Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° I-97, présenté par M. Loridant, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 4° ter de l'article 207 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les unions d'économie sociale dont l'activité est consacrée au logement des personnes en difficulté. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement concerne le régime fiscal des unions d'économie sociale dont l'activité est consacrée au logement des personnes en difficulté. En effet, les sociétés d'HLM, les offices publics d'aménagement et de construction, les OPAC, ainsi que les associations relevant de la loi 1901 profitent de certaines exonérations fiscales dont les unions d'économie sociale ne bénéficient pas.
C'est pourquoi je propose d'aligner le régime fiscal de ces sociétés, qui ont un caractère éminemment social, sur celui des sociétés d'HLM et des OPAC.
En commission des finances, M. le rapporteur général m'a invité à déposer cet amendement lors de l'examen de la deuxième partie de la loi de finances. Je suis prêt à me rallier à cet argument, mais je voudrais néanmoins dès à présent attirer l'attention de M. le ministre sur l'importance que j'attache à cet amendement, dont l'incidence financière me semble relativement faible au regard du signal qui serait ainsi adressé à ceux qui consacrent leur énergie au logement des personnes défavorisées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre excellent collègue, M. Paul Loridant, pose une vraie question qui, à mon sens, ne se limite pas aux unions d'économie sociale. S'agissant de la fiscalité applicable aux organismes de logement social, nous pouvons en effet relever quelques anomalies ou, en tout cas, bon nombre de points qui mériteraient débat.
Le régime en vigueur semble s'attacher davantage au statut juridique des organismes qu'à la nature réelle des activités entreprises. Sans doute conviendrait-il de reprendre ce sujet de façon méthodique.
Je suggérerai donc à notre collègue de retirer son amendement à ce stade de la discussion, car il est dans les intentions de la commission de poser le problème sur un plan plus large à l'occasion de la deuxième partie de la loi de finances. Or cet amendement me semble trouver plus logiquement sa place au sein de ce débat plus global.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Après le rapporteur général, je confirme que les activités qui ont été évoquées par Paul Loridant, et qu'il propose d'exonérer, sont tout à fait dignes d'intérêt. Il faudrait simplement qu'elles soient décrites de façon beaucoup plus précise, notamment afin d'éviter qu'une telle mesure ne crée des distorsions de concurrence. Il convient que l'intérêt général soit la principale préoccupation de ces organismes, et leur fonctionnement doit à cet égard être suffisamment encadré.
Cela dit, je tiens à vous indiquer, monsieur Loridant, qu'une réflexion relative au régime fiscal des organismes intervenant dans le secteur du logement social a été engagée par les pouvoirs publics. C'est à cette occasion que la question tout à fait pertinente que vous posez pourra être traitée dans les meilleures conditions. C'est ce qui m'amène, après vous avoir donné acte de l'importance du sujet que vous évoquez, à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement. Cette question sera traitée dans le cadre que je viens d'indiquer et il sera fait écho, à cette occasion, aux observations ou propositions que vous pourriez faire. Je ne crois pas, à ce stade de notre débat, qu'il soit bon d'intégrer dans la norme quelque proposition que ce soit.
M. le président. L'amendement n° I-97 est-il maintenu, monsieur Loridant ?
M. Paul Loridant. Compte tenu des remarques qui ont été faites à la fois par le rapporteur général et par le ministre, j'accepte volontiers de retirer mon amendement. Bien évidemment, je le proposerai de nouveau dans la deuxième partie de la loi de finances. Je vais de mon côté travailler pour vérifier que le champ social est bien celui que j'avais décrit.
M. le président. L'amendement n{o I-97 est retiré.
L'amendement n° I-13, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le code général des impôts est ainsi modifié :
« A. - Après l'article 210 D, il est inséré un article 210 E ainsi rédigé :
« Art. 210 E. - I. - Les plus-values nettes dégagées lors de l'apport d'un immeuble tel que défini au I de l'article 208 C à une société ayant opté pour le régime de l'article 208 C sont soumises à l'impôt sur les sociétés au taux visé au IV de l'article 219 lorsque la société bénéficiaire de l'apport prend l'engagement de conserver l'immeuble apporté pendant trois ans. L'engagement de conservation est pris dans l'acte d'apport par la société bénéficiaire. Le non-respect de son engagement par la société bénéficiaire de l'apport entraîne l'application de l'amende prévue à l'article 1734 ter B.
« Cette disposition s'applique aux apports de participations portant sur des titres de personnes visées à l'article 8 qui ont pour objet principal l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location.
« II. - Les plus-values nettes dégagées lors de l'apport par une société non exonérée d'impôt sur les sociétés de participations portant sur plus de 95 % du capital d'une societé visée aux 1, 2 ou 3 de l'article 206 à une société ayant opté pour le régime de l'article 208 C ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport de calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes aux titres remis en contrepartie de l'apport par référence à la valeur que les biens apportés avaient du point de vue fiscal dans ses propres écritures. La société apporteuse est libérée de cet engagement si la société dont les titres sont apportés opte pour le régime de l'article 208 C au plus tard lors de l'exercice suivant celui de l'apport.
« III. - Les dispositions du I et du II s'appliquent aux apports réalisés du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007. »
« B. - Après l'article 1734 ter A, il est inséré un article 1734 ter B ainsi rédigé :
« Art. 1734 ter B. - La société bénéficiaire d'un apport soumis aux dispositions de l'article 210 E qui ne respecte pas l'engagement visé au I de cet article est redevable d'une amende dont le montant est égal à 10 % de la valeur d'apport de l'actif pour lesquel l'obligation de conservation n'a pas été respectée. »
« C. - Après le paragraphe III bis de l'article 235 ter ZA, il est inséré un paragraphe III ter ainsi rédigé :
« III ter. - Les sociétés réalisant un apport soumis aux dispositions du I de l'article 210 E ne sont pas assujetties à la présente contribution sur les plus-values imposées au taux visé au IV de l'article 219. »
« D. - Après le paragraphe III bis de l'article 235 ZC, il est inséré un paragraphe III ter ainsi rédigé :
« III ter. - Les sociétés réalisant un apport soumis aux dispositions du I de l'article 210 E ne sont pas assujetties à la présente contribution sur les plus-values imposées au taux visé au IV de l'article 219. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-13 est retiré.
L'amendement n° I-286, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article L. 123-18 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne font pas obstacle à une réévaluation partielle des immobilisations corporelles et financières de l'entreprise, pour les seuls immeubles et titres de sociétés à prépondérance immobilière inscrits à l'actif. »
« B. - L'article 210 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 210 bis. - I. - Les plus-values nettes dégagées lors de la réévaluation des immeubles et titres de sociétés à prépondérance immobilière inscrits à l'actif des sociétés sont soumises à l'impôt sur les sociétés au taux visé au IV de l'article 219 lorsque ces sociétés s'engagent à les conserver pendant une durée minimale de cinq ans.
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux réévaluations réalisées du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous examinons l'une des propositions les plus significatives de la commission des finances dans le cadre du présent débat budgétaire. Nous sommes dans une période économiquement encore difficile, et nous voudrions que les initiatives de l'Etat conduisent à accélérer et à rendre plus efficace la reprise.
La commission des finances a recherché différentes modalités qui pourraient rapporter au budget de l'Etat tout en constituant des signaux positifs pour le monde de l'entreprise et le développement de l'activité économique.
Nous nous sommes astreints à examiner différentes formules et, sur proposition de M. le président de la commission des finances, nous avons estimé que la réévaluation de certains actifs inscrits au bilan des entreprises pourrait être une voie intéressante dans la période actuelle.
Ainsi, l'amendement que je présente a pour objet de permettre aux entreprises qui réévaluent leurs immeubles et titres de sociétés immobilières inscrits à l'actif de bénéficier, entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2007, d'un taux réduit d'impôt sur les sociétés de 16,5 %. En contrepartie, ces sociétés devraient conserver les immeubles et titres ainsi réévalués pendant une période de cinq ans, afin d'éviter tout effet d'aubaine, c'est-à-dire toute anticipation fiscalement aidée d'opérations qui auraient eu lieu en tout état de cause.
En résumé, mes chers collègues, il s'agit d'une mesure volontaire, à la discrétion des entreprises, qui ne porte que sur les immobilisations corporelles et financières à caractère immobilier. Il est possible de les délimiter sans contestation possible dans les bilans des entreprises, s'agissant des immeubles détenus en direct ou détenus via une société à prépondérance immobilière déjà qualifiée comme telle sur le plan fiscal. Il s'agit, en outre, d'une mesure temporaire, qui ne s'appliquerait que du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007.
Certes, nous ne connaissons pas l'impact économique précis d'un tel signal, mais les expériences sont assez nombreuses. La réévaluation des bilans a été utilisée de façon fréquente, ou en tout cas régulière, à l'époque de l'inflation accélérée. Elle est aujourd'hui plus rare, mais les cycles de l'immobilier peuvent apporter un support économique réel pour qu'une mesure entraîne des effets significatifs sur le bilan des entreprises, leur capacité d'amortissement et une certaine forme de relance de l'activité économique.
Telles sont, monsieur le ministre, en quelques mots, les raisons pour lesquelles la commission des finances, sur l'initiative de son président Jean Arthuis, a estimé devoir proposer au Sénat le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous avons disposé d'un temps limité pour expertiser l'ensemble des effets de ce dispositif. Cela me conduira à exprimer un certain nombre de préoccupations à propos de cet amendement.
Dans la fonction qui est la mienne, j'ai le devoir d'attirer l'attention de la Haute Assemblée, notamment de la commission, sur un certain nombre de questions qui se posent. Nous en avons parlé longuement jeudi soir. De plus, pendant le week-end, en travaillant sur le sujet, d'autres questions sont apparues - par courtoisie, je ne dirai pas des problèmes.
C'est dire que, si la Haute Assemblée venait à adopter un tel amendement, il faudrait qu'elle ait conscience qu'elle n'a pas obligatoirement retenu la norme idéale. Telles sont les précisions que je souhaitais apporter en préambule.
J'ai bien compris, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, grâce aux explications que vous m'avez fournies, l'objet de cet amendement et le moyen que vous utilisez pour taxer ces plus-values latentes sur immeubles et titres, ainsi que ses conséquences.
Néanmoins, je reste un peu dubitatif. En effet, vous proposez de modifier le code de commerce en autorisant la seule réévaluation des immeubles et titres de société à prépondérance immobilière. Or, comme vous le savez, puisque nous en avons parlé, une réévaluation est une décision avant tout comptable et la fiscalité en tire simplement les conséquences.
Autoriser les entreprises à procéder à des réévaluations partielles, qui plus est des seuls biens immobiliers détenus directement ou indirectement, peut poser problème au regard des principes comptables et plus particulièrement du principe d'image fidèle et sincère du bilan.
De plus, cette modification du code de commerce est susceptible d'être contraire aux dispositions communautaires prévues par la quatrième directive, qui n'autoriserait pas - je parle au conditionnel, puisque ces éléments sont apparus au cours des travaux que nous avons menés pendant le week-end - de telles réévaluations partielles.
Ne pouvons-nous pas craindre qu'une telle modification du code de commerce n'aille à l'encontre des mesures qui sont prises sur le plan comptable et qui tendent à rapprocher des traitements comptables dans les comptes sociaux et les comptes consolidés, une réévaluation partielle n'étant pas possible dans ces derniers cas ? Il me semble donc délicat de suivre les modifications qui sont proposées sur le plan comptable.
S'agissant du volet fiscal de votre proposition, je comprends votre volonté d'éviter tout effet d'aubaine - c'est d'ailleurs la preuve de votre totale bonne foi - en insérant un délai de conservation des biens réévalués assez long, c'est-à-dire cinq ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne risque pas grand-chose !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Toutefois, ce délai devrait réduire considérablement la portée de la proposition, d'autant que l'immobilier de bureau entame un cycle baissier et que l'immobilier d'habitation se trouve en haut de cycle.
Une telle réévaluation se ferait nécessairement au détriment des actionnaires dans la mesure où ces plus-values latentes, bien que taxées, doivent être inscrites en réserve jusqu'à la cession réelle. Elles ne sont donc pas distribuables avant celle-ci, alors même que la charge de l'impôt vient immédiatement grever le résultat distribuable.
Enfin, les sociétés ayant été imposées au taux réduit de 16,5 % sur ces plus-values latentes pourront déduire, par le biais des amortissements pratiqués, ces mêmes plus-values sur immeubles au taux de 33 %. L'augmentation éventuelle des rentrées fiscales serait donc vraisemblablement symbolique.
Tels sont, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, les éléments que je livre à votre réflexion. Je souhaite que vous ne les preniez pas en mauvaise part. J'ai essayé de recenser, comme vous êtes en droit de l'attendre du Gouvernement, les conséquences de cette disposition, sur laquelle j'émets un avis très réservé.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais permettre à M. le ministre de sortir de sa réserve.
M. le rapporteur général a souligné, avec beaucoup d'éloquence, l'intérêt de cette disposition. Nous nous sommes inspirés d'une démarche adoptée, l'an passé, pour les sociétés foncières cotées. Vous vous souvenez que nous avions souhaité les rendre éligibles à un impôt libératoire au taux réduit de 16,5 % lorsqu'elles changent de statut, c'est-à-dire lorsqu'elles passent du régime de l'impôt sur les sociétés à celui de l'impôt sur le revenu des personnes. Cette opération est profitable au Trésor public, puisque celui-ci percevra, sur trois ans, 1,2 milliard d'euros d'impôt, dont 400 millions dès le budget de 2003, ce qui est appréciable.
C'était véritablement une disposition gagnant-gagnant : le Trésor public encaisse l'impôt ; en contrepartie, les sociétés accèdent à un statut qui leur permet d'être pleinement compétitives à l'échelon européen. Je crois que cette opération a été réussie.
Aujourd'hui, nous allons dans la même direction et nous rendons aux entreprises la possibilité de réévaluer leurs actifs immobiliers. Pour ce qui est du caractère restrictif du champ de réévaluation, que vous avez évoqué, très franchement, dans les entreprises, il n'y a pratiquement que les actifs immobiliers qui peuvent faire l'objet d'une telle réévaluation. S'agissant du matériel et des équipements, tous amortissables sur de courtes périodes, je doute qu'il y ait matière à réévaluation. Par conséquent, le vrai champ de la réévaluation est celui des immeubles.
Il s'agit de permettre aux entreprises de reconstituer leurs fonds propres en tant que de besoin, en tout cas de faire ressortir les fonds propres à un niveau qui ne trahisse pas la réalité : elles font apparaître les plus-values latentes sur les immeubles. Je doute que l'on puisse invoquer une directive européenne pour faire obstacle à une telle réévaluation. D'autant que nous sommes à la veille de l'adoption de nouvelles directives en matière de présentation des comptes.
Nous pourrons en discuter par la suite, mais il me semble important que nous puissions, ce matin, affirmer un objectif et donner aux entreprises la possibilité de réévaluer leurs actifs immobiliers.
Avec cet impôt de 16,5 %, le Trésor public encaisse, au moment de la constatation de cette plus-value, un produit qu'autrement il n'aurait pas perçu. Bien sûr, les entreprises se donnent de nouvelles bases d'amortissement. Mais puisque le Gouvernement proclame sa volonté d'être aux côtés des entreprises pour leur permettre de progresser, de participer à la croissance et de créer des emplois, il me semble que vous pourriez utiliser ainsi, Monsieur le ministre, l'un des rares outils à votre disposition - il n'y en a pas tant en cette période de difficultés budgétaires - pour leur délivrer un signal concret.
Nous permettons ainsi aux entreprises de présenter des situations nettes revalorisées, de nature à inspirer confiance à leurs actionnaires et à leurs partenaires, qu'il s'agisse de créanciers, de banquiers ou de collaborateurs. Nous donnons aux entreprises des capacités d'autofinancement et d'amortissement sur des bases tangibles. Et nous offrons au Trésor public la possibilité de percevoir, dès maintenant, un produit fiscal qui, sans cette mesure, ne se serait vérifié qu'au terme de nombreuses années.
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite que nous puissions maintenir notre amendement et je demanderai au Sénat de le voter. Peut-être est-il nécessaire d'y apporter quelques correctifs, auxquels pourrait procéder le rapporteur général. Je ne suis pas certain, en l'occurrence, que l'on ait visé les bons articles.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme le président Jean Arthuis m'y invite, je souhaite rectifier l'amendement en remplaçant la référence « Art. 210 bis » par la référence « Art. 238 bis JA ». (Marques d'ironie sur les travées socialistes.) Mes chers collègues, il ne vous arrive jamais de rectifier vos références ?
M. Claude Estier. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout le monde peut être ironique, mais le travail fiscal est délicat et même les meilleurs spécialistes peuvent avoir à modifier une référence. Je me permettrai de vous le faire remarquer quand ce sera le cas, car cela vous arrivera certainement, comme à chacun d'entre nous !
M. Michel Charasse. Naturellement !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-286 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - L'article L. 123-18 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne font pas obstacle à une réévaluation partielle des immobilisations corporelles et financières de l'entreprise, pour les seuls immeubles et titres de sociétés à prépondérance immobilière inscrits à l'actif. »
« B. - Après l'article 238 bis J du code général des impôts, il est inséré un article 238 bis JA ainsi rédigé :
« Art. 238 bis JA. - I. - Les plus-values nettes dégagées lors de la réévaluation des immeubles et titres de sociétés à prépondérance immobilière inscrits à l'actif des sociétés sont soumises à l'impôt sur les sociétés au taux visé au IV de l'article 219 lorsque ces sociétés s'engagent à les conserver pendant une durée minimale de cinq ans.
« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux réévaluations réalisées du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, permettez-moi d'ajouter quelques considérations aux propos tenus par le président Jean Arthuis.
Je suis vraiment surpris que vos services n'abordent pas de telles idées avec un esprit plus positif et ne servent pas mieux la politique de réforme et de relance de l'activité. En effet, le Sénat s'efforce, pour 2004 comme pour 2003, de trouver des ressources budgétaires et d'amplifier l'activité économique par un dispositif mis à la disposition des entreprises et de leurs actionnaires pendant un temps déterminé.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez évoqué, deux points sur lesquels je souhaite revenir.
S'agissant de l'image fidèle du bilan, chacun sait qu'une évaluation n'est pratiquée que sur la base d'une valeur d'expertise, élaborée par un professionnel indépendant et soumise à la décision de l'assemblée générale des actionnaires.
Vous avez également fait allusion au maintien des droits des actionnaires. Mais, précisément, qui décide de la réévaluation ? C'est l'assemblée générale des actionnaires. Nous ne faisons que leur ouvrir ce droit sous la forme d'une option totalement à leur diposition et pendant un temps limité.
Quant à l'argument issu du droit communautaire, je suis sceptique, d'autant que, depuis déjà un certain temps, monsieur le ministre, vos services connaissent ce sujet et qu'il eût été possible, à supposer que cela eût été nécessaire, de l'approfondir à la fin de la semaine dernière si vos services nous avaient communiqué des éléments précis de textes ou de jurisprudence qui nous eussent permis de le faire.
Pour l'ensemble des raisons qui ont été exposées et surtout, monsieur le ministre, dans le souci de donner un signal positif aux entreprises et de soutenir leur activité, même si le dispositif n'est pas parfait - il est tout à fait concevable qu'il ne le soit pas - je pense que nous pouvons l'adopter, en espérant être en mesure de le perfectioner d'ici à la mise au point définitive de la loi de finances.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, vous avez employé le mot « services » à trois reprises. Parlons-en donc franchement !
Lorsque vous mettez en cause les services, vous ne risquez pas de les blesser : c'est moi que vous pouvez blesser ! En effet, les services m'obéissent autant que les vôtres vous obéissent, monsieur le rapporteur général, et me croire incapable d'imposer ma volonté à mes services, c'est me blesser. Jamais - et je vous ai vu travailler - je ne pourrais croire que vos services s'imposent à votre volonté. Simplement, vous comme moi, nous leur demandons de mettre à notre disposition des informations juridiques, fiscales, pratiques, techniques, dont nous jugeons ensuite de l'importance.
Si je vous confiais les documents qui ont été mis à ma disposition pour vous répondre tout à l'heure, vous pourriez constater que je n'ai repris que les éléments techniques. Je suis capable de me faire ma propre idée et je le revendique !
Mais on peut aussi changer le mode de débat budgétaire, monsieur le rapporteur général. Après tout, le Gouvernement, telle une potiche, peut rester assis à ce banc à écouter la commission des finances et ne donner aucun avis sur les amendements. Il me semblait pourtant utile de recueillir l'avis de la commission des finances, puis l'avis du Gouvernement, afin que le Sénat puisse se forger sa propre opinion et voter en connaissance de cause.
Concernant la méthode de travail, monsieur le rapporteur général, vous m'avez remis cet amendement jeudi soir. Il faut insister sur ce point ! S'agissant d'un sujet complexe, il n'y a donc pas eu de mauvaise volonté. Je vous rappelle que j'ai été présent en séance toute la journée de vendredi. Nous nous sommes séparés vendredi soir. Par conséquent, il n'est pas agréable de vous entendre me soupçonner de n'être que le porte-parole de mes services !
Sur la capacité des services à me proposer des recettes, faites-moi confiance, comme je vous fais confiance, pour avoir des idées qu'éventuellement ils n'auraient pas. Simplement, mon devoir est de mettre l'accent sur les difficultés que peut comporter la norme. Vous-même n'avez pas prétendu qu'elle avait atteint son niveau ultime de perfection. Et si nous avons atteint ce degré de perfection, s'agissant de la rédaction, je prends acte que c'est grâce à la pensée du président de la commission des finances, mais pas à la mienne.
Sans que mes services me disent quoi que ce soit, je suis convaincu que ce texte ne pourra pas entrer définitivement dans la norme sans faire encore l'objet d'un raffinement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Michel Charasse. C'est le supplice chinois !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Ne m'en veuillez pas de vous alerter sur ce sujet. Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, la Haute Assemblée a confiance en vous. Et le Gouvernement, alors qu'il avait sous les yeux un document visant à proposer le retrait de l'amendement ou à inviter la Haute Assemblée à voter contre, vous a fait part de sa grande perplexité et de son avis très réservé : il n'a pas émis un avis défavorable.
La méthode législative est, certes quelque peu rapide. Mais cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une mauvaise méthode. Pour ma part, j'estime que la commission mixte paritaire devra réaliser un bon travail pour que le texte ne comporte pas trop de défauts.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous n'êtes, à nos yeux, en aucune façon suspect de ne pas faire vivre un processus de réflexion, enrichi par tous les éléments d'information possibles. Chacun sait que Bercy dispose d'un potentiel exceptionnel en ce domaine ! Je vous en donne acte volontiers, vous n'avez cessé d'imposer votre volonté politique.
Depuis jeudi soir, nous avons déjà accompli des progrès considérables. La commission mixte paritaire se réunissant dans trois semaines, nous disposons du temps requis pour raffiner encore la rédaction du dispositif.
Ce qui me paraît important, c'est que, en séance publique, ici, au Sénat, nous puissions proclamer notre volonté de contribuer à la croissance et à l'emploi. La commission des finances pense qu'il s'agit là d'un instrument possible ; mais chacun doit faire preuve de beaucoup d'humilité.
Les effets de la mesure peuvent être doublement gagnants : gagnants pour l'Etat, qui perçoit un produit fiscal immédiatement ; gagnants pour l'entreprise, qui se redonne des fonds propres en pleine transparence. En effet, il faudra une décision de l'assemblée générale des actionnaires. Il n'est donc pas question, bien au contraire, de contribuer à une opération artificielle. Responsabilité et transparence, telles sont les caractéristiques de la bonne gouvernance.
Les entreprises auront, il est vrai, des marges d'amortissement et d'autofinancement plus importantes. Elles bénéficieront alors d'un avantage fiscal de 33,33 %, alors qu'elles auront payé 16,5 %. Mais n'est-ce pas là le contrat ? C'est la forme de l'encouragement que vous décidez, sans discrimination, pour l'ensemble des entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, il me paraît judicieux de laisser cet amendement prospérer, pour l'heure, de l'adopter. Je remercie M. Lambert et des réserves qu'il a exprimées, car il nous encourage ainsi à tendre vers la perfection rédactionnelle d'une norme appelée à lever toute ambiguïté résiduelle.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. J'ai écouté cet échange avec grand intérêt. Si je comprends bien, l'avis du Gouvernement n'est pas défavorable, mais il n'est pas très favorable. C'est la position qui est connue, lorsque nous sommes entre nous, pour caractériser le moment où la partie la plus charnue de l'individu se trouve entre deux chaises, et ce n'est pas une position très confortable ! (Sourires.)
Cependant, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, je n'ai pas très bien compris si les réserves du Gouvernement tenaient au fond ou à la forme.
Si c'est un problème de rédaction, la commission mixte paritaire y pourvoira, et cela ne nécessite pas, monsieur le ministre, que vous soyez mal assis, ou de façon aussi inconfortable. (Nouveaux sourires.)
En revanche, s'il s'agit d'un problème de fond, c'est différent. Mais, dans ce cas-là, monsieur le ministre, il vous faut être plus explicite.
Votre position me faisait penser à ce vieux maître chinois qui avait passé les limites de l'âge et de la conscience, et que l'on considérait toujours comme un oracle.
On lui amenait de jeunes élèves pour qu'ils entendent ses doctes paroles. On l'interrogeait : « Alors, maître, est-ce que vous pensez que, demain, il fera beau ? ». Il répondait : « Mmmh... ». On lui demandait : « Et après-demain, fera-t-il mauvais ? ». Il répondait toujours : « Mmmh... ». (Rires.)
Certains sortaient en disant : « Il a dit qu'il pleuvrait. » D'autres avaient compris le contraire. En fait, il n'avait rien dit du tout, parce qu'il avait le cerveau dans les limbes et qu'il ne pouvait plus rien dire !
Ce n'est pas votre cas, monsieur le ministre, rassurez-vous, je ne vous fais pas cette injure ! (M. le ministre délégué sourit.)
Ce serait sympathique de votre part de nous dire si c'est le fond ou si c'est la forme : cela nous aiderait à trancher.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je voudrais dire à M. Michel Charasse que, en effet, dans la région dont je suis originaire, on ne parle que par gestes.
M. Michel Charasse. Voilà bien un Normand !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Et c'est une véritable souffrance pour moi de prononcer la moindre parole. (Sourires.) Mais je vais m'efforcer de m'exprimer aussi explicitement qu'il est possible : cette disposition ne me pose aucun problème de fond.
M. Michel Charasse. Bon !
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. le rapporteur général et moi-même réagissons parfois un peu vivement, c'est tout !
Je considère que le temps qui m'a été imparti pour examiner la rédaction du dispositif proposé était bien court. En effet, nous siégons en séance publique en permanence, et légiférer ainsi, au banc, n'est pas des plus faciles.
J'ai indiqué au Sénat ce que le Gouvernement pensait de ce dispositif et j'ai relevé les difficultés qu'il était susceptible de susciter, mais je n'ai pas d'opposition de fond, ni d'opposition politique, à cette mesure.
Cela étant, je m'en remets à la sagesse du Sénat, non sans lui rappeler notre devoir d'édicter la meilleure norme possible. Or, en ce domaine, quelques petits progrès restent à accomplir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Michel Charasse. C'est clair !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-286 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
L'amendement n° I-72, présenté par M. Ostermann, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé
« I. - L'article 719 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le paiement des droits d'enregistrement peut être fractionné selon des modalités fixées par décret ».
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement n'est pas soutenu.