Le dernier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est supprimé.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si l'Assemblée nationale n'avait pas cru devoir ajouter au texte du Gouvernement ce qui est devenu l'article 1er B, cela nous aurait dispensés de le critiquer.
Aux termes de cet article, il n'est plus nécessaire de motiver les refus de visas opposés aux étudiants étrangers. Cela paraît tout de même incroyable ! En effet, nous avons besoin que des étudiants viennent en France ; c'est l'intérêt du pays ! Il y va de son rayonnement. C'est également très important pour la recherche française.
Monsieur le ministre, vous avez dit ce matin que, s'il fallait faire venir des étudiants étrangers, il fallait aussi qu'ils repartent ensuite dans leur pays. Cela mérite débat. Après tout, les hommes et les femmes qui viennent étudier en France peuvent avoir des raisons d'y faire leur vie, et c'est plutôt, pour notre pays, un enrichissement. Vous me direz que ce peut être, à l'inverse, un appauvrissement pour leur pays d'origine. Certes. Cependant, si nous pouvons souhaiter que beaucoup retournent dans leur pays parce que celui-ci a besoin d'eux, il n'en demeure pas moins qu'ils ont le droit de faire un autre choix.
J'ajoute au passage que nos services d'urgence - dont on a beaucoup parlé cet été et dont on parlera encore puisqu'une commission d'enquête et une mission d'information ont été constituées dans nos assemblées parlementaires sur les conséquences de la canicule -, qui n'étaient pas toujours aussi bien équipés qu'il le fallait, étaient bien contents de pouvoir compter sur des médecins étrangers ; au demeurant, cela n'est pas vrai seulement dans les services d'urgence.
Il est dit dans le rapport que le nombre de visas étudiants a plus que doublé depuis 1998, passant de 29 000 à 65 000 en 2002. Tant mieux !
Pour ceux qui sont accordés, il n'y a pas besoin de motivation, mais, en cas de refus, il est normal que l'intéressé puisse éventuellement exercer un recours.
M. le rapporteur nous dit que cela donnerait beaucoup de travail aux consulats. Eh bien oui, c'est vrai, le respect des droits légitimes, des droits qui doivent être protégés par la loi, implique certains efforts. Evidemment, il est toujours plus facile de s'en dispenser !
Un motif, c'est vite donné : il suffit de deux ou trois mots. Mais il est tout de même légitime que continuent à être motivés les éventuels refus. C'est pourquoi nous demanderons la suppression de cet article 1er B, dont le dispositif n'était nullement prévu dans le projet de loi initial.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 125 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 235 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Michèle André, pour défendre l'amendement n° 125.
Mme Michèle André. J'ajouterai quelques précisions à l'argumentation que vient de développer mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt.
L'article 1er B, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, modifie le dernier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
La loi du 11 mai 1998 prévoit que les refus de visa d'entrée en France pris par les autorités diplomatiques ou consulaires ne sont pas motivés, sauf dans certains cas. Parmi ceux-ci figure celui des étudiants venus en France pour y suivre des études supérieures dans un établissement public ou privé reconnu par l'Etat, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
Si le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité viser expressément les étudiants, c'est que la loi de 1993 avait eu des effets très négatifs sur l'arrivée d'étudiants étrangers en France.
Comme l'a souligné le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Mariani, la loi Chevènement a eu le mérite de permettre que le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers passe de 29 000 en 1993 à 65 000 en 2002. Nous savons tous combien ces étudiants étrangers sont importants pour notre pays, non seulement en raison des liens de coopération qui existent avec leurs pays d'origine, mais aussi et surtout au regard du rayonnement de la France à l'étranger et des conséquences très favorables qu'a leur présence dans le domaine de la recherche, ainsi que je l'ai souligné ce matin, de même que notre collègue M. Gélard.
Il nous appartient donc de faciliter le séjour sur notre territoire de ces personnes.
Par ailleurs, supprimer la motivation laissera la place à l'arbitraire de l'administration. Il serait regrettable que cette disposition opère un retour en arrière qui serait profitable, nous le savons, à des pays plus accueillants comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou le Canada, pour ne citer qu'eux.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet ajout de l'Assemblée nationale et, en conséquence, de maintenir la motivation des refus opposés aux étudiants demandant un visa.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 235.
Mme Nicole Borvo. Sans reprendre ce qui vient d'être dit excellemment, j'avoue que je ne comprends pas pourquoi on revient ainsi sur une avancée de la loi RESEDA, d'autant que tout le monde paraît s'accorder sur le fait qu'il est très important que des étrangers viennent étudier en France. Je regrette d'ailleurs que le doyen Gélard, qui semble embrasser cette cause, ne soit pas présent pour soutenir ces amendements.
Chacun le sait, les étudiants africains qui veulent venir en France rencontrent déjà beaucoup d'obstacles. Il n'est pas besoin d'en rajouter ! Ces obstacles expliquent d'ailleurs que des étudiants francophones soient de plus en plus nombreux dans les pays anglophones.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il y a aussi beaucoup d'étudiants français !
Mme Nicole Borvo. Vous reconnaissez implicitement que l'administration a d'ores et déjà un large pouvoir d'appréciation puisque les motifs de refus se fondent sur l'ordre public, mais aussi sur toute considération d'intérêt général. Pourquoi donner en plus la possibilité de ne pas motiver le refus ?
S'il s'agit uniquement d'une question de moyens dans nos consulats, il faut trouver une autre solution. Ou alors il faut dire clairement que la France préfère voir ces personnes aller étudier aux Etats-Unis et qu'elle ne se considère plus comme un pays qui accueille des étudiants étrangers. Ce sera plus simple !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, qui tendent à rétablir de fait l'obligation de motivation des refus de visas éudiants.
Le travail que nécessite cette motivation doit être mis en balance avec l'amélioration limitée que cette obligation apporte aux droits des demandeurs de visas. La jurisprudence reconnaît en effet un large pouvoir d'appréciation à l'administration, qui peut toujours refuser de motiver son refus si la sûreté de l'Etat est en cause.
En fin de compte, les droits des demandeurs sont essentiellement préservés par les diverses voies de recours administratives et contentieuses communes à tous les types de visas. Il ne nous semble donc pas utile de surcharger encore l'administration à un moment où l'on recherche avant tout la simplification de la vie administrative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. J'attire l'attention du Gouvernement sur le fait que, depuis 1945, la motivation des refus opposés aux étudiants était la norme, et les consulats se pliaient à cet usage.
Il me paraît tout de même assez désinvolte de se dispenser de toute explication lorsqu'on refuse d'accorder un visa à une personne qui est déterminée à venir faire ses études en France, qui souhaite faire profiter son pays du savoir ainsi acquis et qui, étant francophone, s'adresse tout naturellement à un pays dont elle se sent proche.
Une telle attitude, une telle absence de dialogue ne manqueront pas de susciter une hostilité à l'égard de notre pays de la part des jeunes concernés. Autrement dit, s'engager dans une telle voie relève du mauvais calcul.
Par ailleurs, dans la réponse de M. le rapporteur, un propos m'a beaucoup étonné. Franchement, en quoi, dans cette affaire, la sûreté de l'Etat est-elle en jeu ?
Je veux bien admettre - d'ailleurs, c'est un point que nous n'avons jamais contesté - que cela suppose un certain travail pour nos consulats. Mais l'enjeu que constitue la présence d'étudiants étrangers dans nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche le vaut bien !
A suivre ce raisonnement, on pourrait tout aussi bien supprimer la motivation, par exemple, d'un refus de permis de construire !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Cela ne met pas en cause l'Etat !
M. Jacques Mahéas. Fort heureusement, en France, il est bien peu de décisions administratives qui ne soient pas motivées. Pourquoi les refus de visas opposés aux étrangers échapperaient-ils à ce qui est pratiquement un principe ?
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Parce que la comparaison ne vaut pas !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je veux apporter quelques compléments d'information.
Il s'agit là d'une demande qui a été présentée par le ministère des affaires étrangères et que, bien sûr, je fais mienne.
Il faut savoir que, sur un total de 3 millions de demandes de visa par an, 85 000 concernent des visas d'étudiants et que, parmi ceux-ci, 75 000 sont accordés. Autrement dit, nous ne parlons que de 10 000 demandes d'étudiants qui aboutissent à un refus, soit une part infime du total.
Dans ces conditions, le ministère des affaires étrangères préfère à juste titre, plutôt que de perdre son temps à motiver des demandes manifestement infondées, consacrer l'énergie de ses fonctionnaires à l'examen de dossiers plus sérieux. Ainsi, nous serons à même de répondre aussi rapidement que les Canadiens et les Américains aux demandes qui sont réellement fondées.
L'idée est donc de pouvoir repousser, sans avoir à donner un motif, les dem andes qui sont manifestement infondées, ce qui n'empêche pas, monsieur Mahéas, les demandeurs ainsi déboutés de faire appel devant une commission administrative ou devant une commission en Conseil d'Etat.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nos agents consulaires pourraient ainsi travailler à répondre plus rapidement aux 75 000 personnes auxquelles le visa d'étudiant est accordé, ce qui nous placerait en meilleure position par rapport aux pays concurrents puisque ces personnes font souvent en même temps plusieurs demandes, adressées à différents pays.
Cela m'apparaît comme un objectif raisonnable et c'est pourquoi je demande au Sénat de bien vouloir voter cet article tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est évident que faire un recours parce qu'il y a eu un refus sans connaître les raisons de ce refus rend les choses beaucoup plus difficiles.
Monsieur le ministre, je pense que le Quai d'Orsay a encore suffisamment de moyens pour faire fabriquer un tampon portant les mots « manifestement infondé » ! Apposer un tel cachet ne demanderait tout de même pas trop de temps !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela en dit long sur la valeur que vous accordez à la motivation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au moins, l'intéressé pourra supposer que son dossier a été examiné !
Par ailleurs, nous avons lu, dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, que cette disposition avait été introduite sur l'initiative de M. Mariani. Vous nous dites maintenant que c'est sur celle du ministère des affaires étrangères. Nous voulons bien le croire, mais, si c'est le cas, offrez donc à M. de Villepin les moyens d'acheter un cachet portant la mention : « manifestement infondé » !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est encore pire !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 135 et 235.
(Les amendement ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er B.
(L'article 1er B est adopté.)
Après les mots : « à ses moyens d'existence », la fin du 2° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigée : « , à la prise en charge par une compagnie d'assurance agréée des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France pendant la durée de validité de son visa ainsi qu'aux garanties de son rapatriement. En cas de visite familiale ou privée, l'obligation d'assurance peut éventuellement être satisfaite dans les conditions prévues à l'article 5-3. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 236, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 4, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Le 2° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "sous réserve des conventions internationales,", sont insérés les mots : "de l'attestation d'accueil prévue à l'article 5-3 de la présente ordonnance, le cas échéant, et" ;
« 2° Après les mots : "des documents prévus en Conseil d'Etat", le mot : "et" est supprimé ;
« 3° Après les mots : "à ses moyens d'existence", la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : ", à la prise en charge par une compagnie d'assurance agréée des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ;". »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 236.
M. Robert Bret. Cet article, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, est, de notre point de vue, l'une des dispositions les plus choquantes du texte. Nous déplorons d'ailleurs que la commission des lois ait choisi non pas de le supprimer, mais au contraire d'en élargir l'application aux visas de long séjour.
Il pose, en effet, des problèmes tant dans son principe qu'au regard des modalités de sa mise en oeuvre.
Dans son principe, il vise à faire obstacle à la venue en France, dans un but médical, d'étrangers qui risqueraient de ne pas pouvoir assumer les coûts des soins.
Nous récusons d'ailleurs totalement l'expression de « tourisme médical », qui est profondément péjorative et occulte totalement le fait qu'il s'agit de gens malades. Je sais que ces termes sont employés parce que ces personnes viennent en France avec un visa touristique, comme l'a rappelé M. le ministre, mais il faut absolument les proscrire.
Sur le fond, cette disposition s'inscrit dans le droit-fil des attaques portées contre l'aide médicale d'Etat aux sans-papiers, suspectés de se faire hospitaliser de façon abusive ; comme si l'on allait à l'hôpital pour le plaisir ! Lorsqu'on parle de cette aide médicale en termes chiffrés, on oublie souvent de préciser qu'il s'agit de personnes malades, pour lesquelles l'hospitalisation a été décidée par un médecin après examen médical.
Ce sont près de 400 millions d'euros qui vont être déduits de l'aide médicale aux sans-papiers dans le projet de loi de finances pour 2004. Cette « économie » est obtenue par l'institution d'un ticket modérateur et par l'institution d'un « panier » de soins inclus pour l'accès gratuit aux soins. Ces personnes, d'ores et déjà en situation précaire, risquent ainsi de se voir privées du droit de se soigner.
L'article 1er C vise à empêcher les personnes malades qui n'ont pas les moyens de prendre une assurance spécifique de rendre visite à leur famille - on mesure les déchirements qui peuvent en résulter -, mais, au-delà, il risque de représenter un obstacle pour tous les étrangers qui économisent mois après mois afin de pouvoir rendre visite à leur famille en France, sans avoir la moindre intention d'y rester.
S'agissant des modalités d'application, l'article est également problématique et inquiétant.
Il contient une première aberration : si l'on s'en tient à la lecture de l'article, avant même de disposer d'un visa, l'étranger devra apporter la preuve qu'il dispose d'une assurance couvrant d'éventuelles dépenses médicales et hospitalières en France. En effet, cette attestation devient une condition d'obtention du visa, de sorte que, si le visa n'est pas accordé, l'étranger aura payé son affiliation pour rien.
Par ailleurs, de la mention explicite d'une « compagnie d'assurance agréée », on peut déduire deux choses : tout d'abord, que les mutuelles d'assurance sont exclues du dispositif, ce qui est pour le moins choquant ; ensuite, qu'il doit s'agir d'une compagnie agréée par l'Etat français, qui se réserve le droit de ne pas accepter les assurances « locales » et crée donc des conditions discriminatoires.
Concrètement, que seront ces compagnies d'assurance auprès desquelles tous les étrangers seront contraints de s'affilier ?
On peut, en réalité, voir dans cette ouverture du marché des assurances médicales un ballon d'essai en direction de la privatisation de notre système social, dont on sait qu'il est dans les cartons du Gouvernement via le démantèlement de la sécurité sociale qui se profile à l'horizon.
Toutes ces raisons nous amènent à demander la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 236.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le projet de loi prévoit une obligation d'assurance médicale pour les étrangers séjournant en France moins de trois mois. Cette disposition vise à lutter contre la pratique qui consiste, pour certains étrangers, notamment des étrangers âgés, à entrer en France sous couvert d'un visa touristique afin de se faire soigner.
Notre amendement renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des catégories d'étrangers qui seront soumis à une telle obligation d'assurance. Prévoir tous les cas dans l'ordonnance risque de l'alourdir inutilement. Il convient également de ménager une certaine souplesse pour adapter le dispositif aux différents cas de figure et à des situations très évolutives. Seul le renvoi à un décret en Conseil d'Etat le permet. Ce décret déterminera également les conditions de l'agrément des compagnies d'assurance.
Dans ces conditions, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 236.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 236 et un avis favorable sur l'amendement n° 4.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 236.
M. Jacques Mahéas. Nous trouvons normal qu'un étranger venant en France soit assuré pour le cas où il tomberait malade.
Nous sommes donc favorables à ce qui est introduit dans l'article 1er C, à la condition que cette assurance reste abordable. Bien évidemment, il ne faudrait pas que le montant de cette assurance soit un obstacle à des visites de court séjour : ce serait tout de même terrible de ne pas pouvoir venir voir sa famille en France parce que le coût de l'assurance, dans le pays d'origine, est inabordable. En effet, à Bamako notamment, des assureurs se postent au pied des avions et proposent de telles assurances à des prix extrêmement élevés.
Par ailleurs, il serait logique que le Gouvernement continue de passer des accords internationaux comme ceux qui existent déjà avec certains pays. Lorsque j'étais député, j'ai eu l'occasion de défendre un très grand nombre de ces accords. Et puis, le rythme a un peu diminué. Les questions à régler sont en effet plus difficiles, notamment en matière de recouvrement.
Au demeurant, si la France concluait ces accords avec la quasi-totalité des pays, il n'y aurait plus d'obstacles et il n'y aurait plus besoin de ces assurances coûteuses qui doublent, en quelque sorte, les dépenses de l'assuré social. Cela étant dit, en l'état, nous voterons pour.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Les assurances privées assurent non pas des gens malades, mais des gens en bonne santé. On ne peut donc pas demander à quelqu'un qui vient se faire soigner en France de souscrire un contrat auprès d'un assureur privé ! Il faut dire clairement qu'on demande à des gens bien portants de contracter une assurance pour venir éventuellement faire du tourisme en France. Mais les personnes malades ou âgées venant se faire soigner en France, qui sont les cas visés, ne pourront pas contracter ce genre d'assurance.
Nous avons bien évidemment conscience des problèmes. Mais nous savons que l'on ne pourra remédier à cette situation que par le biais d'accords, avec la sécurité sociale par exemple, mais pas grâce aux assurances privées.
M. Nicolas Sarkozy, ministre Quel aveu !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'article 1er C est donc ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 1er C (réserve)
M. le président. Nous allons maintenant examiner l'amendement n° 222, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er C.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je demande la réserve de l'amendement n° 222 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 225, à l'article 5 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 308, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. _ Au chapitre VI du titre Ier du livre VIII du code de la sécurité sociale, l'article L. 816-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 816-1. _ Nonobstant toute disposition contraire et en l'absence de convention internationale de réciprocité, le présent titre est applicable aux personnes de nationalité étrangère titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au troisième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d'un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d'avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 14 de ladite ordonnance, ainsi qu'aux personnes de nationalité étrangère titulaires d'un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident. »
« II. - Dans le titre II du livre VIII du même code, l'article L. 821-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 821-9. _ Nonobstant toute disposition contraire et en l'absence de convention internationale de réciprocité, le présent titre est applicable aux personnes de nationalité étrangère titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au troisième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d'un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d'avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 14 de ladite ordonnance, ainsi qu'aux personnes de nationalité étrangère titulaires d'un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement n'est pas nouveau pour la Haute Assemblée : j'avais en effet déposé un amendement identique, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, lorsque j'avais été désigné rapporteur pour avis sur le projet de loi sur l'immigration, présenté par Jean-Pierre Chevènement. Le Sénat l'avait alors approuvé, mais le Gouvernement avait émis un avis défavorable et l'Assemblée nationale, ensuite, ne l'avait pas retenu.
Cet amendement a pour but de faire en sorte que la suppression de la condition de nationalité pour bénéficier du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, s'accompagne d'un alignement sur les conditions d'accès au revenu minimum d'insertion. Actuellement, tout étranger titulaire d'un titre de séjour peut bénéficier, dès son arrivée sur le sol français, du minimum vieillesse et de l'AAH. Il s'agit ici de prévoir, et pour la plupart des cas, une condition de durée de résidence régulière et ininterrompue d'au moins trois ans pour l'obtention de ces prestations non contributives.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Très bien !
M. Alain Vasselle. S'il paraît difficile de s'opposer à la suppression de la condition de nationalité, on remarquera toutefois que cette mesure ne s'accompagne d'aucun garde-fou propre à limiter les risques de dérive et d'abus et susceptible d'éviter les incitations à l'immigration.
En effet, mes chers collègues, dans la rédaction actuelle de la loi, tout étranger titulaire d'un titre de séjour pourrait bénéficier, dès son arrivée sur le sol français, de l'une de ces prestations ; la commission des affaires sociales avait, à l'époque, jugé cette mesure inacceptable.
L'alignement que nous proposons aujourd'hui présenterait un triple avantage.
Tout d'abord, il permettrait de limiter sensiblement les risques que pourrait susciter une législation trop généreuse tout en règlant le problème des étrangers présents depuis un certain temps, sur notre territoire.
De plus, il limiterait le coût de ces mesures, particulièrement le coût futur.
Ensuite, il simplifierait considérablement l'état du droit existant en instituant, s'agissant des personnes de nationalité étrangère, exactement les mêmes conditions pour les trois minima sociaux que sont le RMI, le minimum vieillesse et l'AAH.
En outre, dans la mesure où nombre des bénéficiaires potentiels de ces mesures sont déjà bénéficiares du RMI, il apparaît particulièrement judicieux de s'inspirer très exactement des conditions exigées pour le bénéfice de cette allocation.
Enfin, l'alignement sur les conditions d'obtention du RMI représenterait une simplification en termes de gestion administrative pour les caisses d'allocations familiales qui gèrent à la fois le RMI et l'AAH.
Telles sont, mes chers collègues, les motivations de cet amendement. Je vais bien entendu écouter avec intérêt les avis de la commission du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit de subordonner, pour un étranger titulaire d'un titre de séjour, l'obtention des prestations non contributives comme le minimum vieillesse ou l'AAH à une condition de durée de résidence.
La commission considère que cette proposition présente un risque de censure, le juge constitutionnel ayant reconnu en 1993 que les étrangers jouissent des droits à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français.
M. Robert Bret. C'est ce qu'avait rappelé le gouvernement de l'époque quand vous avez voté cet amendement !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Par conséquent, elle aimerait connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce texte est si important qu'il ne faut pas donner la moindre prise à une censure.
Monsieur Vasselle, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante sur ce point : il ne peut y avoir de droits différents, et on le comprend, entre un Français et un étranger résidant régulièrement en France.
Fin juriste, vous soulignez que cette disposition ne s'applique pas pour le RMI, ce qui est parfaitement exact. Mais force est de constater - je vous réponds avec la plus grande franchise - que ce cas n'a pas été soumis au Conseil constitutionnel.
L'analyse du ministère de l'intérieur est donc la suivante : le risque de censure par le Conseil constitutionnel est très grand.
Cette première réponse ne vous satisfait sans doute pas, monsieur Vasselle. Mais je rencontre déjà des difficultés pour présenter un texte équilibré, et je ne souhaite donc pas voir ce dernier déclaré inconstitutionnel sur un sujet de cette nature. Tout le dispositif équilibré que le Gouvernement essaie de vous proposer disparaîtrait alors !
J'ajoute, pour être plus positif, que, s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés, un texte, sur lequel nous travaillons actuellement, vous sera prochainement soumis. Il s'agit d'une question juridique extrêmement complexe : en effet, ce que vous dites sur l'allocation aux personnes âgées est encore plus choquant s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés.
Monsieur le sénateur, je ne peux donc pas émettre un avis favorable sur cet amendement - j'en suis confus -, et ce pour les raisons que je viens de vous indiquer. Je n'aime pas aller au combat avec de très gros risques de voir tout annulé ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Cet amendement d'appel serait tout à fait contre-productif pour les autres dispositions du projet de loi, que nous ne pouvons nous permettre de voir censurer par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 308 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Je ne voudrais pas accentuer l'embarras de M. le ministre de l'intérieur et les difficultés auxquelles il est confronté. Et je ne voudrais pas que son texte, que j'approuve par ailleurs, soit censuré par le Conseil constitutionnel. Vous imaginez donc, monsieur le président, le chemin que je m'apprête à prendre, qui devrait être de nature à satisfaire à la fois M. le rapporteur et M. le ministre.
M. Robert Bret. Il est pénible de se faire hara-kiri...
M. Alain Vasselle. Je note malgré tout, au passage, mes chers collègues, que M. le ministre de l'intérieur n'a pas complètement fermé la porte à la totalité des propositions que je viens de présenter devant la Haute Assemblée. Je me permets de rappeler qu'il ne s'agit pas d'une seule initiative personnelle, la position que j'ai défendue aujourd'hui ayant été approuvée, en son temps, par l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales, ainsi que par le Sénat.
Mme Nicole Borvo. A la majorité !
M. Alain Vasselle. Certes, à l'époque, ce risque nous avait été objecté, notamment par M. le ministre de l'intérieur, mais nous pensions alors qu'il valait la peine d'être pris pour que toute la lumière soit faite sur cette distorsion existant entre les minima sociaux, le RMI, l'allocation aux adultes handicapés et le minimum vieillesse. Il aurait été bon que nous sachions très précisément à quoi nous en tenir.
Cela étant, monsieur le président, pour être agréable à M. le ministre, et sachant que, lorsque nous discuterons de l'allocation aux adultes handicapés et sans doute de la loi de 1975, nous aurons l'occasion de reprendre ce débat et de préciser un peu plus nettement le contour de la voie législative à prendre concernant cette disposition, je retire mon amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la hache d'abordage !
M. le président. L'amendement n° 308 est retiré.