COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CRISE EN IRAK
M. le président. Mes chers collègues, je ne saurais bien sûr ouvrir cette séance sans souligner l'extrême gravité de la situation internationale.
Les derniers développements de la crise irakienne suscitent la plus grande inquiétude, tant dans cet hémicycle que dans notre pays.
Les questions d'actualité, cet après-midi à partir de quinze heures, nous permettront d'interroger le Gouvernement à ce sujet.
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Je vous remercie, monsieur le président, des paroles que vous venez de prononcer. Je souhaiterais que le Sénat suspende ses travaux pendant quelques minutes, comme l'a décidé l'Assemblée nationale ce matin, afin de marquer sa protestation et sa désapprobation concernant les opérations militaires qui viennent de s'engager en Irak.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Mon intervention a le même objet que celle de mon collègue Claude Estier. Nous sommes saisis par l'émotion, et je souhaite moi aussi que la séance soit suspendue, à titre symbolique, pendant quelques instants.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement partage bien sûr l'émotion que vous avez exprimée, monsieur le président, ainsi que Mme Borvo et M. Estier.
J'indique que le Gouvernement se réunira autour du Premier ministre à douze heures trente, ce qui abrégera d'autant nos travaux ce matin, pour faire le point de la situation. En outre, cet après-midi, les questions d'actualité lui permettront effectivement de répondre aux interrogations des membres de la Haute Assemblée.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques minutes : nous les reprendrons à dix heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national du bruit, du Conseil national de l'habitat et du Conseil national de la montagne.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite les commissions des affaires sociales et des affaires économiques à présenter des candidatures.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
SÉCURITÉ FINANCIÈRE
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 166 rect., 2002-2003) de sécurité financière. [Rapport n° 206 (2002-2003) et avis n° 207 (2002-2003).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 66.
M. le président. « Art. 66. - I. - A l'article L. 225-228 du code de commerce sont insérés, avant le premier alinéa, deux alinéas ainsi rédigés :
« Les commissaires aux comptes sont proposés à la désignation de l'assemblée générale par un projet de résolution émanant des actionnaires, du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. Lorsque la société fait appel public à l'épargne, le conseil d'administration choisit, sans que prennent part au vote le directeur général et le directeur général délégué, s'ils sont administrateurs, les commissaires aux comptes qu'il envisage de proposer.
« Il en est de même des administrateurs ou membres du conseil de surveillance liés par un contrat de travail à la société ou à toute société qui la contrôle ou est contrôlée par elle au sens des I et II de l'article L. 233-3. »
« II. - Le dernier alinéa du même article est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les sociétés astreintes à publier des comptes consolidés en application des dispositions du présent livre sont tenues de désigner un deuxième commissaire aux comptes. Le mandat de celui-ci ne peut coïncider avec le mandat du premier commissaire désigné que pour une période de trois ans ; il peut, à cette fin, être dérogé aux dispositions relatives à la durée du mandat prévues à l'article L. 225-229. Si les deux commissaires aux comptes sont désignés à la même date, le mandat du second est de trois ans.
« Les deux commissaires aux comptes doivent ensemble se livrer à un examen contradictoire des conditions et des modalités d'établissement des comptes, selon les prescriptions énoncées par une norme établie conformément au 4° de l'article L. 821-1. »
L'amendement n° 242, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer deux alinéas avant le premier alinéa de l'article L. 2235-228 du code de commerce, après le mot : "résolution", insérer le mot : "motivée". »
L'amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 125 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 169 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après les mots : "un projet de résolution émanant", rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer deux alinéas avant le premier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce : "du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ou, dans les conditions définies par la section III du présent chapitre, des actionnaires". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement rédactionnel vise à s'assurer que les projets de résolution des actionnaires tendant à proposer à la désignation de l'assemblée générale des commissaires aux comptes sont soumis aux mêmes formes que tous les autres projets de résolution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 125 et 169.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase du premier alinéa et le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer deux alinéas avant le premier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce. »
Le sous-amendement n° 374, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans l'amendement n° 126, supprimer les mots : "la seconde phrase du premier alinéa et". »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° 126.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit ici d'un point intéressant du débat : nous allons chercher à résoudre une contradiction.
La commission des lois et la commission des finances sont également attachées à l'intégrité du conseil d'administration. Il s'agit à nos yeux d'un corps uni et solidaire, d'un collège qui prend ses responsabilités en tant que tel.
Nous estimons donc qu'il n'y a pas lieu de créer des catégories d'administrateurs et de leur accorder, selon les situations et les cas, plus ou moins de droits et plus ou moins de devoirs. Il y a des administrateurs, qui sont, dans le droit français des sociétés, globalement responsables à l'égard de la communauté de tous les actionnaires. Quelle que soit la source de leur désignation, ils sont censés représenter tous les actionnaires. Cela nous renvoie, mes chers collègues, à la théorie de la représentation politique, qui fait appel à des notions quelque peu analogues. En effet, les uns et les autres, quel que soit le département dans lequel nous avons été élus, nous sommes censés représenter la nation et nous exprimer en son nom, et non en celui de nos électeurs particuliers.
Pour en revenir au droit des sociétés, nous sommes donc quelque peu réticents lorsque l'on nous propose de distinguer des catégories au sein du conseil d'adminis-tration.
En l'occurrence, la question qui nous occupe est celle de la désignation des commissaires aux comptes et des conditions dans lesquelles cette désignation est proposée par le conseil d'administration ou par le conseil de surveillance à l'assemblée générale de la société. Le Gouvernement estime à juste titre que le contrôlé ne peut participer formellement à la désignation de son contrôleur. Nous partageons ce scrupule, mais nous voulons souligner que cette disposition ouvre une brèche dans le principe de l'unité du conseil d'administration. C'est la raison pour laquelle, afin de susciter un débat permettant de clarifier ce point, la commission des finances a déposé cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 374.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. La présentation de ce sous-amendement me permettra de répondre aux interrogations exprimées par M. le rapporteurgénéral.
J'ai bien compris que l'amendement qu'il présente a pour objet de maintenir l'unité du conseil d'administration. Il s'agit d'une préoccupation légitime. Les administrateurs salariés doivent pouvoir participer au vote, comme vous le souhaitez. Il faut dont maintenir l'unité du conseil d'administration. C'est pourquoi le sous-amendement que je propose vise à supprimer les mots : « la seconde phrase du premier alinéa et ». Les dirigeants salariés seraient ainsi exclus du vote, parce qu'ils ont une relation professionnelle avec les commissaires aux comptes, mais pas les représentants des salariés au conseil d'administration.
M. le président. Quels est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 374 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, après réflexion, est favorable à ce sous-amendement, car il permet d'aboutir à une synthèse satisfaisante de nos préoccupations.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 374.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« A la fin de second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour insérer deux alinéas avant le premier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce, remplacer les mots : "I et II de l'article L. 233-3" par les mots : "I, II, III et IV de l'article L. 233-16". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 212, présenté par MM. Marc, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Angels, Auban et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par le I de cet article pour insérer deux alinéas avant le premier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
« L'assemblée générale peut voter une résolution tendant à solliciter l'avis du Haut conseil du commissariat aux comptes sur le choix des commissaires aux comptes qui lui sont proposés par le conseil d'administration à fin de désignation. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement vise à proposer que l'assemblée générale des actionnaires puisse solliciter l'avis du Haut conseil du commissariat aux comptes lors de la procédure de désignation des commissaires aux comptes par le conseil d'administration.
A nos yeux, les modes de désignation et de rémunération des commissaires aux comptes ne sont pas satisfaisants car ils conduisent à un affaiblissement du contrôle effectué par les commissaires aux comptes. En effet, actuellement, les sociétés choisissent librement et rémunèrent les commissaires aux comptes chargés de les contrôler. Comment, dès lors, considérer qu'il n'y a pas de risque de conflit d'intérêts, voire, parfois, de collusion ? Les milieux économiques américains et européens nous ont récemment donné l'exemple de cet état de fait.
Toutefois, cet amendement ne vise pas à remettre complètement en cause la situation. Son objet est plus modeste, mais il présente tout de même deux intérêts essentiels.
Tout d'abord, il ouvre la possibilité de faire participer un tiers à la procédure de désignation des commissaires aux comptes. Il serait ainsi mis fin à la relation bilatérale entre la société et les commissaires aux comptes candidats à la mission de certification de la comptabilité de la société.
Ensuite, comme nous le savons, les commissaires aux comptes sont actuellement désignés par l'assemblée générale sur proposition du conseil d'administration. Or l'assemblée générale n'a que rarement la capacité d'exercer un contrôle critique effectif sur les propositions qui lui sont soumises. En conséquence, l'amendement que je présente autorise l'assemblée générale, si elle le souhaite, à demander l'avis du Haut conseil du commissariat aux comptes sur la proposition qui lui est faite. Elle pourrait ainsi recueillir une information objective et fiable sur les candidats à la fonction de commissaire aux comptes.
Cette demande d'avis ne serait évidemment pas obligatoire, pour ne pas surcharger de travail le Haut conseil et afin de garantir une certaine souplesse à la procédure de désignation.
Enfin, l'avis rendu n'aurait pas de conséquence juridique, l'assemblée générale étant libre d'en tenir compte ou de ne pas en tenir compte.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste propose au Sénat d'adopter cet amendement, qui tend à clarifier les relations entre l'entreprise et ses commissaires aux comptes. L'introduction de cette possibilité d'arbitrage et de droit de regard du Haut conseil permettra d'éclairer l'assemblée générale des actionnaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est résolument défavorable à cet amendement. En effet, il s'agit d'un véritable mélange des genres, auquel nous ne saurions souscrire.
L'asssemblée générale désigne souverainement les commissaires aux comptes, selon des modalités que nous venons d'examiner. Dans tous les pays à économie de marché, on s'interroge, depuis longtemps déjà, sur le mode de désignation des commissaires aux comptes, et des critiques s'expriment sur le fait que l'assemblée générale des actionnaires désigne les commissaires aux comptes. Or il est apparu qu'il était impossible de définir un autre mode de désignation. Les juristes, les commentateurs et les élus ont pourtant fait assaut d'imagination.
En l'occurrence, M. Marc et ses collègues souhaiteraient que le Haut conseil du commissariat aux comptes puisse émettre un avis, à la demande de l'assemblée générale, sur le choix des commissaires aux comptes. Ce n'est pas concevable. Ou bien le Haut conseil dira toujours « amen », et dès lors à quoi servira-t-il ? Ou bien il contestera une décision qui aura été prise après que les organes de la société auront normalement fonctionné, après, le cas échéant, mise en concurrence des commissaires aux comptes dans le cadre d'un appel d'offres, ou, éventuellement, après qu'un examen technique aura été effectué par un comité d'audit ou un comité des comptes.
Le Haut conseil est chargé du respect des règles de déontologie, et il doit veiller, au nom de l'Etat, aux questions d'intérêt public. Quelle légitimité aurait-il pour interférer dans des décisions qui relèvent de l'entreprise et qui ne peuvent être prises que par les actionnaires, guidés par leurs propres intérêts ? Comment évaluera-t-il les intérêts d'une société par rapport à une autre société ? Comment pourra-t-il juger les problèmes commerciaux, notamment en matière de concurrence, et les questions de toute nature qui se poseront à la fois entre les entreprises contrôlées et entre les sociétés de commissariat aux comptes, ou tout simplement entre les commissaires aux comptes ?
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je n'ai bien sûr pas été convaincu par les arguments de M. le rapporteur général. Il se drape dans l'habit flamboyant du chevalier blanc. Or le péril contre lequel il semble vouloir lutter, c'est un péril fantôme. On souhaite enlever à l'assemblée générale le droit de choisir ses commissaires aux comptes, dit-il. Il ne s'agit absolument pas de cela. Nous avons bien indiqué qu'il n'était pas question de remettre en cause la désignation des commissaires aux comptes par l'assemblée générale. Aussi, je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur général développe un argumentaire si savant. En l'occurrence, il s'agit de donner la possibilité à l'assemblée générale des actionnaires de pouvoir disposer d'une information utile sur les commissaires aux comptes qui lui sont proposés par le conseil d'administration.
On a un exemple patent, encore récemment en Europe, s'agissant de la collusion qui a été observée entre les commissaires aux comptes et la direction d'entreprise. Il donne un éclairage supplémentaire sur tous les problèmes qui ont été dénoncés depuis deux ans en Europe et dans le monde, sur les risques de dérapage compte tenu de la collusion constatée en la matière.
Dans ces conditions, il est bon de vouloir éclairer un peu plus l'assemblée générale en l'autorisant à solliciter un avis du Haut conseil. Ainsi, s'agissant de la désignation de tel commissaire aux comptes, le Haut conseil pourra se prononcer sur un risque de collusion ou un problème de conflit d'intérêts de quelque nature que ce soit. C'est une information utile. L'assemblée générale pourra en tenir compte ou ne pas en tenir compte.
C'est pourquoi nous maintenons cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 241, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« Au début du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce, après les mots : "Les sociétés", insérer les mots : "faisant appel public à l'épargne et". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 170, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce, remplacer les mots : "pour une période de trois ans" par les mots : "pour trois exercices". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 127 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 171 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Compléter la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce par les mots : ", sous réserve que cette durée n'excède pas six exercices". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Pour organiser le chevauchement partiel des mandats de commissaire aux comptes dans les hypothèses où un co-commissariat est requis, le dispositif permet de déroger aux règles relatives à la durée du mandat. Cette dérogation ne doit pas cependant consister dans un allongement de la durée du mandat au-delà de six exercices - même si, selon certains, neuf ans sont parfois souhaitables pour certains mandats - puisque désormais la durée de la mission d'un professionnel auprès d'une même personne est limitée à six exercices. C'est pourquoi il convient de limiter les dérogations à des mandats plus courts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 127 et 171.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Il s'agit de supprimer une mention inutile. Il n'y a pas lieu d'évoquer le cas précis où les deux commissaires aux comptes seront désignés à la même date : le mandat de l'un des deux sera nécessairement limité à trois exercices.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 128 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 173 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce, remplacer les mots : "ensemble se livrer" par les mots : "mettre en oeuvre des moyens comparables et se livrer ensemble". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis longtemps déjà, la conception française du contrôle des comptes des entreprises comporte une spécificité dont, généralement, on se réjouit : le co-commissariat aux comptes. Les entreprises les plus importantes, celles qui publient des comptes consolidés, doivent faire certifier leurs comptes non par un commissaire aux comptes mais par deux commissaires aux comptes.
La disposition proposée par la commission des finances et par la commission des lois vise, pour les sociétés publiant des comptes consolidés, à poser le principe d'un co-commissariat équilibré. En d'autres termes, il nous a semblé que pouvaient encore subsister quelques situations, il est vrai plus fréquentes autrefois, où le co-commissariat ressemble à une alliance un peu étonnante, à un attelage très déséquilibré, composé, d'un côté, d'un puissant cheval lourd et, de l'autre, d'un petit animal de compagnie. Mon propos est à peine exagéré, monsieur le garde des sceaux, au vu de certaines situations, qui ont existé ou qui existent encore. D'un côté commissaire aux comptes appartenant à un grand cabinet structuré capable de mobiliser des équipes nombreuses, avec tout le professionnalisme nécessaire, et, de l'autre, un co-commissaire aux comptes, certes très estimable, mais disposant de moyens beaucoup plus limités, et qui ne peut participer aux diligences que dans des domaines très restreints des activités de la société.
Selon nous, ce sujet doit être traité au niveau des principes par la loi. L'initiative du Gouvernement consistant à demander aux deux commissaires aux comptes de se livrer ensemble à un examen de la situation de la société, et donc de confronter leurs opinions, est une excellente initiative. Cependant, pour lui donner tout son effet. il faut veiller à ce que les deux commissaires aux comptes disposent de moyens comparables, c'est-à-dire de moyens pas trop disproportionnés, mais pas nécessairement identiques, autrement dit des moyens qui ne soient pas complètement hors de proportion.
Voilà, monsieur le garde des sceaux, le souci qui nous a animés lors de la préparation de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait réservé sur cet amendement.
En l'occurrence, quel doit être le rôle de la loi ? Depuis le début du débat, ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous rencontrons cette interrogation : jusqu'où la loi doit-elle aller pour préciser les modalités de travail des commissaires aux comptes ? Il me semble que le texte proposé par M. le rapporteur général peut être à l'origine de contentieux complexes, dont il sera peut-être difficile de sortir. En tout cas, il y a là un véritable risque.
Par ailleurs, quelle conception avons-nous du co-commissariat ? Le Gouvernement souhaite que les éléments essentiels de contrôle des comptes soient examinés et discutés par deux commissaires aux comptes, mais il ne veut pas que l'ensemble du travail soit fait deux fois. Il faut que cela soit dit. On peut penser différemment, mais ce n'est pas l'idée que nous nous faisons de cette proposition.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, le co-commissariat est une spécificité française, même si d'autres pays ont utilisé ce type de pratique. Il s'agit d'un dispositif très intéressant, qui renforce la crédibilité des comptes et du travail des commissaires aux comptes.
Je ne sais pas si la formulation que nous proposons est meilleure. La navette permettra peut-être d'améliorer encore le dispositif. Il faut éviter l'alliance d'un cheval lourd et d'un petit animal de compagnie, a dit M. le rapporteur général. Pour ma part, j'évoquerai l'alliance du buffle et de l'oiseau pique-boeuf. Il n'y aurait en fait qu'un commissaire aux comptes, le co-commissaire étant simplement un signataire.
Comme l'a dit M. le garde des sceaux, on renvoie à une norme d'exercice professionnel. Les diligences faites par le deuxième commissaire aux comptes devront être réelles. Moyens « comparables » ne veut pas dire « identiques ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Là est le problème. Il faut que la mission de certification soit remplie strictement. L'examen des comptes doit se faire de manière contradictoire et conjointement. La notion de « moyens comparables » ne doit pas être interprétée comme la nécessité de faire la même chose. Sinon, seuls de très grands groupes de commissaires aux comptes - les quatre grandes sociétés - pourraient assurer le co-commissariat, ce que nous ne souhaitons pas. En effet, nous voulons, au contraire, encourager un regroupement des autres cabinets pour exercer ces missions. C'est un encouragement. Je rappelle d'ailleurs qu'un certain nombre de dispositions seront applicables dans un délai de trois ans.
Le deuxième commissaire aux comptes doit exercer une réelle activité, son intervention ne doit pas se limiter à une simple signature.
Je suis sensible à l'argument selon lequel il ne faut pas tout inscrire dans la loi : ce sont les normes d'exercice professionnel qui diront en quoi doivent consister les diligences du deuxième commissaire pour que le co-commissariat soit réellement exercé.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur général, le troisième alinéa du II de l'article 66 dispose : « Les deux commissaires aux comptes doivent ensemble se livrer à un examen contradictoire des conditions et des modalités d'établissement des comptes, selon les prescriptions énoncées par une norme établie conformément au 4° de l'article L. 821-1. »
Il me semble qu'il marque bien le rôle respectif de l'un et de l'autre des deux commissaires aux comptes. Vouloir aller au-delà dans la loi, c'est à mon avis donner à celle-ci un rôle excessif alors que les choses peuvent être précisées par les normes professionnelles.
Par ailleurs, la proposition des commissions risquerait d'ouvrir des possibilités de contentieux à la disposition de ceux qui voudraient en engager à l'encontre des dirigeants de l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien entendu, nous ne voulons pas ouvrir des possibilités de contentieux, cela va de soi. En fait, nous visons des situations concrètes dans lesquelles l'un des co-commissaires peut avoir une équipe de 500 personnes et l'autre une équipe de dix personnes. Compte tenu de la complexité des sujets, notamment au regard des architectures informatiques, le commissaire qui a dix collaborateurs et celui qui en a 500 pourront-ils se livrer ensemble à une appréciation ? C'est cette interrogation que nous souhaitons livrer publiquement.
Par ailleurs, nous savons que, dans la pratique, certaines compagnies considèrent qu'il y a un premier et un deuxième commissaire aux comptes. Or nous voulons affirmer que, pour la loi, les deux commissaires aux comptes sont à égalité, qu'ils engagent leur responsabilité de la même façon, qu'ils doivent le faire solidairement et qu'ils doivent avoir les moyens pour cela.
Nous ne prétendons pas que la rédaction de cet amendement soit nécessairement celle qui figurera dans le texte définitif de la loi. Nous avons simplement pensé qu'il fallait attirer l'attention sur ce point.
Il faut certes affirmer les principes, mais il faut faire en sorte que leur application s'ensuive. Il ne faut pas accepter que la loi affirme, puis n'aille pas jusqu'au bout de la démarche.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement pose le problème du co-commissariat, spécificité française dont les vertus sont unanimement reconnues. Je dois dire qu'à titre personnel je m'interroge encore sur les vertus de ce co-commissariat à la française.
M. Jean Chérioux. Très juste !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par sa simplicité, cet amendement met en lumière les difficultés que peuvent avoir certaines équipes à conduire conjointement leur mission de commissaire aux comptes.
Je ne suis pas certain qu'il devra figurer en l'état dans la loi. Il a toutefois le mérite, me semble-t-il, au cours de cette première lecture, de susciter le débat ; les députés s'en saisiront.
Il est vrai que certains commissaires aux comptes peuvent s'appuyer sur des équipes de plusieurs centaines de collaborateurs. Cela ne signifie pas pour autant que tous les collaborateurs participent à la mission, alors qu'un cabinet de dimension infiniment plus modeste peut se mobiliser totalement pour la même mission.
En pratique, il est d'usage que les cabinets se répartissent les tâches. Il serait absurde que les deux cabinets procèdent aux mêmes investigations. Ce qu'il faut, c'est que l'un et l'autre appliquent les mêmes standards, les mêmes diligences, les mêmes méthodes, qu'ils puissent échanger leurs dossiers de travail et participetnt à une délibération collégiale, au terme de laquelle ils décident de certifier ou non la régularité et la sincérité des états financiers.
Peut-être cet amendement témoigne-t-il de notre attachement définitif au principe du cocommissariat ; il aura au moins le mérite de faire vivre le débat et, j'espère, celui de faire évoluer dans la bonne direction le cocommissariat à la française, s'il doit être consacré par la loi.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je tiens simplement à communiquer quelques chiffres. Pour les neuf cents sociétés qui font appel public à l'épargne, des mandats de second co-commissaire aux comptes sont attribués à une cinquantaine de cabinets autres que les quatre gros. Je crains que, si l'amendement est adopté, cette situation n'évolue. Je pense qu'il est de mon devoir de poser la question de savoir si les entreprises du CAC 40 feront encore appel aux autres cabinets.
Peut-être que, à terme, une telle disposition permettrait de restructurer notre système des commissaires aux comptes, mais, dans l'immédiat, j'y vois un risque considérable pour les différents cabinets.
C'est l'une des raisons pour lesquelles je souhaite que le Sénat n'adopte pas cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 128 et 173.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 129 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« A la fin du second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce, remplacer les mots : "une norme établie conformément au 4° de l'article L. 821-1" par les mots : "une norme d'exercice professionnel établie conformément au sixième alinéa de l'article L. 821-1". »
L'amendement n° 244, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le dernier alinéa de l'article L. 225-228 du code de commerce, remplacer les mots : "au 4°" par les mots : "Aux 4° et 5°". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Ce sont des amendements de coordination.
M. le président. L'amendement n° 244 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 129 et 174.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 66, modifié.
(L'article 66 est adopté.)