COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON,
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Mahéas. Mon rappel au règlement s'adresse à M. le ministre.
Aujourd'hui, 7 mars 2003, on sait que la paix ou la guerre se joue à l'ONU. Nous avons toujours soutenu la position du Président de la République et du ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin, et nous continuerons de le faire tant qu'ils s'engageront, comme ils l'ont fait jusqu'à présent, sur le chemin de la paix plutôt que sur celui de la guerre, compte tenu des circonstances actuelles, bien évidemment.
Or nous sommes véritablement choqués de la position du ministre de la défense. En effet, le titre d'un journal paru ce matin (M. Jacques Mahéas brandit la une de France-Soir) nous paraît extrêmement préoccupant : « Nous sommes prêts pour la paix... comme pour la guerre ». (Applaudissements et exclamations sur les travées de l'UMP.) Que ceux qui applaudissent sur les travées de droite s'expriment ! Ce message, délivré dans une interview par Mme Michèle Alliot-Marie, est en contradiction avec la position du Président de la République.
Monsieur le ministre, de deux choses l'une : ou bien vous pouvez infirmer ce qu'a dit le ministre de la défense ou bien vous ne le pouvez pas. Dans ce dernier cas, il faut que le ministre de la défense vienne s'expliquer devant le Sénat, car il s'agit d'une question d'importance.
M. Jean Chérioux. Pas de cinéma !
M. Jacques Mahéas. Je trouve tout à fait indécent que vous traitiez mon intervention de cinéma, alors qu'il s'agit de guerre ou de paix !
M. Jean Chérioux. La guerre, c'est plus sérieux que cela ! N'utilisez pas des choses sérieuses pour faire du cinéma !
M. Jacques Mahéas. Jusqu'à présent, nous avions une position commune ! Il ne faut pas qu'il y ait la moindre divergence : on ne peut pas tenir deux discours différents, celui de M. de Villepin, d'une part, celui de Mme Alliot-Marie, d'autre part.
Je souhaite donc que M. le ministre nous rassure et lève toute ambiguïté. S'il est dans l'impossibilité de le faire, je demande, je le répète, à Mme Alliot-Marie de venir s'expliquer devant notre assemblée !
M. Claude Estier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Mahéas, il n'y a aucune contradiction dans l'attitude de la France dans cette affaire. Nous voulons la paix ! Les Latins disaient : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. »
M. Patrice Gélard. Si vis pacem, para bellum !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par conséquent, notre devoir est de pouvoir disposer d'une armée capable de faire face à toutes les situations. Ceux qui veulent la paix tout en étant désarmés et incapables de faire la guerre n'ont aucun mérite à vouloir la paix.
M. Jean-Patrick Courtois. Bien sûr !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous voulons faire la paix, mais nous ne désarmons pas. Malheureusement, monsieur Mahéas, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons trouvé notre armée dans une situation...
M. René Garrec. Déplorable !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... à ce point dégradée que nous n'étions pas prêts, effectivement, à ce moment-là. Aujourd'hui, heureusement, la France est prête et son armée peut faire face à toutes les situations.
M. Claude Estier. En huit mois ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous avons d'autant plus de mérite à oeuvrer pour la paix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dégrader l'armée, c'est grave !
ÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX
ET DES REPRÉSENTANTS
AU PARLEMENT EUROPÉEN
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 182, 2002-2003) relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence. [Rapport n° 192 (2002-2003).]
Mes chers collègues, je vous rappelle que les articles 6 et 7 ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 8 ou après l'article 8 ont été examinés hier soir.
Nous en revenons à l'article 4, qui avait été précédemment réservé.
Article 4
M. le président. « Art. 4. - L'article L. 346 du code électoral est ainsi modifié :
« 1° Les deux dernières phrases du premier alinéa sont ainsi rédigées :
« Le nombre de candidats figurant sur les sections départementales de chaque liste est fixé conformément au tableau n° 7 annexé au présent code. Au sein de chaque section, la liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. » ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
« a) Les mots : "5 % du total des suffrages exprimés" et : "3 % des suffrages exprimés" sont remplacés respectivement par les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" et "5 % des suffrages exprimés" ;
« b) Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Dans le cas où une seule liste remplit cette condition, la liste ayant obtenu après celle-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second. Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, les deux listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. »
La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 4 constitue une disposition pilier de la réforme du scrutin régional. C'est lui qui va permettre la bipolarisation, poussée à l'extrême, de la vie politique française. Il est également porteur de grandes ambiguïtés.
Dans son premier paragraphe, il fixe le nombre de candidats dans chaque section départementale, sans que l'on connaisse les critères de calcul présidant à la répartition prévue dans le tableau n° 7.
Il prévoit également qu'au sein de chaque section la liste devra être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.
Dans son deuxième paragraphe, l'article 4 prévoit de relever les seuils pour qu'une liste puisse être présente au second tour et pour permettre des fusions. L'objectif déclaré serait de permettre aux conseils régionaux de disposer d'une majorité stable.
La solution proposée est tout à la fois inutile et antidémocratique. Comme nous l'avions déjà dit en 1998, lors du débat sur le projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux, l'existence de la prime des 25 % des sièges en faveur de la liste arrivée en tête enlève tout intérêt à l'idée même de seuil.
Dans tous les cas de figure, la prime permet d'assurer l'élection d'une majorité nette dans les exécutifs régionaux. En effet, dès lors qu'une liste est en mesure d'obtenir la majorité des sièges au conseil régional, elle est assurée d'exercer la direction de la région.
Dans ces conditions, il est encore plus important de donner un élan au pluralisme en réservant aux autres listes le droit de participer à la répartition des sièges restants.
Or, ce qui nous est proposé, c'est un véritable détournement de la proportionnelle qui s'apparentera, dans les faits, au scrutin majoritaire, en favorisant le vote utile dès le premier tour et en éliminant d'emblée les petites formations.
Ce que prévoit le projet de loi, c'est l'instauration d'un paysage politique français s'organisant entre deux formations hégémoniques, l'opposition étant représentée par le seul parti socialiste et une extrême droite gardant tout son pouvoir de nuisance dans la société tout en étant tenue en lisière, car limitée à un certain nombre d'élus dans les assemblées et les exécutifs. Les autres formations politiques n'auront le choix qu'entre la marginalisation ou la dissolution dans l'UMP ou le parti socialiste.
Ainsi, dans la plupart des régions, la représentation du peuple français sera quasiment réduite aux seuls élus des deux partis les plus importants - l'UMP et le PS - dont les candidats à la présidentielle n'ont rassemblé en tout et pour tout, le 21 avril dernier, que 36 % des suffrages exprimés et 25 % des voix des inscrits.
Je souhaiterais, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, saisir l'occasion de cette intervention sur l'article 4, article clé de la première partie de ce projet de loi, relative à l'élection régionale, pour vous interpeller à nouveau sur l'évolution étonnante de la majorité sénatoriale depuis le rapport de MM. Lucien Lanier et Paul Girod, au nom du groupe de travail sur le mode de scrutin sénatorial.
Ma collègue et amie Mme Nicole Borvo, lors de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable, a rappelé un certain nombre de réflexions particulièrement intéressantes, qui furent d'ailleurs adoptées à l'unanimité, tous groupes confondus.
Ce rapport insistait fortement sur la nécessité de réunir un consensus le plus large possible avant toute modification du mode de scrutin régional. Il rappelait également la nécessité d'évacuer toute motivation politicienne. Enfin, il préconisait d'accomplir un grand effort de lisibilité et de clarté.
Aujourd'hui, la majorité sénatoriale adopte une attitude inverse sur ces trois points.
Je vous demande donc, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, de nous expliquer le pourquoi et le comment de ce revirement.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 4, nous abordons le point le plus controversé du texte, du moins celui sur lequel il ne peut pas y avoir un accord unanime.
Comme je l'ai dit tout au long de la discussion, même si celle-ci conserve un caractère quelque peu académique puisqu'elle ne débouche sur rien, le rapporteur ne nous a laissé aucune illusion, et ce dès le premier jour.
Nous sommes tout à fait favorables à un mode de scrutin qui permette à la fois la constitution d'une majorité cohérente et solide pour les régions et l'expression du pluralisme. Les consultations que le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont menées avec toutes les formations politiques ont montré qu'il y avait unanimité sur ce point.
Le projet de la loi que le Gouvernement a soumis au Conseil d'Etat était raisonnable, équilibré et efficace eu égard aux collectivités territoriales, plus particulièrement aux régions.
Et, tout d'un coup, le 28 janvier au matin, le projet a été modifié ! De projet équilibré il est devenu projet déséquilibré. On a apporté une modification qui change tout : les « suffrages exprimés », qu'il fallait obtenir pour pouvoir se maintenir au second tour, ont été remplacés par les « électeurs inscrits ».
Comme je suis un homme de bonne volonté et que je ne porte pas de jugement a priori, je cherche la logique de cette modification.
Tout le projet de loi repose, ce qui est normal, sur les suffrages exprimés, qu'il s'agisse des seuils pour avoir droit à la distribution des sièges ou des seuils pour pouvoir fusionner. Hier soir, nous avons vu que ce sont les suffrages exprimés qui détermineront le nombre de sièges par département. Par conséquent, je le répète, tout repose sur les suffrages exprimés.
Et puis, soudain, on a remplacé les suffrages exprimés par les électeurs inscrits. Cela déséquilibre profondément le texte, lui ôte toute logique et en fait un outil qui est probablement destiné à servir un dessein différent de celui qui est annoncé.
Dans l'exposé des motifs, le Gouvernement annonce qu'il veut assurer une juste représentation de toutes les sensibilités. Je ne vois pas comment l'on peut atteindre cet objectif lorsque l'on exige 10 % du nombre des électeurs inscrits pour se maintenir au second tour.
Si tout le texte est construit à partir des suffrages exprimés, c'est bien parce que cela répond à une logique démocratique : les citoyens qui votent sont ceux qui décident. Avec le système du taux de 10 % des électeurs inscrits, ce seront les abstentionnistes qui décideront véritablement de ceux qui pourront être présents au second tour des élections régionales. Ce n'est ni bon ni sain ! En outre, c'est profondément illogique ! Je rappelle que le taux de 10 % des suffrages exprimés est celui qui est retenu par la loi pour les élections municipales et que cela fonctionne bien : il permet de dégager des majorités dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce seuil.
Monsieur le président, j'ai dépassé le temps de parole qui m'était imparti. Je m'exprimerai donc à nouveau dans un instant, car je tiens à vous lire une citation.
M. le président. Nous attendons votre citation, monsieur Mercier !
M. Michel Mercier. Je vous remercie, monsieur le président, mais elle est un peu longue. En outre, dans la mesure où elle émane d'un sénateur de la Vienne qui a eu un destin national, je vous la livrerai dans quelques instants.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai déjà eu l'occasion, de poser une question à deux reprises - au travers de la commission des lois puis puis directement à M. Copé, représentant du Gouvernement - ce jour-là - à propos des projections et des simulations qui ont été effectuées. J'y reviens, parce que c'est une question tout à fait importante.
Il n'est pas concevable - personne ne le croirait - qu'un changement aussi important, s'agissant d'un mode d'élection, ne soit pas précédé d'études préliminaires sérieuses et poussées au sein d'un ministère comme le ministère de l'intérieur. Chacun le sait, des simulations et des projections ont nécessairement été effectuées à partir des dernières élections. Sinon, ce serait, dirai-je, presque une absurdité. Je laisse donc de côté cette hypothèse.
J'ai eu l'occasion de parler de ces études au sein de la commission des lois, de les demander à notre éminent rapporteur. Celui-ci m'a dit qu'il ne les avait pas, qu'il les obtiendrait. A la dernière réunion de la commission, alors que la question lui était de nouveau posée, il a répondu qu'il les avait demandées au ministère de l'intérieur, mais qu'il ne les avait pas eues.
Quand j'ai interrogé M. Copé à l'ouverture des débats, il a produit des éléments très succincts concernant les élections au Parlement européen.
Si je tiens à reprendre la parole s'agissant, cette fois-ci, de l'article 4, c'est parce que nous n'avons aucune information s'agissant des élections régionales. Le seuil passe de 5 % des suffrages exprimés - si l'on considère qu'il y a 42 % à 45 % d'abstentions, cela représente environ 2,7 % ou 2,8 % du nombre des électeurs inscrits - à 10 % du nombre des électeurs inscrits ; on multiplie donc par un peu plus de trois ; c'est une élévation du seuil de plus de 300 % ! Il s'agit par conséquent d'une transformation radicale, saisissante. Il est évident que l'on a procédé à des simulations et à des projections !
Il en va ici, au sein du Parlement, comme de toute discussion contradictoire : le débat est d'autant plus riche que les éléments fournis sont certains et l'information plus complète.
Je demande donc de nouveau et instamment au ministre ici présent de donner aujourd'hui au Sénat, en premier lieu à la commission des lois et à son rapporteur, mais également à nous tous, ces simples éléments concernant la projection des résultats si l'on applique la nouvelle grille aux résultats des dernières élections.
Jamais, monsieur le ministre - je sais que vous êtes un homme sérieux -, vous ne ferez croire à quiconque que l'on a pris la décision de modifier aussi radicalement un mode de scrutin sans en examiner les conséquences. Nous savons tous que c'est logique. Par conséquent, le ministère de l'intérieur a nécessairement procédé à ces opérations et aucune raison ne pourrait justifier qu'on les dissimule au Parlement.
L'exigence de transparence est l'un des mérites de la démocratie contemporaine : d'ailleurs, ce principe sera posé dans la Constitution européenne. Cette transparence commande que ces simulations et ces projections soient maintenant fournies à la représentation nationale.
Si tel n'était pas le cas, nous ne pourrions pas ne pas penser que ce défaut d'information est dû aux résultats obtenus : ils traduiraient un changement radical - tel est d'ailleurs notre sentiment -, à savoir l'élimination pure et simple des partis qui ne sont pas les plus importants.
S'agissant maintenant de l'aide financière de l'Etat aux partis politiques, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 1990, a eu l'occasion de rappeler ce qu'il en était dans une démocratie : « Le mécanisme d'aide retenu ne doit bien entendu pas établir un lien de dépendance d'un parti politique vis-à-vis de l'Etat ni viser à compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idées et d'opinion. »
Le Conseil, de même, a souligné que « si l'octroi d'une aide à des partis ou groupements du seul fait qu'ils présentent des candidats aux élections à l'Assemblée nationale peut être subordonné à la condition qu'ils justifient d'un minimum d'audience » - pas de groupuscules ! - , « les critères retenus par le législateur » - écoutez bien, mes chers collègues, cette phrase est essentielle - « ne doivent pas conduire à méconnaître l'exigence du pluralisme des courants d'idées et d'opinion qui constituent le fondement de la démocratie. » De ce fondement, monsieur le ministre, j'aimerais savoir ce qu'il restera au regard des projections auxquelles vous vous êtes certainement, et heureusement, livré ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L'avantage de notre débat - même s'il est un peu étrange, puisqu'il se situe essentiellement d'un côté de l'hémicycle -, c'est qu'il permet, au regard des réponses successivement apportées par M. le rapporteur et par les quatre ministres que nous avons eu l'honneur d'entendre...
M. Robert Bret Il faut être quatre pour faire un relais !
M. Jean-Pierre Sueur. ... de mettre au jour un certain nombre de contradictions et d'ambiguïtés.
Finalement, il y a, dans le raisonnement, quelque chose qui ne marche pas. On nous a expliqué à de nombreuses reprises que le seuil de 10 % des inscrits, qui constitue l'apport de l'article 4, serait justifié par la nécessité de donner une plus grande stabilité aux majorités et de permettre aux conseils régionaux de bien fonctionner, avec une majorité claire qui puisse effectivement gouverner.
Or, plus nous avançons, plus il apparaît que cet argument ne tient pas, et ce pour une raison très simple : la loi votée par le Parlement en 1999, sur l'initiative du gouvernement de M. Lionel Jospin, instaurait la prime majoritaire de 25 %,...
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Insuffisante !
M. Jean-Pierre Sueur. ... qui assure à la majorité la possibilité de gouverner et qui, nous l'espérons, nous prémunira contre les alliances honteuses dont nous avons été les témoins par le passé dans un certain nombre de régions.
D'une certaine façon, monsieur le ministre, si vous aviez estimé nécessaire d'assurer davantage encore les prérogatives de la majorité du conseil régional pour qu'elle puisse gouverner dans de bonnes conditions, la logique eût été d'augmenter la prime et de la porter au-delà de 25 %. Pourquoi pas !
On voit bien là que cette histoire de seuil n'a rien à voir avec les arguments invoqués en faveur de la bonne gouvernabilité et qu'il y a autre chose derrière.
M. Patrice Gélard, rapporteur. La face cachée de la lune !
M. Jean-Pierre Sueur. Au reste, monsieur Gélard, comme vous n'avez pas cessé de le dire et de l'écrire, vous souhaitez que la majorité soit « soudée ». Vous avez un sens de la soudure extrêmement strict. (Sourires.)
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !
M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. ... car, à force d'être soudés, les uns et les autres perdent leur identité, leur autonomie et, finalement, leur droit de se présenter au second tour, alors qu'ils ont obtenu un nombre important de suffrages au premier tour.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous nous avez dit quelque chose d'étonnant, mais qui est, finalement, logique : il ne s'agirait pas, selon vous, d'un scrutin proportionnel.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est tout de même assez étrange s'agissant d'une loi qui précise exactement le contraire. Au reste, le scrutin proportionnel a pour fonction de représenter la diversité des opinions, et il est, dès lors, légitime que, par une logique de prime majoritaire - elle fonctionne très bien dans les conseils municipaux -, on permette de concilier cette juste représentativité de la diversité des opinions avec la nécessité de pouvoir gouverner.
Si, comme vous le soutenez, monsieur le rapporteur, il s'agit d'un scrutin majoritaire avec un correctif proportionnel, la logique aurait exigé que l'on nous propose un scrutin majoritaire ! Certes, nous ne sommes pas partisans de cette formule, mais, au moins, c'eût été logique.
Cette ambiguïté est le signe que tout cela n'est pas clair. En fait, il n'y a pas d'arguments avouables pour porter ce seuil à 10 % des inscrits, et c'est bien ce qui vous met mal à l'aise. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de quarante et un amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 246 est présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Ces deux amendement sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Robert Bret. Le moment choisi par le Gouvernement pour modifier le mode de scrutin régional ne relève évidemment pas du hasard. Dès son arrivée au pouvoir, la droite, plus particulièrement l'UMP, a marqué sa volonté de revenir sur la loi de 1999. Il est vrai que la perte de nombreuses régions, en 1998, l'avait pour le moins traumatisée.
Plus fondamentalement, le Gouvernement veut se servir du territoire régional comme levier de sa réforme de l'Etat et de ses projets de refondation sociale. M. Perben s'en est longuement expliqué avant-hier dans un grand quotidien du soir.
Avec le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, qui sera à l'ordre du jour du Congrès le 17 mars prochain, le Gouvernement veut nous imposer la régionalisation. Il a décidé de donner bien plus de pouvoirs aux régions françaises, dont les dimensions pourront être élargies, et de leur transférer, dans de brefs délais, des compétences extrêmement importantes pour la vie et pour l'avenir de nos concitoyens, et ce sans débat national, sans que les citoyens aient eu les informations nécessaires sur le contenu et sur les implications du projet de loi, sans qu'ils aient eu une quelconque occasion de décider.
Ce projet de loi s'inscrit, nous le savons bien, dans la perspective d'une construction européenne ultra-libérale et fédérale, celle d'une Europe des régions. Cependant, pour appliquer une telle politique, vous avez également besoin d'asseoir votre domination dans les régions et, pour cela, de museler l'opposition en la faisant tout simplement disparaître des institutions, autant que faire se peut.
Mesurons-en bien les conséquences, car elles seront catastrophiques. Nombreux seront les électeurs qui ne se déplaceront plus au second tour si les courants politiques pour lesquels ils ont voté au premier tour ne sont plus représentés ou s'ils sont marginalisés. Le rejet de cette politique qui ne les respecte pas sera même aggravé, surtout dans les catégories populaires, celles qui ont le plus besoin que des élus soient à leurs côtés.
Vous êtes d'ailleurs conscient de ce risque d'une abstention accrue, puisque vous l'anticipez. Le dernier alinéa de l'article 4 prévoit, en effet, le maintien des deux listes arrivées en tête dans le cas où l'une, voire les deux ne recueilleraient pas 10 % des voix des électeurs inscrits. C'est implicitement admettre le niveau trop élevé de ce seuil.
Autrement dit, cet article 4, article phare du projet de loi, contribuera à diminuer l'offre politique, jusqu'à tuer le pluralisme. Il va dans le sens de la modification en profondeur de la société française, modification que le Gouvernement a entamée avec les diverses lois déjà votées d'une manière précipitée et avec ces projets qui, tous, s'attaquent aux fondements mêmes de notre République, à ses fondements solidaires, et aux acquis démocratiques. Je pense, par exemple, aux services publics, à la retraite, à la sécurité sociale, au logement, mais aussi à la tolérance, au « vivre ensemble ».
Ce texte contribue à l'éclatement de la République, à la disparition de la cohésion nationale. Nous n'acceptons pas de telles remises en cause et, pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 4.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 246.
M. Bernard Frimat. Pour reprendre l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agit de « redonner de la clarté dans l'expression du suffrage, en améliorant les conditions dans lesquelles celui-ci permet la représentation équitable des sensibilités politiques. » Parfait chef d'oeuvre d'antiphrase ! (Sourires.)
Redonner de la clarté ? En réalité, l'objectif est clair : il s'agit de limiter le pluralisme. Avec M. Jean-Pierre Sueur, nous nous interrogeons : qu'y a-t-il derrière le seuil ? Monsieur le ministre, toutes les recherches montrent que, derrière le seuil, il y a la porte, comme le disait mon ami M. Michel Dreyfus-Schmidt hier ! (Sourires.) Or cette porte, votre mécanique a pour ambition de la refermer plus ou moins vivement, selon les régions, au nez de vos amis centristes. Autrefois, on pouvait lire : « Ne fermez pas la porte, X s'en chargera » ; ici, avec ce mécanisme électoral, il faut comprendre : « Ne fermez pas la porte, l'UMP s'en chargera ! » (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Quant à la représentation équitable, on peut supposer que cela sous-entend des objectifs de justice. Mais par quels trésors d'imagination arrivez-vous à trouver à un mécanisme couperet un caractère équitable ?
Qui dit « mécanisme couperet » suggère un retour à nos traditions révolutionnaires, celle, notamment, de la guillotine. Là, vous êtes à contre-emploi, monsieur le ministre, ce n'est pas votre spécialité !
Or, c'est bien de cela qu'il s'agit ici. Vous allez empêcher toute une série de formations politiques d'accéder au second tour, et ce d'autant plus que l'abstention sera forte. Dans le meilleur des cas, la porte étant ainsi fermée, vous accorderez à ces formations le privilège de pouvoir entrer par la fenêtre, à la seule condition toutefois que celui qui se trouve derrière la fenêtre l'ouvre !
Il est sans doute possible de fusionner, mais cette possibilité exige, outre le désir de celui qui aurait envie de fusionner, l'acceptation de celui qui reçoit la demande de fusion. Voilà un traitement dont on voit bien qu'il n'a pas comme première ambition d'obéir à l'équité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un amendement « portes et fenêtres » ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 247, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Au début du deuxième alinéa de l'article L. 346 du code électoral, le mot "Seules" est supprimé.
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux deux alinéas précédents, peuvent se présenter au second tour deux ou plusieurs listes qui, ayant obtenu ensemble au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % du total du nombre des électeurs inscrits, décident de fusionner en une seule liste. Deux ou plusieurs listes ayant obtenu ensemble au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés sont admises à fusionner avec toute liste ou fusion de liste ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Sans pour autant cautionner les seuils de 10 % et de 5 % que vous avez retenus, monsieur le ministre, je propose cet amendement, qui a pour objet d'assurer le respect du pluralisme en permettant aux listes qui ne remplissent pas seules les conditions de maintien au second tour ou de fusion de listes de fusionner entre elles ou avec d'autres listes déjà qualifiées, et donc d'être représentées au second tour.
Cet amendement élargit les possibilités de fusion. Ainsi, à l'issue du premier tour, deux listes ayant obtenu chacune 5 % des voix des électeurs inscrits pourraient fusionner pour se présenter au second tour.
Par ailleurs, deux listes ayant obtenu additionnellement 5 % des suffrages exprimés pourraient se rassembler pour être admises à fusionner avec une liste ayant obtenu au moins 10 % des inscrits, soit seule, soit après fusion.
Notre amendement a donc pour but de rouvrir le champ démocratique et d'assurer la clarté des alliances entre les deux tours, cette clarté que vous souhaitez, monsieur le ministre.
Pour prendre un exemple qui n'est pas anodin, je citerai une région que je connais bien et que le président de la commission des lois, M. Garrec, connaît également très bien, la Basse-Normandie, et notamment le département du Calvados.
Aux dernières élections régionales, un seuil de 10 % des inscrits aurait représenté 14 450 voix. Seules deux listes ont obtenu plus de 10 % : la liste d'union de la majorité régionale UDF-RPR - ce qui, d'ailleurs, ne sera pas forcément le cas en 2004 - et la liste de gauche.
La liste UDF-RPR - écoutez bien - avait obtenu 84 765 suffrages, la gauche, 75 244, et les autres listes n'ayant pas obtenu 10 % des inscrits et qui donc, dans l'hypothèse où votre texte serait adopté, monsieur le ministre, ne pourraient pas participer au second tour, représentaient 85 067 électeurs, soit plus que la liste arrivée en tête !
Par conséquent, dans votre système, la liste arrivée en tête bénéficierait d'une prime de 25 %, les autres listes étant totalement exclues de la représentation régionale. Seul le Front national aurait pu fusionner, mais avec qui ? En revanche, et dans le même temps, l'ensemble des listes écologistes frôlait le seuil des 10 % des inscrits, soit 16 % des suffrages exprimés au premier tour. Or, avec le présent texte, elles ne pourraient ni participer au second tour, ni prétendre à un élu.
M. Jean-Pierre Schosteck. Ça, c'est bête !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ma proposition permettrait donc d'assurer une représentation équitable.
Reconnaissez que, dans une région comme la Basse-Normandie, il serait tout de même dommage que les représentants d'une politique en faveur de l'environnement ne puissent pas s'exprimer au sein du conseil régional.
Concrètement, monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez va complètement fausser le débat ; la représentation de la diversité ne sera pas assurée et les sensibilités, pourtant elles-mêmes régionales, ne pourront pas s'exprimer lors des élections régionales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Eh oui ! Mais vous serez leur porte-parole !
M. le président. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le 1° de cet article. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. L'article 4 précise que la répartition des candidats figurant sur les sections départementales de chaque liste est fixée dans le tableau n° 7 annexé au code électoral.
Quels sont les critères exacts retenus pour cette répartition ? Rien de bien précis ne nous en est dit. Nous aimerions un peu plus de transparence à ce sujet, monsieur le ministre. Le problème est d'autant plus grand que le nombre de candidats que les formations politiques doivent présenter par section départementale est, dans ce tableau n° 7, un minimum et donc pas nécessairement une proportion déterminée définitivement de sièges à pourvoir. Il pourra donc y avoir, finalement, plus d'élus dans une section départementale que de candidats prévus.
Pour anticiper une telle situation, combien de candidats les listes doivent-elles prévoir si les chiffres donnés sont effectivement un minimum ? Pas de réponse !
Si l'on ajoute à cela le fait que sont prévus deux candidates ou candidats supplémentaires par section, pour parer aux risques de vacance, démission ou décès, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas clair !
Il est tout de même extraordinaire que les électrices et les électeurs ne connaissent pas, avant de voter, le nombre d'hommes et de femmes qu'ils éliront définitivement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ils ne le savent pas plus aujourd'hui !
M. Robert Bret. De plus, la création de sections départementales ne manquera pas d'avoir des conséquences négatives sur l'objectif de parité, un objectif que nous soutenons avec force. En effet, il faut en finir avec les discriminations faites aux femmes dans la vie politique. « Si la parité entre progressivement dans les moeurs, elle reste un enjeu pour la démocratie française », estime Marie-Jo Zimmermann, députée UMP de Moselle, dans le rapport qu'elle signe pour l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.
Le rapport de la commission des lois se réfère en l'occurrence à la parité intégrale, puisqu'elle atteindrait, avec le dispositif proposé, 48,5 %. Cependant, comme vous ne souhaitez pas « trop compliquer la composition des listes », la réalité risque d'être moins idéale, monsieur le ministre.
Prenons l'exemple cité dans l'annexe 2 du rapport, celui d'un conseil régional comprenant 80 sièges à répartir. Admettons - l'hypothèse est tout à fait plausible et même probable dans les régions - que toutes les têtes de liste départementale soient de sexe masculin : ce sont alors seulement 38 femmes qui seront élues sur 80 sièges à pourvoir, soit 44,7 %.
Nous ne pouvons accepter de telles incertitudes, un tel manque de transparence dans un mode de scrutin. Les électrices et les électeurs doivent pouvoir comprendre ce qui leur est proposé, savoir clairement comment et pour qui ils ont voté. C'est un minimum dans un Etat de droit.
Monsieur le ministre, le projet de loi brouille complètement les pistes. Nous demandons donc la suppression du 1° de l'article 4.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Masson et Mme G. Gautier, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa de cet article :
« Le nombre de candidats figurant sur les sections départementales de chaque liste est fixé conformément au tableau n° 7 annexé au présent code. Au sein de chaque section, la liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. L'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe figurant en tête de section ne peut être supérieur à un. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, après le mot : "candidats", insérer les mots : "ou candidates". »
Cet amendement n'a plus d'objet en raison des votes précédemment intervenus.
M. Robert Bret. Monsieur le président, d'après M. Michel Dreyfus-Schmidt, avec lequel j'ai discuté tout à l'heure de ce point, cet amendement ne tombe pas. Nous avons donc un léger différend avec la présidence.
M. le président. La logique des votes intervenus hier soir veut qu'il n'ait plus d'objet !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement ne tombe pas ! S'il est adopté, il faudra revenir ensuite sur ce qui a été décidé hier.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, monsieur Bret, tout le monde a compris qu'il était tombé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande une suspension de séance.
M. le président. Je ne peux vous l'accorder, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement ne tombe pas ! On peut très bien inclure dans un article ce que l'on n'a pas mis dans un autre !
M. Jean Chérioux. Qui décide ?
M. Jean-Pierre Schosteck. Qui préside ?
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous avons constaté hier soir, à la suite du vote négatif qui est intervenu, que l'ensemble de ces amendements n'auraient logiquement plus d'objet.
Par voie de conséquence, en tout logique et en toute cohérence, l'amendement n° 72 rectifié, comme les autres amendements portant sur ce point, n'a plus d'objet.
L'amendement n° 248 rectifié bis, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas et Sutour, Mmes Printz, San Vicente, Durrieu, Y. Boyer, Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
« L'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe figurant en tête des sections ne peut être supérieur à un. »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Mes chers collègues, à première lecture, ce texte pourrait nous amener, en tout cas, nous les féministes, à applaudir des deux mains les dispositions que le Gouvernement propose concernant la parité aux élections régionales.
J'ai bien dit « à première lecture » : imposer l'alternance hommes-femmes sur les listes des sections départementales peut en effet paraître comme un réel progrès pour la parité. L'UMP aurait-elle été d'un seul coup touchée par la grâce paritaire ? A y regarder de plus près, comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, il ne s'agit là que d'une parité de façade. L'UMP n'a fait que revêtir l'habit du féminisme.
En effet, les dispositions de ce texte rendent la parité effective totalement aléatoire tant que rien n'est prévu pour les têtes de liste des sections départementales.
Sans reprendre les démonstrations faites à l'instant par notre collègue Robert Bret, on peut très bien imaginer que les sections départementales d'une région n'aient comme têtes de liste que des hommes. Et, compte tenu du mode de répartition des sièges, il se peut très bien que pratiquement seules les têtes de liste soient élues. Dans la mesure où il est encore malheureusement d'usage de réserver aux candidats masculins les têtes de liste, on peut très bien aboutir à un déséquilibre total et non pas à une parité réelle, contrairement à ce que vous semblez vouloir affirmer.
Peut-être me direz-vous qu'il s'agit là d'un faux procès. Hélas ! non, monsieur le ministre, mes chers collègues. Je me contente de porter un regard réaliste sur vos pratiques.
Permettez-moi un rappel. Malgré les dispositions extrêmement volontaristes que nous avions votées sous le gouvernement de Lionel Jospin, un certain nombre de reculs ont été constatés. Je vous renvoie sur ce sujet à un article extrêmement intéressant sur les élections législatives rédigé par Gisèle Halimi. Pour ce qui est des élections sénatoriales, je vous donnerai des chiffres également intéressants dans quelques instants.
En ce qui concerne les législatives, je vous rappelle que l'UMP a présenté 19,93 % de candidates et que 10,64 % de femmes ont été élues.
Le parti socialiste a présenté 36,13 % de candidates, c'est-à-dire presque le double. Malheureusement, le verdict des urnes n'a permis qu'à 6,12 % de femmes d'être élues.
M. Jean Chérioux. Parce qu'elles étaient mal placées ! Respectez le choix des électeurs !
Mme Danièle Pourtaud. Alors que seuls les petits partis ont joué le jeu de la parité - les Verts ont présenté 49,78 % de candidatures féminines et le parti communiste 43,95 % -, ce sont justement les petits partis que vous voulez exclure des élections régionales en relevant les seuils ; nous en avons déjà largement débattu.
S'agissant des sénatoriales, comment pouvons-nous être convaincus de votre nouveau féminisme, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité sénatoriale ?
Le gouvernement de Lionel Jospin a fait voter une loi on ne peut plus contraignante pour les départements dans lesquels le scrutin est proportionnel en rendant obligatoire la parité alternée sur les listes, celle que vous nous proposez justement de consacrer, monsieur le ministre. Mais ce n'est, là encore, qu'une parité de façade. Après un renouvellement sénatorial avec application de la loi sur la parité, que constatons-nous dans cette assemblée ?
Aujourd'hui, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, nous comptons douze femmes sur les travées de la droite, sur un total que vous connaissez très bien, ce qui représente 5,7 % des sièges.
M. Michel Mercier. 22 % chez nous !
Mme Danièle Pourtaud. Et sur les travées de gauche, le pourcentage est de 22 % !
Là encore, pardonnez-moi, monsieur le ministre de ne pas vous faire totalement confiance pour ce qui est de la parité.
M. le président. Veuillez conclure, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président.
Aujourd'hui, dans les conseils régionaux, on ne compte que 25 % de femmes élues, ce qui est déjà un progrès. Mais tant que la parité ne sera pas respectée pour les têtes de liste départementales, le mode de scrutin proposé par le Gouvernement, sur lequel nous ne pouvons absolument pas agir puisque nos amendements sont repoussés avant même d'être débattus, ne permettra pas de respecter la Constitution, dont l'article 3 dispose que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter l'amendement n° 248 rectifié bis, qui tend à remédier à cette situation déplorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase du troisième alinéa de cet article, après le mot : "section", insérer le mot : "départementale". »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement est de nature formelle : la précision que nous proposons d'apporter vise à éviter toute éventuelle ambiguïté.
Je souhaite rappeler une nouvelle fois l'unanimité qui prévalait dans cette assemblée, en 1986, en faveur de la circonscription départementale dans le cadre de la proportionnelle. La motion adoptée par le groupe de travail présidé par M. Lucien Lanier et dont M. Paul Girod était le rapporteur disposait, dans son troisième alinéa, que « l'abandon du cadre départemental pour l'élection des conseillers régionaux porterait atteinte à la représentation du territoire et poserait le problème de la représentation des régions au Sénat, impératif prévu par l'article 24, alinéa 3, de la Constitution. » En conclusion, le groupe de travail estimait « impératif » de maintenir le cadre départemental pour l'élection des conseillers régionaux.
Il est donc surprenant que le Gouvernement et la majorité sénatoriale, en tout cas l'UMP, nous expliquent aujourd'hui à tout bout de champ que la circonscription régionale, avec l'alibi des sections départementales, constitue le meilleur atout pour la représentation des territoires.
Aux termes de la loi de 1999, la circonscription départementale avait été abandonnée, ce que nous avions à l'époque regretté.
Pourquoi la majorité sénatoriale ne saisit-elle pas l'occasion de ce débat pour réaffirmer ses positions passées ? Il est vrai que, depuis le début de nos discussions, ni M. Lucien Lanier ni M. Paul Girod ne se sont exprimés et n'ont apporté d'éclaircissements ; ils restent silencieux, comme l'ensemble des membres de l'UMP. Il est, en effet, parfois difficile d'assumer ses incohérences, ses contradictions. Je serai toutefois heureux de les entendre s'ils souhaitent intervenir.
M. Paul Girod, dans son rapport, était encore plus explicite : « Il pourrait être logique de faire coïncider le cadre de l'élection et le territoire de la collectivité à représenter. » Or cette idée est étrangère au droit électoral français, comme on le sait, car elle va à l'encontre de la nécessaire représentation du territoire.
Evoquant des solutions semblables à ce qui nous est proposé aujourd'hui, M. Paul Girod indiquait que « l'un des inconvénients majeurs de tels systèmes est leur complexité, tant dans leur formulation que dans leurs effets. Ils ne seraient probablement pas bien perçus par les électeurs, auxquels la loi doit, au contraire, proposer des choix simples et clairs ».
Enfonçant le clou, M. Paul Girod indiquait que « le cadre régional au contraire rendrait beaucoup plus aléatoire une exacte représentation de chaque département et impliquerait en tout état de cause des mécanismes complexes où l'électeur ne se retrouverait probablement pas ». Mes chers collègues, nous y sommes et, comme prévu, l'électeur ne s'y retrouvera sans doute pas.
La relecture très éclairante de ce rapport est décidément riche d'enseignements. Comme nous l'avons indiqué, l'audition de M. Lucien Lanier ou de M. Paul Girod par M. le rapporteur aurait été fortement utile. Pour le moins, une relecture collective de cet intéressant document en commission nous aurait certainement amenés à adopter aujourd'hui une autre position. Mais M. Lanier nous éclairera peut-être sur la position qui était la sienne hier et sur celle qu'il soutient aujourd'hui avec ses collègues de l'UMP.
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après le troisième alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les exécutifs régionaux comprendront autant de vice-présidents de sexe masculin que de vice-présidents de sexe féminin. »
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Pour défendre cet amendement, vous me permettrez de reprendre les propos de M. le Premier ministre, alors sénateur de la Vienne.
En effet, à l'occasion de la discussion générale du projet de loi socialiste relatif à la réforme du scrutin régional, le 20 octobre 1998, M. Jean-Pierre Raffarin déclarait ceci :...
Mme Danièle Pourtaud. Vous avez de bonnes lectures !
Mme Jacqueline Gourault. ... « Si nous voulons parvenir à la parité, il faut qu'il y ait autant de vice-présidents hommes que de vice-présidents femmes, qu'on partage les exécutifs. Mais le partage sur les listes que propose le projet de loi manque de sincérité ; c'est faire croire qu'on va faire avancer la parité, mais ce n'est pas donner véritablement la responsabilité, comme on le souhaite, à ceux qui doivent avoir toute leur place dans notre assemblée. »
Le sénateur de la Vienne avait raison. Il voyait juste. En effet, pour mettre en oeuvre une véritable parité, nous ne pouvons plus nous contenter de mesures incomplètes, de demi-mesures. Il faut aller plus loin et ne pas s'arrêter à de simples mesures « cosmétiques ». Ainsi, il est de notre devoir de nous poser la question cruciale de savoir où se trouve réellement le pouvoir.
La réponse à cette question, nous la connaissons tous : le véritable pouvoir politique est là où l'on élabore les textes, là où les décisions sont prises, c'est-à-dire dans l'exécutif. L'exécutif régional ne fait pas exception à cette règle. En conséquence, pour que la parité soit effective, la loi doit imposer des normes en matière de constitution des listes mais également des exécutifs locaux, y compris des exécutifs régionaux. C'est l'objet de l'amendement que nous vous soumettons.
Tout à l'heure, une de nos collègues nous a livré des pourcentages concernant la droite et la gauche ; j'avoue d'ailleurs que j'ai quelquefois du mal à discerner les frontières entre la droite et la gauche. (Mme Danièle Pourtaud s'exclame.) Le groupe de l'Union centriste comprend sept femmes, madame Pourtaud, et j'en suis très fière. J'ai moi-même été élue sénateur dans le cadre d'un scrutin uninominal à deux tours. M'étant néanmoins toujours battue pour la représentation des femmes, je reste persuadée qu'il faut favoriser la position des femmes dans les scrutins de liste. (M. Michel Mercier et Mme Danièle Pourtaud applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° de cet article. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Modifiant la loi de 1999, le 2° de l'article 4 vise, d'une part, à remplacer le seuil actuel de 5 % des suffrages exprimés pour permettre le maintien d'une liste au second tour des élections régionales par le seuil de 10 % des électeurs inscrits et, d'autre part, le seuil de 3 % des suffrages exprimés pour pouvoir fusionner avec une autre liste en vue du second tour par celui de 5 % des suffrages exprimés.
Je souligne que le rapport de la commission des lois soulève la question de l'inconstitutionnalité de ces seuils. N'est-ce pas une manière implicite d'admettre qu'ils sont trop élevés ?
Rappelons que, compte tenu du niveau d'abstention de 40 % constaté lors des élections régionales de 1998, le seuil de 10 % des inscrits représente en réalité près de 18 % des suffrages exprimés. Quand on considère les résultats de l'élection présidentielle, si ce n'était pas si grave, on pourrait presque croire à une farce !
Ce même rapport souligne également que le projet de loi semble ainsi favoriser une bipolarisation du paysage politique régional destinée à garantir la stabilité des exécutifs régionaux, tout en maintenant une opposition cohérente.
Bipolarisation, c'est le moins que l'on puisse dire : les deux grandes formations politiques se verront confirmées dans l'attribution des sièges, les autres partis s'en verront écartés.
Opposition cohérente, oui, si cohérence doit être synonyme d'uniformité de l'opposition, de suppression des différences et des nécessaires confrontations et débats d'idées au sein même de celle-ci.
Stabilité des exécutifs : nous l'avons rappelé, la prime permet, dans tous les cas de figure, l'émergence d'une majorité clairement définie. Les arguments favorables, au nom de la gouvernabilité, à des modes de scrutin plus ou moins majoritaires sont irrecevables. Ils font perdurer l'idée, incompatible avec toute conception respectueuse de la souveraineté populaire, que le peuple serait incapable de faire des choix électoraux conformes à ses intérêts, qu'il ne faudrait pas laisser entre ses mains l'avenir de la nation, sa nation.
La réalité, c'est qu'on veut tenir le peuple à l'écart des décisions. Pourtant, ce ne peut être qu'à lui, et à lui seul, que doit appartenir la responsabilité de dénouer les crises par ses choix, par son vote.
La commission des lois souligne aussi que les formations politiques seront désormais obligées de conclure des accords avant le premier tour pour éviter l'éparpillement des listes. Mais n'est-ce pas aux partis eux-mêmes de décider de leurs alliances en toute liberté et en toute indépendance ?
Elle évoque également la clarté pour les électeurs, mais croit-on que ces derniers seraient incapables de décider ? Est-ce à la loi d'orienter leur vote ? C'est une conception totalement antidémocratique.
Décidément, tout montre que le projet de loi qui nous est proposé est au service non de la démocratie, de la citoyenneté, mais d'un parti, celui qui, aujourd'hui, concentre tous les pouvoirs - exécutif et législatif - et qui entend asseoir, au travers des dispositions de l'article 4, sa domination, notamment sur les régions françaises.
Tel est le sens de notre amendement, qui vise à supprimer les seuils proposés.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° de cet article pour modifier l'article L. 346 du code électoral :
« 2° Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées :
« Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 5 % du total des suffrages exprimés. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Si les seuils prévus à l'article 4 étaient appliqués, le parti communiste français, le Mouvement républicain et citoyen, les radicaux de gauche, les Verts, les alternatifs, la Ligue communiste révolutionnaire, l'Union pour la démocratie française, Lutte ouvrière, l'Association pour une gauche républicaine, les divers gauche et les divers droite, Génération Ecologie, le Mouvement écologiste indépendant, et j'en oublie peut-être, se verraient sous-représentés ou pas du tout représentés dans les assemblées régionales. C'est tout simplement inadmissible.
En instaurant les conditions d'un bipartisme, vous allez à l'encontre des principes qui fondent notre République, car vous privez d'expression l'ensemble des forces qui participent au développement de la vie démocratique du pays et de la représentation citoyenne.
Ce serait un désastre pour le pluralisme, nous l'avons dit. De nombreuses électrices et électeurs vont se détourner des urnes, ne se voyant pas ou peu représentés.
On peut prévoir que la crise de la représentation politique s'aggravera et que la fracture démocratique s'élargira. Ce sera vraiment un très mauvais coup contre la démocratie.
C'est pourquoi, afin de revenir à l'esprit démocratique du mode de scrutin proportionnel, nous vous proposons de donner aux listes qui totalisent ensemble au moins 5 % des suffrages exprimés la possibilité de se maintenir au second tour en fusionnant entre elles.
Ainsi, toutes les forces politiques auraient la possibilité d'avoir des élus dans les conseils régionaux, sans que la stabilité de gestion de ces derniers, à laquelle vous êtes particulièrement attachés, soit remise en cause puisque la disposition proposée n'a pas d'incidence sur l'existence de la prime de 25 % en faveur de la liste arrivée en tête au second tour.
Grâce à l'adoption de l'amendement n° 66, les électrices et les électeurs auront le sentiment que leur voix compte et qu'elle peut concourir à l'élection de conseillers régionaux dont ils partagent les orientations.
Ainsi, la possibilité de fusionner les listes constituera une incitation à la participation au vote et contribuera au pluralisme politique, condition nécessaire à la démocratisation des assemblées régionales et au bon fonctionnement de la vie démocratique dans notre pays.
Mes chers collègues, faut-il avoir peur du pluralisme ? Nous pensons bien au contraire que le développement du pluralisme permettrait de redonner du souffle à la démocratie.
Notre système démocratique pâtit considérablement de la déformation de l'expression citoyenne au sein des assemblées, que ce soit à l'échelon national ou à l'échelon local. Ainsi, est-il sain pour la démocratie que les listes ayant recueilli à peine plus de 20 % des suffrages des inscrits aient obtenu l'immense majorité des sièges lors des dernières élections législatives ?
Cette déformation existe, à des degrés variables, à tous les échelons. Pour y remédier, il faut permettre l'accès au second tour du plus grand nombre de listes afin que celles-ci obtiennent directement des sièges.
C'est ainsi que l'on parviendra à développer la représentation démocratique, mais ce n'est certainement pas en favorisant la bipolarisation, comme tend de manière explicite à le faire le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° de cet article pour modifier l'article L. 346 du code électoral :
« 2° Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées :
« Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 6 % du total des suffrages exprimés. Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 6 % du total des suffrages exprimés. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Comme la discussion générale, la discussion des motions et celle des premiers articles l'ont déjà abondamment démontré, le projet de loi qui nous est soumis est une véritable machine de guerre contre le pluralisme des courants et des idées politiques.
L'article 4 en constitue à ce titre un élément déterminant. Derrière la question de savoir quels seuils doivent être fixés pour permettre aux forces politiques en présence de se maintenir au second tour des élections régionales, de fusionner avec d'autres listes plus influentes ou encore de participer à la répartition des sièges au sein des conseils régionaux, se profile en effet une fois de plus la question essentielle du rôle que l'on entend faire jouer aux régions dans la nouvelle configuration administrative, politique et institutionnelle de notre pays.
Nous vous rappelons à ce propos que la discussion du présent projet de loi intervient au moment même où le Gouvernement semble préciser ses intentions quant au contenu qu'il entend donner aux transferts de compétences découlant de la mise en oeuvre de la loi relative à l'organisation décentralisée de la Répuplique.
Ces transferts de compétences sont d'une singulière importance puisqu'ils emporteront notamment le transfert vers la fonction publique territoriale de plus de 150 000 fonctionnaires d'Etat, avec tout ce que cela implique en termes de statuts et de déroulement de carrière pour ces derniers.
Dans ce contexte, l'article 4, au-delà du fait qu'il s'attaque ouvertement au pluralisme des idées, apparaît bel et bien comme l'instrument nécessaire pour constituer des majorités régionales susceptibles de décliner, dans le cadre fixé par les lois de décentralisation, le mouvement général que souhaite imprimer à la réforme de l'Etat l'actuel gouvernement.
La barrière, nous l'avons vu, est élevée. Il s'agit en effet de fixer expressément à 10 % des inscrits le seuil pour prétendre participer au second tour. Dans le même esprit, si l'on contraint les listes présentes au premier tour à obtenir un minimum de 5 % des suffrages exprimés pour pouvoir fusionner avec l'une des autres listes en présence, ce sont dans les fait entre 3 % et 10 % des électeurs inscrits qui seront requis pour permettre aux forces politiques en présence de se maintenir.
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner que le décalage entre le seuil pour être présent au second tour et le seuil pour fusionner dénotait une certaine incohérence. On fait en effet comme si l'on voulait promouvoir deux courants politiques majoritaires dans le pays, représentant globalement, d'un côté la gauche, de l'autre la droite, et réduire le rôle des forces politiques minoritaires dans chaque camp à celui de forces d'appoint qui seraient plus ou moins les obligées - je n'ose dire qu'elles seraient « vassalisées » - des deux premières.
Pour prendre une image sportive, nous aurions d'un côté les grands clubs et de l'autre les petits clubs, éventuellement formateurs, qui joueraient, si l'on peut dire, en seconde division. En clair, alors que l'on affirme vouloir préserver le débat d'idées dans notre pays, le premier tour des régionales sifflerait en quelque sorte la fin de la récréation et le second ne concernerait plus que ceux qui seraient susceptibles de participer véritablement au jeu.
Une telle conception est profondément contraire à la tradition démocratique de notre pays, laquelle s'appuie sur une pluralité d'idées et de mouvements d'opinion qui, au demeurant, n'a qu'assez peu d'équivalents en Europe.
Les comportements, parfois déroutants, parfois regrettables, du corps électoral français au cours des dernières années marquent d'ailleurs un refus plus ou moins clair du ralliement inconditionnel aux partis dits « de gouvernement ». Que l'on ne s'y trompe pas : la plupart des assemblées régionales à venir seront largement bicolores, et plus encore monocolores puisque, lorsque le second tour se résumera à un duel, ce sont au minimum 63 % des sièges qui seront occupés par la liste parvenue en tête, pourcentage qui sera sans commune mesure avec la réalité des rapports de force que fera apparaître le premier tour.
L'amendement n° 67 vise donc à fixer à 6 % du total des électeurs ayant valablement exprimé un choix le seuil à franchir pour être présent au second tour des élections régionales, sans préjuger évidemment des éventuelles fusions entre listes qui pourraient résulter d'accords politique, au demeurant tout à fait souhaitables dans certains cas.
Cela permettrait une plus juste représentation de chacune des forces politiques composant le spectre électoral de notre pays, étant souligné que la prime à la liste arrivée en tête suffira fort bien à elle seule à résoudre le problème de la stabilité de l'assemblée régionale.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° de cet article pour modifier l'article L. 346 du code électoral :
« 2° Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées :
« Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 7 % du total des suffrages exprimés. Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 7 % du total des suffrages exprimés. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Afin d'évaluer les conséquences de l'amendement que nous présentons, nous nous appuierons sur l'exemple non plus de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur mais de la région Aquitaine, dont la situation est assez intéressante.
En 1998, 2 061 882 électeurs étaient inscrits sur les listes électorales des cinq départements qui composent l'Aquitaine. Le 15 mars 1998, 1 189 857 d'entre eux s'exprimèrent en faveur de l'une des listes en présence.
La région Aquitaine est, par tradition politique, déjà marquée par la bipolarisation, avec une gauche largement dominante et une droite dont les chefs de file jouissent souvent d'une aura nationale non négligeable. Pourtant, en 1998, les listes menées par le parti socialiste, auxquelles s'étaient parfois joints des candidats appartenant à d'autres formations de la gauche, avaient obtenu 373 863 voix, soit un peu plus de 31,4 % des suffrages, alors que les listes animées par les partis de droite - qui, on le sait, risquent de se répartir quelque peu différemment en 2004 - recueillaient pour leur part 341 999 voix, soit 28,7 % des suffrages.
Si l'on avait appliqué stricto sensu les termes du présent projet de loi à ces élections, seules les listes de ces deux familles politiques auraient été habilitées à participer sous leur propre fanion au second tour, alors qu'ensemble elles n'avaient obtenu que 715 862 voix, soit un peu plus de 60 % des suffrages exprimés et environ 35 % des électeurs inscrits dans la région.
Cette lecture des résultats est édifiante : auraient donc été éliminées du second tour des listes ayant ensemble totalisé plus de 30 % des suffrages valablement exprimés dans chacun des départements de la région et ayant chacune, sous des configurations diverses, obtenu au moins 7 % des suffrages exprimés.
Cet exemple démontre que, même dans une région où il y a déjà une forte tendance à la bipolarisation, une partie non négligeable du spectre politique est désormais composée par des formations autres que celles que le présent projet de loi entend conforter. Il apparaît donc clairement que ce projet de loi est en réalité un instrument pour assurer la domination sans partage d'une formation politique sur les autres, quand bien même cela ne correspondrait pas aux attentes de l'électorat, qui assez souvent ne manque pas de les faire connaître.
L'amendement n° 68 vise donc à préserver, autant que faire se peut, un minimum de démocratie et la représentation des forces politiques présentes dans notre paysage électoral.
Je le répète, le débat démocratique souffrira de l'application de règles trop rigides qui ne correspondent manifestement plus aux attentes de l'électorat.
A défaut de changer la société, « il faut changer le peuple », disait Bertolt Brecht. On a l'impression que c'est l'objet de cet article 4 ! On s'affirme soucieux de favoriser les débats d'idées, on se montre respectueux des opinions et des minorités, mais, dans la réalité, on tente de « corseter » l'expression populaire en ne laissant pas de place à la véritable expression du suffrage universel.
C'est ce que nous souhaitons éviter, en recommandant, avec cet amendement de repli par rapport à notre position de fond sur les seuils d'éligibilité, l'adoption par le Sénat de dispositions plus compatibles avec la juste représentation du corps électoral.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° de cet article pour modifier l'article L. 346 du code électoral :
« 2° Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées :
« Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 8 % du total des suffrages exprimés. Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 8 % du total des suffrages exprimés. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Il s'agit encore d'un amendement de repli par rapport aux positions que nous venons de défendre, mais, sur le fond, ce n'en est pas moins un amendement conforme à notre conception du débat démocratique, de la controverse politique dans notre pays et des formes qui doivent permettre la représentation des idées, qu'il s'agisse des processus électifs ou des structures institutionnelles.
Le seuil d'éligibilité retenu à l'article 4 pour permettre aux listes concurrentes devant les électeurs soit d'être présentes au second tour, soit de fusionner doit être évalué au regard de la réalité du spectre politique de notre pays.
Nous l'avons déjà dit, l'article 4 est un article de fermeture qui tend au bâillonnement de l'expression populaire. Cet amendement, même s'il est en retrait par rapport aux précédents, vise à éviter ce bâillonement.
Ce n'est pas là un détail mineur, les seuils auxquels il est fait référence à l'article 4 ne reçoivent d'applications concrètes - d'ailleurs largement combattues dans la pratique - qu'à l'occasion des élections législatives, les candidats devant retenir sur leur nom 12,5 % des électeurs inscrits au premier tour pour être présents au second, et aux élections cantonales, les candidats devant réunir sur leur nom 10 % des électeurs inscrits.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, monsieur le ministre, il s'agit de circonscriptions électorales clairement délimitées, de parties de l'unité territoriale de référence qu'est pour nombre de nos concitoyens, le département. Pour les élections régionales, il s'agit d'un cas de figure tout différent, puisque l'on se place dans une circonscription plus large - par exemple la région Aquitaine - et que le nombre des sièges en jeu est autrement plus important.
Si je prends, après la région PACA et la région Aquitaine, l'exemple de l'outre-mer, on constate que le nombre de sièges, s'il va de 43 à 209 dans les régions de métropole, va de 31 à 41 dans les régions d'outre-mer. On voit, avec de telles différences, l'arbitraire de ce qui est proposé. Cela conduira finalement à la constitution d'assemblées régionales non représentatives des rapports de force politiques réels, d'autant que le poids de l'abstention sera déterminant.
Nous parviendrons ainsi à une véritable caricature de la démocratie, à un système éloigné de la réalité, qui ne servira en définitive que les intérêts du parti arrivé en tête d'un second tour tronqué puisque les électeurs n'auront pas vraiment le choix.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° de cet article pour modifier l'article L. 346 du code électoral :
« 2° Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées :
« Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 9 % du total des suffrages exprimés. Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 9 % du total des suffrages exprimés. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Nous poursuivons la déclinaison de notre opposition de principe - le seuil choisi se situe cette fois à 9 % des suffrages exprimés - à cet article du projet de loi qui s'oppose clairement à une juste et légitime représentation des forces politiques dans l'ensemble des régions de notre pays et dans notre pays tout entier.
La modification que nous proposons est une mesure de bon sens visant à préserver la diversité des idées politiques dans notre pays.
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° de cet article pour modifier l'article L. 346 du code électoral :
« 2° Les deux premières phrases du deuxième alinéa sont ainsi rédigées :
« Peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % du total des suffrages exprimés. Peuvent également se présenter au second tour les listes modifiées pour comprendre les candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que le total des suffrages recueillis par ces listes soit au moins égal à 10 % du total des suffrages exprimés. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Ultime déclinaison de notre proposition visant à prendre en compte, dans l'article L. 346 du code électoral, les seuils à partir desquels les listes présentes au premier tour des élections régionales pourront se maintenir ou fusionner, l'amendement n° 71 retient la base de 10 % des suffrages exprimés.
On retrouve là un cas de figure proche de celui que l'on rencontre en général dans les scrutins municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants.
Par ailleurs, la faculté de se maintenir au second tour serait également ouverte aux listes rassemblant a priori au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour.
C'est, de notre point de vue, une innovation nécessaire dans notre droit électoral pour tenir compte de l'évolution profonde des comportements politiques de l'électorat que nous pouvons observer depuis quelques décennies.
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale - en tout cas de l'UMP - et vous-même, monsieur le ministre, plutôt que de « perfectionner » le mode de scrutin pour répondre à l'impératif de faire des conseils régionaux les relais fidèles de la politique de l'UMP, demandez-vous pour quelles raisons les électeurs ne suivent pas toujours les consignes de vote de certains mouvements politiques qui peuvent avoir vocation à diriger les affaires du pays.
Dans ce débat sur le mode de scrutin régional, nous assistons à une tentative éhontée de confiscation de la représentation politique de l'électorat au seul profit du parti officiel. C'est là un recul démocratique qui nous rappelle furieusement et curieusement d'autres époques de notre histoire, et je pense, par exemple, au Second Empire, où de telles dispositions existaient pour les élections législatives.
Le seuil de 10 % que nous proposons est donc, selon nous, pleinement justifié. Il favorise clairement l'expression la plus fidèle possible des courants politiques présents dans notre pays, courants dont l'influence sera déterminée par le premier tour des élections régionales. Ce seuil permet de se prémunir des effets, que nous avons largement dénoncés, auxquels nous expose la stricte application du présent projet de loi.
Je ne puis manquer de souligner à nouveau que nous discutons d'un texte dont nous ignorons la portée réelle et les effets sur la répartition des sièges entre les différents mouvements politiques puisque nous ne disposons pas de simulations fondées sur les résultats des plus récentes élections. Une telle situation est pour le moins critiquable et contraire à une parfaite transparence du débat.
Nous avons montré, exemples à l'appui, quels étaient les effets d'une stricte application des termes du projet de loi. C'est bel et bien pour préserver notre pays de ces effets que je vous invite, mes chers collègues, à voter notre amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 63 rectifié est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 250 est présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme Michèle André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, Charles Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le cinquième alinéa a de cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 63 rectifié.
M. Robert Bret. Exiger d'une liste qu'elle atteigne le seuil de 10 % des inscrits pour se maintenir au second tour va créer, dès le premier tour, un effet « vote utile », qui contribuera à laminer les forces politiques françaises dans leur diversité - à l'exception de l'UMP ou du parti socialiste, mais aussi du Front national - en faisant obstacle à l'obtention des 5 % des suffrages exprimés nécessaires à la fusion des listes.
Il est évident que la crainte d'un nouveau 21 avril ne pourra qu'amplifier le phénomène du vote utile.
C'est un système complexe qui nous est présenté, et ses promoteurs n'en sont pas à une contradiction près. En effet, d'un côté, on nous dit que, par souci de cohérence, ce mode de scrutin régional s'inspire de celui des municipales ; de l'autre, on recourt à un système de seuil emprunté au scrutin cantonal. Mais quand on veut aboutir à toute force, tous les arguments sont bons, même les plus contradictoires et les plus incohérents.
Le cinquième alinéa de l'article 4 n'est, en revanche, nullement en contradiction avec le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, qui tend à favoriser les « super-régions ». Il a en effet aussi pour objet de remettre en cause, d'une manière détournée, les départements en tant qu'entités territoriales politiques pertinentes.
Le système prévu de sous-répartition départementale doit être, à terme, l'un des facteurs de la suppression des conseils généraux. Nous n'avons d'ailleurs pas manqué de faire part de notre profonde inquiétude à cet égard lors du débat sur la décentralisation et, hier encore, à l'occasion de l'examen d'une série d'amendements déposés par nos collègues du groupe socialiste.
En effet, la loi de janvier 1999, en substituant aux circonscriptions départementales des circonscriptions régionales, avait permis une différenciation claire entre les deux niveaux d'institutions. Ce que l'on nous propose ici, c'est la disparition programmée des départements dans le cadre, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, d'une Europe ultralibérale fondée sur une compétition exacerbée entre les super-régions.
En réalité, la droite et le Gouvernement modifient les lois électorales à leur convenance pour s'emparer durablement de tous les leviers de pouvoir, en vue de mettre en place leur projet de société, cher certainement au MEDEF, lui-même très attaché à donner une réelle puissance aux régions. Tout cela participe d'une véritable machine de guerre contre toute construction politique visant à se substituer au libéralisme, dans notre pays et en Europe.
Pourtant, des millions d'individus, en France et dans le monde, contestent les politiques libérales, refusent le populisme et combattent les discriminations de toute nature. Il est donc urgent de les entendre, et il n'est pas trop tard pour supprimer une disposition particulièrement néfaste en votant notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 250.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tripatouillage et magouillage sont les deux mamelles de l'UMP !
Que prévoit le cinquième alinéa (a) de l'article 4 dont nous proposons la suppression ? Il s'agit notamment de faire passer un seuil de 5 % du total des suffrages exprimés à 10 % du nombre des électeurs inscrits. Pour présenter une telle mesure, il faut quand même avoir des motivations qui ne peuvent pas toutes être exposées !
En effet, doubler un seuil, c'est déjà formidable, mais prévoir de le faire porter sur les électeurs inscrits et non plus sur les suffrages exprimés, il faut oser !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. C'est ce que vous avez fait en 1999 !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous y reviendrons !
Tout le monde devrait s'interroger sur les motifs d'une telle proposition. Bien entendu, on se dit que le Gouvernement à dû procéder à des simulations.
M. Nicolas About. Mais certainement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est évident ! On ne présente pas une telle disposition sans avoir fait des simulations !
M. Nicolas About. Quand on est raisonnable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à rendre hommage à l'honnêteté de M. About, qui reconnaît, à la suite d'ailleurs de M. Gélard, l'existence de simulations.
M. Nicolas About. Non ! Je pense qu'il doit en exister ! Je pense aussi que la gauche en a toujours fait !
M. Jean Chérioux. Oui, mais elle n'en faisait pas état !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. M. Bret en a fait beaucoup !
M. Nicolas About. Ou alors, vous aviez un gouvernement très irresponsable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a évoqué celles de 1999. Il paraît que, à l'époque, vous n'avez jamais demandé à les connaître !
M. Nicolas About. Et à gauche, il n'y a que des enfants de choeur ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout cas, vous ne pouvez pas dire que nous ne formulons pas une telle demande aujourd'hui ! Nous ne faisons que cela !
M. René Garrec, président de la commission. Ça c'est vrai !
M. Nicolas About. Arrêtez ! Arrêtez !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'arrêterons pas ! Dans une démocratie digne de ce nom, la moindre des choses, lorsqu'une fraction importante d'une assemblée, ou même un seul parlementaire, interroge le Gouvernement, est qu'on lui réponde loyalement et honnêtement ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About. Et rapidement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement répondra !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, mais il sera trop tard, monsieur le ministre ! Avoir connaissance des résultats des simulations éclairerait singulièrement nos débats, et si nous pouvions paralyser ceux-ci jusqu'à ce que vous nous les donniez, nous le ferions !
M. Nicolas About. On n'en doute pas ! On a compris !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quel aveu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous faussez les débats en ne nous les donnant pas !
M. Nicolas About. L'estimation n'est pas le résultat, on l'a vu pour les présidentielles !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous prie, monsieur le président, de bien vouloir décompter de mon temps de parole toutes ces interruptions !
M. Gélard nous avait affirmé que les estimations seraient jointes en annexe à son rapport, mais, lorsque ce dernier a paru, nous avons constaté qu'il n'en était rien, sans qu'aucune explication ne nous soit donnée, sur les raisons de cette lacune. Il a fallu que nous posions des questions à ce sujet pour que M. le rapporteur reconnaisse qu'il a été procédé à des simulations. M. About tente de revenir quelque peu en arrière en disant qu'il « pense » qu'il existe des estimations. S'il n'en sait rien, qu'il se taise !
M. Nicolas About. D'accord ! (Rires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il le sait, qu'il le dise ! Quoi qu'il en soit, il a commencé par déclarer que leur existence est une évidence, et le Gouvernement n'a pas encore osé affirmer qu'il n'avait pas recouru à des simulations. Il est véritablement grave, intolérable que l'on ne nous en communique pas les résultats, car cela permettrait, je le répète, d'éclairer nos débats !
J'ajoute que, même si nous n'appartenons pas à la majorité, il n'eût pas été déplacé que l'on nous consulte au préalable, s'agissant d'une matière électorale, d'autant que le Gouvernement prétend qu'un consensus est nécessaire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Mais il y a eu concertation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, nous avons été consultés après coup !
M. Nicolas About. Le consensus ? Vous n'avez pas donné l'exemple en ce domaine !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'un consensus avait pu être dégagé, sauf précisément sur ce seuil de 10 % des électeurs inscrits. Voilà ce que vous nous avez dit !
Mais là n'est pas la question ! Peut-être cela ne nous regarde-t-il pas, mais nous aimerions savoir si vous avez ou non consulté au préalable l'ensemble de votre majorité.
M. Michel Mercier. Je veux bien répondre ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. C'est notre affaire, pas la vôtre, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Mercier. C'est aussi la mienne, monsieur Chérioux ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Borvo. Demandez la parole !
M. le président. Mes chers collègues, laissezM. Dreyfus-Schmidt conclure !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur le président !
Il serait tout de même intéressant de le savoir, car, si vous n'aviez pas procédé à une telle consultation, cela montrerait encore plus clairement quelles sont vos arrière-pensées !
Puisque l'on me demande de conclure, j'indiquerai enfin que je fais miennes les réflexions de notre collègue Robert Bret selon lesquelles il n'existe aucun précédent en matière de scrutin de liste non purement majoritaire. Absolument aucun !
M. Nicolas About. Il fallait le faire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans aucun système de représentation proportionnelle - en tout cas non purement majoritaire - n'est prévu de seuil relatif au nombre d'électeurs inscrits. Jamais !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il en est ainsi depuis si longtemps que l'on peut estimer qu'il s'agit d'un principe constitutionnel. Je me tourne à cet instant vers M. le rapporteur, qui se réclame si souvent de la tradition, sauf peut-être des Grecs et des Romains ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Par conséquent, nous demandons au Sénat de bien vouloir voter l'amendement n° 250 lorsque le moment sera venu.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est M. Badinter qui a posé tout à l'heure la question des simulations. Je regrette qu'il ait quitté l'hémicycle, mais il pourra toujours lire le Journal officiel !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes solidaires !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous avons chacun nos « relayeurs », monsieur Dreyfus-Schmidt, pour reprendre une heureuse formule que vous avez employée le premier !
S'agissant donc des simulations, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous êtes trop averti pour ignorer qu'elles sont sans intérêt,...
Mme Nicole Borvo et M. Jacques Mahéas. Ah ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... et ce pour une raison très simple : le mode de scrutin détermine le comportement des électeurs.
M. Robert Bret. Ce n'est pas une science exacte, c'est vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Lorsque le mode de scrutin change, les électeurs se comportent différemment. Ils sont intelligents et tiennent toujours compte du mode de scrutin quand ils s'expriment.
Par conséquent, les projections, telles celles que M. Bret a réalisées, sont amusantes,...
M. Robert Bret. Eclairantes !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... permettent d'animer le débat, mais elles sont sans valeur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi en faites-vous, alors ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous n'avons nul besoin d'effectuer des simulations qui ne représentent rien, monsieur Dreyfus-Schmidt !
Mme Danièle Pourtaud. Apprentis sorciers !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Disposez-vous d'estimations ? Laissez-nous les interpréter !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous dis précisément que je n'ai pas de simulations à vous communiquer, monsieur Dreyfus-Schmidt, parce qu'il n'est pas possible d'en établir...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'en avez pas établi, alors ?
M. Nicolas About. Il n'y en a pas !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... à partir de résultats anciens, reflétant des comportements qui évolueront avec le changement des modes de scrutin. Tous ceux qui s'intéressent à la science politique le savent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En avez-vous établi ? Répondez aux questions !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'ai pris la parole pour vous répondre et je crois être en train de le faire ! Certes, ma réponse ne vous convient pas, mais j'espère que vous ne prétendez tout de même pas me la dicter, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Jean Chérioux. Ça, c'est du Dreyfus-Schmidt ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je réponds comme je l'entends, monsieur Dreyfus-Schmidt ! Nous vivons encore dans un pays libre !
M. Nicolas About. La parole est libre !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par conséquent, laissez-moi libre de répondre, comme je vous laisse libre de poser vos questions !
Je le répète, les simulations ne servent à rien, parce que l'on ne peut anticiper le comportement des électeurs, qui se modifiera si l'on fait évoluer le mode de scrutin. Cela est tellement vrai que si, avant de changer le mode de scrutin, avant par exemple d'inverser l'ordre des élections présidentielle et législatives (MM. Jean Chérioux et Jean-Patrick Courtois sourient), M. Jospin avait pu faire des projections et obtenir des estimations pertinentes, il se serait peut-être abstenu !
M. Nicolas About. Il n'avait pas pensé à Chevènement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il faut pourtant croire qu'il avait fait effectuer des simulations, puisque vous nous dites, monsieur Dreyfus-Schmidt, que tout le monde agit ainsi ! Si vous affirmez cela, c'est que vos amis procédaient de cette manière quand ils gouvernaient. Avouez que cela ne vous a pas porté bonheur ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la dissolution ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous en avons donc tiré les leçons : nous ne faisons pas de simulations ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Donc vous n'en avez pas fait, c'est clair et net !
M. Nicolas About. Non, il n'y en a pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On s'en tient là !
M. le président. L'amendement n° 251, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "5,5 % des suffrages exprimés". »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous sommes parvenus à l'examen d'un point très inquiétant du projet de loi, dans la mesure où les seuils concerneraient le nombre des électeurs inscrits et non plus les suffrages exprimés.
A l'instar de certaines dispositions du texte, la loi de 1999 permettait déjà d'atteindre deux objectifs, grâce notamment à la prime majoritaire :...
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout !
Mme Marie-Christine Blandin. ... la stabilité des majorités et la transparence des accords avant le second tour, la prime de 25 % intéressant toutes les listes.
Par conséquent, la modification des seuils proposée est une erreur ou répond à une autre finalité. Je n'imagine pas que le Gouvernement n'ait pas pris la mesure du fait que les forts taux locaux d'abstention impliquent parfois que 10 % des électeurs inscrits correspondent à 20 % des suffrages exprimés. Même le candidat Chirac n'avait pas atteint ce taux de 20 % au premier tour de l'élection présidentielle ! Il est heureux qu'il ne se présente pas aux élections régionales !
Il s'agit non plus d'évincer les petits partis, mais de nier les opinions de plus de la moitié de la population. Ses idées, ses questions sont-elles donc si gênantes ? Je pense ici aux questions posées, depuis vingt ans, à propos de Metaleurop, et, récemment, du Prestige, alors que les parlementaires de l'UMP ont refusé que la responsabilité des affréteurs puisse être engagée...
Avec un tel seuil - limes, liminis en latin - on élimine ! Cette filiation étymologique est très présente dans les livres portant sur les déchets ! Pour ma part, je ne considère pas que tout ce qui n'est pas voulu par l'UMP relève du recyclage ou de l'élimination, et je propose donc de fixer le seuil à 5,5 % des suffrages exprimés.
M. le président. L'amendement n° 252, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "6 % des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. On apprend des choses étranges au cours de ce débat, monsieur le ministre : les électeurs voteraient en fonction non de leurs convictions, mais du mode de scrutin !
M. Nicolas About. Quelle mauvaise foi ! N'importe quoi !
M. Jacques Mahéas. C'est nouveau, ça vient de sortir ! Cela ne me semble pourtant pas être une vérité première !
M. Nicolas About. Soyez raisonnable, ne dites pas n'importe quoi !
M. Jacques Mahéas. Les uns et les autres, nous pouvons dénoncer certains agissements en matière électorale, et nous pourrions, pour notre part, évoquer certaine dissolution de l'Assemblée nationale prônée par Jacques Chirac et concoctée par M. de Villepin...
M. Nicolas About. Ce qui prouve qu'il n'y a pas de simulations ! Merci ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. Par conséquent, cessons d'échanger ce genre d'invectives.
M. Jean-Pierre Schosteck. On avait compris, on ne le fait plus !
M. Jacques Mahéas. Chers collègues de l'UMP, je veux bien que vous interveniez, mais je constate que vous n'avez signé aucun des nombreux amendements en discussion. Je vous considère donc en chômage technique !
M. Jean-Patrick Courtois. On soutient le Gouvernement !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est un excellent texte ! On ne veut pas le changer !
M. Robert Bret. Ils n'ont pas le droit de parler !
M. Jacques Mahéas. Vous ne faites aucune proposition !
M. Jean-Patrick Courtois. Le texte est bon !
M. le président. M. Mahéas seul a la parole. Veuillez poursuivre, mon cher collègue, en vous en tenant à l'exposé de votre amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dites-leur de ne pas nous provoquer, monsieur le président !
M. Nicolas About. Ils adorent ça !
M. Jacques Mahéas. Que nos collègues cessent de nous provoquer sans participer au débat !
M. Robert Bret. C'est un monologue !
M. Jacques Mahéas. Il est inadmissible, par exemple, que M. About se permette certaines petites phrases fort déplaisantes !
M. Nicolas About. C'est vrai, ce n'est pas bien ! On ne parlera plus ! (Rires.)
Mme Danièle Pourtaud. Chiche !
M. Jacques Mahéas. Vous ne vous exprimez pas sur le fond ! Soutenez des amendements !
M. Jean-Patrick Courtois. Le Gouvernement l'a fait ! On le soutient !
M. Jean-Pierre Schosteck. On l'a fait ! M. de Raincourt l'a fait !
M. Nicolas About. Ce type d'argument n'appelle que le silence pour toute réponse !
M. le président. Monsieur Mahéas, je décompte les interruptions de votre temps de parole, mais, de grâce, achevez votre intervention !
M. Nicolas About. C'est du Corneille !
M. Jacques Mahéas. Cet amendement a pour objet, d'une part, d'abaisser le seuil retenu dans le projet de loi pour qu'une liste puisse participer au second tour, et, d'autre part, de proposer de prendre pour référence les suffrages exprimés et non les électeurs inscrits.
Les conséquences du relèvement des seuils sont claires. Elles sont exposées tant dans le rapport de l'Assemblée nationale que dans celui du Sénat.
Que l'on me permette de lire un extrait du rapport de M. Bignon :
« Pour être assurées d'être présentes au second tour, les formations politiques seront ainsi incitées à conclure des accords dès avant le premier tour afin d'éviter l'éparpillement des listes. L'objectif est clairement de parvenir à une bipolarisation du paysage politique régional, seul à même de garantir la stabilité des exécutifs régionaux tout en maintenant une opposition cohérente. »
Je vais maintenant donner lecture d'un passage du rapport de M. Gélard :
« Pour être assurées d'être présentes au second tour, les formations politiques seront ainsi incitées à conclure des accords dès avant le premier tour afin d'éviter l'éparpillement des listes. Le présent projet de loi tend à favoriser une bipolarisation du paysage politique régional, afin de garantir la stabilité des exécutifs régionaux tout en maintenant une opposition cohérente. »
M. Jean-Pierre Schosteck. Voilà !
MM. Nicolas About et Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de cigarette qui sépare les positions de la commission de l'Assemblée nationale et de la commission du Sénat ! Toutefois, quelques lignes plus loin, le rapport de M. Gélard indique que « le même résultat aurait sans doute pu être atteint en accroissant la prime majoritaire de la liste arrivée en tête »...
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà, c'est clair !
M. Jacques Mahéas. Sur ce point, il n'y a pas de désaccord entre nous, mais cette phrase est en contradiction avec le paragraphe que j'ai lu auparavant.
M. Jean-Patrick Courtois. Non !
M. Jacques Mahéas. Si vous ne le comprenez pas, je vous l'expliquerai en particulier !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est une alternative !
M. Jacques Mahéas. Je poursuis ma citation : « Cependant, à l'utilisation de mécanismes sophistiqués a été préféré la clarté du choix pour les électeurs. »
M. Jean-Pierre Schosteck. Voilà !
M. Jacques Mahéas. C'est le comble ! Quel est votre objectif ? Vassaliser certains petits partis, telle est la réalité ! Vous entendez les priver de moyens d'expression et d'une représentation au sein de l'assemblée régionale, voire les éliminer !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je conclus, monsieur le président.
Nous avons connu les ciseaux de M. Pasqua, et, actuellement, le sécateur de M. Sarkozy est en action. Faites attention, monsieur le ministre ! A force de restreindre la diversité d'expression, vous risquez de décourager les électeurs de voter ! Il va falloir engager une réflexion sur ce sujet, car si un magasin n'offre plus un choix suffisant, il perd sa clientèle ! La démocratie risque de se trouver mise en péril.
M. le président. L'amendement n° 253, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "6,5 % des suffrages exprimés". »
La parole est à Mme Danièle Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. On sait parfaitement que 10 % des inscrits, dans nombre de cas, correspondent à 20 % des suffrages exprimés. Je vais donc tenter de démontrer que retenir un tel seuil présente trois inconvénients majeurs : il est inutile, il porte atteinte au pluralisme et il est inefficace en matière de parité.
D'abord, ce seuil est inutile - et mon collègue Jacques Mahéas vient de le démontrer - car la prime de 25 % accordée à la liste arrivée en tête garantit la stabilité des exécutifs. Il est en effet inutile quand on prétend simplifier, clarifier - je vous ai écouté tout à l'heure, monsieur le ministre, et j'ai assisté à la discussion générale. Il me paraît même néfaste dès lors qu'il s'agit de rapprocher les citoyens de leurs élus.
Deuxième inconvénient, ce seuil porte atteinte au pluralisme, et cela a été largement démontré. En effet, il va restreindre l'offre politique en empêchant notamment l'émergence de nouvelles formations et en éliminant de la vie politique les petites formations.
Troisième inconvénient, ce seuil risque de porter atteinte à la parité.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ne vois pas le rapport !
Mme Danièle Pourtaud. En effet, et c'est d'ailleurs votre objectif affiché, ce texte va favoriser les « grandes » formations politiques, donc les partis les plus implantés, c'est-à-dire ceux qui ont le plus de sortants. Or ces partis ne sont pas forcément les plus respectueux des dipositions relatives à la parité.
M. Patrice Gélard, rapporteur. En l'occurrence, ils seront obligés !
Mme Danièle Pourtaud. En effet, ils ont de nombreux sortants et certains de ces partis manquent de conviction en matière de parité.
Je veux bien rendre justice au groupe de l'Union centriste et à la démonstration faite par Mme Gourault. En effet, ce groupe compte 13,2 % de femmes.
M. Michel Mercier. Non, 22 % !
Mme Danièle Pourtaud. Ce sont les chiffres qui figurent sur le site du Sénat, ou alors il y a eu une scissiparité qui m'aurait échappé. Ne polémiquons pas, mon cher collègue. Nous serons d'accord pour donner la palme en matière de parité à l'UMP, qui ne compte, dans cet hémicycle, que 4,2 % de femmes.
M. Joël Billard. Oui, mais des bonnes !
Mme Danièle Pourtaud. L'UMP explique qu'elle vient de se convertir à la parité et jure que le dispositif qu'elle propose y sera favorable. Monsieur le ministre, si vous n'avez pas fait de simulations, nous pouvons du moins faire des comparaisons. (M. Jean Chérioux s'exclame.) Les chiffres que je viens de rappeler sont suffisamment édifiants pour que nous ne vous fassions pas confiance. Votre conversion récente à la parité me semble factice.
Pour toutes ces raisons nous proposons de relever le seuil à 6,5 % des suffrages exprimés.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Aucun rapport entre la démonstration et la conclusion !
M. le président. L'amendement n° 254, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "7 % des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Selon Paul Valéry (Ah ! sur les travées de l'UMP), « la politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je pensais qu'il allait citer Valéry Giscard d'Estaing.
M. Jean Chérioux. Paul Valéry avait pensé à vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Cette vision de la politique me semble particulièrement funeste. Ce grand écrivain et grand poète fut souvent mieux inspiré. A l'occasion de l'adoption de l'article 4, il ne faut pas lui donner raison s'agissant de cette vision cynique de la politique. Dès lors que beaucoup d'électeurs ne retrouveraient pas au second tour - si cette disposition est votée - les candidats pour lesquels ils auront voté au premier tour, on peut craindre, en effet, que l'abstention et le désintérêt pour la chose politique ne progressent encore. C'est pourquoi ce projet de loi est très grave pour notre démocratie.
Les conditions dans lesquelles nous discutons aujourd'hui sont frappantes. Le débat se limite au côté gauche de l'hémicycle ; de l'autre côté, il n'y a pas de laconisme - ce serait encore trop -, il y a à peine, de temps à autre, une interruption, une interjection, un grognement,...
M. Jean Chérioux. Une interpellation !
M. Jean-Pierre Sueur. Effectivement, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Je vous aide, car j'ai eu l'impression que vous étiez à court de mots !
M. Jean-Pierre Sueur. On voit bien que, pour vous, le temps est long, très long. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ah oui ! C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean Chérioux. Bis repetita non placent ! C'est normal qu'il soit long !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, monsieur Chérioux, je ne vois aucun enthousiasme, aucune volonté de défendre ce texte !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je l'ai fait !
M. Jean Chérioux. Devant vos extravagances, les bras nous tombent !
M. Jean-Pierre Sueur. Parmi vous, personne ne se lève avec ardeur pour dire avec toute la force de sa conviction que ce seuil de 10 % des inscrits - qui empêchera de se maintenir au second tour quand bien même on aura recueilli 19,9 % des suffrages exprimés - est bon, que vous en êtes fiers, et que vous le défendez !
M. Jean-Pierre Schosteck. M. de Raincourt l'a fait excellemment !
M. Jean-Pierre Sueur. En fait, vous ne défendez pas ce texte parce que vous n'en êtes pas fiers. Beaucoup d'entre vous le voteront à reculons, comme l'a d'ailleurs très bien dit notre collègue M. Masson hier. En vérité, il s'agit d'un mauvais coup pour la démocratie, et tout le monde le sait. Mais ce mauvais coup, vous le portez dans un silence impressionnant et assourdissant, qui est tout un programme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 255, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "7,5 % des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Mon propos sera...
M. René Garrec, président de la commission. ... bref !
M. Bernard Frimat. ... assez différent de celui de Jean-Pierre Sueur. Je ne commencerai pas par citer Paul Valéry. (Sourires.) C'est déjà un premier point qui nous sépare. Par ailleurs, nous n'avons pas la même appréciation des choses, et 0,5 % nous sépare. (Ah ! sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. C'est important !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ça compte !
M. Bernard Frimat. Or 0,5 %, cela peut quelquefois...
Mme Nicole Borvo. Modifier les comportements !
M. Bernard Frimat. ... jouer de manière importante.
Qu'il suffise de se rappeler d'une élection récente : 0,5 %, cela aurait pu changer...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... la face du monde !
M. Bernard Frimat. ... un certain nombre d'éléments, à défaut de la face du monde,... qu'elle soit cachée ou non. (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Grâce à l'éparpillement que vous avez souhaité !
Mme Nicole Borvo. Demandez la parole, monsieur Chérioux !
M. Nicolas About. Vous aussi, demandez la parole, madame Borvo !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Frimat.
M. Bernard Frimat. Je vous remercie, monsieur le président.
Ce début d'intervention de M. Chérioux est un phénomène réjouissant !
M. Robert Bret. C'est une intervention rentrée !
M. Jean Chérioux. Vous en aurez une tout à l'heure, ne vous inquiétez pas !
Mme Danièle Pourtaud. Formidable !
M. le président. Monsieur Frimat, vous devez poursuivre.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je vais me faire le plaisir de vous donner satisfaction.
Tout à l'heure, vous nous avez répondu, monsieur Devedjian, qu'il n'existait pas de simulations et que, de toute façon, elles n'auraient aucun sens puisque le mode de scrutin détermine - pour partie sans doute, car d'autres déterminants interviennent : les opinions politiques, les convictions... - le comportement des électeurs. J'en profite pour formuler de nouveau cette demande, non pas pour les mandats régionaux mais pour les élections européennes, qui appellent moins de remarques. Pour les élections européennes, le mode de scrutin n'a pas changé : il s'agit de la proportionnelle à la plus forte moyenne. Il vous est donc tout à fait possible de nous présenter des simulations sur les huit circonscriptions. Aucune difficulté méthodologique ne vous en empêche. Cela vous permettrait d'accéder partiellement à la demande de M. le rapporteur, qui a appris aujourd'hui que celle-ci ne pouvait pas être satisfaite et que son attente était vaine puisque de telles simulations n'avaient pas été réalisées.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comptez sur celles de M. Bret !
M. Bernard Frimat. Il n'avait même pas la possibilité, attendant Grouchy, de voir Blücher : il n'y avait pas de simulations. Pour ce qui concerne les élections européennes, je pense que vous aurez le temps d'effectuer ces simulations et de nous les présenter.
Permettez-moi de faire une dernière remarque, monsieur le président. Nous nous arrêtons à 7,5 % des suffrages exprimés. Nous avons décliné par demi-point, ce qui est beaucoup plus rapide que nos collègues de l'Assemblée nationale. Ce seuil de 7,5 %, ce sera notre limite, car nous estimons que, effectivement, au-delà de 7,5 % des suffrages exprimés - cet amendement tomberait si vous adoptiez l'un des précédents -, la logique majoritaire est trop forte et que le scrutin proportionnel n'a plus de sens. Il perdrait la finalité que vous vouliez donner à votre projet de loi : justice électorale et représentation équitable de tous les courants d'opinion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Masson et Mme G. Gautier, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "10 % du total des suffrages exprimés". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Jean-Pierre Sueur. On ne peut pas le reprendre ?
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Au cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "10 % des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement...
M. Jean-Pierre Sueur. Décisif !
M. Michel Mercier. ... vise à rétablir l'équilibre du projet de loi.
D'abord, je réponds à l'invitation de M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je crois M. le ministre lorsqu'il dit qu'aucune simulation n'a été effectuée, et ce pour une raison simple : le Conseil d'Etat a donné un avis sur un projet de loi le 27 janvier au soir, et le Gouvernement ne savait pas que, le 28 janvier, il y aurait un autre projet de loi. Il est bien évident que, entre-temps, aucun calcul, aucune simulation n'ont pu être faits. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.).
Un sénateur socialiste. Entre-temps, Juppé est arrivé !
M. Michel Mercier. La chronologie des événements montre que la bonne foi du ministre est totale en cette affaire. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Il a raison !
M. Michel Mercier. Il n'y a pas eu la moindre simulation et, en tant que membres de la majorité, nous n'avons pas pu être consultés.
M. Robert Bret. Ils ont été pris au dépourvu !
M. Michel Mercier. Nous ne sommes pas très riches, il est vrai, mais nous possédons une machine ancienne qui « crache » les dépêches régulièrement. Nous n'avons su que vers neuf heures trente que nous étions passés de 10 % des exprimés à 10 % des incrits. Tout cela, bien sûr, ne laisse aucune place à des calculs ou à des simulations. Il est donc tout à fait normal que nous ne puissions pas en avoir, compte tenu de la chronologie des faits.
Cette décision a probablement été prise avec trop de rapidité. Il serait bon de revenir à quelque chose d'équilibré. Il faut toujours chercher les bons auteurs. Lorsque nous avions discuté, dans cette assemblée, de la loi de 1999 sur les élections régionales, qui n'était pas bonne, le rapporteur M. Paul Girod avait soutenu que le meilleur seuil pour avoir le droit de se présenter au second tour était celui de 10 % des suffrages exprimés. Nous savons tous que Paul Girod est celui qui connaît le mieux les collectivités territoriales ; c'est un spécialiste des lois de décentralisation, dont il a toujours été le rapporteur, à un titre ou à un autre, depuis 1982. Selon lui, ce seuil de 10 %, lorsqu'il est assorti d'une prime majoritaire de 25 %, permet d'aboutir à une majorité stable et évite l'éparpillement des suffrages et des listes, ainsi que la confusion dans l'expression.
Le seuil de 10 % des suffrages exprimés est celui qui est retenu pour les élections municipales. Nous acceptons tout à fait l'augmentation des seuils. Il faut une certaine rationalisation : 10 % des suffrages exprimés, cela élimine certaines listes à caractère fantaisiste ou des listes qui n'ont pas su capter suffisamment l'attention des électrices et des électeurs pour avoir un total de voix vraiment significatif.
Passer à 10 % des électeurs incrits, c'est une transformation complète de la loi.
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui ! Excellent !
M. Jean-Pierre Sueur. Une transformation totale !
M. Michel Mercier. Nous aboutirons à un tout autre texte ! D'une rationalisation qui, avec une prime majoritaire, permet un gouvernement cohérent des régions avec une expression tout à fait normale du pluralisme, c'est-à-dire un vrai système démocratique et efficace, nous passons à un système de verrouillage.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Michel Mercier. Or ce verrouillage est effectué dans les pires conditions, car ce sont les abstentionnistes qui en fixent les termes. Voilà qui n'est quand même pas très démocratique.
En revenant à un seuil acceptable, à un « texte équilibré », pour reprendre l'expression qu'a utilisée M. Gélard dans son rapport, la Haute Assemblée s'honorerait.
Mme Danièle Pourtaud. Tout à fait !
M. Michel Mercier. Nous avons la charge, ici, de représenter les collectivités territoriales, de leur donner les meilleures conditions d'épanouissement et de fonctionnement pour qu'elles puissent remplir toutes leurs compétences et toutes celles que le Gouvernement va leur confier avec les lois de décentralisation à venir.
Peut-on vraiment aborder la question des formations politiques sans une approche pluraliste ? A l'évidence, non ! Qu'au bout du compte une majorité décide, c'est nécessaire. Mais il est indispensable que la plupart des grands courants de pensées et d'idées puissent se faire entendre.
De ce point de vue, un seuil de 10 % des suffrages exprimés me paraît tout à fait raisonnable en ce qu'il rationalise le dispositif. Nous avons même proposé d'aller plus loin concernant la prime majoritaire. Nous l'avons dit hier, si vous considérez qu'avec 25 % on n'arrive pas à une majorité suffisamment cohérente, nous sommes près à porter ce pourcentage à 33 %. Mais ce qui nous intéresse, c'est qu'il y ait aussi du pluralisme. Disant cela, je ne parle pas pour la formation politique qui est la mienne. Je le redis clairement, d'abord parce que je pense que nous arriverons toujours à plus de 10 % - ce qui est, semble-t-il, normal - et, ensuite, parce que j'ai lu hier, dans un grand journal du soir, que notre collègue et ami M. Roger Karoutchi lançait sa campagne dans l'Ile-de-France en disant qu'il fallait un accord de la droite et du centre dès avant le premier tour. Je n'ai donc pas de souci pour la formation politique qui est la mienne, ce qui donne d'autant plus de force à ma démonstration.
Toutefois, je vous appelle véritablement, mes chers collègues, à revenir à quelque chose de raisonnable. Si je n'ai pas pu vous convaincre, je vous demande de vous reporter à ce que disait, voilà un peu plus d'un an, M. Jean-Pierre Raffarin, qui était alors sénateur. S'agissant de l'article 4 de la loi de 1999 - c'est toujours le même numéro d'article qui revient, il y a une sorte de fatalité - il disait : « cet article est bien l'article le plus ambigu du texte, pour ne pas dire le plus coupable, parce qu'il présente un seuil d'accès au deuxième tour beaucoup trop bas » - ce qui était vrai à l'époque. Il ajoutait : « en fixant de nouveau le seuil à 10 % des suffrages exprimés, l'amendement oblige l'électeur à sortir de l'ambiguïté et à arbitrer : au premier tour il proteste, au second il choisit et il assume une responsabilité démocratique. Ainsi, il n'y aura plus de magouille. »
Pour que le nouvel article 4 ne soit pas le plus ambigu, pour ne pas dire le plus coupable, revenons donc à 10 % des suffrages exprimés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 357 rectifié, présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "10 % du nombre des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Ce qui me frappe depuis le début de ce débat, c'est que nous donnons le sentiment de nous occuper d'abord de ceux qui ne votent pas plutôt que de ceux qui votent ! (Sourires.)
Reviennent de manière récurrente les abstentionnistes, les votes nuls et les votes blancs, dont la comptabilisation a été écartée, Dieu merci ! En revanche, on ne se préoccupe jamais de ceux qui sont appelés à voter, ce qui justifie le dépôt de notre amendement, qui est dans le droit fil des propos que vient de tenir M. Michel Mercier à l'instant.
On nous dit que le mode de scrutin proposé doit permettre d'assurer à la fois la stabilité des exécutifs et la représentation des diversités ; je voudrais apporter une nuance à cette affirmation.
Le critère de la stabilité doit surtout jouer en haut de la hiérarchie de l'Etat, mais il doit progressivement s'effacer au fur et à mesure que l'on redescend, pour que soit mieux assurée la représentation de la diversité. C'est ce qui explique que nous proposions, en l'occurrence, 10 % des suffrages exprimés.
Nous y tenons parce que nous considérons que le prix à payer pour assurer cette stabilité serait trop cher au regard des dégâts que pourrait provoquer le fait que des électeurs ne soient plus représentés dans leur conseil régional.
D'ailleurs, je ne trouve pas qu'il serait si dramatique que cela si se produisait de temps en temps une crise dans l'une des vingt-quatre régions. Nous aurions déjà accompli un progrès considérable puisque, d'après M. le rapporteur, il y avait dix-neuf cas d'instabilité !
En fait, monsieur le ministre, plus l'abstentionnisme est important, plus le seuil monte et plus la diversité s'éloigne. Nous allons donc entrer dans un système pervers puisque le dispositif complexe que nous inventons va encourager les abstentionnistes, ce qui accroîtra encore le décalage au-delà des 20 %. Le système s'en trouvera totalement dénaturé, d'où l'intérêt du présent amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 158 rectifié est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 249 est présenté par Mme Blandin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "des électeurs inscrits" par les mots : "des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement porte, comme un certain nombre d'autres amendements que nous avons déjà soutenus, sur la question des seuils retenus pour accorder aux listes présentes au premier tour des élections régionales la possibilité de se maintenir au second.
En retenant pour ce seuil, non le nombre des suffrages exprimés, mais celui des électeurs inscrits, le projet de loi crée en fait les conditions d'une véritable réduction autoritaire de la diversité de la représentation des électeurs dans les conseils régionaux.
Cette mesure est proposée alors même que l'un des défauts essentiels du scrutin régional est précisément, dès lors qu'il est séparé des élections législatives, de connaître un niveau d'abstention particulièrement élevé.
On ne peut, par exemple, oublier que l'année où la participation a été la plus élevée pour un scrutin régional a été 1986, lors de la première édition de ce type d'élections, et qu'elle correspondait à un couplage du scrutin régional avec les élections législatives. Je m'en souviens très bien : j'étais alors candidat, et les résultats n'ont pas été identiques dans les deux élections, ce qui était assez curieux.
Nous sommes passés d'une abstention d'environ 22 % à une abstention de 42 % en 1998, ce qui nous a amenés à constater des proportions de suffrages exprimés inférieures à 55 % du corps électoral dans un grand nombre de départements et de régions.
Une telle situation n'est pas satisfaisante, mais tout laisse penser que les orientations fixées par le présent projet de loi risquent fort d'accroître encore ce décalage, conduisant dans de nombreux endroits à ce que se réduise encore le nombre des votants et celui des suffrages exprimés entre les deux tours.
On doit se demander ce qu'il est préférable de faire.
S'agit-il, comme le propose le projet de loi, de placer si haut la barre de qualification pour le second tour en vue de faciliter l'affirmation du pouvoir absolu d'un seul courant d'idées ? Ou s'agit-il d'assurer une véritable représentation de la diversité des courants d'opinion, au moyen d'un mode de scrutin respectueux des différences ?
Dans les faits, le projet de loi a choisi la première formule, celle qui consiste à réduire à sa plus simple expression toute opposition digne de ce nom.
Ce que nous proposons dans notre amendement va dans le sens contraire en retenant le nombre des électeurs s'étant exprimés.
Un exemple de ce que pourrait donner la stricte application du projet de loi mérite d'être quelque peu développé.
Prenons l'exemple des régions d'outre-mer. Ces régions sont monodépartementales, ce qui rend l'analyse plus simple.
Si l'on avait suivi à la lettre le projet de loi, à la Réunion, seules auraient été qualifiées pour le second tour les listes du PCR et de l'UDF.
On notera que les voix obtenues par ces deux listes se sont élevées en 1998 à un peu moins de 105 000, nombre à rapprocher des 390 000 électeurs alors inscrits.
Nul doute évidemment que mon ami Paul Vergès, président de la région, aurait obtenu une majorité plus nette que celle dont il dispose aujourd'hui. Toutefois, on peut mesurer les effets de ce mode de scrutin.
Dans la région Guyane, n'auraient été qualifiées pour le second tour que la liste du parti socialiste guyanais et celle qui était conduite par notre collègue Georges Othily.
Ces deux listes ont obtenu en 1998 le soutien d'un peu moins de 10 000 des 43 291 électeurs inscrits dans la région, soit moins du quart du collège électoral.
Dans la région Martinique, ce seraient les listes d'union de la droite et du mouvement indépendantiste martiniquais qui auraient eu la possibilité de se maintenir au second tour.
Là encore, ce sont seulement un peu plus de 53 000 électeurs qui avaient choisi ces deux listes sur le total des inscrits, proche de 250 000.
Voilà donc, rapidement exposés, quelques exemples significatifs du genre de mutilation de la représentation du corps électoral qui découlerait de la stricte application de cet article 4.
Le choix est donc clair : il s'agit de savoir ce que l'on veut et notamment si l'on entend régler les problèmes politiques dans ce pays à partir d'une manipulation grossière du mode de scrutin ou si l'on a encore le courage d'affronter la diversité de l'expression du corps électoral.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement n° 158 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 249.
Mme Marie-Christine Blandin. C'est une chance que vous offre cet amendement, comme celui de notre collègue Le Cam. C'est l'ultime proposition démocratique pour assurer la diversité de nos assemblées régionales dans l'harmonie de nos fonctionnements.
La complexité du monde comme la difficulté des problèmes que votre gouvernement va aborder ne sont pas solubles dans l'hégémonie.
Il y avait, avant-hier, sur un plateau de télévision, un homme très intéressant. Je suis désolée, chers collègues, je ne parle pas de M. Sarkozy ! (Sourires.) Il s'agissait de Boris Cyrulnik.
L'émission concernait la sensibilisation des enfants à un moment de l'histoire très grave : la déportation. Le philosophe mettait en garde les pédagogues contre la diabolisation de l'autre. Pour lui, il n'y a pas de monstres, il y a des actes monstrueux dont sont responsables les hommes.
Bien entendu, le sujet dont nous débattons n'a rien à voir avec ces horreurs. Mais la réflexion générale du philosophe nous concerne. Il n'y a pas d'intérêt à classer les peuples, les gens ou les politiques entre les bons et les mauvais. Ce qu'il faut, c'est étudier comment, à un moment donné, face à la difficulté, la tentation est grande pour les uns de se soumettre à des idées simplificatrices, de considérer qu'on a la solution et que les autres n'ont plus voix au chapitre.
Ne tombez pas dans cette dérive facile de construire des assemblées simplificatrices ! Ce n'est pas là que se trouvent les solutions de vos difficultés ; c'est par là, en revanche, que vous persévérerez aveuglément dans des erreurs non contestées.
Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que vous ne disposiez d'aucune simulation. Je vais donc vous donner une adresse. L'ancienne association des présidents de conseils régionaux, aujourd'hui Association des régions de France, avait commandé une étude sur la modification des modes de scrutin avant 1998 ; les auteurs concluaient : « Face au tableau de résultats, à électorat semblable, on ne peut qu'être effrayé par l'aisance avec laquelle on peut faire ou défaire des majorités simple-ment en agissant sur les seuils, la prime, les inscrits ou les exprimés. » Ces tableaux existent, bien qu'ils ne soient pas actualisés ; ils sont alarmants. Ils pourraient être instructifs pour votre gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 259 rectifié, présenté par MM. Domeizel, Courteau, Dreyfus-Schmidt, Masseret et Peyronnet, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" et "5 % des suffrages exprimés" respectivement par les mots : "4,5 % des votants" et "2,5 % des votants". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sous le second Empire, lorsque l'on votait pour les plébiscites - je fais cette référence pour M. Gélard, qui aime la tradition ! (Sourires.) -, quand le régiment défilait dans le bureau de vote, le colonel mettait son képi sur l'urne des « non ». Après quoi, le régiment votait.
C'est évidemment une formule dont on aurait pu s'inspirer. Vous auriez pu proposer par exemple que, pour les régionales, on ne mette dans le bureau de vote qu'une seule urne réservée à l'UMP ! (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est évidemment une solution qui vous garantirait une majorité assurée !
Nous aurions pu vous le proposer sous la forme d'un amendement, mais nous avons craint que M. Gélard ne nous dise que c'était d'ordre réglementaire ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Nous ne l'avons donc pas fait.
M. Nicolas About. Si le parti socialiste s'engage à voter pour nous comme lors des présidentielles, ça suffira !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour notre part, nous regrettons - il faut bien le dire - d'avoir voté pour votre candidat aux présidentielles.
Mme Paulette Brisepierre. Il ne fallait pas le faire !
M. Nicolas About. C'est un problème de responsabilité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'imaginions pas que lui comme vous oublieriez dès le lendemain que nous aussi, nous faisons partie de la majorité présidentielle...
M. Nicolas About. C'est vous qui l'oubliez aujourd'hui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous l'avez tous oublié !
M. Nicolas About. Vous bénéficierez de cette loi, et vous le savez bien, mais vous le cachez à vos amis.
Mme Nicole Borvo. Demandez la parole, monsieur About, et expliquez-nous ce que vous entendez par là.
Mme Danièle Pourtaud. M. Mercier l'a compris !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comment pouvez-vous nous dire que nous allons bénéficier, nous, socialistes, de ce projet de loi...
M. Nicolas About. Mais si, mais vous le cachez à vos amis ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est pas certain que les socialistes en bénéficient...
M. Nicolas About. Quel discours de faux-cul ! (Brouhaha sur les mêmes travées.)
M. Claude Estier. Vous auriez mieux fait de vous taire !
M. le président. Monsieur About, laissez M. Dreyfus-Schmidt terminer son explication !
M. Nicolas About. Je ne dis plus rien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je disais donc : comment peut-on affirmer, comme M. About, que les socialistes bénéficieront - ce qui suppose que le projet de loi soit adopté, ce qui n'est pas encore le cas - de ce mode de scrutin, alors qu'il nous a été expliqué en long et en large par M. le ministre qu'on ne peut pas savoir ce qu'il donnera dans la réalité ?
M. Nicolas About. C'est vrai que vous pouvez faire moins de 10 % ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Danièle Pourtaud. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités, mon cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est certain qu'en Alsace, région que nous connaissons bien, le parti socialiste risque, si le projet de loi est adopté, de ne pas obtenir 10 % des inscrits. Vous savez bien qui les aura !
M. le ministre a fini par nous dire, après avoir hésité et ce avec raison - parce que le jour où elles arriveront au grand jour, nous le lui rappellerons - qu'il n'y avait pas de simulations.
M. Nicolas About. Sauf au parti socialiste !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a bien eu le témoignage de M. Mercier. Mais celui-ci ne m'a pas convaincu, car je me demande si, entre le 27 et le 28 janvier, les simulations ne sont pas arrivées au ministère de l'intérieur, à Matignon ou à l'Elysée, voire en ces trois lieux en même temps.
Mme Danièle Pourtaud. Ce qui pourrait expliquer cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En effet. Enfin, nous verrons !
L'amendement n° 259 rectifié - il faut bien que j'expose notre amendement -...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Enfin !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... tend à proposer la notion de votants.
J'espère que M. le président ne me dira pas que cet amendement est tombé parce que nous en avons déjà examiné un hier qui parlait des votants. Il ne s'agissait pas d'ailleurs du même cas. A mon avis, un amendement ne peut devenir sans objet pour la seule raison qu'une proposition similaire déposée sur un article précédent a été repoussée.
Toujours est-il qu'en l'espèce nous proposons de remplacer les mots « 10 % du nombre des électeurs inscrits » et « 5 % des suffrages exprimés » respectivement par les mots « 4,5 % des votants » et « 2,5 % des votants » de manière que soient différenciés les bulletins blancs et nuls des fameux abstentionnistes, que vous prétendez vouloir réduire alors que vous faites tout pour les augmenter, à tel point que vous leur donnez un pouvoir décisionnel dans le résultat même de l'élection.
Nous vous serions reconnaissants, mes chers collègues, de retenir cette formule en pensant à ceux qui font l'effort de venir voter même si c'est pour ne pas choisir, car ne pas choisir, c'est encore choisir. Ils ont bien le droit de voter blanc s'ils le veulent. Ils ont même, à mon avis, le droit de s'abstenir, à moins que, comme nous l'avons déjà proposé et comme nous le proposerons de nouveau, on en arrive au vote obligatoire. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 358 est présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Au cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer les mots : "10 % du nombre des électeurs inscrits" par les mots : "5 % du nombre des électeurs inscrits". »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Avec les membres de mon groupe, nous cherchons uniquement à rendre le mode de scrutin qui nous est proposé le plus équilibré possible. Seul un scrutin équilibré peut donner satisfaction à l'ensemble des citoyens et des citoyennes.
Si nos concitoyens ont l'impression qu'on leur force la main, c'est la décentralisation qui en pâtira. Le Gouvernement ne peut pas, d'un côté, affirmer que la grande réforme de l'Etat, c'est la décentralisation et, d'un autre côté, présenter un projet de loi qui va exclure de cette réforme 9,99 % des inscrits.
Il y a là une incohérence grave.
Peut-être s'agit-il simplement d'une erreur, due à un moment de faiblesse.
Tout à l'heure, je vous ai proposé de revenir aux suffrages exprimés. Cet effort vous a semblé important. Bien sûr, on ne peut pas tout changer !
Je vous propose donc maintenant de changer simplement le chiffre et de retenir 5 % des inscrits, ce qui doit correspondre à peu près à 10 % des suffrages exprimés. Nous retrouverions ainsi l'équilibre nécessaire à cette réforme, de manière que tous nos concitoyens pensent vraiment que la décentralisation est leur affaire.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l'amendement n° 358.
M. Nicolas Alfonsi. Il a été défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 256, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer le pourcentage : "5 %" par le pourcentage : "3,5 %". »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Interloqués par le texte qui leur a été soumis à la suite du petit déjeuner funeste évoqué par M. Michel Mercier - petit déjeuner au cours duquel, je suppose, M. Alain Juppé a imposé, après que le Conseil d'Etat se fut exprimé sur un texte différent, ce seuil également funeste, que vous persistez à ne pas défendre -, nos collèges députés ont déposé un très grand nombre d'amendements.
Monsieur le ministre, puis-je vous faire remarquer que nous eussions pu faire de même, car rien n'est plus simple que de rédiger des amendements successifs proposant 5 %, puis 5,01 %, puis 5,02 %, etc., et de demander à chacun des collègues de notre groupe d'être signataire de ces amendements ? Nous aurions pu ainsi multiplier les amendements. Nous ne l'avons pas fait, car nous escomptions que se déroulerait ici un débat sérieux, c'est-à-dire un débat susceptible de permettre l'adoption de quelques amendements, au minimum un, qui aurait changé ce seuil funeste.
Mais non ! C'est impossible ! Nous n'y parvenons pas !
Dès lors, nous nous efforçons d'améliorer le texte, mais croyez bien que cet amendement n° 256 est un amendement de repli, et même de repli au deuxième ou au troisième degré.
M. Jean Chérioux. Un repli stratégique !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous savons bien que le fait de prévoir 3,5 % au lieu de 5 % faciliterait peut-être les fusions de listes, mais que cela ne changerait pas fondamentalement l'économie du texte.
J'ajoute que cet amendement, que nous défendons dans l'espoir d'être écoutés, mais en sachant que nos chances de l'être sont malheureusement tout à fait ténues, ne change rien sur l'un des points que j'ai évoqués lorsque j'ai défendu l'exception d'irrecevabilité, à savoir le fait que la combinaison des deux seuils, de 5 % et de 10 % des inscrits, aboutit à de très grandes disparités, car une formation politique peut légitimement, pour des raisons politiques qui lui sont propres et qui relèvent de sa liberté souveraine, choisir de ne pas fusionner avec telle autre formation : c'est son droit !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Et alors ?
M. Jean-Pierre Sueur. La conséquence de ce dispositif, c'est qu'il peut tout à fait y avoir, dans le cas où le taux d'abstention atteindrait 50 %, ce qui n'est malheureusement pas invraisemblable, une liste qui, avec 5,1 % des suffrages, aura des élus, et une liste qui, avec 19,9 % des suffrages, n'aura pas d'élu.
Eh bien, un système qui est susceptible de produire un tel résultat - une liste ayant obtenu quatre fois plus de voix qu'une autre liste n'a aucun élu alors que l'autre a des élus - est rigoureusement indéfendable au regard du droit et au regard du principe d'égalité. C'est pourquoi ce texte est, à l'évidence, inconstitutionnel...
M. Patrice Gélard. rapporteur. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et contraire aux principes élémentaires de la démocratie.
M. Jean Chérioux. Monsieur Sueur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie ! Je me réjouis de voir l'UMP enfin participer au débat.
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Chérioux. Votre indignation - qu'elle soit feinte ou non, mais j'incline à penser qu'elle ne l'est pas, qu'elle est peut-être sincère - est absolument extravagante, car vous avez vraiment, les uns et les autres, la mémoire courte.
Ne vous souvenez-vous donc pas des apparentements ? Et ce système, c'est vous qui l'aviez mis en place !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mon père a été battu à cause des apparentements !
M. Jean Chérioux. Or ledit système était précisément susceptible d'empêcher une liste qui recueillait 35 % à 40 % des voix d'avoir un élu, alors que les autres listes avaient des élus avec 10 % des voix !
A l'époque, vous défendiez ce système au nom de la démocratie ! Et cela parce que vous vous opposiez à un parti qui soutenait le général de Gaulle et que, selon vous, lutter contre le général de Gaulle, c'était soutenir la démocratie ! Vous oubliiez seulement que c'était le général de Gaulle qui avait rétabli la légalité républicaine ! Mais vous prétendiez, au nom de la démocratie, bâillonner complètement un parti qui obtenait 40 % des voix. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ferai simplement observer à notre collègue que, ma date de naissance étant ce qu'elle est, il me paraît quelque peu difficile de m'imputer la responsabilité de la loi sur les apparentements. (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Mais ce sont les mêmes idées !
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis désolé, mais je ne peux me sentir ni responsable ni coupable de cette législation, car j'étais très jeune à l'époque, monsieur Chérioux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. On ne peut pas laisser passer des arguments selon lesquels tel ou tel mode de scrutin est inconstitutionnel, illégitime ou tout ce que l'on voudra.
Mme Nicole Borvo. Le Conseil constitutionnel le dira !
Mme Danièle Pourtaud. On verra !
M. Patrice Gélard, rapporteur. A partir du moment où un mode de scrutin respecte les principes de la Constitution, à partir du moment où il est égal, universel, secret et, désormais, paritaire, il est légitime.
Le reste relève de l'appréciation politique, et non pas de l'appréciation constitutionnelle.
M. Robert Bret. C'est le Conseil constitutionnel qui le dira !
Mme Danièle Pourtaud. Ce n'est pas au rapporteur du Sénat, mais au Conseil constitutionnel de le dire !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous avons, nous aussi, le droit d'interpréter la Constitution !
M. le président. L'amendement n° 257, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer le pourcentage : "5 %" par le pourcentage : "4 %". »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout d'abord, je voudrais dire à notre collègue M. Chérioux que ma date de naissance, comme celle de Jean-Pierre Sueur, ne me permet pas de me sentir responsable de la loi sur les apparentements.
M. Jean Chérioux. Vous appartenez à la même formation politique !
M. Robert Bret. C'était avant le congrès d'Epinay !
Mme Danièle Pourtaud. C'est vrai qu'il existe une autre différence entre vous et nous, c'est la moyenne d'âge du groupe !
M. le président. Monsieur Godefroy, ne cherchez pas à être interrompu ! Vous seul avez la parole.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avec cet amendement, il ne s'agit pas du tout de faire évoluer le seuil par demi-point. Si je propose un seuil de 4 %, c'est par référence aux propos que j'ai tenus tout à l'heure au sujet de ma région et du département du Calvados.
Je vous ai expliqué que les électeurs qui ne seraient pas représentés à l'assemblée régionale seraient aussi nombreux que ceux qui auront donné la majorité, avec la prime de 25 %, à la liste arrivée en tête. J'ai aussi indiqué que la liste écologiste, qui représentait grosso modo 10 % des inscrits et 16 % des suffrages exprimés, ne serait pas représentée en conseil régional.
Ce seuil de 4 % permettrait que, dans cette région, soit notamment réintégrée la liste qui était menée par Mme Lepage, qui, je pense, était beaucoup plus proche de vous que de moi, monsieur Garrec.
M. René Garrec, président de la commission. Elle s'est présentée contre moi ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela dépend des époques ! Vous remarquerez que j'essaie de vous faire de la publicité, d'ailleurs ! (Nouveaux sourires.)
Ce seuil permettrait également la réintégration de la liste des Verts et, enfin, de la liste Chasse, pêche, nature et traditions. On ne pourra pas dire que je prêche uniquement pour ma paroisse !
Réintégrer ces listes dans le processus de fusion n'aurait d'ailleurs rien d'anormal puisque le président du conseil régional, M. Garrec, les a, depuis, intégrées dans son exécutif. Il me semble qu'il serait préférable de leur permettre, par un dialogue, de participer à la fusion entre les deux tours plutôt que d'avoir soit des accords d'appareils avant le premier tour, soit des accords de troisième tour, comme c'était le cas lorsqu'il n'y avait qu'un seul tour de scrutin.
Quand, dans nos régions, on veut libérer les énergies par la décentralisation, il est préférable que le débat entre ces courants d'opinion - chacun sait que leurs options sont contradictoires, notamment entre écologistes et Chasse, pêche, nature et traditions - ait lieu au sein de l'assemblée délibérante plutôt que dans la rue, avec des manifestations et des contre-manifestations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 258, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du cinquième alinéa (a) de cet article, remplacer le pourcentage : "5 %" par le pourcentage : "4,5 %". »
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je voudrais, dans un premier temps, faire remarquer au Gouvernement qu'il se trouve en contradiction avec ses intentions.
Il nous a expliqué en long, en large et en travers qu'il était pour la décentralisation. Cela m'apparaît comme une nouveauté intéressante : je me rappelle, en effet, le nombre considérable d'amendements qui avaient été déposés en 1982, lors de la discussion de la loi Defferre. On ne peut que se réjouir de cette évolution !
Cependant, il prétend vouloir décentraliser davantage tout en refusant à la base le pluralisme de la représentation. Il va y avoir là un handicap terrible pour nos régions, car cela aboutit au monolithisme. Il est évident qu'une décision prise à l'échelon régional par des représentants de différentes sensibilités sera beaucoup mieux acceptée par l'opinion publique que si elle est prise par un groupe hégémonique. C'est dans la logique des choses et c'est une logique très politique.
M. Robert Bret. On l'a vu dans certains pays !
M. Jacques Mahéas. On l'a vu effectivement dans certains pays, comme le remarque M. Bret.
Avec cette loi nouvelle, il n'y aura même plus de seuils ni d'effets de seuil, même plus de couperets : ce sont de véritables guillotines qui s'abattront sur certains partis politiques et sur certaines sensibilités.
Il y a d'abord la guillotine des 10 % des électeurs inscrits nécessaires pour pouvoir se maintenir. Et, de surcroît, il ne sera quasiment plus possible de fusionner ! Cela revient à laisser un grand nombre de formations politiques à la porte de la représentation régionale.
Vous dites craindre qu'il n'y ait pas de majorité pour faire fonctionner les régions. Mais il y a des garde-fous : on peut penser à l'obligation de présenter un contre-budget, de manière que le vote du budget, qui est tout de même l'acte essentiel dans la vie d'un conseil régional, ne soit pas soumis à trop d'incertitude. Croyez-moi, il n'est pas si facile pour une minorité dans une assemblée régionale de mettre au point un tel document !
Cet amendement est d'une modestie sans pareille : il vise à abaisser légèrement le seuil requis pour que des listes puissent fusionner.
Très franchement, nous pensons, au groupe socialiste, que plus les minorités sont représentées, mieux c'est.
Je voudrais rassurer M. Bret. Dans notre département, la Seine-Saint-Denis, où le parti communiste a un certain poids politique, nous avons l'habitude d'une vie démocratique animée, nous discutons loyalement et de manière approfondie. Je ne vois pas en quoi cela est gênant. A moins, bien sûr, que certains, à droite, ne soient tentés de conclure des alliances avec l'extrême droite pour diriger telle ou telle région comme cela s'est parfois produit dans le passé. Evidemment, cela, c'est inquiétant.
Au demeurant, c'est peut-être pour cette raison que des seuils si élevés nous sont proposés. Vous vous sentez gênés par l'attitude que certains d'entre vous - qui ont, depuis, regagné les rangs de l'UMP - ont eu il y a encore peu de temps.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 359 est présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Après le cinquième alinéa (a) de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Si le taux de participation est dans une région inférieur à 60 %, le seuil des 10 % des électeurs inscrits pour se maintenir au second tour est diminué de 1 % par tranche de 5 % sous les 60 %. »
La parole est à M. Yves Detraigne.
M. Yves Detraigne. Au cours de la discussion générale et depuis le début de la discussion des articles, nombre de nos collègues, sur toutes les travées, ont déploré l'abstention croissante lors des élections régionales. Il nous a été indiqué que le projet de loi que nous examinons répondait notamment à l'objectif d'une réduction du taux d'abstention à ces élections.
Il se trouve que, en fixant un seuil pour qu'une liste puisse être présente au second tour non pas par rapport au total des suffrages exprimés, mais par rapport au nombre d'électeurs inscrits, on donne un poids croissant aux abstentionnistes, qui décideront en fin de compte du nombre de listes qui pourront franchir l'étape du premier tour et être présentes au second tour. Tout le monde a bien perçu la différence de résultat selon que c'est le nombre d'inscrits ou le nombre de suffrages exprimés qui sert de dénominateur.
Si le taux d'abstention atteint 50 % dans une région, ce qu'il n'est, hélas ! pas irréaliste de redouter, il faudra atteindre 20 % des suffrages exprimés pour être présent au second tour, ce qui réduit considérablement les chances d'y parvenir.
Le Gouvernement en est conscient, à tel point qu'il a prévu, dans le cas où aucune liste n'atteindrait ce seuil, une sorte de « duel des repêchés ». Ce serait donc des listes qui n'auraient pas atteint ce seuil considéré comme nécessaire pour être présent au second tour qui se disputeraient la majorité et la présidence de la région.
Au moment où, notamment avec la réforme constitutionnelle, on veut promouvoir la jeune collectivité territoriale pleine d'avenir qu'est la région, il n'est guère bienvenu, reconnaissons-le, de fixer le seuil en pourcentage des électeurs inscrits.
Si nous ne parvenons pas à définir un seuil plus raisonnable, faisons néanmoins preuve de réalisme : ne décrétons pas a priori le niveau de ce seuil sans tenir compte de la réalité d'une abstention qui risque d'être encore plus forte aux prochaines élections régionales.
C'est pourquoi l'amendement n° 21 rectifié vise à moduler le seuil d'accès au second tour afin qu'il ne fonctionne pas comme un couperet et qu'il tienne compte de la réalité de la participation.
Cet amendement nous semble réaliste à plus d'un égard.
Il permettrait de faire en sorte que la loi relative au mode de scrutin tienne compte de la réalité électorale, et particulièrement du niveau de plus en plus élevé de l'abstention, que nous déplorons tous.
Il assouplirait, en outre, les conditions de passage au second tour de l'élection en cas de forte abstention. Ainsi, il diminuerait le pouvoir accordé aux abstentionnistes sur le sort du scrutin, sans remettre en cause les principes inscrits dans le projet de loi.
Cet amendement introduit donc une dose de réalisme qui nous paraît essentielle si l'on veut effectivement que ce ne soit pas les abstentionnistes qui décident de qui a le droit d'aller au second tour et si l'on veut donc réduire le pourcentage des abstentionnistes, comme le Gouvernement semble le souhaiter au travers de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour défendre l'amendement n° 359.
M. Nicolas Alfonsi. Il s'agit d'un amendement protecteur, car il ne faudrait pas que l'on se retrouve dans une situation ridicule s'il y avait trop d'abstentionnistes.
M. le président. L'amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer les deux derniers alinéas de cet article. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Nous proposons de supprimer une disposition selon laquelle, si une liste n'atteint pas le seuil nécessaire pour pouvoir prétendre être présente au second tour - 10 % des électeurs inscrits -, la deuxième en nombre de suffrages obtenus pourra se maintenir.
Par ailleurs, si aucune liste n'atteint ces 10 %, les deux listes arrivées en tête pourront se maintenir.
Il est juste de prévoir toutes les éventualités, et celle-ci est finalement tout à fait crédible, voire prévisible quand on examine le résultat de certaines élections, notamment celui de l'élection présidentielle le 21 avril dernier.
Nous avons décliné les très nombreuses raisons qui nous font rejeter les seuils proposés dans l'article 4 et qui ne sont que le mépris de la démocratie et du pluralisme qui marque votre volonté d'éliminer toute contestation.
Le Gouvernement, depuis son installation, tente de limiter l'accès des candidats des partis et des formations politiques au second tour des élections. Les élections législatives elles-mêmes ont été visées, puisque M. le ministre de l'intérieur avait évoqué, l'automne dernier et à maintes reprises depuis, la possibilité de restreindre à deux le nombre de candidats pouvant se maintenir au second tour.
Actuellement, le seuil pour se maintenir au second tour est de 12,5 % des inscrits, ce qui est un seuil élevé, même si la participation aux élections législatives est plus forte qu'aux élections régionales. Plutôt que d'abaisser ce seuil, le Gouvernement envisageait sérieusement d'interdire la possibilité à un troisième, voire à un quatrième candidat d'être présent au second tour. Ce que vous cherchez, monsieur le ministre, ce n'est pas lutter contre la présence du Front national, mais bien imposer la bipolarisation.
Pour ce qui est des législatives, vous avez pour le moment reculé devant le tollé soulevé par votre projet. Nous constatons malheureusement que vous maintenez le cap de la bipolarisation pour les régionales de manière plus subtile, en relevant le seuil de manière importante et en limitant à deux candidats les possibilités de rattrapage.
Nous vous proposons, pour ces raisons, mes chers collègues, de supprimer ces deux derniers alinéas qui, s'ils étaient adoptés, mettraient en évidence la sévérité des seuils choisis, puisque, bien souvent, une seule liste ne pourrait se maintenir au second tour, voire aucune.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
« Dans le cas où une seule liste remplit cette condition, les listes résultant de la fusion de deux ou plusieurs listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour peuvent se maintenir au second dès lors qu'elles représentent au moins 10 % des exprimés ou 5 % des inscrits. Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, les listes fusionnées répondant aux conditions fixées ci-dessus peuvent se présenter. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement vise une hypothèse qui peut malheureusement devenir réalité plus souvent qu'on ne le pense si le seuil de 10 % des inscrits est retenu : plus le seuil est haut, plus il est difficile à atteindre. Cette vérité devrait au moins être comprise de tous !
Mme Nicole Borvo. Ah ! Nous aurons au moins appris cela ce matin !
M. Michel Mercier. La pente est raide - et la route n'est pas nécessairement droite - pour parvenir à ce seuil de 10 % des inscrits. Si aucun candidat n'atteint ce seuil ou si seule une liste l'atteint, c'est probablement parce qu'il est trop élevé ! Dans ce cas, il aurait été plus sage de retenir nos amendements précédents.
Toutefois, si ceux-ci n'étaient pas adoptés - ce qui n'est pas tout à fait improbable -, je propose que puissent se présenter au second tour des listes résultant de la fusion de deux ou de plusieurs listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour. Nous atteignons ainsi 10 % des suffrages exprimés !
Je propose donc que puisse se constituer clairement entre les deux tours, au vu et au su de tous les électeurs, une coalition à vocation majoritaire.
Si aucune liste n'atteint le seuil de 10 % des inscrits - hypothèse envisagée par le Gouvernement lui-même puisqu'il a accepté, pour y remédier, un amendement à l'Assemblée nationale - il faut que puissent se présenter de telles coalitions à vocation majoritaire. En effet, en fixant le seuil trop haut, on risque de n'avoir plus de candidats et, un second tour sans candidats, ce serait extrêmement ennuyeux ! Il faudrait alors réintroduire des candidats.
Voilà pourquoi je vous propose de rendre possible la fusion de deux listes ayant chacune obtenu 5 % des suffrages exprimés au moins. Cette coalition à vocation majoritaire pourra ainsi se présenter au second tour aux suffrages des électeurs pour prétendre gouverner la région. (M. Robert Bret applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 360, présenté par M. Pelletier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la seconde phrase du dernier alinéa de cet article :
« Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, seules deux listes constituées de listes ayant fusionné et remplissant ainsi cette condition peuvent se maintenir au second tour. »
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Quel caractère démocratique aurait une liste qui, bien qu'ayant obtenu moins de 10 % des suffrages, serait quand même présente au second tour ?
Cet amendement, qui assouplit le système, vise à remédier à de tels désordres.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les fusions de listes ne sont possibles que si les listes concernées ont annoncé leur intention de fusionner au second tour au moyen d'une déclaration collective des têtes de listes déposée à la préfecture avant la clôture des inscriptions pour le premier tour. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 22, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le nombre de places attribuées sur une nouvelle liste, à chaque liste ayant fusionné à l'issue du premier tour de scrutin, est proportionnel au résultat obtenu par ces listes au premier tour de scrutin. »
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Cet amendement tend à instaurer la proportionnalité du score obtenu au premier tour par une liste pour le nombre de sièges à attribuer lors d'une fusion de liste.
C'est par un artifice et très indirectement que le projet de loi relatif à la réforme des modes de scrutin soumis à la Haute Assemblée respecte le principe du pluralisme.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que le texte qui nous est soumis ne porterait pas atteinte à la représentation des petits partis et des formations politiques moyennes.
Bien entendu, vous avez reconnu qu'aucune formation politique de taille même moyenne ne parviendrait à franchir le barrage que vous avez érigé. Mais, selon vous, le pluralisme trouverait à s'exprimer, indirectement, par le truchement du jeu des fusions.
C'est un argument bien étrange, qui dénote une vision bien singulière de la démocratie.
Il faudrait, lorsque l'on est un petit parti, ou tout simplement lorsque l'on souhaite représenter une alternative aux deux principales machines électorales, espérer accéder au second tour non pas par la voie naturelle des urnes, mais par celle des alliances et, lâchons le mot, par celle des apparentements.
A la République des urnes uniquement ouverte aux grands partis s'opposera la démocratie des marchandages et des réseaux opaques.
On sait à quoi conduit la nécessité de fusionner, à quels chantages, à quels marchandages, à quels marchés de dupes seront contraints les partis modestes pour exister vaguement. On sait également ce qu'a apporté la loi Queuille à la démocratie.
Il est donc du ressort autant que du devoir du législateur de limiter les effets pervers du libre jeu des fusions. Laissé à lui-même, ce jeu pourrait conduire à des résultats défiant toute notion d'équité. Certains partis ayant réalisé un score important mais n'ayant pas eu la possibilité de fusionner parce qu'aucun parti n'aurait accepté de faire liste commune avec lui pourraient ne pas avoir d'élus, alors qu'une formation ayant réalisé un score plus modeste pourrait être représentée, notre collègue Jean-Pierre Sueur l'a souligné tout à l'heure.
De même, le libre jeu des fusions n'a aucune raison de respecter le choix des électeurs, c'est-à-dire de rétablir une certaine proportionnalité entre les résultats obtenus au premier tour et la composition des lites de fusion. C'est alors à un total mépris de l'électeur que le mode de scrutin que vous nous proposez conduirait.
Rapprocher l'électeur de l'élu en méprisant la voie des urnes ? C'est une bien étrange formule !
Le présent amendement vise donc à encadrer le jeu des fusions. Il semble à la fois légitime et plus protecteur de la sincérité du scrutin que le nombre de places attribuées sur une liste de fusion soit proportionnel au résultat obtenu par le parti non admis à se présenter au second tour.
M. le président. Mes chers collègues, les quarante et un amendements en discussion commune sur l'article 4 ont été présentés.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Bernard Angels.)