PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée à l'unanimité par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, par courtoisie, de respecter strictement le temps de parole qui lui est imparti.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, les événements des derniers mois, en particulier la montée des communautarismes révélée par des comportements nouveaux à l'école, dans les entreprises ou à l'hôpital, la recrudescence d'actes à caractère raciste, antisémite mais également sexiste ont conduit le Président de la République à créer une commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République. (M. René-Pierre Signé s'exclame.)
Présidée par M. Bernard Stasi, elle lui a remis son rapport jeudi dernier ! Je tiens, ici, à saluer la qualité de ses travaux, l'esprit de consensus qui a animé ses membres.
La commission a su rappeler avec vigueur quelques grands principes à l'heure où beaucoup parlent au nom de la laïcité, parfois même pour prôner des valeurs étrangères à celle-ci. Combien de sophistes avons-nous entendu, ces dernières semaines, invoquer la tolérance de l'Etat à l'égard de leurs propres intransigeances ?
Pour moi, la laïcité, ce n'est ni le laisser-faire passif ni le repli combatif à l'égard des pratiques religieuses. La laïcité repose sur trois piliers : la liberté de conscience de chacun dans son choix religieux ; l'égalité en droit qui interdit toute discrimination de la part de l'Etat ; et la neutralité du pouvoir politique, qui ne doit privilégier ni spolier aucune religion par rapport à une autre.
Le Président de la République a rappelé hier dans son allocution, avec force et détermination, ces valeurs qui fondent notre pacte républicain, qui sont inscrites à l'article 1er de la Constitution et qui « ne sont pas négociables ».
« La laïcité est un élément crucial de la paix sociale et de la cohésion nationale. Nous ne pouvons la laisser s'affaiblir. Nous devons travailler à la consolider. »
Fort de ces principes, le Président de la République a dressé une feuille de route pour définir les droits et les devoirs inhérents à toutes les communautés religieuses : droit à plus de souplesse de la part de l'Etat pour faciliter l'exercice des cultes, devoir de respect de nos valeurs et de nos lois qu'aucun précepte religieux ne doit inviter à transgresser.
M. René-Pierre Signé. La question !
M. Jean-Claude Carle. Il a exprimé le souhait que la loi affirme ou réaffirme la volonté de la République à faire vivre l'égalité des chances dans le respect des différences.
M. René-Pierre Signé. La laïcité !
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le Premier ministre, pour l'école, espace de tolérance et de référence ouvert sur le monde, pour l'entreprise, lieu d'épanouissement individuel et collectif, pour les hôpitaux, dont la mission est de protéger toutes les vies, j'aimerais connaître les lignes de force et le calendrier des actions que vous comptez mettre en oeuvre pour renforcer ce principe de laïcité, qui est tellement consubstantiel de notre République ?
M. Claude Estier. Il a dépassé le temps imparti !
M. Jean-Claude Carle. La laïcité est le gage d'un « mieux vivre ensemble » pour tous nos concitoyens. La laïcité, pour moi, c'est le respect de la liberté de chacun et la garantie de l'égalité de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, le Président de la République, hier, avec force, avec dignité, a donné la véritable dimension que doit avoir la laïcité dans notre République.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Cette dimension est faite à la fois, vous l'avez dit, de neutralité, notamment pour l'espace public, pour les agents publics, mais aussi de tolérance pour toutes les formes d'expression du fait religieux.
Nous devons à présent mettre en oeuvre les orientations qu'a définies M. le Président de la République : c'est la mission du Gouvernement. A partir du premier semestre de l'année 2004, nous mettrons progressivement en oeuvre l'ensemble des décisions annoncées hier.
Nous commencerons, avec M. le ministre de l'éducation, par le dépôt d'un texte relatif à l'école. (M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche fait un signe d'approbation.)
Ce premier texte vous sera proposé très tôt, en début d'année, de manière qu'il soit applicable, comme s'y est engagé le Président de la République, dès la prochaine rentrée scolaire.
Ensuite, nous engagerons des discussions avec chacun des ministres, avec le ministre de la santé pour l'hôpital, avec le ministre du travail pour les relations dans l'entreprise ; nous consulterons les partenaires sociaux. Nous entamerons la mise en oeuvre d'un code de la laïcité et nous mettrons en place l'observatoire dont M. le Président de la République a annoncé la création.
L'ensemble de ces décisions seront élaborées au cours du premier semestre 2004 et seront proposées à la Haute Assemblée au cours de cette période.
Ainsi, les engagements que M. le Président de la République a pris, hier, devant la nation seront tenus par le Gouvernement et la valeur de la laïcité sera affirmée comme une valeur forte de notre République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
PRÉVENTION DES INONDATIONS
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Simon Sutour. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Un quotidien national titrait ce matin : « Le Sud-Est veut du concret après la crue. » En effet, une nouvelle fois, au début de ce mois, le Sud-Est a été submergé par les eaux ; au total, plus de vingt départements ont été touchés par cette terrible catastrophe.
Pour certains, comme le département du Gard, dont je suis un des élus, c'est une funeste répétition : septembre 2002, décembre 2003.
L'heure est au bilan : sept morts, des milliers de personnes évacuées, des villes et des villages dévastés, des centaines d'entreprises arrêtées, des infrastructures cassées. Nous sommes sollicités par des riverains épuisés, en plein désarroi, qui nous croient impuissants et doutent du caractère exceptionnel de ces inondations.
Mais aujourd'hui, c'est l'action et la mobilisation qui nous animent !
L'engagement de l'Etat et, au-delà, de l'Europe doit être total.
Le plus urgent est, bien évidemment, d'apporter toute l'aide nécessaire aux sinistrés, mais je voudrais insister sur l'essentielle implication de l'Etat dans la gestion des crues du Rhône, fleuve national dont il est propriétaire.
Ces crues ne sont pas rares puisque, par trois fois depuis septembre 2002, le débit de 10 000 mètres cubes seconde a été dépassé à Beaucaire, et ce sont plus de 13 200 mètres cubes seconde qui ont été relevés au plus haut de la crue, le 3 décembre dernier, dans le grand Rhône.
Or les causes pluviométriques seules ne suffisent pas à expliquer une telle répétition, car les principaux affluents du Rhône, la Saône, la Durance, le Gardon, la Cèze, hormis l'Ardèche, n'étaient pas en crue, et la gravité de la crise que subissent aujourd'hui les deux rives du Rhône, comme le souligne M. Gilles Dumas, président du syndicat intercommunal des digues du Rhône de Beaucaire à la mer démontre qu'il appartient aux pouvoirs publics nationaux de coordonner l'entretien, la surveillance et le renforcement de toutes les digues du delta, d'établir à très court terme un nouveau niveau de protection supérieur à la crue centennale, de passer à un niveau de protection de retour millénal à 15 000 mètres cubes seconde et de financer des digues insubmersibles.
Mais la réussite de cette politique de maîtrise du Rhône nécessite une plus grande prévention qui passe par l'abaissement des lignes d'eau pendant les crues.
Prenons conscience que l'urbanisation en amont d'Avignon a fait perdre au fleuve, en moins d'un siècle, 45 000 hectares de champ d'expansion, avec pour conséquence dramatique des eaux qui arrivent et qui montent plus vite dans le delta.
L'abaissement des lignes d'eau pendant les crues résultera tout à la fois de la reconquête de certains champs d'expansion, du recul des digues partout où cela est possible pour donner au fleuve le plus large lit possible, de l'effacement de certains méandres du petit Rhône, de l'écrêtement des crues des affluents par des retenues afin de réguler les flux hydrauliques sur une plus longue durée, enfin, de l'installation de déversoirs vers les zones naturelles humides du delta. (Signes d'impatience sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Sutour, posez votre question !
M. Simon Sutour. Pour tout cela, il faut unifier l'action des opérateurs locaux qui interviennent aujourd'hui dans le delta avec des moyens nécessairement limités. Ces opérateurs ne sont pas moins de quatorze aujourd'hui.
Les solutions existent, madame la ministre, mais seul l'Etat est en situation de définir une politique globale d'aménagement du Rhône et de conduite de ses crues, soit directement, soit en missionnant à cet effet un établissement public.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelles sont les orientations du Gouvernement en la matière et quelle est sa volonté réelle de s'engager sur ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mme Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, étant souffrante - le Sénat lui adresse ses voeux de prompt rétablissement -, c'est Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable, qui va répondre à la question de M. Sutour.
Vous avez la parole, madame la secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il serait bon d'éviter toute polémique politicienne au sujet de ce drame. Ce n'est vraiment ni le lieu ni le moment. (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Simon Sutour. C'est vous qui polémiquez, madame !
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, dès qu'il a disposé de prévisions sur la gravité des inondations, soit dès le début du mois de décembre, l'Etat a mis en place les moyens nécessaires pour aider les maires et les populations à faire face aux dommages.
Le 13 décembre a été publié le premier arrêt déclarant l'état de catastrophe naturelle dans plusieurs centaines de communes. L'Etat et ses établissements publics apporteront leur aide à la remise en état des infrastructures. D'ores et déjà, 24 millions d'euros pourront ainsi être mobilisés pour les réparations d'urgence des digues.
La prévention des inondations du Rhône nécessite l'établissement d'une forte coordination entre les actions de l'Etat et celles des collectivités territoriales.
Une mission d'élaboration d'une stratégie globale de prévention à l'échelle du bassin a été confiée, le 2 avril 2003, au préfet coordonnateur du bassin Rhône Méditerranée. Le Gouvernement propose que les différents maîtres d'ouvrage locaux se regroupent dans une structure unique pour rendre plus efficace cette gestion.
La prévention des inondations implique aussi une action d'ensemble de ralentissement des crues sur l'ensemble du bassin.
Dans le cadre de l'appel à projet, lancé le 1er octobre 2002, pour des programmes d'action à l'échelle des bassins versants, plusieurs programmes ont été retenus dans le bassin du Rhône portant sur les bassins de la Saône, de l'Isère et du Gardon.
Elle implique aussi une réorientation du développement de l'urbanisation en dehors des zones inondables en utilisant notamment l'outil du plan de prévention des risques et les possibilités d'utilisation du fonds Barnier introduites dans la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
SUITES DU CONSEIL EUROPÉEN DE BRUXELLES
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Nous nous sommes tous réveillés le 14 décembre dernier sans Constitution européenne.
M. Raymond Courrière. A qui la faute !
M. Roger Karoutchi. Et pourtant, au sommet de Bruxelles, bien des avancées ont été réalisées. Un pas tout de même important a été franchi. L'Europe de la défense a avancé, l'Europe sociale a avancé. L'Europe avance, même si nous n'avons pas de Constitution dans l'immédiat.
Ma question est très simple, madame la ministre. Devant les réactions, parfois excessives et très médiatisées, d'une partie de l'opinion qui se demande : « qu'est-ce que l'Europe ? pourquoi l'Europe ? l'Europe n'est-elle pas en train d'échouer ? », quel est l'état des réflexions du Gouvernement ? Que va-t-il faire en 2004 pour que la construction européenne continue d'apparaître comme une grande affaire nationale ?
J'ajouterai une question annexe qui me tient à coeur.
Madame la ministre, on entend souvent parler du moteur franco-allemand. Il ne faudrait pas oublier le lien historique Paris-Londres, héritier de l'Entente cordiale, ni les liens Paris-Rome, Paris-Madrid, témoins de la vocation méditerranéenne de la France.
Dans cette relance de la construction européenne, l'axe franco-allemand, qui est essentiel, ne doit-il pas être conforté par le renforcement de nos liens avec les grandes capitales méditerranéennes ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Karoutchi, vous connaissez parfaitement les questions européennes, vous les suivez attentivement, vous avez d'ailleurs été parlementaire européen.
Nul ne peut nier que le rendez-vous du dernier week-end a été un rendez-vous manqué, mais nul ne peut nier non plus qu'il eût été bien plus dommageable d'adopter un texte bancal, une Constitution au rabais, qui n'aurait pas répondu à nos ambitions politiques et qui, compte tenu de la difficulté de modifier les traités à vingt-cinq, aurait été quasi intangible. Il valait donc mieux suspendre les travaux de la Conférence intergouvernementale pour les reprendre l'année prochaine.
J'ajouterai, faisant écho à vos propos, que le Conseil européen, qui n'a pas abouti en formation de Conférence intergouvernemantale, a néanmoins pu faire faire des progrès à l'Europe en formation de conseil plus classique.
Ainsi, en matière de défense, on a vu apparaître, dans les conclusions de ce Conseil européen, la notion de défense européenne autonome opérationnelle, avec la création d'une cellule de planification pour les capacités civiles et militaires. C'est une innovation qui est sans précédent depuis la création de l'Europe.
A la demande de la France et de l'Allemagne, des pas très importants ont pu être faits en faveur de la compétivité, pour que les politiques européennes soient plus dirigées vers le capital humain, la recherche et l'innovation et ne se limitent pas à des politiques de cohésion ou de subvention.
Enfin, vous l'avez dit vous-même, l'Europe sociale est en marche. Nous avons obtenu - M. le Premier ministre l'avait demandé - que le Conseil européen de mars mette en tête de ses priorités le thème de l'emploi et de la croissance génératrice d'emplois.
En ce qui concerne les réformes institutionnelles, les pays n'étaient pas mûrs pour parvenir à un accord, un peu de temps est encore nécessaire ; nous pensons aboutir en 2004.
L'Europe de la défense, elle, va continuer à avancer : même si cela s'insère dans un schéma plus intergouvernemental, il faut noter que nous allons sans doute vers la création d'une agence de l'armement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, précisément parce qu'il n'a pas été conclusif, il faut absolument que ce sommet de Bruxelles soit l'occasion d'une campagne d'explication et de dialogue sur le terrain.
Je vais lancer, à compter du mois de janvier 2004, une campagne d'information, auprès des jeunes notamment, pour engager une mobilisation en prévision des élections européennes. Il s'agira non seulement de susciter l'inscription sur les listes, laquelle n'est pas automatique, mais surtout d'expliquer l'Europe dans le concret et non plus seulement sur un plan général.
Ce rendez-vous manqué en est l'occasion, et je remercie par avance les parlementaires qui s'associeront à cette action. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SUITES DU CONSEIL EUROPÉEN DE BRUXELLES
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. L'échec du sommet de Bruxelles marque un recul sans précédent de l'esprit communautaire.
Ironie de l'histoire, c'est au moment même où l'Union européenne se prépare à son plus vaste élargissement que la généreuse ambition du rassemblement des Européens autour d'un projet politique partagé semble s'éloigner.
Les peuples européens ne se satisferont pas d'une Europe limitée à un vaste marché intérieur, aussi efficace soit-il.
L'Europe, qui touche de plus en plus le quotidien de chacun, ne peut plus rester un objet politique non identifié.
La position de la France à Bruxelles a été courageuse.
M. René-Pierre Signé. Et voilà la pommade !
M. Raymond Courrière. A l'UDF, ils ne savent pas très bien où ils sont !
Mme Jacqueline Gourault. Au risque d'apparaître comme responsable de l'échec du sommet, la France s'est, avec d'autres, opposée à un compromis au rabais.
Si cette position contraste heureusement avec notre manque d'ambition à Nice, elle nous crée un devoir de proposition.
Le Président de la République a esquissé, le week-end dernier, l'idée d'un groupe pionnier. Cette proposition n'est pas en contradiction avec l'existence de l'Union européenne et pourrait constituer une nouvelle force d'impulsion pour le projet européen.
Pour autant, cette proposition constitue-t-elle la seule alternative possible à l'échec de la conférence intergouvernementale de Bruxelles ?
Comment et à quelle échéance la France entend-elle faire une proposition institutionnelle à ses partenaires ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez fort bien souligné les ambitions de la France pour une Europe plus politique.
Je puis vous dire que le projet de Constitution proposé par la convention est toujours d'actualité. A nos yeux, il restera la seule base de travail, notamment lorsque la présidence irlandaise remettra les Etats autour de la table pour renouer le dialogue constitutionnel. Nous ne désarmons pas.
Nous voulons une Europe politique capable de décider. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés au changement du système des majorités qualifiées et, surtout, à la réduction du champ des décisions prises à la majorité qualifiée qui était proposée par certains Etats.
Nous voulons une Europe de la défense. Nous voulons une Europe qui pèse de tout son poids sur la scène internationale.
M. René-Pierre Signé. Il faut en revenir à la vision de Mitterrand !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Nous voulons une Europe de la croissance, car, sans croissance, et donc sans compétitivité, il n'y a pas d'emploi.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Nous voulons aussi une Europe sociale, avec l'intégration de la charte des droits fondamentaux des citoyens dans le traité, innovation très importante qui conférera à cette charte une force juridique pleine et entière.
Pour ce qui est de la suite, bien entendu, nous sommes sous l'emprise du traité de Nice.
Par ailleurs, il faut quelque peu dédramatiser cette affaire dans la mesure où, de toute façon, la future Constitution n'entrera véritablement en vigueur qu'en 2009.
Nous continuerons, pour notre part, à formuler des propositions et à jouer notre rôle d'entraînement avec nos amis allemands, et aussi avec nos amis britanniques, comme nous l'avons déjà fait dans le domaine de la défense. Ce qui est urgent, c'est de se mettre au travail et de faire avancer les grands chantiers de l'Europe : la défense, la politique étrangère, la justice.
Nous présenterons d'ailleurs prochainement des propositions à cet égard. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Les entreprises ont toujours souffert de la complexité des formalités administratives d'embauche. Les plus petites sont particulièrement touchées par ces difficultés et ont dû parfois renoncer à une embauche pour cette raison. Rappelons que 1,4 million d'entreprises n'ont d'autre « employé » que leur dirigeant.
Au moment où l'INSEE annonce le redémarrage de la croissance, il est indispensable d'encourager au maximum tout ce qui peut favoriser le développement de nos micro-entreprises, dont nous connaissons le formidable potentiel en termes de créations d'emplois.
M. Raymond Courrière. Il n'y en a plus !
M. Alain Gournac. Nous nous félicitons donc de l'annonce par le Premier ministre du lancement du titre emploi-entreprise. Il répond à une attente forte.
Créé sur le modèle du chèque emploi-service, qui est apprécié pour sa simplicité, ce titre emploi-entreprise a pour objet de lever le frein psychologique à l'embauche et de supprimer la lourdeur de toutes ces procédures qui dissuadent bien souvent les dirigeants de ces micro-entreprises de recruter leur premier salarié.
Ce titre regrouperait en un document unique la déclaration d'embauche, le contrat de travail, le bulletin de salaire et l'ensemble des diverses déclarations. Le chef d'entreprise n'aurait donc plus qu'une seule déclaration à effectuer et pourrait ainsi se consacrer, l'esprit libre, à son métier.
M. Roland Muzeau. Formidable !
M. Alain Gournac. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous nous préciser les conditions de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif, que je soutiens ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines à peine, le Premier ministre a annoncé la création du titre emploi-entreprise et c'est dans un délai extrêmement rapide que le Gouvernement met en oeuvre ce nouvel outil. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
L'ordonnance a été approuvée hier par le conseil des ministres. Elle pose le principe du titre emploi-entreprise pour l'ensemble des entreprises en ce qui concerne les emplois occasionnels et pour les entreprises de moins de dix salariés en ce qui concerne les contrats à durée indéterminée.
La mise en oeuvre du dispositif se fera progressivement, tout au long de l'année 2004. Bien entendu, nous irons le plus vite possible.
Dès le 1er janvier 2004, elle concernera le secteur du BTP et celui des hôtels, cafés et restaurants - c'est-à-dire deux secteurs extrêmement demandeurs -, et cela dans cinq régions : Midi-Pyrénées, Aquitaine, Rhône-Alpes, Auvergne et Limousin. A la fin du premier trimestre, l'ensemble du territoire sera couvert.
Au cours du deuxième trimestre de l'année 2004, d'autres secteurs bénéficieront de la mise en oeuvre de ce titre : la coiffure, le commerce de bouche, les services aux entreprises, le commerce et la réparation automobiles, le commerce non sédentaire, l'immobilier, bref, un pan extrêmement large de notre économie.
Au cours de la deuxième partie de l'année 2004, le titre sera ouvert aux emplois permanents.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Cette mesure est attendue depuis plus de dix ans...
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. ... et c'est pourquoi nous la mettons en oeuvre rapidement. Elle aura pour premier objectif de stimuler l'emploi dans les très petites entreprises,...
M. René-Pierre Signé. Il en a besoin !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. ... de simplifier la vie de leurs responsables, mais également de lutter contre le travail clandestin. C'est une bonne mesure que tout le monde, aujourd'hui, approuve. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Aujourd'hui, 4 millions de personnes tentent de survivre avec moins de 550 euros par mois et un dixième de la population française est en très grande difficulté, n'accédant pas aux droits, pourtant fondamentaux, que sont l'emploi, le logement et la santé.
La France compte 10 % de chômeurs ; à peine un sur deux est indemnisé.
En outre, 86 000 personnes fréquentent les structures d'hébergement d'urgence et 200 000 personnes seraient sans domicile fixe, c'est-à-dire plongées dans la misère absolue.
L'extrême précarité des conditions de vie d'une partie croissante de nos concitoyens n'est pas une fatalité, mais le résultat de la politique économique et sociale du Gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Le décalage est patent entre le discours du Président de la République, soucieux de « cette fracture sociale qui menace de s'élargir », affichant son « refus d'abandonner à elle-même une partie de la nation », et les choix du Gouvernement, « inspirés par des courants d'intolérance »,...
M. René-Pierre Signé. C'est le libéralisme !
M. Roland Muzeau. ... créant des « inégalités supplémentaires », selon les termes de Didier Robert, membre du Conseil économique et social.
Depuis le mois de septembre, on assiste à une véritable avalanche de mesures régressives risquant, comme l'ont dénoncé les associations, de « rejeter dans la précarité les plus fragiles ».
Je vous rappelle les économies réalisées sur le dos des personnes âgées, des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, de la couverture maladie universelle et de l'aide médicale de l'Etat.
M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas être gêné pour dire des choses pareilles !
M. Roland Muzeau. En face de cela, on multiplie les cadeaux fiscaux pour les plus riches !
Faut-il rappeler encore les restrictions budgétaires sévères sur les budgets « sociaux », par exemple sur les crédits du logement, qui baissent de 8 %, ou le désengagement de l'Etat des dispositifs de traitement social du chômage ?
Vous entendez encore réduire les dépenses publiques. Vous ne cessez de désigner les personnes en situation de précarité comme coupables d'être un fardeau pour la nation. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cointat. C'est scandaleux de dire cela !
M. Henri de Raincourt. C'est honteux !
M. Roland Muzeau. Après avoir durci les conditions d'indemnisation des chômeurs, réduit leurs droits à l'allocation spécifique de solidarité, le Gouvernement, avec le RMA, conditionne le versement d'une allocation à la reprise d'un pseudo-emploi.
Lutter contre l'exclusion au nom de l'égale dignité de tous les êtres humains est un impératif national. Ce gouvernement va-t-il enfin, comme le souhaitent les associations membres du collectif Alerte, placer l'éradication de la pauvreté et de l'exclusion en tête de ses priorités nationales ?
Allez-vous enfin réorienter la politique de l'emploi, oeuvrer pour établir des garanties collectives de protection contre les risques sociaux, au lieu de détricoter la solidarité nationale ? Madame la secrétaire d'Etat, allez-vous consentir à aborder dans sa globalité la question de l'exclusion sociale sur la base du rapport d'évaluation de l'IGAS, comme le prévoyait la loi du 29 juillet 1998 ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'exclusion n'est pas une fatalité.
L'exclusion est une véritable question de société. Il convient effectivement d'en débattre, de l'analyser et d'apporter des solutions. C'est ce que nous faisons.
Le 19 mars dernier, j'ai mis en place, à la demande du Premier ministre, un plan national de renforcement de la lutte contre l'exclusion dont le coeur est l'accès aux droits sociaux.
M. René-Pierre Signé. Avec quels résultats ?
M. le président. Monsieur Signé, seule Mme la secrétaire d'Etat a la parole !
M. Alain Gournac. Et, eux, qu'est-ce qu'ils ont fait ?
M. Henri de Raincourt. Rien !
M. Raymond Courrière. Nous avons refait ce que vous aviez supprimé !
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. L'accès aux droits sociaux est une question fondamentale pour tous les pays européens, mais la France est le seul pays en Europe à avoir mis en place un plan destiné à rendre cet accès à nos concitoyens les plus fragiles.
Pour nos concitoyens les plus désocialisés, pour ceux qui sont à la rue, j'ai mis à plat et renforcé le dispositif « urgence sociale et insertion ».
M. Jacques Mahéas. Il faut voir les conditions !
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Ces conditions sont plutôt favorables, monsieur le sénateur. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) En effet, après avoir évalué ce dispositif géré par des associations auxquelles il faut rendre hommage parce qu'elles agissent aux côtés de l'Etat pour mettre à l'abri les plus fragiles de nos concitoyens, j'ai pris conscience que ces associations avaient été placées, ces dernières années, dans une situation de grande difficulté financière. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Grâce à des crédits complémentaires, de l'ordre de 145 millions d'euros - soit 15 % de la ligne « lutte contre l'exclusion » -, que le Premier ministre a débloqués en juillet dernier, j'ai pu régler la situation de ces associations et mettre en place, à l'approche de l'hiver, un plan digne de ce nom, permettant à tous ceux qui le veulent d'être mis à l'abri durant les périodes où, chacun le sait, ils sont le plus en danger. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. Quant aux associations du collectif Alerte, dont vous avez parlé, monsieur le sénateur, M. le Premier ministre les a reçues lundi dernier.
Au cours d'une discussion longue et approfondie, il a confirmé la tenue d'un comité interministériel de lutte contre l'exclusion en juin 2004. La loi de 1998 l'avait certes prévu, mais, jusqu'à présent, aucun Premier ministre n'avait réuni ce comité interministériel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Todeschini. L'actuel n'y parviendra peut-être pas non plus ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Chérioux. Ils n'ont jamais rien fait, eux !
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. En vue de la réunion de ce comité, monsieur le sénateur, j'ai fait procéder à l'évaluation de l'application de la loi de 1998, qui, nous le savons bien, n'est pas effective pour nos concitoyens.
Dans le cadre de ce comité interministériel de lutte seront abordées les questions relatives à l'emploi, au logement, à la santé.
Nous avons par ailleurs mis en place un certain nombre de mesures pour favoriser le retour à l'emploi des publics en difficulté. Bien sûr, pour notre part, nous avons choisi de privilégier, plutôt que des dispositifs d'assistanat, des dispositifs visant à faciliter réellement le retour à l'emploi.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. Je vous prie de conclure, madame la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. C'est l'objet du RMA, du CIVIS, des contrats jeunes en entreprise. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Je rappelle que près de 130 000 jeunes ont un contrat à durée indéterminée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Je rappelle également que, en ce qui concerne le logement, l'objectif de Gilles de Robien est de créer 80 000 logements sociaux en 2004.
Mme Odette Terrade. Avec quel argent ?
Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat. C'est un objectif qu'aucun des gouvernements précédents n'a pu tenir. Nous, nous le tiendrons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Le logement social est mort !
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie d'écouter attentivement les questions posées et les réponses qui sont apportées.
Mme Nicole Borvo. Ce ne sont pas des réponses !
M. le président. Je vous fais observer que le peuple vous regarde et juge votre comportement.
Mme Nicole Borvo. Oui, il jugera !
M. le président. Je fais donc appel à votre sagesse et vous demande d'écouter avec sérieux les interventions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
PRIVATISATION DES SOCIÉTÉS D'AUTOROUTE
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, porte sur des décisions prises aujourd'hui même par le Gouvernement, dans le cadre du CIADT - comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire -, en matière d'infrastructures.
Dans ce domaine comme dans d'autres, vous avez eu à gérer, monsieur le ministre, un lourd passif (Oh que oui ! sur les travées de l'UMP), et cela, qui plus est, dans un contexte économique général contraignant.
Vos prédécesseurs immédiats avaient, en effet, annoncé un nombre important de projets d'infrastructures, mais sans que les financements aient été garantis et avec des calendriers souvent illusoires.
Avec un grand sens des responsabilités, dont nous ne pouvons que vous féliciter, vous avez abordé ce dossier difficile de manière pragmatique, réaliste et prospective.
En résumé, sur le fondement de différents rapports, vous avez organisé un large débat ; le Sénat y a activement pris part, notamment nos collègues Gérard Larcher et Jacques Oudin, qui ont formulé plusieurs propositions concrètes en matière de financement.
C'est d'ailleurs sur ce point précis que porte ma question. Quels financements vont être affectés aux infrastructures de transports et sous quelle forme ? Comment vont être traitées les sociétés d'autoroute ?
Je vous remercie à l'avance de votre réponse, monsieur le ministre, tout en saluant encore un fois votre détermination à définir une politique des transports performante et cohérente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, la situation que nous avons trouvée n'était pas brillante : beaucoup de promesses avaient été faites, mais aucun financement n'était prévu et l'impasse représentait 15 milliards d'euros. Mon collègue Francis Mer et moi-même avons confié à l'inspection générale des finances et au conseil général des Ponts et chaussées un audit, qui a confirmé ce chiffre.
M. Jean-Pierre Schosteck. Là, on ne les entend plus !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous nous sommes ensuite livrés à un exercice démocratique extrêmement intéressant puisque nous sommes venus devant vous pour vous écouter. On peut dire qu'il s'est agi, en l'espèce, d'un débat parlementaire de grande qualité et même historique, qui nous a permis de définir une véritable stratégie en matière de transports.
Les sénateurs Le Grand, Haenel, Gerbaud, de Richemont, Oudin, le président Larcher, ...
M. Jean-Pierre Schosteck. Les meilleurs !
M. Raymond Courrière. Tous de droite !
M. René-Pierre Signé. C'est la distribution des prix !
M. Gilles de Robien, ministre. ... et d'autres ont formulé des propositions qui nous ont permis, ce matin, sous la présidence du Premier ministre, de présenter un projet global, à la fois cohérent, transparent et surtout financé.
Le Gouvernement a donc décidé que les autoroutes seront conservées et que tous les dividendes des autoroutes, optimisés, notamment par des opérations en capital, seront affectés à un établissement public créé par la loi.
M. Gérard Larcher. C'est une très bonne décision !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous reviendrons donc devant vous pour créer cet établissement public destiné à financer les transports. Cet établissement public rendra la politique des transports à la fois pérenne et lisible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
D'autres ressources pourront être affectées à cet établissement, comme la redevance domaniale autoroutière.
Disposant de ressources essentiellement non fiscales, l'établissement pourra aussi emprunter, d'une façon très encadrée, et anticiper sur des dividendes futurs.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a décidé de concilier une double volonté que vous aviez exprimée ici : investir plus pour préparer l'avenir et contenir les dépenses publiques.
Au total, avec nos partenaires communautaires, ce sont plus de 20 milliards d'euros qui seront investis, l'effort de l'Etat se montant à 7,5 milliards d'euros. J'ajoute que ces chantiers concernant les infrastructures représentent 50 000 emplois.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Gilles de Robien, ministre. Tout cela va susciter une dynamique de croissance dans notre pays, alors même que de nouvelles perspectives de croissance se font jour en cette fin d'année 2003, et cela pour le plus grand profit de nos territoires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, je confirme que le débat au Sénat fut très sérieux. Je rappelle que plus de cinquante-cinq sénateurs sont intervenus.
M. Jean-Pierre Sueur. Y compris des sénateurs de gauche !
M. le président. Mais bien sûr ! Tous les groupes ont pris une part active à ce débat.
M. Bernard Angels. Le ministre, lui, n'a cité que des sénateurs de droite !
SUITES DU CONSEIL EUROPÉEN DE BRUXELLES
M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question complète celles qui ont déjà été posées concernant l'Europe.
Lors du lancement, en octobre dernier, à Rome, des travaux de la conférence intergouvernementale chargée d'adopter la future Constitution européenne, les divergences apparues entre différents groupes d'Etats sur des points majeurs du texte de la convention laissaient entrevoir combien l'exercice serait difficile.
Mais comment, pour autant, imaginer qu'un texte élaboré durant seize mois, résultant d'un consensus entre 108 conventionnels et salué par le Conseil européen de Thessalonique comme une bonne base de départ pour la conférence intergouvernementale ne pourrait aboutir ?
Hélas ! Le miracle, que nous étions nombreux à espérer, n'a pas eu lieu au sommet de Bruxelles des 12 et 13 décembre : les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement ne sont pas parvenus à trouver un compromis et ne se sont fixés aucun rendez-vous pour la poursuite des discussions.
M. René-Pierre Signé. Surtout Chirac !
M. Bernard Joly. S'agit-il d'un manque de volonté politique des dirigeants, de l'incapacité des autres à faire passer l'intérêt général avant les intérêts nationaux ? Quoi qu'il en soit, cet échec marque la première crise de l'Europe élargie.
Les parlements nationaux, qui représentaient de loin la composante la plus nombreuse de la Convention, seraient en droit de dénoncer le mépris des gouvernements pour leur travail.
Il est vrai néanmoins que la présidence italienne avait enfermé la conférence intergouvernementale dans un calendrier très strict sans se donner les moyens de rapprocher les positions et qu'un échec à Bruxelles ne préjuge pas de demain. C'est en tout cas toujours préférable à un mauvais accord. Pour une Constitution, on n'a pas le droit de se tromper d'ambition.
Mais il ne faudrait pas que chacun « se passe le mistigri ». L'Irlande, qui succédera à l'Italie à la tête de l'Union au 1er janvier 2004, a déjà annoncé qu'elle se donnerait un délai de trois mois avant de relancer les négociations. Les échéances cruciales des prochains mois plaident pour la fixation d'une date butoir.
Quel calendrier estimez-vous réaliste, madame la ministre ?
Par ailleurs, Jacques Chirac a immédiatement évoqué, à l'issue du sommet, la mise en place de groupes pionniers afin de permettre aux plus volontaires des Etats membres d'aller de l'avant. Ne pensez-vous pas que cette « Union à la carte » annoncerait immanquablement la fin de la méthode et de l'intégration à l'origine du succès de la construction européenne ?
Enfin, peut-on espérer que l'accord intervenu à Naples sur l'Europe de la défense trouve une traduction concrète malgré le report de la Constitution ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des orateurs qui sont intervenus sur ce sujet de l'Europe de la qualité de leurs propos. L'Europe, c'est vrai, est au coeur de tous les thèmes qui nous préoccupent aujourd'hui.
M. René-Pierre Signé. Cela fait un peu de temps passé !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Vous m'avez interrogée sur le calendrier, sur les modalités qui nous sont offertes pour faire progresser l'Europe malgré l'absence de conclusions lors du dernier Conseil européen et, enfin, sur la défense.
S'agissant du calendrier, notre horizon se situe en 2004. Il est vrai, vous l'avez vous-même relevé, que le Conseil européen a assigné à la présidence irlandaise la mission de faire des propositions de reprise des négociations lors du prochain Conseil européen de mars. Si la présidence irlandaise, dont nous allons appuyer très fortement la démarche, ne parvient pas à aboutir, il appartiendra à la présidence néerlandaise de se livrer à la tâche de finalisation des travaux de la conférence intergouvernementale. Nous l'appuierons fortement également.
Nous ne souhaitons pas que l'horizon s'étende jusqu'à la présidence luxembourgeoise en 2005, considérant que l'Europe à ving-cinq doit s'armer et être prête à fonctionner le plus tôt possible.
Par ailleurs, il faut dire que la volonté des Etats est là.
M. Raymond Courrière. Dans les deux sens !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Ils ne sont pas parvenus à un accord, mais nous devons avoir confiance dans la volonté politique de nos partenaires et de leurs peuples, notamment des nouveaux entrants, qui ont été soumis à un rythme accéléré de réformes, précisément du fait de l'attractivité de l'Union européenne.
M. Raymond Courrière. Eh oui !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Sur les groupes pionniers, le Président de la République a été très clair lors de sa conférence de presse.
M. René-Pierre Signé. Il a été clair, lui !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Il ne s'agit pas d'un « plan B » et de faire l'Europe en dehors de l'Europe. Nous, Français, avons conçu ce projet européen, qui est un projet extraordinaire en ce sens qu'il est unique, et nous tenons à la méthode communautaire.
M. Raymond Courrière. Il faut respecter tout le monde alors, y compris les Polonais !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Nous pensons qu'il existe des mécanismes de flexibilité, qui ont été utilisés...
M. Raymond Courrière. Mais oui !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. ... par exemple, pour la zone de l'euro, qui regroupe douze Etats membres, mais également pour l'espace Schengen, qui ne compte lui aussi qu'un certain nombre d'Etats membres.
Ces mécanismes de flexibilité, les coopérations renforcées, doivent être utilisés si besoin est pour faire progresser l'Europe, de sorte que ceux qui veulent avancer moins vite ne retardent pas ceux qui entendent progresser plus rapidement.
Il faut cependant tenir compte de deux principes que le Président de la République a soulignés et qui marquent que l'Europe est un espace de solidarité, d'inclusion, et non pas un espace d'exclusion : premièrement, ces coopérations renforcées doivent être mises en oeuvre suivant la méthode communautaire, sous l'impulsion, voire la supervision de la Commission.
M. René-Pierre Signé. Pas pour les déficits !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Deuxièmement, il s'agit de mécanismes de coopération qui sont ouverts aux autres. C'est cela l'idée de l'Europe et de la solidarité européenne.
Nous continuerons, notamment avec nos partenaires allemands, à faire avancer l'Europe suivant les mécanismes qui sont offerts à nous, mais dans l'idée d'entraîner, à terme, l'ensemble des Etats membres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
AUGMENTATION DES TAUX D'INTÉRÊT
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, jour après jour, les rapports de change entre l'euro et le dollar ne cessent de marquer la dégradation de la monnaie américaine et l'envolée de l'euro bien au-delà du cours qui avait été constaté au moment de sa création.
Certes, un euro fort présente des avantages pour nos importations de pétrole, de gaz et de matières premières, chaque fois que les contrats d'approvisionnement sont libellés en dollars.
Mais nos exportations risquent d'être rendues plus difficiles dès lors que l'euro dépasse un certain seuil, et les préoccupations des chefs d'entreprise commencent à devenir très sérieuses.
Alors que l'activité économique repart dans la zone euro...
M. René-Pierre Signé. Pas chez nous !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... Comme le notait ce matin l'INSEE, un euro surcoté par rapport au dollar, au yen et à la livre sterling risque de compromettre cette reprise et donc l'emploi.
Sans doute existe-t-il, monsieur le Premier ministre, un point d'équilibre entre la baisse du coût des importations et la diminution en volume de nos exportations ?
M. Raymond Courrière. N'importe quoi !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur ce sujet dont je mesure la complexité, sachant que la plupart des experts situent le point d'équilibre plutôt au-dessous qu'au-dessus de 1,20 dollar pour 1 euro.
Face à cette ascencion de l'euro, la seule défense possible est la baisse des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne.
M. Henri de Raincourt. Voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par expérience, je crains que les autorités monétaires européennes n'aient pas la même approche pragmatique et la même réactivité que les dirigeants du système fédéral américain.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question est la suivante : le gouvernement français est-il décidé à engager, avec l'accord de ses partenaires de l'Eurogroupe, pour l'ensemble de la zone euro, une action persuasive en direction de la Banque centrale européenne, afin qu'elle accepte de réduire l'écart existant aujourd'hui entre les taux directeurs européens et ceux que pratique le système fédéral américain et qui favorise l'envolée de l'euro ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, cette question est effectivement fondamentale et difficile.
Le premier problème que connaît l'économie mondiale en ce moment est celui du financement des déficits abyssaux des Etats-Unis, obligés d'emprunter 2 milliards de dollars par jour. Jusqu'à ces dernières semaines, les banques asiatiques assumaient pleinement cette exigence. Actuellement, cela leur devient plus difficile, et il en résulte une baisse du dollar par rapport à toutes les autres monnaies, avec évidemment des conséquences sur l'euro.
Nous souhaitons, pour notre part, que l'euro soit une monnaie stable en laquelle les opérateurs aient confiance. Nous voulons aussi en faire une monnaie d'échange - nos efforts à cet égard sont d'ailleurs suivis d'effets -, et même une monnaie de réserve, ce qui, tendanciellement, est en train de se produire.
Cela dit, pour que l'euro soit à sa juste valeur, il faut que l'économie réelle soit dans une bonne configuration.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas le cas !
M. François Loos, ministre délégué. Sur ce problème, deux observations peuvent être faites.
La première concerne les taux d'intérêt et l'inflation. L'inflation en Europe, on constate qu'elle oscille entre 1 % et 3 %, le taux directeur de la Banque centrale européenne étant de 2 %, le taux d'intérêt réel des entreprises en France est actuellement nul, puisque le taux inflation est de 2 % également. En revanche, en Espagne et au Portugal, le taux d'intérêt réel est négatif, l'inflation s'établissant respectivement à 2,7 % et à 2,8 %, tandis que, en Allemagne, le taux d'intérêt reste positif de 1 % avec une inflation se situant autour de 1 %.
Aujourd'hui, les enquêtes réalisées par la Banque de France montrent que les entreprises ont une opinion positive quant au financement de leurs investissements. Les entreprises estiment en effet qu'elles peuvent accéder dans de bonnes conditions à des financements pour leurs investissements.
Ma seconde observation a trait à la croissance.
L'INSEE a publié ce matin une estimation selon laquelle, à la fin du premier semestre 2004, la croissance serait déjà de 1,7 % sur l'année. Ainsi, même si le second semestre de l'année prochaine était à croissance nulle, la France connaîtrait tout de même 1,7 % de croissance.
M. René-Pierre Signé. C'est l'euphorie ! Tout va bien !
M. François Loos, ministre délégué. Certes, cette donnée est un peu optimiste par rapport à nos prévisions, mais elle résulte de la juxtaposition de plusieurs prévisions chiffrées, à savoir une augmentation de 1,9 % de l'investissement des entreprises françaises, une progression de 1,1 % de la consommation des ménages et un accroissement de 5,4 % des exportations.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre, je vous prie.
M. François Loos, ministre délégué. Ces éléments montrent donc que les conditions de l'économie réelle sont bonnes.
Néanmoins, vous avez raison, monsieur le sénateur, c'est au sein de l'Eurogroupe que la France doit faire pression. Nous nous y emploierons avec une vigilance tout à fait particulière puisque c'est la France qui demande pour l'Eurogroupe un poids encore plus important.
M. René-Pierre Signé. Il le croit !
M. François Loos, ministre délégué. Nous l'avons d'ailleurs inscrit dans la Convention.
Nous nous efforcerons de faire preuve de la plus grande efficacité possible au regard de la parité euro-dollar sur laquelle vous avez mis l'accent à juste titre, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
RÉMUNÉRATION DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISE
M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas.
M. Gérard Roujas. Monsieur le président, ce n'est pas parce que cette assemblée est composée à 70 % de sénateurs de l'UMP - même si elle ne représente que 40 % des Français, vous le savez bien - (Oh ! sur les travées de l'UMP) qu'il faut faire passer les socialistes en dernier, afin de museler l'opposition ! Je le dis comme je le pense ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Roujas, l'ordre de passage a été établi par la conférence des présidents où votre groupe est représenté ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Veuillez poursuivre.
M. Gérard Roujas. Des réprimandes, monsieur le président ?
Ce n'est pas parce que vous embourgeoisez quelques hommes de gauche que vous êtes devenu révolutionnaire, tout de même ! (Vives exclamations sur les mêmes travées. - Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Larcher. Ça, c'est une déclaration !
M. Alain Gournac. D'un très bon niveau !
M. Gérard Larcher. C'est nul !
M. Gérard Roujas. Monsieur le Premier ministre, aucune société ne peut se construire en laissant chaque jour davantage de citoyens sur le bord de la route. Aucun gouvernement ne peut perdurer en pratiquant une politique au service d'un lobby comme le MEDEF (Exclamations sur les travées de l'UMP) qui donne incontestablement le la de l'air du temps.
C'est ainsi que M. Pébereau, patron de Paribas, peut se permettre de fustiger les Français qui auraient perdu, selon lui, le goût de l'effort (Exclamations sur les travées de l'UMP), alors que les patrons les mieux payés ont vu leur rémunération augmenter de plus de 20 % dans l'année ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux. Attention, le ridicule tue !
M. Gérard Roujas. C'est ainsi que M. Seillière peut se réjouir de la transformation du RMI en RMA,...
M. Alain Gournac. Très bien, au boulot !
M. Gérard Roujas. ... transformation qui mettra au service des grandes entreprises une main-d'oeuvre bon marché au détriment du salariat classique et qui se rapproche quelque part, qu'on le veuille ou non, du travail forcé. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Eh oui !
M. Gérard Roujas. Une mesure qui heurte à la fois la morale et le bon sens.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gérard Roujas. M. Seillière peut applaudir des deux mains la décision de limiter dans le temps le versement de l'allocation spécifique de solidarité ou la remise en cause insidieuse de la réduction du temps de travail et, d'une manière générale, applaudir la déréglementation. (Vives protestations sur les mêmes travées. - Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Qui lui a écrit ça ?
M. Gérard Roujas. Pendant ce temps, on constate que les patrons français les mieux payés - une quarantaine - percoivent en moyenne 600 fois le SMIC ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Ce n'est pas possible !
M. Gérard Roujas. Oui, c'est une honte !
Heureusement qu'il y a quelques journaux...
M. Alain Gournac. Quels journaux ?
M. Gérard Roujas. ... et quelques syndicats (Ah ! sur les mêmes travées),...
M. Jean Chérioux. Lesquels ? Des noms !
M. Gérard Roujas. Je regrette que les médias ne s'en saisissent pas davantage. Selon la CGT de Pechiney, le PDG sortant du groupe français d'aluminium, Jean-Pierre Rodier, a bénéficié d'un parachute en or de près de 10,5 millions d'euros, en plus de ses milliers de stock-options, ce qui représente, toujours selon le syndicat, 700 ans de salaire moyen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo pour la gestion du Crédit Lyonnais !
M. Gérard Roujas. Sans parler de M. Pinault, ami du président,...
M. le président. Posez votre question !
M. Gérard Roujas. ... qui fait pression, avec succès, pour sortir de l'impasse américaine. (La question ! La question ! sur les travées de l'UMP.) Si on s'appelle M. Pinault, M. Messier, M. Rodier, on sera bien pardonné !
M. Alain Gournac. Priez pour nous, pauvres pêcheurs !
M. le président. Votre question, monsieur Roujas !
M. Gérard Roujas. Surtout pas question pour le Gouvernement de remettre en cause ni les revenus, ni les primes de départ ou d'arrivée pharaoniques, ni les stock-options des grands dirigeants ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Pendant ce temps, M. Chirac nous ressort le plan réchauffé de la fracture sociale. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est incohérent !
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, c'est clair, il faut un contrôle antidopage !
M. Gérard Roujas. En revanche, le simple citoyen, lui, n'échappera pas à la hausse des impôts indirects, dont les premières victimes sont les catégories les plus fragilisées, ni à la perte du pouvoir d'achat pour les retraités. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. Votre temps de parole est dépassé, monsieur Roujas !
M. Gérard Roujas. Il faut toujours un bouc émissaire à ce gouvernement : tantôt les fonctionnaires, tantôt les médecins et, dans tous les cas, on connaît le refrain : les socialistes ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste couvrant la voix de l'orateur.)
M. le président. Vous avez parlé trois minutes dix-neuf secondes, monsieur Roujas ! C'est terminé ; votre micro est coupé ! (M. Gérard Roujas proteste et continue de parler.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est lamentable !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (M. Gérard Roujas continue néanmoins à parler. - Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Vives protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
C'est terminé, monsieur Roujas !
M. Gérard Roujas. Ce n'est pas équitable !.
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, ne vous excitez pas ! Talleyrand a dit avant moi que tout ce qui est excessif est insignifiant ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Cointat. Nous ne sommes pas sur les barricades, ici !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, et à lui seul !
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je n'ai pas bien compris votre question. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) ...
M. Gérard Roujas. Je n'ai pas eu le temps de la poser !
M. Raymond Courrière. Il ne fallait pas lui couper la parole !
M. François Loos, ministre délégué. ... mais je vais vous répondre tout de même parce que je suis républicain. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je crois savoir que votre question portait sur les suites du rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la rémunération des dirigeants d'entreprise. Monsieur le sénateur, la démagogie, le mélange des genres, n'ont jamais été une politique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Lorsque l'on regarde cette situation, honnêtement, on peut avoir le sentiment qu'il y a des excès.
Mme Nicole Borvo. Il y a des excès, en effet !
M. François Loos, ministre délégué. On peut tous constater qu'il y a eu à certains moments des décalages entre les rémunérations des dirigeants et les résultats des entreprises. La question est de savoir ce que peut et doit faire l'Etat dans ce cas-là. (Mme Borvo s'exclame.)
Aujourd'hui, l'Etat a le sentiment que les chefs d'entreprise ont de lourdes responsabilités dans le domaine économique ...
M. Raymond Courrière. Une responsabilité dans le déficit !
M. François Loos, ministre délégué. ... et dans le domaine social. Notre économie est ouverte. Par conséquent, tout ce qui tend vers une hyperréglementation tatillonne, une tutelle de l'administration sur ce genre de question, n'aurait pour effet que d'augmenter la démagogie dont vous faites preuve (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) ou de provoquer des mesures de contournement pouvant facilement être imaginées par les uns et par les autres.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement prend acte du contenu de cet excellent rapport qui met en évidence les problèmes de transparence se posant dans le monde économique. Le Gouvernement souhaite en effet que la transparence et la responsabilité des chefs d'entreprise à l'égard des actionnaires soient réelles.
M. René-Pierre Signé. Le SMIC, c'est 585 euros !
M. François Loos, ministre délégué. Grâce à la loi sur la sécurité financière qui a été votée récemment, nous disposons aujourd'hui d'une autorité des marchés financiers nous permettant de mettre cette méthode de transparence en avant.
C'est ainsi que nous obtiendrons des comportements responsables des chefs d'entreprise qui, je le répète, ont de lourdes responsabilités et sur lesquels nous devons compter pour que notre économie crée les emplois dont nous avons besoin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, après des semaines d'intense activité, au moment où nous allons, dans quelques heures je l'espère, suspendre nos travaux pour les fêtes de fin d'année, je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui n'ont pas ménagé leurs efforts et leur dévouement pour assurer le bon déroulement de nos travaux, reconnu par tous les médias.
M. Paul Raoult. De gauche comme de droite !
M. le président. Je dois convenir que cette tâche n'a pas toujours été facile, car nous avons, cette année, battu un certain nombre de records.
Je tiens à vous remercier toutes et tous, mes chers collègues, ainsi que tous les ministres qui ont participé à nos débats, et leurs collaborateurs. Mes remerciements vont aussi aux journalistes qui ont rendu compte de nos travaux - pas autant que nous l'aurions espéré, mais cela progresse (M. Christian Cointat rit) -, aux assistants et collaborateurs des groupes politiques, ainsi qu'à l'ensemble de notre personnel pour sa disponibilité et sa compétence.
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. le président. Permettez-moi de remercier tout particulièrement les collaborateurs des services des commissions, de la séance et des comptes rendus qui ont su faire face à plusieurs reprises à des pointes d'activité rarement connues. (Applaudissements.)
Après tous ces efforts, l'heure va être à la détente bien méritée. En attendant de vous retrouver au début de l'année 2004, il me reste à vous souhaiter à toutes et à tous d'excellentes fêtes, et à vous présenter mes voeux les meilleurs et les plus chaleureux pour la nouvelle année. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Bernard Angels.)