PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'ouverture de cette séance de questions d'actualité, permettez-moi d'exprimer, en notre nom à tous, l'émotion du Sénat tout entier face au terrible tremblement de terre qui a affecté Alger et sa région, faisant de très nombreuses victimes.
Dans ces circonstances particulièrement dramatiques, j'exprime au peuple algérien notre entière solidarité. Nos pensées vont d'abord aux victimes et à leurs familles. Mais c'est à toute la nation algérienne, c'est à ce peuple ami, durement touché, une fois de plus, par une cruelle épreuve, que je voudrais exprimer notre amitié.
Je me félicite que la France, dans un élan de solidarité, ait proposé de contribuer, par une aide matérielle d'urgence, au réconfort du peuple algérien.
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée à l'unanimité par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, par courtoisie, de respecter le temps de parole qui lui est imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le Premier ministre, qui est actuellement en visite d'Etat au Canada.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, la France accueillera, les 2 et 3 juin prochain, à Evian, la réunion du G 8. La préparation de cette rencontre mobilise depuis plusieurs mois les autorités, les collectivités publiques et toute la région. Un dispositif exceptionnel est déployé sur une grande partie de la Haute-Savoie ainsi que sur les cantons suisses voisins.
Tant par les thèmes que le France a choisi d'y mettre en avant que par le moment de leur discussion, ce sommet devrait avoir une portée toute particulière.
Il devrait, tout d'abord, marquer le renforcement de la relation du G 8 avec le reste du monde. Déjà en 1996, la précédente présidence française avait lancé le programme pour les pays pauvres très endettés, allégeant la dette d'une quarantaine de pays africains ou latino-américains.
La réunion formelle du G 8 à Evian sera, sur l'initiative du Président de la République, précédée, le 1er juin, d'un dialogue associant plus d'une vingtaine de pays pauvres ou émergents. Ce dialogue permettra de tirer un bilan des premiers développements du nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le NEPAD mis en place lors de la réunion de Gênes. Ainsi, les membres du G 8 réunis à Evian devraient donner un nouvel élan à leur partenariat avec les pays de l'hémisphère sud. Monsieur le ministre, quelles propositions concrètes la France entend-elle présenter dans ce but ?
Par ailleurs, cette rencontre d'Evian réunira, pour la première fois et au plus haut niveau, des pays qui, voilà quelques semaines, ont développé des options différentes lors du conflit en Irak. A l'heure où le G 8 devrait démontrer son ouverture au monde, il lui faudra aussi marquer l'apaisement des relations entre ses membres. Mais, au-delà de l'affichage d'une normalisation des relations politiques, notamment entre la France et les Etats-Unis, qu'en est-il du boycott qui, selon certains échos de presse, frapperait de manière persistante les produits français outre-Atlantique ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer la véracité de telles informations, et quelles assurances pouvez-vous nous donner qu'une fois la relation transatlantique normalisée du point de vue politique notre économie et nos entreprises ne soient pas pénalisées par ce type de comportement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je tiens d'abord à préciser que le Gouvernement s'associe totalement au témoignage de solidarité que vous venez d'adresser à nos amis algériens.
J'en viens à la question posée par M. Amoudry.
Les travaux que nous avons menés à Deauville, en préparation du sommet d'Evian, ont été fructueux dans les deux directions que vous avez évoquées. Ces travaux étant de nature différente, je commencerai par vous répondre sur les relations franco-américaines et leurs incidences économiques.
Comme cela avait déjà été précisé, en avril, à Washington, par mon collègue John Snow, il va de soi que l'administration américaine n'a ni l'intention, ni l'ambition, ni d'ailleurs la capacité d'introduire un quelconque déséquilibre par rapport aux engagements internationaux qu'elle a pris en ce qui concerne les échanges entre nos deux pays. Samedi dernier, à Deauville, M. John Snow a confirmé de nouveau, très spontanément et très clairement, qu'il n'était pas question pour son pays d'agir en un sens différent.
Cela étant, on ne peut pas pour autant empêcher un certain nombre d'entreprises américaines ou de consommateurs américains, à titre individuel, d'émettre des préférences au détriment des produits français. Mais, je l'espère, ces réactions ne seront que très transitoires.
Au demeurant, et cela malgré la tension à laquelle vous faites allusion, monsieur le sénateur, la France n'en a pas moins signé un certain nombre de contrats ; je pense notamment à celui d'Areva en matière de traitement des déchets nucléaires aux Etats-Unis pour un montant significatif de 40 millions de dollars.
Cela n'a pas empêché non plus que l'une de nos plus belles entreprises de restauration, Sodexho, continue à alimenter - au sens propre du terme - l'armée américaine, du moins sur ses bases américaines.
En ce qui concerne maintenant l'Afrique, la situation a fait l'objet de nombreuses discussions à Deauville.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Francis Mer, ministre. Cela nous a permis de confirmer, dans la perspective de la réunion d'Evian, les engagements que nous avions pris les uns et les autres à cet égard, en ce qui concerne tant l'augmentation des subventions que nous nous étions engagés, à Monterey, à verser à l'Afrique que les autres éléments permettant à ce continent de sortir de son isolement, de s'insérer dans le commerce international au moyen, dans un certain nombre de domaines, d'une aide particulière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
GRÈVE DES ENSEIGNANTS
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le ministre, nous assistons actuellement à un mouvement de grève dans le personnel de l'éducation nationale.
M. Alain Gournac. Hé oui !
M. Christian Demuynck. Le mouvement est inégalement suivi selon les départements, mais il l'est particulièrement en Seine-Saint-Denis. Il est vrai que ce département est sociologiquement complexe et que les professeurs, souvent jeunes, y sont confrontés à de réelles difficultés. On comprend, bien sûr, leurs soucis, leur inquiétude, leur appréhension.
Cependant, certains syndicats ou groupes politiques utilisent cette angoisse et la détournent à des fins d'activisme effréné et mensonger. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe CRC.)
C'est la réalité, chers collègues !
Pouvez-vous, une nouvelle fois, monsieur le ministre, rétablir la vérité et confirmer votre volonté de maintenir la cohérence de l'éducation nationale,...
Mme Nicole Borvo. C'est ridicule !
M. Didier Boulaud. Comme pour les médecins !
M. Christian Demuynck. ... redire que vous ne voulez pas la démanteler, que vous ne supprimerez pas les surveillants et rassurer les enseignants quant aux conséquences de la réforme de la décentralisation sur leurs conditions de travail.
M. Didier Boulaud. Comme pour les médecins !
M. Christian Demuynck. Je souhaiterais aussi, monsieur le ministre, aborder un point qui inquiète particulièrement les collégiens, les lycéens et étudiants, mais aussi les parents.
M. Alain Gournac. Très juste !
M. Christian Demuynck. En effet, certains font planer la menace d'une grève des examens (Exclamations sur les travées de l'UMP), ce qui est proprement scandaleux,...
M. Jean Chérioux. Honteux !
M. Christian Demuynck. ... totalement inadmissible,...
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Nicolas About. C'est de la manipulation !
M. Christian Demuynck. ... dramatique pour l'avenir de nos jeunes et injuste au regard des efforts importants qu'ils ont fournis tout au long de l'année scolaire.
Malgré ce chantage intolérable, quelles mesures comptez-vous prendre pour faire respecter le principe élémentaire de l'égalité des chances et permettre à tous les collégiens, lycéens et étudiants de se présenter aux examens auxquels ils se sont inscrits ?
M. Robert Del Picchia. C'est le principal !
M. Christian Demuynck. En tous les cas, monsieur le ministre, pour l'avenir de l'éducation nationale, pour l'avenir de la jeunesse, tenez bon ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Pour quoi faire ?
Mme Hélène Luc. Revenez sur la décentralisation, et ce sera réglé !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le sénateur, nous avons en effet assisté, au cours des dernières semaines, à une campagne de désinformation comme je crois n'en avoir jamais vue, depuis trente ans dans l'éducation nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Luc Ferry, ministre. On a essayé d'affoler les familles en leur disant que nous allions supprimer les conseillers d'orientation, ce qui est faux, ce qui est même absurde.
Mme Hélène Luc. Voyons, voyons !
M. Didier Boulaud. Et vos amis, comment ont-ils fait pendant des années ?
M. Luc Ferry, ministre. On a essayé d'affoler les parents en leur faisant croire qu'on allait supprimer l'école maternelle, ce qui est surréaliste. Pourquoi pas les lycées, pendant qu'on y est ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
On a essayé d'affoler encore les familles en leur disant que les consultations médicales seraient payantes, ce qui évidemment est absurde et mensonger.
Bref, nous avons assisté à une campagne de désinformation comme, je le répète, je n'en avais jamais vue depuis des années dans notre milieu.
M. Didier Boulaud. Parce que vous ne lisez pas les journaux !
M. Luc Ferry, ministre. Cela étant dit, je voudrais tout de même sur un point vous rassurer, monsieur le sénateur : les comportements que vous stigmatisez tout à fait à juste titre s'agissant du boycott des examens ne sont pas le fait d'une majorité d'enseignants, très loin de là.
M. Alain Gournac. C'est vrai !
M. Nicolas About. C'est rassurant !
M. Luc Ferry, ministre. J'irai même plus loin : ils ne sont pas le fait de la majorité des enseignants grévistes, qui ont le sens des responsabilités.
M. Charles Revet. C'est vrai !
M. Luc Ferry, ministre. Je voudrais rendre hommage aux organisations syndicales qui ont eu le courage de dire à leurs adhérents qu'il ne fallait pas boycotter les examens, ce en quoi elles ont parfaitement raison.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Luc Ferry, ministre. On a le droit d'être en désaccord avec une réforme. On a le droit d'être en désaccord avec un gouvernement. On a le droit de faire grève et de manifester. Ce sont des acquis de la vie démocratique et républicaine. En revanche, on n'a pas le droit de prendre les élèves en otages, et je ne l'accepterai pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Gérard Cornu. La gauche n'applaudit pas ?
M. Luc Ferry, ministre. Ce n'est pas seulement une question de principe. Il faut savoir que les élèves qui passent aujourd'hui les épreuves du BTS ont besoin de leur diplôme pour pouvoir travailler dès le mois de juillet - certains d'entre eux ont déjà des contrats - ou pour suivre des stages.
D'autres ont besoin des résultats de leurs examens pour s'inscrire à l'université. Les prendre en otages est non seulement illégal, mais immoral !
M. Jacques Mahéas. Immoral ?
M. Luc Ferry, ministre. J'ai réuni, avec Xavier Darcos, les autorités académiques de ce pays et les chefs d'établissement. Je voudrais leur rendre hommage, car leur tâche est, en ce moment, très difficile. Sachez-le, en m'adressant à vous, je m'adresse également aux parents d'élèves : les examens auront bien lieu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Retirez votre texte sur la décentralisation !
SITUATION DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ma question s'adresse au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le ministre, la « rue » n'a pas les moyens de gouverner, mais elle a décidé de se faire entendre de votre gouvernement. Aujourd'hui, elle donne toujours de la voix. L'inquiétude est immense et la colère grandit.
Rappelez-vous toujours que la vague de rejet du Front national du printemps dernier n'était pas un blanc-seing pour votre politique libérale.
La colère repose sur une grande inquiétude : quel avenir pour l'éducation nationale ?
Et comment ne pas ressentir quelques craintes lorsque l'on découvre, dans le Journal officiel, édition des Lois et décrets du jeudi 6 mars dernier, à la page 3910, que vous devenez « le ministre chargé de l'éducation ».
Cela m'oblige à considérer que non seulement l'éducation nationale n'est plus prioritaire, non seulement son budget est minoré,...
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Mais c'est idiot !
Mme Annie David. ... non seulement elle est décentralisée sans consultation préalable des personnels concernés,...
M. Nicolas About. Mais non !
Mme Annie David. ... mais, de plus, qu'elle pourrait ne plus être traitée à l'échelle nationale : elle finira par me rappeler un simple secrétariat de l'instruction publique ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. N'importe quoi !
Mme Annie David. Votre livre, monsieur le ministre, traduit bien la démarche du Premier ministre et du Gouvernement tout entier : vous envisagez des réformes clés, vous envisagez le débat, mais force est de constater que ce débat et la consultation n'ont pas eu lieu depuis votre arrivée, alors que vous imposez ces « quelques réformes clés ».
Et ce n'est pas votre livre qui aurait pu rattraper ce manquement ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Vous avez de bonnes lectures !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, les personnels de votre ministère sont en colère. Ils sont très nombreux à vous le dire et à défiler dans les rues de nos villes pour se faire entendre, aujourd'hui encore.
Je ne revisiterai pas ici la situation, nous la connaissons tous.
Qu'ils soient personnels techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service - TOSS -, qu'ils soient personnels médicaux, d'orientation, d'assistance sociale ou enseignants, tous dénoncent votre méthode de travail et sont unanimes sur la note à vous donner pour votre conduite.
Quant aux transformations à opérer dans le système éducatif, les représentants des personnels sont prêts à entamer des discussions avec vous, mais avec, en préalable à toutes les négociations, et vous le savez, le retrait de toutes les réformes, et non pas, comme le propose le ministre délégué à l'enseignement scolaire,...
M. le président. Veuillez poser votre question, madame David !
M. Nicolas About. C'est du bavardage !
Mme Annie David. ... un « étalement » des transferts de personnels jusqu'en 2005 ou la dissociation des catégories professionnelles.
M. le président. Votre question, madame David !
Mme Annie David. J'y viens, monsieur le président !
Votre responsabilité et celle de vos ministres délégués sous la houlette de M. Raffarin est grande dans la situation de blocage actuelle.
M. le président. Madame David, vous n'avez plus la parole,...
Mme Annie David. Monsieur le ministre, comptez-vous engager le débat sur l'éducation nationale dans le pays, et notamment au Parlement,...
M. le président. ... c'est maintenant M. Darcos qui va vous répondre !
Mme Annie David. ... et le Gouvernement va-t-il enfin retirer les projets en cause,...
M. le président. Madame David, je vous en prie !
Mme Annie David. ... qui mettent à mal la conception républicaine de l'école ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. le président coupe le micro de l'orateur.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, je trouve tout à fait regrettable que des représentants des électeurs français,...
M. Raymond Courrière. Des citoyens !
Mme Annie David. Quand on vous pose les bonnes questions, cela ne vous plaît pas !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. ... des membres de la Haute Assemblée puissent colporter de telles absurdités. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. C'est honteux !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Vous évoquez un ajustement technique, ce qui m'oblige à rappeler que, autrefois, il y avait un ministre chargé de l'éducation et que ce qui vaut aujourd'hui pour le ministre de l'éducation nationale valait pour celui qui était alors ministre chargé de l'éducation. Voilà comment vous colportez en effet une absurdité ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Donc, le ministre de l'éducation nationale est toujours le ministre de l'éducation nationale ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. C'est incroyable !
Mme Nicole Borvo. Mettez-vous d'accord avec M. Ferry, alors !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Par ailleurs, je vais vous décevoir, madame la sénatrice, mais non, nous n'allons pas retirer les réformes que le Gouvernement a engagées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous ne sommes pas un gouvernement conservateur ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, le sujet est grave.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous ne laisserons pas dire que décentraliser, c'est privatiser. Sinon, cela signifierait que MM. Defferre et Mauroy étaient des « privatiseurs ! ». (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Un sénateur socialiste. Quel vocabulaire !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous ne laisserons pas dire non plus que nous reculons, alors que nous constatons simplement qu'il est nécessaire d'étaler la mise en oeuvre d'une décision qui doit être prise au début de 2004 et qui s'appliquera à la rentrée scolaire suivante.
Mme Nicole Borvo. Mettez-vous d'accord avec M. Ferry : vous ne dites pas la même chose !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous ne laisserons pas dire que cela signifie que nous reculons. Simplement, nous tenons compte de la chronologie scolaire.
Mme Hélène Luc. Retirez-vous votre projet ?
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Enfin, madame la sénatrice, je ne laisserai pas dire non plus que, dans cette affaire, nous ne parlons pas avec nos personnels : ce fut notre principale occupation de la semaine ! Nous sommes donc en train de dialoguer avec eux...
Mme Nicole Borvo. C'est bien la première fois !
Mme Annie David. Ce n'est pas un dialogue : c'est un monologue !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. ... pour préparer un comité interministériel, lequel fixera ensuite les voies et les moyens de la réforme. Donc, nous dialoguons,...
Mme Nicole Borvo. Pour l'instant, ce n'est pas un dialogue !
M. Xavier Darcos, ministre délégué. ... mais nous n'avons pas l'intention d'être des conservateurs et d'arrêter la réforme nécessaire que tous les Français attendent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Vous reportez la réforme en 2005 ?
GRÈVE DANS LES TRANSPORTS ET INSTITUTION
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question s'adresse au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Monsieur le ministre, le septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 dispose que le droit de grève « s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Le Conseil constitutionnel a considéré que des limites peuvent être tracées au droit de grève « en assurant la conciliation entre la défense des intérêts professionnels dont la grève est un moyen et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ». Le Conseil a ainsi consacré le principe de la continuité des services publics.
L'année dernière, le Président de la République, M. Jacques Chirac, s'est engagé à faire instaurer un service garanti. Or les mouvements de grève qui agitent la France ces derniers temps ont remis à l'ordre du jour la question des relations sociales dans les services publics. En effet, s'agissant d'une journée de grève dans les transports en commun annoncée à l'avance, dans le cadre du préavis légalement exigible,...
Mme Annie David. Votre temps de parole est dépassé, monsieur Fourcade ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Fourcade. ... nos concitoyens peuvent plus ou moins se préparer. Hélas, on a vu se succéder plusieurs journées extrêmement perturbées, et ce sans préavis.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Bafouant les droits fondamentaux des Français à se déplacer librement et à travailler, les services publics des transports en commun ont désorganisé la vie quotidienne de plusieurs millions de personnes, ce qui aura évidemment des conséquences sur l'activité économique et sur l'emploi.
M. Roland Courteau. Parlez-en à Fillon !
M. Jean-Pierre Fourcade. Certes, me direz-vous, des procédures de conciliation avaient été mises en place, notamment dans les transports parisiens, mais elles se sont révélées peu efficaces en l'occurrence.
Mme Annie David. Le temps imparti est dépassé ! La question ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Alors que de nombreux pays de l'Union européenne ont déjà défini l'organisation d'un service minimum, quelle méthode, législative ou contractuelle, entendez-vous employer, monsieur le ministre, pour garantir, sans préjudice du droit de grève, la continuité des services publics ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, en premier lieu, le droit de grève est un droit constitutionnel, mais il doit obéir, dans son application, aux principes définis par la loi. Nous sommes dans un Etat de droit où, par conséquent, la loi doit être respectée. C'est la raison pour laquelle j'ai qualifié la grève du mercredi 14 mai d'illégale, car ces principes n'avaient pas été respectés par une minorité d'agents de service public.
En deuxième lieu, les utilisateurs du service public doivent être respectés, notamment par les agents de service public, et les Français sont d'ailleurs les meilleurs défenseurs du service public. Il ne faut donc pas les décevoir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En troisième lieu, en arrivant au ministère, j'ai demandé au président de la SNCF d'engager une concertation avec les agents pour que soient définies de façon contractuelle les modalités d'application de ce droit de grève - et, aujourd'hui, un texte est en cours d'élaboration - car il vaut mieux avoir un service garanti contractuellement, à hauteur de 30 %, 40 %, voire 50 %, qu'un service minimum imposé à hauteur de 20 %. La voie contractuelle est certainement la meilleure. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Non seulement ce texte est en cours d'élaboration, mais il est déjà signé par trois syndicats : la CGC, la CFTC et l'Union nationale des syndicats autonomes. Certes, le climat actuel ne se prête pas à d'autres signatures dans l'immédiat. Souhaitons, en tout cas, que d'autres syndicats, très prochainement, le signent ! Enfin, souhaitons aussi que ce texte soit exemplaire et qu'il ait un effet de contagion vertueuse dans d'autres entreprises de service public ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
POLLUTION DE LA CÔTE MEDITERRANÉENNE
M. le président. La parole est à M. Ernest Cartigny.
M. Ernest Cartigny. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, car le sujet dépasse largement le cadre des responsabilités d'un seul ministère.
Il y a quelques jours, les 11, 12 et 13 mai, les côtes françaises, cette fois méditerranéennes, ont été victimes d'une pollution par hydrocarbures. Cette pollution fut heureusement de faible niveau, mais sept kilomètres de côtes ont tout de même été pollués à Menton et Cap Martin.
Immédiatement, des moyens ont été mis en oeuvre : barrages flottants, intervention d'un remorqueur de la marine nationale, d'un hélicoptère de la gendarmerie, des services municipaux, nettoyage des plages et enlèvement de 5 000 tonnes de galets mazoutés. Mais, une fois de plus, le mal était fait et s'il n'a pas l'ampleur des catastrophes provoquées par le Torre Canyon, l'Amoco Cadiz, l'Erika ou le Prestige, il n'en reste pas moins que, de nouveau, nous avons fait la démonstration de notre incapacité à prévenir ce risque écologique, comme d'ailleurs à nous opposer aux débarquements clandestins. Souvenons-nous, à cet égard, des mille Kurdes débarqués à Boulouris en 2001 !
Sans doute nos moyens ne sont-ils pas à la hauteur de la tâche. Notre marine nationale, dont ce n'est pas le rôle essentiel, mais qui répond présente au premier appel, possède des moyens aériens lourds, tel le Bréguet Atlantique, qui ne sont pas forcément adaptés à la surveillance côtière.
Les douanes disposent de douze bimoteurs légers F406 construits en France - trois sont basés à Lorient, quatre à Hyères, trois à Bordeaux et deux à Fort-de-France -, mais peu sont équipés pour la surveillance de la pollution maritime avec le système SURPOLMAR. Leur nombre et celui de leurs équipages excluent toute surveillance diurne permanente, et leur ministre de tutelle, celui des finances, leur confie bien d'autres missions sans rapport avec la lutte antipollution. Quant aux dizaines d'aéroclubs côtiers qui pourraient apporter leur concours, comme d'autres aéroclubs le font l'été pour la surveillance des feux de forêts, ils ne sont même pas sollicités.
M. le président. Votre question !
M. Ernest Cartigny. Ma question est donc la suivante : avant que ne survienne une prochaine catastrophe, que compte faire le Gouvernement pour doter enfin la France d'un service de surveillance aérienne et navale des eaux territoriales et des côtes, destiné à contrôler le trafic maritime, à détecter tout navire suspect ou en infraction, à dissuader les auteurs potentiels de dégazage ou de déballastage sauvage et à découvrir dans les plus brefs délais toute trace de pollution ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le sénateur, la France déploie des moyens importants en Méditerranée pour assurer la surveillance et la répression de ces pratiques criminelles, comme vous l'avez souligné.
Ce sont d'abord des moyens navals. Pour la zone côtière, le contrôle et la surveillance des navires relèvent d'une quarantaine de vedettes de l'administration des affaires maritimes et des douanes, ainsi que de la gendarmerie. Pour les eaux territoriales, ce sont les navires de la marine nationale qui sont utilisés : deux patrouilleurs de service public et deux remorqueurs de haute mer, ainsi que la vedette régionale des affaires maritimes.
Mais la surveillance repose aussi sur des moyens aériens, vous l'avez également souligné. Aux avions des douanes que vous avez évoqués, il faut ajouter les hélicoptères des douanes et de la marine nationale.
L'efficacité de ces moyens sera accrue par l'entrée en vigueur de la loi portant création d'une zone de protection écologique que j'ai eu l'honneur de présenter au Parlement cette année.
Par ailleurs, lors du conseil « environnement » du 4 mars dernier, Mme Bachelot-Narquin a demandé à la Commission européenne de bâtir un programme complet d'amélioration de la surveillance et de la répression à l'échelle européenne, notamment en explorant la piste de la détection par satellite.
En outre, lors du dernier comité interministériel de la mer du 29 avril dernier, la modernisation de la flotte des avions spécialisés de surveillance a été décidée et actée.
Enfin, le garde des sceaux prépare un projet de loi visant à renforcer les sanctions pénales à l'encontre des responsables de ces pollutions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
RETRAITES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Ma question s'adresse à M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
Elle concerne toutes les rumeurs qui circulent autour de la réforme de la retraite des fonctionnaires : baisse des pensions de plus de 25 % pour les fonctionnaires de l'Etat, remise en cause du statut de la fonction publique, enseignants toujours en activité à soixante-dix ans, policiers en service actif à soixante-deux ans, remise en cause de la retraite par répartition, j'en passe et des meilleures... Actuellement, on entend tout et son contraire sur la réforme de la retraite des fonctionnaires.
Dès lors que l'on parle de réforme, on peut comprendre évidemment que l'angoisse et l'incompréhension se manifestent, mais ceux qui véhiculent ces rumeurs ont une lourde responsabilité.
Mme Nicole Borvo. Qui véhicule ces rumeurs ?
M. Jean-Pierre Schosteck. En effet, en répandant ces informations erronées, ils sèment le doute dans l'esprit des Français et dressent, à tort, une partie de nos concitoyens contre le projet de loi.
Ils jouent avec le feu, en manipulant l'opinion publique et en voulant déstabiliser le Gouvernement qui s'est engagé avec détermination dans la réforme. En effet, personne ne peut nier, sans mauvaise foi, le caractère impératif et le degré d'urgence de cette réforme. Si l'on ne fait rien, à l'image du gouvernement précédent,...
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Raymond Courrière. Si c'est pour agir comme vous le faites, il vaut mieux ne rien faire !
M. Jean-Pierre Schosteck. ... cela veut dire que l'on condamne notre système par répartition ! (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Ils s'en moquent, ils n'ont aucun courage !
Mme Nicole Borvo. On n'en est plus là ! Depuis 1979, les cotisations patronales n'ont pas augmenté !
M. Jean-Pierre Schosteck. Je note, aux réactions que provoquent mes propos, que nous touchons là où le bât blesse.
François Fillon et vous-même avez prouvé vos qualités d'écoute et votre disponibilité pour expliquer les nouvelles mesures. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) En effet, après trois mois de concertations approfondies, des avancées qui améliorent encore le projet de loi sur les retraites ont été obtenues jeudi dernier.
M. Jacques Mahéas. La route est encombrée !
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le ministre, quelles initiatives allez-vous prendre pour vaincre la rumeur...
Mme Hélène Luc. Si seulement ce n'était qu'une rumeur !
M. Jean-Pierre Schosteck. ... et rétablir la vérité à laquelle chaque Français devrait avoir droit et à laquelle, d'ailleurs, il aspire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Schosteck, notre pays doit maintenant prendre toutes ses responsabilités, pour sauver ce qui est au coeur de notre pacte républicain, à savoir notre système de répartition, qui est le moyen de rapprocher nos jeunes et nos aînés, ceux qui travaillent et ceux qui sont à la retraite, ceux qui sont dans le secteur public et ceux qui sont dans le secteur privé.
Nous savons bien, M. Fillon et moi-même, que nous avons tous les atouts en main soit pour créer une fracture dans ce pays et opposer les uns aux autres, soit, au contraire, pour rassembler les uns et les autres sur ce qui doit guider notre action politique,...
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ... sécuriser l'avenir de nos retraites, sécuriser l'avenir de nos jeunes au travail. Pendant des mois, nous avons écouté tous les partenaires. J'ai beaucoup de respect pour celles et ceux qui sont engagés dans l'action syndicale, dans l'action politique. Nous sommes le pays de la tolérance, donc de l'écoute de la différence.
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas évident, surtout ici !
M. Jean-Paul Delevoye. Mais je condamne, avec la plus grande fermeté, celles et ceux qui, par peur de la vérité, n'hésitent pas à susciter l'inquiétude chez nos concitoyens par des rumeurs sans fondement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je tiens à souligner que le contrat social que propose M. Raffarin, et qui a été élaboré par M. Fillon et moi-même, est clair.
M. Claude Domeizel. Très clair !
Mme Nicole Borvo. Augmentation des cotisations et diminution des retraites !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. On peut ne pas le partager, mais personne ne peut le contester. M. Jospin lui-même reconnaissait qu'il fallait porter la durée des cotisations à quarante ans pour tous.
M. Claude Domeizel. Laissez Jospin tranquille !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Domeizel, je ne vous demande pas d'être d'accord sur tout ; je connais nos points de divergence et nos points de convergence, mais ne reniez pas aujourd'hui ce que vous souteniez hier ! Notre contrat est simple : vous travaillez deux ans et demi de plus, vous conservez, voire vous améliorez le niveau de votre retraite.
Permettez-moi de vous citer quelques chiffres. Un gardien de la paix de cinquante ans qui partirait à la retraite à cinquante-trois ans toucherait une pension de 1 771 euros. S'il travaille deux ans de plus, il percevra 1 893 euros. Un professeur certifié de cinquante-sept ans qui partirait à la retraite à soixante ans disposerait de 2 127 euros et de 2 206 euros s'il travaille deux ans de plus. Voilà ce qu'il convient de dire.
En outre, un numéro de téléphone indigo permettra à chacun d'avoir toutes les explications sur la réforme.
M. Roland du Luart. Donnez-leur le numéro !
Mme Hélène Luc. Pourquoi tant de gens s'opposent-ils à cette réforme ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Enfin, dès le 25 mai, nous disposerons de simulations. S'agissant des demandes qui figurent dans le relevé de conclusions - la pénibilité, les primes des fonctionnaires, la garantie des basses pensions -, nous avons pu les satisfaire.
Vous, vous en parliez ; nous, nous le faisons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Vous verrez le résultat, dimanche, dans la rue !
M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Danièle Pourtaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et j'espère que j'obtiendrai une réponse plus courtoise que celle que M. Darcos a faite à Mme Annie David à l'instant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, 65 % à 70 % d'enseignants grévistes lundi dernier, une très forte mobilisation cet après-midi, des enseignants incompris, révoltés, qui défilent depuis des mois dans toutes les villes de France,...
Mme Nelly Olin. Et que vous poussez !
Mme Danièle Pourtaud. ... ne vous y trompez pas, vous ne gagnerez rien à tenter de jouer les élèves et les parents contre les enseignants. On ne peut réformer l'école sans le soutien de ceux qui la font vivre.
M. Jean Chérioux. Qui la détruisent !
Mme Danièle Pourtaud. Sur la forme et sur le fond, la communauté scolaire rejette en bloc votre politique. Il y aura dix mille six cents adultes de moins à la rentrée 2003 dans les établissements scolaires pour surveiller, soutenir les jeunes en difficulté et lutter contre la violence.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est faux !
M. Didier Boulaud. Ce sont les chiffres !
Mme Danièle Pourtaud. Vous n'avez jamais eu réellement l'intention de créer deux mille nouvelles classes de cours préparatoire à effectifs réduits pour lutter contre l'illettrisme et, maintenant, dans le cadre de la décentralisation, vous décidez de transférer cent mille fonctionnaires de l'éducation nationale aux collectivités territoriales, parmi lesquels les conseillers d'orientation psychologues.
Un sénateur de l'UMP. Procès d'intention ! C'est une honte !
Mme Nicole Borvo. Nous sommes peut-être stupides, mais cela, nous l'avons compris !
Mme Danièle Pourtaud. Cette mesure va remettre en cause la cohésion de la communauté éducative et le caractère national de la pédagogie. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur de l'UMP. Vive la région !
Mme Danièle Pourtaud. Votre gouvernement impose, sans concertation, une réforme des retraites. Les enseignants, comme tous les Français, craignent de travailler plus pour une retraite diminuée.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ce n'est pas vrai !
Mme Danièle Pourtaud. Et il est clair que la convocation d'un comité interministériel sur le métier d'enseignant le 27 mai ou l'annonce précipitée du report à la rentrée 2005 des mesures de transfert ne constituent en aucun cas une réponse à ces inquiétudes.
« Ceux qui aiment l'école », monsieur le ministre,...
Un sénateur de l'UMP. Nous !
Mme Danièle Pourtaud. ... ne vous croient plus.
Après l'amputation de votre budget, vos intentions sont claires : le démantèlement du service public de l'éducation nationale.
Un sénateur de l'UMP. Mais non !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est absurde !
Mme Danièle Pourtaud. Vous renoncez à mettre l'enfant au coeur du système éducatif, philosophie qui a fondé toutes les politiques en matière d'éducation depuis des décennies.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je vous pose donc, monsieur le ministre, deux questions.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Une seule suffit !
Mme Danièle Pourtaud. Comment comptez-vous garantir l'égalité d'accès des jeunes au service public de l'éducation nationale, quel que soit le point du territoire où ils seront scolarisés ? Allez-vous enfin, monsieur le ministre, entendre l'exaspération de la communauté scolaire et renoncer à imposer par la force des réformes qui sacrifient la jeunesse et l'avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Madame Pourtaud, on peut répéter éternellement les mêmes litanies sur le démantèlement du service public, plus personne n'y croit ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Dans le corps enseignant, cela commence même à faire rire ceux qui, au départ, tenaient de tels propos.
Ne croyez pas non plus, comme Mme David le disait, que les enseignants sont unanimes ; le corps enseignant n'est pas l'Union soviétique, ne vous y trompez pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe CRC.) Beaucoup d'enseignants nous soutiennent.
Depuis maintenant dix ou quinze ans, nous subissons non pas un excès de réformes mais exactement l'inverse ! L'image calamiteuse que nous donnons tous, les uns et les autres, de l'éducation nationale, pardonnez-moi de le dire aussi franchement, c'est celle-ci : d'un côté, des syndicats qui donnent - à tort ou à raison, je ne veux pas polémiquer - le sentiment à une large fraction de l'opinion publique qu'ils sont corporatistes ou conservateurs (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !
M. Luc Ferry, ministre. ... et, de l'autre côté, des ministres qui sont systématiquement mis en difficulté et n'ont le choix qu'entre retirer leur projet de réforme pour acheter la paix sociale et pratiquer la cogestion, ou bien continuer vaillamment, mais en bloquant le système. Dans les deux cas, ce sont évidemment les élèves qui pâtissent de la situation parce qu'il n'y a pas de réforme. Sortons de cette situation au lieu de polémiquer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
Mme Nicole Borvo. La suppression d'enseignants, au moins, c'est clair et net !
M. Luc Ferry, ministre. Engageons un vrai dialogue social, et parlons franchement : quelles sont les vraies difficultés des enseignants ? J'ai été enseignant pendant plus de vingt ans et j'ai débuté ma carrière au lycée de Mantes-la-Jolie, que je connais très bien, comme je connais le malaise des enseignants, pour l'avoir vécu moi aussi. L'origine de ce malaise, c'est qu'on a abandonné, lâché pendant les dix ou quinze dernières années les principes fondamentaux de l'école républicaine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Avec Bayrou en particulier, pendant quatre ans !
M. Luc Ferry, ministre. On ne parle plus d'intégration. On a dit qu'on allait mettre l'élève au coeur du système. Evidemment que l'élève est au coeur du système et que le système éducatif est fait pour lui !
Mme Nicole Borvo. Vous avez affirmé le contraire dans votre petit livre !
M. Luc Ferry, ministre. Ce qu'il y a derrière ce débat, et je m'étonne que certains de mes anciens collègues ne le comprennent pas, c'est que les enseignants ne sont pas simplement des animateurs culturels, qu'ils ont à transmettre des savoirs et des valeurs, notamment celles de la République, et il faut avoir le courage de dire que ces valeurs et ces savoirs s'imposent aux élèves, comme d'ailleurs à chacun d'entre nous.
Tel est l'enjeu de ce débat que nous voulons ouvrir sur la loi d'orientation de 1989. Et ne comptez pas sur nous, en effet, pour renoncer aux réformes qui sont plus nécessaires que jamais. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !
Mme Nicole Borvo. On verra !
BILAN DES DÉCENTRALISATIONS DE PERSONNELS
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
Les manifestations sont d'actualité. Mais le droit de manifester ne confère pas pour autant celui de dire des inexactitudes, voire des contrevérités, et n'autorise pas non plus à être blessant.
Je m'exprime en tant que « patron » d'une collectivité locale, à l'image de très nombreux élus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Exprimez-vous en tant qu'élu, cela suffit !
M. Gérard Longuet. Nous sommes employeurs d'une fonction publique territoriale et nous ne pouvons pas accepter cette présentation caricaturale de la fonction publique territoriale qui serait archaïque, féodale, « ghettoïsée ».
Il y a deux services publics en France : tant mieux !
Mme Hélène Luc. Quelle est la question ?
M. Gérard Longuet. Il y a un service public à gestion centralisée,...
M. Simon Loueckhote. Voilà !
M. Gérard Longuet. ... et un service public à gestion décentralisée, assuré par l'administration territoriale et par l'administration hospitalière.
J'ajoute qu'il y a aussi un service public assuré par des salariés du secteur privé, notamment dans l'enseignement et à l'hôpital, et que les Français respectent également ces salariés.
MM. Gérard Larcher et Robert-Denis Del Picchia. Absolument !
M. Gérard Longuet. Ces provocations sont non seulement blessantes pour les 800 000 agents hospitaliers, pour le million de fonctionnaires territoriaux, pour les dizaines de milliers de salariés du privé qui participent au secteur public,...
M. Gérard Larcher. Très bien !
Mme Nicole Borvo. La question ?
M. Raymond Courrière. Il nous donne encore des leçons !
M. Gérard Longuet. ... elles sont aussi injustes, car ces fonctionnaires sont au moins aussi diplômés, aussi bien payés...
Mme Hélène Luc. A qui vous adressez-vous, monsieur Longuet ?
M. Gérard Longuet. ... et leurs carrières sont aussi vivantes que celles des fonctionnaires assurant le service public à gestion centralisée.
C'est être victime d'amnésie que d'oublier...
M. Didier Boulaud. C'est une séance de questions d'actualité !
Mme Hélène Luc. Nous, on ne nous laisserait pas faire !
M. Gérard Longuet. ... que le principal transfert de fonctionnaires de l'Etat au bénéfice des collectivités locales - comme d'ailleurs au bénéfice des fonctionnaires et des usagers - est le résultat des réformes Defferre de 1982 : 30 000 fonctionnaires de l'Etat avaient alors été transférés à la fonction publique territoriale.
Ma question est très simple. (Ah ! Sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Les régions - et les départements auront vraisemblablement une attitude comparable...
M. Raymond Courrière. Laissez plutôt parler le Gouvernement !
M. Gérard Longuet. ... accepteront le transfert des fonctionnaires au nom de l'égalité. Il faut savoir qu'en ce qui concerne les personnels TOS,...
M. Didier Boulaud. La question !
M. Gérard Longuet. ... le système centralisé aboutit à ce que la région la mieux servie ait 50 % de fonctionnaires de plus que la région la moins bien servie.
M. le président. Monsieur Longuet, veuillez poser votre question !
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire combien de fonctionnaires de l'Etat transférés en 1982, par exemple du ministère des affaires sociales, ont choisi d'aller dans la fonction publique territoriale ou de rester dans la fonction publique d'Etat, et combien parmi eux ont fait depuis machine arrière ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Quel rapport avec la décentralisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Il y a répondu à votre place !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je tiens à vous dire que je partage votre indignation. (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
D'abord, on ne peut pas défendre l'unicité de la fonction publique et laisser croire qu'une administration est bonne et que l'autre est mauvaise ! (Bravo ! sur les mêmes travées.)
M. Raymond Courrière. C'est nous qui avons créé la fonction publique territoriale !
M. Jacques Mahéas. Ce sont les transferts financiers qui nous intéressent !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Ensuite, c'est un manquement grave à l'égard de tous les élus locaux, maires, présidents de conseils généraux et présidents de conseils régionaux ! Enfin, c'est un manque de respect à l'égard de ceux qui consacrent une partie importante de leur vie au service public. Nous pouvons critiquer le système, mais nous devons saluer les fonctionnaires et les élus locaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
S'ils n'avaient pas été là pour gérer les lycées et les collèges, nous n'aurions pas aujourd'hui des établissements scolaires à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Claude Estier. Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Estier, la décentralisation...
M. Claude Estier et M. Didier Boulaud. Vous avez voté contre !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. ...n'est ni un exil ni une punition. C'est un moyen d'accroître l'efficacité de l'action publique.
Mme Nicole Borvo. Vous étiez contre !
M. Raymond Courrière. C'est la gauche qui a créé la fonction publique territoriale !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Sur les 23 000 agents que M. Defferre a transférés aux collectivités locales, 18 000 ont choisi d'intégrer la fonction publique territoriale. Interrogez-les : ils sont aujourd'hui satisfaits de leur sort et je tiens à remercier les élus locaux qui les emploient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Il faut faire preuve de bon sens ! Comment, après la formidable réussite des régions et des départements en matière d'entretien, de rénovation et de construction des lycées, pourrait-on imaginer un seul instant que ces collectivités ne soient pas aptes à gérer le personnel qui assure cet entretien ?
Cela relève tellement du bon sens que M. Mauroy lui-même proposait ce transfert dans le rapport de la commission pour l'avenir de la décentralisation qu'il a présidée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) On peut critiquer pour faire valoir sa différence, mais le bon sens finira par l'emporter !
M. Raymond Courrière. Il fallait voter pour !
M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Il faut regarder la réalité en face et, à ce propos, je reviens à la question précédente : je vous communique un numéro de téléphone qui vous permettra de vous informer de la réalité en ce qui concerne la réforme des retraites : 0825 396 396 ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. Vous n'avez pas répondu à M. Longuet !
RELATIONS ENTRE FRANCE TÉLÉCOM
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'ai souhaité vous faire part, monsieur le ministre, des difficultés que rencontrent les collectivités locales dans leurs relations avec l'opérateur de télécommunications France Télécom.
Contrairement à ce qui a été fait pour le service public de l'électricité dans le cadre rénové des contrats de concession, aucune disposition juridique ne prévoit le rôle des collectivités locales en matière d'organisation des télécommunications.
Les infrastructures sont réputées propriété de France Télécom, ex-entreprise publique et ex-opérateur unique en matière de téléphonie filaire.
Des conventions locales, le plus souvent départementales, avaient tant bien que mal permis de fixer des objectifs pour l'enfouissement des réseaux, travaux particulièrement importants tant en termes d'esthétique que de renforcement de la sécurité et auxquels France Télécom apportait sa contribution financière aux côtés de l'Etat, dans le cadre de la dotation globale d'équipement, du département et des communes.
France Télécom dénonce actuellement ces partenariats, alors même que l'Etat a participé de manière importante à sa recapitalisation.
M. Roland du Luart. Cela ne date pas d'aujourd'hui !
M. Simon Sutour. Parallèlement, les communes intervenant sur les infrastructures propriété de France Télécom sont dans l'obligation d'imputer les dépenses correspondantes en section de fonctionnement.
Cette situation préoccupe les élus locaux, car elle a pour effet de dégrader les finances de nos communes et de rendre plus complexe la coordination avec les travaux sur les autres réseaux secs, par exemple d'électricité à basse et à moyenne tension, ou d'éclairage public. Elle retarde la réalisation des travaux et la consommation des financements provenant du fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACE, des aides départementales ou des fonds versés par EDF, en application des contrats de concession.
Par ailleurs, les communes ne souhaitent pas devenir propriétaires des réseaux, car elles n'ont pas de compétence légale dans ce domaine. Il importe par conséquent de définir un cadre juridique stable clarifiant, dans un souci d'équité, les droits et les devoirs des différents opérateurs, ainsi que la compétence éventuelle des communes et de leurs groupements en matière de télécommunications.
A cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures envisagées par l'Etat pour que France Télécom honore les engagements pris en matière d'études, de câblage et de cofinancement des travaux d'équipement, et reconsidère sa position sur le programme 2003 et les suivants, dans un souci, j'y insiste, d'efficacité des réseaux, de satisfaction des usagers et surtout de qualité du service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous posez deux questions, l'une sur le plan juridique, l'autre sur le plan du partenariat entre France Télécom et les collectivités territoriales.
Le manque de clarté juridique sur la manière dont les collectivités territoriales et France Télécom doivent coordonner leurs actions pour enfouir les lignes téléphoniques aériennes me laisse aussi insatisfait que vous.
Nous avons conscience de ce manque de clarté : le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui est actuellement discuté à l'Assemblée nationale et dont votre Haute Assemblée débattra le mois prochain, nous donnera justement l'occasion de prévoir les aménagements nécessaires pour clarifier de manière stable les relations entre France Télécom et les communes.
Cela permettra, comme vous le demandez à juste titre, de renforcer la capacité des collectivités à coopérer intelligemment avec France Télécom, mais aussi avec EDF et d'autres entreprises chargées des travaux de voirie.
J'en viens à la question de fond : à qui revient la charge de financer l'embellissement grâce à l'enfouissement des lignes téléphoniques aériennes - pour reprendre le discours technocratique - des collectivités locales ?
Au cours des dix dernières années, on a commencé à traiter la question, puisque 97 % du réseau de transmission assurant les liaisons interurbaines nationales et régionales est maintenant souterrain mais seuls deux tiers des réseaux de distribution et de desserte sont d'ores et déjà enfouis dans les collectivités locales ; il reste donc un tiers à enfouir.
Ce seul tiers a cependant justifié le versement aux collectivités locales d'une contribution de France Télécom qui a atteint 360 millions d'euros au cours des dix dernières années, ce qui n'est tout de même pas négligeable.
Il est probable que, compte tenu de ses difficultés financières et de sa volonté de se redresser - le redressement est d'ailleurs en cours, vous le savez,...
M. Raymond Courrière. Vaste programme !
M. Francis Mer, ministre. ... France Télécom ait tendance à chercher à gagner du temps dans la mise en oeuvre des engagements pris dans le passé avec les collectivités locales, mais il va de soi que France Télécom saura tenir ses engagements ; nous y veillerons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
RESTRUCTURATION DE GIAT INDUSTRIES
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense et porte sur la restructuration de GIAT Industries.
Le 7 avril dernier, l'entreprise annonçait la suppression de 3 750 emplois et la fermeture de plusieurs sites, suscitant le désarroi et la très grande inquiétude des territoires concernés.
Répondant à nos sollicitations, vous nous aviez alors assuré, madame la ministre, de l'implication exemplaire de l'Etat aux côtés de GIAT Industries, de ses salariés et des partenaires locaux.
A cet égard, un premier engagement a été tenu, puisque, hier, notre assemblée s'est prononcée sur la possibilité offerte aux ouvriers de GIAT Industries sous décret de rejoindre plus aisément la fonction publique à l'issue du plan social.
Mais ces dispositions ne peuvent s'appliquer aux ouvriers sous convention collective, comme les 390 employés de Manurhin, à Cusset et Bellerive-sur-Allier, sites de mon département dont le plan prévoit la fermeture.
Pour eux, nous devons absolument assurer la reconversion et la réindustrialisation des bassins concernés, afin de créer de nouveaux emplois.
Pour le site de Cusset, par exemple, les acteurs locaux sont mobilisés depuis plusieurs années et soutiennent le projet porté par l'entreprise Eurodec.
C'est pourquoi je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur l'état des négociations entre GIAT Industries et cette entreprise Eurodec, et plus généralement sur les mesures d'accompagnement que l'Etat entend prendre en termes d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, depuis l'annonce du projet de plan destiné à sauver GIAT Industries et à assurer son renouveau, l'entreprise a amorcé une négociation sociale active. Celle-ci s'est concrétisée par la signature à l'unanimité d'un accord de méthode qui établit le calendrier et les modalités de la négociation à venir.
Le premier engagement, à savoir l'instauration d'un dialogue social actif, a donc été tenu.
De son côté, l'Etat n'est pas demeuré inactif : il a démontré qu'il se donnait les moyens d'assumer ses responsabilités et de tenir ses engagements.
Sur le plan social, comme vous l'indiquez, il a soumis à votre Haute Assemblée une disposition que celle-ci a bien voulu adopter hier après-midi et dont l'objet vise à faciliter le reclassement des ouvriers sous décret comme contractuels dans les différentes fonctions publiques, en faisant « sauter » certaines contraintes de procédures.
Sur le plan de l'aménagement du territoire, première et légitime préoccupation des élus locaux, les premières actions commencent à se matérialiser.
Un comité interministériel d'aménagement du territoire se tiendra le lundi 26 mai et fixera les premières orientations de travail, l'opération devant se dérouler sur trois ans.
Au-delà, les premiers projets se concrétisent d'ores et déjà, et ils contiennent des éléments susceptibles de rassurer les salariés sur notre volonté d'agir et donc sur leur avenir.
S'agissant de Cusset, monsieur le sénateur, je puis vous dire qu'un accord entre GIAT Industries et l'entreprise Eurodec vient d'être signé. Cet accord de principe prévoit l'implantation progressive sur le site de Manurhin-Cusset d'environ 300 emplois, dont 200 seront proposés aux salariés sous convention collective de Manurhin entre 2004 et 2005, avec 140 emplois dans un premier temps, puis, aussi rapidement que possible, 60 autres emplois.
Cette opération s'accompagnera d'un effort particulier de formation, les activités n'étant pas identiques même si elles sont proches, puisque Eurodec est le leader européen du décolletage et de la déformation à froid. Il y aura donc mise en commun des moyens de formation de Manurhin et d'Eurodec.
Par ailleurs, je tiens à signaler que les comités des deux entreprises seront, bien entendu, consultés sur l'ensemble du projet.
A cet égard, je voudrais saluer la méthode retenue : elle constitue en quelque sorte un modèle pour l'avenir. Le projet, qui est positif au regard de l'aménagement du territoire mais aussi pour les salariés, n'a pu être réalisé que grâce à la participation particulièrement active des élus locaux. Je tiens à les en remercier et à les féliciter. Les préfets sont, certes, à l'oeuvre sur les différents sites, mais le rôle des élus locaux est essentiel. Le projet concernant le site de Cusset est emblématique de ce que nous pouvons faire ensemble pour sauvegarder les compétences des personnels de GIAT Industries et pour assurer leur reclassement dans les meilleures conditions.
Il est vrai que les personnels de GIAT Industries sont très inquiets ; mais nous avons, hier, en partie apaisé leurs inquiétudes, notamment pour les ouvriers sous décret.
Aujourd'hui, je suis heureuse de vous dire que ce sont les ouvriers sous convention collective qui peuvent maintenant fonder de réels espoirs pour leur avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Vous décidez avant d'avoir consulté les syndicats !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Guy Fischer.)