PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Division et articles additionnels avant le chapitre Ier

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière
Chapitre 1er

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par MM. Goulet, Lardeux et César, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er), ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

« Chapitre...

« De la prévention ».

M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Lucien Lanier, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après la discussion des amendements n°s 89, 90, 91 et 92, qui donneront, le cas échéant, un contenu à cette division additionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Gilles de Robien, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Je suis saisi de deux amendements, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 89, présenté par MM. Goulet, Lardeux et César, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er) ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Avant la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 111-2 du code de l'éducation, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Dans le cadre de la formation scolaire, il recevra à la fois au sein de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire un enseignement portant sur la sécurité routière approprié à son âge. »

L'amendement n° 90, présenté par MM. Goulet, Lardeux et César, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er) ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Avant le chapitre 2 du titre Ier du livre 2 du code de la route, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Dans le cadre de la formation scolaire les enfants recevront à la fois au sein de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire un enseignement portant sur la sécurité routière approprié à leur âge. »

La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur. En effet, en demandant la réserve de l'amendement n° 88, il préjuge le bien-fondé des amendements n°s 89, 90, 91 et 92.

Ceux-ci s'inscrivent tout naturellement dans la proposition contenue dans l'amendement n° 88, proposition qui invite le Sénat à rester dans sa logique de bon sens et à réfléchir à cette grande cause nationale, comme le Président de la République nous y a incités. C'est plutôt une bonne nouvelle, monsieur le rapporteur. En effet, la prévention en ce domaine est déterminante, comme nous le savons, pour mener des campagnes de prévention destinées à combattre d'autres fléaux.

Mais, après avoir salué la méthode adoptée par M. le rapporteur, j'en viens maintenant aux deux amendements.

La sécurité routière est une forme d'incivilité. Il faut donc former les enfants à respecter les règles qui sont établies, et ce alors qu'ils sont trop souvent les premières victimes des chauffards. C'est pourquoi le cursus scolaire doit intégrer cet enseignement au même titre que l'instruction civique.

Si l'article 6 du projet de loi institue une peine complémentaire en cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière est tout à fait indiquée. Cette obligation sera d'autant moins nécessaire a posteriori que la sensibilisation aura eu lieu plus tôt.

Cette prévention à l'adresse de nos jeunes enfants me paraît donc indispensable. Des enfants sensibilisés à la sécurité routière ne manqueront pas, sur la route des vacances, de rappeler leur papa à plus de prudence, comme ils l'auront appris à l'école, peut-être pour le plus grand profit du père ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Monsieur Goulet, vous savez le respect et l'estime dans lesquels vous tiennent la commission des lois et son rapporteur, qui savent reconnaître, derrière l'éthique de l'enseignant, sa passion de faire partager de nobles idées aux enfants. J'ai donc écouté avec beaucoup d'intérêt votre présentation des amendements n°s 89 et 90.

L'amendement n° 89 vise à introduire dans la loi l'obligation de dispenser, dans le cadre scolaire, une formation de sécurité routière. Or, depuis que je siège au Sénat et à la commission des lois, j'ai toujours remarqué le soin que prenait cette commission de ne pas « bourrer » la loi de dispositions d'ordre réglementaire. Et c'est de bonne et sage méthode que de lutter contre une certaine propension à vouloir faire dire à la loi ce qui, en définitive, relève du règlement, et totalement du règlement.

La disposition que vous proposez d'inscrire dans la loi est déjà prévue par le décret du 12 février 1993 relatif à l'enseignement des règles de sécurité routière et à la délivrance du brevet de sécurité routière.

Par ailleurs, des attestations scolaires de sécurité routière peuvent d'ores et déjà être délivrées aux élèves des classes de cinquième et de troisième, ainsi que le brevet de sécurité routière. Ces formations seront renforcées. Elles constitueront, en effet, une étape importante de l'apprentissage de la sécurité routière.

Enfin, pour les jeunes qui atteindront l'âge de seize ans à compter du 1er janvier 2004, le brevet de sécurité routière, qui comprend l'attestation scolaire validée en classe de cinquième et une formation pratique de trois heures, sera nécessaire pour conduire un cyclomoteur. De même, pour ces mêmes jeunes, l'attestation scolaire de deuxième niveau obtenue en classe de troisième sera indispensable pour se présenter à l'examen du permis de conduire.

Laissons donc au Gouvernement le soin de parfaire dans le temps l'enseignement même de la sécurité routière, et laissons à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche le soin de savoir dans quelle mesure il peut compléter l'enseignement et jusqu'où il peut aller.

La commission, qui vous invite à la prudence, mes chers collègues, a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, bien qu'elle reconnaisse son bien-fondé et la générosité qui anime son auteur.

L'amendement n° 90 suscite les mêmes observations dans la mesure où il vise à inscrire dans la loi l'obligation de dispenser, dans le cadre scolaire, une formation de sécurité routière. Le débat qui s'est engagé à ce sujet au sein de la commission des lois n'a pas été mené à la sauvette, monsieur Goulet, mais il en résulte que, comme pour l'amendement précédent, cette disposition relève du domaine réglementaire. Or, fidèle à sa tradition, la commission des lois ne souhaite pas que le règlement empiète sur la loi, parce que cela affaiblit la loi et donc son exécution.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 90 également.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement remercie beaucoup M. Goulet d'avoir pensé à l'éducation, mais, dès l'école primaire, il existe déjà ce que l'on appelle l'APER, l'attestation de première éducation à la route. C'est tout un cursus en faveur de la sécurité routière qui se met ainsi en place.

Je vous rappelle encore qu'aux termes de l'article L. 312-13 du code de l'éducation, l'enseignement du code de la route est obligatoire et inclus dans les programmes. Votre préoccupation est légitime, monsieur le sénateur, mais vous pouvez être rassuré, elle est d'ores et déjà satisfaite.

M. le président. Monsieur Goulet, maintenez-vous vos amendements ?

M. Daniel Goulet. Je ne veux pas mettre dans l'embarras ni la commission ni mes collègues, qui - j'en suis sûr - approuvent les propos qui ont été tenus de part et d'autre.

En revanche, j'aimerais avoir l'assurance que M. Ferry et M. Darcos useront de leur pouvoir réglementaire pour faire en sorte que les enseignants, dans leur enseignement, insistent sur la prévention et la sécurité routières en tant que telles, plus qu'ils ne le font actuellement, comme je suis bien placé pour le savoir.

Monsieur le rapporteur, notre responsabilité est engagée ici, et je ne suis pas du tout sensible aux arguments qui me sont opposés. Cela étant, dans l'espoir que ce débat n'aura pas été inutile, j'accepte de retirer les deux amendements.

M. le président. Les amendements n°s 89 et 90 sont retirés.

M. Jacques Mahéas. C'est dommage !

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par MM. Goulet, Lardeux et César, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er), ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Avant le chapitre 2 du titre Ier du livre II du code de la route, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L'enseignement de la conduite pourra faire l'objet d'une prise en charge, en toute ou partie, selon les conditions fixées par décret, lorsque des candidats potentiels justifient qu'ils ne disposent pas de moyens financiers nécessaires.

« Des bourses pourront être attribuées selon des critères fixés par décret. »

La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Songeant, notamment, aux nombreux jeunes de nos banlieues sortis du système scolaire et dont les familles n'ont pas de moyens financiers suffisants pour leur permettre de passer leur permis de conduire, j'ai souhaité, par cet amendement, qu'une aide substantielle puisse leur être accordée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. L'amendement de M. Goulet tend à instituer un système de bourse pour aider les personnes qui n'en ont pas les moyens à assumer le prix d'une formation au permis de conduire. A titre d'information, je rappelle que, en 2000, 3 600 jeunes ont bénéficié d'une aide financière au permis de conduire dans le cadre d'une politique d'insertion sociale et professionnelle. Lors de sa réunion du 25 octobre 2000, le comité interministériel de sécurité routière a décidé de porter ce nombre à 5 000 par an. Des actions sont donc déjà sérieusement menées en ce domaine.

En outre, mon cher collègue, la commission a remarqué que le coût de la mesure que vous proposez n'a fait l'objet d'aucune évaluation, ce qui lui fait craindre que l'article 40 de la Constitution ne soit invoqué à l'encontre de votre amendement.

C'est la raison pour laquelle, avec regret d'ailleurs, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Goulet, auparavant, des droits devaient être acquittés pour pouvoir passer le permis de conduire ; ils ont été supprimés, ce qui constitue déjà un progrès.

Par ailleurs, la mesure que vous proposez créerait une charge supplémentaire pour l'Etat, avec les risques constitutionnels que cela comporte.

Je rappelle, au surplus, que le Fonds social européen finance des actions d'insertion par le permis de conduire au bénéfice des jeunes en difficulté. Ce dispositif est utilisé dans le cadre, notamment, de la politique de la ville.

Voilà quelques précisions de nature à vous satisfaire en partie, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Goulet, l'amendement est-il maintenu ?

M. Daniel Goulet. Cet échange n'a pas été inutile, puisque nous avons pu obtenir des informations sur une question qui me préoccupait, comme sans doute un certain nombre de mes collègues. Les propos tant de M. le rapporteur, tout à fait explicites, que de M. le ministre me suffisent. Par conséquent, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 91 est retiré.

L'amendement n° 92, présenté par MM. Goulet, Lardeux et César, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre Ier (avant l'article 1er), ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Avant le chapitre 2 du titre Ier du livre II du code de la route, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Devront figurer aux questionnaires simples ou à choix multiples des épreuves du permis de conduire des questions relatives aux sanctions pénales infligées en cas de violation des dispositions du code de la route. »

La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Nous ne sommes plus cette fois dans la prévention à l'école ou l'aide financière pour le permis de conduire : cet amendement vise le livre II du code de la route. Il s'agit simplement de faire figurer aux questionnaires simples ou à choix multiples des épreuves du permis de conduire des questions relatives aux sanctions pénales prévues au cas de violation des dispositions du code de la route, cette disposition permettant aux candidats d'être mieux informés de la sanction qu'ils encourent. On peut croire à l'effet dissuasif d'une telle démarche et à une prise de conscience des peines encourues.

Cette disposition n'est pas inutile. D'expérience, je sais qu'il serait bon qu'elle puisse être institutionnalisée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. L'amendement tend à préciser les types de questions qui doivent figurer dans le questionnaire de l'épreuve théorique du permis de conduire. A l'évidence, de telles dispositions sont actuellement de nature réglementaire et même infraréglementaire, c'est-à-dire qu'elles relèvent du domaine de la circulaire.

Des questions relatives aux sanctions pénales en cas d'alcoolémie figurent d'ailleurs déjà aux épreuves de l'examen théorique du permis de conduire. Autant de raisons pour lesquelles je souhaiterais, monsieur Goulet, que vous acceptiez de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Je voudrais compléter les propos de M. le rapporteur et rassurer M. Goulet : cette mesure existe déjà. Elle est effectivement de nature infraréglementaire, mais elle est d'ores et déjà appliquée.

M. Daniel Goulet. Dans ces conditions, je retire l'amendement !

M. le président. L'amendement n° 92 est retiré.

Je constate que, les amendements n°s 89, 90, 91 et 92 ayant été retirés, l'amendement n° 88 n'a plus d'objet.

Chapitre Ier

Répression des atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne commises à l'occasion de la conduite d'un véhicule

Division et art. additionnels avant le chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière
Art. 1er

Article 1er

Chapitre 1er
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière
Art. additionnel après l'art. 1er

M. le président. Il est inséré, après l'article 221-6 du code pénal, un article 221-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 221-6-1. - Lorsque la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de prudence prévu par l'article 221-6 est commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, l'homicide involontaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende.

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende lorsque :

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;

« 2° Le conducteur se trouvait en état d'ivresse manifeste ou était sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l'existence d'un état alcoolique ;

« 3° Il résulte d'une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s'il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;

« 4° Le conducteur n'était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;

« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ;

« 6° Le conducteur, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, ne s'est pas arrêté et a tenté ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut encourir.

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 EUR d'amende lorsque l'homicide involontaire a été commis avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »

L'amendement n° 93, présenté par M. Goulet, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le septième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 221-6-1 du code pénal :

« 5° Le conducteur circulait à une vitesse excessive eu égard aux circonstances et compte tenu de la réglementation ; ».

La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Cet amendement mérite de retenir l'attention tout à fait particulière non seulement du Gouvernement mais aussi de la commission et de tous nos collègues, car il concerne un problème grave dont on pourrait sans doute débattre longtemps. Il s'agit de savoir si, oui ou non, il est important que la vitesse soit prise en compte en tant que circonstance aggravante.

Le projet de loi instaure en effet un seuil de tolérance qui permettrait aux conducteurs roulant à une vitesse supérieure à celle qui est autorisée d'être, en fait, protégés contre toute mise en cause de leur responsabilité.

Prenons l'exemple d'un conducteur qui circule à 50 km/h dans un village : il pourra circuler jusqu'à 100 km/h sans être pénalisé ! (M. le garde des sceaux fait des signes de dénégation.) Or la vitesse excessive, on le sait, est la première cause de la mortalité routière, pour des raisons de pure physique cinétique et surtout quand elle est combinée à l'alcool, autre cause d'accidents.

Hélas ! cette lutte nécessaire contre la vitesse s'inscrit en France dans un contexte très défavorable. En effet, la pratique des forces de l'ordre a contribué jusqu'à présent à installer une sorte de marge de tolérance dans la sanction des vitesses excessives. Ainsi, on ne verbalise plus qu'au-delà de 40 km/h ou 50 km/h au-dessus de la vitesse autorisée ; de surcroît, on sait que, de toutes les contraventions, ce sont celles qui ont été infligées pour excès de vitesse qui « sautent » le plus souvent.

Prenant acte de ce laxisme, les conducteurs français ne respectent plus les limitations de vitesse.

Dans un tel contexte, le projet de loi qui nous est soumis risque de légitimer le laxisme des années précédentes. Et je ne vois pas comment, si l'on pérennise les dérives actuelles, les conducteurs pourront être incités à la prudence ceux qui, de toute façon, seront protégés par cette tolérance de fait qui ruine l'objectif affiché d'une tolérance zéro.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter le texte tel qu'il nous est soumis. Je propose donc que l'on ajoute un septième alinéa dans le nouvel article 221-6-1 du code pénal ainsi libellé : « Le conducteur circulait à une vitesse excessive eu égard aux circonstances et compte tenu de la réglementation. »

Je ne souhaite pas que l'on puisse maintenir cet « excès de vitesse autorisé » qui est une tolérance, à mon avis, néfaste.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Mon cher collègue, le projet de loi prend en compte l'excès de vitesse de plus de 50 km/h au-dessus de la vitesse maximale autorisée dont il fait une circonstance aggravante du délit d'homicide involontaire. Cela figure dans le texte qui nous est proposé. C'est clair : lorsque la vitesse est limitée à 90 km/h, si vous roulez à 140 km/h et que vous causez un accident mortel, vous tombez sous le coup du délit d'homicide involontaire.

Le présent amendement prévoit, lui, que la circonstance aggravante est constituée dès lors que le conducteur « circulait à une vitesse excessive eu égard aux circonstances et compte tenu de la réglementation ». Cette rédaction est beaucoup trop imprécise, en tout cas certainement beaucoup plus imprécise que la référence à l'excès de vitesse de plus de 50 km/h ; elle remettrait donc en cause le texte qui nous est soumis.

La rédaction laisse en effet toute liberté d'appréciation aux juridictions en ce qui concerne les circonstances qui permettent de considérer qu'une vitesse est excessive. Or la loi pénale doit être extrêmement précise pour faire l'objet, sur tout le territoire, d'une application homogène et cohérente.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, mais peut-être M. Goulet acceptera-t-il de le retirer après les explications que je vais lui apporter.

Monsieur le sénateur, le présent article ne vise en aucun cas à considérer qu'un excès de vitesse inférieur à 50 km/h ne constitue pas une infraction. Il détermine les conditions d'aggravation des peines. Ces peines pourront aller, je le rappelle, jusqu'à dix ans de prison en cas d'homicide et sept ans de prison en cas de blessures. Il ne s'agit donc pas de peines légères. Il nous paraît indispensable que les motifs d'aggravation des peines soient clairement définis.

Or l'amendement de M. Goulet - et c'est la raison pour laquelle j'y suis défavorable - fait une trop grande part à la subjectivité et à l'indétermination, ce qui me paraît dangereux.

Le procureur doit administrer la preuve de ce qu'il avance. Comment pourra-t-il requérir eu égard à une vitesse excessive mais subjective ? C'est pourquoi nous avons défini précisément une circonstance aggravante en cas de grand excès de vitesse, soit 50 km/h au-dessus de la limite autorisée, qui rend possible le doublement de la peine.

Par conséquent, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le sénateur, cette rédaction n'a pas pour effet indirect d'autoriser les excès de vitesse inférieurs à 50 km/h. L'excès de vitesse reste punissable par ailleurs. Nous ne visons que les circonstances aggravantes.

Ces explications conduiront peut-être M. Goulet à retirer son amendement. En tout état de cause, le Gouvernement ne peut qu'y être défavorable.

M. le président. Monsieur Goulet, l'amendement n° 93 est-il maintenu ?

M. Daniel Goulet. Monsieur le président, j'ai été sollicité mais je ne suis pas convaincu. Il ne sera laissé en la circonstance, me semble-t-il, aucune appréciation au magistrat en cas d'accident pour lequel aucune circonstance atténuante ou aggravante ne serait retenue. Pouvez-vous me répondre brièvement sur ce sujet, monsieur le garde des sceaux, afin que je retire, le cas échéant, mon amendement ?

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Tout dépend de ce que vous entendez, monsieur le sénateur, par « appréciation du magistrat ».

S'agissant de la réquisition, il est évident que le procureur, s'il souhaite retenir l'existence de circonstances aggravantes, devra indiquer qu'il y a eu effectivement un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 50 km/h. Ensuite, au niveau du parquet comme du tribunal, il reste une possibilité d'appréciation en fonction des circonstances et de la personnalité du délinquant, ce qui est la règle générale de toute juridiction.

M. Daniel Goulet. Je retire l'amendement !

M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le I de l'article 234-1 du code de la route, les mots : "0,80 gramme par litre" sont remplacés par les mots : "0,10 gramme par litre". »

La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Cet amendement tend à ramener à 0,10 gramme par litre le seuil prévu par le code de la route pour caractériser le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

Je suis l'élu d'un département qui est classé parmi les premiers du point de vue des accidents de la route, en particulier mortels. Cette année, on observe effectivement une amélioration de ce sombre tableau.

Je constate que la vitesse est mise en cause, et nombre de décisions ont été prises en ce sens, qu'il s'agisse des voitures banalisées, des radars, ... Bref une véritable armada ! Or, sauf dans les agglomérations, l'examen des affaires jugées devant les tribunaux fait souvent apparaître un problème d'alcoolémie. Toutefois, il y a beaucoup de mesures de surveillance de la vitesse, mais peu de l'alcoolémie.

J'ai entendu, à la suite d'une intervention de M. Goulet sur le même sujet, que le Gouvernement n'envisageait pas de diminuer le taux d'alcoolémie autorisé. Je connais donc le sort qui sera réservé à mon amendement. C'est dommage, car les jeunes Français sont capables d'adopter la même attitude que les jeunes nordiques, c'est-à-dire de choisir parmi eux un conducteur qui ne boive pas et qui soit chargé de les ramener sains et saufs.

Je devancerai donc les désirs du rapporteur et du Gouvernement.

M. Gérard César. Et de vos collègues ! (Sourires.)

M. Bernard Joly. ... en retirant mon amendement. Mais nous viendrons un jour à une telle disposition et ce refus, aujourd'hui, est regrettable. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

M. Gérard César. Le groupe de travail sur la viticulture de qualité est justement favorable à l'éducation du consommateur.

M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre la violence routière.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.

Art. additionnel après l'art. 1er
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Art. 2 bis

Article 2

M. le président. « Art. 2. - I. - Il est inséré, après l'article 222-19 du code pénal, un article 222-19-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-19-1. - Lorsque la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de prudence prévu par l'article 222-19 est commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, l'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 EUR d'amende.

« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 EUR d'amende lorsque :

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;

« 2° Le conducteur se trouvait en état d'ivresse manifeste ou était sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l'existence d'un état alcoolique ;

« 3° Il résulte d'une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s'il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;

« 4° Le conducteur n'était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;

« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ;

« 6° Le conducteur, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, ne s'est pas arrêté et a tenté ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut encourir.

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 EUR d'amende lorsque l'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne a été commise avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »

« II. - Il est inséré, après l'article 222-20 du même code, un article 222-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-20-1. - Lorsque la maladresse, l'imprudence, l'inattention, la négligence ou le manquement à une obligation législative ou réglementaire de sécurité ou de prudence prévu par l'article 222-19 est commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, l'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 EUR d'amende.

« Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 EUR d'amende lorsque :

« 1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées ci-après ;

« 2° Le conducteur se trouvait en état d'ivresse manifeste ou était sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang ou dans l'air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires du code de la route, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ce code et destinées à établir l'existence d'un état alcoolique ;

« 3° Il résulte d'une analyse sanguine que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants, ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le code de la route destinées à établir s'il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;

« 4° Le conducteur n'était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou son permis avait été annulé, suspendu ou invalidé ;

« 5° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h ;

« 6° Le conducteur, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, ne s'est pas arrêté et a tenté ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut encourir.

« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 EUR d'amende lorsque l'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne a été commise avec deux ou plus des circonstances mentionnées aux 1° et suivants du présent article. »

L'amendement n° 55, présenté par Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer un article 222-19-1 dans le code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions bénéficient pleinement aux individus ayant subi une atteinte à l'intégrité de leur personne antérieurement à leur naissance. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Cet amendement vise à étendre à l'enfant à naître victime d'un accident de la route, en cas de séquelles physiques ou psychiques, le dispositif de l'article 2 relatif à l'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne.

Je ne m'étendrai pas plus longuement sur ce sujet, que j'ai déjà évoqué tout à l'heure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. L'objet de l'amendement présenté par Mme Gautier est tout à fait respectable, puisqu'il s'agit de prévoir que les dispositions du projet de loi relatives aux blessures involontaires s'appliqueront aux enfants venant au monde avec des séquelles physiques ou psychiques dues à un accident de la route survenu avant leur naissance.

Je suis heureux de pouvoir vous dire, madame Gautier, que cet amendement est satisfait par le droit actuel. En effet, dès lors que l'enfant naît vivant, des poursuites peuvent être engagées contre l'auteur des faits. Je vous invite donc, ma chère collègue, à retirer votre amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Infans conceptus...

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il est absolument conforme à celui de la commission.

La jurisprudence de la Cour de cassation est tout à fait claire : à partir du moment où l'enfant vient au monde, s'il a subi des malformations consécutives à un accident, cela emporte, en termes de responsabilité, les conséquences qu'évoquait à l'instant M. le rapporteur. C'est pourquoi il n'est pas du tout nécessaire de modifier la législation existante.

J'ajoute que, si cet amendement devait être maintenu et adopté, l'introduction d'une telle disposition à cet endroit du texte risquerait a contrario de poser problème. En effet, un doute pourrait apparaître à chaque fois que le cas de l'enfant à naître ne serait pas expressément visé. L'amendement présenté pourrait donc avoir un effet rigoureusement opposé à ce qui est recherché.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notamment pour les successions !

M. le président. Madame Gautier, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Gisèle Gautier. Pleinement satisfaite des explications qui m'ont été données, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.

L'amendement n° 94, présenté par M. Goulet, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le septième alinéa (5°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 222-19-1 du code pénal :

« 5° Le conducteur circulait à une vitesse excessive eu égard aux circonstances et compte tenu de la réglementation ; ».

La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Au contraire de M. Joly, j'ai été satisfait tout à l'heure par les réponses qui nous ont été apportées, et j'ai retiré les amendements que j'avais déposés.

Cependant, n'étant pas, comme M. le ministre, M. le rapporteur et M. le président de la commission, un éminent juriste, je voudrais, afin de bien comprendre et d'apaiser une fois pour toutes ma conscience, demander s'il existe bien un délit de grand excès de vitesse.

Par ailleurs, le code de la route fixe des limites de vitesse. En conséquence, le fait, pour un automobiliste ayant causé un accident, de ne pas avoir respecté une telle limite constitue en quelque sorte une circonstance aggravante. Pourquoi alors avoir prévu un seuil de 50 km/h au-delà de ces limites pour caractériser le délit de grand excès de vitesse, ce qui apparaît, à mes yeux en tout cas, comme une forme de seuil de tolérance ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, s'agissant ici de blessures involontaires et non plus d'homicide involontaire, je vous demanderai, monsieur Goulet, de bien vouloir retirer cet amendement, qui mérite toutefois d'être discuté. La commission des lois ne peut que confirmer la position qu'elle a adoptée précédemment.

Quant aux circonstances dans lesquelles survient l'accident, n'oubliez pas que le texte laisse aux juges une très grande marge d'appréciation,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !

M. Lucien Lanier, rapporteur. ... puisqu'il ne fixe que des peines maximales. Certes, vous m'objecterez que l'on constatera des variations d'un juge à l'autre ; mais c'est là le propre de la justice. La faculté d'apprécier les circonstances est laissée au juge, qui est un être humain doué d'intelligence.

Telles sont les raisons qui m'incitent à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Goulet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'indiquerai, en réponse à la question de M. Goulet, que nous avons repris la définition du délit de grand excès de vitesse pour établir celle de la cinquième circonstance aggravante. C'est rigoureusement là ce que nous avons fait.

Cependant, le code de la route prévoit par ailleurs des limites de vitesse dont le dépassement est bien évidemment sanctionné, le délit de grand excès de vitesse étant constitué en cas de dépassement de 50 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée. Nous avons repris cette dernière définition pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, afin de caractériser de manière très précise une circonstance aggravante susceptible d'entraîner le doublement de la peine.

M. le président. Monsieur Goulet, l'amendement est-il maintenu ?

M. Daniel Goulet. Je finirai par comprendre ! Cela étant, mettons un terme à cette discussion. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 94 est retiré.

L'amendement n° 56, présenté par Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article 222-20-1 dans le code pénal, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions bénéficient pleinement aux individus ayant subi une atteinte à l'intégrité de leur personne antérieurement à leur naissance. »

La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

L'amendement n° 1, présenté par M. Lanier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "été annulé,", rédiger comme suit la fin du sixième alinéa (4°) du texte proposé par le II de cet article pour l'article 222-20-1 du code pénal : "invalidé, suspendu ou retenu ;". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Lucien Lanier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec d'autres dispositions du projet de loi, une circonstance aggravante étant retenue, en cas d'homicide involontaire, lorsque le responsable de l'accident conduisait bien que son permis ait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu. S'agissant des blessures involontaires, la mention du cas de la rétention du permis de conduire a disparu à la suite d'une erreur. Cet amendement vise donc à la rétablir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 222-20-1 du code pénal :

« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 EUR d'amende lorsque le conducteur, sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, ne s'est pas arrêté et a tenté ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut encourir. »

La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Cet amendement a pour objet d'enrayer la progression d'un comportement que je trouve absolument lamentable et qui consiste à prendre la fuite après avoir causé un accident. Une telle attitude me semble mériter une peine dissuasive. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Lucien Lanier, rapporteur. Je comprends très bien les motivations qui ont poussé M. Joly à présenter cet amendement, lequel vise à aggraver les peines encourues en cas de délit de fuite lorsque le conducteur responsable de l'accident a causé des blessures ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois. Le délit de fuite serait alors puni de la même manière quelles que soient la gravité des blessures et la durée de l'incapacité totale de travail.

Une telle évolution porterait gravement atteinte à l'équilibre du projet de loi, ce qui n'est pas souhaitable. En outre, il conviendrait de procéder de la même manière s'agissant des autres circonstances aggravantes, afin de préserver la cohérence d'ensemble du texte.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, tout en reconnaissant qu'il était bon que l'on évoquât ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Monsieur Joly, l'amendement est-il maintenu ?

M. Bernard Joly. En cas d'accident, monsieur le rapporteur, le conducteur responsable se demandera donc s'il a causé à sa victime une incapacité totale de travail d'une durée supérieure à trois mois, auquel cas il prendra la fuite ! Je trouve que cela est tout de même curieux !

Je suis franchement déçu de ne pas avoir reçu de soutien s'agissant de cet amendement, et l'on ne m'empêchera pas, à cet instant, d'avoir une pensée pour une malheureuse gamine qui a été traînée sous des kilomètres par une voiture.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je comprends l'émotion de M. Joly, mais je crois que nous ne nous sommes pas bien compris. Je souhaite donc expliciter plus en détail la portée du texte.

Je rappelle que le délit de fuite constitue une circonstance aggravante pouvant entraîner le doublement de la peine de prison. Ce n'est pas du tout anodin ! En cas d'homicide involontaire ou de blessures involontaires avec délit de fuite, il est probable qu'une autre des six circonstances aggravantes mentionnées à l'article 2 pourra être retenue, et le tribunal aura la faculté de doubler la peine.

Par conséquent, aucune « impunité » n'est prévue s'agissant du délit de fuite. Le texte me semble même assez sévère à cet égard.

M. le président. Dans ces conditions, l'amendement est-il toujours maintenu, monsieur Joly ?

M. Bernard Joly. Je le retire, tout en soulignant que la fuite est l'attitude la plus répandue aujourd'hui en cas d'accident.

M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.

La parole est M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'article 2.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je développerai beaucoup moins d'arguments que je ne serais porté à le faire.

S'agissant de la plupart de ces dispositions, je suis effaré de constater que tout ce que propose le Gouvernement, c'est de doubler les peines encourues. Pourquoi ne rétablit-il pas les minima qui ont été supprimés ? L'étude d'impact n'indique aucunement combien ont été rendus de jugements, et il ne doit pas y en avoir beaucoup, condamnant les prévenus au maximum de la peine. Aussi, ces quelque ving-cinq articles que l'on ajoute à la législation pour continuer à aggraver les peines encourues sont autant de coups d'épée dans l'eau.

Vous laissez de moins en moins de liberté au juge. Personnellement, je comprends parfaitement M. Joly, car l'habitude consiste à punir plus ou moins selon la gravité des conséquences, ce qui est souvent totalement idiot. En effet, les conséquences peuvent dépendre de l'angle d'attaque, si j'ose dire, du véhicule, de l'endroit où la victime a été touchée, de la hauteur du véhicule, etc.

Monsieur Joly, vous avez raison, un délit de fuite, c'est un délit de fuite. Il ne me semblerait pas choquant que celui qui se rend coupable d'un délit de fuite encoure la même peine quelles que soient les conséquences de l'accident. On vous répond : ce n'est pas la tradition, car, en la matière, celle-ci consiste à considérer les conséquences qui ne peuvent pas être mesurées par l'auteur.

Selon moi, deux articles étaient nécessaires dans un texte tendant à renforcer la lutte contre la violence routière.

Premièrement, il aurait fallu demander aux fabricants, français en tout cas, de ne pas construire de voitures qui roulent à plus de - allez, soyons larges ! - 180 km/h, et non à 260, vitesse que l'on voit ajourd'hui inscrite sur les compteurs.

Deuxièmement, il aurait fallu obliger les constructeurs - et je suis sûr que nos constructeurs vendraient ainsi beaucoup plus de voitures, y compris à l'étranger - à installer sur tous les nouveaux modèles des limitateurs de vitesse - des amendements ont été déposés en ce sens mais n'ont pas été retenus par la commission. En effet, tous ceux qui en ont sur leur voiture - mais il n'y en a que sur les grosses voitures - s'en servent, car, si un dispositif permet de limiter la vitesse, les usagers l'utilisent. Techniquement, de tels dispositifs n'empêchent ni de ralentir ni même, en cas de nécessité, d'accélérer.

Vous voulez envoyer de plus en plus de gens en prison, alors que celles-ci sont déjà surpeuplées. Certes, il n'y aura plus de violence routière lorsque plus personne n'aura de permis de conduire, quand toutes les voitures auront été confisquées et lorsque tous les anciens conducteurs seront en prison !

Avec cet article 2, la peine actuelle de deux ans d'emprisonnement passerait à trois ans, voire à cinq ou sept ans. Ainsi, pour une incapacité temporaire de travail de plus de trois mois, la peine serait de trois ans, au lieu de deux, sans autre circonstance aggravante. A quoi cela rime-t-il ?

Monsieur le ministre, je vous pose une question très précise : à votre connaissance, beaucoup de condamnations à deux ans de prison ont-elles été prononcées dans le seul cas de blessures ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de plus de trois mois ? J'apprécierais que vous me répondiez. En effet, si vous n'avez pas ces statistiques, il n'y a aucune raison d'accepter de doubler les peines encourues, notamment en passant de deux ans à quatre ans, ou de cinq ans à dix ans, comme cela est prévu pour les suspensions de permis de conduire. Selon le projet de loi, il pourrait être interdit de repasser le permis de conduire avant dix ans, contre cinq ans actuellement. Avez-vous beaucoup d'exemples de personnes qui ont été condamnées à ne pas repasser le permis de conduire avant cinq ans ? L'étude que vous avez dite « d'impact » devrait tout de même contenir ces précisions. Si vous les avez, merci de nous les donner !

En tout cas, nous voterons contre l'article 2. J'indique d'ores et déjà que, personnellement, je voterai contre l'ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais d'abord, à la lumière de ce qui a été dit par M. Dreyfus-Schmidt, apporter une précision à M. Joly. Dans le texte en son état actuel, pour le délit de fuite après un accident, la peine encourue est de deux ans de prison ferme ou 30 000 euros d'amende. Je réponds ainsi à M. Dreyfus-Schmidt, qui expliquait au Sénat, d'une manière erronée, que nous ne prévoyions de peine que s'il y avait des conséquences,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... ce qui est tout à fait inexact. En effet, le texte prévoit que, pour un délit de fuite simple, on encourt une peine de deux ans de prison.

Pour le reste, monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous donnerai, si je le peux, avant la fin de la séance, en tout cas avant la fin de l'examen du projet de loi, les chiffres sur lesquels vous m'avez interrogé.

Si j'ai bien compris, vous êtes partisan de ne rien faire, puisque vous êtes contre le texte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Autrement dit, monsieur le sénateur, vous n'avez pas entendu l'appel fort de toutes les associations de victimes ou de familles de victimes qui, depuis des années, vous ont dit - sans résultat ! - et nous ont dit - avec résultat ! - qu'il fallait effectivement mettre en place une politique capable de faire baisser substantiellement le nombre des victimes, le nombre des blessés dans notre pays, car l'exception française est inacceptable.

Certes, on peut dire : « Continuons, faisons comme si il n'y avait rien à faire. » Les simples annonces qui ont été le résultat du débat national qui s'est ouvert voilà six mois ont montré l'efficacité de cette politique. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Monsieur le sénateur, ne jouons pas sur les mots. Il faut tout de même être sérieux !

M. Jacques Mahéas. Nous sommes sérieux, c'est vous qui ne l'êtes pas !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Jacques Mahéas. Le délit de grande vitesse, le permis à point, c'est nous !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Vous devriez écouter les associations qui, publiquement, se sont félicitées de ce projet de loi, de l'engagement du Président de la République et de la majorité qui le soutient. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

Mme Nicole Borvo. Le groupe CRC s'abstient !

(L'article 2 est adopté.)