M. le président. « Art. 6 ter. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 331-2 du code de la consommation est complété par les mots : ", ainsi qu'à l'engagement qu'il a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société dès lors qu'il n'a pas été, en droit ou en fait, dirigeant de celle-ci".
« II. - Le titre IV du livre III du même code est complété par les articles L. 341-2 et L. 341-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 341-2. - Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : ... "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même". »
« Art. L. 341-3. - Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2021 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..." »
L'amendement n° 146 rectifié, présenté parM. Chérioux, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour insérer un article L. 341-3 dans le code de la consommation :
« Art. L. 341-3. _ Nonobstant toute clause contraire, toute personne physique qui s'est portée caution envers un créancier professionnel ne peut être poursuivie si le débiteur n'est pas lui-même concomitamment recherché en paiement de son obligation. »
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Vous le savez, les prêteurs, les banques et les établissements de crédit ont tendance à s'entourer du maximum de garanties, ce qui est tout à fait légitime.
Mais, comme le disait très justement tout à l'heure notre collègue Jacques Pelletier, ils s'entourent du maximum de précautions lorsqu'il s'agit des petits risques, notamment dans le cas des créateurs d'entreprise, alors qu'ils se montrent parfois beaucoup plus généreux, de façon assez aléatoire, pour d'autres risques.
En tout cas, s'agissant des créateurs d'entreprise, pas une précaution n'est omise. En particulier, des cautions sont requises systématiquement.
Dans le cas d'un couple, c'est bien entendu la caution du conjoint qui entre en jeu. Qui refuserait de se porter caution de son conjoint qui souhaite créer une entreprise ? La caution du conjoint est donc donnée systématiquement. Et quoi de mieux que la caution du conjoint, surtout si celui-ci est salarié ! Il est tellement facile d'opérer une saisie sur salaire ! C'est une garantie absolue, qui peut se prolonger pendant de nombreuses années.
Mais allons plus loin : le conjoint ayant ainsi donné sa caution, même en cas de dissolution du foyer, peut se voir condamné pendant des années, parfois pendant dix ou quinze ans, à ne toucher qu'une partie de son salaire. Alors qu'il s'est donné du mal pour s'assurer une activité rentable, il risque de ne plus toucher que le SMIC, le reste de son salaire étant systématiquement saisi. La saisie peut même s'étendre à la pension de retraite. Tout cela est très grave.
Ce qui est encore plus inadmissible, c'est qu'au lieu de s'en prendre au débiteur principal, ce qui est aléatoire, le prêteur s'en prend souvent à la caution, ce qui est beaucoup plus facile. Ainsi, le débiteur principal n'est pas inquiété. Or, s'il a été effectivement insolvable à un moment donné, il peut être revenu à une situation meilleure.
Il serait donc normal que, dans de tels cas, le prêteur soit contraint de par la loi d'engager une action contre le débiteur principal. Ce serait la moindre des choses !
Contrairement à ce qui a été avancé en commission, la renonciation au bénéfice des discussions continuerait de produire ses effets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission s'est montrée extrêmement sensible à la persévérance de M. Chérioux face à ce problème. Elle vous proposera d'ailleurs, mes chers collègues, un amendement formulant un certain nombre de propositions allant dans le sens qu'il souhaite.
Je rappelle que l'amélioration de la situation des cautions est une initiative de l'Assemblée nationale. J'ajoute que le créancier professionnel doit informer la personne physique qui s'est portée caution de la défaillance du débiteur principal.
Il est vrai que le débiteur de mauvaise fois peut mettre la caution dans une situation dramatique. Bien souvent, le débiteur n'a plus aucun moyen, ou bien il a disparu, ou bien il est très difficile de le saisir, et l'on saisit alors la caution.
Que les effets de la caution se prolongent indéfiniment, c'est tout à fait injuste, mais, vous le savez, il en est de même pour certaines formes de prestations compensatoires ou de pensions alimentaires !
Je connais d'ailleurs un certain nombre d'organismes professionnels qui veillent à poursuivre d'abord les débiteurs avant de poursuivre les cautions.
Quoi qu'il en soit, accepter votre proposition, monsieur Chérioux, aboutirait, tout au moins juridiquement, à rendre caduc l'article 2021 du code civil concernant la renonciation au bénéfice de la discussion, puisque vous dites : « nonobstant toute clause contraire ».
Or la commission, pour sa part, souhaite clarifier et préciser cette renonciation, pour qu'elle ne soit pas, comme aujourd'hui, admise tacitement.
En fait, monsieur Chérioux, la commission va dans votre sens ; je le répète. Ainsi, elle propose trois mesures très importantes qui s'appliquaient jusqu'à présent aux créances non professionnelles et qui, dorénavant, devraient s'appliquer aux créances professionnelles.
Monsieur le président, avec votre autorisation, pour éclairer le débat, je souhaiterais défendre maintenant l'amendement n° 13, qui devrait donner satisfaction à M. Chérioux.
M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 13, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« I. Après le texte proposé par le II de cet article pour insérer un article L. 341-3 dans le code de la consommation, insérer trois articles ainsi rédigés :
« Art. L. 341-4. _ Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
« Art. L. 341-5. _ Les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion figurant dans un contrat de cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d'un créancier professionnel sont réputées non écrites si l'engagement de la caution n'est pas limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé, incluant le principal, les intérêts, les frais et accessoires.
« Art. L. 341-6. _ Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. »
« II. _ En conséquence, dans le premier alinéa du II, remplacer les mots : "et L. 341-3" par les mots : "à L. 341-6". »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à protéger toute caution personne physique d'un créancier professionnel au moyen de trois mesures qui correspondent à l'extension de dispositions en vigueur au profit de certaines cautions.
Première mesure : exiger que l'engagement de la caution personne physique soit proportionné à ses biens et revenus, à peine de déchéance du cautionnement.
Cette mesure est extrêmement importante. En effet, si l'on demande à une personne dont les revenus sont modestes de cautionner une grosse somme, le cautionnement sera annulé. Cette mesure existe déjà pour les cautions des opérations de crédit à la consommation et de crédit immobilier. Elle avait été insérée dans la loi sur le surendettement.
Deuxième mesure : exiger, lorsque la caution personne physique s'engage solidairement et renonce au bénéfice de discussion, que l'engagement de la caution soit limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé.
Cette mesure correspond au premier alinéa de l'article 47 de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, qui vise la caution personne physique garante d'une dette professionnelle d'un entrepreneur individuel.
Troisième mesure : exiger du créancier professionnel la délivrance d'une information annuelle sur le montant de la dette, le terme de l'engagement et sur la faculté de révocation à tout moment lorsque le cautionnnement est à durée indéterminée. Cette mesure correspond à l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, qui concerne le cautionnement d'une entreprise, et au deuxième alinéa de l'article 47 de la loi du 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, qui vise la caution personne physique garante d'une dette professionnelle d'un entrepreneur individuel.
Nous avons donc prévu une palette de mesures pour renforcer la protection des cautions. Je sais bien que l'on ne peut pas refuser à son conjoint de cautionner l'acquisition d'une voiture parce qu'il veut être artisan. Mais je crois qu'avec les dispositions proposées les prêteurs seront plus prudents.
Ce qui nous empêche d'accepter votre amendement, monsieur Chérioux, c'est qu'il s'applique à toutes les cautions et pas seulement aux cas que vous visons. Or la caution est une nécessité de la vie économique. Sa non-utilisation ne favoriserait pas la création d'entreprises. D'ailleurs, dans bien des cas, la personne qui apportera sa caution aura les moyens de se porter garante.
Au demeurant, je pense que les cas que vous avez évoqués sont largement couverts par l'amendement que je vous présente, qui, à défaut d'être totalement satisfaisant, devait concourir à améliorer les situations qui vous préoccupent.
C'est pourquoi, monsieur Chérioux, je vous demande de retirer votre amendement au profit de celui de la commission. Nous poursuivrons notre réflexion sur les cautionnements, bien entendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. L'amendement de M. Chérioux est inspiré par une intention tout à fait généreuse. Mais, pour les différentes raisons qui ont été évoquées, le Gouvernement y est défavorable.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 13 de la commission, qui devrait répondre au souci de M. Chérioux.
M. le président. Monsieur Chérioux, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, tout d'abord, je suis peiné de voir que M. le secrétaire d'Etat n'a pas été vraiment touché par le caractère généreux de mon amendement. Il y a fait allusion, puis n'a rien ajouté. Je trouve que c'est un petit peu court !
M. le président. Monsieur Chérioux, ne provoquez pas M. le secrétaire d'Etat : il peut tout à fait faire un numéro pendant dix minutes et même nous tirer les larmes des yeux ! Il a du talent, vous savez ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Venant de M. le secrétaire d'Etat, cela ne me déplairait pas ! (Nouveaux sourires.)
J'ai bien entendu l'appel de M. le rapporteur et je suis prêt à retirer cet amendement, à condition, bien entendu, qu'un engagement soit pris : puisque nous sommes en cours de navette, j'aimerais que la commission fasse, de son côté, un effort de générosité pour compenser l'attitude du Gouvernement.
J'apprécierais que l'on examine la possibilité d'un traitement spécial pour la saisie sur salaire, qui devient, bien souvent, ensuite, une saisie sur retraite. En effet, celui qui a engagé son propre salaire peut quelque fois ne toucher qu'une retraite de misère pour honorer un engagement pris quinze ans plus tôt.
Un certain nombre des mesures que vous nous présentez, monsieur le rapporteur, sont excellentes ; je pense à toutes les exigences visant à protéger la caution. Mais seront-elles applicables rapidement ? Cela aussi est important.
Actuellement, des personnes souffrent. Pour elles, chaque année, la créance augmente et elles s'enfoncent un peu plus. Je souhaiterais donc obtenir un engagement de la part de M. le rapporteur et, pourquoi pas - peut-être l'ai-je converti - de M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Chérioux, nous continuerons à travailler pour améliorer la situation des cautions, même si une partie du chemin a déjà été faite.
Bien entendu, si le Sénat adopte notre amendement n° 13, la disposition en question s'appliquera, aussitôt la loi promulguée, à toutes les cautions, déjà existantes ou à venir.
Par ailleurs, je le rappelle, le prêteur sera sanctionné, comme il l'est actuellement en matière de consommation ou de crédit immobilier, s'il a laissé cautionner de manière disproportionnée aux possibilités financières effectives de la caution.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. En vérité, ce débat anticipe un peu sur celui que nous avions prévu d'avoir à propos du projet de loi relatif au statut de l'entrepreneur. Nous reviendrons donc sur l'ensemble des sécurités qu'il est nécessaire d'apporter aux entrepreneurs, notamment les plus vulnérables et ceux qui ont choisi le statut d'entrepreneur individuel.
Je voudrais me faire pardonner l'explication un peu elliptique que j'ai présentée tout à l'heure en indiquant à l'auteur de l'amendement que son texte risquerait d'aboutir à une situation assez paradoxale, dans laquelle le créancier qui aurait d'abord poursuivi vainement le débiteur ne pourrait pas se retourner contre la caution puisqu'il n'y aurait pas eu d'appel concomitant en garantie. Cela revient finalement à obliger à poursuivre systématiquement le débiteur et la caution dans le même temps.
En outre, une telle mesure pourrait avoir des effets négatifs. Le bénéfice de discussion prévu par l'article 2021 du code civil étant rendu impératif, les créanciers professionnels risqueraient d'exiger de la caution qu'elle s'engage en tant que garante à première demande ou, pis, en tant que codébiteur solidaire, entièrement tenu de la dette.
De ce point de vue, il nous semble nettement préférable de prévoir une information de la caution solidaire, ce qui a été introduit par les députés dans l'article 6 ter du projet de loi, complétée par l'obligation d'engagement proportionnée de la caution et de limitation de son engagement à un montant déterminé, ce qui est suggéré dans l'amendement n° 13 de la commission spéciale.
Voilà les raisons pour lesquelles, monsieur Chérioux, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 146 rectifié.
M. le président. Monsieur Chérioux, après ces nouvelles explications, l'amendement n° 146 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux. Moi, je ne crois pas aux « demain, on rase gratis » et je souhaite véritablement que le problème soit résolu dans ce texte-ci.
C'est donc pour répondre au souhait de M. le rapporteur, que je remercie de sa bonne volonté, que je retire mon amendement et que je m'apprête à voter l'amendement n° 13 puisque les dispositions qu'il contient s'appliqueront dès la promulgation de la loi.
M. le président. Monsieur Chérioux, je vous fais remarquer que le Gouvernement vous a aussi répondu !
M. Jean Chérioux. Mais pas comme je le souhaitais, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 146 rectifié est retiré.
M. Daniel Raoul. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 146 rectifié bis.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Je suis sensible aux arguments que notre collègue Jean Chérioux a développés.
Certes, des engagements sont pris pour l'avenir mais, en attendant, il y a des personnes qui souffrent. Même si nous n'avons pas le monopole du coeur, nous avons été touchés par les sentiments généreux de notre collègue.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Il ne s'agit pas de tirer des larmes à qui que ce soit mais, moi aussi, j'ai été très sensible aux arguments avancés par M. Chérioux. Comme lui, nous connaissons des personnes, de simples salariés, qui se sont portées caution et qui voient leur salaire saisi, qui sont harcelées par les banques jusque sur leur lieu de travail.
Certes, l'amendement de la commission permettra peut-être de régler ce problème, mais je crains qu'il ne soit à double tranchant : les banques, on le sait, se surprotègent déjà pour accorder des prêts et elles risquent de se montrer encore plus hésitantes.
Puisque M. le secrétaire d'Etat invoque si souvent les vertus de la navette, je souhaite que les lectures ultérieures permettent de réfléchir plus avant sur cette question et de répondre vraiment à cette préoccupation.
Pour l'heure, je voterai l'amendement n° 146 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a un argument que je n'ai pas évoqué et qui mérite pourtant de l'être : à rendre le cautionnement trop difficile, on risque de dissuader les prêteurs d'y avoir recours, ce qui aboutira à un tarissement du crédit ou à l'utilisation d'autres procédures. Que se passera-t-il ? Soit il y aura co-contrat en solidarité absolue du débiteur, il n'y aura plus de bénéfice de discussion du tout, soit il y aura un engagement à première demande.
C'est pourquoi il est essentiel de préserver un équilibre. Reconnaissons que certaines personnes sont parfois bien imprévoyantes et qu'il faut les protéger contre elles-mêmes. Nous voyons tous les jours dans nos communes des personnes en difficulté, et nous tentons de trouver pour elles des solutions à la fois adaptées et équilibrées sur le plan juridique.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Je suis très touché par la position de nos collègues, mais je n'ai pas deux paroles. J'ai retiré mon amendement, et cela parce que les propositions qui ont été faites par M. le rapporteur sont concrètes, qu'elles représentent une avancée par rapport à ce que je suggérais. En outre, l'engagement a été pris de profiter de la navette pour examiner plus particulièrement la possibilité d'aménager les cautions en ce qui concerne la saisie sur les salaires.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6 ter, modifié.
(L'article 6 ter est adopté.)
M. le président. « Art. 6 quater. - I. - Le II de l'article L. 133-5 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« II. - Les organismes de recouvrement de cotisations ou de contributions sociales prélevées sur les salaires mentionnés au présent code, au code rural et aux articles L. 223-16 ou L. 351-21 du code du travail sont habilités à organiser, au profit des petites entreprises recourant au chèque-emploi entreprises prévu à l'article L. 128-1 du code du travail, un service d'aide aux entreprises.
« Au vu des informations que l'employeur fournit par tous moyens, ce service comprend notamment :
« - le calcul de l'ensemble des cotisations et contributions sociales dues et l'établissement aux échéances prescrites de la déclaration unique correspondante destinée aux organismes de recouvrement ;
« - l'établissement de la déclaration récapitulative relative aux salaires versés dans l'année ;
« - la fourniture à l'employeur des informations sur ses obligations ainsi que des simulations de calcul de montants de cotisations et contributions sociales susceptibles de lui incomber.
« L'employeur qui adhère à ce service est tenu d'accepter, par virement ou par prélèvement automatique sur le compte qu'il aura désigné, le paiement de l'ensemble des cotisations et contributions qui auront été calculées.
« Un arrêté détermine les conditions d'application du présent article et notamment la liste des organismes de recouvrement visés au premier alinéa. »
« II. - Les modalités de création du service visé au I ainsi que de la gestion et de la répartition du versement unique des cotisations et contributions sociales dues au titre des rémunérations des salariés visés au présent article font l'objet d'un accord entre les organismes concernés avant le 31 décembre 2003. A défaut d'accord à cette date, ces modalités sont fixées par arrêté interministériel. »
La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. L'introduction du guichet social unique par l'Assemblée nationale, avec les articles 6 quater et 18 bis, a été jugée en bien des lieux comme une mesure peu pertinente et inopportune, selon certains, et dangereuse, selon d'autres.
S'agissant de la méthode, elle est tout à fait surprenante et inédite, ignorant les procédures habituelles - et nécessaires - en matières sociale et administrative. En effet, de concertation il n'y eut point, ce qui est particulièrement choquant sur un sujet de cette importance.
Cette improvisation pourrait se traduire par la suppression d'environ 3 000 emplois dans les URSSAF, sans compter les « dégâts collatéraux » dans les organismes d'assurances et les mutuelles.
Apparemment, les auteurs des amendements en cause, à l'Assemblée nationale, ne se sont guère penchés sur le coût social et économique d'une telle disposition.
Comment ne pas être également troublé par l'opposition au guichet unique de différents organismes d'assurance maladie et de retraite, affirmant qu'il « ne simplifiera en rien les démarches administratives et que le coût financier et social sera particulièrement inquiétant ».
En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas insensibles aux prises de position des URSSAF, qui font valoir à juste titre leur compétence et leur savoir-faire en la matière.
Par exemple, pour l'intersyndicale de l'URSSAF de l'Aude - et je prends à témoin mon collègue Raymond Courrière -, « la création du guichet social unique n'est pas seulement simpliste et peu réaliste, du fait de la multiplicité du nombre de contrats et de conventions collectives », mais elle laisse aussi présager « la disparition du recouvrement des cotisations de sécurité sociale, tel qu'il existe aujourd'hui, en faisant la part belle au travail dissimulé ».
J'ajouterai que dépouiller les URSSAF d'une partie de leurs attributions représente un vrai danger pour l'avenir de la sécurité sociale, et peut-être le début de son démantèlement.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Roland Courteau. Quant à l'Union professionnelle artisanale, elle a été on ne peut plus claire : « Le collecteur social unique ne correspond pas aux attentes des artisans en matière de simplification. »
Concernant la simplification administrative, mise en avant par les promoteurs du guichet social unique, force est de constater que les difficultés que rencontrent les non-salariés tiennent plus - bien plus, même - à la complexité de la réglementation et à son hétérogénéité qu'au fait de devoir établir trois chèques : un pour les URSSAF, un pour les caisses d'assurance maladie et un pour les caisses de retraite.
Il s'agit d'une obligation somme toute peu gênante pour les intéressés, d'autant qu'elle a été allégée par la possibilité d'utiliser le prélèvement automatique.
Si l'on veut aller plus loin dans le sens d'une véritable simplification administrative, pourquoi ne pas accélérer la mise en oeuvre des douze propositions de réforme et des mesures de simplification, plutôt que de sombrer dans la précipitation et l'aventure avec la création du guichet social unique ?
La mise en oeuvre de certaines de ces propositions dépend de la concertation entre les organismes locaux et régionaux.
Ainsi, des réunions ont débuté en 2002, en Languedoc-Roussillon, entre les URSSAF et les caisses maladie et vieillesse, l'objectif étant de développer les échanges d'informations, d'harmoniser les procédures, de coordonner la gestion des comptes radiés et de développer les actions contre le travail dissimulé. Dès le mois d'octobre dernier, un premier guide a été réalisé et diffusé.
Par ailleurs, une charte commune d'actions est en voie de finalisation entre les URSSAF de Languedoc-Roussillon, les caisses mutuelles régionales, l'assurance vieillesse agricole et l'ORGANIC.
On peut donc estimer que le processus d'harmonisation en vue d'une meilleure compréhension, mais aussi de plus de simplification, est bien engagé, en Languedoc-Roussillon, pour les cotisants communs à ces divers organismes.
D'autres propositions nécessiteraient des modifications législatives ou réglementaires, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.
Bref, non seulement une réforme de structure ne s'impose pas, mais elle ne constitue pas une garantie de réelle simplification. Elle ne peut donc en aucun cas être présentée comme une réponse à l'attente de simplification.
Les vraies raisons de cette proposition de création d'un guichet social unique sont à chercher ailleurs.
Nous persistons à considérer que la réponse à apporter passe, en premier lieu, par la mise en oeuvre de ces douze propositions adoptées dans les mêmes termes en 2000 par les conseils d'administration des organismes - CANAM, CANCAVA, ORGANIC et ACOSS.
Voilà pourquoi le groupe socialiste a déposé des amendements de suppression.
Et cette position vaut également, monsieur le secrétaire d'Etat, pour le cas où vous souhaiteriez, dans quelques jours, tenter l'aventure par voie d'ordonnance.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud, sur l'article.
M. Philippe Arnaud. Les articles 6 quater et 6 quinquies, qui sont liés, sont porteurs de mesures très fortes, non seulement sur le plan symbolique, mais aussi sur le plan pratique, avec un service d'aide à l'accomplissement des formalités sociales et le chèque-emploi entreprise.
Cependant, la commission spéciale propose de supprimer ces deux articles, ce que, personnellement, je regrette profondément.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, votre attachement à définir et à mettre en place toutes les mesures susceptibles d'apporter une véritable simplification, mais je ne crois pas qu'il soit judicieux de renvoyer purement et simplement l'instauration de telles mesures à des dispositifs réglementaires ou à des ordonnances. Les propos que vient de tenir notre collègue M. Roland Courteau me confortent d'ailleurs dans cette position.
En effet, il nous a expliqué, pour l'essentiel, que ces dispositions devaient être repoussées parce qu'elles mettraient en cause un certain nombre de postes de fonctionnaires ou assimilés au sein des URSSAF. Mais ce qui est en question ici, ce sont les moyens d'encourager l'initiative économique, la création d'entreprises, etc. Or, que je sache, les services publics n'ont d'autre justification que d'apporter un service au public, donc aussi aux entreprises.
Si l'allégement des procédures doit se traduire par une évolution des pratiques, ceux qui travaillent dans les URSSAF pourront certainement se voir confier d'autres missions.
Nous n'allons tout de même pas faire perdurer des services simplement parce que, à une période donnée, ils ont été indispensables et ont accompli un excellent travail. Lorsqu'on peut faire mieux, pourquoi s'en priver ?
Pour le reste, je dirai que nous siégeons dans une assemblée politique et que nous devons faire la loi. Prenons nos responsabilités : c'est à nous d'offrir aux porteurs de projets, aux créateurs d'entreprise, toutes les facilités possibles.
Je préfère donc que le Parlement se prononce plutôt que de voir le Gouvernement procéder par voie d'ordonnances. Je vous appelle, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous souvenir, lors de la navette ou dans le cadre des ordonnances, de vos propres engagements et de ce que je vous dis aujourd'hui : que le politique l'emporte !
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission.
L'amendement n° 90 est présenté par MM. Barraux, Hérisson, Carle, Mouly, Vial, Trucy et Courtois.
L'amendement n° 122 rectifié est présenté par MM. Godefroy, Raoul et Massion, Mme Y. Boyer, MM. Angels, Picheral, Piras, Saunier, Trémel, Courteau, Bel, Dussaut, Masseret et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 222 est présenté par Mme Terrade, MM. Foucaud, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.
Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission spéciale constate avec satisfaction que l'impératif de simplification des formalités sociales a désormais pris un caractère d'urgence. Toutefois, elle ne peut manquer de souligner que la pluralité des initiatives engagées au cours des derniers mois commence à créer une relative complexité autour de cet objectif de simplification.
Il existe déjà, cela a été rappelé, le guichet « Net-entreprise » et le dispositif « Impact-emploi ».
Par ailleurs, le 10 octobre 2002, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi relative à la création d'un chèque-emploi associatif, qui a été examinée par le Sénat le 13 mars 2003 et enrichie à cette occasion, sur l'initiative de notre collègue M. Henri de Raincourt, d'un dispositif de chèque-emploi jeune été.
Puis le présent article 6 quater, tout comme les articles 6 quinquies et 18 bis, ont été introduits dans le présent projet de loi pour l'initiative économique par l'Assemblée nationale en février dernier.
Enfin, le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit, adopté en conseil des ministres le 19 mars 2003, comporte dans son article 19 plusieurs habilitations, dont certaines sont reprises dans l'article 6 quater.
S'agissant du calendrier, on ne peut manquer d'observer que ce projet de loi d'habilitation devrait être examiné au début du mois d'avril prochain à l'Assemblée nationale et au Sénat un mois plus tard, c'est-à-dire en même temps que la suite de la navette du présent projet de loi.
A l'évidence, la multiplication de supports législatifs spécifiques et concomitants fait craindre que ne se mette en place une mosaïque cloisonnée, qui semblerait négliger, de surcroît, les réalisations déjà entreprises sur le terrain, et qui utilisent les technologies les plus modernes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous rappeliez devant l'Assemblée nationale que « le Gouvernement a une méthode qui prévoit un temps pour la concertation avec les partenaires sociaux et tous ceux qui peuvent être intéressés par telle ou telle mesure de simplification ».
Certes, le Parlement peut considérer qu'une telle habilitation n'est pas opportune et il peut vouloir faire prévaloir son propre dispositif. Il semble toutefois à notre commission spéciale que la simplification est une tâche minutieuse qui appelle une vision d'ensemble et gagne à être engagée en étroite concertation avec les acteurs qui en assurent la mise en oeuvre sur le terrain.
Aussi, la voie des ordonnances qu'a choisie le Gouvernement paraît, pour le moment, la plus appropriée dans ce domaine très technique et spécifique. La commission spéciale n'y voit guère d'atteinte portée aux prérogatives du Parlement auquel, de surcroît, il revient, en tout état de cause, d'être saisi le moment venu d'un projet de ratification.
Dès lors, afin que l'objectif de simplification puisse être atteint avec méthode et succès - j'insiste sur ces deux mots -, la commission spéciale propose, en l'état actuel des choses, de supprimer le présent article afin de rester dans la cohérence du cadre initialement défini par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Barraux, pour défendre l'amendement n° 90.
M. Bernard Barraux. Nous voulons tous simplifier la vie des créateurs d'entreprise et nous avons raison.
Cela dit, je ne suis pas certain que la création du chèque-emploi entreprises, qui va retirer aux chefs d'entreprise une partie de leurs responsabilités soit utile, et même indispensable.
Si le législateur veut faire oeuvre utile pour les jeunes chefs de petites et moyennes entreprises surtout, il ferait mieux de s'intéresser à la simplification de tous les documents administratifs, des feuilles de paie et des déclarations sociales, par exemple, plutôt que de déléguer à l'Etat des tâches qui relèvent de la gestion propre de l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour défendre l'amendement n° 122 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous vous proposons également de supprimer l'article 6 quater.
Je ne vais pas apporter de nouveaux éléments par rapport à ceux que j'ai présentés hier soir, lors de la discussion générale. Je crois cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il me faut rappeler les raisons qui nous font souhaiter la suppression de cet article.
Notre premier motif d'opposition à cet article est l'absence totale de concertation précédant son adoption. Pour une mesure aussi importante, dont les conséquences sont tellement lourdes, c'est pour le moins une sérieuse maladresse. Certains pouvaient-ils sérieusement imaginer qu'une telle disposition allait pouvoir passer dans la hâte et pratiquement en catimini ? Manifestement, le flot de courriers de toutes provenances que nous avons tous reçu pour nous alerter sur ce sujet témoigne du contraire.
M. Hilaire Flandre. Ils défendent leur fromage !
M. Jean-Pierre Godefroy. Devant l'inquiétude de nombreux organismes et un début de mouvement social dans les URSSAF, la commission a dû prévoir en ; catastrophe ; une journée de concertation avec les organismes concernés et les partenaires sociaux. Le résultat a été clair : si l'ORGANIC, l'organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce, et la CANCAVA, la caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale, se disent prêts à mettre en place un guichet social unique en direction des artisans et des commerçants, les représentants de ces catégories d'entrepreneurs ne manifestent, c'est le moins qu'on puisse dire, aucun enthousiasme.
Il en est de même de la CANAM, la caisse nationale d'assurance maladie, des mutuelles, des assurances, des experts-comptables et des organisations syndicale. Je ne mentionne pas ici les URSSAF, qui vivent fort mal ce qu'elles ressentent comme une agression à leur égard et comme une sanction alors qu'elles ont fait leur travail de recouvrement avec célérité, notamment en exercant leur mission de contrôle.
Seuls le MEDEF et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, présents à l'ORGANIC et à la CANCAVA, à l'inverse des organismes de sécurité sociale, ont fait part de leur approbation.
On ne peut ici que noter le dynamisme remarquable de ces deux caisses : alors qu'elles ont rencontré des difficultés conduisant à leur mise sous perfusion par le régime général, elles se disent prêtes à assumer, demain, le recouvrement auprès des artisans et des commerçants.
Mieux : elles nous informent que les travailleurs indépendants représentent moins de 3 % des encaissements totaux des URSSAF, mais mobilisent 10 % de leur personnel et sont à l'origine de 60 % du contentieux.
Malgré cela, elles sont prêtes à assumer cette tâche ingrate, en réalisant 121 millions d'euros d'économies, avec, respectivement, 250 et 310 personnes mobilisées pour ce travail. On reste confondu devant tant d'abnégation et de promesses d'efficacité.
On reste étonné aussi puisque des milliers de suppressions d'emplois sont annoncées par ailleurs chez les intervenants actuels du recouvrement.
Je voudrais d'ailleurs dire à notre collègue qu'il ne s'agit pas uniquement des URSSAF : les assurances nous ont fait savoir que ces suppressions concerneraient 35 % de leur personnel et les mutuelles des travailleurs indépendants nous ont parlé de 650 emplois dans un premier temps et de 1 300 emplois ensuite.
Il semble que 30 % des personnels seraient touchés, ce qui explique sans doute le silence du ministre des affaires sociales. La différence entre le nombre de salariés affectés aujourd'hui à ces tâches dans les institutions tant privées que publiques et l'annonce faite par les bénéficiaires potentiels du transfert mériterait au moins une clarification pour que le nouveau dispositif gagne en crédibilité.
Dès lors, c'est en ayant à faire face à une grande vague d'inquiétude et de confusion que nous sommes maintenant appelés à légiférer.
Deux questions de fond se posent : les commerçants et les artisans souhaitent-ils un guichet social unique ? Après tout, la meilleure méthode consiste peut-être à demander leur avis aux premiers concernés !
La seconde question, qui devait être au coeur de ce projet de loi, étant : comment simplifier les contacts avec l'administration pour favoriser l'initiative économique ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sur la première question, les réponses sont nuancées. Les intéressés ne demandent pas vraiment un guichet unique, ils voudraient plutôt la simplification des formulaires et des démarches, aussi bien lors de la création d'entreprise que dans la gestion de celle-ci au quotidien.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour résumer ce qui nous est dit, je dirais que les difficultés que rencontrent les non-salariés dans leurs relations avec les organismes sociaux tiennent bien plus à la complexité de la réglementation, qu'à l'obligation de faire trois chèques, l'un pour l'URSSAF, l'autre pour la caisse de retraite et le dernier pour l'assurance maladie.
M. Roland Courteau. Evidemment !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ils soulignent également que tout cela peut se régler par prélèvement automatique, ce qui est déjà le cas, nous a-t-on dit, à 75 %, le reste étant pratiquement irréductible. De ce point de vue, il n'y a donc ni urgence ni impérieuse nécessité à créer ce guichet unique au bénéfice de ces organismes.
Permettez-moi de rappeler les inconvénients du dispositif envisagé. Outre les suppressions d'emplois que j'ai déjà évoquées, on peut s'interroger sur son efficacité.
En revanche, l'efficacité de l'URSSAF est connue. Son maillage territorial est départemental, ce qui facilite les relations avec les usagers. Les textes réglementaires sont mis en oeuvre dans les quinze jours, et le recouvrement atteint 99 % sur l'exercice, avec une maîtrise complète de la répartition des fonds perçus.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, des plates-formes téléphoniques, des systèmes de déclaration unique ont été mis en place, ainsi que des services de prévention pour les entreprises en difficulté, par exemple. Le contrôle est assuré de manière réelle et égale pour tous. Le coût de gestion est de 0,4 %.
On peut aussi s'interroger sur la simplification apportée par ces nouvelles dispositions. En fait, celle-ci risque d'être illusoire. En effet, 60 % des travailleurs indépendants emploient un ou deux salariés et leur situation évolue souvent d'une année ou d'un mois à l'autre, d'employeur à artisan sans salarié. Dès lors, pourquoi compliquer les choses en multipliant les organismes au lieu de simplifier ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. En revanche, des mesures, au nombre de douze - comme l'a dit mon collègue M. Courteau tout à l'heure - ont déjà été proposées par les caisses nationales.
Je ne les rappelle pas toutes maintenant, car je l'ai fait hier soir. Je me bornerai simplement à citer l'harmonisation des règles de taxation d'office, la diminution harmonisée des majorations de retard, l'extension des périodicités et des moyens de paiement, la réforme des modes de calcul.
Ne serait-il pas préférable de tenir compte d'abord des propositions qui sont faites par les professionnels du recouvrement, plutôt que de tout bousculer dans la précipitation, en créant la confusion et des difficultés sociales ?
Enfin, ne serait-il pas nécessaire d'attendre pour avoir le temps d'étudier les conclusions du rapport confié par le Gouvernement à l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, à l'inspection générale des finances, l'IGF ; et à l'inspection générale de l'industrie et du commerce, l'IGIC ?
Je dirai quelques mots d'un risque qui nous paraît encore plus grave pour la cohésion de notre société : passer d'un régime généralisé à des régimes catégoriels représente un vrai danger.
Cette opération ne peut que contribuer à fragiliser le régime général, qui est déjà tellement sollicité, et à remettre en cause les principes de solidarité qui fondent la sécurité sociale.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous mesurons que, derrière ces discussions d'apparence technique, vient se greffer un projet plus vaste de démantèlement et de privatisation partielle de notre système de protection sociale. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet puisque, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous orientez vers des ordonnances. Le projet de loi d'habilitation devra permettre de clarifier la situation.
Pour l'ensemble des raisons que je viens d'évoquer, le groupe socialiste demande la suppression de cet article.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 222.
Mme Odette Terrade. J'ai déjà eu l'occasion hier, dans mon intervention générale, de dénoncer les conditions dans lesquelles ont été adoptées, à l'Assemblée nationale, ces dispositions concernant à la fois le guichet unique et le chèque-emploi entreprises.
L'annonce de ces mesures a provoqué de vives réactions et une grande déception de la part des professionnels concernés qui ne voient aucune amélioration en matière de simplification administrative. Certains collègues ont cité avant moi les nombreuses interventions que nous avons reçues et les réserves qui ont été formulées lors des auditions de la commission spéciale. Les salariés de l'URSSAF se sont inquiétés des conséquences en termes d'emploi.
Avouons, monsieur le secrétaire d'Etat, que la conjoncture actuelle ne se prête guère à une nouvelle rationalisation qui aboutirait à la suppression d'environ 3 000 emplois sur 16 000. Il y a de quoi inquiéter ces personnels dans cette période de plans sociaux.
Je ne doute pas de leur volonté de voir leur mission évoluer. Mais admettez que la précipitation et les effets d'annonce ne sont pas propices au calme du climat social.
Vous avez dit hier, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une mission ministérielle avait été mise en place. Pour notre part, nous sommes bien évidemment attachés à la concertation avec les organismes sociaux pour la mise en place des mesures de simplification, et, pourquoi pas, d'un guichet unique. Mais cela ne peut pas se faire à la « va-vite ».
C'est pour que ces réformes ne se fassent pas dans l'urgence et pour que les propositions émises par les organismes concernés soient prises en compte que nous proposons, comme la commission, la suppression de cet article.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé que l'instauration du guichet unique pourrait être inscrite dans les ordonnances. Nous voulons exprimer nos plus vives réticences à l'égard de cette démarche. Il nous semble, en effet, vraiment important qu'une telle réforme fasse l'objet d'une concertation avec l'ensemble des partenaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Annick Bocandé, rapporteur. La commission ne peut évidemment qu'émettre un avis favorable sur ces amendements, qui sont satisfaits par le sien.
Je voudrais néanmoins dire à mon collègue M. Godefroy que si nous émettons un avis favorable, ce n'est pas forcément pour les mêmes motifs que lui. (Exclamations sur les travées de l'UMP et du groupe socialiste.)
Par ailleurs, je ne peux pas le laisser prétendre que les auditions ont eu lieu en catastrophe. Mon cher collègue, les auditions étaient prévues depuis le début. Cela fait partie du travail parlementaire. Sur de tels textes, nous avons l'habitude d'auditionner de nombreuses personnalités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Je formulerai un avis sur la forme et un avis sur le fond.
Sur la forme, le Gouvernement est très attaché à la concertation. C'est la raison pour laquelle j'avais indiqué, devant l'Assemblée nationale, que le Gouvernement souhaitait que cette réforme importante soit inscrite dans les ordonnances de simplification administrative, après examen de la loi d'habilitation par le Parlement.
Le Premier ministre m'a confié le soin de rédiger une ordonnance pour les entreprises. Ce sera fait.
Par ailleurs, le Gouvernement a confié une mission à des inspecteurs des finances, des affaires sociales, de l'industrie et du commerce qui rendront leur travail le 31 mars prochain. Une concertation très abondante a déjà eu lieu ; elle a commencé il y a longtemps.
Depuis vingt ans, tous les gouvernements ont tenté de simplifier, à l'intention des plus petits acteurs économiques, le dispositif très compliqué de notre sécurité sociale. Ceux qui connaissent les entreprises des pays voisins savent combien l'entrepreneur, en France, supporte, en plus des charges sociales, en plus de la taxation, en plus de la fiscalité, un fardeau d'ordre bureaucratique qui, bien souvent, freine sa capacité d'expansion et pèse sur les plus petits, les plus fragiles, les plus démunis devant la complexité administrative.
Si l'on veut faire de l'action sociale en direction des créateurs d'entreprise et des entrepreneurs individuels, il faut simplifier les procédures administratives. Simplifier, c'est d'abord se tourner vers les plus démunis.
La concertation se poursuit. Elle aboutit pour l'heure à des positions nettement différentes de celles qui s'étaient exprimées il y a quelque temps. Le chemin de la réforme se dessine, chacun faisant preuve de beaucoup de bonne volonté.
Je salue d'ailleurs les représentants des URSSAF, de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA qui, tous, ont compris la nécessité qui s'impose aujourd'hui de modifier la donne, de simplifier leur façon de procéder et de travailler ensemble.
Le Gouvernement a le sentiment que l'oeuvre qui a été engagée par les députés n'a pas été vaine. Bien au contraire, c'est probablement leur initiative, peut-être intempestive, peut-être prématurée, qui a permis aux esprits d'évoluer et de comprendre qu'il était désormais nécessaire d'avancer.
Sur le fond, deux réformes sont essentielles. La première, c'est le chèque-emploi entreprises. Il existe déjà dans le secteur de l'agriculture.
Or, avez-vous entendu des agriculteurs se plaindre de la possibilité qui leur est offerte d'embaucher, pour de courtes périodes, des travailleurs occasionnels ? Pas du tout ! Au contraire, ils nous font part de leur pleine et entière satisfaction.
Nombre d'entre vous, sur ces travées, se rendent de temps en temps au restaurant et ils savent en quoi consiste le travail d'un traiteur. Bien souvent, en cas de « coup de chauffe », il doit faire appel à un collaborateur supplémentaire. Il est donc essentiel de mettre à leur disposition des outils simplifiés qui leur permettent, dans des conditions tout à fait transparentes et en conformité parfaite avec le code du travail, d'embaucher ponctuellement.
La réforme du chèque-emploi entreprises a été mal comprise. Elle ne peut se faire qu'en modifiant les conventions collectives. Autrement dit, ce sont les partenaires sociaux qui, branche par branche, décideront de la mettre en place.
Si, par exemple dans le secteur du bâtiment, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, décide de ne pas mettre en place cet outil, elle n'y sera pas obligée. Si, en revanche, les restaurateurs décident de le mettre en place, ils pourront le faire en modifiant la convention collective. Cette réforme laisse aux partenaires sociaux la totale responsabilité de la mise en oeuvre du nouvel outil qui est mis à leur disposition.
En ce qui concerne le recouvrement simplifié des cotisations sociales, mettez-vous un instant à la place d'un travailleur indépendant qui, auparavant, était salarié. En tant que salarié, il n'avait rien à faire ; tout était fait pour lui. Et, tout à coup, non seulement il doit faire face à ses clients mais il doit de surcroît traiter avec l'administration fiscale, l'assurance maladie, l'assurance vieillesse, les assurances familiales, calculer la contribution sociale généralisée, le remboursement de la dette sociale, intégrer des assiettes, des taux et des échéanciers différents, communiquer avec des organismes différents.
M. Hilaire Flandre. Absolument !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. C'est un véritable maquis !
Si l'on veut simplifier la vie des entreprises, il faut mettre en place des réformes et le Gouvernement est déterminé - je le dis ici solennellement - à aboutir sur ces deux projets, à la fois sur le chèque-emploi entreprises et sur la simplification du recouvrement.
Le Gouvernement agira dans la concertation parce que c'est la méthode qu'il a choisie. Il prendra le temps nécessaire pour la mise en oeuvre car il faut laisser aux acteurs le temps de s'adapter à de nouvelles règles d'organisation. Il fera preuve de détermination dès qu'il recevra le rapport des inspecteurs et il engagera un travail de réflexion sur la base de leurs propositions afin d'élaborer l'ordonnance de simplification administrative.
Je veux conclure sur les conceptions de l'emploi qui semblent s'exprimer dans cette enceinte. J'ai l'impression que l'idéal de certains, au fond, est d'augmenter les prélèvements obligatoires, d'assujettir les entreprises à davantage de contraintes administratives et, par ce biais, de créer des emplois nouveaux dans les secteurs de la sécurité sociale, de la fiscalité, etc.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais non !
M. Roland Courteau. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. C'est une conception de l'emploi que je ne partage pas.
MM. Raymond Courrière et Jean-Pierre Godefroy. Nous non plus !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Pourtant, si l'on regarde les mesures qui ont été prises ces cinq dernières années, on peut voir que le dispositif des 35 heures, par exemple, s'il a permis de créer des emplois publics, n'a rien simplifié pour les entreprises.
M. Bruno Sido. Non !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Pour notre part, nous considérons que, pour l'emploi, il convient de libérer les énergies des entrepreneurs et, à cette fin, d'agir sur tous les leviers.
On me parle des douze propositions. Bien entendu, je les trouve intéressantes et je vais les soutenir, mais je pense qu'il faut pousser encore plus loin la simplification... (Exclamations sur les travées socialistes)... et ne pas s'en tenir à des propositions qui restent relativement modestes. Qui peut le plus, peut le moins ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Notre conception de l'entreprise est de donner aux entrepreneurs, notamment aux plus faibles, la possibilité d'agir sans être perturbés par un travail administratif trop compliqué.
Certains affirment d'ailleurs que, dans une très petite entreprise, on consacrait une journée par mois au travail administratif il y a dix ans contre une semaine aujourd'hui. C'est dire à quel point notre droit s'est complexifié. Il est temps d'utiliser le sécateur pour simplifier la vie des entreprises. Je crois que c'est un objectif que nous pouvons tous soutenir.
J'ajoute que Mme Lebranchu, mon prédécesseur, avait fait la même proposition (Sourires sur les travées de l'UMP), notamment en vue de la simplification du recouvrement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
M. Roland Courteau. Mais elle y a renoncé !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Elle y avait renoncé à la suite d'un mouvement de grève.
En effet, bien souvent, en France, lorsqu'on a de bonnes idées, on est effarouché par la première protestation venue.
Ce n'est pas le cas de ce gouvernement, qui est décidé à simplifier la vie des entreprises et qui, dans le cadre du dialogue démocratique, sera néanmoins constant dans sa volonté de réforme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14, 90, 122 rectifié et 222.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 quater est supprimé.