COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale [Rapport n° 73 (2003-2004).]
L'exécution de cet exercice a été marquée par la régulation budgétaire,
Travail, santé et solidarité (suite)
II. - SANTÉ, FAMILLE, PERSONNES HANDICAPÉES
ET SOLIDARITÉ
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la solidarité : II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité (et les articles 81 et 82).
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, les ministres répondront immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité s'établiront à près de 11,18 milliards d'euros en 2004, contre 15,48 milliards d'euros en 2003. C'est une diminution mais elle n'est qu'apparente puisque, à périmètre constant, le budget présente un taux de croissance de 3,8 %.
Ce budget est avant tout un budget d'intervention, les dépenses du titre IV constituant plus de 88 % des crédits.
Ce budget comporte six agrégats. Trois d'entre eux sont gérés par le ministre de la santé, deux par le ministre des affaires sociales et du travail, tandis que le dernier relève d'une compétence partagée.
Première observation : l'exécution budgétaire de 2002 traduit certaines améliorations. Les crédits inscrits en loi de finances initiale en 2002 étaient de 14,8 milliards d'euros. Les crédits ouverts se sont élevés, en fin d'année, à plus de 17,7 milliards d'euros.
L'exécution de cet exercice a été marquée par la régulation budgétaire, qui a entraîné un rythme d'engagements des crédits, déséquilibré, puisque « un peu plus de 30 % du nombre des engagements juridiques et comptables de l'année 2002 ont été présentés au visa du contrôle financier à partir du mois de novembre ».
En dépit de ces difficultés, on a assisté à un apurement de certaines dettes sociales de l'Etat grâce au collectif d'été. Je note néanmoins une dette que l'Etat détient encore à l'égard de l'assurance maladie au titre de l'interruption volontaire de grossesse, l'IVG, à hauteur de 18,5 millions d'euros.
Deuxième observation, l'exécution budgétaire de 2003 témoigne de quelques difficultés que je vais relever.
Ces difficultés tiennent aux annulations de crédits pour 104 millions d'euros à la régulation qui a porté sur 130 millions d'euros. Ces dispositions ont créé de réelles difficultés de fonctionnement au ministère de la santé, qui a même été contraint de réquisitionner certaines entreprises pour les travaux de réhabilitation de l'immeuble situé avenue de Ségur.
Il faut toutefois reconnaître que les mesures de régulation ne sont pas seules en cause, monsieur le ministre. Je pense que votre administration a parfois des difficultés à gérer certaines dépenses.
Je note également, toujours à propos de cet exercice, que le ministère de la santé a supporté seul le financement de la campagne de communication sur la réforme des retraites.
Ma troisième observation porte sur l'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Dans le cadre de sa mise en place, il est envisagé de créer deux missions : une mission « solidarité et intégration » et une mission « politique de santé ». Toutefois, plusieurs catégories de crédits relevant de politiques interministérielles, il est prévu de recourir, selon le cas, soit à une mission interministérielle, soit à un projet coordonné de politique interministérielle.
Je note, et c'est peut-être la remarque la plus importante, qu'il est envisagé de créer un programme qui serait commun aux deux missions évoquées, ce qui n'est pas dans l'esprit de la LOLF. Vous aurez sans doute à coeur, monsieur le ministre, de m'apporter des précisions à cet égard.
Le projet annuel de performance esquissé est encore lacunaire et les indicateurs de résultats sont très partiels. Les indications du ministère laissent penser que la structuration présentée n'est pas destinée à être pérenne, compte tenu du fait que les problèmes traités peuvent encore faire l'objet de regroupements. Un travail important de réflexion doit donc encore être mené. Je souhaite obtenir des précisions sur les modifications que vous souhaitez apporter.
Quatrième observation, les orientations budgétaires pour 2004 sont satisfaisantes.
Le budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité est de manière générale un budget très contraint.
Il faut à cet égard noter que cet exercice sera marqué par le transfert aux départements de près de 5 milliards d'euros de crédits au titre du revenu minimum d'insertion, le RMI.
Je rappelle que s'agissant des minima sociaux, l'allocation adulte handicapé, l'AAH, l'allocation de parent isolé et la contribution de l'Etat au fonds de financement de la couverture maladie universelle représentent, à elles seules, 57 % des crédits du fascicule.
Pour autant, ce projet de budget fait clairement apparaître des actions prioritaires.
Bien entendu, la plus importante et la plus visible concerne la lutte contre le cancer, qui fera l'objet d'un effort important, avec 18 millions d'euros de mesures nouvelles, dont 11 millions d'euros pour la création d'un institut du cancer. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous précisiez les missions de cet institut, la date de sa mise en place et ce que l'on peut en attendre.
En ce qui concerne la politique en faveur des personnes handicapées, chacun sait l'effort que vous avez fait, madame la secrétaire d'Etat, mais je laisserai à mon collègue M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité, le soin de l'évoquer, car nous sommes tous tenus par les temps. Je tiens pour ma part à saluer cet effort qui est très substantiel et que j'ai constaté dans mon propre département.
Des efforts, que je veux saluer sont également faits, monsieur le ministre, pour rationaliser l'organisation des agences sanitaires, qui concernera les relations des agences entre elles. Il faut éviter les chevauchements, les doublons.
Vous avez annoncé la mise en place d'une agence de biomédecine.
Je souhaite vous demander en quoi consistera cet effort de rationalisation pour rechercher plus d'efficacité, un meilleur rendement des crédits investis et ce que cela changera dans les relations des agences entre elles, d'une part, et dans leurs relations avec les services du ministère, d'autre part.
Tout cela doit être mieux articulé, et j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous en dire plus à ce sujet.
Parallèlement à ces actions, doit être relevé un effort de maîtrise de certaines dépenses qui touche, notamment, les interventions interministérielles de lutte contre la drogue, la toxicomanie, les dépenses de personnel et les crédits d'intervention en faveur des droits des femmes.
A ce propos, madame la ministre, je saisis l'occasion qui m'est donnée ici pour vous dire que j'apprécie - et j'ai fait des contrôles car c'est le rôle des parlementaires, en particulier des membres de la commission des finances - les efforts que vous avez faits pour rationaliser les interventions en faveur des associations. Il y avait beaucoup à faire. C'est l'un des moyens d'intervention du ministère ; il est essentiel pour vous, je le sais. Je ne peux que vous encourager à continuer dans la voie dans laquelle vous vous êtes engagée.
Madame la ministre, je souhaite que vous nous précisiez vos intentions en ce qui concerne l'aide médicale de l'Etat, le calendrier prévu et le projet de décret attendu.
Monsieur le ministre, je me tourne vers vous pour vous poser deux questions qui n'étaient pas prévues dans mon projet d'intervention mais que l'actualité impose.
Pouvez-vous nous dire aujourd'hui quels sont très exactement vos réflexions et vos projets, si vous en avez, en ce qui concerne les relations entre la médecine de ville et l'hôpital ? Comment faire pour éviter l'engorgement des hôpitaux pour des cas qui ne justifient pas une hospitalisation ?
Par ailleurs, c'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre le sida. Pouvez-vous faire le point sur les actions menées dans ce domaine ? J'ai entendu ce matin sur les ondes qu'en France les nouveaux cas de sida étaient d'environ 1 800 chaque année. C'est une situation, hélas ! stable. Peut-on espérer la redresser ?
Telles sont les questions que je souhaitais vous poser, en vous indiquant que la commission des finances émettra un avis favorable à l'adoption de votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez d'abord interrogé sur l'évolution de la structure de programmes de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Nous avons adopté, dès janvier, une structure de programmes qui reflète les missions de nos ministères, afin que les services soient en mesure de décliner au cours de l'année des objectifs de performance, des propositions d'indicateurs pour chaque programme.
Mais le cas des actions de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, et des actions dites « support » n'était pas formalisé dans la structure de programme initiale dans l'attente des orientations transverses du ministère des finances.
S'agissant des crédits de la MILDT, qui ne représentent que 38 millions d'euros, nous n'avons pas retenu de mission interministérielle. Ces crédits devaient s'inscrire dans la mission « politique de santé ». Nous sommes favorables à un programme propre. Le caractère interministériel pourrait être assuré par un projet coordonné de politique interministérielle, le PCPI, qui, bien que n'étant pas un outil budgétaire au sens de la LOLF, contribuerait à coordonner les objectifs des différents ministères concernés.
S'agissant du programme support, la structure actuelle a vocation à évoluer. Nous sommes face à une difficulté compte tenu de l'organisation actuelle des services, notamment des services déconcentrés qui dépendent de deux ministères et opèrent au profit de deux missions. Je suis partisan de la définition d'un programme support au sein de la mission de politique de santé.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. D'autre part, nous souhaitons intégrer dans les programmes opérationnels - santé publique et prévention, veille et sécurité sanitaires, offre de soins et qualité du système de soins - les ressources en effectif ne relevant que du domaine sanitaire, c'est-à-dire de la direction générale de la santé et de la direction de l'hospitalisation ainsi ainsi que de l'organisation des soins.
Vous m'avez également interrogé sur le « plan cancer ». Je vous répondrai brièvement, car, au début du mois de janvier prochain, nous examinerons en première lecture dans cet hémicycle le projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui prévoit un article définissant très clairement les missions de l'Institut national du cancer chargé de coordonner les actions de lutte contre le cancer.
Ses missions sont les suivantes : observation, évaluation du dispositif de lutte contre le cancer, définition de référentiels de bonne pratique et de prise en charge en cancérologie ainsi que des critères d'agrément des établissements et des professionnels de santé pratiquant la cancérologie, information des professionnels et du public sur l'ensemble des problèmes relatifs au cancer, participation à la mise en place et à la validation d'actions de formation médicale et paramédicale continue des professions et des personnes intervenant dans le domaine de la lutte contre le cancer, mise en oeuvre, financement, coordination d'actions particulières de recherche et de développement et désignation d'entités et d'organisations de recherche en cancérologie répondant à des critères de qualité en liaison avec les organismes publics de recherche concernés, développement et suivi d'actions communes entre opérateurs publics et privés en cancérologie dans les domaines de la prévention, de l'épidémiologie, du dépistage, de la recherche, de l'enseignement, des soins et de l'évaluation, participation au développement d'actions européennes et internationales, réalisation, à la demande des ministres intéressés, de toute expertise sur les questions relatives à la cancérologie et à la lutte contre le cancer.
Cet institut établira un rapport d'activité annuel, transmis au Gouvernement et au Parlement.
Voilà, monsieur Gouteyron, ce que je peux vous dire sur l'Institut national du cancer, dont nous reparlerons plus abondamment lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique.
En ce qui concerne les agences de sécurité sanitaire, je vous rappelle que la politique de veille et de sécurité sanitaires s'appuie aujourd'hui sur l'action des six agences nationales que sont l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire pour les produits de santé, l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire pour l'alimentation, l'AFSSE, l'Agence française de sécurité sanitaire pour l'environnement, l'EFG, l'Etablissement français des greffes, l'INVS, l'Institut national de veille sanitaire, et l'ANAES, l'Agence nationale pour l'accréditation et l'évaluation en santé.
La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle sanitaire des produits destinés à l'homme, à laquelle le Sénat a fortement contribué, a ainsi permis de mettre en place un dispositif de bonne qualité. Mais des progrès restent à faire. Je suis persuadé, par exemple, que l'Etablissement des greffes a en commun avec une agence qui était prévue dans la loi de bioéthique les démarches éthiques et de sécurité sanitaire, ainsi que l'unité de raisonnement autour du traitement du vivant par le vivant. En effet, lorsque l'on travaille sur un organe, sur des tissus, des cellules, des gènes, on sort de la thérapie chimique traditionnelle : c'est le vivant au service du vivant.
L'intention du Gouvernement est donc de regrouper, dans un premier temps, toutes ces stratégies utilisant le vivant comme matière première au service du vivant, en une agence de biomédecine. Mais, comme la frontière est de moins en moins délimitée entre la thérapie génique, et la thérapie médicamenteuse classique et que l'on est, malgré tout, dans un raisonnement thérapeutique, dans un second temps, peut-être en 2005, on pourrait procéder à un regroupement de l'agence de biomédecine et de l'AFSSAPS en une seule grande agence qui serait l'agence de biomédecine et de produits de santé.
Vous m'avez aussi questionné sur le sida, sujet ô combien d'actualité. En effet, l'épidémie, loin de se réduire, n'est pas même contenue, en dépit et peut-être à cause des traitements par trithérapies qui ont été annoncés il y a quelque temps. L'habitude, la croyance en l'efficacité des traitements ont fait ressurgir les comportements à risque, qui ont tendance à ressurgir et à se répéter. La lutte contre cette épidémie devrait bénéficier d'un certain nombre d'actions de prévention que le Gouvernement remet sur le devant de la scène, notamment une prochaine campagne du ministère de la santé et de l'Institut national pour la prévention et l'éducation en santé mettant l'accent sur les préservatifs et rappelant combien la prévention est importante.
Il s'avère qu'un grand nombre de personnes atteintes du sida découvrent leur séropositivité au moment où elles tombent malades, sans avoir été dépistées précédemment, et ces personnes n'ont donc pu bénéficier d'un traitement précoce. Nous allons relancer l'action pour le dépistage anonyme et gratuit permettant ainsi de prendre en charge les personnes suffisamment tôt.
Vous le savez, l'année dernière, nous avons intégré les services de prise en charge du sida. C'est un peu l'originalité de l'approche française : la prévention, c'est bien, le traitement, c'est bien, mais c'est encore mieux quand les deux sont menés de pair. Ainsi, au niveau international, est menée l'action Esther, ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau contre le sida, qui fait partie des jumelages hospitaliers qui viennent compléter les actions de prévention.
En outre, la France, conformément au souhait du Président de la République, a triplé sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida, qui est passée de 50 millions d'euros à 150 millions d'euros. La France est donc largement présente sur le front de la lutte contre le sida et ne compte pas relâcher ses efforts.
Enfin, vous m'avez interrogé sur un sujet d'actualité : nos services d'urgences. Effectivement, depuis une semaine, compte tenu de l'afflux des patients, généralement de jeunes enfants atteints de bronchiolites, de syndromes grippaux ou de gastro-entérites, les services d'urgences sont de nouveau soumis à une pression importante.
Votre question portait précisément sur l'articulation entre la ville et l'hôpital. Nous avons, monsieur le rapporteur spécial, une excellente médecine libérale. Nous avons d'excellents services d'urgences. Mais une grève de sept mois de la médecine générale entre la fin de l'année 2001 et l'année 2002 a complètement désorganisé la permanence des soins en ville.
A la suite d'un rapport confié à votre ancien collègue Charles Descours, nous avons réorganisé la permanence des soins en ville. Les décrets sont parus voilà maintenant deux mois et la circulaire d'application est en cours d'élaboration. Les médecins libéraux doivent se réinvestir dans la permanence des soins.
J'ai été frappé d'apprendre, au cours des visites que j'ai effectuées jeudi soir à l'hôpital Trousseau, vendredi à l'hôpital Robert-Debré et hier au centre hospitalier d'Argenteuil, qui possède également une maison médicale, que, sur cent patients se présentant aux urgences, quatre-vingt-dix quittent l'hôpital après une simple consultation accompagnée d'une prescription. Cela veut dire qu'il n'y a pas lieu d'engorger les services des urgences et qu'il faut tout faire pour que la médecine de ville et l'hôpital travaillent mieux ensemble.
Je n'ai pas dit, contrairement à ce qui est écrit dans la presse, que les médecins de ville s'étaient désengagés. Je dis simplement que nous devons leur fournir un outil plus cohérent de façon que la médecine de ville et l'hôpital soient complémentaires.
Nous disposons maintenant, monsieur le rapporteur spécial, de tous les outils nécessaires. Il faut simplement faire preuve de pédagogie et retrouver des habitudes qui se sont perdues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Je remercie M. le ministre pour la précision et pour la qualité de ses réponses.
Je veux préciser dès maintenant, à propos des agences, puisque je n'aurai sans doute pas la possibilité de le faire lorsque ce texte viendra en discussion, que je m'associe, du moins moralement, à l'amendement visant à abaisser le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des dispositifs médicaux à 0,24 %, car il semble que ce taux soit suffisant pour obtenir le rendement que l'on recherche.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. François Fillon, retenu à Bruxelles par le Conseil de l'emploi, m'a chargée de le représenter.
Monsieur le rapporteur spécial, l'aide médicale de l'Etat, créée en 1999 dans le cadre de la loi instaurant la CMU, finance pour l'essentiel les frais médicaux des étrangers en situation irrégulière.
Les incohérences que nous avons perçues dans sa conception, les mauvaises estimations initiales de son coût comme les défaillances de son contrôle risquaient de remettre en cause la pérennité de ce dispositif.
Le Gouvernement a donc souhaité engager une réforme maintenant à la fois le principe de l'accès aux soins pour tous et le caractère exceptionnel de ce dispositif à vocation humanitaire.
Le dispositif initial était à la fois mal conçu, mal organisé, mal estimé et mal contrôlé, et les principes d'une bonne gestion du système de santé imposaient une nouvelle approche de cette question.
Le Gouvernement a donc la volonté d'achever et de mettre en oeuvre la réforme de l'AME avec un meilleur contrôle de l'ouverture des droits ; les textes réglementaires - décret en Conseil d'Etat, décret simple et circulaire - indispensables à la mise en oeuvre du contrôle de l'accès à l'AME seront présentés, monsieur le rapporteur spécial, dans les meilleurs délais, probablement d'ici à un ou deux mois.
Comme tous les assurés, les demandeurs de l'AME devront justifier de leur identité, de leur domicile et de leurs ressources.
L'instauration d'un délai de trois mois avant l'accès à l'AME est nécessaire à une bonne instruction des dossiers. Il existe déjà d'ailleurs pour la CMU. Bien entendu, l'accès aux soins urgents sera garanti pendant cette période transitoire. Là aussi, ces dispositions, qui figureront dans le projet de loi de finances rectificative, permettront une application extrêmement rapide.
L'application d'un ticket modérateur sera prévue : la participation financière des bénéficiaires sera introduite avec un montant plafonné afin de préserver le principe de l'accès aux soins de tous. Surtout, comme tous les assurés, les personnes atteintes de pathologies graves - sida ou cancer - les femmes enceintes, les enfants mineurs, de même que les actes de prévention tels que la vaccination ou le dépistage continueront d'être intégralement pris en charge.
Le projet du Gouvernement est donc équilibré et vise à responsabiliser les bénéficiaires tout en leur garantissant l'accès au système de soins.
Ainsi réformé, le système d'accès aux soins français reste parmi les plus complets et les plus protecteurs au sein des pays de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget que nous examinons cette année est à replacer dans un contexte particulier : celui du transfert du RMI aux départements, qui donne le coup d'envoi de l'« acte II de la décentralisation ».
Ce dispositif sera complété par la création du RMA et par la décentralisation des fonds d'aide aux jeunes, à partir de 2005. Il accorde aux conseils généraux la maîtrise de l'ensemble des outils permettant d'apporter une réponse de proximité aux situations d'exclusion sociale.
La discussion de la première partie du projet de loi de finances nous a déjà permis d'approfondir les conditions de la compensation aux départements de ce transfert de compétence, et le rendez-vous fixé en 2005 sera l'occasion d'établir avec précision le périmètre de ces charges, y compris celles qui résultent de la gestion de l'allocation et des réformes de l'assurance chômage.
C'est ce même pari des responsabilités locales qui présidera à la décentralisation, en 2005, des établissements de formation en travail social. Le projet de budget pour 2004, qui achève la rénovation de ce secteur, nous autorise à envisager dans la sérénité leur transfert aux régions.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la compensation de ce transfert en 2005 ne se limitera pas aux dépenses constatées en 2004 et qu'elle inclura le financement de l'extension, en année pleine, des places de formation en travail social ouvertes à la rentrée 2004 par le présent projet de budget ? Par ailleurs, dans la mesure où la dotation des fonds d'aide aux jeunes n'est pas individualisée en loi de finances, pouvez-vous nous en préciser le montant pour l'année à venir, puisque c'est elle qui servira de base à la compensation ?
Compte tenu de la dégradation de la situation économique et de ses inévitables répercussions budgétaires, le Gouvernement a parfois été contraint de faire des choix et de hiérarchiser ses priorités. Les besoins sociaux sont tels que certains pourraient contester ces choix ou regretter qu'un effort plus substantiel n'ait pas été engagé : l'aurait-on fait que les critiques n'auraient pas manqué, dénonçant un saupoudrage de crédits sans stratégie globale ou un relèvement, par force inévitable, des prélèvements obligatoires.
J'approuve donc la démarche du Gouvernement qui consiste non pas à dépenser plus, au mépris de l'équilibre de nos finances publiques et donc du contribuable, mais à dépenser mieux, en misant sur le partenariat entre l'Etat, les collectivités locales et le monde associatif, ce qui est le véritable sens de la solidarité nationale.
En définitive, le projet de budget pour 2004 relève un défi qui aurait pu sembler impossible : financer des chantiers nouveaux, malgré une situation économique et budgétaire tendue. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2004.
Le projet de budget pour 2004 parvient d'abord à dégager les marges de manoeuvre nécessaires au financement des nouvelles priorités qui résultent du plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion pour la période 2003-2005 et auxquelles, sur l'ensemble de la période, un milliard d'euros sera consacré.
Dans ce cadre, un effort particulier est consenti, en 2004, à l'assainisement de la situation budgétaire des centres d'herbergement et de réinsertion sociale, les CHRS, au développement du dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile et à la préparation du transfert aux régions de l'appareil de formation en travail social.
Il reste que les minima sociaux qui relèvent toujours de l'Etat, l'allocation de parent isolé, l'API, l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, et l'aide médicale d'Etat, l'AME, représentent encore près de 83 % des crédits consacrés à la lutte contre les exclusions. Les dotations prévues par le projet de budget pour 2004 se fondent toutefois sur une hypothèse d'évolution de ces allocations sensiblement moins dynamique que les années précédentes, soit une augmentation de 1,8 % contre 9,5 % en 2003, et cela m'intrigue.
Je m'interroge notamment sur le ralentissement prévu de la progression du nombre de bénéficiaires de l'AAH, qui me paraît relever davantage d'un objectif volontariste que de l'évolution spontanée du nombre d'allocataires. Par conséquent, quelles sont les actions que le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour tenir cet objectif sans remettre en cause les conditions d'attribution de l'allocation ? Pour être plus direct, peut-on espérer améliorer l'insertion professionnelle des personnes handicapées, notamment celles dont le taux d'incapacité se situe entre 50 % et 80 % ? Est-elle possible tant que la réforme de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 n'est pas adoptée ?
Vous savez combien notre commission est attachée à la réforme de cette loi et, dans cette attente, elle a tenu à saluer les progrès que laisse espérer le présent projet de budget.
Malgré l'arrivée à échéance des plans quinquennal et triennal, le rythme de création de places en établissements pour enfants et adultes handicapés ne s'est pas ralenti. A ce sujet, madame le secrétaire d'Etat, vous avez indiqué à la commission des affaires sociales que vous comptiez fixer deux priorités aux services déconcentrés : achever les opérations partiellement financées, et lancer des opérations nouvelles pour l'accueil des personnes polyhandicapés et autistes.
L'aspiration légitime des personnes handicapées à vivre de façon autonome à domicile est désormais prise en compte par nos politiques publiques, grâce au développement des services d'auxiliaires de vie et à l'achèvement du dispositif des sites pour la vie autonome.
L'intégration scolaire des enfants handicapés est enfin consacrée comme une mission à part entière de l'éducation nationale, qui assume dorénavant la responsabilité du dispositif des auxiliaires de vie scolaire.
Il reste que les attentes des personnes handicapées et de leurs familles ont changé, tant à l'égard des modalités de la prise en charge institutionnelle que dans le domaine de l'égalité des droits et des chances. Cette évolution s'est traduite par la revendication d'un droit nouveau : le droit à compensation.
Le Premier ministre a inscrit ce droit dans la perspective de la création d'une nouvelle branche au sein de notre régime de protection sociale, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. Dès 2005, il est prévu que cette caisse consacre 850 millions d'euros au financement d'une prestation de compensation du handicap, dont votre commission des affaires sociales demandait l'instauration depuis deux ans.
Il est vraisemblable que le coût de cette nouvelle prestation sera au moins équivalent à celui de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et qu'il nécessitera des financements complémentaires. J'aimerais donc savoir, madame le secrétaire d'Etat, si le Gouvernement a d'ores et déjà chiffré le coût de cette future prestation. Sa création s'accompagnera-t-elle du maintien de l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, ou, à tout le moins, du transfert des sommes qui y étaient consacrées par les départements ?
Enfin, comme tous les ans, mais particulièrement cette année compte tenu de la décentralisation de nouveaux dispositifs d'aide sociale, j'ai souhaité faire porter mon analyse sur l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.
Ces dépenses ont connu une progression sans précédent de 12 % en 2002, puis de 19 % en 2003, pour atteindre plus de 15 milliards d'euros. Une telle évolution n'avait pas été observée depuis la décentralisation de 1983. Cette progression est liée à trois facteurs : tout d'abord, l'évolution normale des coûts, compte tenu de l'indexation des salaires sur les prix et des places créées, notamment dans le domaine du handicap afin d'adapter l'offre de service aux besoins ; ensuite, la montée en charge de l'APA ; enfin, l'inflation du coût des prestations en établissements et en services sociaux et médicosociaux.
Ce dernier point donne une acuité particulière à la question de la maîtrise des dépenses de personnel, car celles-ci représentent les deux tiers des dépenses de fonctionnement des établissements. Or, après plusieurs années de modération salariale forcée pour cause de réduction du temps de travail, les dépenses de personnel repartent à la hausse, sans que le poids des 35 heures ait pour autant été entièrement digéré. A titre d'exemple, la sortie des aides « Aubry II », qui avaient un caractère temporaire, n'a pas été anticipée dans l'élaboration des budgets des établissements et génère un besoin de financement de l'ordre de 260 millions d'euros.
Les engagements conventionnels pour la période 2003-2006 s'élèvent déjà à 375 millions d'euros, soit une augmentation de 2,2 % de la masse salariale des établissements, et ce avant même toute négociation sur la valeur du point, et alors que plusieurs accords restent en attente d'agrément.
Il en résulte les questions suivantes : les établissements sociaux et médicosociaux se trouvent dans une situation paradoxale, soumis au droit du travail, mais financés entièrement sur des fonds publics. Les contraintes conventionnelles et la modification du régime des allégements de charge seront-elles prises en compte lors de la détermination par les financeurs publics des dotations pour 2004 ? La fixation annuelle par l'Etat des paramètres d'évolution de la masse salariale permettra-t-elle de mieux maîtriser la dépense de personnel ?
Enfin, l'année 2004 sera celle de la rénovation du cadre budgétaire et comptable de ces établissements. Le nouveau décret pris en application de la loi du 2 janvier 2002 renforce la responsabilité des gestionnaires, grâce à une nouvelle procédure contradictoire de fixation des budgets et à des enveloppes de financement opposables. Je me félicite de cette modernisation, en suspens depuis deux ans, qui devrait permettre de donner des perspectives financières claires, tant aux établissements qu'aux financeurs.
J'observe toutefois que, malgré l'adoption de ce nouveau décret, les conditions de financement de l'accueil des jeunes adultes maintenus dans des établissements d'éducation spéciale au titre de l'amendement Creton ne sont toujours pas clarifiées et que la pratique actuelle, qui consiste à partager le financement de ces mesures entre l'Etat, le département et l'assurance-maladie, risque toujours d'être remise en cause par la jurisprudence. Ne croyez-vous pas qu'il aurait été plus raisonnable de donner une base juridique sûre à ce financement dans le nouveau décret ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées progressent, pour 2004, de 1,4 % à périmètre constant. Les dotations s'élèvent à 9,605 milliards d'euros et intègrent les crédits de gestion des politiques sanitaires et sociales, cogérés avec le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Hors minima sociaux, les crédits disponibles augmentent de 0,9 % pour financer, en particulier, la santé publique, le plan de lutte contre le cancer et la remise à niveau des subventions aux agences sanitaires. Dans un contexte budgétaire fortement contraint qui a conduit le Gouvernement à opérer des choix difficiles, cette progression témoigne de l'intérêt qu'il porte au domaine de la santé.
Mon analyse concernera plus précisément les agrégats 21 « santé publique et sécurité sanitaire » et 22 « offre de soins et accès aux soins », ainsi que les mesures les plus importantes prévues par ce texte. Il nous est toutefois difficile de ne pas resituer le débat dans l'environnement plus large dans lequel évolue le secteur de la santé. Je pense, en particulier, aux deux projets de loi relatifs l'un aux responsabilités locales, l'autre à la politique de santé publique, tous deux en cours d'adoption par le Parlement, et bien entendu au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, que nous venons d'adopter.
Cette année, le budget de la santé s'inscrit dans la perspective de la réforme de la politique de santé publique. La volonté de mettre en cohérence les actions de santé publique et de prévention apparaît clairement dans l'agrégat « santé publique et sécurité sanitaire », doté de 322 millions d'euros pour 2004.
Y est inclus, notamment, un programme intitulé « santé publique et prévention », pour 189 millions d'euros, qui préfigure à la fois ce que devra être, demain, notre politique de santé publique, mais également la présentation des crédits telle qu'elle a été rendue obligatoire par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Il se présente comme l'ébauche d'un futur « projet annuel de performance » qui, à terme, devrait intégrer les dépenses de sécurité sanitaire, compte tenu des liens très étroits existant entre cette dernière et les politiques de prévention.
L'objectif du programme « santé publique et prévention » a été déterminé en fonction de l'état sanitaire de notre pays, et plus particulièrement au regard du déséquilibre qui existe entre les dépenses engagées au titre de la prévention - environ 3,6 milliards d'euros par an - et celles qui sont engagées au titre des soins curatifs, soit quelque 154,4 milliards d'euros. Ces chiffres suffisent à mesurer le retard qui reste à combler avant d'établir une véritable politique de prévention.
De ce constat et des travaux préparatoires au projet de loi relatif à la politique de santé publique découlent les objectifs du programme : diminuer la « mortalité évitable », selon la nouvelle terminologie ; améliorer la qualité de vie des personnes malades et lutter contre les incapacités ; réduire les inégalités d'accès à la prévention ; enfin, renforcer les connaissances disponibles en matière de santé publique et leur diffusion en améliorant les sytèmes d'information et en favorisant la recherche et la formation.
Pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés, vous avez choisi, monsieur le ministre, d'agir sur les déterminants de santé.
Je ne peux qu'apporter mon entier soutien au plan de mobilisation contre le cancer que vous avez évoqué, annoncé par le Président de la République le 24 mars dernier, et me réjouir qu'il franchisse une étape décisive dès 2004 avec la généralisation du programme de dépistage organisé du cancer du sein et la création de l'Institut national du cancer. Au total, 59 millions d'euros seront consacrés à ce projet, dont 18 millions d'euros de mesures nouvelles.
Dans le même souci, 27 millions d'euros seront affectés à la lutte contre le tabac et l'alcool, dont la consommation est un facteur de risque de pathologie évitable. L'année 2004 doit en outre être l'occasion de donner une nouvelle impulsion à l'action de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, à laquelle 38 millions d'euros seront alloués.
Enfin, dans le cadre général, d'autres mesures sont prévues, notamment dans le domaine de la santé mentale et du suicide, ou encore des traumatismes par accident et violence.
Ma première question, monsieur le ministre, sera relative à la notion de prévention. Vous avez, à plusieurs reprises, fait part de votre volonté d'insérer un volet préventif plus important au sein de notre système de santé, et cette préoccupation est visible y compris dans la présentation des agrégats budgétaires. Pouvez-vous nous exposer brièvement les différents niveaux de prévention, je pense notamment à la distinction entre la prévention destinée à des sujets sains en matière de lutte contre la consommation de tabac ou d'alcool, et le dépistage, qui est un acte médical, à l'égard de sujets potentiellement malades ? Pouvez-vous nous préciser en particulier quel niveau doit atteindre, selon vous, le préventif par rapport au curatif dans notre système de soins ?
J'aborderai maintenant notre système de sécurité sanitaire, qui a été mis à rude épreuve cette année, qu'il s'agisse de la crise du printemps dernier, avec l'épidémie de SRAS, ou des conséquences de l'épisode caniculaire de cet été. Ces épisodes ont montré la nécessité de renforcer la cohérence et l'efficacité des systèmes d'alerte et de prévention en coordination avec la sécurité civile.
Aujourd'hui, la politique de veille et de sécurité sanitaire s'appuie sur l'action de six agences nationales spécialisées par secteur entre lesquelles le Gouvernement répartit une dotation de 75 millions d'euros. Ces crédits ne sont pas, il faut le souligner, l'unique source de financement de ces agences puisqu'elles peuvent également recevoir des dotations en provenance de l'assurance-maladie - c'est le cas de l'ANAES, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé -, ou percevoir des ressources propres - comme l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui perçoit des taxes et des redevances sur les médicaments.
Ces dotations budgétaires devraient permettre la création de trente-cinq postes supplémentaires, répartis entre les agences. Monsieur le ministre, vous venez de répondre à notre rapporteur spécial, Adrien Gouteyron, sur la nécessité de rationaliser le rôle de chacune des agences afin d'éviter les chevauchements de compétences en annonçant la création de l'Agence de biomédecine, prévue dans le projet de loi relatif à la bioéthique.
En outre, la redéfinition des compétences attribuées à l'Institut national de veille sanitaire figure parmi les dispositions du projet de loi relatif à la politique de santé publique et de nouvelles compétences seront attribuées à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Je souscris pleinement, monsieur le ministre, à la demande de rationalisation et de réorganisation des agences que j'avais moi-même formulée dans mon rapport sur le projet de budget pour 2003.
Après avoir présenté les grandes lignes de l'agrégat « santé publique et sécurité sanitaire », je voudrais évoquer quelques points saillants de l'agrégat « offre de soins et accès aus soins », dont le montant s'élève à 1,2 milliard d'euros pour 2004, dont 957 millions d'euros sont affectés à la seule couverture maladie universelle.
Permettez-moi à ce sujet de développer plus particulièrement les deux points essentiels que sont, d'une part, la rationalisation et l'amélioration de l'offre de soins et, d'autre part, l'organisation et la régulation des professions de santé.
Aujourd'hui, la politique en matière d'offre de soins est très largement financée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment au moyen de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie, le fameux ONDAM.
L'Etat ne prend désormais plus en charge les dépenses d'investissement des hôpitaux puisque, avec la disparition du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, ces financements sont assurés par l'intermédiaire de l'assurance-maladie. L'Etat ne joue plus qu'un rôle de régulation en s'assurant de la bonne répartition de l'offre de soins sur tout le territoire et en finançant les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH.
Les moyens des ARH - 19,2 millions d'euros en 2004 - ont été maintenus pour leur permettre de faire face au missions nouvelles que leur avait assignées la loi visant à simplifier le droit : transfert des pouvoirs de police du ministre de la santé au directeur de l'ARH, nouvelles compétences en matière de planification sanitaire, puis celles résultant du plan Hôpital 2007 qui fixe leurs priorités pour les cinq années à venir, enfin celles qui conduiront à mettre en oeuvre la tarification à l'activité que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 vient d'entériner.
Dans le souci de soutenir le plan Hôpital 2007, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 avait déjà créé deux missions chargées d'apporter une expertise technique : l'agence technique d'information sur l'hospitalisation, l'ATIH, et la mission d'expertise et d'audit hospitalier, la MEAH, dont l'Etat continue d'assurer le financement, aux côtés des ARH.
Ces mesures illustrent la nouvelle organisation de notre système de santé, qui multiplie les cofinancements et rationalise les interventions repectives de l'Etat, de l'assurance-maladie, des collectivités locales, et d'autres opérateurs, et dans lequel l'Etat conserve un rôle de maîtrise d'oeuvre et de maîtrise d'ouvrage.
Dans ce bref panorama de la politique de santé, le dernier point que je voudrais aborder concerne les professions de santé.
Lors de votre audition devant notre commission, monsieur le ministre, vous vous êtes félicité des moyens supplémentaires prévus pour subventionner les instituts et écoles privés de formation des professionnels paramédicaux, auxquels 28 millions d'euros seront affectés, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2003.
L'augmentation du quota des élèves infirmiers passe de 26 436 à 30 000, soit une augmentation de 13 %. Cette amélioration globale de la situation constitue un préalable utile au transfert de ces formations aux régions.
Le projet de budget pour 2004 accorde également 4,7 millions d'euros de crédits de fonctionnement des conseils nationaux en charge de la formation médicale continue.
Ma troisième question concerne les professions de santé.
La presse, professionnelle ou généraliste, se fait l'écho du malaise des professions de santé. Abstraction faite des réactions corporatistes, il existe un vrai malaise professionnel, en ville comme à l'hôpital. Vous avez déjà agi pour augmenter le nombre d'étudiants dans les années à venir. Quelles autres mesures comptez-vous prendre ? Allez-vous développer une nouvelle répartition des tâches et des partages de compétences entre les professionnels de santé ?
Enfin, mes chers collègues, j'achèverai cet exposé par la présentation des deux articles rattachés, cette année, au budget de la santé : l'article 81 concerne les ressources propres de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et prévoit cinq majorations, justifiées par l'élargissement des missions de l'Agence, pour un montant évalué à 15 millions d'euros ; l'article 82 prévoit la mise en place d'un forfait unifié de prise en charge des dépenses de couverture maladie universelle complémentaire relevant d'une caisse d'assurance maladie ou d'un organisme complémentaire. Après l'avoir augmenté de près de 25 % en 2003, le Gouvernement poursuit l'ajustement de la déduction forfaitaire et la porte à 300 euros par an.
Par ailleurs - c'est le point que notre collègue Alain Vasselle avait abordé à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale -, cet article 82 prévoit que le fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire allouera aux régimes obligatoires une dotation par bénéficiaire d'un montant égal à la déduction accordée aux organismes complémentaires.
Par conséquent, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des crédits de la santé pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)