COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures dix.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

AVENIR DES DIRECTIONS DÉPARTEMENTALES

DE L'ÉQUIPEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 341, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées depuis un certain temps par les directions départementales de l'équipement, les DDE.

Cette situation inhabituelle tend à discréditer l'action décentralisée de l'Etat dans le domaine de l'assistance technique apportée aux collectivités locales. Faute de moyens matériels et humains, on assiste à une détérioration du service public dans ce domaine.

L'appui logistique, comme le conseil ou la réalisation d'études auprès des collectivités locales, notamment les plus petites, est devenu très limité.

L'instruction des permis de construire s'apparente au parcours du combattant. Quant à la volonté politique en matière de sécurité et d'équipement, elle ne peut plus être relayée sur le terrain.

C'est très certainement l'absence de stratégie de développement à long terme qui nous a conduits à l'impasse actuelle.La décentralisation devra nécessairement apporter une réponse et engager les différentes directions départementales de l'équipement dans la voie d'une mission précise et recentrée.

Il est regrettable que, dans les zones les plus fragiles où des initiatives multiples sont enregistrées, bon nombre de projets soient bloqués par les lourdeurs de la machine administrative. Est-il acceptable que certains permis de construire nécessitent de quatre à huit mois d'instruction, voire plus ?

Je souhaiterais donc connaître la volonté du Gouvernement en la matière et les initiatives qu'il entend entreprendre afin de remédier à ce malaise structurel.

Si la décentralisation peut créer les conditions du renouveau, elle devra s'accompagner de moyens durables au profit des nouvelles collectivités, notamment départementales, qui seront chargées de leur animation et de leur développement. La décentralisation ne saurait être une chance pour demain que dans la mesure où elle s'appuierait sur une volonté partagée de l'Etat et des collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de Gilles de Robien, qui est retenu ce matin et m'a demandé de vous transmettre sa réponse.

Le Gouvernement a engagé une nouvelle étape de la décentralisation, dont le Sénat débat d'ailleurs actuellement. Nous cherchons à parvenir ensemble, avec les groupes du Sénat en particulier, à une répartition différente des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Pour le très grand ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, les perspectives de transferts de compétences portent principalement sur les infrastructures de transport d'intérêt local, les routes, les ports, les aéroports et les canaux.

En parallèle à ces transferts de compétences, il s'agit aussi, comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, de moderniser le service public et de faire en sorte que les services répondent mieux aux attentes de la société, de nos concitoyens et des élus locaux en particulier.

Le ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer est au coeur de ces préoccupations.

Il a un rôle, que tous les élus connaissent bien, d'assistance technique en matière d'ingénierie publique et d'application du droit des sols. Nous considérons qu'il s'agit d'une mission de solidarité et que l'Etat devra continuer d'apporter son assistance aux collectivités locales, notamment aux plus petites, qui ne disposent ni des moyens humains et techniques nécessaires ni des compétences professionnelles correspondantes.

Par ailleurs, la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier a créé une nouvelle mission d'ingénierie publique : l'assistance technique de solidarité et d'aménagement du territoire, l'ATESAT, au profit de ces collectivités territoriales. Nous allons donc, avant le 1er janvier prochain, signer des conventions spécifiques avec les communes et les groupements intéressés.

M. de Robien m'a également demandé de vous indiquer que les efforts engagés en matière de résorption de vacances de poste, qui sont souvent à l'origine des difficultés que vous citiez, sont poursuivis. Grâce à un plan de résorption de 1 200 postes en 2002 et de 750 postes en 2003, ce sont au total, en dehors des recrutements habituels, environ 4 000 agents qui seront recrutés cette année.

Les vacances de poste dont vous signaliez les effets négatifs sur les services du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer devraient donc tomber, à la fin de l'année, en dessous des 2,5 % de l'effectif du ministère.

Ces efforts nous paraissent relever d'une démarche volontariste de modernisation, et nous sommes conscients de la nécessité de « refonder » nos services déconcentrés pour assurer le service attendu par les collectivités locales.

Pour beaucoup de maires, de conseillers généraux, de collectivités ou de syndicats intercommunaux, les DDE et leurs subdivisions sont sur le terrain des partenaires en effet incontournables. Il faut leur donner les moyens de répondre dans les délais aux besoins des élus, qui se plaignent très souvent - à juste titre - du manque d'effectifs et de la lourdeur excessive des procédures.

Sachez, monsieur le sénateur, que, parfaitement conscients de ces difficultés, nous sommes tout à fait prêts, en liaison avec le Sénat, à les résoudre.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse rassurante non seulement pour les collectivités, les porteurs de projets, mais aussi pour les DDE, qui pourraient être découragées par le manque d'effectifs.

Je vous remercie aussi d'avoir pris en compte la situation des départements ruraux, tant sont nombreuses les petites communes dépourvues des services techniques appropriés.

CONDITIONS D'EXERCICE DE LA PROFESSION DE TAXIS

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 323, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Depuis trente ans, c'est-à-dire depuis l'ouverture de l'aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy-en-France, la guerre des taxis fait rage sans qu'aucun gouvernement, aucun ministre, aucun préfet de police n'ait été capable de mettre sur pied un armistice et encore moins un traité de paix.

Mon intervention vise à proposer une sorte de pacte entre chauffeurs de taxis val-d'oisiens et parisiens.

Je ferai référence à trois textes ou avis pour replacer le problème.

Le 14 avril 1998, M. Chevènement, alors ministre de l'intérieur, m'écrivait ceci : « Il convient de rappeler que conformément aux articles L. 213-2 et R. 213-6 du code de l'aviation civile, les autorisations de stationnement aux abords des aérodromes sont délivrées par le préfet du département où se situe l'aéroport. »

L'aéroport Charles-de-Gaulle est situé pour les deux tiers de sa surface en Val-d'Oise. L'aéroport est cependant placé sous la responsabilité du préfet de Seine-Saint-Denis. Ni le premier préfet ni le deuxième préfet n'ont droit de regard sur le stationnement des taxis. C'est un troisième préfet le préfet de police de Paris, qui a la compétence de fixer le nombre de taxis autorisés à l'aéroport Charles-de-Gaulle parce qu'un arrêté du 19 février 1974 en décide ainsi puisqu'il rattache à sa compétence la commune de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, et celle de Roissy-en-France, dans le Val-d'Oise, sur lesquelles est situé l'aéroport.

Le 24 avril 2003, M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales m'a réaffirmé, dans une réponse à une question écrite, l'interdiction faite aux taxis communaux, donc aux taxis val-d'oisiens, de stationner, donc de charger, sur l'aéroport Charles-de-Gaulle, ce qui déclenche l'hostilité des taxis val-d'oisiens et de la chambre de commerce et d'industrie.

Depuis 1974, les taxis val-d'oisiens sont ainsi interdits de séjour, et donc privés du droit de travailler, sur une partie de leur département. Cet interdit n'est-il pas illégal en droit au travail ?

C'est ma première remarque. Tous les ministres ont, en fait, admis cette situation.

M. le préfet de police exprimait le 3 février 2003, donc à la même période, l'analyse suivante faite à la chambre de commerce et d'industrie : l'article 1er de la loi du 1er mars 1937 lui donne le droit « de réglementer le nombre de voitures en circulation autorisées à stationner et charger la clientèle ». Mais, d'autre part, « il n'est pas possible d'envisager la création d'un service de taxis spécifiques à l'aéroport de Roissy qui dérogerait au principe d'unicité au sein de la zone d'activité des taxis parisiens ». L'augmentation de la flotte des taxis parisiens sera de 1 500 à l'exclusion de taxis val-d'oisiens ou seine-et-marnais. »

La situation était donc bloquée. Elle vient de se « verrouiller » avec l'article 62 de la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002, qui précise que les taxis ne peuvent stationner dans des lieux que si les conducteurs peuvent apporter la preuve qu'ils travaillent sur réservation et lorsqu'ils stationnent dans les communes faisant partie d'un service commun de taxis comprenant leur commune.

Or un taxi val-d'oisien ou seine-et-marnais ne fait pas partie de la flotte des taxis parisiens. Il ne peut donc travailler à Roissy, ce qui est injuste.

On se réfère à une législation remontant à 1937 pour réglementer le fonctionnement du service des taxis sur l'un des plus grands aéroports du monde. C'est anachronique.

En attendant qu'un peu de modernisme et de décentralisation soient apportés dans cette situation ubuesque, je propose, monsieur le secrétaire d'Etat, l'abrogation de l'article 62 de la loi relative à la démocratie de proximité pérennisant l'archaïsme et l'injustice et, dans l'attente d'une réglementation nouvelle, la création d'une catégorie « taxis aéroport Charles-de-Gaulle » autorisée à ne desservir que les départements de l'Oise, de la Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne et du Val-d'Oise, sachant que ces destinations ne représentent actuellement que 6 % de l'ensemble du trafic de l'aéroport.

Mme Hélène Luc. On pourrait en dire autant à propos d'Orly !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Je vous prie, madame Beaudeau, de bien vouloir excuser M. Nicolas Sarkozy, qui m'a demandé de vous répondre. Si le contenu de cette réponse devait ne pas vous satisfaire complètement, il se tiendrait naturellement à votre disposition pour continuer à réfléchir sur ce sujet important et complexe, en particulier sur le plan juridique.

Vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la loi du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, modifiée par l'article 62 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, cette nouvelle disposition ayant été prise par le législateur afin de clarifier les modalités de stationnement des taxis.

Antérieurement à cette modification législative, le Conseil d'Etat, par un arrêt du 6 juin 2001, avait estimé que, eu égard à l'importance que revêt la desserte d'une gare, dont l'intérêt dépasse largement le cadre de la commune où cette dernière est édifiée, le maire ne pouvait légalement réserver aux seuls taxis de sa commune le stationnement sur les emplacements réservés aux taxis devant la gare.

Cet arrêt du Conseil d'Etat permettait donc aux taxis extérieurs à la commune-centre de venir stationner devant la gare, en faisant ainsi une concurrence déloyale aux taxis locaux qui, souvent, ont acquis une autorisation de stationnement à titre onéreux à un prix nettement supérieur à celui des taxis extérieurs venant de communes rurales.

La loi du 20 janvier 1995 a donc été modifiée dans la mesure où le dépassement du cadre communal remettait en cause la logique de cette loi et risquait d'engendrer des situations conflictuelles entre conducteurs de taxis.

Toutefois, cette modification des textes ne remet pas en question le développement de zones de prise en charge plus importantes des clients, que le ministère de l'intérieur encourage au contraire vigoureusement. Ainsi, la circulaire du 15 mai 2001 relative au stationnement des taxis dans les cours de gare a enjoint aux préfets de susciter la création par les maires concernés de services intercommunaux de taxis.

Un tel service permet en effet aux taxis de desservir plusieurs communes après accord des maires, ceux-ci conservant néanmoins, dans le cadre de ce groupement, leur pouvoir de délivrance d'autorisations sur le territoire de leurs communes. Un modèle d'arrêté type de service intercommunal de taxis a d'ailleurs été transmis aux préfectures lors de la diffusion de cette circulaire.

En ce qui concerne la desserte des aéroports d'Orly, je rappelle que deux catégories de taxis sont admises à stationner : les taxis parisiens et les taxis de banlieue, chacune d'entre elles disposant d'un emplacement réservé.

S'agissant de la desserte de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, elle est en effet exclusivement assurée par les taxis parisiens, dont la zone d'activité couvre Paris et quatre-vingts communes de la région Ile-de-France.

Le préfet de police de Paris a été chargé, par arrêté du 10 novembre 1972 portant organisation de l'industrie du taxi dans la région parisienne, d'exercer les attributions en matière de taxis, à l'exception de celles qui sont relatives au tarif de location des voitures. Cet arrêté réserve donc au préfet de police le pouvoir de délivrer les autorisations de stationnement à l'aéroport de Roissy.

Dans ce contexte, les taxis communaux n'ont pas été admis à stationner dans l'enceinte de l'aéroport, du fait, notamment, qu'ils ne sont pas soumis au même régime tarifaire que les taxis parisiens. Ils perçoivent ainsi un droit de retour, alors que les taxis parisiens n'ont pas cette possibilité. Cela est d'ailleurs heureux pour les clients, car le prix de la course entre Roissy et Paris est déjà élevé !

La présence des taxis communaux à l'aéroport serait, en outre, source de conflits préjudiciables aux usagers. A cet égard, l'expérience de « cohabitation » entre taxis communaux et taxis parisiens menée à Roissy de mars à septembre 1974 a été particulièrement éclairante.

Les conducteurs qui refuseraient de prendre en charge des clients sont passibles de sanctions administratives pouvant aller de l'avertissement au retrait définitif de la carte professionnelle de conducteur de taxi, prises par la commission de discipline des taxis parisiens. Les services du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales veillent à la stricte application de la réglementation en la matière.

Par conséquent, et même si cela n'est peut-être pas la réponse que vous attendiez, madame le sénateur, il n'est pas envisagé à l'heure actuelle de modifier les modalités d'application de la loi du 20 janvier 1995 précitée, le dialogue restant toutefois bien sûr ouvert.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous deux souligné à quel point la législation relative à la desserte de l'aéroport Charles-de-Gaulle est complexe.

Certes, je suis toujours prête au dialogue, mais la réponse qui m'a été donnée ce matin témoigne d'une certaine fermeture. Elle m'a d'ailleurs semblé assez imprécise s'agissant des objectifs à atteindre.

J'estime qu'il convient de modifier la législation pour que justice soit rendue aux taxis du Val-d'Oise. Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 6 juin 2001, a estimé que la mesure prise par la ville de Vannes tendant à interdire aux taxis extérieurs à la commune de stationner sur les emplacements de la gare SNCF ne tient pas compte de la réalité du bassin de vie desservi par celle-ci. Il s'agit de répondre à une demande forte des usagers des gares et des aéroports.

Par ailleurs, le président du tribunal administratif de Rennes a suspendu l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine qui interdisait aux taxis extérieurs à la ville de Saint-Malo de prendre en charge des clients à la gare de cette ville. Le Gouvernement ferait bien, à mon sens, de ne pas attendre qu'une décision analogue soit prise en ce qui concerne l'aéroport de Roissy-en-France.

Ce retard dans la modernisation d'un service public entraîne actuellement des conséquences graves. Ainsi, de nombreux taxis clandestins s'organisent, parfois sur une base communautaire, pour se livrer à un véritable racket autour de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Les clients voulant se rendre non seulement à Paris, mais aussi dans le Val-d'Oise ou en Seine-et-Marne, devront-ils désormais recourir à de tels taxis clandestins ? Cette pratique se répand largement, monsieur le secrétaire d'Etat, et toute faiblesse à cet égard n'est plus acceptable. J'interrogerai de nouveau M. Sarkozy sur ce problème dès cet après-midi, en commission des finances.

Mme Hélène Luc. Très bien !

LENTEUR DE LA JUSTICE ET INDEMNISATION

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 342, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Marc Todeschini. Je souhaiterais souligner les conséquences dramatiques d'une « certaine lenteur » de notre justice. Mme Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sait à quoi je fais allusion.

L'incertitude devient de plus en plus grande, dans le bassin ferrifère lorrain, pour les familles frappées par les affaissements miniers. Après les cas de Moyeuvre-Grande, de Landres, de Nondkeil, d'Ottange et d'Auboué, je voudrais évoquer aujourd'hui le dossier des sinistrés de Roncourt, en Moselle.

Alors que, s'agissant de communes voisines, la mobilisation de fonds provenant de l'Etat, de l'exploitant Lormines et de l'assureur de celui-ci a permis d'apporter une réponse relativement rapide, à Roncourt, en revanche, soixante mois après le début du sinistre, cinquante-quatre dossiers ne sont toujours pas réglés.

En effet, dans cette commune, sinistrée du fait des affaissements miniers, les maisons de soixante-seize familles se sont fissurées et affaissées. Vingt-deux de ces familles ont commencé à être partiellement indemnisées, car leurs biens étaient « clausés », c'est-à-dire qu'ils étaient grevés d'une clause exonérant l'exploitant minier de sa responsabilité. L'Etat assurera leur indemnisation. Il faut cependant noter que ces familles ne seront indemnisées, dans le meilleur des cas, qu'à hauteur de 60 % à 71 % du chiffrage de l'expertise judiciaire.

Les cinquante-quatre autres familles ont, en février 1999, créé une association qui a introduit un référé devant le tribunal de grande instance de Metz en juillet 1999. Le président de celui-ci a pris une ordonnance désignant deux experts qui devaient rendre leur rapport en avril 2000. A ce jour, malgré de nombreuses relances du président du tribunal de grande instance et des courriers multiples des habitants de Roncourt concernés, aucun rapport définitif n'a encore été produit.

Or, arguant de cette procédure judiciaire en cours, les différents assureurs refusent aujourd'hui d'indemniser les habitants et de trouver un accord à l'amiable. Un tel retard, monsieur le secrétaire d'Etat, se traduit, pour ces cinquante-quatre familles de Roncourt, par des situations dramatiques sur les plans matériel et psychologique. Elles demandent simplement qu'un principe d'équité leur soit appliqué. Ainsi, nous répondrons à leurs attentes et nous leur démontrerons que notre justice sait surmonter ses « retards ».

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre les dispositions nécessaires, car, au travers de ce dossier, ce sont les conditions de vie quotidienne d'hommes et de femmes qui sont en jeu, et non pas de simples textes juridiques et techniques.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. le garde des sceaux, qui m'a demandé de vous dire combien il est sensible à la situation difficile que connaissent de nombreux habitants des communes de Roncourt et de Moyeuvre-Grande, en Moselle, dont les maisons ont effectivement subi des dégradations importantes à la suite d'infiltrations et d'inondations causées par l'affaissement des anciennes mines sur le terrain desquelles elles avaient été construites.

Les procédures engagées ont pour objet de déterminer les responsabilités et d'obtenir des indemnisations de nature à réparer l'intégralité des préjudices subis. La technicité des questions soulevées, confirmée par les pièces et mémoires nombreux que les parties échangent encore dans le cadre de certaines procédures, n'a malheureusement pas permis aux experts commis dans ces affaires d'aboutir à des avis définitifs sur la ou les responsabilités en cause.

Pour ce qui concerne les procédures portées devant le tribunal de grande instance de Metz, plusieurs prérapports ont toutefois déjà été déposés. Cela étant, comme vous le savez, monsieur le sénateur, le montant prévisible des indemnisations est extrêmement élevé, et la mise en jeu de la responsabilité doit donc s'appuyer sur des éléments de fait et de droit incontestables, afin que les décisions à intervenir ne puissent pas être remises en cause, au détriment des habitants sinistrés.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lors d'une réunion d'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Thionville, les experts ont demandé à être destinataires de l'ensemble des rapports et études réalisés par les services de l'Etat sur le secteur.

On ne saurait reprocher à ces experts de vouloir s'entourer de toutes les analyses techniques nécessaires pour mener à bien la mission qui leur a été confiée et de rechercher les preuves les plus solides pour étayer le rapport qu'ils devront soumettre à l'approbation du tribunal.

M. le garde des sceaux a cependant demandé au chef de la cour d'appel de Metz de porter une attention soutenue à l'évolution des procédures en cours et de faire en sorte que le suivi et le contrôle des expertises soient menés de manière particulièrement efficace, afin d'aboutir dans les meilleurs délais au jugement de ces affaires.

Les lenteurs que vous dénoncez n'en sont pas pour autant plus supportables, nous en convenons. C'est pour de telles circonstances que le législateur, dans sa sagesse, a étendu, par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, le champ d'intervention du fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse aux dommages immobiliers d'origine minière.

Une indemnisation plus rapide sera donc désormais possible pour les personnes propriétaires d'un immeuble occupé à titre d'habitation principale ayant subi des dommages survenus à compter du 1er septembre 1998 à la suite d'un sinistre minier constaté par arrêté préfectoral.

Un projet de décret prévoyant les modalités d'application de cette nouvelle disposition législative est en cours d'élaboration au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le président. La parole est à M. Jean-MarcTodeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu participé aux débats ayant permis l'élaboration de la loi relative aux risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, mais, aujourd'hui, les sinistrés ne peuvent plus attendre. On assiste à de véritables drames !

J'ai pris bonne note de votre réponse et de la vigilance dont il sera fait preuve pour que les rapports soient déposés dans les meilleurs délais. Cependant, voilà tout de même quelques années que la situation perdure ! Les habitants du bassin ferrifère, ceux de Roncourt et de Moyeuvre-Grande, mais aussi, peut-être, ceux du bassin nord, si par malheur le Gouvernement donnait l'autorisation d'ennoyage, et, au-delà, de tout le bassin houiller lorrain, lequel subira la montée des eaux d'exhaure lorsque l'exploitation cessera en Sarre, doivent être rassurés.

En effet, je le redis, la situation dans les bassins ferrifère et houiller est dramatique. Les gens se trouvent vraiment dans la détresse et ne peuvent plus attendre. Certains habitants ont le sentiment d'avoir été bernés par l'exploitant minier, à qui ils ont racheté leur maison et qui les a ensuite abandonnés à leur sort. Or ces personnes, parfois gravement affectées dans leur santé tant physique que psychologique, pâtissent maintenant des lenteurs de la justice. Celles-ci ne sont certes pas propres à cette affaire et sont peut-être liées à la technicité des questions soulevées, mais il importe vraiment que le Gouvernement suive de près ce dossier.

POLITIQUE EN FAVEUR DE L'ÉNERGIE ÉOLIENNE

M. le président. La parole est à M. Philippe François, auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

M. Philippe François. Madame la ministre, vous avez annoncé, au début du mois d'octobre, un programme visant à mettre en place une capacité de production de 10 000 mégawatts d'électricité d'origine éolienne d'ici à 2010, soit un investissement de 10 milliards d'euros.

Je conçois parfaitement la nécessité de respecter nos engagements internationaux, en particulier le protocole de Kyoto, même si certains autres pays, et non des moindres, ne l'ont pas signé, et de promouvoir une politique énergétique respectueuse de l'environnement. Dans cette optique, je reconnais que l'énergie éolienne doit avoir sa place.

Cependant, il paraît tout aussi nécessaire de structure l'offre. Ainsi, dans mon département, certaines personnes, voire certaines collectivités, ne sont pas loin de succomber au « mirage », financier bien sûr, de l'éolien.

En effet, des cartes d'implantations potentielles ont circulé dans la presse, semant la confusion ; les projets se multiplient, parfois même aux abords de monuments historiques, sans coordination et sans mesure précise du potentiel de vent sur les sites pressentis.

Or, si l'on veut que les implantations d'éoliennes réussissent, il est important que la population s'approprie ces projets, que la concertation prime et que les incidences des réalisations soient prises en compte dès le départ. Les éoliennes s'implanteront non pas partout où il y a du vent, mais dans les lieux où l'efficacité est la plus grande, cette dernière étant calculée grâce à des mesures circonstanciées. A cet égard, que pensez-vous, madame le ministre, des implantations offshore dans notre pays ?

Au-delà de la possibilité, pour les régions, de mettre en place un schéma éolien, au-delà de votre circulaire du 10 septembre dernier, je vous demande, madame la ministre, quelles sont les mesures que vous envisagez de prendre pour assurer la cohérence de l'implantation des éoliennes sur le territoire national, en tenant compte de la qualité des sites, de leur bonne insertion dans l'espace et de leur acceptation par les populations locales ? Seul le respect de ces critères permettra d'atteindre les objectifs fixés en matière de production d'énergies renouvelables.

Enfin, madame la ministre, j'aimerais, si toutefois la réflexion est suffisamment avancée, que vous me communiquiez les informations relatives au département de Seine-et-Marne dont vous disposez.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, la France est bien décidée à remplir les engagements internationaux qu'elle a pris, notamment le protocole de Kyoto, et à réaliser l'objectif que l'Union européenne lui a fixé, à savoir produire 21 % de notre électricité à partir des énergies renouvelables.

Pour atteindre cet objectif, nous devons notamment valoriser notre potentiel éolien, ce qu'a d'ailleurs très clairement démontré le grand débat national sur les énergies qui s'est tenu tout au long du premier semestre de cette année.

D'ores et déjà, j'ai pris un arrêté relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, qui prévoit, d'ici à 2007, l'installation des centrales éoliennes, dont certaines offshore - je réponds ainsi directement à votre question : nous sommes favorables au offshore -, pour une puissance de 2 000 à 6 000 mégawatts. A l'horizon de 2010, ce sont des capacités de production de près de 10 000 mégawatts qui devraient être installées.

J'ai également chargé la commission de régulation de l'énergie d'élaborer deux appels d'offres portant l'un sur l'éolien terrestre, l'autre sur l'éolien offshore, respectivement pour 500 mégawatts et pour 1 000 mégawatts, qui devraient être lancés avant la fin de la présente année.

Si les conditions sont donc réunies à l'échelon national, pour assurer le développement de l'éolien, il importe également, et vous avez évoqué ce point, qu'au plus près du terrain la concertation locale ait lieu. Je dirai même plus : aucun projet ne saurait voir le jour s'il venait à soulever l'hostilité des populations, exprimée à travers leurs élus locaux. Mes collègues chargés de l'environnement et de l'équipement et moi-même avons en effet adressé une circulaire aux préfets afin de clarifier le processus d'instruction des dossiers d'éoliennes.

Mes services sont bien entendu à la disposition des régions pour mettre en place des schémas éoliens, afin d'aboutir à cette cohérence que vous avez appelée de vos voeux, ce qui permettra à la fois d'identifier les zones où l'implantation des éoliennes apparaît optimale et de définir un objectif chiffré cohérent avec l'objectif national et le potentiel de vent de chaque région, car c'est tout de même un élément qui compte.

Ces schémas éoliens sont, je crois, très importants pour éviter l'anarchie que le démarchage de certains porteurs de projet non professionnels pourrait engendrer.

L'Etat veillera, par ailleurs, dans le choix des projets retenus dans le cadre des appels d'offres, à une répartition harmonieuse de ces projets sur l'ensemble du territoire.

Quant à la Seine-et-Marne, monsieur le sénateur, je puis vous confirmer que ce département ne fait pas partie des zones les plus propices en termes de potentiel de vent et devrait donc accueillir, si la population et les élus locaux le souhaitent, des projets en nombre modéré.

M. le président. La parole est à M. Philippe François.

M. Philippe François. Je vous remercie, madame le ministre, de votre exposé parfaitement clair et détaillé.

Le démarchage a déjà largement commencé. Il faut donc mettre en place rapidement l'orientation que vous vous êtes fixée.

Par ailleurs, je formulerai une remarque que je n'ai pas abordée à dessein dans ma question tout à l'heure : pourquoi y a-t-il un écart de prix entre le kilowatt qu'EDF vend au citoyen et celui qu'EDF rachèterait préférentiellement aux producteurs d'éoliennes ? Une telle question pourrait être posée au moment de l'examen du projet de loi de finances.

RÉDUCTION DE L'ALLOCATION

DE SOLIDARITÉ SPÉCIFIQUE

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 316, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, cela n'est en rien désobligeant à votre égard, mais je regrette vivement l'absence de M. François Fillon.

Au moment où le Président de la République, à Valenciennes, affirme que la fracture sociale risque de s'élargir, la signature de l'accord UNEDIC en septembre 2002 et l'annonce de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, créée en 1984 et versée aux chômeurs en fin de droits ASSEDIC, vont aggraver considérablement la situation.

Il s'agit d'une attaque en règle contre les chômeurs et les personnes les plus en difficulté au regard de l'emploi. C'est une attaque sans précédent depuis 1945 contre la protection sociale et le droit des salariés à une indemnisation en cas de chômage.

Ainsi, plus de 850 000 chômeurs seront touchés par ces mesures, dont plus de 300 000 dès le 1er janvier 2004. Parmi ces derniers, quelque 130 000 chômeurs basculeraient sur l'ASS, mais pour une durée très limitée : deux ans pour les nouveaux bénéficiaires et trois ans pour les autres.

Le nombre d'allocataires indemnisés par les ASSEDIC - chômeurs, préretraités, stagiaires en formation ou en conversion - a augmenté de 1,5 % au mois de septembre par rapport au mois d'août, selon les statistiques de l'UNEDIC. Sur un an, cette augmentation représente 8 %, soit 428 300 demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans. Ainsi, pour le Val-de-Marne, au 31 décembre 2003, sur les 54 300 demandeurs d'emploi que compte ce département, 3 840 personnes seraient en fin de droits. Pour les seules villes de Choisy-le-Roi, Orly, Villeneuve-le-Roi, Ablon et Thiais, elles seraient 595, dont 122 jeunes de moins de vingt-six ans et soixante de plus de cinquante ans. L'objectif annoncé de faire des économies à concurrence de 150 millions d'euros dès 2004 afin de financer la baisse des impôts des plus riches se fera au détriment exclusif des bénéficiaires des allocations. Cela est inadmissible.

Inquiets, choqués, désemparés, les chômeurs apprennent ces mesures avec consternation. Mais, après l'abattement, c'est la colère. La décision a été prise de repousser la réforme au mois de juillet 2004, à la suite des protestations, y compris dans les rangs mêmes de la majorité, le président de l'UDF ayant qualifié cette mesure de « signal désastreux ».

L'accès direct pour certains chômeurs au revenu minimum d'activité, le RMA, dès janvier prochain n'est qu'une mesure placebo destinée à mieux cacher l'injustice de cette mesure et la flexibilisation accrue du marché du travail. C'est la précarité de l'emploi qui est érigée en système, sans compter que, pour avoir droit au RMA, il faudra auparavant bénéficier du RMI. Or une grande partie des personnes en fin de droits dès 2004 ne pourront y prétendre. Les populations les plus touchées seront les jeunes et les personnes de plus de cinquante ans, alors même que nous connaissons les grandes difficultés qu'ils rencontrent pour trouver du travail.

Vous voulez faire assumer, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom du Gouvernement, le coût de vos mesures aux seuls demandeurs d'emploi ; cela relève de l'injustice sociale. La France ne doit plus se satisfaire de ces conditions de l'emploi en constante dégradation, qui accentuent la misère, minent les Françaises et les Français, mais aussi l'économie.

La paupérisation croissante des demandeurs d'emploi mais aussi des salariés doit cesser. C'est pourquoi je vous demande, avec fermeté et détermination, me faisant l'interprète de la colère des chômeurs, de retirer cette mesure et d'engager au plus vite des négociations avec les partenaires sociaux, mais également avec les associations représentatives de chômeurs comme l'APEIS, le MNCP, AC !, la CGT-Chômeurs, qui viennent de lancer un appel commun en demandant un « Grenelle » de l'assurance chômage pour une indemnisation juste et solidaire du chômage. Monsieur le secrétaire d'Etat je vous demande donc de revenir immédiatement, au nom du Gouvernement, sur la décision de réduire l'allocation spécifique de solidarité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Fillon, retenu, qui m'a chargé de le représenter aujourd'hui et de répondre à votre question.

D'abord, je voudrais vous livrer la réflexion qui m'est venue à l'esprit en vous écoutant : que de chemin parcouru, madame Luc ! En effet, votre référence est aujourd'hui le président de l'UDF. Les temps ont bien changé. Il faudra que nous nous y habituions...

Vous avez appelé l'attention du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la réduction de l'allocation spécifique de solidarité. L'objectif de la réforme de l'ASS, comme de l'ensemble de la politique de l'emploi que le Gouvernement mène depuis dix-huit mois, est de donner la priorité au retour à l'emploi.

Or, lorsque l'on est au chômage depuis plusieurs années, on a besoin non seulement d'une allocation, mais aussi d'un vrai dispositif d'insertion qui puisse ouvrir une réelle perspective à l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous mettons en place le revenu minimum d'activité. Dès l'année prochaine, le RMA offrira une solution pour tous les allocataires de l'ASS arrivant au terme de leurs droits à indemnisation. Ces allocataires seront donc éligibles, sans avoir à satisfaire une condition d'ancienneté dans le RMI. Nous procéderons aux ajustements nécessaires dans le projet de loi qui sera prochainement discuté à l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, madame le sénateur, pour les allocataires de l'ASS qui ne seront pas concernés par la réforme en 2004 et qui sont la grande majorité, toutes les mesures pour l'emploi, en particulier les contrats initiative-emploi pour lesquels le projet de loi de finances prévoit des crédits supplémentaires dès 2004 - 110 000 contrats au lieu de 70 000 -, seront mobilisées prioritairement, et le suivi par l'ANPE sera renforcé.

Tels sont les éléments d'information dont M. Fillon, par ma voix, souhaitait vous faire part.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. A l'évidence, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne peut me satisfaire. Mieux, elle me conforte dans l'idée que le Gouvernement veut maintenir ses mesures au détriment, je le répète, des plus démunis et des plus faibles. Et le fait de repousser leur application, si c'est une mesure de recul, ne peut en aucun cas rassurer les demandeurs d'emploi.

Le basculement vers le RMA ne nous leurre pas, d'autant qu'il fait peser le coût de cette réforme sur les collectivités locales, les conseils généraux en premier lieu.

Mme Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, a déclaré : « Ce qui permet aux gens de se réinsérer vraiment dans la société, c'est le travail. Si l'on n'a pas de travail, on est exclu. » Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, on est exclu, et l'hiver approche avec son cortège de souffrances et de morts.

Pourtant, les nouveaux chiffres officiels du chômage sont éloquents : encore 1 % de hausse, soit près de 10 % de chômeurs en France. Je veux souligner l'absence de toute politique volontariste en faveur de l'emploi, le Gouvernement ayant une part active dans la montée du chômage. L'accord qui est en train d'être conclu avec une entreprise chinoise et aux termes duquel la production des téléviseurs Thomson ne se ferait plus en France en est un exemple. Je songe aussi à la suppression des emplois-jeunes et à la casse du statut des intermittents du spectacle. L'exemple le plus flagrant est celui des aides-éducateurs, qui ne sont pas tous remplacés dans le secondaire, alors que de nombreux contrats prennent fin en décembre 2004 et que près de la moitié des 14 000 recrutements prévus dans le primaire n'ont pas encore été effectués. Je parle de l'emploi des jeunes. Monsieur le secrétaire d'Etat, demandez au Gouvernement de retirer cette mesure.

Actuellement, de nombreuses actions sont menées à travers la France afin de protester contre la précarisation des chômeurs et, au-delà, contre la précarisation de l'emploi dans son ensemble. Le 13 novembre, une nouvelle journée d'action nationale sera organisée. Des demandeurs d'emploi continuent leur action. Le groupe communiste républicain et citoyen les soutiendra. J'étais à leurs côtés lors de leur dernière manifestation devant le MEDEF. Je serai encore à leurs côtés le 13 novembre.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je le répète, demandez au Gouvernement de retirer cette mesure pour le bien des chômeurs, de l'économie de la France et pour mettre en accord vos actions avec vos paroles. Je pense en particulier à celles que le Président de la République a prononcées, à Valenciennes, sur la fracture sociale, car ces mesures accentuent la fracture sociale.

PRÉRETRAITES PROGRESSIVES D'ARCELOR

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la question n° 346, transmise à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question concerne la révision du taux de participation des entreprises pour les salariés d'Arcelor entrant dans le dispositif des préretraites progressives.

Issu d'un accord signé en 1995 par les organisations syndicales et par le président d'Usinor de l'époque, qui était, je le rappelle, l'actuel ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Francis Mer, ce dispositif prévoyait un taux de participation de 5 % à 8 % selon la réalité des entreprises et les efforts consentis pour l'embauche de public prioritaire.

Or le nouveau taux imposé par le Gouvernement est passé à 26 %, ce qui a immédiatement fait réagir les directions d'entreprises. Celles-ci ont fait savoir aux directions départementales du travail et de l'emploi qu'elles ne feraient plus de demandes de préretraites progressives, les jugeant trop chères.

La direction d'Arcelor est donc revenue sur ses engagements de 1995 et a mis fin unilatéralement à cet accord, qui devait se poursuivre jusqu'au 31 décembre 2004.

Cette décision a été unanimement condamnée par les syndicats et par les élus, car elle met fin à un dispositif très apprécié des salariés, qui a prouvé son efficacité dans la gestion de fin de carrière et qui a permis non seulement d'éviter les licenciements, mais aussi d'embaucher de jeunes lorrains.

En outre, cette mesure intervient dans un environnement économique très difficile pour la Lorraine, puisque le groupe Arcelor avait annoncé en début d'année la fermeture à l'horizon 2010 de ses sites continentaux : pour la France, en Moselle, les hauts-fourneaux d'Hayange, l'aciérie et le train à bandes de Serémange-Erzange.

De plus, la semaine dernière, une nouvelle réorganisation a été annoncée. Celle-ci se soldera par la suppression de 450 à 600 postes d'ici à 2006 pour la Lorraine. Un rythme « malheureusement habituel ces dernières années », tel que le décrit la presse.

C'est donc un nouveau coup dur pour la Lorraine dont je suis élue, région fortement touchée où l'on ne compte plus les mesures de restructuration ni les annonces de plans sociaux qui s'accumulent et succèdent aux fermetures d'usines.

Monsieur le secrétaire d'Etat, cette nouvelle décision négative est très mal ressentie par les Lorrains ; elle touche à nouveau un symbole fort de notre région, à savoir la sidérurgie. Aussi, nous souhaiterions connaître les intentions du Gouvernement sur cette question.

Entendez-vous revoir le montant du taux de participation des entreprises passé de 8 % à 26 % ? Si ce n'est pas le cas, entendez-vous prendre des mesures persuasives à l'égard d'Arcelor pour que la direction mène à son terme l'accord signé ? Ou alors vous substituerez-vous à Arcelor pour que les salariés continuent à bénéficier, comme prévu, de ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2004 ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la question de la fin des préretraites progressives, au regard des engagements pris dans l'accord dit « CAP 2010 » à Arcelor.

Cet accord prévoit en effet une réduction progressive d'activité pour les salariés du groupe, d'abord financée par l'entreprise et le salarié et, à partir de cinquante-cinq ans, dans le cadre de la procédure de la préretraite progressive, la PRP. Cet accord prévoit l'entrée dans le dispositif des salariés jusqu'à la classe d'âge 1950.

Il convient d'abord, madame le sénateur, d'observer que cet accord de 1995 a été conclu entre l'entreprise et ses salariés. L'Etat n'en était pas partie prenante. De plus, cet accord ne fixe pas de taux de financement par l'Etat du dispositif qui est mis en oeuvre par l'entreprise.

La loi portant réforme des retraites dispose que la procédure PRP est maintenue jusqu'au 31 décembre 2004. Toute entreprise peut jusqu'à cette date obtenir une convention financée en partie par l'Etat. Le groupe Arcelor peut donc obtenir des PRP pour l'ensemble des classes d'âge 1948, 1949 et 1950.

Il est vrai que les taux de contributions des entreprises ont été augmentés afin de mieux responsabiliser les entreprises dans leur recours à tous les systèmes de préretraites. Il ne peut être question d'accorder une dérogation financière particulière à Arcelor parce que sa situation financière ne le justifie pas.

A ce stade, le groupe a sollicité l'Etat pour obtenir les conventions PRP, uniquement pour certains établissements du groupe. Par ailleurs, il a souhaité engager une négociation avec les syndicats sur les modalités de cessation d'activité.

Il n'appartient donc pas au Gouvernement de prendre position sur cette négociation. Le ministère incite les entreprises à développer le dialogue social, notamment sur ces questions des seniors. Il ne souhaite pas intervenir dans cette négociation.

Tels sont, madame le sénateur, les éléments d'information dont je souhaiterais vous faire part.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, ne me satisfait pas entièrement : les entreprises peuvent faire un peu ce qu'elles veulent ! Elles ont signé un accord qui devait courir jusqu'en 2004, mais elles ne le respectent pas, et ce n'est pas pour des raisons financières, comme vous venez de le dire.

Ces mesures vont encore et toujours à l'encontre des chômeurs, puisque cette procédure aurait pu permettre l'embauche de jeunes chômeurs en remplacement des personnes partant en préretraite.

MANQUE DE STRUCTURES D'ACCUEIL

POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

EN LANGUEDOC-ROUSSILLON

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 350, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Simon Sutour. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le retard du département du Gard en matière de structures d'accueil pour enfants inadaptés et adultes handicapés.

Les représentants de la caisse régionale d'assurance maladie ainsi que différents témoignages de parents m'amènent à l'alerter sur cette situation. En effet, les taux d'équipements dans le Gard démontrent un retard par rapport au reste de la France. Ainsi, le taux d'équipement pour les enfants inadaptés est de 8,27 pour 1 000 habitants de moins de vingt ans dans le Gard alors qu'il est de 8,90 au niveau régional et de 8,44 au niveau national.

Le retard du département du Gard est patent également pour les structures pour adultes : le ratio gardois est de 0,48 pour 1 000 habitants entre vingt et soixante ans, alors qu'il atteint 1,24 au niveau régional et 0,70 au niveau national.

Ces chiffres bruts, s'ils démontrent le retard objectif du Gard concernant l'accueil des handicapés, masquent une réalité plus lourde : le désarroi, les difficultés de centaines de parents gardois. Au handicap vient en effet s'ajouter l'éloignement, lorsque les familles ne trouvent des structures que dans d'autres départements ou, simplement - et c'est souvent le cas - l'attente d'une structure d'accueil. La solitude face à la gestion quotidienne du handicap dans des domiciles inadaptés et la nécessité pour l'un des parents d'abandonner son activité professionnelle alourdissent encore les conséquences du handicap.

Ce déficit en matière de structures d'accueil impose une réponse budgétaire très ambitieuse afin de financer les lits et les places autorisés les années précédentes, mais non financés, et prendre en compte les taux de sur-occupation des établissements.

L'Union européenne a consacré en 2003 la situation des handicapés « grande cause européenne ». Je demande donc à M. le ministre de bien vouloir m'indiquer quelles sont les mesures budgétaires envisagées pour que, en 2004, les handicapés gardois et leurs familles aient le sentiment que, au-delà des mots et des slogans, cette cause est non pas seulement européenne, mais aussi française et un peu gardoise !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention de M. Jean-François Mattei sur le manque de structures accueillant des personnes handicapées dans le département du Gard et, plus généralement, dans le Languedoc-Roussillon. Je puis à cet égard vous apporter certains éléments de réponse.

La région Languedoc-Roussillon accuse, il est vrai, un déficit de places pour les personnes handicapées, ce qui oblige parfois les familles à rechercher des solutions de placement dans d'autres régions. Le Gouvernement, conscient de cette situation difficile, entend mettre fin à ces disparités territoriales en matière d'équipements médico-sociaux dédiés à l'accueil des enfants et des adultes handicapés. Mais le rattrapage, monsieur le sénateur - il ne faut pas se leurrer -, demandera plusieurs années.

Dès 2003, des moyens importants ont été engagés par l'Etat et l'assurance maladie pour répondre aux besoins des personnes handicapées et aux attentes légitimes de leur famille. Ce sont les préfets de région, en liaison avec les préfets de département, qui élaborent les programmations interdépartementales pluriannuelles mettant en perspective les actions à réaliser et établissent un ordre de priorité.

Pour commencer à remédier à cet état de fait, nous avons décidé de doubler, d'ici à la fin de l'année 2003, les crédits consacrés à financer des places nouvelles pour les adultes lourdement handicapés. Ces crédits correspondent à un objectif de création de 2 200 places en maisons d'accueil spécialisé, les MAS, en foyers d'accueil médicalisé, les FAM, et de 3 000 places en centres d'aide par le travail, les CAT.

Grâce à la répartition de ces moyens nouveaux, les difficultés rencontrées en Languedoc-Roussillon ont été spécialement prises en compte par le Gouvernement, puisque la région bénéficie de crédits dont le montant est cinq fois supérieur à ceux de 2002. Ainsi, 3,47 millions d'euros ont été consacrés à la création de 107 places supplémentaires de MAS et de FAM, dont 51 places nouvelles dans le département du Gard. La région bénéficie également de 1,49 million d'euros de crédits d'Etat pour la création de 149 places nouvelles de CAT, dont 48 places dans le département du Gard.

Les crédits d'assurance maladie du plan triennal en faveur des enfants, des adolescents et des adultes handicapés et des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile, les SESSAD, sont également renforcés cette année : ils s'élèvent, sur le plan national, à 48,70 millions d'euros.

Pour ce qui concerne la région Languedoc-Roussillon, au 1,20 million d'euros de crédits annuels prévus pour la création de places nouvelles s'ajoute une enveloppe complémentaire de 0,91 million d'euros permettant d'accélérer la création de places en SESSAD et pour enfants polyhandicapés.

Le Gouvernement entend poursuivre, en 2004, les efforts déjà menés en matière de création de places nouvelles dans cette région.

Grâce au projet de loi relatif aux droits des personnes handicapées qui sera discuté au Parlement en 2004, des dispositions très précises, individuelles et collectives, en matière de compensation des conséquences du handicap seront apportées.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Je ne doute ni de votre volonté personnelle ni de la réalité des chiffres que vous avez bien voulu me communiquer, mais ces efforts ne sont malheureusement pas perçus sur le terrain.

Quelle est la réalité ? Tous les jours, les familles comptant un enfant inadapté ou une personne handicapée rencontrent des problèmes. Il existe un retard considérable dans le Gard et en Languedoc-Roussillon. Il faut donc multiplier les mesures de rattrapage.

De manière plus générale, le Languedoc-Roussillon est la région de France dont le produit intérieur par habitant est le plus faible. Il ne faudrait pas que la situation des handicapés s'aggrave et que cette sorte de fracture territoriale s'accentue encore.

DIFFICULTÉS

DEL 'ASSISTANCE PUBLIQUE-HÔPITAUX DE PARIS

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 319, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, les milliers de décès provoqués par la canicule sont le révélateur des carences et dysfonctionnements graves de l'ensemble du système de santé publique de notre pays. Personne ne peut dire le contraire.

Paris a payé un tribut particulièrement lourd à la crise sanitaire qui a endeuillé l'été 2003. Cela a mis en évidence le fait que la diminution des moyens attribués à l'ensemble du système sanitaire a considérablement fragilisé notre capacité de réponse aux besoins de santé, tout particulièrement quand il s'agit de faire face à des événements exceptionnels.

En ce qui concerne l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, l'AP-HP, qui représente à elle seule la moitié de l'hospitalisation francilienne, le déficit structurel s'élèvera à 240 millions d'euros pour la seule année 2003, et le déficit cumulé à 390 millions d'euros. Cela résulte de sous-dotations budgétaires successives dans le cadre d'une péréquation interrégionale et intrarégionale. A la fin du mois de septembre, 3899 lits étaient fermés, soit 16 % de la capacité totale, dont la moitié par manque de personnels, ce qui a entraîné une baisse d'activité de 2,2 %. Les délais de rendez-vous s'allongent, certaines prises en charge non urgentes sont reportées, l'accueil aux urgences est de plus en plus difficile, et je pourrais malheureusement continuer cette longue énumération si le temps ne m'était pas compté.

Ce contexte, déjà très inquiétant, est aggravé par les directives que le Gouvernement a adressées à la directrice de l'AP-HP et par lesquelles il exige que celle-ci réalise une économie structurelle de 240 millions d'euros sur quatre ans, c'est-à-dire 60 millions d'euros par an. La répartition de ce plan d'économie par hôpital vient d'être connu et fait l'objet de réactions très vives, dont la presse s'est fait l'écho, de la part des professionnels, en particulier des médecins, qui considèrent qu'il n'y a plus de marge de manoeuvre, sauf à affaiblir sérieusement la qualité des soins.

Il faudrait au contraire 130 millions d'euros supplémentaires, ne serait-ce que pour couvrir les nouvelles dépenses obligatoires.

Il ne peut résulter de cette situation qu'une nouvelle régression de l'offre de soins et de l'emploi que dénoncent par avance le maire de Paris et son adjoint à la santé, mon ami Alain Lhostis.

Cette crise sans précédent de l'AP-HP fragilise le climat social, menace la qualité des soins et obère la capacité de l'institution à se moderniser. L'engagement exceptionnel des personnels, qui a été salué par tous cet été - chacun y était allé de son petit couplet -, méritait assurément une autre réponse. Un plan d'urgence s'impose.

Je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, si le Gouvernement compte revenir sur les directives récentes. Par ailleurs, envisage-t-il de prendre des mesures afin de mettre en place une dotation exceptionnelle en vue de combler le déficit ainsi qu'une politique budgétaire pérenne, seule solution immédiate susceptible de permettre à l'AP-HP de faire face à ses obligations de service public ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, vous avez attiré l'attention de M. Jean-François Mattei, dont je vous prie d'excuser l'absence, sur la situation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris. Je voulais porter à votre connaissance certains éléments de réponse.

Premier établissement hospitalier français, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris dispose d'un potentiel humain et médical exceptionnel qu'il faut préserver. Sa situation financière est toutefois préoccupante, et elle doit être redressée.

Premièrement, l'AP-HP dispose d'un potentiel exceptionnel qui lui assure une place de premier plan, en France, mais aussi dans le monde. Ce potentiel repose sur sa capacité à développer une recherche clinique performante en étroite relation avec des équipes de recherche institutionnelles de grande qualité, sur sa fonction de recours ultime, à l'échelle nationale, dans un grand nombre de situations diagnostiques et thérapeutiques, ainsi que sur son rayonnement en matière d'évaluation et de diffusion de l'innovation comme de formation.

Deuxièmement, il reste que l'AP-HP est aujourd'hui dans une situation financière qui compromet son avenir. Je citerai deux chiffres : le déficit d'exploitation cumulé s'élevait à 140 millions d'euros à la fin de l'année dernière ; l'insuffisance de base ressortait à 250 millions d'euros en 2003, sans mesures correctives.

Aujourd'hui, il faut agir pour donner à l'établissement les moyens d'un retour durable à l'équilibre financier. C'est à cette condition - et à cette condition seulement - qu'il sera à même d'assurer sa mission de service public, dans l'unité et en cohérence avec l'ensemble de l'offre de soin disponible en Ile-de-France.

Il apparaît raisonnable que l'effort de redressement de l'AP-HP s'inscrive dans un contrat d'engagement réciproque de retour à l'équilibre impliquant l'Etat et l'établissement lui-même. Loin d'être discriminant pour l'AP-HP, le contrat qui lui est proposé vise à l'accompagner dans son redressement sans brutalité, mais aussi sans concession.

De son coté, l'AP-HP s'engagera, sans délai, dans un effort de rationalisation et de productivité. Cet effort doit conduire à réaliser une économie structurelle cumulative de 60 millions d'euros par an de 2004 à 2007. Par ailleurs, la vente d'actifs immobiliers ne servant pas aux activités médicales permettra de couvrir le déficit d'exploitation.

En contrepartie, l'Etat a pris des engagements. Dès 2004, la péréquation précédemment appliquée à la dotation globale de l'AP-HP, et à celle de l'Ile-de-France tout entière, sera supprimée. Une amélioration de sa base budgétaire de 230 millions d'euros en quatre ans lui sera accordée, hors dotations exceptionnelles liées aux plans nationaux.

Il s'agit donc non pas de stigmatiser l'AP-HP et les personnels qui y consacrent leur énergie, mais au contraire de sortir du cercle vicieux qui consistait à considérer que la taille et la complexité de la stucture constituaient, à elles seules, un motif suffisant pour ne pas regarder la situation en face.

C'est parce que nous croyons en l'unité de l'AP-HP et en son formidable potentiel que nous avons souhaité établir un plan réaliste de redressement. L'Etat et l'AP-HP ont décidé d'assumer leurs responsabilités.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait nullement. En effet, les difficultés financières rencontrées par l'AP-HP résultent des sous-dotations financières successives. Faire croire qu'elles proviendraient de gaspillages est vraiment hors de propos !

L'hôpital public a certes besoin d'évoluer pour faire face à l'accroissement des besoins en matière de santé et aux progrès de la science. Cette évolution nécessite des moyens, qui sont actuellement refusés, et les personnels sont bien placés pour savoir qu'ils sont actuellement dans l'incapacité de faire face aux demandes.

Il faudrait engager une grande réforme de l'hôpital public et de la sécurité sociale, garantissant des moyens à la hauteur des besoins. Mais, en ce qui concerne l'hôpital, un plan d'urgence s'impose.

S'agissant plus spécifiquement de la politique en direction des personnes âgées, par exemple, il faut créer un grand service public de maintien à domicile garantissant la coordination entre les différents dispositifs médico-sociaux publics et libéraux et organiser des réseaux de soins entre les centres de santé, la médecine de ville et les services hospitaliers. Tout cela ne correspond absolument pas au plan d'économie que vous proposez.

Si, par exemple, la ville de Paris fait des efforts considérables pour apporter une réponse spécifique aux personnes âgées, l'Etat doit prendre ses responsabilités.

L'hôpital répond à des besoins urgents auxquelles il faut faire face. Aussi, dire que l'AP-HP doit redresser sa situation financière comme si elle laissait filer les dépenses et comme si des économies étaient possibles me paraît indécent.

Membre du conseil de surveillance d'un grand hôpital de l'AP-HP, l'hôpital de la Salpêtrière, je peux vous assurer que si, chaque année, les dépenses excèdent les recettes, c'est imputable non pas à une gabegie dans la gestion de l'hôpital, mais à l'insuffisance de la dotation de l'Etat, qui refuse de prendre ses responsabilités.

RÉPARTITION DE LA DOTATION

GLOBALE DE FONCTIONNEMENT

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 314, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est toujours avec un intérêt passionné que je lis les rapports présentés par M. Joël Bourdin, au nom de l'observatoire des finances locales, car ils constituent une mine inépuisable de renseignements. Force est de constater que le rapport de l'année 2003 n'échappe pas à cette règle.

C'est ainsi que l'on y apprend quel fut, pour l'exercice 2001, le niveau cumulé de la dotation générale de fonctionnement, la DGF, et du Fonds national de péréquation, le FNP, pour les communes et leurs groupements par strate de population.

Il apparaît que les onze villes de plus de 200 000 habitants - dont la vôtre, monsieur le président -, qui totalisent une population de 5 679 000 habitants, ont perçu 1,613 milliard d'euros, soit plus que les 27 371 communes de moins de 1 000 habitants, qui représentent pourtant une population totale de 9 746 000 habitants.

Des chiffres plus récents nous indiquent que la seule ville de Paris, en 2003, a perçu 679 millions d'euros de DGF, que le montant moyen de la DGF par habitant versée aux communes de métropole s'élève à 184,58 euros, que, dans toutes les villes de plus de 100 000 habitants, le montant moyen de DGF par habitant est très supérieur à 184 euros, ce montant étant, à Paris, supérieur à 300 euros par habitant.

Comment se fait-il que la DGF soit aussi inégalement répartie sur le territoire national ? Pourquoi les grandes villes disposent-elles d'une DGF par habitant souvent deux fois plus élevée que les communes rurales ? Pourquoi les communes urbaines perçoivent-elles une DGF par habitant quatre fois plus élevée que les communautés de communes, les commautés de communes rurales notamment ?

A ces questions, nous avons quelques réponses.

Lors de la création de la DGF, les villes ont été triplement avantagées : d'abord, par l'octroi d'une dotation ville-centre ; ensuite, par l'application d'un coefficient multiplicateur pour le nombre d'habitants - ainsi, un Parisien équivaut à deux habitants de ma modeste commune meusienne - ; enfin, par la mise en place d'une garantie de progression minimale qui entraîne invariablement une hausse, fût-elle minime, de la dotation forfaitaire pour toutes les communes, y compris pour les grandes villes, pour lesquelles il aurait peut-être pu être envisagé de la diminuer.

Par ailleurs, le mouvement péréquateur de la DGF a été stoppé net, les collectivités les plus favorisées ne souhaitant pas qu'il se poursuive.

Comment, dès lors, s'étonner qu'à Paris, notamment, la fiscalité directe soit aussi faible, les taux de la taxe d'habitation et de la taxe sur le foncier bâti y étant, par exemple, quatre fois moins élevés qu'à Lille et même deux fois moins élevés que dans mon modeste village ?

C'est probablement pour cette raison que Paris peut se permettre des dépenses somptuaires alors que cet argent pourrait permettre de doubler la DGF qui est perçue par des centaines de communes bien modestes.

Au moment où l'intercommunalité est acceptée par tous, l'heure est venue de répartir sur des bases saines et équilibrées les dotations de l'Etat, dans l'esprit de péréquation qui doit prévaloir sur tout notre territoire.

L'effet pervers de la situation actuelle ne fait qu'accroître le fossé qui existe entre les collectivités riches et celles qui, en raison de calculs reposant sur des bases historiques et non adaptées, ne cessent de s'appauvrir.

Madame la secrétaire d'Etat, il est grand temps d'envisager une réforme de la DGF afin de mettre fin à une répartition aussi inégalitaire : diminuer un peu l'argent que l'on donne aux communes qui en ont le plus sera indolore pour elles, alors qu'en donner un peu plus à celles qui en ont véritablement besoin devient une ardente et urgente nécessité. Je compte sur le Gouvernement pour que, enfin, la justice et la solidarité triomphent.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez relevé, dans le rapport publié en juin 2003 par l'observatoire des finances locales, que des écarts importants de dotation par habitant existent entre les communes en fonction de leur population.

Les écarts sont, en effet, de 1 à 1,8 entre les communes de moins de 1 000 habitants, qui bénéficient de dotations cumulées pour un montant moyen de 137 euros par habitant, et les communes de plus de 200 000 habitants, pour lesquelles ce montant est de 249 euros par habitant.

Vous vous interrogez à juste titre, monsieur le sénateur, sur le bien-fondé de ces écarts et sur les mesures envisageables pour y mettre fin s'il apparaît qu'ils sont injustifiés.

Je vous précise tout d'abord que les évolutions récentes vont dans le sens d'une réduction de ces écarts. Les écarts que vous évoquez reflètent pour l'essentiel une situation historique, celle de la DGF d'avant la réforme de 1993, qui a constitué la dernière grande réforme de la DGF.

De fait, la dotation globale de fonctionnement antérieure à 1993 était basée sur un dispositif dans lequel figurait une dotation dite « de base », qui était proportionnelle à la population mais pour laquelle était appliqué un coefficient multiplicateur d'autant plus élevé que la commune appartenait à une strate de population élevée.

La réforme de 1993 a mis fin à ce mécanisme. Les écarts de dotation par habitant entre strates n'ont depuis cessé de se réduire. Plus encore, la création, en 1995, du Fonds national de péréquation a accentué cette réduction des écarts puisque la répartition de cette dotation conduit à privilégier les petites communes par rapport aux grandes. Les communes de moins de mille habitants ont ainsi bénéficié en 2003 d'environ 22 euros par habitant au titre du FNP contre 11 euros par habitant pour les communes de plus de deux cent mille habitants.

Au demeurant, l'analyse des écarts de dotations par habitant entre strates ne doit pas être déconnectée de celle des écarts de charges entre les communes. A cet égard, il faut souligner que les charges de fonctionnement et d'investissement sont corrélées à la taille démographique des communes. Les grandes villes assument ainsi un certain nombre de charges qui ne pèsent pas sur les budgets des petites communes. Les études économétriques disponibles montrent d'ailleurs que ces écarts de charges sont supérieurs aux écarts constatés en matière de dotations par habitant.

Il faut donc se garder d'une vision « uniformisante » des dotations. Il n'y aurait aucune légitimité ni aucune équité à allouer indistinctement une dotation par habitant uniforme sans tenir compte des différences de richesse et de charges entre communes.

Dans cette perspective, le Gouvernement souhaite poursuivre en 2004 la réforme des dotations qui sera engagée dans le projet de loi de finances pour 2004. Cette seconde étape à venir sera particulièrement axée sur la réforme des dotations de péréquation. Un sujet essentiel sera le réexamen des critères de ressources, mais aussi de charges utilisés pour répartir ces dotations. Je vous propose en conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, que la question de la nécessaire péréquation qui doit être poursuivie en direction des communes rurales soit examinée dans ce cadre.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse dans laquelle vous avez tenté de me rassurer. Je ne le suis pas totalement, bien sûr, quoique le souhait du Gouvernement soit, à l'évidence, de réduire un peu ces écarts. Cela va dans le bon sens.

Quoi qu'il en soit, au moment où l'intercommunalité prend son élan, je crois qu'il serait bon d'accélérer la réduction de ces différences importantes qui existent entre les communautés de communes urbaines et les communautés de communes rurales.

En tout cas, j'espère que l'on va poursuivre dans le sens que vous venez de m'indiquer, et que nous retrouverons l'équilibre nécessaire.

J'ajouterai que M. le ministre de l'intérieur m'a renvoyé, à deux reprises, à la dotation globale d'équipement du département s'agissant de ponts détruits pour faits de guerre et non reconstruits depuis soixante ans, sans pour autant que ladite dotation ait été modifiée en quoi que ce soit. Comprenez que le département que je représente rencontre des difficultés énormes !

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)