Articles additionnels avant l'article 4
M. le président. L'amendement n° 158, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, MM. Muzeau, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section contenant un article ainsi rédigé :
« Section ... - Contribution sociale sur les revenus financiers des entreprises.
« Art. L. ... - Une contribution assise sur le montant net des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables est versée par les sociétés, les entreprises et autres personnes morales, assujetties en France à la déclaration de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'article 206 du code général des impôts.
« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 233 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère.
« Le taux de cette contribution sociale sur les revenus financiers des entreprises est fixé à 10 %. La contribution sociale est contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles que les cotisations sociales. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. A dessein, nous avons choisi de placer le présent amendement, qui tend à créer une contribution sur les revenus financiers des entreprises, comme les trois autres amendements que nous défendrons et qui visent, eux, à moduler les cotisations sociales patronales, avant les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoient des mesures ponctuelles classiques, comme la hausse du tabac.
Nous n'entendons pas nous contenter de contenir - partiellement d'ailleurs - le déficit de la sécurité sociale. Nous voulons accroître globalement les recettes de la protection sociale et, ainsi, garantir la pérennité de ce système et la satisfaction des besoins des assurés sociaux.
Le partage de la valeur ajoutée, ces vingt dernières années, s'est fait en défaveur du travail. Alors que la part des profits dans les richesses produites est passée de 28 % à 36 %, les salaires, eux, ont suivi le chemin inverse, passant de 72 % à 64 %, avec les conséquences que nous connaissons sur la protection sociale.
Nous envisageons simplement de rééquilibrer la situation en proposant que les entreprises capitalistiques contribuent aussi à développer la protection collective.
Le reproche nous a souvent été fait par la droite d'asseoir ainsi le financement de la protection sociale sur des revenus boursiers par nature fluctuants. Cet argument ne saurait suffire à justifier votre opposition, qui s'apparente plus à un rejet de classe, mes chers collègues, dans la mesure où ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le précédent, parie largement sur des recettes fiscales beaucoup plus incertaines.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M'étant déjà exprimé sur des amendements de ce type, je me permettrai - l'auteur de l'amendement le comprendra - de ne pas reprendre mes arguments et de me borner à formuler, au nom de la commission des affaires sociales, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Il est également défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 160, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, MM. Muzeau, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de ces cotisations est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale, ratio pour le contrôle duquel sont associés le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Comme cet amendement sera vraissemblablement traité par M. le rapporteur de la même façon que l'amendement n° 158, je me propose de regrouper sa présentation et celle des amendements n°s 161 et 159, dans la mesure où ces trois amendements ont des objets similaires.
Nous continuons de penser qu'il est impératif de garantir à la sécurité sociale des ressources pérennes stables et dynamiques, ce que ne permettent pas ses recettes actuelles.
La politique économique du Gouvernement, ses choix en matière de politique de l'emploi, centrés uniquement sur l'accentuation des exonérations de cotisations sociales patronales, avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui sur l'appauvrissement des salariés et l'augmentation constante du chômage, sont responsables pour une bonne part du déséquilibre des comptes du régime général de la sécurité sociale.
Je ne dis pas que le déficit actuel de l'assurance maladie, qui représente tout de même près de trois fois celui que devait éponger le plan Juppé en 1995, résulte entièrement du fléchissement des recettes.
Je constate simplement que nous ne pouvons continuer à regarder passivement ce qu'il est convenu d'appeler « l'effet de ciseaux » entraîné par la conjoncture économique. Il convient au contraire d'agir contre l'atonie de l'emploi, afin de stimuler les rémunérations.
Par ailleurs, comment ne pas douter, comme d'aucuns sur les bancs de droite commencent à le faire, du résultat du relèvement des taxes sur les tabacs ? Hormis celui de 20 % de janvier prochain, ces relèvements auront fait long feu, contrairement à ce que nous promettait M. le ministre l'an dernier. On sait que les récentes hausses n'ont pas eu les effets fiscaux escomptés, le rendement de la taxe commençant à diminuer.
Comment ne pas constater également que cette fiscalisation croissante de la sécurité sociale, en changeant la logique de notre système d'assurance solidaire basé sur des cotisations, sert ceux - le MEDEF notamment - qui considèrent que le paritarisme et la gestion actuelle de la protection sociale ont vécu ?
Aujourd'hui, tout le monde semble convenir, même à droite, que la croissance des dépenses de santé est inévitable, pour des raisons démographiques d'abord, mais aussi en raison des progrès des sciences et techniques.
Pourtant, aucun débat n'est ouvert sur la question centrale de la réforme du financement.
Cette fuite en avant, cette fin de non-recevoir opposée à l'exigence de dégager des ressources nouvelles est dangereuse pour les assurés sociaux, qui verront demain, à n'en pas douter, le périmètre des risques couverts par la sécurité sociale se réduire.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale organise déjà la réduction du volume, de la valeur et de la qualité des prestations. Comment pourrait-il en être autrement à ressources constantes ?
Nous craignions que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ne dresse un constat dramatique de la situation et n'organise soit l'augmentation de la CSG, soit la privatisation de certains risques, autrement dit, qu'il n'ouvre la porte aux assurances.
Il convient dès à présent d'opter pour une autre solution et d'engager la réforme que nous proposons depuis longtemps déjà, à savoir notamment une modulation de la cotisation patronale en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, mesure représentant le double avantage d'augmenter les recettes de la sécurité sociale, sans que les entreprises ne soient déstabilisées. Seules les entreprises privilégiant la modération salariale seraient en quelque sorte pénalisées. Cette mesure permettrait aussi de réorienter les choix des entreprises en matière de politique de l'emploi.
Je doute avoir réussi à vous convaincre de l'opportunité de ces trois amendements. Je souhaite néanmoins que vous me répondiez plus longuement que l'an dernier sur la question du financement de la sécurité sociale, et moins brièvement que vous ne l'avez fait pour le précédent amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 160 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Avis défavorable.
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Je ne voudrais pas que M. Fischer pense que je ne l'écoute pas, mais le débat est tellement récurrent que je le renvoie à tous les travaux qui ont abordé cette question, en particulier au rapport établi par M. Malinvaud, qui met bien en évidence les inconvénients en termes d'opportunité et la réelle difficulté de mise en oeuvre : pénalisation de l'emploi, découragement de l'investissement, instabilité de l'assiette, pour ne citer que les difficultés les plus importantes.
Monsieur Fischer, il en est des mesures économiques comme des prescriptions médicales : on ne renonce jamais à un traitement qui a fait ses preuves.
Si vos mesures économiques avaient fait leur preuve, cela se saurait, et aucun gouvernement en quête de solutions intéressantes n'y aurait renoncé !
M. Roland Muzeau. Et quel est le résultat de vos propres mesures ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Dans ces conditons, je m'en tiendrai à la méthode expérimentale. Les pays qui, sous divers régimes politiques, ont essayé de mieux administrer leur économie et dont les efforts n'ont pas été couronnés de succès sont suffisamment nombreux pour que nous ne les suivions pas sur cette voie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le septième alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : "15,20 %" est remplacé par le pourcentage : "22,27 %".
« II. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa du III de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, le pourcentage : "0,35 %" est remplacé par le pourcentage : "0,32 %".
« III. - Une fraction égale à 50,16 % du produit du droit de consommation sur les tabacs mentionné à l'article 575 du code général des impôts est affectée au budget annexe prévu à l'article L. 731-1 du code rural en vigueur dans sa rédaction antérieure à celle introduite par la loi n° du de finances pour 2004.
« IV. - Dans l'article 1609 unvicies du code général des impôts, le taux : "0,74 %" est remplacé par le taux : "3,17 %". »
Le sous-amendement n° 68, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« I. - Dans le III de l'amendement n° 13, remplacer le taux : "50,16 %" par le taux : "53,30 %".
« II. - Supprimer le IV de l'amendement n° 13. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement « miroir ». En application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, les lois de finances font désormais apparaître la répartition des recettes fiscales partagées entre l'Etat et la sécurité sociale. Pour autant, cela ne modifie pas la répartition dans le code de la sécurité sociale des pourcentages d'affectation des droits sur les tabacs à la CNAM et au FCAATA.
C'est la raison pour laquelle il nous a paru judicieux d'instituer une parfaite coordination entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale et c'est pourquoi j'ai parlé d'amendement « miroir ».
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 68.
M. Michel Charasse. La commission des affaires sociales a souhaité transférer, pour les raisons que vient d'invoquer son rapporteur, certaines des dispositions qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2004 concernant la fiscalité des tabacs dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il m'a paru utile de déposer un sous-amendement, comme je me propose d'ailleurs de le faire dans le projet de loi de finances lui-même le moment venu, à son amendement.
Le II de l'article 25 du projet de loi de finances pour 2004 prévoit un relèvement du taux de la taxe sur les tabacs manufacturés affectée au BAPSA de 0,74 % à 3,17 %. Du fait de la structure proportionnelle de la fiscalité sur les tabacs, il en résulterait une nouvelle hausse d'au moins 20 % du prix des cigarettes en janvier 2004 qui se cumulerait à la hausse du 20 octobre consécutive au fort relèvement en juillet dernier du droit de consommation, porté de 58,99 % à 62 % sur les cigarettes. Au total, en l'espace d'un an, les prix des cigarettes augmenteraient de plus de 60 %.
En accroissant l'écart des prix avec les pays voisins au 1er janvier 2004 - France, 5,80 euros, Espagne, 2,50 euros, Luxembourg, 2,90 euros, Belgique, 3,70 euros -, cette hausse fera exploser les achats frontaliers, la contrebande et la vente à la sauvette ou sur Internet, qui vont représenter un manque à gagner important, pour l'Etat et pour les débitants. Selon les buralistes, ces deux augmentations auraient pour effet de réduire de 50 % la valeur de certains fonds de commerce. Elles ne feraient qu'accroître l'exaspération des buralistes, parfois acculés au désespoir, comme on l'a vu récemment, et confrontés à un problème d'insécurité accru. La mise en place de multiples circuits parallèles ne fait qu'amplifier le phénomène et affaiblit le réseau des débitants, éléments clefs de la ruralité et de notre politique d'aménagement du territoire.
La majoration de la taxe affectée au BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, entraînera automatiquement de la part des fabricants une répercussion de cette mesure sur leurs prix de vente publics. Tous les industriels confrontés à une telle situation font de même. Pas plus que les compagnies pétrolières n'acceptent de prendre les majorations de taxes pétrolières sur leurs recettes, les fabricants de tabac n'accepteront de le faire, et nul n'est en mesure de les en empêcher. Ils ont d'ailleurs clairement indiqué qu'ils le feraient.
En définitive, il conviendrait, monsieur le ministre, de renoncer à cette majoration de la taxe affectée au BAPSA pour éviter que la France n'atteigne une incidence fiscale, en pourcentage du prix de vente public, supérieure à celle de tous les autres pays européens, Grande-Bretagne comprise, avec des conséquences évidentes sur les emplois et sur l'avenir du réseau des débitants de tabac, qui se font entendre actuellement dans les conditions que vous connaissez.
Pour toutes ces raisons, il est proposé de revenir sur l'augmentation votée par l'Assemblée.
Il existe en effet une autre solution, monsieur le ministre, et, puisque je ne souhaite pas priver le Gouvernement des recettes dont il a besoin pour financer le BAPSA, je vais vous la livrer.
Il s'agirait de maintenir le taux actuel de 0,74 %, donc de ne pas le passer à 3,17 %, et de fixer en compensation le taux de prélèvement sur le droit de consommation non pas à 50,16 %, comme le prévoit l'article 24 du projet de loi de finances pour 2004, mais à 53,30 %, ce qui apporterait au BAPSA les 301 millions d'euros supplémentaires.
Il s'agit donc de modifier la clef de répartition en ce qui concerne la part du droit de consommation qui est affectée au BAPSA et de maintenir le taux de la taxe additionnelle spéciale au BAPSA
Le budget général ne sera pas pénalisé, car, en renonçant à une hausse en janvier qui aurait encore plus désorganisé le marché officiel, non seulement ses recettes seront préservées, mais, de plus, il bénéficiera des recettes complémentaires résultant de la hausse des prix publics prévue pour juillet 2004, que les industriels se sont engagés à réaliser au-delà de ce qui est nécessaire pour couvrir l'incidence résiduelle de la majoration du droit de consommation votée par le Parlement en juillet 2003.
La recette pour le BAPSA proviendrait de l'augmentation déjà prévue du tarif de vente des paquets de cigarettes. Les recettes attendues en 2004 pour le BAPSA seraient donc assurées dans le schéma proposé et soumis à votre approbation. La différence est que la hausse du prix des cigarettes interviendrait en juillet et non pas en janvier et que, en outre, du fait de l'incidence et des rapports proportionnels des diverses taxes, cette hausse, acceptée d'ailleurs par les fabricants, qui avaient admis d'abord un taux de 9 % mais qui seraient prêts à aller jusqu'à 15 %, permet de couvrir le relèvement de la taxe affectée au BAPSA sans atteindre 20 % au 1er janvier comme prévu actuellement. Donc, financièrement, cela ne change rien, mais, dans le climat actuel, c'est quand même relativement apaisant !
Voilà, monsieur le ministre, pourquoi j'ai déposé - sans engager mon groupe, vous l'avez compris - ce sous-amendement à l'amendement n° 13 de M. Vasselle. Bien entendu, si l'amendement de M. Vasselle devait ne pas être accepté ce soir pour des raisons de coordination avec la loi de finances, je reprendrais le moment venu les arguments que j'ai développés. En tout état de cause, ils gardent toute leur valeur, et je suis persuadé que si le Sénat adopte l'amendement de M. Vasselle, corrigé comme je le suggère, nous irons, je le répète, vers un certain apaisement du climat actuel parmi les revendeurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le sujet est d'une grande complexité, et participer aux débats relatifs aux droits sur le tabac exige une véritable initiation ! Je dois avouer que j'ai mis un certain temps à y comprendre quelque chose et que j'ai encore parfois besoin que l'on m'éclaire.
M. Michel Charasse. Vous avez bien du mérite !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela étant, en la personne de M. Charasse, nous avons ici un éminent spécialiste du sujet, qui a su exposer aussi clairement que possible sa proposition.
Je rappellerai que, grosso modo, un quart du produit des droits sur le tabac est affecté au budget de l'Etat, un autre quart à la sécurité sociale et la moitié au BAPSA : c'est la répartition que prévoit le projet de loi de finances ; j'en propose un « miroir » dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour que les choses soient claires.
Par ailleurs, le Gouvernement propose de faire passer de 0,74 % à 3,17 % le taux d'une taxe spécifique, historiquement affectée au BAPSA, ce qui devrait engendrer pour celui-ci une recette nouvelle de 300 millions d'euros. Ce relèvement viendra alourdir les droits sur le tabac, ce qui provoque les réactions que l'on sait de la part des buralistes, de la presse et des producteurs de tabac.
La commission des affaires sociales, après réflexion, est prête à émettre un avis favorable sur le sous-amendement n° 68 de M. Charasse, qui vise en quelque sorte à déformer le miroir que je viens de présenter au Sénat.
Toutefois, nous posons deux conditions.
En premier lieu, il faudrait obtenir que M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, vers lesquels nous nous tournons, nous donnent l'assurance qu'il sera procédé à une coordination lors de l'examen du projet de loi de finances.
En second lieu, il faut compenser, comme l'a prévu M. Michel Charasse, la perte de recettes résultant de la suppression du relèvement du taux de la taxe spécifique affectée au BAPSA. M. Michel Charasse proposant de faire passer de 50,16 % à 53,30 % la part du produit des droits sur le tabac allouée au BAPSA, nous suggérons, pour notre part, sous réserve que la commission des finances donne son accord au sous-amendement n° 68 et à la coordination évoquée, d'augmenter au 1er juillet prochain le minimum de perception, ce qui profiterait à l'ensemble des bénéficiaires et à l'Etat et garantirait la neutralité financière de la proposition de M. Charasse.
Dans cette hypothèse, nous déposerions un amendement de coordination à l'article 4 visant à relever le minimum de perception à compter du 1er juillet prochain.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut supprimer le I du sous-amendement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet ! Il conviendrait que M. Michel Charasse accepte de rectifier son sous-amendement, afin de n'en maintenir que le II. Nous aurions alors la garantie qu'une coordination interviendra lors de la discussion du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Je voudrais tout d'abord confesser mon admiration pour la connaissance exhaustive du sujet démontrée par M. Michel Charasse, ainsi que pour les progrès réalisés par M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. (Sourires.)
Pour ma part, je ne suis pas sûr de connaître toutes les arcanes de ce dossier. Cela étant, sur l'amendement n° 13, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée. C'est un amendement miroir, comme l'a défini M. le rapporteur, et le Gouvernement ne s'y opposera donc pas.
En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable au sous-amendement n° 68 de M. Charasse, et il ne l'est pas davantage, d'ailleurs, aux propositions de repli ou de conciliation présentées par M. Vasselle.
En réalité, le sous-amendement de M. Charasse tend à geler le taux de la taxe sur les tabacs affectée au BAPSA à 0,74 %, pour éviter une nouvelle augmentation des prix des cigarettes en janvier 2004, ce qui permettrait d'apaiser les esprits.
Monsieur Charasse, le Gouvernement a entendu les protestations des buralistes, pris en compte leurs difficultés et adopté des positions maintenant très arrêtées sur les problèmes liés à la fiscalité du tabac. Le ministre de la santé que je suis n'est pas autorisé à revenir sur les arbitrages qui ont été rendus.
Cela étant, je suis toujours quelque peu étonné par ce que l'on parvient à faire dire aux chiffres. D'ailleurs, plus on les accumule et plus on essaie de perdre ceux qui les recoivent !
En réalité, le relèvement de 0,74 % à 3,17 % du taux de la taxe affectée au BAPSA aurait évidemment pour effet de diminuer les marges des fabricants de cigarettes, qui passeraient de 13 % à 10,5 %. Cependant, cela n'implique pas forcément une hausse du prix des cigarettes, à moins que les fabricants ne veuillent maintenir leurs marges.
M. Michel Charasse. Ils l'ont dit !
M. Jean-François Mattei, ministre. Or celles-ci sont tout de même aujourd'hui assez confortables. En vérité, je le répète, la hausse du taux de la taxe affectée au BAPSA n'entraînera pas mécaniquement une augmentation des prix des cigarettes, car il n'y a pas de relèvement prévu des minima de perception.
En revanche, la solution que nous présente M. Charasse et qui est d'ailleurs très habile provoquera, si elle est retenue, un accroissement des marges des fabricants, lesquelles atteignent déjà des niveaux exceptionnels. A cet égard, il n'est qu'à se reporter aux déclarations des principaux producteurs de cigarettes, qui annoncent des hausses de chiffre d'affaires absolument confondantes. Alors que j'ai déclaré, pour des raisons de santé publique, la guerre au tabac, je n'ai pas l'intention de laisser les marges des fabricants de cigarettes croître et prospérer.
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo !
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec la proposition de M. Charasse. Je lui demande de ne pas m'en vouloir pour autant ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais, à ce stade de la discussion, formuler quelques remarques d'ordre économique et technique. Bien entendu, mon propos ne saurait être de nature à minimiser la portée de l'enjeu national de santé publique que représente la lutte contre la dépendance à l'égard du tabac et tous les dommages que cela engendre. De ce point de vue, l'unanimité des membres de notre assemblée devrait logiquement soutenir M. le ministre et la politique volontariste qu'il inspire au Gouvernement dans ce domaine.
Cela étant dit, sur le plan économique, l'industrie du tabac s'est fortement concentrée. Il demeure un acteur européen, en fait franco-espagnol, dont l'activité dépend encore assez largement du marché français : c'est l'histoire et la structure de son chiffre d'affaires qui le veulent.
Cette constatation m'amène, monsieur le ministre, à ne pas trop croire à une réaction vertueuse de cette entreprise la conduisant à réduire volontairement sa marge. Si elle le faisait, elle inspirerait moins confiance au marché, sa valorisation diminuerait et, comme son capital n'est pas vraiment contrôlé, elle ne serait pas à l'abri de l'assaut d'un prédateur.
On sait d'ailleurs que de tels prédateurs sont à l'affût. On sait également que cette entreprise continue à représenter 5 000 emplois sur le sol français et à peu près le même nombre sur le sol espagnol. Donc, tout en luttant contre les excès de la consommation de tabac, essayons, sur le plan de la défense de l'emploi et de l'action économique, de prendre des décisions raisonnables.
Sur le plan de la technique budgétaire, j'avoue m'être beaucoup interrogé jusqu'ici sur le choix qui a été fait de recourir à cette fameuse taxe affectée au BAPSA. C'est en réalité une taxe ancienne, dont le rendement était très faible, et que l'on a redécouverte, pour des raisons qui, à la vérité, m'échappent quelque peu. Il a été décidé de solliciter cette ressource pour abonder à hauteur de 300 millions d'euros environ le budget du BAPSA. Le rendement de la taxe devrait s'accroître, si je ne m'abuse, de l'ordre de 360 % par rapport à la situation actuelle, son produit demeurant sans commune mesure avec celui des droits de consommation sur le tabac, dont la recette attendue en faveur du BAPSA pour 2004 est de près de 5 milliards d'euros. Par conséquent, mes chers collègues, le rendement de la taxe affectée au BAPSA, laquelle était quelque peu oubliée mais que l'on réactive en dilatant, en quelque sorte, son importance économique, reste néanmoins très faible par rapport au rendement total des droits de consommation sur le tabac.
Quoi qu'il en soit, notre collègue Michel Charasse nous incite à utiliser l'instrument principal et à renoncer à modifier le taux de la taxe annexe. J'avoue que l'analyse juridique, au regard du droit communautaire en particulier, qui peut être faite de l'augmentation si importante du taux de la taxe affectée au BAPSA nous paraît de nature à susciter quelques interrogations, bien que nous ne l'ayons pas poussée jusqu'à son terme.
Par conséquent, sans que cette appréciation ait, à ce stade, d'autre caractère que celui d'une réflexion formulée au cours d'un débat, il peut sembler raisonnable de se pencher sur la répartition du produit des droits de consommation et peut-être d'émettre des considérations de dates. Je quitte là, bien sûr, le domaine des questions techniques pour aborder des sujets de portée plus générale.
En effet, beaucoup d'entre nous, tout en approuvant naturellement la politique de lutte contre le tabagisme, se préoccupent de questions de sécurité, de problème spécifiques au milieu rural ou au milieu urbain, de l'évolution économique de la profession de débitant de tabac. De ce point de vue, parvenir à la neutralité budgétaire, c'est-à-dire équilibrer le BAPSA, tout en finançant comme prévu la sécurité sociale et en se donnant quelques mois de plus pour procéder à une hausse du prix des cigarettes serait peut-être une solution assez raisonnable.
En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, même si je ne suis pas habilité, ce soir, à m'exprimer au nom de la commission des finances, celle-ci, lorsqu'elle abordera ce sujet, ne pourra sans doute qu'être sensible aux arguments qui ont été avancés par la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 68.
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention, comme toujours, et sans hostilité, bien au contraire. En effet, bien qu'étant fumeur, je comprends parfaitement votre combat en matière de santé. Lorsque j'étais au ministère des finances, je l'ai moi-même mené comme je le pouvais. Nous avions d'ailleurs fait voter la loi Evin ; par conséquent je ne puis être suspecté de réticences devant vos préoccupations sanitaires.
Monsieur le ministre, personne ne met en doute ici, et surtout pas moi, la volonté du Gouvernement sur ce sujet et votre sincérité. Votre engagement personnel est bien antérieur à l'époque où vous êtes entré en politique, puisqu'il correspond à l'une des missions que vous vous étiez données dans le cadre de votre activité professionnelle.
Toutefois, mes chers collègues, nous ne vivons pas dans un régime de prohibition. L'exemple passé des Etats-Unis nous a d'ailleurs montré que la prohibition ne réussit pas. Par conséquent, tant que l'on aura le droit de consommer du tabac en France, on sera obligé de tenir compte du contexte que vient de brillamment décrire notre collègue rapporteur général de la commission des finances, M. Marini.
En France, les entreprises qui vendent du tabac sont légion, mais il n'y en a qu'une qui le transforme, partagée entre l'Espagne et la France. Elle vient de mettre en oeuvre un plan de fermeture de cinq usines à travers le territoire, les usines espagnoles se préparant à récupérer toutes les fabrications qui ne se feront plus en France. Faut-il, monsieur le ministre, que celles et ceux qui auront, dans le cours des événements, perdu leur emploi pâtissent du juste combat que vous menez contre le tabac ? Je n'en suis pas vraiment persuadé.
Les entreprises, comme l'a dit M. Marini, sont cotées en bourse, se battent pour conserver leurs marges et ont déjà annoncé, mes chers collègues, qu'elles répercuteraient au 1er janvier la hausse des droits de consommation. Monsieur le ministre, je vous fais la grâce et, si vous le permettez, l'amitié de considérer que votre combat est sincère. Considérez pour votre part, s'il vous plaît, que le mien l'est aussi et que je n'interviens pas dans cette affaire pour maintenir les marges des fabricants. Il se trouve simplement qu'une usine qui produit des cigarettes est implantée dans mon département, à Riom. Je suis attaché à la défense de l'emploi et je sais le drame que vivent actuellement les personnels de cette entreprise qui sont confrontés à la fermeture de leur usine, à Nantes et, surtout, à Lille.
Par conséquent, je maintiens mon sous-amendement, d'autant que, dans cette affaire, il ne faut pas que le budget de l'Etat perde les recettes escomptées. C'était le sens des interventions de M. Vasselle et de M. Marini, c'est aussi le sens de mon sous-amendement. Néanmoins, par volonté de conciliation, j'accepte d'en supprimer le I, comme me l'a suggéré le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, pour ne conserver que le II. Mon sous-amendement visera donc à maintenir à son taux actuel de 0,74 % la taxe additionnelle affectée au BAPSA.
En outre, je suis bien sûr d'accord pour qu'il soit procédé, à l'article 4, dont nous allons bientôt débattre, à la rectification nécessaire concernant le minimum de consommation, étant entendu qu'il faut que la commission des finances soit elle aussi d'accord pour opérer la coordination nécessaire, puisque, au fond, on empiète là sur son domaine.
Moi, j'ai suivi la commission des affaires sociales parce qu'elle avait fait, si je puis dire, le premier pas dans cette voie, mais je suis membre de la commission des finances et j'imagine ce que peuvent ressentir son président et son rapporteur général.
En fait, ce que je recherche, c'est un peu de souplesse et, surtout, un peu d'apaisement dans un climat qui est très tendu. Aussi, il me semble préférable, dès lors que vos recettes ne sont pas en cause, monsieur le ministre, que le prix augmente de 15 % en juillet 2004, plutôt que de 20 % en janvier.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
« Supprimer le IV de l'amendement n° 13. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chacun est bien conscient de la nécessité de mener une action résolue pour combattre les excès du tabagisme.
Cela étant, nous devons prendre en considération les données économiques, l'impact sur l'emploi, l'émotion suscitée chez les buralistes, toutes questions extrêmement graves.
Je ne suis pas persuadé que nous ayons à prendre une décision ce soir. Alain Vasselle nous fait une proposition, qui est en quelque sorte la reprise de dispositions contenues dans le projet de loi de finances. Je précise que ce qu'il nous propose concerne le BAPSA et que celui-ci relève de la loi de finances. Certes, on pourrait considérer que la mutualité sociale agricole relève de la loi de financement de la sécurité sociale, mais ce n'est pas le choix qui a été fait : en application des textes en vigueur, nous devons examiner le BAPSA dans le cadre du projet de loi de finances.
Je suis sensible à la proposition de Michel Charasse et aux éventuels problèmes auxquels nous pourrions être confrontés si cette affaire devait être portée devant les juridictions européennes.
Cependant, il serait sage d'attendre la discussion du projet de loi de finances pour statuer.
Je prends l'engagement de réunir la commission des finances et d'associer à notre travail le président de la commission des affaires sociales ainsi que le rapporteur Alain Vasselle afin que nous puissions, ensemble, mettre au point des dispositions parfaitement efficaces et lever toute ambiguïté.
Il s'agit d'un domaine extrêmement complexe et, à mon tour, je dirai mon admiration à tous ceux qui se sont exprimés sur ce sujet avec autant de clarté et autant de talent.
Pour ma part - je le dis avec humilité -, je souhaiterais un complément d'information, un complément d'expertise, pour que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause, en étant sûrs d'atteindre les objectifs que nous poursuivons : objectifs d'égalité, objectifs d'apaisement, sans nuire à la priorité de santé publique que s'est donnée Jean-François Mattei.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Effectivement, la situation est grave car sont mis en balance deux problèmes de nature différente. Mais il faut considérer d'abord le problème de santé publique, et je ne peux pas, dans la fonction qui est la mienne, en raison de la profession que j'ai exercée, ne pas rappeler les 60 000 personnes qui meurent chaque année de cancers liés au tabac. Je ne peux pas non plus méconnaître le plan cancer et son volet de prévention, et je ne peux pas accepter un seul instant l'idée que l'on réduise la prévention en renonçant à l'outil nécessaire à notre objectif, c'est à dire une hausse importante et brutale du prix de tabac destinée à dissuader les fumeurs.
Je continuerai de me battre pour cette cause, qui, pour moi, ne peut être mise en balance avec aucune autre, même s'il est vrai, monsieur Charasse, que nous ne pouvons pas non plus écarter complètement de nos préoccupations tous ceux qui vivent de l'industrie du tabac.
Je voudrais quand même rappeler que la marge des cigarettiers, avant taxation, a augmenté de 50 % en dix ans.
Je rappellerai aussi que le fabricant franco-espagnol auquel vous faisiez allusion tout à l'heure se décharge d'un certain nombre de ses engagements français pour se replier sur l'Espagne, mais aussi sur le Maroc : nous observons, en effet, un glissement vers des pays où la main-d'oeuvre et le contexte économique ne sont pas les mêmes qu'en France. C'est un problème qui dépasse la taxation du tabac.
J'ajoute que les 5 000 emplois concernés sont, dans la quasi-totalité des cas, des emplois de distribution et non pas de fabrication, et qu'ils ne seraient donc pas menacés de la même façon.
M. Michel Charasse. L'essentiel, c'est la fabrication !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je le redis avec toute la force de ma conviction : au point où nous en sommes, nous ne pouvons pas renoncer à cette hausse qui a été prévue et entérinée par le Premier ministre et le Gouvernement, même si la prise en compte des problèmes rencontrés par les débitants de tabac devra être assurée avec une certaine sagesse, un certain recul, sans oublier la mise en place d'autres outils de prévention du tabagisme. En tout cas, repousser au mois de juillet la hausse de 20 % qui a été décidée, en la ramenant à 15 %, ne me semble pas aller dans le sens de la santé publique.
Nous avons eu du mal à trouver un équilibre. Il est contesté, je le sais ; cette affaire n'est pas facile à mener, mais je vais vous livrer un souvenir d'étudiant en médecine. Un jour, dans un service de médecine générale, un homme en train de mourir d'un cancer lié au tabac m'a dit : « Petit, quand tu seras médecin, dis bien qu'il ne faut pas fumer, parce que moi, si j'avais su... ». Eh bien, je suis fidèle à ce message ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai bien entendu M. Arthuis, mais, si nous laissons le texte en l'état, il ne sera plus possible de modifier quoi que ce soit, même en loi de finances,...
M. Michel Charasse. Eh non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... car seule une loi de financement peut revenir sur une loi de financement.
Dans ces conditions, adoptons le texte proposé par la commission des affaires sociales, sous-amendé par M. Charasse. D'ici à la commission mixte paritaire, nous aurons le temps d'étudier, avec la commission des finances, les solutions à adopter définitivement.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Ce qui m'a poussé à intervenir, c'est le chiffre qu'a prononcé M. le ministre à propos du nombre de morts causé par le tabagisme chaque année en France.
J'ai sous les yeux le rapport de la commission d'orientation sur le cancer. Il y est indiqué que, chaque année, 40 000 décès sont attribuables à des cancers liés au tabac. Par ailleurs, le professeur Bertrand Dautzenberg, qui fait autorité en la matière, a indiqué, au cours d'une interview, que c'est seulement à l'horizon 2020 que le chiffre de 60 000 morts serait atteint.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, connaître vos sources, car elles sont en contradiction avec les documents que j'ai à ma disposition. Au demeurant, il peut y avoir débat.
En ce qui concerne l'augmentation de la taxe - je trouve d'ailleurs anormal que nous soyons obligés d'attendre la discussion du projet de loi de finances pour statuer sur un problème qui touche directement les problèmes de santé -, il semble que les recettes escomptées des dernières augmentations ne seront pas à la hauteur de notre attente.
Alors que nous attendions pour 2003 un revenu de l'ordre de 1 milliard d'euros, nous n'obtiendrons vraisemblablement que 200 millions à 500 millions d'euros, en tout cas un montant très inférieur à ce qui était espéré.
Quoi qu'il en soit, cette augmentation considérable va-t-elle abonder les fonds du BAPSA ? Sera-t-elle suffisante ?
Enfin, le Gouvernement a parlé d'un moratoire sur l'augmentation du tabac en réponse à l'émotion suscitée par cette augmentation chez les buralistes. Qu'en est-il exactement et quelle est la position du Gouvernement ? A-t-il toujours l'intention de procéder à cette augmentation le 1er janvier ou va-t-il au contraire envisager l'application de ce moratoire pour calmer les esprits ?
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. J'éprouve, je l'avoue, un sentiment de malaise tant j'ai du mal à saisir les vraies motivations de chacun. Il n'y a sans doute pas de lobby des fabricants, ni de lobby des buralistes, il reste que des intérêts sont à défendre et qu'ils sont bel et bien défendus.
Pour ma part, je voudrais dire ce que je ressens, non pas sur le plan de la fiscalité, parce que c'est très compliqué, mais par rapport au problème de santé publique.
Je ne sais pas s'il est utile de discuter ce soir pour savoir s'il y a 40 000 ou 60 000 morts. De toute façon, c'est horrible ! Nous sommes devant un problème de santé publique d'une dimension inégalée dans notre pays. Chacun connaît bien les ravages du tabagisme : un fumeur sur deux meurt de son tabagisme ; il faut avoir cela présent à l'esprit. Et que fait-on par rapport à ce fumeur qui va mourir ?
M. le ministre de la santé a engagé la guerre avec beaucoup de courage, il faut le reconnaître. Mais est-ce que l'on peut mener une telle guerre dans ce pays ? Est-ce un objectif qui nous mobilise tous ? Je cherche à m'en persuader.
Certes, il y a le problème des buralistes, on le sait bien. Mais ce problème doit venir après, on ne doit pas le traiter en premier.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien notre intention !
M. Gilbert Chabroux. Et puis, il ne faudrait pas changer de position tous les jours. Il faut adopter une ligne et s'y tenir. Sinon, ça ne sert à rien, on donne même un signal négatif. C'est le cas de l'annonce du moratoire fiscal. D'ailleurs, à quoi cela sert-il de débattre du 1er janvier ou du 1er juillet si l'on prévoit un moratoire fiscal sur quatre ans ? Comme l'a dit M. le ministre, tout cela ne servira à rien s'il n'y a pas une hausse rapide, brutale et forte.
Si l'on s'arrête en chemin, comment peut-on espérer changer les comportements ? Le Gouvernement a eu tort de dire qu'on allait s'arrêter là. Cette annonce sera perçue par certains comme un encouragement à persister dans leur tabagisme.
On nous avait annoncé une mesure phare, un contrat d'avenir : mais de quel avenir et de l'avenir de qui ? Des fumeurs, de ceux qui vont mourir du cancer ?
Et maintenant on recule. En tout cas, ce n'est pas ainsi que l'on rendra crédible le plan de lutte contre le cancer. Est-ce encore le grand chantier que M. le Président de la République nous avait annoncé ?
M. Guy Fischer. Il sera allongé !
M. Gilbert Chabroux. Il sera allongé, édulcoré, ce ne sera plus un plan de lutte contre le cancer, mais nous avons l'habitude des promesses non tenues...
M. Paul Blanc. Oh là là !
M. Gilbert Chabroux. Cela fait aussi partie du débat, mon cher collègue : moi, je dis ce que je ressens.
Je vais faire des propositions concrètes, car je souhaite que l'on sorte de cette crise. Il ne s'agit pas d'opposer santé publique et survie économique. Il faut trouver des remèdes aux problèmes de survie économique, l'objectif principal restant la santé publique.
Je ne voudrais pas que l'augmentation des taxes sur les tabacs ait été décidée aux seules fins de renflouer les caisses de l'Etat. En l'occurrence, il s'agit non pas de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, mais d'encourager les fumeurs à arrêter de fumer.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux. Ne pourrait-on pas modifier la répartition de la taxe sur le tabac ? A l'heure actuelle, 80 % du coût d'un paquet revient à l'Etat contre 6 % au buraliste. Le reste va au fabricant, n'en parlons pas. Est-ce vraiment la répartition la plus appropriée ? Ne pourrait-on pas augmenter la part qui revient aux buralistes ? Ne serait-ce pas une façon de compenser leur manque à gagner et donc de résoudre le problème de survie économique ?
Les buralistes ont certainement un rôle à jouer. Ils ont d'autres missions à accomplir, et il faut leur permettre de survivre.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce débat a été extrêmement enrichissant, grâce aux interventions des uns et des autres mais surtout grâce à l'éclairage que nous ont apporté le rapporteur général et le président de la commission des finances. Il faudrait en tirer profit pour trouver une solution consensuelle, respectant les objectifs du Gouvernement en matière de santé publique et préservant les recettes liées à la taxation du tabac pour le budget de l'Etat et la sécurité sociale.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ce débat.
Tout d'abord, monsieur le ministre, c'est vrai, il y a un besoin de lisibilité dans le temps en ce qui concerne les droits sur le tabac.
Rien n'est pire, en effet, qu'un dispositif fiscal en yo-yo, faisant alterner hausse brutale et longue stagnation des taux, avant une nouvelle hausse brutale.
Bien que je n'aie pas déposé un amendement dans ce sens, je souhaite une annonce claire et nette en direction des consommateurs de tabac, en particulier en direction des jeunes. Car ce sont évidemment les jeunes qui doivent être principalement visés : il faut les dissuader le plus tôt possible de s'adonner à un usage qui risque de les entraîner vers la mort.
Monsieur le ministre, dans la lutte contre ce fléau, vous pouvez compter sur notre entier soutien et ce qu'il faut annoncer, c'est que nous n'allons pas arrêter de sitôt d'aggraver la taxation du tabac.
Il aurait été préférable d'annoncer une hausse progressive sur plusieurs années. Cela aurait permis aux acteurs économiques de se préparer. En même temps, les consommateurs auraient été avertis qu'ils devaient s'attendre à payer leur tabac de plus en plus cher. Car le coût est tout de même un élément de dissuasion non négligeable pour nombre de consommateurs. Ainsi, un de mes salariés qui est un très gros fumeur commence à se demander s'il va continuer ou arrêter parce qu'il constate que sa consommation de tabac va représenter une part importante de son budget, au point que cela pourrait l'empêcher de boucler ses fins de mois.
C'est le premier enseignement : il faut continuer dans cette direction de l'augmentation du prix.
Par ailleurs, le dispositif est très complexe, comme l'a souligné le président de la commission des finances Jean Arthuis. Même en étant initié, on a du mal à s'y retrouver ! Le processus qui est mis en oeuvre en ce qui concerne les droits sur le tabac me paraît particulièrement empirique dans la mesure où l'on commence par négocier le prix du paquet de cigarettes et, une fois que ce prix est fixé, on établit les droits qui vont s'appliquer. En outre, le dispositif varie suivant qu'il s'agit de tabac roulé, de cigares, de cigarettes blondes, de tabac gris ou que sais-je encore.
Il est donc nécessaire d'apporter, là aussi, de la lisibilité.
Enfin, Jean Arthuis ainsi que plusieurs orateurs ont bien montré qu'on ne pouvait plus faire l'économie d'une nouvelle loi organique sur la loi de financement de la sécurité sociale. C'est bien à cause du dispositif actuel que nous sommes conduits à proposer un amendement miroir. Comme l'a pertinemment fait observer M. le président de la commission des affaires sociales, à partir du moment où les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale ont été adoptées, il est quasi impossible de modifier ensuite quoi que ce soit lors de la discussion du projet de loi de finances. Donc, la seule marge de manoeuvre que nous ayons consiste à adopter une disposition maintenant et à se garder toute latitude jusqu'au moment de l'examen du projet de loi de finances ou jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire pour adapter notre dispositif.
Nous pouvons profiter de ce laps de temps pour voir avec le Gouvernement comment on peut à la fois conserver l'objectif de santé publique et préserver à la sécurité sociale et au budget de l'Etat les recettes qui leur sont nécessaires.
Mes chers collègues, tirons donc des enseignements de ce débat de telle manière que, l'année prochaine, nous n'ayons pas à consacrer autant de temps à ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce débat a été tout à fait intéressant et il faut maintenant le conclure.
Ce qui en ressort à l'évidence, c'est qu'il est très difficile de discuter séparément des prélèvements obligatoires qui concernent la loi de finances et des prélèvements obligatoires qui concernent la loi de financement de la sécurité sociale. Sans doute y a-t-il nécessité, cher collègue Alain Vasselle, de revoir les dispositions organiques relatives à la loi de financement de la sécurité sociale, mais, pour la clarté du débat et pour les contribuables français, il faudra trouver les moyens de consolider cette présentation des prélèvements obligatoires, au-delà du débat annuel qui s'est tenu ici, pour cette année, voilà quelques jours.
Ayant écouté les uns et les autres, j'insiste sur l'extrême difficulté que peut avoir le Gouvernement à se faire comprendre par l'ensemble des acteurs concernés : les fumeurs, les producteurs, le transformateur-distributeur, les buralistes, les opérateurs étrangers.
Si nous avions à résumer nos débats pour être entendus par nos compatriotes, nous aurions les pires difficultés !
Pour ma part, je maintiens toutes mes réserves : le vote de ce soir ne peut pas nous engager sur la loi de finances. Nous y reviendrons. Une commission mixte paritaire se réunira et statuera. Je souhaite que, en relation étroite avec le Gouvernement, la commission des affaires sociales, la commission des finances et le Sénat dans son ensemble puissent préciser leurs positions et lever toute éventuelle ambiguïté.
Je ne suis pas encore en mesure de dire si les évaluations qui sont faites sont parfaitement fondées. Je vous avoue que je continue de m'interroger. Il est question, en effet, d'un prélèvement supplémentaire de 300 millions d'euros. Le total des droits sur les tabacs doit représenter près de 10 milliards d'euros. J'ai quelque peine à comprendre qu'un levier de 300 millions d'euros puisse aboutir à une augmentation de 20 % du prix des cigarettes. Il y a là un point que je souhaite élucider.
Selon l'hypothèse du ministre, les prix bougeraient à peine si les distributeurs voulaient bien absorber ce prélèvement en réduisant leur marge bénéficiaire.
Voilà autant d'éléments qui rendent les conséquences de notre vote un peu aléatoires.
Je ne serai pas engagé par les votes de ce soir et j'espère que, d'ici à l'examen du projet de loi de finances, nous aurons pu éclairer notre jugement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Que la position du Gouvernement soit très claire : le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement miroir de M. le rapporteur et il est défavorable à toute autre disposition.
Si j'ai finalement décidé de reprendre la parole, c'est parce que, monsieur Arthuis, après vous avoir complètement suivi, j'ai soudain bondi lorsque vous avez dit : « Si nous devions expliquer notre débat de ce soir à nos compatriotes, nous aurions sans doute bien du mal à nous faire comprendre. »
Voici donc le message que je souhaite faire passer à nos compatriotes.
Monsieur Autain, vous avez contesté le chiffre de 60 000 morts en disant que celui de 40 000 était plus réaliste. Il est vrai que l'on dénombre 40 000 morts du cancer, mais il faut également compter les morts du fait d'affections cardio-vasculaires, les morts du fait de complications pulmonaires, de bronchites chroniques et autres. Au total, on arrive bien à 60 000 morts. Au demeurant, M. Chabroux avait raison de le dire : 40 000 ou 60 000, de toute façon, c'est un drame !
Le premier article de mon message à la population est donc celui-ci : fumer tue. C'est d'ailleurs ce qui est désormais écrit sur les paquets de cigarettes.
Deuxième article : la hausse importante et brutale du tabac est l'instrument numéro un pour diminuer la consommation de cigarettes. L'Organisation mondiale de la santé l'a démontré et un récent sondage préliminaire que nous avons demandé à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé le démontre également.
L'année dernière, nous avions demandé une hausse de 17,7 % et nous avions, à partir de là, projeté une certaine recette. Or les cigarettiers n'ont pas répercuté la totalité de cette hausse et ont seulement procédé à une augmentation de 11 %, ce qui a représenté un manque à gagner important. Par ailleurs, nous n'avions pas, il est vrai, prévu que la baisse de la consommation atteindrait 8 % à 9 %, ce qui est évidemment heureux du point de vue de la santé publique.
C'est ce qui nous a conduits à vous proposer cette année, avec la loi Joly, puis maintenant avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, une nouvelle augmentation importante, destinée à bien marquer notre volonté.
Il se trouve qu'il y a effectivement des effets secondaires possibles sur l'économie et sur les débitants de tabac. Mais, je le répète, faire la guerre au tabac n'est pas faire la guerre aux buralistes, car ils représentent un précieux réseau de commerce de proximité et ils ont de très importants engagements de service public.
Ce qu'a voulu dire le Gouvernement, c'est que, après la hausse du mois de janvier, il faudra probablement faire une évaluation et, par ailleurs, s'engager sur deux autres voies, ce qui ne préjuge pas les décisions futures sur une reprise de la hausse des droits sur le tabac.
La première voie est celle d'une prévention et d'une prise en charge mieux comprise, notamment avec les substituts nicotiniques. Le Gouvernement a annoncé deux programmes d'expérimentation en région sur le remboursement des substituts nicotiniques afin de voir s'il n'y a pas là une solution efficace pour diminuer la consommation de tabac.
La deuxième voie est celle de l'harmonisation de la fiscalité européenne. S'il est vrai que la Grande-Bretagne est le pays qui a les prix les plus élevés, elle n'a pas, pour des raisons géographiques évidentes, les mêmes problèmes que la France avec la Belgique, le Luxembourg, Andorre, l'Espagne et d'autres.
L'action doit donc se situer aussi au niveau européen, pour éviter les effets secondaires de la clandestinité, de la contrebande, des trafics illicites, car il y a un moment où une certaine forme de morale vient naturellement se heurter à une autre forme de morale.
Le message du Gouvernement est donc très net : premièrement, le tabac tue ; deuxièmement, l'augmentation du prix du tabac est l'instrument numéro un pour faire baisser la consommation de tabac ; troisièmement, nous avons décidé cette année une hausse importante du prix du tabac à la lumière de l'expérience de l'année précédente ; quatrièmement, il va nous falloir procéder à une évaluation.
Pour l'heure, à travers un amendement, tenter de repousser la hausse au mois de juillet ou en réduire l'ampleur, à mon avis, cela n'a pas de sens. L'augmentation de la taxe affectée au BAPSA de 0,75 % à 3,2 % diminue la marge des fabricants de cigarettes de 13 % à 10,5 %. Par ailleurs, la hausse du tabac n'est pas mécanique : il faut bien comprendre qu'il existe une différence entre l'augmentation des taxes et l'augmentation des prix. Les marges des fabricants de tabac sont tout de même assez confortables, et je ne suis pas absolument certain que la hausse du prix du tabac soit indispensable.
M. Michel Charasse. Alors, pourquoi ferment-ils leurs usines ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Ils ne les ferment pas, ils les transfèrent !
M. Michel Charasse. Ce sont des emplois perdus en France et gagnés en Espagne !
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Charasse, je peux comprendre les difficultés des uns et des autres, mais je ne puis accepter l'idée sous-jacente selon laquelle la consommation de tabac doit rester ce qu'elle est pour maintenir l'emploi. Qu'il faille agir progressivement, soit. Mais ne laissez pas accroire, monsieur Charasse - au demeurant, je suis persuadé que ce n'est pas votre sentiment profond - qu'il faut à toute force maintenir pour aujourd'hui et pour toujours l'industrie du tabac !
M. Michel Charasse. J'ai été le patron de la SEITA, je sais de quoi je parle !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. A entendre M. le ministre, il est clair que nous ne sommes pas dans un débat de santé publique. En effet, puisqu'il n'y aura pas de hausse du prix du tabac si les fabricants réduisent leurs marges, nous sommes dans un simple débat budgétaire. Cela m'étonne après qu'on a évoqué les dizaines de milliers de morts dus au tabac.
Par ailleurs, je ne partage pas l'avis de Jean Arthuis sur la nécessité de consolider les budgets, et en particulier les recettes. En effet, le jour où l'on consolidera toutes les recettes, celles de la sécurité sociale partiront sur le budget de l'Etat. Or le problème consiste précisément à séparer clairement ce qui est recettes de l'Etat et ce qui est recettes de la sécurité sociale, afin de lever l'ambiguïté que nous dénonçons depuis de nombreuses années.
Chaque fois que l'on entretiendra, à travers une consolidation, la confusion entre les deux ordres de recettes, on contribuera à la dérive. Au contraire, dans les futurs textes, il faudra distinguer nettement ce qui touche à la sécurité sociale et ce qui touche à l'Etat.
Tout à l'heure, le président Arthuis disait : ce que vous votez ce soir ne saurait m'engager lorsque je discuterai du budget de l'Etat. Or nous parlons du financement de la sécurité sociale. On voit donc bien le danger qu'il y aurait à consolider l'ensemble des budgets : ceux qui défendent le financement de la sécurité sociale n'auraient plus aucun pouvoir puisqu'ils ne maîtriseraient même plus un tant soit peu les recettes de celle-ci.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont les mêmes !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On voit bien ce soir qu'il y a des approches différentes.
Enfin, en triplant la taxe au bénéfice du BAPSA, s'il n'y a pas de réduction des marges, vous obtiendrez un paquet coûtant environ 5,70 euros. Or la solution que nous proposons apporte une réponse de santé publique parce que nous ne supposons pas, a priori, que les fabricants vont réduire leurs marges et ne pas augmenter le prix du tabac. Mais nous imposons, comme nous l'avions proposé l'année dernière - malheureusement, vous ne nous aviez pas suivis -, de relever les minima de perception à 145 à travers l'article 4. Nous savons donc que nous atteindrons probablement 5 euros par paquet et non pas 5,70 euros si jamais les fabricants ne veulent pas réduire leurs marges.
Nous atteignons donc le double objectif que nous nous sommes fixés : premièrement, donner une réponse de santé publique ; deuxièmement, apporter éventuellement assez d'argent pour permettre de régler le problème du BAPSA.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 68 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, sur l'amendement n° 13.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La proposition à laquelle M. le président de la commission des affaires sociales a souscrit n'ayant pas été adoptée, nous allons, si nous votons cet amendement n° 13, nous retrouver véritablement, au stade de l'examen du projet de loi de finances, pieds et poings liés.
M. Michel Charasse. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or je tiens à rappeler, comme l'a fait M. le président de la commission des finances il y a un instant, que c'était sans doute en toute connaissance de cause que le Gouvernement avait choisi d'affecter les décisions concernant la taxe affectée au BAPSA à la loi de finances et non pas à la loi de financement de la sécurité sociale.
Je considère donc - pardonnez-moi de le redire - qu'il est contestable de déséquilibrer en quelque sorte un texte au détriment de l'autre, en risquant ainsi de placer le Sénat, après sa commission des finances, véritablement devant un fait accompli puisque serait vidée de sens une discussion que le Gouvernement souhaitait apparemment voir inscrite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004.
Donc, pour ces raisons, qui sont des raisons de cohérence...
M. Michel Charasse. Et de procédure !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et de procédure, en effet, je ne pourrai que voter contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Même si je suis déçu que le sous-amendement précédent n'ait pas été adopté, il est clair que nous devons voter l'amendement miroir. Sinon, cela signifierait que nous n'avons plus aucune maîtrise des recettes dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. A ce moment-là, autant supprimer la commission des affaires sociales du Sénat !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce soir, je suis très malheureux parce que je crois qu'on vient de mettre à mort les lois de financement de la sécurité sociale !
M. Gérard Dériot. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et je regrette que ce soit la commission des finances qui se soit livrée à cette mise à mort !
M. Gérard Dériot. Il faut laisser la commission des finances se débrouiller ! C'est tout !
(M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Gérard Dériot quittent l'hémicycle.)
M. le président. L'amendement n° 161, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, MM. Muzeau, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de ces cotisations est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale, ratio pour le contrôle duquel sont associés le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel. »
Cet amendement a déjà été soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 4.
L'amendement n° 159, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, MM. Muzeau, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le 1° de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, les mots : "proportionnelles à l'ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles", sont remplacés par les mots : "modulés pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale, ratio pour le contrôle duquel sont associés le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel". »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.