Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de 21 amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
« L'amendement n° 28, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de sénateur. »
L'amendement n° 29, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs favorise la parité. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite tout d'abord saluer la présence de M. Plagnol au banc du Gouvernement. Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous remplacez M. Devedjian, je me demande si vous prenez la succession de M. Devedjian matinal ou de M. Devedjian vespéral. En effet, votre collègue nous a délivré deux discours quelque peu différents. Mais je dois dire que, pour notre part, nous avons prêté une grande attention à son discours du matin, qui était rédigé et qui, visiblement, avait donné lieu à de nombreuses réflexions préalables, voire à des arbitrages au sein du Gouvernement.
Toujours est-il que M. Devedjian a fait part de ses doutes très sérieux quant à la constitutionnalité de la disposition qui consiste à réduire le champ du scrutin proportionnel dans le mode d'élection des sénateurs. Il nous paraît qu'il y a là une interrogation du Gouvernement qui n'a échappé à personne : ni à la majorité du Sénat ni à l'opposition du Sénat.
Par conséquent, vous voyez bien, mes chers collègues - nous en avons déjà parlé tout à l'heure et Mme Pourtaud a été très éloquente sur ce sujet en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité -, qu'un problème se pose eu égard à la Constitution. En effet, l'article 3 de la Constitution dispose : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
La loi, c'est ce que nous élaborons en ce moment. La loi favorise...
Mme Nelly Olin. On en a parlé tout à l'heure !
M. Paul Blanc. Bis repetita placent !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite pouvoir m'exprimer !
M. Dominique Braye. Pas plus de temps qu'il n'en faut !
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense que je n'ai pas encore atteint le temps qui est prévu pour défendre un amendement et, comme vous pouvez le constater, je le fais dans le plus grand calme.
Mme Nelly Olin. Nous aussi !
M. le président. Laissez parler l'orateur !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, mes chers collègues !
La loi, dis-je, favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Actuellement, nous élaborons une loi, et il est patent, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette loi, si elle est votée en l'état, risque non pas de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, mais, madame Olin, de le défavoriser.
Mme Nelly Olin. Non, c'est faux !
M. Dominique Braye. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, par l'amendement n° 28, d'inscrire en préalable à cette loi, avant l'article 1er : « Le mode d'élection des sénateurs favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de sénateur. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Cette disposition ne devrait pas poser de problème, puisqu'elle fait l'objet d'un large accord. En outre, je ne vois pas en quoi l'énonciation de ce principe pourrait créer quelque difficulté que ce soit.
En ce qui concerne l'amendement n° 29, nous vous proposons d'inscrire en préalable à la loi que « le mode d'élection des sénateurs favorise la parité ».
Permettez-moi de revenir sur un point qui a été évoqué cet après-midi, mais que nous n'avons pas développé suffisamment, madame Olin. Il s'agit de la décision du Conseil constitutionnel du 3 avril 2003.
Je souhaite rappeler que, dans leur recours contre la loi du 3 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, les requérants ont fait valoir pour les élections européennes que la création de circonscriptions aurait pour effet de réduire le nombre de sièges obtenus par chaque liste en présence, que nombreuses seront les listes qui n'obtiendront qu'un siège et qu'il en « résultera nécessairement... un déséquilibre important entre hommes et femmes en termes d'élus » et que, de ce fait, l'écart actuellement constaté au profit des élus masculins pourrait s'en trouver accru.
Je voudrais faire observer que, si le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-468, a rejeté cet argument, il a toutefois précisé que les dispositions critiquées n'avaient « ni pour objet, ni par elles-mêmes, pour effet de réduire la proportion de femmes élues en France au Parlement européen » et, surtout, « que le législateur avait maintenu la règle de l'alternance entre candidats féminins et masculins sur les listes de candidats qui prévalait sous l'empire des dispositions précédentes ; ».
On peut donc estimer que, pour la jurisprudence constitutionnelle, en s'inspirant de la lettre de l'article 3 de la Constitution, selon lequel la loi doit « favoriser » l'égal accès aux mandats électoraux, il existerait un « effet cliquet » - on en a parlé tout à l'heure - empêchant de revenir sur une disposition favorisant l'accès des femmes au mandat sénatorial et donc d'augmenter le seuil à partir duquel le mode de scrutin proportionnel est applicable. »
J'ajoute que cela est conforme aux explications qu'a données Guy Carcassonne, dont vous connaissez la compétence en matière de droit constitutionnel, devant la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, le 28 mai dernier, puisqu'il a estimé que « la régression du champ d'application du scrutin de liste proportionnel entraînant une certaine diminution des garanties liées à l'alternance des candidats de chaque sexe » posait incontestablement un problème.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs privilégie la représentation proportionnelle afin de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de sénateur. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre collègue et ami Jean-Pierre Sueur est le premier signataire de cet amendement, mais il y a filiation à la fois littéraire et logique : visiblement, ce texte est dû à une seule plume, mais cela ne nous empêche pas, bien entendu, de défendre les uns après les autres ces amendements dont nous sommes également signataires et que nous approuvons totalement.
Il s'agit de faire de la pédagogie et, après les deux premiers amendements qui viennent de vous être présentés, nous progressons en proposant d'ajouter dans la loi les dispositions suivantes : « Le mode des élections des sénateurs privilégie la représentation proportionnelle afin de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de sénateur. »
Ce point devrait recueillir un accord complet. Nous avons, en effet, entendu ce matin M. le ministre délégué aux libertés locales nous exposer la position du Gouvernement, qui admettait quasiment qu'il s'agissait là d'un problème important et que le Conseil constitutionnel aurait à statuer. A l'évidence, il devra se prononcer, notamment parce que nous avons eu cette discussion dans le cadre de la loi organique et que cette dernière est soumise de plein droit au Conseil constitutionnel. Cela ne nous empêchera pas, bien entendu, de lui donner des arguments, ce que nous faisons, d'ailleurs, en présentant nos amendements et ce que nous avons fait en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
A la vérité, cela n'est pas niable ! Je m'empresse de dire à l'attention de M. le secrétaire d'Etat, qui représente le Gouvernement, qu'au cours de l'après-midi M. le ministre délégué aux libertés locales semblait avoir quelque peu modifié sa position : il était moins formel que ce matin, mais ses déclarations intéressantes de ce matin figureront, bien entendu, au Journal officiel et le Conseil constitutionnel en aura connaissance.
En tout cas, il est évident - cela a été rappelé tout à l'heure - que la représentation proportionnelle favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de sénateur. La preuve en a été faite par l'application même de la proportionnelle.
Mme la présidente de la Délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes nous a expliqué que, comme de toute façon il y aurait quelque 27 ou 28 sénateurs de plus, en définitive, il y aurait forcément quelques sénatrices de plus. Mais cela sera dû non pas à la suppression du scrutin proportionnel lorsqu'il s'agit d'élire trois sénatrices, mais au fait qu'il y en aura plus !
Cela me rappelle le mot de Talleyrand qui disait à ses deux serviteurs : « Je vais vous augmenter. » Ces derniers le remerciaient et il terminait alors par ces mots : « A partir de demain, vous serez trois. » C'est la même chose : il y aura peut-être plus de femmes sénatrices mais, proportionnellement, il y en aura moins...
M. Dominique Braye. Ou pas plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... si le Conseil constitutionnel n'intervient pas.
M. Robert Bret. Il faudrait reprendre pour M. Dominique Braye.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pardon, monsieur Braye, je ne vous ai pas entendu. C'est exceptionnel que vous ne hurliez pas !
Mme Nelly Olin. C'est très désobligeant !
M. Dominique Braye. Parfois, il vaut mieux se taire que de parler pour ne rien dire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bref, l'objet de cet amendement est d'affirmer que seule la représentation proportionnelle permet la mise en oeuvre du principe de parité inscrit à l'article 3 de la Constitution.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs privilégie la représentation proportionnelle. »
L'amendement n° 32, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs prend pleinement en compte la nécessité de représenter les différentes formations politiques à due proportion de leur représentativité en nombre de suffrages. »
L'amendement n° 33, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Les sénateurs sont élus dans le cadre d'un scrutin départemental. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je serai succinct sur l'amendement n° 31, car chacun aura compris qu'il s'agit d'un amendement de repli pour le cas où l'amendement précédent ne serait pas adopté par le Sénat.
En revanche, je voudrais insister tout particulièrement sur l'amendement n° 32, dont je rappelle les termes :
« Le mode d'élection des sénateurs prend pleinement en compte la nécessité de représenter les différentes formations politiques à due proportion de leur représentativité en termes de suffrages. »
Chacun connaît ici les termes de l'article 4 de la Constitution. En son premier alinéa, il prévoit : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. »
Il est tout à fait clair que la réalité politique, notamment des formations politiques, pèse d'un grand poids dans notre démocratie. Or j'ai eu le sentiment tout à l'heure que l'on parlait de l'élection des sénateurs comme si le contexte était complètement apolitique ; qu'il fallait, dans un certain nombre de départements, désigner des hommes et des femmes en vertu de leur qualité intrasèque, comme s'ils n'appartenaient pas à une formation politique ou comme s'ils n'étaient pas situés dans le champ politique.
Il y a beaucoup d'hypocrisie dans ce discours. D'ailleurs, nous pourrons citer quelques extraits de l'exposé des motifs de la proposition de loi, qui, à cet égard, est tout à fait singulier. Car enfin, mes chers collègues, tous ces personnages si apolitiques, si proches du terrain, si distancés par rapport aux réalités politiques, on a déjà dit tout à l'heure qu'ils avaient fortement tendance à s'inscrire en masse à l'UMP ou à d'autres partis politiques avant que celui-ci ne soit créé. (Mme Nelly Olin s'exclame.)
Madame Olin, vous avez tout à fait raison de dire que, chez nous, c'est pareil.
Mme Nelly Olin. Je n'ai pas dit cela, j'ai dit le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur. Trêve d'hypocrisie, il faut prendre en compte les réalités politiques, et le scrutin proportionnel présente l'énorme avantage de permettre l'expression du pluralisme. Est-il normal que, dans tel département - on pourrait en citer beaucoup dans notre pays -, la représentation parlementaire, la représentation au Sénat soit monocolore, alors que telle ou telle tendance, la droite, la gauche, selon le cas, peut revendiquer 40 %, 45 %, 47 %, 48 %, voire 49 % du corps électoral ? Il y a un « plus » à exprimer le pluralisme, mais c'est aussi une nécessité. Voilà pourquoi nous vous proposons d'inscrire ce principe au tout début de cette loi.
L'amendement n° 33 prévoit, lui, que les sénateurs sont élus « dans le cadre d'un scrutin départemental ». Je vois mal comment on pourrait s'opposer à un amendement aussi succinct, aussi clair, aussi explicite. Cela dit, il n'est pas du tout anodin, contrairement à ce que l'on pourrait croire à première lecture.
Il existe bien, ici ou là, des formules possibles pour élire les sénateurs, par exemple, sur des listes nationales ou encore sur des listes régionales. En déposant cet amendement, nous avons choisi d'être fidèles à l'esprit du texte et, de surcroît, de montrer que, dès lors que l'on se situe dans un cadre départemental, le scrutin proportionnel n'éloigne pas du terrain. En effet, les sénateurs élus au scrutin proportionnel dans le cadre départemental - ce ne serait pas vrai dans un cadre régional ou national - sont bien identifiés comme des élus départementaux.
Par ailleurs, ils représentent la diversité politique de notre pays.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret,C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs privilégie l'élection proportionnelle dans un cadre départemental. »
L'amendement n° 35, présenté par MM. Sueur,Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs privilégie l'élection proportionnelle dans un cadre départemental qui garantit pleinement le rôle de représentant des collectivités territoriales qui est dévolu au Sénat par la Constitution. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat Les amendements n°s 34 et 35 présentent ce qu'on appelait dans mon hémisphère une certaine continuité de pensée ! (Sourires.)
Vous avez longuement expliqué, monsieur le rapporteur, ...
M. Jacques Larché, rapporteur. Pas si longuement que cela !
M. Bernard Frimat ...combien vous étiez attaché au fait d'avoir des modes de scrutin différents et combien cette recherche de l'équilibre, à laquelle nous ne souscrivons pas, caractérisait votre démarche.
Au demeurant, même si nous pouvons admettre qu'il y ait des modes de scrutin différents - toujours dans le cadre départemental - et que certains sénateurs soient élus au scrutin majoritaire et d'autres au scrutin proportionnel, il nous semble tout de même nécessaire que soit privilégiée l'élection à la proportionnelle, et ce pour plusieurs raisons.
Comme vous l'avez rappelé en faisant référence à l'article 24 de la Constitution, le Sénat est le représentant des collectivités territoriales. Personne dans cette assemblée ne discute ce point, c'est ce que vous avez appelé la « vocation constitutionnelle » du Sénat.
On comprend, en conséquence, à quel point il est important que cette représentation des collectivités territoriales soit à la fois la moins déformée possible et la plus respectueuse du pluralisme et de la diversité des collectivités territoriales.
Effectivement, si nous étudions la situation des départements dans lesquels le scrutin à la proportionnelle a été substitué au scrutin majoritaire pour les élections de l'année 2001, nous observons une bien plus grande fidélité de la représentation par rapport à la réalité des collectivités territoriales de ces départements.
M. Jean-Pierre Godefroy expliquait très clairement que, dans le département de la Manche - je parle sous le contrôle de M. le président de la commission, car il connaît bien cette région, qui lui est chère -, le fait que la proportionnelle soit introduite a permis à l'ensemble urbain de Cherbourg de se reconnaître aujourd'hui dans la représentation sénatoriale.
M. Dominique Braye. La seule femme sénateur a été éliminée !
M. Bernard Frimat. Monsieur Braye, si vous voulez la parole, je m'interromps ; mais je souhaiterais que nous ne dialoguions pas.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Frimat. M. Braye pourra, s'il le souhaite, prendre la parole contre les amendements.
M. Bernard Frimat. C'est ce que je lui suggère de faire, ce sera plus simple et plus courtois !
Nous pourrions multipler les exemples, et nous vous répondrons sur le point que vous venez d'évoquer, monsieur Braye.
Voulons-nous, dans le souci du respect du pluralisme, que notre assemblée soit la représentation la plus fidèle des collectivités territoriales d'un département ? Si c'est un point de vue partagé, il est évident qu'il se retrouve complètement dans la formulation de l'amendement n° 35, sans pour autant que le scrutin majoritaire soit rejeté, puisqu'il s'agit simplement de « privilégier » l'élection proportionnelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs privilégie la représentation proportionnelle départementale qui garantit pleinement le rôle de représentant des collectivités territoriales qui est dévolu au Sénat par la Constitution, favorise l'objectif constitutionnel de parité et permet la représentation des formations politiques qui, conformément à la Constitution, concourent à l'expression du suffrage, à due proportion de leur représentativité en nombre de suffrages obtenus. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous tenons particulièrement à cet amendement et nous voudrions essayer de vous convaincre de ses mérites.
Mes chers collègues, nous sommes finalement placés devant la nécessité d'appliquer trois articles de la Constitution et je voudrais vous démontrer que le mode de scrutin proportionnel départemental est le seul qui permet d'appliquer à la fois dans de bonnes conditions les trois principes.
L'article 24 de la Constitution prévoit - premier principe - que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Nous considérons que le scrutin proportionnel départemental permet aux élus de bien exercer cette mission qui leur est dévolue par la Constitution dans la mesure où ils ne sont pas éloignés géographiquement du département et des communes qu'ils représentent. Ils peuvent d'autant mieux exercer leur mission que - deuxième principe - l'article 4 de la Constitution souligne le rôle éminent des groupements et partis politiques « qui concourent à l'expression du suffrage ».
Si un scrutin départemental n'offre pas la possibilité de représenter la diversité politique des collectivités territoriales - troisième principe -, il a quelque chose d'imparfait. Les collectivités territoriales sont, en effet, diverses : il est des petites communes, des moyennes communes, des grandes communes, nous le savons tous, mais il est aussi des communes dont les élus appartiennent à tel ou tel parti de droite, de gauche ou du centre.
Il nous semble tout à fait indispensable de prendre en compte cette diversité et, d'ailleurs, il serait hypocrite de la nier, puisque la plupart des sénateurs sont eux-mêmes membres de groupes politiques.
Pour me résumer, le scrutin proportionnel départemental, premièrement, respecte l'article 24 de la Constitution, en assurant la représentation du territoire et des collectivités territoriales de la République. Deuxièmement, il répond à l'article 4 de la Constitution en tenant compte des formations politiques et des groupements politiques dans leur pluralisme. Enfin, troisièmement, c'est le seul mode de scrutin qui permet de mettre en oeuvre dans de bonnes conditions la parité définie à l'article 3 de la Constitution, dont je rappelle qu'il prévoit que la loi « favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Mes chers collègues, j'aimerais entendre développer une argumentation contraire. J'attends que l'on me démontre en quoi un scrutin majoritaire départemental, dans les départements qui élisent trois sénateurs, par exemple, contribue mieux que le mode de scrutin proportionnel départemental à respecter tout à la fois les articles 24, 4 et 3 de la Constitution. Si personne ici n'est en mesure de faire cette démonstration, je pense, mes chers collègues, que nous pourrons nous rassembler autour de cet amendement n° 36 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le principe d'égalité préside aux dispositions relatives à l'élection des sénateurs. »
L'amendement n° 38, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Les principes d'égalité et de parité président aux dispositions relatives à l'élection des sénateurs. »
L'amendement n° 39, présenté par MM. Sueur,Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le principe d'égalité préside aux dispositions relatives à l'élection des sénateurs. Il conduit à favoriser dans la plupart des départements la représentation proportionnelle qui permet une représentation pluraliste de chacun d'entre eux au Sénat. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La vérité, mes chers collègues, c'est que vous êtes en train de vous rendre compte, grâce à l'attention que vous prêtez à nos propos, et particulièrement à ceux de notre collègue Jean-Pierre Sueur, que la représentation proportionnelle possède effectivement des vertus permettant d'appliquer tous les principes de la Constitution, principes qui, loin d'être contradictoires, sont, au contraire, complémentaires.
Avec l'amendement n° 37, nous abordons un autre principe, celui de l'égalité, dont nous écrivons qu'il « préside aux dispositions relatives à l'élection des sénateurs. »
En effet, il est nécessaire que la situation soit la même dans tous les départements et pour l'ensemble des territoires. Je m'empresse d'ajouter, à mon tour, que cela s'entend des territoires habités : personne n'a jamais demandé qu'il y ait un sénateur pour l'île de Clipperton ; c'est un territoire français, certes, mais inhabité !
Quand on évoque la représentation des territoires, c'est donc évidemment une façon de parler. La nécessité de représenter les territoires, c'est, en vérité, la nécessité de représenter les différents territoires de notre pays sur lesquels vivent des femmes et des hommes.
Il faut donc que ce principe d'égalité soit présent à notre esprit également.
L'égalité est aussi un principe qui figure, bien sûr, dans le préambule même de notre Constitution et dans la devise de la République : liberté, égalité, fraternité. La liberté, nous l'avons ; l'égalité, nous l'oublions souvent, la fraternité aussi d'ailleurs, si l'on se réfère aux récents propos tenus par M. le Premier ministre et qu'il n'a pas encore retirés.
L'amendement n° 38 représente un progrès par rapport à l'amendement n° 37 en prévoyant que les principes d'égalité et de parité président aux dispositions relatives à l'élection des sénateurs.
Il est vrai que, dans bien des départements, cette représentation, ô combien nécessaire, des uns et des autres n'existe pas, et que seule la proportionnelle permet que soient représentés les électeurs de tous les bords. Vous me répondrez qu'il y a des gens qui ne font pas de politique. C'est en général ce que prétendent ceux de droite. Les grands électeurs sénateurs qui ne font pas de politique élisent des gens qui font de la politique ! Car personne, dans cet hémicycle, ne peut dire qu'il ne fait pas de politique. Tous les sénateurs, qu'ils soient de gauche ou de droite, car nécessairement ils appartiennent à l'un ou à l'autre bord, à moins d'être au centre, mais, là aussi, il existe un centre droit et un centre gauche (Mme Nicole Borvo s'esclaffe), absolument tous sont des hommes politiques et tous, comme tels, ont des options politiques. Alors, si vous le voulez bien, cessons cette hypocrisie...
M. René Garrec, président de la commission. On n'a rien dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui consiste à affirmer que certaines personnes ne font pas de politique. Notre assemblée, qui est une assemblée politique, n'est composée que de femmes et d'hommes politiques.
Alors, il y a le problème des départements qui n'élisent qu'un seul sénateur. C'est vrai, et je l'ai dit tout à l'heure à notre collègue Michel Mercier, que ces sénateurs sont élus à la fois à la proportionnelle et au scrutin majoritaire, mais je constate effectivement, quand il n'y en a qu'un, qu'il est forcément d'un bord ou de l'autre. (Mme Nicole Borvo rit.)
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est néanmoins supposé être le sénateur...
M. Michel Mercier. De tous les bords ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... de tout le monde ! Et c'est bien comme tel qu'il est considéré dans son département. Toutefois, on peut se demander s'il ne faudrait pas alors deux sénateurs par département. Mais cela entraînerait une augmentation du nombre des sénateurs, contre laquelle je me suis prononcé tout à l'heure.
A cette occasion, je souhaiterais soumettre au Gouvernement et à la commission un problème qui ne concerne que mon département. Le Territoire de Belfort n'apparaît ni dans les listes ni dans les séries. Il se trouve qu'à la Libération on a écrit dans la première série : « Belfort ». Donc, depuis des années, je demande que l'on apporte une modification et que l'on inscrive « Territoire de Belfort » dans la troisième et dernière série. Je n'ai jamais pu l'obtenir, n'ayant, il est vrai, jamais vraiment beaucoup insisté. Mais, aujourd'hui, puisque nous refaisons les séries, il faudrait tout de même mettre fin à cette hérésie et inscrire le Territoire de Belfort là où il doit être, c'est-à-dire dans la seconde série, puisque vous vous êtes arrêtés à deux séries, chers collègues.
Ayant signalé ce problème, je remercie la commission des lois et le Gouvernement de s'efforcer d'y apporter une solution.
Cela étant dit, après le principe d'égalité, il y a le principe de parité.
J'en arrive à l'amendement n° 39 qui marque une nouvelle progression : « Le principe d'égalité préside aux dispositions relatives à l'élection des sénateurs. Il conduit à favoriser dans la plupart des départements » - la logique n'est pas encore menée à son terme puisqu'il n'en irait pas ainsi pour deux départements, mais cela viendra - « la représentation proportionnelle qui permet une représentation pluraliste de chacun d'entre eux au Sénat. »
Je me permets d'insister, chers collègues de la majorité, car, lorsque, dans un département, les élus sont tous de droite, il vous échappe peut-être que les très nombreux grands électeurs de gauche ne sont pas représentés, et vice versa : si, ce qui, évidemment, est beaucoup plus rare, nous, élus de gauche, avons l'intégralité de la représentation parlementaire au Sénat, toutes les grandes électrices, tous les grands électeurs de droite ne sont pas représentés. Des principes essentiels de notre République sont donc foulés aux pieds, ce qui est très grave.
Nous devrions être très reconnaissants à M. Jean-Pierre Sueur d'avoir rappelé ce principe pourtant essentiel dans une démocratie.
Chacun de nos concitoyens serait - j'en suis sûr - reconnaissant au Sénat de bien vouloir faire cet effort afin qu'il puisse y avoir, dans la plupart des départements pour l'instant et, demain, dans tous les départements, des représentants des uns et des autres. Ces trois amendements constituent, vous le voyez, une gradation nous amenant à cette conclusion. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le principe d'égalité entre les citoyens préside aux modalités d'élection des sénateurs. Il conduit à exclure les dispositions réduisant le pluralisme dans la représentation de chacun des départements. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. A propos de cet amendement n° 40, je tiens à revenir sur certains paragraphes de l'exposé des motifs de la proposition de loi, qui sont très singuliers.
S'agissant du scrutin majoritaire, page 6, il est écrit : « Dans ce cadre, ce mode de scrutin confère aux élections sénatoriales une dimension personnelle. Il facilite la représentation des collectivités territoriales dans la mesure où l'enracinement local devient dès lors déterminant. Ce mode de scrutin développe une plus grande proximité entre l'élu et l'électeur, plus aisément concevable dans un département peu peuplé. »
Il est un peu gênant de considérer qu'il y a deux catégories de départements : les peu peuplés et les plus peuplés. Suivant cette logique, dans les premiers, des relations personnelles se noueraient entre l'électeur et l'élu tandis que, dans les autres départements, on serait dépourvu de la capacité à instaurer de telles relations personnelles. Je pense que c'est injurieux, méprisant, à tout le moins peu agréable pour les sénateurs qui représentent des départements très peuplés. Je prends l'exemple de M. le président du groupe de l'Union centriste, qui représente un département très peuplé. Nous qui le connaissons, pouvons-nous imaginer qu'il ne développe pas des relations particulièrement conviviales avec les électeurs ?
Comment peut-on justifier cette bipartition un peu méprisante à l'égard des zones urbaines ? D'ailleurs, un peu plus loin dans l'exposé des motifs, page 7, on trouve une phrase tout à fait significative sur « l'anonymat relatif des grandes villes » qui serait censé justifier le scrutin proportionnel. Si je comprends bien, il y a, d'un côté, une France conviviale qui vote au scrutin majoritaire et, de l'autre, une France anonyme qui, elle, est fondée à voter en vertu du scrutin proportionnel. C'est très déplaisant à l'égard de ceux d'entre nous qui sont élus au scrutin proportionnel.
M. Dominique Braye. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. S'agissant du scrutin majoritaire, monsieur Braye, il est écrit, toujours à la page 6 : « Il facilite ainsi l'émergence d'élus locaux qui, en dépit d'une moindre notoriété au plan national » - c'est un peu vexatoire, je connais des élus locaux qui bénéficient d'une large notoriété nationale - « sont ancrés dans le tissu social... » Il faut tout de même l'écrire !
Cela signifierait, en effet, que ceux qui sont élus à la proportionnelle, qui sont donc dans l'anonymat des villes, ne sont pas ancrés dans le tissu social ! C'est un pur procès d'intention que de dire cela ! J'arrête pour l'instant, mais je la reprendrai tout à l'heure, la lecture de cet intéressant exposé des motifs.
On voit que ces arguments ne tiennent pas du tout, car ils donnent une vision totalement caricaturale d'une France où l'on essaie partout de développer la convivialité mais où, malheureusement, il existe aussi de l'anonymat et de la solitude, aussi bien dans l'espace rural que dans le monde urbain.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le principe de parité préside aux modalités d'élection des sénateurs. Il conduit à exclure les dispositions réduisant la parité dans la représentation de chacun des départements. »
L'amendement n° 42, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La prise en compte des principes d'égalité et de parité conduit à exclure les modalités d'élection des sénateurs qui réduiraient à la fois le pluralisme et la parité dans la représentation au Sénat des différents départements. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Le texte de l'amendement n° 41 me paraît introduire une précision importante dans le code électoral, qui prend tout son sens à la lumière de nos débats d'aujourd'hui.
Le principe de parité s'applique aux modalités d'élection des sénateurs - qui peut le contester ? - mais, surtout, il s'applique département par département. Or, depuis ce matin, la majorité sénatoriale tente de nous expliquer, avec autant de mauvaise foi que de contorsions (Protestations sur les travées de l'UMP),...
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas bien du tout, ce que vous dites !
Mme Danièle Pourtaud. Les contorsions, il faut déjà pouvoir les faire !
Mme Nelly Olin. La mauvaise foi, vous connaissez !
M. Dominique Braye. La gauche du 16e , s'il vous plaît !
Mme Danièle Pourtaud. Je ne sais pas à qui vous vous adressez, mon cher collègue ! Quant au mépris, il ne grandit jamais ceux qui le professent !
M. Serge Lagauche. Monsieur Braye, cessez d'interrompre madame Pourtaud et de vous attaquer systématiquement aux femmes !
M. Dominique Braye. Elle n'avait qu'à rester correcte !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud. Depuis ce matin, on tente de nous expliquer que le texte qui nous est proposé n'a en aucun cas pour objectif de réduire la place des femmes. Tantôt on nous dit que le scrutin uninominal ne défavorise pas les femmes, et tantôt on nous explique que c'est en fait l'augmentation du nombre de sénateurs qui, par la loi organique, permettra de continuer à faire progresser le nombre de femmes, c'est-à-dire, comme le disait la présidente de la délégation aux droits des femmes, que les « pertes potentielles » seraient compensées,...
Mme Paulette Brisepierre. Elle a raison !
Mme Danièle Pourtaud. ... ou, comme le disait le rapporteur, que, « pour l'essentiel », la parité serait préservée.
Alors, chers collègues de la majorité sénatoriale, pour nous montrer votre sincérité, il vous suffit de voter cet amendement. A partir du moment où les principes d'égalité et de parité s'appliquent par département, et où l'on s'interdit, par département, de prendre des dispositions qui réduisent la parité ou le pluralisme, plus personne ne pourra alors vous soupçonner de porter atteinte à ces principes, par une loi ordinaire que viendraient compenser les ajustements d'une loi organique.
Par conséquent, mes chers collègues, pour nous prouver votre bonne foi et votre sincérité, je vous invite à voter à l'unanimité cet amendement, qui est vraiment le bienvenu.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un cadre départemental, le scrutin majoritaire ne saurait mieux garantir la représentation par les sénateurs des collectivités territoriales que le scrutin proportionnel. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement n° 43, nous souhaitons préciser que « dans un cadre départemental, le scrutin majoritaire ne saurait mieux garantir la représentation par les sénateurs des collectivités territoriales que le scrutin proportionnel. »
Cette précision me paraît vraiment nécessaire, afin de rompre une bonne fois pour toutes avec ce procès latent qui, à la page 6 de l'exposé des motifs, s'adresse à celles et ceux qui sont élus au scrutin proportionnel et qui seraient alors des sénateurs inaptes à représenter les collectivités territoriales. Quelles raisons justifient ce procès alors que la représentation proportionnelle permet justement de rendre compte du pluralisme politique, dont nul ne peut nier qu'il existe au sein des collectivités locales de la République.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt un autre paragraphe toujours extrait de la page 6 de l'exposé des motifs. Et il faut quand même une certaine abnégation, une certaine maîtrise de soi pour lire cela en restant extrêmement sérieux : le scrutin majoritaire « garantit également l'indépendance des sénateurs qui disposent d'une plus grande liberté à l'égard des partis politiques...
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et d'une distance suffisante pour privilégier durant leur mandat le rôle de représentation des collectivités territoriales dont ils sont chargés par la Constitution. »
Quand nous avons assisté, monsieur le secrétaire d'Etat - et vous avez suivi cela de près, car vous êtes un expert - à la construction du grand groupe UMP...
Mme Nelly Olin. Cela a vraiment l'air de vous poser un problème !
M. Jean-Pierre Sueur. Non, mais c'est très intéressant, madame Olin, car ce fut un processus mené, je dois le dire, de main de maître !
Je ne sais pas s'il est achevé. Je sais que certains ou certaines ont résisté, mais, lorsque nous avons vu ce dispositif se mettre en place, nous avons vraiment ressenti que celles et ceux qui ont eu le bonheur d'être élus en vertu du scrutin majoritaire jouissaient d'une grande, d'une immense liberté à l'égard des partis politiques et d'une distance suffisante. Cela a été écrit.
C'est vraiment magnifique, cette distance suffisante ! Tandis que ceux qui sont élus au scrutin proportionnel manquent de distance. (Mme Borvo s'esclaffe.) C'est un vrai sujet. Les uns seraient partisans, les autres ne le seraient pas !
Mme Nicole Borvo. C'est un sujet du bac !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout cela est vraiment risible, parce que nous savons ici que chacun - à l'exception de quelques-uns, tout à fait respectables - appartient à un groupe politique, que les groupes politiques sont liés aux partis politiques, et que cela fait partie de la démocratie. Cet apolitisme prétendu que l'on nous présente comme une sorte de parangon de vertu n'existe pas et rend, par conséquent, bien vaines les belles phrases qui occupent la page 6 de l'exposé des motifs.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, C. Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Y. Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Compte tenu du pluralisme politique qui caractérise les collectivités territoriales, le mode d'élection proportionnel est le mieux à même de favoriser la juste représentation des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Compte tenu du pluralisme politique qui caractérise les collectivités territoriales, le mode d'élection proportionnel est le mieux à même de favoriser la juste représentation des collectivités territoriales.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de reprendre ce qui est excellemment dit à la page 7 de l'exposé des motifs, qui contredit exactement ce qui est écrit à la page 6. (Mme Borvo s'esclaffe.)
Je lis en effet, page 7 : « La représentation des différents courants d'opinion est plus facilement assurée par le scrutin proportionnel. Malgré ses caractéristiques particulières, le Sénat demeure une assemblée parlementaire politique dont le mode d'élection ne peut exclure par principe une compétition électorale politisée. »
Jolie lilote ! Tout cela est risible, car, quelle que soit l'élection, comment oser prétendre que « le mode d'élection ne peut exclure par principe une compétition électorale politisée » ?
Ainsi, à la page 6, le scrutin proportionnel est néfaste, car, il empêche le contact humain, mais, à la page 7, il est positif, car, en dépit de tout, on est dans une « compétition électorale politisée » !
Et, page 7, le bas est en contradiction avec le haut ! Je lis l'avant-dernier paragraphe : « Ainsi, l'introduction massive du mode de scrutin proportionnel fait courir le risque à la Haute Assemblée d'atténuer sensiblement la portée réelle de son rôle de représentation des collectivités territoriales en renforçant son caractère partisan. »
C'est admirable. On nous dit maintenant que trop de proportionnelle renforcerait ce diabolique « caractère partisan » !
Ces pages 6 et 7, collage de paragraphes contradictoires, devraient être affichées et largement diffusées, car c'est un modèle de littérature opportuniste.
Hélas ! cette littérature n'est pas à la hauteur des principes qui fondent notre République.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Bernard Frimat. Très bien !
M. Robert Bret. C'est très clair !
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, Charles Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Yolande Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La redéfinition du mode d'élection des sénateurs exclut toute régression du champ d'application du scrutin proportionnel dans la mesure où celle-ci se traduirait inéluctablement par une régression corrélative de la parité, en contradiction avec l'objectif inscrit à l'article 3 de la Constitution. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Mes chers collègues, pour vous montrer que je ne suis pas partisane...
Mme Nelly Olin. Jamais on ne l'avait soupçonné !
Mme Danièle Pourtaud. ... je citerai des auteurs que vous ne pourrez ni renier ni réfuter.
Vous connaissez bien Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, rapporteur de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes. Je la cite : ...
M. Christian Cointat. Encore !
Mme Danièle Pourtaud. « Jusqu'au renouvellement de 2001, le Sénat était le bastion fermé à la parité. »
M. Josselin de Rohan. Et l'Assemblée nationale ?
Mme Danièle Pourtaud. A défaut de m'écouter, écoutez Mme Zimmermann : « Force est donc de se réjouir de la réforme du scrutin par la loi du 10 juillet 2000, qui a étendu le scrutin proportionnel de liste à tous les départements élisant plus de deux sénateurs, contre plus de quatre auparavant, et imposer une parité stricte entre les femmes et les hommes sur les listes. »
Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Marie-Jo Zimmermann : la proportionnelle est favorable à la parité, et faire régresser la proportionnelle fera régresser la parité. C'est d'ailleurs aussi ce que concédait ce matin M. le rapporteur.
Je voudrais également m'appuyer sur des chiffres puisque, comme on a l'habitude de le dire, les chiffres sont têtus, et ils ne sont pas partisans.
Mme Nelly Olin. S'il n'y avait que les chiffres !
Mme Danièle Pourtaud. Aux dernières élections sénatoriales, il y avait 101 sénateurs sortants : grâce aux lois que nous avons fait voter sur la parité et sur la réforme du scrutin sénatorial, alors que sept femmes étaient sortantes, vingt-deux sont entrées au Sénat, et, sur ces vingt-deux, vingt sont entrées dans les départements qui élisaient les sénateurs à la proportionnelle, alors que deux seulement sont entrées dans les départements qui élisaient des sénateurs au scrutin uninominal.
Bien sûr, il y a des exceptions, et vous en faite partie, madame Olin, mais, deux femmes, cela fait 7 % alors que vingt femmes, cela fait 27 %.
Les chiffres parlent clairement : avec la proportionnelle, on fait entrer 27 % de femmes, même si, on l'a dit, dans tous les camps politiques, il y a eu des tentatives pour contourner la loi. Ces 27 % ne sont donc pas satisfaisants, nous en sommes d'accord. M. Josselin de Rohan me demandait tout à l'heure de reconnaître que ce n'était pas encore parfait. Non ! ce n'est pas encore parfait, mais, 27 %, c'est incontestablement mieux que 7 % !
Cela démontre que la régression du scrutin proportionnel entraîne une régression corrélative de la parité. L'amendement vise donc à exclure toute régression du champ d'application du scrutin proportionnel pour éviter une régression de la parité.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, Charles Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Yolande Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La redéfinition du mode d'élection des sénateurs exclut toute régression du mode de scrutin proportionnel puisque :
« - dans la logique des institutions de la République, il n'est pas nécessaire d'assurer une quelconque majorité politique au Sénat, le Gouvernement n'étant responsable que devant l'Assemblée nationale ;
« - le Sénat ne peut être dissous ;
« - le suffrage indirect, même modifié, amplifie les effets réducteurs du scrutin majoritaire en termes de respect du pluralisme. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai déjà évoqué la théorie du professeur Duhamel : il faut tendre à ce que le Sénat soit élu à la proportionnelle intégrale. Certes, on perd l'idée de représentation des collectivités territoriales, mais au moins aura-t-on une assemblée représentant l'intégralité de l'opinion publique, et cela sans aucun inconvénient puisque le Sénat ne peut pas renverser le Gouvernement et ne peut pas être dissous. Le pluralisme le plus complet pourra donc régner.
Mais ce serait également vrai, même avec une représentation des collectivités territoriales, c'est-à-dire avec une proportionnelle aussi large que possible dans le cadre départemental et avec un collège électoral - nous aurons l'occasion d'en reparler - composé de manière à représenter plus équitablement l'ensemble de l'opinion, qu'elle soit urbaine ou rurale.
Dans tous ces amendements sont donc évoquées des idées qui doivent tout de même vous toucher, mes chers collègues. Ils visent à vous faire comprendre...
M. René Garrec, président de la commission. A nous transcender !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que le Sénat tel qu'il est composé aujourd'hui ou tel qu'il serait composé, si le texte que vous nous proposez aujourd'hui était adopté, n'obéit pas à des règles véritablement démocratiques.
Si le présent texte est adopté, ce sera d'ailleurs encore pire : la parité reculera, l'égalité reculera, la représentativité reculera. Le monde urbain notamment ne sera pas mieux représenté. Bref, même si la durée du mandat n'est plus que de six ans, le Sénat restera demain une anomalie !
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, Charles Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Yolande Boyer et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Compte tenu du fait que l'Assemblée nationale est élue au scrutin majoritaire, la juste représentation des différents courants de l'opinion et des différentes formations politiques au sein du Parlement implique que la redéfinition du mode d'élection des sénateurs ne se traduise pas par une réduction du champ d'application du scrutin proportionnel. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Vous avez parlé, monsieur le rapporteur, d'un « effet de cliquet », expression que M. Devejdian a réutilisée.
Je voudrais reprendre l'explication, puisque nous avons la chance d'avoir maintenant au banc du Gouvenement M. Plagnol, que je salue très respectueusement. Sa présence confirme que, désormais, les discussions sur les modes d'élection déclenchent une noria de ministres ! Mais nous savons que M. Devedjian est retenu par d'autres tâches et cela nous donne le plaisir de vous rencontrer, monsieur Plagnol.
Je reviens à l'« effet de cliquet » : l'élection de l'Assemblée nationale au scrutin majoritaire - et je reprends là encore les propos de celui qui vous a précédé à ce banc, monsieur le secrétaire d'Etat - a une « fonction d'accélération », qui confine d'ailleurs parfois au démembrement, et, puisque le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée nationale, il est en effet nécessaire qu'une majorité se dégage. Mais notre assemblée, qui a la possibilité de privilégier le pluralisme, doit aussi bénéficier de cet « effet de cliquet » auquel vous êtes tant attaché.
Quelle est en effet la validité des arguments que vous nous présentez pour soutenir le scrutin majoritaire ?
Qui peut attacher un quelconque crédit à ce qui est écrit dans les troisième et quatrième paragraphes de la page 29 du rapport de M. Larché ? « Ainsi le scrutin majoritaire et la représentation proportionnelle pourraient respectivement assurer une représentation satisfaisante des territoires les moins peuplés et de ceux à forte densité de population. Le nouvel équilibre du mode de scrutin tend à préserver l'indépendance politique de la Haute Assemblée, menacée par une application trop large de la représentation proportionnelle qui conduit à une nature plus partisane et moins personnelle du scrutin sénatorial. »
En 1992, parce que le scrutin majoritaire était triomphant, le rapport a été de 36 pour la droite, contre 3 pour la gauche. Après 2001, avec l'introduction de la proportionnelle, nous sommes passés d'un rapport de 23 contre 16, toujours en faveur de la droite. En quoi l'indépendance de la Haute Asssemblée a-t-elle été menacée ?
En quoi serait-on d'un côté de l'hémicycle moins partisan que de l'autre ?
Vous êtes partisans, je ne vous le reproche pas. Nous le sommes aussi, mais nous le reconnaissons !
Pourquoi vous dissimuler derrière un scrutin majoritaire qui, subitement, aurait la vertu de gommer la dimension partisane ? La vitesse avec laquelle les élus du scrutin majoritaire se sont massivement inscrits à l'UMP a été frappante et M. Sueur a déjà souligné tout à l'heure l'étrangeté de ce « mono-processus ».
Dans cette perspective, il nous semble important de faire jouer un « effet de cliquet », afin d'éviter que la menace qui plane sur cette assemblée depuis longtemps ne se réalise, à savoir la fin du pluralisme, qui est pourtant l'essence même de la démocratie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy, Dreyfus-Schmidt, Lagauche, Godefroy, Masseret, Charles Gautier et Vantomme, Mmes Pourtaud, Printz, Yolande Boyer et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le mode d'élection des sénateurs est défini en récusant l'idée préconçue selon laquelle le scrutin proportionnel départemental serait antinomique de la représentation par les sénateurs des collectivités territoriales. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Avant de présenter l'amendement n° 55, qui rassemble en quelque sorte les conclusions que nous pouvons tirer des arguments qui viennent d'être présentés par mes collègues et moi-même, je dois revenir un instant sur l'amendement n° 54, car le mode d'élection de l'Assemblée nationale est un argument fort pour éviter de restreindre le champ d'application du scrutin proportionnel au Sénat.
Si l'Assemblée nationale était élue différemment, par exemple au scrutin proportionnel, la situation serait différente, mais, dès lors que le scrutin majoritaire joue pleinement son rôle au sein de l'Assemblée nationale, il paraît tout à fait légitime que le scrutin proportionnel, qui permet la juste représentation du pluralisme au sein de l'opinion, produise tous ses effets au sein de la seconde chambre du Parlement.
Mais je reviens à l'amendement n° 55, synthèse, je l'ai dit, de l'ensemble de nos arguments.
Il vise à combattre l'idée préconçue selon laquelle le scrutin proportionnel départemental serait antinomique de la représentation par les sénateurs des collectivités territoriales.
Cette idée est sans fondement. Nous nous sommes efforcés de le démontrer et l'objet de cet amendement est à cet égard particulièrement éclairant.
Il serait fâcheux que l'élaboration de la loi fût influencée par des idées préconçues !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. L'avis de la commission est évidemment, selon une expression utilisée par d'autres en d'autres circonstances, globalement négatif.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous faites référence à Georges Marchais !
M. Jacques Larché, rapporteur. Vingt et un amendements viennent de nous être successivement présentés. Ils ont une caractéristique commune et, cette fois, je me réfère à Courteline : « Tendons nos rouges tabliers, il pleut des vérités premières. » (M. Braye rit.)
Par ailleurs, aucun de ces amendements n'a d'aspect normatif. Connaissant, pour avoir souvent travaillé avec eux, les qualités juridiques et le sérieux dont font habituellement preuve tous ceux qui se sont exprimés, j'ai le sentiment qu'ils les ont découverts en séance !
Comment MM. Sueur, Frimat, Bel, Mauroy auraient-ils pu rédiger un article prévoyant que « la redéfinition du mode d'élection des sénateurs exclut toute régression du mode de scrutin proportionnel puisque, etc. » ? Ce n'est pas un article de loi, c'est n'importe quoi ! (M. Dominique Braye rit.) Il en va de même pour tous les amendements qui nous ont été présentés. Vous auriez dû les lire avant de les commenter, mes chers collègues ! Vous auriez été les premiers étonnés, je vous l'assure !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'y a pas de réponse sur le fond !
M. Jacques Larché, rapporteur. « Fond » doit peut-être être entendu dans le sens de « creux » !
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. Jacques Larché, rapporteur. J'ai beau chercher, il n'y a ici aucun fond, aucune disposition de caractère normatif ! Quelques idées générales sont « vaporisées », sans déboucher sur rien ! A quoi sert-il d'énumérer des principes ? Vous savez pourtant monsieur Dreyfus-Schmidt, monsieur Sueur, monsieur Frimat, madame Pourtaud, qu'une loi est normative et doit comporter des dispositions de portée concrète. Rien de tel en l'occurrence !
Par conséquent, devant le néant, comment la commission peut-elle émettre un avis négatif ? (Rires sur les travées de l'UMP.) Je le fais néanmoins, car la commission ne peut paraître approuver une telle cascade de dispositions plus ou moins dérisoires !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission ne les a pas étudiées ?
M. Jacques Larché, rapporteur. La commission a eu le bon goût de statuer globalement sur l'ensemble des amendements, ayant pris la mesure de leur qualité juridique ! Cette méthode lui a permis de ne pas perdre son temps, comme nous perdons le nôtre actuellement. (M. Josselin de Rohan s'esclaffe.)
Par conséquent, pour toutes les raisons que j'ai évoquées, j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 52, 53 et 54. Je garde pour la bonne bouche l'amendement n° 55 ! En effet, comment peut-on imaginer que ce dernier puisse devenir un article de loi ? Monsieur Dreyfus-Schmidt, malgré nos divergences, nous avons su, dans le passé, travailler ensemble sérieusement sur des textes difficiles, pour aboutir à des dispositions utiles et concrètes. Je me souviens, en particulier, de la refonte du code pénal, de l'élaboration de la loi Chevènement ou de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Que reste-t-il de tout cela ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas grand-chose !
Mme Nicole Borvo. Hélas !
M. Jacques Larché, rapporteur. L'amendement n° 55 vise à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Le mode d'élection des sénateurs est défini en récusant l'idée préconçue selon laquelle le scrutin proportionnel départemental serait antinomique de la représentation par les sénateurs des collectivités territoriales. »
M. Josselin de Rohan. Zéro !
M. Dominique Braye. Zéro pointé !
M. Jacques Larché, rapporteur. Pas un de mes étudiants n'aurait osé me soumettre un texte de ce genre !
M. Dominique Braye. Aucun !
M. Josselin de Rohan. C'est l'élimination immédiate !
M. Jacques Larché, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 55.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Permettez-moi d'abord de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, tout le plaisir que j'éprouve à représenter ce soir le Gouvernement dans un débat qui enrichit ma culture politique, juridique et constitutionnelle.
Cela étant, en dépit du talent et de l'imagination dont ont fait preuve les orateurs de l'opposition, je ne suis pas davantage convaincu que M. le rapporteur de la validité juridique de ces vingt et un amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er. Venant de défendre un projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, je puis affirmer que des amendements d'affichage faisant référence à des principes aussi généreux et flous que les principes d'égalité ou de parité n'ont évidemment, aucune valeur normative. Le verbe « privilégier », en particulier, a une portée juridique très douteuse et incertaine !
Néanmoins, je ferai quelques observations sur le fond, par courtoisie républicaine et pour ne pas frustrer les vaillants orateurs de l'opposition.
Leurs amendements traduisent, pour l'essentiel, un parti pris en faveur du scrutin à la représentation proportionnelle, lequel seul permettrait, par nature, de garantir la représentation des collectivités territoriales.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la parité !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. J'ai beaucoup de mal à vous suivre sur ce terrain, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition !
En ma qualité d'élu au scrutin majoritaire, je puis vous dire modestement que ce dernier présente au moins l'avantage, comme le souligne excellemment l'exposé des motifs de la proposition de loi, de maintenir un lien entre un homme et un territoire. En ce sens, il contribue à illustrer la vocation du Sénat à représenter les collectivités territoriales.
M. Serge Lagauche. Les électeurs !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je vous ai écoutés très longuement, ayez donc maintenant la courtoisie de me laisser parler !
Vous avez par ailleurs soutenu que, par nature, le scrutin à la représentation proportionnelle favorise le pluralisme et l'expression des différentes formations politiques.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Robert Bret. C'est un fait !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il me semble que la principale faiblesse de ce type de scrutin, c'est que, à peu de chose près, on sait d'avance, en fonction du classement des candidats sur les listes, quels seront les heureux élus. Cela entraîne donc un effet de « nationalisation » du scrutin qui, poussé à l'extrême, affaiblirait, me semble-t-il, l'une des richesses du Sénat, à savoir la prise en compte d'autres paramètres contribuant à la modération, à l'équilibre et à la sagesse bien connus de la Haute Assemblée, ainsi qu'à l'indépendance relative de ses membres par rapport aux fluctuations politiques. C'est un ancien député qui vous le dit !
Surtout, votre définition du pluralisme est extraordinairement restrictive, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, puisque vous paraissez considérer qu'il est simplement le fruit de l'expression des courants politiques nationaux.
Enfin, comme le souligne le professeur Duhamel lui-même - vous avez eu l'honnêteté de le rappeler -, la proportionnelle intégrale empêcherait le Sénat de remplir sa mission constitutionnelle de représentation des territoires.
Il convient donc de maintenir un mode de scrutin équilibré, pour partie à la représentation proportionnelle, pour partie majoritaire, tenant compte de la diversité des territoires de la République. Vous avez ironisé sur l'équilibre de l'exposé des motifs, mais celui-ci me paraît empreint de sagesse et de modération.
J'en viens maintenant à l'argument, répété à satiété, selon lequel la représentation proportionnelle favoriserait l'égale représentation des hommes et des femmes.
D'une part, je ne partage pas l'analyse de l'opposition sur la fragilité constitutionnelle du projet de la majorité, car, selon un principe tout à fait essentiel de notre démocratie, la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation identique à celui du Parlement. Sinon, que resterait-il de la souveraineté du législateur, s'agissant notamment de la réforme d'un mode de scrutin applicable à l'une des deux chambres du Parlement ? Aucune règle, fût-elle de valeur constitutionnelle, ne saurait priver le Parlement de son pouvoir légitime de modifier un mode de scrutin.
D'autre part, je trouve que vous faites bon marché de la qualité des femmes qui aspirent à être élues au suffrage universel.
Mme Paulette Brisepierre. Absolument !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Je suis persuadé que, grâce au renouvellement de nos assemblées locales, notamment municipales, les femmes seront en mesure, dans les années à venir, de battre les hommes au scrutin majoritaire.
Mme Nicole Borvo. Cela n'a pas encore été démontré !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Votre préjugé en faveur du scrutin à la représentation proportionnelle, qui dissimule des intérêts partisans reflétés dans vos statistiques, disparaîtra alors de lui-même.
Pour toutes ces raisons, qui s'ajoutent à celles qu'a excellemment exposées M. le rapporteur, le Gouvernement s'oppose à l'ensemble des amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 28.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, mon explication de vote portera en fait sur l'ensemble des amendements en discussion.
Au préalable, je souhaite signifier la vive déception que j'éprouve, du fait que M. le rapporteur, dont nous connaissons tous ici la profonde sagesse et les grandes qualités, n'a pas cru devoir répondre aux arguments de fond que nous avons avancés.
MM. Dominique Braye et Jean Chérioux. Il n'y en a pas !
Un sénateur de l'UMP. C'est un fond percé !
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, il est tout à fait clair que les amendements que nous avons présentés visent à poser des principes. De nombreuses lois, que je ne citerai pas ici, car la liste serait très longue, établissent des principes généraux. De ces principes, on peut déduire la légitimité ou la non-légitimité d'une éventuelle réduction du champ d'application du scrutin à la représentation proportionnelle.
Monsieur le rapporteur, nous ne contestons pas le fait que nos amendements sont des amendements de principe, mais ils ont pour objet d'éclairer le débat. Or ce débat, vous avez absolument refusé de l'aborder.
M. le secrétaire d'Etat, quant à lui - je tiens à lui rendre hommage sur ce point -,...
M. Jean Chérioux. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur. ... a bien voulu répondre sur le fond, ce que nous apprécions.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Bien entendu, nos échanges permettront tout à l'heure d'éclairer notre vote sur l'article tendant à supprimer le scrutin à la représentation proportionnelle pour les départements élisant trois sénateurs.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, certains de vos arguments ne nous ont pas convaincus. Je n'en évoquerai que deux.
S'agissant du mode de scrutin, vous avez affirmé que si l'on appliquait la proportionnelle intégrale ou si l'on maintenait le champ actuel du scrutin à la représentation proportionnelle, cela poserait un grave problème, car ce sont les sénateurs élus au scrutin majoritaire qui permettent, selon vos propres termes, « la modération, l'équilibre et la sagesse » de la Haute Assemblée.
Comment imaginer un seul instant que ceux d'entre nous, et leur nombre n'est pas négligeable, qui ont été élus au scrutin à la représentation proportionnelle ne contribuent aucunement à la modération, à l'équilibre et à la sagesse du Sénat ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous retombez dans cette éternelle erreur selon laquelle au scrutin majoritaire seraient associés la convivialité, la ruralité, la modération, l'équilibre et la sagesse, tandis qu'au scrutin proportionnel correspondraient l'anonymat des villes, le phénomène urbain, le manque de sagesse, le déséquilibre, la démagogie, l'esprit partisan et le scrutin politique. C'est un paradigme ! Ce schéma est complètement simpliste et ne saurait nous convaincre !
M. Jean Chérioux. M. Sueur a vingt sur vingt ! Il a tout bien expliqué !
M. Jean-Pierre Sueur. S'agissant de la parité, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué la légitimité du Parlement à élaborer la loi.
Certes, mais le Parlement élabore la loi dans le cadre de la Constitution, et l'article 3 de cette dernière s'impose donc à lui ! Par conséquent, dès lors qu'une loi entrave l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, au lieu de le favoriser, elle viole, à notre sens, une contrainte fondamentale posée par la Constitution.
Enfin, il est complètement faux d'affirmer que les statistiques de Mme Danièle Pourtaud reflètent un intérêt partisan. En effet, les femmes élues au Sénat auxquelles ma collègue faisait référence appartiennent à l'ensemble des formations politiques. Il n'y a donc aucun intérêt partisan dans cette affaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Les amendements de nos collègues socialistes sont des amendements de principe, comme ils l'ont eux-mêmes indiqué. Certes, je ne suis pas certaine que les dispositions présentées méritent toutes de figurer dans la loi,... (M. Josselin de Rohan s'esclaffe.)
M. Dominique Braye. Mme Borvo le reconnaît !
Mme Nicole Borvo. ... mais les arguments de la majorité sénatoriale et de M. le secrétaire d'Etat visant à prouver que le mode de scrutin à la représentation proportionnelle ne favorise ni l'élection des femmes ni le pluralisme nous paraissent tout de même peu crédibles, puisque les faits, l'expérience et l'histoire démontrent absolument le contraire.
Par conséquent, je voterai ces amendements, même s'ils sont quelque peu excessifs. Je crois vraiment nécessaire d'affirmer que la parité doit être favorisée. Or ce texte tend, au contraire, à la faire reculer, ses promoteurs entendant bien conserver leurs places !
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin, pour explication de vote.
Mme Nelly Olin. Je ne voterai pas, bien évidemment, comme Mme Pourtaud, d'abord parce que je n'en ai pas l'habitude, ensuite et surtout parce que je ne vote pas n'importe comment !
Cela étant, je commence à en avoir assez d'entendre dire, à longueur de débat, que les femmes de gauche ont le monopole du coeur et de la défense de la parité, tandis que les femmes de droite...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y en a pas beaucoup !
Mme Nelly Olin. ... n'ont absolument aucun sens politique et aucun souci de la parité.
Mme Nicole Borvo. Qui a dit cela ? Personne ne l'a dit !
M. Dominique Braye. Les femmes de droite s'imposent par elles-mêmes !
Mme Nelly Olin. Puisque nous en revenons toujours au même débat, je rappellerai à mes collègues de l'opposition, après M. de Rohan, qu'ils ont exercé le pouvoir pendant un certain temps et que, en matière de parité, ils ne sont quand même pas très bien placés pour nous donner des leçons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. C'est un peu fort !
Mme Nelly Olin. Madame Pourtaud, je suis une élue de terrain, et j'ai trouvé vos propos blessants. En dehors du fait que vous n'avez pas à nous donner de leçons sur ce plan, vous êtes le type même de la femme qui découragera d'autres femmes de se lancer dans la politique ! Vous êtes une anti-publicité pour les femmes !
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Michel Pelchat. C'est bien dit !
Mme Nicole Borvo. A qui parlez-vous, madame Olin ?
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je crains que notre collègue Nelly Olin ne se soit égarée dans une attaque ad mulierem !
Mme Nelly Olin. Absolument pas ! Je ne me suis pas égarée du tout !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Rappelons la réalité historique : le droit de vote a été donné à nos mères et à nos grand-mères, en 1945,... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Par qui ?
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Par le général de Gaulle !
M. Robert Bret. Par le Conseil national de la Résistance !
Mme Nicole Borvo. Comptez quand même avec le parti communiste, monsieur Braye !
M. Michel Pelchat. Et, bien avant 1945, par Atatürk, qui n'était pas communiste !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... par le général de Gaulle et le Conseil national de la Résistance, qui comptait un très grand nombre de gens de gauche. On l'a un peu trop oublié récemment !
M. Dominique Braye. Merci au général de Gaulle !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Merci à l'ensemble du Conseil national de la Résistance !
Au fil des années qui se sont écoulées entre 1945 et l'entrée en vigueur de la loi Jospin, le pourcentage de femmes parmi les parlementaires n'a pas augmenté, il a même diminué. Sans la loi Jospin, une partie des femmes aujourd'hui sénatrices n'auraient pas été élues,...
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas M. Jospin qui m'a fait élire !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... et les femmes qui siègeraient dans cet hémicycle appartiendraient en majorité à la droite.
M. Josselin de Rohan. Et à l'Assemblée nationale ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En fait, en vous permettant d'entrer au Sénat grâce à la loi Jospin, mesdames les sénatrices de droite, nous avons perdu la présidence de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, puisque vous y êtes devenues majoritaires.
N'oublions pas que la parité a été combattue par la droite avec une très grande vigueur dans cette enceinte et qu'elle est toujours combattue aujourd'hui. Je la défends, au côté de Mme Pourtaud,...
Mme Nelly Olin. C'est normal !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oui, c'est normal, c'est l'expression de la solidarité entre femmes (Exclamations sur les travées de l'UMP), entre parlementaires, et je trouve indécent que l'on attaque de cette façon personnelle et outrageante une collègue. (Applaudissements sur les travées socialiste.)
M. Dominique Braye. Elle dit que nous sommes indécents !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Larché, rapporteur. Je voudrais rappeler un fait dont nous avons tous gardé un souvenir sympathique.
Dans l'assemblée à majorité de droite que nous formions, nous avions donné à l'une de nos collègues de gauche la première présidence de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Serge Lagauche. C'était très bien, mais vous n'avez pas persévéré !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous nous avez retiré cette présidence, comme vous nous avez retiré les présidences de commission que nous avions jadis !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je voudrais revenir au sujet et répondre à mon collègue et voisin Jean-Pierre Sueur.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Sueur, les élus issus du scrutin proportionnel sont des sénateurs ou des sénatrices à part entière.
Mme Nicole Borvo. Ah bon ?
Mme Jacqueline Gourault. Mais il en est de même de ceux qui sont élus au scrutin majoritaire à deux tours.
M. Serge Lagauche. Effectivement !
Mme Jacqueline Gourault. Au fond, ce qui me gêne, c'est quant vous présentez un tableau avec deux colonnes. Il faut que vous le sachiez, des élus du scrutin majoritaire à deux tours sont, eux aussi, engagés politiquement.
Mme Nicole Borvo. Nous en sommes convaincus, chère madame !
Mme Jacqueline Gourault. Quand j'ai fait campagne dans le département, tout le monde connaissait mon étiquette et savait dans quel groupe politique j'irais m'inscrire. L'étiquette politique n'est pas l'apanage du scrutin proportionnel.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n'ai pas dit cela !
Mme Jacqueline Gourault. Votre démonstration le laissait entendre !
Par ailleurs, vous dites que les villes sont oubliées. Moi, je suis une femme, je suis une élue urbaine et je suis une femme politique.
Mme Nicole Borvo. Pourquoi les femmes de droite se sentent-elles visées ?
Mme Jacqueline Gourault. Tous les modes de scrutin participent à l'équilibre que mérite notre assemblée. Mais veillons à ne pas faire des classifications en attribuant systématiquement au mode de scrutin proportionnel le mérite de défendre les femmes et le milieu urbain. Aux termes de votre démonstration, les villes seraient toujours de gauche. Or elles sont parfois de droite ou du centre. Il faut faire preuve de modération dans nos propos.
Au sein de notre groupe, nous avons défendu l'instauration du scrutin proportionnel dans les départements élisant au moins quatre sénateurs. Dans mes relations avec mes collègues, je n'ai jamais fait allusion au fait que j'avais été élue au scrutin majoritaire. Je ne me sens ni supérieure ni inférieure, je suis tout simplement sénatrice, à l'égal de mes collègues élus au scrutin proportionnel. Il y a deux modes de scrutin. Il y a même un mode de désignation particulier pour les sénateurs représentant les Français établis hors de France. Il faut rester serein et cesser de classer les élus en fonction du mode de scrutin dont ils sont issus.
J'ajoute, cher voisin, que certains scrutins proportionnels ne favorisent pas toujours aussi les politiques. En effet, il est des scrutins proportionnels, et vous les connaissez comme moi, dans lesquels des gens, que l'on va chercher à l'extérieur du monde politique, prennent une étiquette politique la veille de l'élection. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Nous avons présenté ces amendements en nous fondant sur des principes.
Madame Gourault, je vous remercie de votre intervention, car elle concerne le fond et les principes que nous avons posés.
M. Josselin de Rohan. Quand on ne peut pas faire du droit, on aligne des principes !
M. Bernard Frimat. Monsieur de Rohan, si vous souhaitez vous exprimer, demandez la parole ! Monsieur le président, permettez-moi de poursuivre. La parole est libre dans cette assemblée. Nous nous expliquons calmement. Or dès que l'on s'explique, on gêne. Tant pis, nous allons gêner longtemps !
M. le président. Prenez votre temps, monsieur Frimat.
M. Bernard Frimat. Je reviens à mon explication de vote. Madame Gourault, je vous rends hommage pour votre intervention, qui est à l'opposé de celle que nous venons d'entendre et de ce qui est écrit dans le rapport. Vous avez dit : moi, je suis une femme politique de droite, j'assume mes convictions et quand je me présente, les électeurs savent que j'ai cette étiquette politique, que je revendique. C'est tout à votre honneur. Il n'est nulle part honteux, et surtout pas dans cette assemblée, de faire de la politique. Mais quand je lis que « le scrutin majoritaire donne également aux sénateurs une indépendance certaine par rapport aux partis politiques,...
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Bernard Frimat. ... comme le prouvent les positions transpartisanes prises par le Sénat, particulièrement en matière de libertés publiques ou de décentralisation », je me demande de qui l'on se moque ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Michel Pelchat. De personne !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Depuis la reprise de la séance, nos collègues de gauche nous expliquent qu'il y a une sorte de manichéisme dans les modes de scrutin : l'un serait bon, la proportionnelle, car il permet notamment le pluralisme et la parité ; l'autre serait mauvais, le scrutin uninominal majoritaire.
Je voudrais simplement donner un exemple dont je ne suis pas particulièrement fier, mais qui est une réalité. Je suis élu d'un département qui compte sept sénateurs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lequel ? (Sourires.)
M. Michel Mercier. Monsieur Dreyfus-Schmidt, continuez à lire le journal : c'est ce qu'il y a de mieux pour nous tous et pour la sérénité du débat. (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne lis pas le journal, je relis mes interventions !
M. Michel Mercier. Dans le département du Rhône où je suis élu, on compte sept sénateurs parce qu'il y a beaucoup d'habitants, pour reprendre une expression appréciée par notre collègue. Nous avons tous d'excellentes relations avec beaucoup d'élus. Nous sommes élus au scrutin proportionnel - je le répète : je n'en tire aucune fierté ; je rejoins l'explication qu'a donnée tout à l'heure M. de Rohan - mais il n'y a pas une seule sénatrice dans notre département. Il y en aura la prochaine fois, mais cela tient non pas au scrutin proportionnel, mais simplement au fait que la loi nous impose désormais de présenter des listes comportant en alternance un candidat de chaque sexe. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Danièle Pourtaud. Et Mme Olin nous reproche de n'avoir rien fait pour la parité !
M. Michel Mercier. M. Frimat vient de demander à nos collègues de l'UMP de se taire quand il parlait. Si, par hasard, vous vouliez bien avoir la même gentillesse à mon endroit, ce serait parfait. On peut s'expliquer. On n'est pas obligé d'être du même avis. Ce matin, en philosophie, un des sujets du baccalauréat était : « Croyez-vous que le dialogue conduise à la vérité ? »
Mme Danièle Pourtaud. C'est un sujet pour M. Luc Ferry !
M. Michel Mercier. Cela ne semble pas être votre fort. Je suis, pour ma part, élu dans un département au scrutin proportionnel : je m'y trouve bien, je serai à nouveau candidat et j'aurai des relations conviviales ; je ne serai pas un élu éthéré, asexué, qui se situerait n'importe où. Je l'ai dit : si, lors du prochain scrutin, des candidates sont élues sénatrices dans notre département, c'est en raison de l'obligation de présenter désormais d'une certaine façon les listes électorales. Ce n'est pas le scrutin majoritaire qui fait qu'il y a plus ou moins de parité, c'est l'obligation de présenter des listes avec une alternance de candidats de chaque sexe.
Le scrutin uninominal permet, à l'évidence, à tout le monde, aux hommes comme aux femmes, d'être candidat individuellement. Aucun mode de scrutin ne favorise la parité, aucun autre ne l'empêche. L'honnêteté me force à reconnaître qu'avec une liste avec alternance d'un candidat et d'une candidate, c'est plus facile. Ce n'est pas le fait du scrutin proportionnel, c'est l'obligation du « chabada » ! Avec le scrutin majoritaire, c'est bien sûr plus difficile parce qu'il faut affronter seul le corps électoral, mais c'est tout à fait possible.
Donc, il faut cesser de magnifier le scrutin proportionnel et de diaboliser le scrutin majoritaire. Chaque mode de scrutin a ses avantages et ses inconvénients. C'est pourquoi il faut accepter le débat. La proposition de loi que nous vous soumettons a le grand avantage de permettre qu'à peu près une moitié de sénateurs est élue selon un mode de scrutin, l'autre moitié selon un autre. Le Sénat a sur l'Assemblée nationale l'avantage énorme de mêler ces deux modes de scrutin, c'est ce qui fait sa spécificité, en plus de son corps électoral. Sachons faire fructifier cette richesse, au lieu de prétendre que certains sénateurs seraient moins bien que d'autres. Ce n'est pas vrai : le scrutin proportionnel est le bienvenu lorsqu'on peut faire jouer les proportions, comme son nom l'indique. Lorsqu'il n'y a qu'un, deux ou trois sièges, les proportions n'existent pas ! Nous savons bien que, dans ce cas, il s'agit d'un scrutin majoritaire au rabais, puisqu'il suffit d'avoir moins du tiers des voix pour être élu, alors qu'autrement il faut convaincre au moins la moitié des électeurs.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Absolument !
M. Michel Mercier. Il y a aussi la réalité du principe démocratique qui s'impose.
Il ne faut pas avoir une vision trop manichéenne. Les propositions qui sont faites ce soir sont équilibrées et sages. Tout le monde veut bien reconnaître - peut-être en dehors de l'hémicycle ; c'est naturellement plus difficile dedans - que c'est la réalité. Si, toutes et tous, nous faisions les efforts pour mesurer la réalité, que constituent les propositions d'équilibre, d'ouverture et de modernité qui sont faites ce soir, nous travaillerions à renouveller le bicamérisme dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Valade. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Chacun peut le reconnaître, le système « chabada » et le scrutin proportionnel ont plus fait progresser les femmes dans la vie politique que le scrutin majoritaire.
M. Michel Mercier. Je l'ai dit !
M. Serge Lagauche. On a vu lors des élections législatives que les partis politiques, quels qu'ils soient, n'ont pas abouti à ce qu'ils souhaitaient. On a vu lors des élections sénatoriales dans les départements où est appliqué le scrutin majoritaire qu'il y avait soit des détournements, soit une impossibilité.
Aussi, recourir le plus possible au scrutin proportionnel pour les élections sénatoriales permettait, pour ceux qui sont de bonne foi - et je crois que vous êtes tous de bonne foi pour faire avancer les femmes et éviter ces fameuses lices que l'on a vues à un moment - de faire progresser les femmes dans la vie politique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. CQFD !
M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, pour explication de vote.
Mme Paulette Brisepierre. Nous demandons une certaine égalité entre les femmes et les hommes. Ce n'est pas exactement la parité. Si nous voulons des postes, battons-nous pour les obtenir par nous-mêmes ! Mais en nous faisant imposer, j'estime que nous nous dévalorisons en quelque sorte, et que nous sommes déconsidérées. Je suis contre la parité, je suis contre les quotas. J'estime que, quand nous voulons atteindre certains domaines, nous devons nous imposer et les gagner par nous-mêmes.
Mme Nelly Olin. Très bien !
Mme Paulette Brisepierre. Rien dans la loi n'interdit à une femme d'être tête de liste. Pourquoi ne pas le faire, nous battre et gagner de cette façon ? Et cette fois nous serons à part entière, nous ne serons pas considérées comme des êtres faibles que l'on a été obligé d'aider pour accéder à certains postes.
C'est pourquoi ce débat me désole en un certain sens. J'estime que nous nous dévalorisons et que nous devons nous battre pour obtenir ce que nous voulons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, j'avais dit tout à l'heure que je ne donnerais qu'une seule explication de vote sur l'ensemble des amendements, mais je souhaite, à la faveur de cet amendement, apporter une précision, à la suite des propos de Mme Jacqueline Gourault, que je partage, pour l'essentiel.
Tout à l'heure, lorsque j'ai parlé d'une vision caricaturale - d'un côté le scrutin proportionnel, de l'autre le scrutin majoritaire -, un certain nombre de stéréotypes étant attachés à l'un comme à l'autre, je n'exprimais pas ma position personnelle. Je faisais part de ce qui, à l'évidence, se dégage à la lecture des pages 6 et 7 de l'exposé des motifs de la proposition de loi. Ce n'est pas moi qui l'ai écrit !
Ces deux pages, et je pense l'avoir démontré, constituent une série d'idées préconçues. Ainsi, le scrutin majoritaire permettrait aux élus d'être ancrés dans le tissu social, alors que ce ne serait pas le cas avec le scrutin proportionnel. De même, le scrutin proportionnel renverrait à l'anonymat des villes cependant que le scrutin majoritaire renverrait aux beautés du monde rural.
Je dénonce cette vision caricaturale, et vous la dénoncez aussi. Nous sommes donc d'accord sur l'essentiel, et je tenais à le dire.
M. Josselin de Rohan. C'est surréaliste !
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 29 à 35, 36 rectifié, 37 à 44 et 52 à 55.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)