des décennies dans ce pays.

Monsieur le ministre, vous aviez la possibilité de refonder le dialogue social. Vous aviez la possibilité de choisir clairement les accords majoritaires, au sens où l'on entend le mot « majorité » dans une démocratie, c'est-à-dire la majorité des citoyens, des salariés concernés. Vous aviez aussi la possibilité de renforcer ce dialogue social en accroissant le rôle des partenaires sociaux, et tout particulièrement des organisations syndicales, pour disposer, davantage encore, de possibilités d'accord dans des conditions négociées collectivement, comme nous le souhaitons.

Malheureusement, vous mettez à bas toute la cohérence de ce qui a été bâti pendant des années. En effet, si l'article 36, en particulier, est adopté, si le principe de faveur est anéanti, c'est toute la cohérence du dispositif qui sera pulvérisée. Un droit du travail dérogatoire pourra alors être fabriqué entreprise par entreprise, de telle manière qu'il n'y aura plus ni la protection, ni les garanties, ni les avancées résultant de la solidarité unissant l'interprofession, les branches et les entreprises, et permettant de réaliser, dans une entreprise des avancées allant plus loin que ce qui a été décidé au niveau de la branche et, dans la branche, des avancées allant plus loin que ce qui a été décidé au niveau interprofessionnel.

Monsieur le ministre, c'est une très lourde responsabilité que vous auriez à assumer si ce texte était adopté, d'autant que nous avons émis des critiques, fait des propositions sur le volet relatif à la formation professionnelle. Nous avons vu qu'un accord pouvait susciter des dispositions législatives qui, même si nous avons critiqué certaines d'entre elles, sont susceptibles d'aller dans le bon sens. Mais là, vous n'avez obtenu l'accord d'aucune des grandes confédérations syndicales de ce pays.

Vous nous avez dit tout à l'heure quelque chose d'étonnant, à savoir qu'un accord - non pas un accord général sur tout, mais un accord partiel sur chacune des mesures proposées - avait été conclu. Dans ce cas, pourquoi chacune des cinq grandes organisations aujourd'hui reconnues comme représentatives par l'arrêté du 31 mars 1966 est-elle violemment opposée à ce texte ?

M. François Fillon, ministre. C'est une bonne question !

M. Jean-Pierre Sueur. Ne pensez-vous pas, si vous voulez aller dans le sens du dialogue social, monsieur le ministre, que la bonne solution serait de suspendre l'examen de ce texte pour discuter avec ces organisations syndicales ?

Nous savons très bien qu'une majorité ne se dégagera pas forcément sur un certain nombre de points et que, finalement, il appartiendra au Parlement de trancher. Nous proposons clairement, quant à nous, que l'accord majoritaire soit l'accord signé, adopté et approuvé par une majorité de salariés. Si nous adoptions cette disposition, un certain nombre de confédérations syndicales diraient qu'elle va dans le bon sens. Mais ce n'est pas le cas. Vous vous engagez sur un chemin très dangereux, monsieur le ministre, et c'est pourquoi nous sommes très opposés à l'adoption de cet article 34. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je suis saisi de trente-trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 165, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. La semaine dernière, lorsque vous avez présenté votre projet de loi devant la commission des affaires sociales, en réponse à l'une de mes questions, vous avez fait état, monsieur le ministre, du double langage des organisations syndicales, qui afficheraient une attitude différente - beaucoup moins négative - vis-à-vis de ce texte lorsqu'elles discutent en tête à tête avec vous. Vous l'avez d'ailleurs répété lors des débats sur la première partie du texte.

Je vous invite, comme je l'ai fait dans mon intervention générale, à lire attentivement le rapport de M. Chérioux contenant en annexe le compte rendu des auditions des différentes organisations syndicales. C'est écrit noir sur blanc : toutes ont exprimé sans équivoque leur insatisfaction - et je reste modéré ! - à propos de la traduction de la Position commune par le Gouvernement, notamment s'agissant de deux dispositions clés : la validation majoritaire des accords et la valeur normative des accords de branche.

Le sens de mon propos n'est pas de vous reprocher de vous en être inspiré très librement. Cette Position commune est probablement assez agréable à manier, puisque chacun y trouve sa propre version et que vous avez pu tomber d'accord sur la vision qu'en avait le MEDEF.

Nous relativisons cependant sa valeur, principalement parce qu'elle n'a pas été signée par tous les syndicats, mais aussi parce qu'elle nous semble plus constituer un texte de circonstance face à la crainte des syndicats minoritaires et du MEDEF d'une éventuelle intervention du législateur en ce domaine que l'expression d'une lecture commune des signataires sur les sujets traités. Rappelons-nous la date de sa rédaction : juillet 2001 !

Je vous reproche simplement de laisser entendre que les dispositions de l'article 34 visant à instaurer des règles nouvelles pour la conclusion des accords collectifs sont conformes à l'esprit de cette Position commune et qu'elles emportent l'aval des organisations syndicales. Or, vous le savez, ce n'est pas vrai.

Pour des motivations différentes, j'en suis tout à fait conscient, les quatre organisations syndicales signataires et la CGT s'opposent aux dispositions censées asseoir la légitimité des accords conclus.

Pour certains, vous seriez allé trop loin, cette légitimité ne s'exprimant pas forcément par la majorité qui s'est dessinée en faveur de l'adhésion. Pour d'autres, dont nous sommes, vous auriez fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose puisqu'en généralisant immédiatement le droit d'opposition de la majorité - soit, mais d'une majorité négative -, vous ne levez pas l'un des obstacles actuels à l'instauration d'un vrai dialogue social. En d'autres termes, demain, des accords pourront encore être signés par des organisations syndicales minoritaires.

Une chose est sûre : l'exigence de légitimité, d'autant plus forte que, par ailleurs, les négociations pourront se faire au rabais, ne sera pas atteinte.

Le deal proposé par le MEDEF est décidément bien bancal. Le droit d'opposition, qui a mal fonctionné hier, ne devrait pas mieux jouer son rôle demain. Vous le savez, d'autant que tous les juristes spécialisés dans le droit du travail l'expliquent fort bien.

Quant à la négociation majoritaire, elle est entourée d'un si grand nombre de conditions qu'elle n'est que chimère.

Refusant de cautionner ce qui n'est qu'un faux-semblant de progrès, nous vous invitons à voter cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. M. Muzeau a entendu un certain nombre de propos. Toutefois, il semble que certaines déclarations lui aient échappé : à l'entendre, au cours de nos auditions, nous aurions assisté à l'émergence d'un front commun uni contre le projet de loi ; or que constatons-nous à la lecture du compte rendu qui a été établi ? Des positions plus nuancées !

La CFDT a dit : « Nous estimons que ce texte constitue une avancée et un texte d'étape bien qu'il soit inachevé ». Et elle ajoutait : « Comment se traduira le projet de loi dans la pratique ? Il semble que le patronat sera pris à son propre jeu. » Cela, contrairement à moi, vous n'avez pas dû l'entendre !

La CFTC a dit - c'est un autre son de cloche qui va pourtant dans le même sens - « Nous ne sommes pas opposés à la totalité de la loi. Nous sommes seulement opposés à certaines de ses dispositions. »

Et tenez-vous bien, monsieur Muzeau : une confédération syndicale à laquelle vous êtes très attaché, la CGT, s'est montrée plus nuancée que vous. Elle a dit : « Ce texte comporte trois volets et nous avons des avis nuancés sur chacun d'entre eux. » Sa position n'est donc pas aussi nette que ce que vous avez voulu nous faire entendre !

Je sais bien que l'on force toujours un peu le trait dans le débat, mais ne nous assénez pas ce catalogue qui ne revêt qu'une valeur d'opportunité dans une assemblée comme celle-ci et qui ne correspond pas à la vérité. Certains propos ont été tenus par les centrales syndicales, qui semblent avoir quelque peu oublié ce qu'elles ont signé, ce qui est d'ailleurs un peu choquant. Et, le plus étonnant, c'est que même la CGT, qui n'avait pas signé la Position commune, a été beaucoup plus nuancée que vous ne l'avez dit.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 121, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« Art. L. 132-2-2. - La validité d'un accord interprofessionnel, de branche ou d'entreprise est subordonnée à sa signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés. Cette majorité est appréciée en retenant les résultats d'une consultation de représentativité organisée tous les cinq ans par branche professionnelle. Cette consultation à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 doit respecter les principes généraux du droit électoral. Le délai de cinq ans entre deux scrutins de représentativité peut être modifié par un accord répondant aux exigences de validité déterminées par le présent article. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à instituer la règle de validité des accords majoritaires.

Nous sommes favorables à l'organisation d'élections de représentants le même jour dans toutes les entreprises ainsi qu'au principe d'un accord majoritaire, qui doit être un accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu la majorité des voix des salariés, c'est clair.

Or vous nous dites, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas en désaccord avec cet objectif final, mais que les conditions pour franchir ce pas dès à présent ne sont pas réunies. Le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui constitue-t-il une première étape susceptible d'être, demain, suivie d'une autre, ou nous engagez-vous dans une voie sans issue ?

En faisant le choix d'un système compliqué dans lequel la majorité s'entend parfois comme la majorité des voix des salariés lors d'un scrutin de représentativité et parfois comme la majorité du nombre des organisations syndicales représentatives, n'allez-vous pas organiser la confusion et empêcher d'aller plus loin, d'autant plus que vous légitimez le droit d'opposition sur la base de critères que l'on peut considérer comme « archaïques » - c'est vous-même qui avez employé ce mot ?

Le professeur de droit du travail M. Jean-Emmanuel Ray a écrit, dans un article publié le vendredi 12 décembre 2003 : « La loi permet que rien ne change en donnant la possibilité aux accords de branche de choisir pour les accords d'entreprise entre accord majoritaire ou droit d'opposition. (...) Gageons que les petits syndicats choisiront systématiquement la deuxième solution. Si le résultat est d'instituer le droit d'opposition à tous les niveaux, ce sera la caricature du système à la française. »

En consacrant le droit d'opposition, l'article 34 encourage ceux qui ne signent jamais mais qui récoltent tout de même les fruits des accords. Il favorise non pas la construction, mais la paralysie. Plus regrettable encore, il pérennise le problème soulevé par l'ensemble du monde syndical : la minorité peut-elle continuer à établir la règle ?

Vous ne faites en définitive que sacraliser le droit d'opposition et favoriser la division syndicale. Le fameux accord UNEDIC et l'accord sur l'intermittence ont été signés par trois confédérations qui, ensemble, ne représentent que 41,9 % des salariés au vu du résultat des élections prud'homales. Mais trois sur cinq étaient signataires, ce qui excluait le droit d'opposition. Continuerons-nous de voir ainsi imposés à la majorité des salariés des accords minoritaires ? C'est pour éviter de tels contentieux que nous demandons que la majorité permettant de signer ou non un accord se mesure en nombre de voix et non pas en nombre d'organisations représentatives, surtout si l'on ne comptabilise que celles qui font jouer leur droit d'opposition.

Un accord de branche ouvrant ou non la possibilité d'accords d'entreprise dérogatoires requiert l'accord de deux partenaires, notamment d'un partenaire patronal. Croyez-vous qu'il y aura un syndicat patronal pour interdire ces accords dérogatoires ? En tout cas, on voit mal le MEDEF, qui défend cette idée depuis des années, accepter un accord de branche qui les écarterait ! Le résultat sera, comme vous l'avez annoncé, que le niveau de l'entreprise primera. Le MEDEF mettra tout en oeuvre pour que les accords d'entreprise puissent déroger aux accords de branche, ce qui représente un véritable bouleversement de la hiérarchie des normes.

Une négociation repose, bien évidemment, sur le principe « donnant donnant » et le patronat, pour obtenir une clause dérogatoire, consentira sans doute des concessions sur d'autres points.

Bref, l'accord d'entreprise va devenir le pivot de la négociation collective, comme le demande le MEDEF, qui est, je le redis, le champion du « tout à l'entreprise ».

La Position commune du 16 juillet 2001 à laquelle les syndicats sont parvenus n'a pas été signée par la CGT et n'a pas permis de dégager des propositions concrètes. La situation actuelle n'est donc pas saine. Cette Position commune a favorisé la brèche dans laquelle le Gouvernement, manifestement mandaté par le MEDEF, s'est engouffré pour, d'une part, bouleverser les règles de la négociation collective et, d'autre part, mettre fin au principe de faveur.

Nous ne pouvons pas vous suivre. Il faut répéter que non seulement les organisations syndicales sont vigoureusement opposées à ce texte, mais que l'UPA, l'Union professionnelle artisanale, et les PME expriment de fortes réticences compte tenu de l'insécurité juridique que cela va créer pour des secteurs qui ne disposent pas de services juridiques.

J'évoquerai brièvement les places respectives du législateur et des partenaires sociaux dans l'élaboration des normes applicables aux entreprises.

Le projet de loi aboutit à un dessaisissement considérable du législateur, conformément aux souhaits qu'expriment le CNPF puis le MEDEF depuis des décennies.

Le rapporteur à l'Assemblée nationale semble conscient du problème, puisqu'il a déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 48 prévoyant que les parlementaires sont désormais membres de la Commission nationale de la négociation collective. Selon lui, le Parlement sera ainsi associé le plus en amont possible aux évolutions du droit du travail. Ce serait d'autant plus utile que le rapport Virville propose de réformer le code du travail par voie d'ordonnances.

Il existe donc chez certains parlementaires de la majorité un réel malaise sur la question de savoir s'il faut dessaisir le Parlement de l'élaboration de la norme juridique en matière sociale. C'est, certes, un vieux souhait du MEDEF, mais c'est aussi une décision lourde de sens et de conséquences.

Nous allons vers une catastrophe. C'est la porte ouverte au dumping social dans la mesure où, dans le cadre d'un accord d'entreprise, l'employeur qui aura obtenu un accord très favorable dérogatoire à l'accord de branche aura la possibilité de fausser la concurrence et d'obliger les autres employeurs, bon gré, mal gré, à aller dans le même sens. Ces mesures conduisent donc à un déclin organisé de la situation de tous les salariés.

M. le président. L'amendement n° 122, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« I. - Un accord interprofessionnel est réputé valide lorsqu'il est signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections prud'homales. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. A la suite des paroles un peu lénifiantes - M. le rapporteur voudra bien me pardonner cet adjectif -...

M. Jean Chérioux, rapporteur. Lénifiantes ?

M. Jean-Pierre Sueur. Exactement : parlant des syndicats, vous avez dit...

M. Jean Chérioux, rapporteur. Comment avez-vous pu les entendre puisque vous n'étiez pas là !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne fais pas partie de la commission des affaires sociales,...

M. Jean Chérioux, rapporteur. Les auditions étaient ouvertes à tout le monde !

M. Jean-Pierre Sueur. ... mais permettez-moi de citer quelques organisations syndicales. Ce sera une bonne entrée en matière avant de présenter l'amendement n° 122.

Que dit la CFTC sur ce projet de loi ?

« On peut prédire, sans crainte de se tromper, un véritable cataclysme. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas ce qu'ils ont dit devant la commission !

M. Jean-Pierre Sueur. « Si le projet était adopté en l'état, il serait possible de revenir sur les acquis de la loi, de la convention collective, par un accord dérogatoire au sein de l'entreprise. Les réalistes que nous sommes prédisent un démantèlement du droit du travail. »

Force ouvrière, pour sa part, s'insurge contre la partie du projet de loi qui ferait du principe de faveur un objet de négociation...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est de la surenchère syndicale !

M. Jean-Pierre Sueur. ... alors qu'il devrait en être l'instrument : « Le rôle économique des accords de branche, qui interdisaient à la concurrence de s'effectuer sur le dos des salariés, sera réduit à néant. On ne peut parler que de régression sociale. »

Que dit la CGC, mes chers collègues ? Il faut entendre tout le monde !

« Est-il utile de revenir sur cette loi scélérate au titre mensonger de loi sur le dialogue social ? » C'est la CGC qui parle de loi scélérate !

M. Roland Muzeau. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. « Si par malheur cet immense recul social n'est pas amendé, la négociation de branche sera vidée de toute substance. Nos accords de branche nous garantissent au minimum le pain et le beurre ; avec la loi Fillon, nous aurons droit au quignon de pain sec. » Ce sont les cadres qui s'expriment ainsi, monsieur le ministre !

Que dit la CFDT ?

« Nous avons un désaccord de fond. Sur le rôle et la place de chaque niveau de négociation, le Gouvernement a satisfait les demandes patronales en accordant une place excessive à la négociation d'entreprise. C'est une mesure libérale qui risque de conduire à l'appauvrissement de la branche. Celle-ci doit au contraire rester le pivot de la négociation collective. »

Que dit, enfin, la CGT ?

« Le projet bouleverse les principes actuels du droit du travail. Cette perspective est à ce point scandaleuse qu'elle a suscité un désaccord unanime et argumenté de toutes les organisations syndicales de salariés qui, une nouvelle fois, sont mises devant le fait accompli. »

Voilà cinq citations qui sont tout à fait claires, précises. Alors cessez de nous raconter des histoires ! Il n'y a pas de dialogue social avec cette loi ! Cette loi, c'est le contraire du dialogue social !

L'amendement n° 122, vous l'aurez compris, est un amendement de repli par rapport à l'amendement que vient de présenter Gilbert Chabroux : il consiste, pour les accords interprofessionnels, à prendre pour base les suffrages exprimés lors des élections prud'homales. On peut faire ce pas vers plus de démocratie, vers la démocratie qui consiste à consulter la majorité des salariés.

Si ce moyen ne convient pas, nous en proposerons un autre ; mais les solutions ne manquent pas dès lors qu'on a la volonté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe du CRC.)

M. Guy Fischer. Absolument !

M. le président. L'amendement n° 166, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« I. - La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives, dans le champ d'application de l'accord, ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections prud'homales. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, nous avons déjà constaté que nous ne donnions pas le même sens au principe majoritaire.

Vous vous contentez de la technique d'opposition, mesurant négativement la légitimité de ceux qui signent par rapport au nombre de ceux qui ne signent pas, comme l'a justement noté Me Barthélemy lors de son audition devant la commission des affaires sociales. Nous exigeons au contraire une majorité d'adhésion, synonyme, à tous les niveaux, d'accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant reçu la majorité des suffrages exprimés aux élections professionnelles ou aux élections prud'homales, comme condition de validité des accords.

Par le biais de cet amendement, nous posons cette condition pour l'accord au niveau interprofessionnel. Nous le faisons avec d'autant plus de force qu'à ce niveau le projet de loi s'en tient à l'absence d'opposition d'une majorité de syndicats représentatifs, soit trois sur cinq. Si les règles de représentativité évoluaient positivement et si un nombre pair de syndicats était demain considéré comme représentatif, comment cette technique, par essence malsaine pour qui souhaite un réel dialogue social, trouverait-elle à s'appliquer ?

M. le président. L'amendement n° 167, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« II. - La validité d'une convention de branche ou d'un accord collectif professionnel est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives, dans le champ d'application de l'accord, ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux élections de représentativité de branche. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Comme nous n'arrivons pas à nous entendre, monsieur le ministre, sur le sens du principe majoritaire, nous avons tenu à préciser dès l'article 34 les conditions de validité des accords.

Même si ce n'est pas la plus grave des attaques contre le droit du travail, l'ambiguïté que vous tenez à conserver écarte les accords de branche et les accords interprofessionnels du champ d'application du principe majoritaire.

En effet, selon votre conception, un accord pourra être minoritaire si une majorité de syndicats ne s'y oppose pas, et cette majorité s'appréciera au regard du nombre d'organisations et non du nombre de voix. De même, dans le cas tout virtuel où une branche utiliserait la possibilité d'organiser une élection de représentativité, le décompte qui a votre faveur porte sur le nombre d'organisations et non pas sur le nombre de voix.

Vous ne voulez nullement tenir compte de l'influence des organisations syndicales. Et l'on voudrait engager ainsi les salariés à se syndiquer ! Vous ne pouvez continuer à soutenir que la majorité des suffrages ne compte pas face à la majorité des organisations actuelles. C'est une curieuse conception de la démocratie et elle ne va pas encourager la syndicalisation des salariés.

Décidément, vous tenez à vous donner les moyens de faire passer subrepticement par le bas la remise en cause du droit du travail, par exemple des 35 heures.

En tentant d'imposer une loi dictée par le MEDEF et visant prétendûment à donner la primauté au dialogue social, vous avez fini par vous mettre à dos la totalité des syndicats de salariés, y compris ceux qui ont signé, en 2001, la Position commune, ce qui grève singulièrement l'objectif affirmé !

Comment assurer le renouveau du dialogue social quand le présent projet de loi ne s'appuie pas sur l'assentiment des partenaires sociaux - à l'exception, bien évidemment, du MEDEF - et se refuse à s'attaquer aux sources de blocage que vous avez vous-mêmes identifiées ?

M. le président. L'amendement n° 202, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« II. - L'entrée en vigueur d'une convention de branche ou un accord professionnel est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de l'accord. L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord.

« Les partenaires sociaux mettront à profit une période d'observation de cinq ans pour examiner les conditions de conclusion de ces accords et fixer, éventuellement, les règles relatives à l'entrée en vigueur des conventions et accords conclus dans son champ professionnel et géographique. Ces règles peuvent reposer sur la tenue d'une consultation électorale spécifique nationale, dans le champ professionnel considéré, permettant aux salariés concernés par les négociations de désigner l'organisation de leur choix. Ces élections doivent répondre aux critères d'équité et de fiabilité qui caractérisent la démocratie. »

La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. La grande force du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social est de s'appuyer sur un socle conventionnel complet et ambitieux.

Certes, la Position commune du 16 juillet 2001 n'est pas, en matière de négociation collective, un accord aussi remarquable que l'accord national interprofessionnel pour la formation professionnelle, mais elle a le mérite d'exister et de poser les bases des principes devant présider à une relance du dialogue entre les partenaires sociaux.

C'est la raison pour laquelle, comme pour le volet relatif à la formation professionnelle, il est nécessaire de respecter tant la lettre que l'esprit de l'accord signé. Or, si le Gouvernement a scrupuleusement respecté l'ANI, le texte du projet de loi semble en revanche s'éloigner de la Position commune en matière de dialogue social.

En apparence au moins, ce texte s'écarte en effet de la Position commune sur deux points fondamentaux, et le présent amendement a précisément pour objet de l'en rapprocher sur le premier - et le plus important - de ces points.

Nulle part, dans l'accord de 2001, il n'est question de consacrer les règles de l'accord majoritaire pour la validité des conventions et des accords collectifs. La Position commune s'en tient à une réforme structurelle du droit de l'opposition, droit susceptible de rendre aux accords leur légitimité.

La refonte du droit de l'opposition est une avancée réelle, nous en sommes certains. Mais, à côté de ce principe, le projet de loi ouvre la possibilité pour les partenaires sociaux de préférer aux règles de l'opposition celles de l'accord majoritaire pour les conventions de branche ou d'entreprise.

Outre le fait que ces dispositions manifestent un véritable désaveu du travail effectué par les partenaires sociaux, elles mettent en péril, semble-t-il, toute relance du dialogue social.

Signer ces accords collectifs sera si difficile qu'il est probable que l'application des règles de l'accord majoritaire gênera le dialogue social plus qu'elle ne le relancera. Ainsi, alors que l'objet du présent texte de loi est de relancer la négociation collective, l'accord majoritaire pourrait le paralyser à nouveau.

In fine, le législateur pourrait apparaître comme le dernier recours des salariés.

C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer dans le projet de loi toute référence aux accords majoritaires. Il faudrait s'en tenir, monsieur le ministre, au droit de l'opposition, comme le suggérait la Position commune.

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« II. - La validité d'une convention de branche ou d'un accord collectif professionnel est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections de représentativité de la branche.

« Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° du , une consultation des salariés concernés est organisée en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales de la branche.

« La consultation prévue au précédent alinéa, à laquelle participent les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7, doit respecter les principes généraux du droit électoral. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. J'ai déjà dit ce que nous entendions par accord majoritaire. Ce nouvel amendement y revient.

Le volet relatif au dialogue social présenté par le Gouvernement prend appui sur la crise de représentativité que subissent déjà depuis longtemps les syndicats.

On compte un taux de 5 % de syndiqués, 8 % peut-être en incluant la fonction publique, mais cela reste faible, même si la situation en France ne peut être comparée à celle de pays où l'adhésion à un syndicat permet de bénéficier d'avantages. Ainsi, dans certains pays, la gestion de l'assurance chômage est confiée aux gestionnaires sociaux et il faut être syndiqué pour bénéficier des indemnisations, d'où un très fort taux de syndicalisation.

La crise de représentativité que connaît notre pays est donc, hélas ! bien réelle, mais elle ne saurait en aucun cas justifier les mesures contenues dans le présent projet de loi, mesures qui risquent de décourager davantage encore ceux qui veulent une négociation collective vivante, au contenu plus riche, portée par des acteurs légitimes et débouchant sur des accords représentatifs.

Je remarque au passage que personne ne conteste la légitimité des chambres consulaires, alors que le taux de participation aux élections des dirigeants est catastrophique !

Les salariés, eux, votent dès lors qu'il s'agit d'élire leurs représentants dans les comités d'entreprise aux élections prud'homales. La participation n'a sans doute pas été brillante, mais elle a en tout cas été bien supérieure à celle des élections aux chambres consulaires.

M. Guy Fischer. C'est sans commune mesure !

M. Gilbert Chabroux. Elle a atteint 32,66 % aux élections de 2002, soit six points de plus que dans le collège employeurs. Et l'on sait très bien que cette participation s'accroîtrait sensiblement si l'on rapprochait le lieu de l'élection du lieu de travail. Il faudrait organiser le vote dans chaque entreprise, et donc prendre en compte le problème des petites entreprises et des millions de salariés qui y travaillent.

Avec des élections de représentativité dans les branches le même jour, on pourrait redonner une vraie légitimité au syndicalisme. Les syndicats seraient obligés de faire campagne, les salariés choisiraient ceux qu'ils estiment le mieux à même de représenter leurs intérêts. Le résultat du vote offrirait une légitimité incontestable aux vainqueurs, donc aux accords.

Avant de parler des accords et de leur légitimité, il faut donc nécessairement traiter la question de la représentativité des acteurs syndicaux.

Une façon de procéder pourrait être de coupler des élections spécifiques aux élections prud'homales tous les cinq ans. Tous les syndicats légalement constitués seraient autorisés à se présenter.

Une telle procédure entraînerait une recomposition du paysage syndical. On pourrait sortir du statu quo de 1966, qui reconnaît comme représentatives cinq confédérations syndicales, à savoir la Confédération française démocratique du travail - la CFDT -, la Confédération générale du travail - la CGT -, Force ouvrière - FO -, la Confédération française des travailleurs chrétiens - la CFTC - et la Confédération générale des cadres - la CGC.

Les critères alors retenus étaient les suivants : l'indépendance politique, le nombre de cotisants, la répartition sur le territoire, mais aussi l'attitude patriotique pendant la guerre.

Depuis, d'autres organisations syndicales se sont constituées - l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, et le groupe des Dix, notamment - mais elles doivent prouver leur représentativité.

Dès lors, je pose la question : les juges étant devenus progressivement arbitres en la matière, n'y a-t-il pas lieu de sortir maintenant de ce cadre ?

La négociation collective et les critères de représentativité ne peuvent avoir pour seul fondement une décision administrative vieille de trente-huit ans !

Nos propositions visent donc à favoriser le pluralisme et à contribuer au renforcement de la liberté syndicale.

Fondée sur le libre choix, la démocratie sociale ne peut se décliner qu'à partir de la vérification de la responsabilité, donc du vote salarial.

Tel est le sens de l'amendement que nous présentons : un accord de branche ne peut être valide que s'il est signé par une ou des organisations syndicales représentatives de la majorité des salariés concernés et qui se sont exprimés lors de l'élection de représentativité de la branche professionnelle.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, supprimer le mot : "collectif". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. C'est un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, supprimer les mots : "et conclu conformément aux dispositions du I". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à supprimer une redite inutile.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après le mot : "définit", rédiger la fin du deuxième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail : "les conditions selon lesquelles la majorité des suffrages exprimés par les salariés est appréciée en retenant les résultats :". »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Il s'agit de préciser les conditions selon lesquelles la majorité des suffrages exprimés par les salariés est appréciée.

La règle qui s'applique à la démocratie politique doit s'appliquer à la démocratie sociale. La majorité doit s'apprécier à partir de la majorité des suffrages exprimés par les salariés de la branche, que ce soit lors d'une consultation en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales ou lors des élections professionnelles du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Nous gardons tous en mémoire les difficultés qu'a traversées la majorité parlementaire lorsque nous avons débattu du mode de scrutin aux élections régionales. Electeurs inscrits ou suffrages exprimés ? Il nous avait fallu reprendre le texte.

Nous ne voudrions pas que cela se reproduise, et c'est pourquoi nous proposons cet amendement de clarification.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Dans le troisième alinéa (a) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "organisations syndicales", insérer les mots : "de salariés".

« II. - Opérer la même modification :

« - dans la première phrase du troisième alinéa (2°) du III du même texte ;

« - dans l'avant-dernier alinéa du III du même texte. »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Cet amendement apporte une utile précision : les organisations syndicales visées dans l'article 34 sont, bien évidemment, des organisations syndicales de salariés.

M. le président. L'amendement n° 213, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après le quatrième alinéa (b) du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les entreprises de moins de 50 salariés, il pourra s'agir d'élection de délégués du personnel de site conformément à l'article L. 421-1 ou de représentants aux commissions paritaires locales conformément à l'article L. 132-30 du code du travail. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Le paragraphe II de cet article prévoit, au niveau de la branche, le recours au principe majoritaire en voix, mais - il y a toujours un « mais » - à la condition que ce choix résulte d'une convention ou d'un accord étendu par le ministre et non frappé d'opposition par une majorité numérique de syndicats. Le principe de l'accord majoritaire, ô combien démocratique, le devient tout de suite beaucoup moins !

Cet accord de méthode a peu de chance de voir le jour, Force ouvrière, la CFTC et la CGC n'étant guère portées à scier la branche sur laquelle elles sont assises. Ce n'est pas moi qui le dit, mais Jean-Emmanuel Ray.

Dans une analyse du présent texte publié dans La Semaine sociale Lamy en janvier 2004 - que vous avez dû lire, monsieur le ministre, de même que M. le rapporteur -, l'avocat Philippe Langlois note fort utilement que la dernière modalité prévue à l'article 34 « interdit en outre la prise en considération des salariés des entreprises dépourvues de représentants du personnel ».

Comment apprécier positivement un texte ambitionnant de moderniser la démocratie sociale, de responsabiliser les syndicats, mais négligeant la question des salariés des petites et moyennes entreprises, alors que des millions de personnes ne peuvent intervenir, décider de leur sort et de leurs conditions de travail, en raison de l'absence de forme d'organisation collective ?

Pour permettre l'expression de ces salariés, nous proposons que dans les entreprises de moins de 50 salariés la prise en compte des résultats des élections de délégués du personnel de site soit une modalité supplémentaire pour apprécier la majorité des salariés de la branche.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« A la fin de la deuxième phrase du cinquième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, remplacer les mots : "la convention ou l'accord de branche étendu mentionné au premier alinéa ci-dessus" par les mots : "la convention de branche ou l'accord professionnel étendu mentionné au premier alinéa du présent II". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, remplacer les mots : "la convention ou l'accord de branche étendu" par les mots : "la convention de branche ou l'accord professionnel étendu".»

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 125 est présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 214 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer le dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail. »

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour défendre l'amendement n° 125.

M. Jean-Pierre Plancade. Cet amendement tend à rendre obligatoire la négociation d'un accord de méthode au niveau des branches.

Une grande complexité caractérise notre démocratie sociale. Pour des raisons historiques et compte tenu de la relative faiblesse du dialogue social et de la représentativité syndicale, l'Etat a été contraint de se substituer aux partenaires sociaux afin que des avancées et des progrès sociaux puissent intervenir. Pareille situation ne saurait perdurer. Dès lors, il est indispensable d'adapter le droit social aux réalités de notre pays.

Cependant, si la loi induit un certain nombre de garanties et que cette dernière laisse une partie du champ que, jusqu'alors, elle couvrait au dialogue social et aux partenaires sociaux, des garanties similaires doivent, bien entendu, se faire jour.

De cet impératif démocratique est issue l'idée que cette évolution n'est réalisable qu'à condition de garantir l'accord majoritaire. Le fait de vouloir donner plus de place à la négociation collective et à la possibilité de contracter des conventions ou des accords de base doit pouvoir se fonder sur une légitimité qui s'impose à tout un chacun, et donc se fonder sur l'accord majoritaire.

Cette logique permet d'engager la majorité des salariés dans les décisions prises.

Le Gouvernement, lui, propose que cette légitimité puisse être édifiée sur le droit d'opposition. Pour ce faire, il invente ce qu'on peut appeler un nouveau concept juridique : la majorité d'opposition. Ce vocable est parfaitement novateur, puisque, dans ce cadre, le fait majoritaire s'exprimerait dans l'opposition.

En privilégiant cette logique, le Gouvernement ne favorise pas l'indispensable refonte du paysage syndical national et, par là même, il va à l'encontre du souhait formulé par de nombreuses organisations.

En outre, ce choix comporte des risques importants en termes de rigidification de notre démocratie sociale, puisqu'il contribue à perpétuer la situation. Ainsi, seul un accord de branche n'ayant pas entraîné l'opposition des syndicats représentatifs minoritaires pourrait donner lieu à un accord majoritaire.

Ainsi nous demeurerons dans un système dominé par l'opposition, contraire d'ailleurs à la vocation progressive du concept même de négociation sociale.

Nous nous inquiétons donc de la portée réelle de cette disposition ambiguë. Nous nous interrogeons sur la possibilité de contester la hiérarchie des normes, par le biais d'accords d'entreprise dérogeant aux accords de branche. Il s'agirait d'un véritable tremblement de terre dans le domaine du droit social, un renversement du cours de l'histoire auquel n'auraient pas été conviés à participer les premiers concernés que sont, bien sûr, les partenaires sociaux.

Pour notre part, nous souhaitons qu'un accord majoritaire simple et clair puisse voir le jour. Ainsi serait donnée aux partenaires sociaux une délégation fondée sur les critères incontestables que sont la légitimité et la représentativité.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 214.

M. Roland Muzeau. Les dispositions que nous voulons supprimer posent que, en l'absence d'un accord de méthode ayant décidé l'application du principe majoritaire, la « règle de droit commun sera celle du droit d'opposition » majoritaire en nombre.

Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles nous sommes hostiles à ce qu'il est convenu d'appeler la « règle absolue du droit d'opposition ». Je ferai simplement observer que, sur ce point précis, monsieur le ministre, vous êtes allé au-delà de la Position commune, mais dans un sens fort peu progressiste, puisque cette dernière privilégie une logique d'engagement majoritaire.

En défendant nos amendements précédents nous avons souhaité poser un principe clair, celui de l'expression majoritaire des salariés, quel que soit le niveau de la négociation, comme règle unique de validité des accords collectifs. Ce système présente l'avantage d'être « plus simple, plus transparent et plus démocratique », comme l'a souligné M. Rozet, de la CGT, lors de son audition.

Vous comprendrez donc que le présent amendement vise à supprimer le système on ne peut plus complexe de l'opposition majoritaire au niveau de la branche.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "au premier alinéa", insérer les mots : "du présent II". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 126, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« III. - La validité d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans l'entreprise ou l'établissement concerné aux élections de représentativité organisées dans la branche. »

La parole est à M. Gilbert Chabroux.

M. Gilbert Chabroux. Les accords majoritaires, je le répète, ne sont valides que s'ils sont signés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de la majorité des salariés concernés par l'accord et qui se sont exprimés lors d'élections de représentativité organisées dans la branche professionnelle dont ils dépendent.

Cet amendement tend donc lui aussi à apporter davantage de clarté et de rigueur dans les modalités de la négociation d'entreprise.

En effet, l'article 34 du projet de loi, tel que l'Assemblée nationale l'a adopté, ouvre toutes les possibilités pour ce qui est du mode de validation dans l'entreprise ou l'établissement : accord majoritaire, non-opposition, ou encore référendum organisé sur l'initiative des syndicats signataires, les syndicats non signataires s'y associant ou non, tout cela sans même que la convention de branche soit nécessairement étendue. Le système est, par conséquent, totalement flou : il n'y manque que le tirage au sort !

En réalité, l'article 34 a surtout pour objet de faire en sorte que les employeurs disposent d'une autonomie totale pour mener à leur guise non seulement la stratégie économique, mais aussi toute la politique de gestion du personnel dans leur entreprise, sans aucun contre-pouvoir.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Gilbert Chabroux. Vous me permettrez de relever un glissement sémantique qui n'a rien d'anodin et qui marque au contraire une nette évolution des rapports sociaux : voilà encore quelques années, on entendait par « entreprise » une communauté de travail dans laquelle l'apport en capital de l'employeur et les capacités des salariés s'unissaient pour produire un profit destiné à l'investissement et à la rétribution des actionnaires et des salariés. Tel n'est plus le cas aujourd'hui.

M. Jean Chérioux, rapporteur. C'était une conception gaulliste !

M. Gilbert Chabroux. Oui, mais c'est fini depuis déjà longtemps !

M. Guy Fischer. Vous abandonnez tout !

M. Gilbert Chabroux. Ce que beaucoup appellent l'entreprise, maintenant, c'est en réalité l'employeur et, pour les grandes entreprises, l'actionnaire.

Les organisations patronales elles-mêmes ont modifié leur dénomination. De l'antique Comité des maîtres de forge, nous sommes passés au Conseil national du patronat français - cela avait au moins le mérite de la clarté -, puis au Mouvement des entreprises de France. Est-ce à dire que les entreprises sont hémiplégiques ? Que l'apport en travail des salariés ne compte pas ? Ne serait-ce pas plutôt une façon d'exprimer la vision hégémonique, voire exclusive, des « apporteurs en capital », qui estiment désormais que l'entreprise est leur chose et que les salariés, dans la mesure où ils sont rétribués, n'ont aucune légitimité à s'exprimer et à faire valoir des droits ?

L'entreprise, c'est l'employeur et lui seul ; l'entreprise, c'est le capital et lui seul. Nous sommes fort loin de la doctrine humaniste qui sous-tendait la notion de participation chère au général de Gaulle et aux gaullistes sociaux, à M. Chérioux particulièrement !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Merci !

M. Jean-Pierre Plancade. Il a bien changé !

M. Gilbert Chabroux. Oui, il a bien changé, lui aussi !

Il est vrai que le chômage et la précarisation, qui touchent toutes les catégories de salariés, ont fortement incité ceux-ci à se détourner d'une structure qui les traite avec un tel mépris. Ce n'est pas le contrat de mission qui va contribuer à modifier cette situation ! Il n'est pas faux de dire que l'entreprise, comme M. Serge Tchuruk le souhaitait, est désormais sans salariés.

Aujourd'hui, la mutation des modes de production et la mondialisation sont mises à profit pour réaliser un projet tout à fait différent : en s'appuyant sur un rapport de force défavorable aux salariés, nous arrivons avec ce projet de loi, bientôt suivi de celui qui sera consacré à la « mobilisation pour l'emploi », au bout de la démolition de ce qui structurait nos relations sociales.

L'Etat ne remplit plus son rôle d'arbitre lorsqu'il choisit de favoriser un groupe aux dépens d'un autre et de briser ce qu'il nous reste de cohésion sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° 168, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail :

« III. - La validité d'une convention de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

« Si cette condition n'est pas satisfaite, le texte de l'accord est soumis, dans les conditions fixées par décret, à l'approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l'entreprise ou de l'établissement, à l'initiative des organisations syndicales de salariés signataires, auxquelles des organisations syndicales non signataires peuvent se joindre.

« En l'absence d'élections professionnelles, la validité d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement signé par un ou des délégués syndicaux désignés, est subordonnée à l'approbation de la majorité des salariés exprimée dans les mêmes conditions qu'au précédent alinéa.

« Lorsque la convention ou l'accord a été négocié par des délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical, par des représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ce dernier doit être approuvé à la majorité des suffrages exprimés. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. En lisant rapidement le paragraphe III de l'article 34, qui traite des modalités de conclusion des accords d'entreprise, j'ai cru un instant que la logique avait repris ses droits et que l'aspiration à voir reconnaître comme condition de validité d'un accord sa signature par un ou plusieurs syndicats majoritaires était enfin pleinement reconnue. Quelle déception après une lecture plus attentive !

Là aussi, le principe majoritaire restera virtuel, pour la bonne raison que son application est subordonnée à l'existence d'un accord de branche non étendu organisant le dialogue social des entreprises. Tous les employeurs aujourd'hui hostiles au principe majoritaire n'ont aucun souci à se faire : demain, ils pourront sans difficulté éviter ces nouvelles règles en n'adhérant pas à l'organisation professionnelle de ladite branche !

Cette remarque étant faite, j'en viens à la réécriture des règles d'adoption des accords d'entreprise que nous proposons par cet amendement n° 168.

Nous posons le principe majoritaire comme condition de validité des accords ; mais nous prenons également en compte, de façon plus large, les situations marquées par l'absence d'élections professionnelles.

Lorsque l'accord aura été négocié par des délégués du personnel faisant fonction de délégués syndicaux, par des représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou, à défaut, par des délégués du personnel, il convient que la convention soit également approuvée par les salariés de l'entreprise à la majorité des suffrages exprimés.

Monsieur le ministre, je ne suis absolument pas favorable à la possibilité qu'ouvre le projet de loi de voir des accords négociés et conclus par des salariés sans l'appui des organisations syndicales, car de telles dispositions vont à l'encontre du renforcement des syndicats et de l'équilibre de la négociation. Je ne peux toutefois laisser subordonner la validité des accords signés par un ou plusieurs délégués syndicaux à leur approbation par la majorité des salariés sans chercher à étendre cette condition aux accords signés dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, supprimer le mot : "collectif". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit là encore d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 43 est présenté par M. Chérioux, au nom de la commission.

L'amendement n° 127 est présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après le mot : "professionnel", insérer le mot : "étendu". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 43.

M. Jean Chérioux, rapporteur. L'amendement n° 43 vise à préciser la nature de l'accord de méthode conclu à l'échelon de la branche pour décider des conditions de validité des accords d'entreprise.

La rédaction actuelle est en effet ambiguë. Elle indique d'abord, au premier alinéa du paragraphe III, que l'accord de méthode n'est pas un accord étendu ; mais, dans le dernier alinéa de ce même paragraphe, il est précisé qu'il l'est.

Il importe pourtant que cet accord de méthode soit un accord étendu, afin que la validité des accords d'entreprise soit régie par les mêmes règles dans l'ensemble des entreprises d'une branche.

Une telle disposition est conforme au rôle régulateur qu'entend donner l'article 34 à la branche : à défaut d'extension, l'accord de méthode ne s'appliquerait qu'aux seules entreprises adhérant à une organisation patronale signataire.

Vous pouvez constater combien le rôle régulateur de la branche est important dans le présent projet de loi !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 127.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement a pour objet de préciser que l'accord de méthode conclu au niveau de la branche sur les conditions de validité des accords d'entreprise est un accord étendu, c'est-à-dire qu'il s'applique à l'ensemble des entreprises de la branche considérée.

Nous constatons que M. le rapporteur présente un amendement identique. C'est une preuve de sa sagesse puisque, ce faisant, il s'efforce de diminuer l'inégalité entre les salariés et, donc, de respecter le principe constitutionnel d'égalité. (M. Roland Muzeau s'exclame.)

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa (1°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "organisations syndicales", insérer (trois fois) les mots : "de salariés". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Au deuxième alinéa (1°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "conditions fixées par décret", insérer les mots : "et devant respecter les principes généraux du droit électoral". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Lorsque l'accord d'entreprise n'a pas satisfait aux conditions de majorité et qu'il est soumis à l'approbation des salariés, cette consultation, dont les modalités seront fixées par décret, doit à l'évidence respecter les principes généraux du droit électoral : liberté de vote, secret du suffrage, égalité devant le suffrage, comme cela est expressément prévu dans le projet de loi pour la consultation spécifique de branche.

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le 1° du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail par l'alinéa suivant :

« Participent à la consultation prévue à l'alinéa ci-dessus les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9. La consultation a lieu pendant le temps de travail. »

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Cet amendement a pour objet de préciser que la consultation des salariés est organisée et se déroule selon les mêmes modalités que les consultations prévues à l'article 19 de la loi Aubry II. Il tend donc à un parallélisme des formes dans le code du travail.

M. le président. L'amendement n° 129, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le 2° du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail. »

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Avec cet amendement, nous souhaitons établir le principe de l'accord majoritaire à l'échelon de l'entreprise.

En effet, la validation d'un accord d'entreprise ou d'établissement doit se fonder sur le seul accord majoritaire et non pas sur l'exercice du droit d'opposition, qui caractériserait davantage l'échec du dialogue social, son blocage et l'absence de démarche constructive.

L'instauration du principe d'accord majoritaire nous semble d'autant plus importante que des dérogations pourront intervenir, ce qui entraînera inévitablement une disparité entre entreprises, mais également entre salariés appartenant à une même branche professionnelle : cela nous semble déroger au principe sur lequel devrait précisément se constituer cette nouvelle étape de la démocratie sociale.

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé ;

« Dans la première phrase du troisième alinéa (2°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, remplacer les mots : "ne donne pas lieu à l'opposition" par les mots : "est subordonnée à l'absence d'opposition". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 130 est présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 203 est présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe et les membres du groupe de l'Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans la seconde phrase du troisième alinéa (2°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, remplacer les mots : "huit jours" par les mots : "quinze jours". »

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour défendre l'amendement n° 130.

M. Jean-Pierre Plancade. La logique du projet de loi consiste très largement à privilégier dans les faits le droit d'opposition par rapport à la majorité d'engagement. Cela se comprend très bien, compte tenu du climat qui, malheureusement, règne aujourd'hui dans un grand nombre d'entreprises.

Il pourrait convenir au patronat qu'un accord soit signé par une organisation ultraminoritaire, dans un climat de pression et, s'il le faut, de chantage à l'emploi. Dans ces conditions, mes chers collègues, quelle organisation osera passer outre à l'angoisse des salariés et faire jouer son droit d'opposition ?

Nous demandons au moins que le syndicat dispose de quinze jours au lieu de huit pour analyser le contenu de l'accord qui aura été signé et décider de faire jouer son droit d'opposition. En effet, dans les petites entreprises, où la présence et la pratique syndicale sont faibles, les représentants des salariés ne pourront réaliser eux-mêmes, ni surtout dans la précipitation, une étude exhaustive du texte de l'accord : il leur faut nouer des contacts avec leur fédération, au moins au niveau de la branche, pour disposer d'une expertise, éventuellement prévoir une réunion, et avoir le temps de rédiger et de motiver leur opposition ou leur accord.

Privilégier le dialogue social signifie aussi lui accorder le temps de se réaliser, et non favoriser, en fait, la signature d'accords dans la précipitation et sous la pression, avec les retours de bâton que l'on peut craindre.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour défendre l'amendement n° 203.

Mme Françoise Férat. L'un des apports les plus importants du projet de loi, dans son volet concernant le dialogue social, est le réaménagement en profondeur du droit d'opposition. Il s'agit là d'une avancée remarquable pour les partenaires sociaux, car il rendra aux accords et aux conventions collectives la légitimité qu'ils avaient perdue et constituera le meilleur moyen d'aborder la question de la représentativité des organisations syndicales.

Cependant, pour que ce nouveau dispositif ne reste pas lettre morte, il faut que les procédures de sa mise en oeuvre garantissent son exercice effectif. C'est la raison pour laquelle le présent amendement tend à allonger le délai durant lequel l'opposition est possible pour les organisations syndicales.

Cet amendement est de raison ; le délai de huit jours prévu dans le projet de loi est à l'évidence trop court. Nous vous proposons donc de le porter à quinze jours.

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du troisième alinéa (2°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, après les mots : "à compter de la", insérer les mots : "date de". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par M. Chabroux, Mme Printz, MM. Sueur, Weber et Plancade, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, remplacer la référence : "2°" par la référence : "1°". »

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Par cet amendement, nous entendons que soit respectée la Position commune, dans laquelle s'exprime la volonté des partenaires sociaux. Il est donc nécessaire de faire prévaloir le principe de l'accord majoritaire sur le droit d'opposition que vise à instaurer la rédaction actuelle du projet de loi.

En effet, un accord d'entreprise ayant recueilli l'assentiment du syndicat majoritaire au regard des suffrages exprimés ne sera pas validé si une organisation syndicale représentative mais minoritaire s'y oppose, alors que, dans le même temps, les autres s'abstiendraient. Une telle procédure est contraire à la logique républicaine : elle participe de la logique habituelle du MEDEF, qui lui est si chère, celle du « moins-disant social ».

Qui plus est, en l'absence d'accord de branche, ce sont les accords d'entreprise qui se trouveront renforcés, dans un contexte où la primauté est accordée non pas à la majorité des salariés, mais au nombre des organisations signataires ou opposées à l'accord. Plus concrètement, si, comme c'est bien souvent le cas dans le tissu des PME-PMI de notre pays, il n'existe qu'un seul syndicat au sein de l'entreprise mais que ce dernier est minoritaire, les dispositions prévues dans le projet de loi ne lui ôteront pas la possibilité de signer un accord avec l'employeur même contre l'avis majoritaire des salariés. Une telle configuration pourrait provoquer un durcissement des conflits du fait de la radicalisation des positions prises par les divers acteurs en présence.

Monsieur le ministre, non seulement cette mesure n'est pas conforme au principe républicain de justice et d'égalité, mais elle ne participe certainement pas de l'amélioration du dialogue social, principal objet du projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Chérioux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la seconde phrase du second alinéa du V du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail, remplacer les mots : "et cinquième" par les mots : ", cinquième et sixième". »

La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement de précision.

Je souligne que onze des treize amendements que j'ai défendus à l'article 34, au nom de la commission, étaient des amendements de précision ou des amendements rédactionnels, ce qui montre la minutie que le Sénat apporte à ce travail législatif.

M. Guy Fischer. Il ne faut pas trop en faire ! Sur le fond, le Sénat n'apporte aucun changement !

M. le président. L'amendement n° 204, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 132-2-2 du code du travail par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - L'opposition majoritaire ne fait pas obstacle à l'application unilatérale par l'employeur des mesures dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à la conclusion d'un accord collectif. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Alors que l'objet du présent projet de loi est de relancer le dialogue social, il convient de ne pas empêcher, en cas d'opposition majoritaire à un accord au sein d'une entreprise, l'application des dispositions de l'accord qui ne dérogent pas à un accord collectif ou à une règle législative ou réglementaire. L'impossibilité d'appliquer ces dispositions aurait pour effet d'inciter l'employeur à ne plus recourir à la négociation et d'en chercher d'emblée l'application unilatérale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Chérioux, rapporteur. Je me demande, à propos de l'amendement n° 165, s'il faut supprimer l'article 34 sous prétexte qu'il ne va pas assez loin. Je rappellerai à ses auteurs qu'il va déjà un peu plus loin que la position commune, qui ne posait pas le principe d'élections de représentativité ! Il s'agit en tout cas d'une première étape. Au demeurant, le projet de loi prévoit en son article 49 une évaluation de l'application de la loi d'ici à la fin de l'année 2007. C'est à la lumière de ce bilan que pourront être examinées les évolutions plus profondes, conformément au texte de la Position commune, selon lequel le projet de loi devrait avoir un caractère plutôt expérimental.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Pour ce qui est de l'amendement n° 121, la Position commune ne prévoyait pas d'élections de représentativité de branche ; le projet de loi en offre la possibilité. Il semble difficile d'aller plus loin et de les généraliser en en faisant le critère unique de validation des accords. La commission émet donc un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi, monsieur le rapporteur ?

M. Jean Chérioux, rapporteur. En ce qui concerne les amendements n°s 122 et 166, je rappellerai que la Position commune a prévu que, au niveau interprofessionnel, l'accord ne sera valide que s'il n'a pas fait l'objet de l'opposition de la majorité des organisations syndicales. La commission ayant le souci de suivre dans la mesure du possible les préconisations de la Position commune, elle a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Quant aux amendements similaires n°s 167 et 123, ils tendent eux aussi à s'écarter des propositions figurant dans la Position commune, selon lesquelles c'est le droit d'opposition des organisations syndicales majoritaires qui doit s'appliquer en priorité pour les accords de branche. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. La Position commune, ce n'est pas la loi !

M. Jean Chérioux, rapporteur. La Position commune n'est peut-être pas la loi, monsieur Sueur, mais le souci tant du Gouvernement que de la commission a été de tenir compte des avis émis par les organisations syndicales, que, pour notre part, nous écoutons ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Roland Muzeau. Il n'y en a pas deux qui soient d'accord !

M. Jean-Pierre Sueur. Ils sont en désaccord !

M. Jean Chérioux, rapporteur. La Position commune a été signée par les organisations professionnelles ! Notre volonté a été de rester au plus près de ce document, c'est ce que nous faisons ! (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La Position commune n'est pas la loi, mais c'est un cadre !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Concernant l'amendement n° 202, le Gouvernement a souhaité aller plus loin que les préconisations de la Position commune en laissant aux partenaires sociaux de branche la faculté de privilégier la majorité d'engagement par rapport au droit d'opposition. Je ne vois pas en quoi l'introduction d'une telle faculté pourrait aboutir à bloquer le dialogue social, puisqu'elle est nécessairement subordonnée à la conclusion préalable d'un accord de méthode, selon le droit d'opposition majoritaire. Il me semble souhaitable de laisser les partenaires sociaux qui le désirent avancer d'ores et déjà dans la voie du recours à la majorité d'engagement. C'est pourquoi la commission demande le retrait de l'amendement n° 202.

L'amendement n° 124 tend à préciser les modes de calcul de la majorité d'engagement que devront respecter les accords de méthode pour l'appréciation de la validité des accords de branche. Faut-il encadrer ces accords de méthode en précisant qu'il convient de retenir la majorité des suffrages exprimés, comme le prévoit l'amendement ? Dans la mesure où il s'agit d'un dispositif nouveau, je crois préférable de laisser aux partenaires sociaux le champ le plus large possible pour établir les accords de méthode. A défaut, on risquerait de déboucher, au rebours de ce qui est recherché, sur une absence d'accord de méthode. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 124.

L'amendement n° 213 soulève un vrai problème : comment calculer la majorité d'engagement dans la branche sur le fondement des élections professionnelles dans l'entreprise ? Cet amendement n'étant pas conforme à la décision de la commission de s'en tenir, une fois de plus, aux préconisations de la Position commune, il fait l'objet d'un avis défavorable.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Les amendements identiques n°s 125 et 214 sont de simples amendements de cohérence, mais leur adoption induirait un vide juridique, car on ne saurait alors plus quelles seront les conditions de validité des accords de branche en l'absence d'accord de méthode. La commission émet donc un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 126, les élections de représentativité de branche ne sont pas obligatoires. Dès lors, on ne peut apprécier sur cette base le critère de majorité pour la conclusion des accords d'entreprise ; on risquerait alors de se trouver devant un vide juridique. La commission émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 168, la Position commune prévoyait deux critères de validité pour les accords d'entreprise : soit la majorité d'engagement, soit l'absence d'opposition. Il importe de laisser aux partenaires sociaux le soin de définir, par un accord de méthode, la solution qui leur semble la plus adaptée. La commission est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 128 vise, quant à lui, à ajouter des précisions sur l'organisation du référendum qui n'ont pas forcément vocation à figurer dans la loi. Le décret d'application prévu à cet effet paraît largement suffisant, le seul impératif législatif consistant, à mon sens, à préciser que ce référendum doit respecter les principes généraux du droit électoral. Dans ces conditions, l'amendement n° 128 est satisfait par l'amendement n° 45 de la commission, qui y est donc défavorable.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 129, qui est similaire à l'amendement n° 126.

J'en viens aux amendements identiques n°s 130 et 203.

La commission s'est interrogée sur les délais d'exercice du droit d'opposition à l'accord d'entreprise. Ce délai doit permettre de concilier deux principes quelque peu contradictoires : laisser aux organisations syndicales le temps de décider ou non d'y recourir tout en ne retardant pas à l'excès la mise en application de l'accord.

Après avoir entendu les partenaires sociaux sur ce point, la commission a considéré que le délai de huit jours était suffisant. Je rappelle d'ailleurs que les organisations non signataires ont participé aux négociations et sont donc en mesure de décider ou non d'exercer leur droit d'opposition dans des délais brefs. La commission émet donc un avis plutôt défavorable sur les deux amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. Plutôt défavorable ?

M. Jean Chérioux, rapporteur. L'amendement n° 131 porte sur les conditions de validité de l'accord d'entreprise. La Position commune ne tranche pas entre majorité d'engagement et droit d'opposition. C'est par le biais d'un accord de méthode conclu au niveau de la branche qu'il conviendra de faire le choix. En l'absence d'un tel accord, le projet de loi tend à faire prévaloir le droit d'opposition, ce qui semble conforme à l'esprit de la Position commune, qui prévoit d'accorder une prime au droit d'opposition par rapport à la majorité d'engagement. La commission est donc défavorable à l'amendement.

Enfin, la précision que l'amendement n° 204 vise à apporter ne paraît pas utile. La négociation collective ne fait pas obstacle à la possibilité pour l'employeur de prendre des mesures dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à la conclusion d'un accord, dans des conditions fixées par la jurisprudence. Cela vaut également en cas d'échec des négociations ou d'exercice du droit d'opposition. Dans ce cas, les mesures devront bien entendu respecter le principe de faveur. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que le Gouvernement confirme cette analyse. Au bénéfice de ces observations, la commission demande le retrait de l'amendement n° 204.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Je voudrais, en préambule, formuler quelques commentaires généraux. En effet, la discussion que nous venons d'avoir me semble illustrer parfaitement les difficultés auxquelles le Gouvernement s'est trouvé confronté lors de la préparation de ce texte.

En réalité, aucun des acteurs ne peut assumer publiquement l'abandon de ses positions de principe, mais tous s'accordent à reconnaître que le statu quo serait absurde. Dès lors, le cheminement est difficile, mais nous ne sommes pas démunis, parce que la Position commune témoigne d'un compromis possible, fût-ce dans des termes ambigus.

On sait bien que l'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son désavantage ! Ce risque, le gouvernement précédent n'a pas voulu le prendre. Peut-être la gauche plurielle ne l'a-t-elle tout simplement pas pu !

M. Jean-Pierre Sueur. Elle a fait beaucoup d'autres choses !

M. François Fillon, ministre. Dans ce domaine, monsieur Sueur, il faudra trouver des exemples !

M. Jean-Pierre Sueur. Elle n'a pas pu tout faire !

M. François Fillon, ministre. La majorité actuelle assume, quant à elle, le mouvement de réforme. Ce mouvement n'est peut-être pas conforme à ce que nous aurions pu souhaiter dans l'idéal, mais, comme pour le dossier des retraites, nous conjurons une paralysie.

J'ai relevé que certains orateurs ne veulent pas de la majorité d'adhésion et que d'autres récusent le droit d'opposition. Le Gouvernement, pour sa part, est pragmatique : il laisse aux branches le soin de choisir, tout comme la Position commune, mais le projet de loi va au-delà des préconisations de cette dernière, en définissant la règle à défaut de choix par la branche. Le Gouvernement se prononce alors en faveur du droit d'opposition, mais non pas de manière doctrinale, car il est convaincu qu'il faudra tendre vers la généralisation de la majorité d'adhésion.

Cependant, la réalité sociale doit être bien évaluée. Le poids du passé est là, et l'on ne peut prendre le risque de mettre en place une réforme qui se traduirait, fût-ce de manière transitoire, par un blocage de la vie conventionnelle dans les entreprises : d'où la formule subsidiaire du droit d'opposition, qui permet d'éviter tout blocage en faisant le pas décisif vers l'adhésion majoritaire, au moins implicite.

C'est là un progrès pour la démocratie sociale. J'admets volontiers que l'opposition considère que ce progrès n'est pas suffisant, mais je lui demanderai pourquoi, durant les longues années où elle a été au pouvoir, elle n'a jamais touché aux équilibres qui sous-tendaient la législation dans ce domaine. Quand la gauche était au pouvoir, un signataire suffisait pour qu'un accord soit valide ; le présent texte prévoit qu'il faudra désormais une majorité d'opposition ou une majorité d'adhésion : reconnaissez que ce dispositif est plus satisfaisant que celui que vous avez accepté, apparemment sans trop de problèmes de conscience, pendant si longtemps, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition !

Quant à prétendre que ce texte répondrait aux souhaits du patronat, il faudra m'expliquer en quoi il serait plus confortable, pour ce dernier, de tendre vers l'accord majoritaire que de rester dans la situation présente, où des accords peuvent être conclus avec un seul syndicat, même s'il est extrêmement minoritaire ! (M. Paul Blanc applaudit.)

J'en viens maintenant aux amendements à l'article 34.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement de suppression n° 165, de même que sur les amendements n°s 121, 122 et 166, qui procèdent tous de la même thèse selon laquelle, après quelque vingt années d'immobilisme, il conviendrait aujourd'hui d'aller le plus loin possible en matière de réforme.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est très répétitif, tout cela !

M. François Fillon, ministre. Mes propos seront assez répétitifs, en effet, car les discours que j'ai entendus ne comportaient guère de suggestions ou de propositions novatrices !

Sur l'amendement n° 167, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 202 du groupe de l'Union centriste, qui tend à la suppression de la possibilité de conclure un accord majoritaire, je sollicite son retrait compte tenu des explications que je viens de donner, car la disposition visée représente un réel progrès.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 123.

En revanche, il émet un avis favorable sur les amendements n°s 36 et 37.

En ce qui concerne l'amendement n° 124, relatif à l'accord majoritaire, l'avis du Gouvernement est défavorable.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 38, qui est un amendement de précision.

S'agissant de l'amendement n° 213, je partage l'avis de M. le rapporteur. Cette proposition constitue une piste intéressante, mais des problèmes de mise en oeuvre se posent. Comment distinguer, en effet, parmi les délégués de site, ceux qui représentent les salariés d'une entreprise de la branche de ceux qui représentent les salariés d'une autre branche ? Par conséquent, cet amendement ne me paraît pas complètement opérationnel, mais je ne suis pas hostile au principe qui le sous-tend. Aussi m'en remettrai-je à la sagesse du Sénat.

M. Roland Muzeau. Ah !

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 39, 40 et 41 de la commission.

S'agissant toujours de l'accord majoritaire, il est en revanche défavorable aux amendements identiques n°s 125 et 214, ainsi qu'aux amendements n°s 126 et 168.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 42, de même qu'aux amendements identiques n°s 43 et 127, qui visent à préciser la nature de l'accord de méthode conclu au niveau de la branche pour décider des conditions de validité des accords d'entreprise.

Le Gouvernement émet également un avis favorable sur les amendements n°s 44 et 45.

S'agissant de l'amendement n° 128, concernant les modalités de déroulement et d'organisation de la consultation des salariés, le Gouvernement y est défavorable. En effet, le projet de loi renvoie à un décret la fixation des conditions dans lesquelles s'organisera la consultation des salariés. Cette matière relève naturellement du pouvoir réglementaire.

Sur l'amendement n° 129, l'avis du Gouvernement est défavorable.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 46, le Gouvernement y est favorable.

Quant aux amendements identiques n°s 130 et 203, ils visent à allonger le délai de réflexion laissé aux partenaires sociaux pour exprimer leur opposition à un accord d'entreprise. Le Gouvernement y est défavorable, car le délai prévu lui semble suffisant. L'opposition n'est, en principe, que l'expression formalisée d'un rejet de l'accord par les parties non signataires, que celles-ci ont déjà exprimé lors des négociations. Je signale d'ailleurs que le délai de huit jours est aujourd'hui en vigueur pour la procédure d'opposition à la révision d'un accord collectif en vertu de l'article L. 132-7 du code du travail. Dans la pratique, cela n'a jamais créé de difficulté.

Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n°s 47 et 48 de la commission, et défavorable sur l'amendement n° 131, lui aussi relatif au principe de l'accord majoritaire.

Enfin, je souhaiterais obtenir le retrait de l'amendement n° 204, visant à laisser à l'employeur la possibilité d'appliquer les dispositions d'un accord ayant fait l'objet d'une opposition qui ne sont pas dérogatoires à un accord de niveau supérieur.

Le projet de loi tend à instituer de nouvelles marges d'autonomie dans les rapports entre les accords de branche et les accords d'entreprise. A ce titre, la négociation d'entreprise est largement ouverte et repose sur la responsabilité des partenaires sociaux. Ce principe ne doit pas faire obstacle à la liberté laissée aux employeurs d'appliquer, en cas d'opposition majoritaire à un accord au sein d'une entreprise, les dispositions qui ne dérogent pas à un accord collectif de niveau supérieur ou qui ne requièrent pas la négociation d'un accord.

Il est donc, d'une certaine manière, répondu à la préoccupation des auteurs de l'amendement, mais je crois qu'inscrire dans la loi un principe général selon lequel une intervention unilatérale de l'employeur sera toujours possible en cas d'opposition ne constituerait pas un signe positif pour le développement de la négociation collective, qui est précisément l'objet de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 165.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous vous avons entendu exactement dix fois en moins de deux heures nous expliquer que, si l'on avait agi en d'autres temps, nous ne serions pas ici ce soir à débattre de ce sujet. (C'est vrai ! sur les travées de l'UMP.)

Cet argument est un peu répétitif. Il revient comme une sorte de litanie. J'ai d'ailleurs remarqué que vous l'aviez très souvent employé à l'Assemblée nationale.

Certes, on pourrait ouvrir un débat sur le passé, mais il conviendrait alors de se pencher sur les initiatives respectives des gouvernements de gauche pris dans leur ensemble et des gouvernements de droite en matière de droit du travail. Nous sommes tout à fait prêts à cette confrontation !

M. François Fillon, ministre. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela étant, revenons-en au débat du jour.

Un argument très fort rend la proposition de M. Muzeau tout à fait pertinente : l'article 34, monsieur le ministre, est tout de même extraordinairement compliqué ! Le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas pourtant dit que la loi devait être claire ?

Que l'on me permette de donner lecture de quelques passages de cet article :

« La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de l'accord (...).

« Lorsqu'une convention de branche ou un accord collectif professionnel étendu, conclu conformément aux dispositions du I, le prévoit, la validité des conventions ou accords conclus dans le même champ d'application professionnel est subordonnée à leur signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés de la branche.

« La convention ou l'accord, mentionné à l'alinéa précédent et conclu conformément aux dispositions du I, définit la règle selon laquelle cette majorité est appréciée en retenant les résultats :

« a) Soit d'une consultation des salariés concernés, organisée périodiquement, en vue de mesurer la représentativité des organisations syndicales de la branche ;

« b) Soit des dernières élections aux comités d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel. »

Jusque-là, on comprend à peu près. Mais écoutez la suite !

« Une convention de branche ou un accord collectif professionnel conclu conformément aux dispositions du II détermine les conditions de validité des conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement, en retenant l'une ou l'autre des modalités énumérées au 1° et 2° ci-après :

« 1° Soit la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement est signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; si les organisations syndicales signataires ne satisfont pas à la condition de majorité, le texte peut être soumis, dans des conditions fixées par décret, à l'approbation, à la majorité des suffrages exprimés, des salariés de l'entreprise ou de l'établissement, à l'initiative des organisations syndicales de salariés signataires, à laquelle des organisations syndicales non signataires peuvent s'associer ;

« 2° Soit la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement ne donne pas lieu à l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. L'opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la notification de cet accord. »

Si je devais expliquer le droit, cette loi, à des étudiants, je dirai : c'est très compliqué !

A la page 65 de son rapport, M. Chérioux a d'ailleurs écrit : « Le dispositif proposé apparaît complexe. »

M. Gilbert Chabroux. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est une phrase qui est facile à comprendre. Vous brillez par l'euphémisme, monsieur le rapporteur, car, à la vérité, c'est tarabiscoté !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. On n'y comprend rien ! Il s'agit d'un empilement de décisions positives ou négatives, prises par des syndicats majoritaires ou non majoritaires. C'est byzantin !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est très simple !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, croyez-vous vraiment à la pertinence et au réalisme d'un tel dispositif ?

Finalement, les amendements déposés par la gauche sont beaucoup plus clairs.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. « Supprimer cet article », c'est clair !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez ironiser !

Nous allons parler de l'article suivant où nous proposons une rédaction beaucoup plus simple et plus courte, qui consiste à dire, finalement, qu'une majorité est une majorité.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La Palice est sénateur !

M. Jean-Pierre Sueur. On pourrait consulter les salariés au niveau de l'entreprise, au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel, et compter pour savoir s'il y a une majorité.

Il s'agit tout de même du fondement de la démocratie. Je comprends très bien les inconvénients que cela présente, notamment par rapport à la position de certaines organisations syndicales. Or, monsieur le ministre, depuis le début du débat, vous n'avez pas fourni d'argument vraiment convaincant pour nous expliquer pourquoi il ne faudrait pas adopter cette simple voie démocratique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que ne l'avez-vous fait !

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Je tiens à faire une petite mise au point. M. Sueur a bien voulu me citer. Encore faudrait-il qu'il ne « caviarde » pas ce que je dis ! (Sourires.) Si le dispositif « apparaît complexe » à la commission, « c'est avant tout parce qu'il cherche à prendre en compte les spécificités de chaque niveau de négociation et à accorder une réelle latitude aux partenaires sociaux » - voyez le but : toujours le coup de chapeau aux partenaires sociaux ! - « pour assurer sa mise en oeuvre. Il appartiendra en effet aux accords de branche d'organiser le dispositif ». Je crois que c'est clair !

M. le ministre vous a assez dit quel avait été l'esprit de ce texte qui est simple...

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas simple !

M. Jean Chérioux, rapporteur. ... et qui est clair, même si la rédaction de l'article est un peu compliquée.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Quand on fait des citations pour étayer une démonstration, on choisit forcément celles qui sont intéressantes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est ce que vous allez faire ?

M. Roland Muzeau. Non ! Les citations que j'ai faites étaient vraies et vous avez tort de les contester : elles sont écrites noir sur blanc.

En réponse, M. le rapporteur dit : « Moi, j'en ai d'autres ! », et là il a commencé à déraper, car il a fait un tri qui n'est tout de même pas très conforme à la vérité.

Afin que le Journal officiel montre bien, pour les générations à venir,...

M. Paul Blanc. Pour les prochaines élections !

M. Roland Muzeau. ... quels ont été nos débats et leur qualité, je rappellerai ce qu'a dit exactement le syndicat qui n'a pas signé la Position commune, et non pas ce qu'ont rapporté nos deux rapporteurs et le président de la commission des affaires sociales : « Si la CGT a refusé de signer ce texte, c'est aussi en raison de ses ambiguïtés. Nous avons cherché à négocier avec le MEDEF des sujets tels que le droit syndical, la carrière des militants syndicaux et les conditions de négociation dans les entreprises, mais en vain. Le MEDEF n'a pas voulu traiter avec nous de questions qui, pourtant, relèvent du périmètre des partenaires sociaux. C'est pourquoi les discussions ont abouti à un appel au Gouvernement et au législateur. La Position commune n'en est finalement pas vraiment une. »

Au président de la commission des affaires sociales, M. About, qui l'interrogeait, il a répondu : « Nous éprouvions également un désaccord de méthode. Nous voulions que la discussion débouche sur un accord normatif où seraient précisés les engagements des organisations syndicales et patronales en faveur du développement du dialogue social et de la négociation collective. Or la discussion a débouché sur un texte qui ne répondait en rien à ce souhait et qui représentait un coup politique plutôt qu'une véritable réflexion sur le dialogue social. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce sont les propos d'un militant !

M. Roland Muzeau. Maintenant, permettez-moi de citer la CGC : « Le texte permet à un accord d'entreprise de déroger aux conventions collectives de branche, donc d'imposer, surtout dans les PME, des conditions plus défavorables aux salariés. Ce renversement législatif est un recul social sans précédent et va entraîner un dumping social. Ce dernier, vu la concurrence entre PME, s'étendra dans tout le secteur économique et développera une discrimination grandissante entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises. Nous espérons que le Sénat, dans sa sagesse » - là, elle se trompe ! - « saura s'opposer à une mesure aussi contraire aux droits des salariés les plus exposés à la précarité et à l'exclusion sociale. La concurrence ne doit pas s'exercer uniquement par les régressions sociales entre entreprises. »

On aurait pu penser que cette fédération syndicale, la fédération CGC des Hauts-de-Seine, était gauchisante. Aussi, je vais citer la Fédération nationale de l'encadrement, du commerce et des services : ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi ne citez-vous pas la métallurgie ?

M. Roland Muzeau. Si vous avez sa déclaration, vous me la donnerez !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je l'ai !

M. Roland Muzeau. Cette fédération déclare : « Ce projet de loi ouvre la course au moins-disant social. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ne savent pas ce qu'ils veulent !

M. Roland Muzeau. « Le risque d'atomisation des droits des salariés est avéré. La fracture sociale va encore s'aggraver entre les salariés des grandes entreprises, qui pourront défendre leurs droits grâce à une présence syndicale expérimentée, équilibrant le rapport de force » - vous le voyez, cela existe encore la lutte des classes, on appelle cela le rapport de force - « et les salariés - la majorité - des entreprises plus petites, moins armés et plus exposés aux pressions. » Et elle conclut : « Ce projet de loi remet en cause tout l'édifice social construit depuis la guerre. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons !

M. Roland Muzeau. Force ouvrière, dont vous n'avez pas parlé,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'allez pas tous les citer !

M. Roland Muzeau. Non, je donne lecture de quelques passages, et pas les plus croustillants !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ceux qui vous intéressent !

M. Roland Muzeau. Force ouvrière déclare : « Dans le nouveau texte, la signature d'une seule organisation patronale entraînera ipso facto les autres. A ce sujet, la CGPME et le MEDEF, qui ont récemment contesté en justice l'accord sur le paritarisme signé par l'UPA, se sont fait débouter au motif qu'ils n'avaient pas fait la preuve de leur représentativité dans le secteur de l'artisanat. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est indéniable !

M. Roland Muzeau. « Par ailleurs, le projet de loi s'inscrit dans un dynamisme de blocage. Plus que de signature des accords, il s'agit d'une révision considérable du droit français. On se dirige vers un système anglo-saxon, où la présence syndicale dans l'entreprise, et par voie de conséquence la mise en place des accords, est soumise au vote des salariés. »

Vous le voyez, j'ai pris tout le panel. C'est la réalité, et vous ne pouvez pas la contester !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avez-vous d'autres citations ?

M. Roland Muzeau. J'en ai d'autres !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Nous aussi ! Alors, arrêtons-nous là !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 121.

M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus et qui concernent, deux ans après le changement de majorité, l'héritage et les carences que vous prêtez au gouvernement précédent.

Moi, je fais les bonnes comparaisons. Comme je l'ai dit au cours de la discussion générale, le gouvernement précédent a mis en place une politique de l'emploi très efficace. Il a créé deux millions d'emplois,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Où sont-ils ?

M. Gilbert Chabroux. ... et fait reculer le nombre de chômeurs de près de un million. (M. Paul Blanc s'exclame.)

Vous, vous faites une oeuvre de déconstruction sociale. Vous avez supprimé les emplois-jeunes. Vous avez réduit de façon draconienne les contrats aidés. Vous avez remis en cause les 35 heures. Vous avez porté un coup d'arrêt au processus de réduction du temps de travail, qui a tout de même permis de créer 350 000 emplois. Vous avez suspendu les articles de la loi de modernisation sociale relatifs au licenciement économique. Vous avez réformé l'allocation spécifique de solidarité, ce qui conduit 150 000 personnes de plus à solliciter le RMI ou le RMA, et nous pourrions parler de façon plus précise de ce dernier. Vous avez porté des coups très graves à la politique de l'emploi qui avait été mise en place par le gouvernement précédent.

Le résultat est accablant ! C'est pour cela que des problèmes se posent en matière de droit du travail. Dans une situation qui nous conduits à la catastrophe, les salariés doivent être protégés.

Je ne veux pas insister, mais il y a tout de même eu 130 000 chômeurs de plus en 2003, soit une augmentation de 6 %, et 100 000 emplois industriels ont été détruits. (M. Paul Blanc s'exclame.) Les annonces de plans sociaux se succèdent tous les jours et les chiffres des licenciements vont frémir.

Nous avons besoin d'un code du travail protecteur dans une situation qui accroît la fragilité, la précarité et la flexibilité des travailleurs.

Pour ma part, je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas aller plus loin dans cette réforme et pourquoi vous invoquez cette Position commune qui n'en est pas une. Nous aimerions que vous fassiez preuve d'une plus grande détermination et que vous puissiez mettre en place de véritables accords majoritaires.

Je ne comprends pas que vous persistiez et que vous signiez dans de telles conditions, alors que les syndicats y sont résolument hostiles, je l'ai dit, comme d'autres l'ont dit également.

Je voudrais, puisqu'il y a un concours de citations ce soir, rappeler quelques propos choisis,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah non !

M. Gilbert Chabroux. ... qui sont d'une clarté biblique.

Lorsque le président de la CFTC parle de « folie douce », comment faut-il l'interpréter ? C'est clair et lumineux !

M. Jean Bizet. Quelle référence !

M. Gilbert Chabroux. Quand la CFE-CGC claque la porte en s'exclamant : « C'est plus qu'une erreur, c'est une faute », c'est également très clair ! FO a dénoncé vigoureusement « un texte scandaleux qui va permettre la dérogation à tous les étages ». La CGT manifeste « un désaccord de fond sur le rôle et la place de chaque niveau de négociation ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout cela, c'est ce que l'on appelle des redites !

M. Gilbert Chabroux. Elle a déclaré que le Gouvernement a clairement choisi le camp du MEDEF et elle a ajouté : « Il est temps que le Gouvernement prenne conscience que son parti pris en faveur du MEDEF devient indécent et provocateur. »

Les choses sont claires ! La messe est dite ! Il faudrait tout de même savoir tenir compte des réactions des partenaires sociaux, à l'exception du MEDEF qui, lui, est évidemment d'accord et vous a adressé, lors de son assemblée générale de Lille, le 20 janvier dernier, ses félicitations en souhaitant que vous continuiez dans cette voie.

Mais je reviens pour conclure à ce que nous avons demandé, à savoir des élections de représentativité et de véritables accords majoritaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 166.

M. Roland Muzeau. Sur cet amendement comme sur le précédent, puisqu'ils traitent du même sujet, j'aurais aimé que M. le ministre et M. le rapporteur soient un peu plus explicites. On ne peut pas dire qu'il n'existe pas dans notre pays des références de représentativité largement plus proches de la réalité que des accords majoritaires en nombre qui, vous le savez pertinemment, ne représentent quasiment jamais une majorité de salariés !

Aussi, la proposition que nous avons formulée par cet amendement n° 166 est très efficace. En effet, celui-ci se réfère aux élections qui existent encore - je ne sais pas si une éventuelle suppression fait partie des projets à venir -, c'est-à-dire les élections prud'homales. Ces élections ont un intérêt certain. Chacun peut d'ailleurs en tirer des enseignements divergents. Mais, en tout état de cause, il y a des chiffres, des pourcentages et une représentativité qui, pour le secteur privé, n'est pas remise en question.

Certes, on peut interpréter de plusieurs manières le taux de participation à ces élections, mais cela ne présente guère d'intérêt pour ce dont nous discutons ce soir. Je le répète : il serait tout de même bien que M. le ministre et M. le rapporteur s'expriment sur cette référence aux élections prud'homales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Boyer, l'amendement n° 202 est-il maintenu ?

M. Jean Boyer. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 202 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 123.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement, qui a été défendu par M. Chabroux, est intéressant. Je regrette qu'il soit en quelque sorte repoussé d'un revers de main, car il met l'accent sur l'aspect tout à fait paradoxal de la construction que vous nous proposez, monsieur le ministre.

En effet, si je comprends bien, vous faites finalement le choix du droit d'option pour les accords de branche. Vous dites qu'il est possible de parvenir à un accord majoritaire pour les branches. On va donc dans le bon sens. Toutefois, quand on examine le dispositif que vous mettez en place, on constate que, pour qu'il puisse y avoir accord majoritaire au niveau de la branche, il faut l'accord des syndicats minoritaires. En effet, si les syndicats minoritaires n'acceptent pas de mettre en place le système majoritaire, il n'y aura pas de système majoritaire. C'est tout à fait clair !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, c'est un peu obscur !

M. Jean-Pierre Sueur. Je pense que c'est au moins aussi clair que le texte du projet de loi présenté par M. le ministre !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'obscure clarté tombe de vos rangs !

M. Jean-Pierre Sueur. Si je comprends bien, c'est donc par un accord de branche qui n'aurait pas suscité l'opposition des syndicats minoritaires que l'on peut mettre en place l'accord majoritaire.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà !

M. Jean-Pierre Sueur. Finalement, les minorités disposent d'un droit de veto.

M. Gilbert Chabroux. C'est ce qui va se passer au Sénat !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous caricaturez !

M. Jean-Pierre Sueur. Ma démonstration est très claire et je ne vois pas en quoi je caricature. A vous de me l'expliquer, monsieur About !

En fait, on met en place un système majoritaire à condition que la minorité soit - contre ses intérêts - d'accord pour ce faire. Car tel est bien le paradoxe de la majorité qui dépend de la minorité, ou des minorités.

J'attends de la commission qu'elle m'explique la rationalité de ce système. Pourquoi n'est-on fondé, dans votre dispositif, à faire appel à la majorité des salariés que dès lors que les minorités sont d'accord pour le faire, d'une certaine façon, à leur détriment ? Si l'opération doit se faire au détriment des minorités, ces dernières seront incitées à l'évidence à refuser, ce qui produira l'effet inverse de celui que vous recherchez !

Si je n'ai pas compris, monsieur le ministre, je serais très heureux des explications que vous pourrez nous apporter. Mais si mon interprétation est la bonne, ce que je pense, tout le monde aura compris à quel point il serait dangereux de s'engager dans une telle voie. Par conséquent, l'amendement de notre collègue M. Chabroux nous indique le chemin de la sagesse.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

M. Gilbert Chabroux. Nous n'avons pas obtenu de réponse !

M. Roland Muzeau. Le Gouvernement doute !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 124.

M. Jean-Pierre Sueur. Par l'amendement n° 124, M. Chabroux pose un problème tout à fait élémentaire de démocratie. Imaginons une solution simple : imaginons que l'on demande leur avis aux salariés et que ceux-ci puissent s'exprimer. Voilà qui contrasterait évidemment avec le caractère byzantin du dispositif qui nous est soumis !

M. Chabroux et mes collègues proposent que l'on prenne en compte la majorité des suffrages exprimés. Mais majorité des suffrages exprimés ou majorité des inscrits, l'affaire serait encore trop compliquée, nous répond-on. Le législateur devrait se garder d'intervenir et renvoyer au dialogue social et à la décision des partenaires sociaux.

Il y a là quelques facilités rhétoriques qui ne doivent pas nous abuser, car, si l'on pousse ce raisonnement à l'extrême, à quoi bon nous réunir pour légiférer ?

Non, en vérité, il est tout à fait légitime que le législateur prenne des dispositions et adopte des textes, y compris en droit social, y compris en droit du travail. Et, dans ce cas, il serait très irresponsable de ne pas préciser qu'il s'agira des suffrages exprimés.

Imaginez que l'on retienne la condition inverse, c'est-à-dire la majorité des inscrits : ce serait poser une condition exorbitante par rapport à tout ce que l'on connaît aujourd'hui, que ce soit dans l'ordre politique, ou dans l'ordre du droit du travail. La proposition de notre collègue est beaucoup plus logique.

Si, en plus, on prend en compte cette autre proposition, toujours de M. Chabroux, qui consiste à rapprocher le lieu où l'on vote du lieu de travail, et de faire que l'on puisse voter pendant les heures de travail, le même jour, dans chaque entreprise, dans chaque établissement, dans chaque service, quelle que soit son importance, quel que soit le nombre de salariés, alors on atteint un modèle très démocratique.

Je ne vois pas comment on peut s'opposer à cet amendement, pas plus que je ne vois en quoi on pourrait dire que le Parlement ne serait pas fondé à évoquer les modalités d'une élection en ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Roland Muzeau. Tout de même ! Il répond !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Je renvoie M. Sueur à la Constitution, texte qu'il ne récuse pas, je pense, et qui prévoit que la loi fixe les principes fondamentaux du droit du travail.

Ce rappel était nécessaire, car notre collègue était sur le point de nous entraîner dans des méandres de complexité sans rapport avec les « principes fondamentaux » que la Constitution réserve à la loi.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous prêchez pour votre propre chapelle, monsieur le rapporteur : c'est vous qui êtes dans la complexité. Ce que nous proposons n'a vraiment rien de complexe !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. M. le rapporteur est bien gentil, mais nous renvoyer à la Constitution s'agissant des modalités des élections au sein des entreprises, c'est un peu fort !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le marteau-pilon !

M. Roland Muzeau. Il est des débats où cet argument aurait peut-être pu avoir sa place - les spécialistes le savent mieux que moi -, mais, pour ce qui est des élections dans les entreprises et de la représentativité des organisations syndicales, ce n'est pas le cas.

Mon collègue M. Chabroux donnait tout à l'heure quelques chiffres sur la représentativité des organisations patronales dans les chambres consulaires, et ils étaient tellement faibles qu'il a jugé préférable de les arrondir à l'unité supérieure. Par conséquent, les organisations syndicales des salariés n'ont pas à rougir de leur taux de participation, même si nous souhaitons tous, avec elles, qu'il soit beaucoup plus élevé.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles n'ont pas à en rougir ?

M. Roland Muzeau. Non, monsieur About, elles n'ont pas à en rougir !

En tant que président de la commission des affaires sociales, réunissez donc sur l'exercice du droit syndical dans l'entreprise une table ronde, comme vous en avez organisé une - remarquable, d'ailleurs - sur la formation professionnelle. J'imagine que de nombreux membres de la commissison des affaires sociales, s'ils se déplacent, ce qui, par les temps qui courent, devient rare - ils pourront toujours lire les comptes rendus -, apprendront beaucoup sur la possibilité d'exercer librement aujourd'hui un mandat syndical ou d'exprimer un avis syndical dans une entreprise. Et je ne me réfère pas au siècle dernier - j'anticipe l'objection -, non, je parle du présent, du quotidien.

Tous les jours on peut lire dans la presse comment les grandes entreprises, des grands groupes, parfois des multinationales - Schneider et IBM, dernièrement - fichent des salariés qui ont l'audace d'être tout simplement syndiqués. Ce n'est vraiment pas brillant !

Mais je ferme la parenthèse et j'en reviens à la représentativité des organisations syndicales.

Il me paraît normal, en matière de représentativité des organisations syndicales dans les élections d'entreprise - ou de branche, comme nous le souhaitons, solution que vous avez repoussée -, qu'il soit question des suffrages exprimés.

Et que l'on ne nous oppose pas la Constitution ou je ne sais quelle convention européenne ! Tout de même, ayons un peu plus les pieds sur terre et ouvrons les yeux sur ce qu'est la vie dans l'entreprise, ses contraintes et ses possibilités !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je tiens à dire que si le Sénat devait adopter ce soir l'amendement n° 213 qui va maintenant être mis aux voix, la commission mixte paritaire devrait à tout le moins le modifier pour le rendre acceptable.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce qu'il n'est pas acceptable en l'état !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Roland Muzeau. Le Sénat n'est pas sage, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 125 et 214.

M. Jean-Pierre Sueur. A l'occasion du vote de ces amendements, je tiens à attirer l'attention sur les effets négatifs de la généralisation de la règle de l'opposition majoritaire.

Si, pour un grand nombre de décisions, la règle de l'opposition majoritaire devait prévaloir, alors nous irions en crabe, à reculons.

M. François Fillon, ministre. Pas les deux à la fois ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Cela heurterait les principes habituels de la démocratie qui veulent que l'on rassemble les citoyens autour d'un objectif plutôt qu'en opposition à un objectif.

Puisqu'il s'apprête à quitter ses fonctions, vous me permettrez de citer les propos, que je trouve tout à fait dignes d'intérêt, d'un responsable d'une organisation syndicale, M. Marc Blondel, secrétaire général de Force ouvrière, qui s'est exprimé ainsi dans le journal Les Echos du 17 octobre 2003 : « L'extension d'un droit d'"opposition" aux accords conclus va changer la nature des relations contractuelles. Le rôle du syndicat ne sera plus de prendre ses responsabilités pour conclure un accord, mais de prendre ses précautions pour éviter que les autres syndicats ne le bloquent en s'y opposant. Ce qui est encourage, ce n'est pas la construction, mais la précaution et l'opposition. »

Nous devons bien réfléchir à ce propos. Si l'on fonde la vie contractuelle et le dialogue social sur la recherche de majorités d'opposition, on est perpétuellement dans une démarche négative.

Ce que vous nous proposez, c'est une sorte de démocratie à rebours, de démocratie par défaut, où la majorité est tributaire des dispositifs minoritaires, des systèmes alambiqués qui ne sont ni simples, ni claires, ni lisibles, ni faciles à comprendre. Ce faisant, vous contribuez à rendre la démocratie dans le monde du travail abstraite, compliquée et contraire finalement à ce que l'on pourrait attendre d'une véritable démocratie fondée sur des principes majoritaires clairs.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 125 et 214.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 126.

M. Gilbert Chabroux. Cet amendement concerne les accords d'entreprise. Nous tenons à attirer l'attention sur son importance, car, derrière les accords d'entreprise, il y a le problème du principe de faveur et de son abandon.

Depuis 1945, le statut salarial repose, dans le domaine du travail, sur un principe essentiel : l'accord collectif conclu avec une ou des organisations syndicales représentatives ne peut déroger à la loi que dans un sens favorable au salarié. C'est le principe de faveur, qualifié communément de « crémaillère sociale » ; il est repris dans le code du travail à l'article L. 132-4.

Nous vous mettons en garde, monsieur le ministre, mes chers collègues : ne touchez pas à ce droit, qui est un acquis important et qui est inscrit dans le code du travail.

Dans un avis du 22 mars 1973, le Conseil d'Etat a estimé qu'il était au nombre des « principes généraux du droit du travail ». Mais il est vrai, M. Chérioux l'a rappelé, que le Conseil constitutionnel a refusé de lui donner une valeur constitutionnelle.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Absolument !

M. Gilbert Chabroux. Par conséquent, en l'absence de disposition expresse du législateur, le Gouvernement ne peut pas, pas décret, prévoir que des accords collectifs pourront déroger à la réglementation dans un sens défavorable aux salariés.

Or le projet de loi que vous nous présentez s'engage dans un sens défavorable aux salariés.

Pourtant, le principe de faveur accorde une double protection aux salariés, et plus particulièrement à ceux qui sont employés dans les petites entreprises, fréquemment dépourvues de délégués syndicaux, voire de tout représentant du personnel.

En premier lieu, ce principe garantit qu'une convention ou un accord collectif, même signé par une seule organisation syndicale représentative minoritaire dans la branche ou l'entreprise, comme c'était le cas jusqu'à présent, ne portera pas atteinte aux avantages prévus par la loi ou par les accords collectifs de niveau supérieur.

En second lieu, il favorise la diffusion des acquis obtenus dans une entreprise au profit des salariés employés dans les autres entreprises de la branche. En effet, dès lors qu'un employeur a dû consentir un avantage à ses salariés, il a lui-même fortement intérêt à ce que cet avantage soit repris le plus rapidement possible par un accord de branche étendu de telle sorte que cet avantage soit rendu obligatoire pour tous les autres employeurs de la branche.

Le principe de faveur constitue donc un verrou faisant obstacle au dumping social entre les entreprises de la branche, il constitue également un élément essentiel de la viabilité et de l'effectivité de la négociation de branche. C'est pour cette raison que nous attachons une très grande importance à l'amendement n° 126, dont nous souhaitons l'adoption.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 43 et 127.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 130 et 203.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Madame Férat, maintenez-vous l'amendement n° 204 ?

Mme Françoise Férat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 204 est retiré.

La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'article 34.

M. Jack Ralite. Je vais intervenir sur un aspect du débat qui n'a été qu'insuffisamment évoqué.

De toute façon, toutes les propositions venant de la gauche ont été récusées, de sorte que, si on se laissait aller, on pourrait être gagné par la désespérance.

M. Jean-Pierre Sueur. Ne comptez pas sur nous ! (Sourires.)

M. Jack Ralite. Eh bien non, nous résistons !

M. Jean-Claude Carle. Voilà qui nous rassure !

M. Jack Ralite. Et, pour couper à cette désespérance à laquelle on voudrait nous voir succomber, il n'est pas inintéressant de poser des questions au-delà de celles qui ont été soulevées.

Après mes collègues du groupe CRC, je souhaiterais donc éclairer un aspect du dialogue social qui est totalement absent de ce projet de loi. Il s'agit moins de la démocratie comme pratique que de la démocratie comme contenu, c'est-à-dire de la palette des sujets sur lesquels sont associés les salariés. Autrement dit - c'est en tout cas notre façon de voir - comment intégrer la dimension sociale dans les définitions de la stratégie de l'entreprise ?

Soyons clairs : aujourd'hui, les salariés sont informés en aval, alors qu'il s'agirait qu'ils le soient en amont. Je sais bien que l'on va tout de suite me répondre : « Mais alors, vous voulez que les salariés se substituent aux patrons ? » Nullement. Mais ils ne peuvent plus désormais être hors-jeu. D'autant que, quand les conséquences de ladite stratégie sont mauvaises, on les licencie souvent ; au mieux on les appelle, eux et leurs organisations syndicales, dans leur pluralisme, un peu comme des pompiers.

A notre avis, l'évolution même de l'entreprise appelle sur la stratégie une intervention des salariés, ce que certains événements récents contribuent à justifier.

Premièrement, voyons l'évolution.

Jusqu'ici, l'industrie - surtout la grande - était animée par une pensée industrielle - on pouvait la partager ou pas -, mais, aujourd'hui, son animation est en deçà. Le phénomène de financiarisation fait que le patron n'est déjà plus seul auteur de sa stratégie. Il a un co-auteur, qui s'appelle les actionnaires, lesquels, de plus en plus fréquement, sont les seuls auteurs. On se demande d'ailleurs à quoi servent les conseils d'administration ! C'est le pilotage par la Bourse, substitué au pilotage par l'industrie. L'actuel dossier Sanofi-Aventis en est la plus belle illustration. L'OPA en cours est boursière, un point c'est tout. Les salariés n'ont été informés que par un exposé très sommaire d'une heure, questions comprises, par le président de Synthé-labo.

Deuxièmement, voyons maintenant les événements récents.

Pendant tout un temps, quand il s'agissait de développement industriel, le patronat était souvent jugé comme une compétence, mais, aujourd'hui, la finance étant massivement présente, cette compétence est depuis un certain temps gravement mise en cause.

Songeons à l'affaire Parmalat, à l'affaire Vivendi Universal, à l'affaire Executive Life, à l'affaire Enron, à d'autres encore : il s'agissait d'initiatives ultra-libérales qui considéraient, au moment de leur conception, les salariés et les syndicalistes comme des minus. Aujourd'hui, il faut en tirer les leçons. Le forum de Davos, qui vient de se tenir, n'a pas, selon un jeune banquier allemand, « été marqué par la panoplie de certitudes qui le caractérisaient jusque-là ». La superbe davosienne a dû baisser d'un ton, et un participant a pu déclarer : « Plus personne ici n'ose dire que c'est le business qui sauvera le monde. »

Eh bien, ces patrons, qui étaient considérés comme experts, auraient bien dû écouter, si le droit avait été inscrit à ce niveau, les experts du quotidien que sont les salariés. En vérité, le patronat financiarisé, c'est-à-dire le MEDEF, rêve d'un salariat ayant un savoir mais qui n'aurait pas de pensée. Comme le disait le psychologue du travail Yves Clot aux États généraux de la culture le 12 octobre dernier, reprenant une expression deTennessee Williams, le patronat financiarisé, c'est-à-dire le MEDEF, rêve de « boxeurs manchots ».

Pour nous, le droit d'intervention des salariés sur la stratégie d'entreprise est une question de dignité, de démocratie, d'efficacité, de compétence, d'avenir, car les ouvriers pensent. Je sais bien qu'on les oublie, mais ils sont là et ils pensent. Ils pensent même fort et, dans la pratique d'entreprise, ils fournissent quantité de connaissances en actes.

Mon intervention a donc pour but de montrer qu'une vraie négociation sociale devrait avoir cette coordonnée établie et garantie. C'est sans doute une des avancées démocratiques les plus importantes que notre pays devrait mettre à l'ordre du jour. Ne pas y penser, ne pas la prendre en compte, c'est se préparer à des désenchantements.

J'ai pensé que dire cela évitait de se laisser aller à la tristesse de la discussion, en tout cas de son résultat et laissait une place à l'espérance ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. La discussion de cet article 34, si important, s'est déroulée dans des conditions quelque peu singulières.

En effet, si, pour notre part, nous avons présenté beaucoup d'amendements, personne ne s'est exprimé sur les bancs de l'UMP. Certes, nul n'est obligé de parler, heureusement, mais il est tout de même étonnant qu'une seule partie des membres du Sénat ait participé au débat.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous étions atterrés.

M. Jean-Claude Carle. Il ne faut jamais rater une occasion de se taire !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous pouvons nous demander pourquoi il en a été ainsi.

Peut-être nos collègues de la majorité considèrent-ils que tout est dit, que tout est très bien comme cela ? Quant à nous, nous avons posé un certain nombre de questions, auxquelles nous n'avons pas reçu la moindre réponse, ce que je regrette. Ainsi, nous avons demandé s'il était vraiment nécessaire de mettre en place ces processus tarabiscotés, incompréhensibles et paradoxaux ?

En fait, cela correspond à un choix politique. Après tout, on peut laisser les choses en l'état, même si cela présente beaucoup d'inconvénients. Mais, si l'on veut changer, pourquoi ne pas s'adosser clairement au principe démocratique ?

Comme nous avons été confrontés à une sorte de mutisme, une sorte de refus de répondre, j'ai essayé de trouver le chemin de la sagesse dans la prose de M. le rapporteur.

J'ai constaté, tout d'abord, que, dès la page 8 de son rapport, M. le rapporteur se demandait - cette question vous a beaucoup occupé, monsieur le ministre - pourquoi on n'avait pas traité cela plus tôt.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui, quand vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas pu résister, cette fois encore, à répéter cet argument qui vous est cher !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Combien vous fûtes incompétents !

M. Jean-Pierre Sueur. J'en reviens au texte de M. le rapporteur, qui envisageait plusieurs réponses, l'une d'entre elles lui paraissant plus importante, à savoir « l'attitude de certains dirigeants patronaux, dont l'arrogance hautaine témoigne sans doute d'une nostalgie pour un ordre révolu ».

M. Jean Chérioux, rapporteur. Lisez la suite !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est de la malhonnêteté intellectuelle que de ne pas lire la suite !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais non, pas du tout !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si ! Vous savez que c'est la fin de la phrase qui compte !

M. Jean-Pierre Sueur. Non, toute la phrase est importante ! Si vous critiquez ma citation au motif que vous venez d'exposer, alors toute citation est critiquable.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Non, elle ne l'est pas si elle n'est pas tronquée !

M. Jean-Pierre Sueur. Une citation consiste à retenir un extrait. Si l'on vous suivait, il faudrait lire intégralement les ouvrages et les rapports, ce qui serait quelque peu fastidieux. J'ai donc trouvé que cette formule de M. le rapporteur était bonne. Comme il ne nous en a pas fait part dans cet hémicycle,...

M. Jean Chérioux, rapporteur. Mais si, j'en ai parlé dans mon intervention liminaire !

M. Jean-Pierre Sueur. ... je vais me permettre de la relire car je la trouve bien pensée.

M. Chérioux a donc évoqué « l'attitude de certains dirigeants patronaux, dont l'arrogance hautaine témoigne sans doute d'une nostalgie pour un ordre révolu ».

Nous pourrions céder à la désespérance, comme vient de le dire Jack Ralite, mais nous ne le ferons pas, car rien n'est jamais fini. Et, puisque la mise en oeuvre de ce dispositif risque de se heurter à de très grandes difficultés, je vous renvoie à une autre phrase, qui est également extraite du rapport de M. Chérioux, à la page 9 : « Il faut laisser à l'avenir ce qui n'appartient qu'à lui, et c'est la spontanéité du corps social qui en décidera. » Cette citation n'est pas de Mao Tsé-Toung, en dépit du fait qu'il y est fait référence à la spontanéité du corps social, mais provient du discours célèbre sur la « nouvelle société » prononcé par M. Jacques Chaban-Delmas, le 16 septembre 1969. Nous pensons en effet que le corps social, dans sa diversité, saura sans doute apporter les réponses que nous n'avons pas reçues ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur. Monsieur Sueur, le procédé que vous avez utilisé n'est pas très honnête : lorsque l'on fait une citation, on va jusqu'au bout. Ainsi, à propos du caractère inachevé du dialogue social, j'ai dit qu'il tenait aussi « à l'attitude de certains dirigeants patronaux, dont l'arrogance hautaine témoigne sans doute d'une nostalgie pour un ordre révolu... et, monsieur Sueur, de certains responsables syndicaux, dont le discours demeure encore imprégné d'une idéologie dépassée ».

M. Gilbert Chabroux. L'un n'empêche pas l'autre !

M. Jean Chérioux, rapporteur. Les choses sont balancées : il y a des conservatismes de droite et des conservatismes de gauche. Or nous cherchons précisément à dépasser ces conservatismes. Contrairement à vous, nous ne sommes pas manichéens. Nous ne croyons pas que tout est bon d'un côté et que tout est mauvais de l'autre. Nous savons examiner les choses avec objectivité. Aussi, j'assume entièrement cette phrase, que je trouve excellente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Je remercie M. Chérioux d'avoir rappelé que le conservatisme de droite est l'apanage du MEDEF. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste).

M. Jean-Claude Carle. C'est réducteur !

M. Roland Muzeau. Vous n'écoutiez pas, mais il l'a dit !

M. Jean-Claude Carle. Il a dit autre chose aussi !

M. Roland Muzeau. Le débat que nous avons eu sur l'article 34 est éminemment instructif.

En effet, par quelque bout que l'on prenne cet article - et nous avons tout fait pour tenter d'améliorer ce texte difficilement amendable -, on se trouve face à la même réalité : la remise en cause du principe de faveur, la casse de la hiérarchie des normes, la fin de l'ordre public social.

Il ne serait pas dénué d'intérêt de rappeler tous les principes qui émanaient non pas de simples avis, mais de décisions de jurisprudence sur des questions très importantes et qui sont visées par le projet de loi. Toutes les jurisprudences favorables aux salariés ou à leurs organisations y sont combattues. En réalité, tel est l'objet de ce texte.

Mais revenons au fameux principe de faveur selon lequel, je le rappelle, une convention collective de travail peut contenir des dispositions plus favorables que celles des lois et règlements. Ce principe constitue un principe fondamental du droit du travail pour les trois juridictions suprêmes : judiciaire, administrative et constitutionnelle.

Le principe de faveur est un principe fondamental du droit du travail selon une décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989.

Le Conseil d'Etat range, quant à lui, le principe de faveur au rang des principes généraux du droit, dans un arrêt du 8 juillet 1994.

En outre, il s'agit bien d'un principe fondamental au sens de l'article 34 de la Constitution. Dès lors, seul le législateur peut en disposer et non les partenaires sociaux.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est ce que nous faisons !

M. Roland Muzeau. Ce principe vient encore d'être réaffirmé avec force par un nouvel arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 2001. Je vous en donne lecture :

« Si, en vertu du principe général du droit du travail selon lequel un accord collectif de travail peut toujours comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur, le Gouvernement pouvait prévoir que des accords collectifs de travail pourraient comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles fixées par ce décret, il ne pouvait, en l'absence d'habilitation législative expresse, prévoir que des accords collectifs pourraient déroger aux règles posées par le décret dans un sens défavorable aux salariés. Dès lors le décret attaqué doit être annulé en cette mesure. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est très clair, cela correspond exactement à la situation.

M. Roland Muzeau. On tourne toujours autour du même problème.

Et le commentateur de cet arrêt d'ajouter : « On doit se féliciter de cette position qui restitue le principe de faveur au rang de principe général du droit. »

Ainsi, un certain nombre de textes de droit et de jurisprudences ont, au fil des années, consacré le principe de faveur, donnant aux salariés des éléments de protection. Il s'agissait bien de tout autre chose que de ce dont M. Gauthier-Sauvagnac a parlé lors de son audition, à savoir le fameux « faire autrement », qui tout simplement, en bon français, signifie : « Il vaut mieux négocier à la baisse et le moins possible plutôt qu'à la hausse ». Et voilà le principe de faveur qui va résulter de votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est de la prosopopée !

M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 142 :

Nombre de votants316
Nombre de suffrages exprimés315
Majorité absolue des suffrages158
Pour202
Contre113