SEANCE DU 11 DECEMBRE 2002
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi
constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 4. Les
quatorze premiers amendements déposés sur cet article ont déjà été
présentés.
Nous passons à la présentation de l'amendement n° 18.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article 72 de la Constitution :
« Sauf dans les domaines relevant de la souveraineté de l'Etat, les
collectivités territoriales... »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
L'objet de cet amendement est de préciser que, si les collectivités
territoriales ont « vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon », cette «
vocation » ne peut être satisfaite que pour autant qu'elle ne concerne pas les
domaines relevant de la souveraineté de l'Etat.
Nous avons toujours la même préoccupation d'éviter que, par le biais des
diverses procédures qui sont mises en oeuvre pour la révision
constitutionnelle, l'Etat ne soit dépouillé de ses prérogatives.
M. le président.
L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution :
« Pour l'exercice de leurs compétences, elles disposent, dans les conditions
et limites fixées par la loi, et sous réserve des articles 13, 20 et 21, du
pouvoir réglementaire nécessaire à la mise en oeuvre de leurs délibérations.
»
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Par cet amendement, nous souhaitons apporter un certain nombre de restrictions
et de précisions sur le pouvoir réglementaire conféré aux collectivités
territoriales.
Nous souhaitons préciser que ce pouvoir s'exerce sous réserve des dispositions
de trois articles de la Constitution.
Il s'agit : de l'article 20, qui dispose que le Gouvernement met en oeuvre la
politique de la nation ; de l'article 21, en vertu duquel le Premier ministre
assure l'exécution des lois, et de l'article 13, relatif au pouvoir
réglementaire du Président de la République.
Comme nous l'avons indiqué plusieurs fois lors de la première lecture, nous ne
sommes pas opposés à l'idée qu'un pouvoir réglementaire puisse être conféré aux
collectivités territoriales, pouvoir nécessaire à l'exercice de leurs
compétences.
Toutefois, selon nous, il ne peut en aucun cas intervenir en concurrence avec
la mise en oeuvre d'une politique nationale et, bien entendu, avec un pouvoir
réglementaire national.
M. le président.
L'amendement n° 59, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, après le mot : "réglementaire", insérer le mot :
"dérogatoire". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer.
Le troisième alinéa de l'article 4 prévoit de conférer aux communes un pouvoir
réglementaire. Ce dernier existe déjà, d'ailleurs, mais de manière résiduelle
et subordonnée.
Or, c'est une logique inverse qui nous est proposée. En effet, ce pouvoir
serait différencié selon l'endroit où l'on vit, où l'on travaille. De plus, il
deviendrait presque sans limites puisque les compétences des collectivités
seront elles-mêmes presque sans limites désormais, en vertu du principe de
subsidiarité.
Le risque qu'il y a à accorder un pouvoir d'une telle ampleur aux communes n'a
d'ailleurs pas échappé à la commission des lois, qui a mentionné dans l'article
4, quelques lignes plus loin, l'impossibilité de tutelle d'une collectivité sur
une autre.
Nous ne sommes pas fondamentalement opposés à une délégation partielle du
pouvoir réglementaire, mais celle-ci doit se faire sous le contrôle permanent
du Parlement, en dehors de tout désengagement de l'Etat, qui doit continuer à
assurer ses missions de cohésion et de solidarité.
En l'absence de ces garanties, nous préférons que soit limité le pouvoir
réglementaire des collectivités territoriales en lui donnant un caractère
dérogatoire.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe Socialiste.
L'amendement n° 60 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Raydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement est très proche de celui que vient de présenter notre collègue
Guy Fischer.
Il s'agit de supprimer le dispositif d'expérimentation législative et
réglementaire tel qu'il est reconnu aux collectivités territoriales et aux
groupements dans le texte qui nous est présenté. Nous n'y sommes pas hostiles,
mais nous craignons que les prérogatives de l'Etat ne soient explicitement
exclues de ce dispositif.
Il est vrai que l'Assemblée nationale a introduit un certain nombre de
conditions à l'exercice d'un tel dispositif et a précisé que cette
expérimentation ne pourra concerner les conditions d'exercice d'une liberté
publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. Malgré tout, il nous
semble que le danger demeure.
En outre, l'extension aux groupements - le terme est vague, il peut aussi bien
s'agir d'un syndicat intercommunal à vocation unique, un SIVU, ou d'un syndicat
intercommunal à vocation mutiple, un SIVOM - de cette possibilité de déroger à
titre expérimental nous semble tout à fait excessive. Notre collègue Sueur a
déjà développé une argumentation à cet égard ; je n'insisterai donc pas.
M. le président.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 60.
Mme Josiane Mathon.
Le Conseil d'Etat a souligné que le droit à l'expérimentation déroge de fait
au principe d'égalité.
Nous sommes favorables à ce que l'on reconnaisse aux collectivités
territoriales un pouvoir d'adaptation de certains textes. En effet, il nous
semble légitime que l'on puisse prendre en compte certaines spécificités
locales ou que l'on puisse permettre que soient menées des expérimentations qui
pourraient s'avérer positives pour les populations, à la condition qu'elles
soient destinées, non pas à permettre à l'Etat de se débarrasser sur les
communes de certaines compétences, et non des moindres d'ailleurs, mais à
rechercher de nouvelles solutions fondées sur la solidarité, sur une meilleure
réponse aux besoins des habitants, et ce toujours dans le cadre d'un maintien
d'une cohérence et d'une cohésion nationale. C'est le cas pour la
régionalisation du transport ferroviaire.
Nos inquiétudes en la matière sont d'autant plus fondées que, ce qui est en
jeu, c'est l'avenir de secteurs extrêmement importants de la vie nationale, de
la vie de nos concitoyens.
Or, alors que vous avez, monsieur le ministre, répondu à une demande des
députés UMP pour les rassurer, vous avez refusé de donner ces mêmes éléments à
l'opposition parlementaire, qui, pourtant, les avait réclamés.
On voit monter dans le pays des inquiétudes parmi les enseignants, les
personnels de l'équipement, de la santé, qui constatent que, alors que leur
avenir est en jeu, alors que sont en jeu les services publics, ils ne sont même
pas associés aux décisions.
Il s'agit pourtant d'expérimentations destinées, pour l'essentiel, à devenir
irréversibles.
Comment d'ailleurs serait-il possible de revenir en arrière sur plusieurs
années de mise en oeuvre, de transfert de personnels, puisque c'est quand même
de cela qu'il s'agit et non de mise à disposition temporaire.
C'est pourquoi il nous est impossible d'accepter les conditions du principe
d'expérimentation proposé. Nous souhaitons donc limiter les possibilités de
dérogations en proposant que toute délégation ne concerne que le pouvoir
réglementaire et qu'elle reste partielle.
Nous avons également souligné qu'elle devait s'exercer sous le contrôle du
Parlement. C'est pourquoi nous proposons de retirer les dispositions qui
concernent le domaine législatif.
M. le président.
L'amendement n° 61, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution :
« Dans les conditions prévues par la loi organique, sauf lorsque sont en cause
une liberté individuelle ou un droit fondamental, et sous réserve des articles
13, 20 et 21, la loi peut habiliter les collectivités territoriales qui le
souhaitent à adapter certaines modalités d'application d'une loi, pour
l'exercice de leurs compétences. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Le texte de l'amendement de repli que nous vous proposons vise à permettre aux
collectivités territoriales qui le souhaitent d'adapter certaines modalités
d'application d'une loi pour l'exercice de leurs compétences.
Il est en effet utile que les collectivités puissent tenir compte, dans des
conditions déterminées, de certaines spécificités locales. Mais, comme nous
sommes réservés quant à la délégation du pouvoir législatif, nous considérons
qu'il est nécessaire qu'elle s'exerce après autorisation préalable du
Gouvernement.
M. le président.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, après les mots : "et sauf lorsque sont en cause", insérer
les mots : "les prérogatives de souveraineté de l'Etat, ou". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Nous n'avons pas protesté lorsqu'il a été décidé que tous ces amendements
feraient l'objet d'une discussion commune. Mais, il faut bien dire
qu'actuellement nous « faisons de l'abattage » ; il nous est très difficile de
présenter correctement les amendements, qui sont souvent en réalité des
amendements de repli. Si les amendements avaient été examinés successivement,
la discussion aurait été plus intéressante et la compréhension des uns et des
autres en aurait été facilitée, y compris celle des auteurs d'amendements car
il faut bien dire qu'à certains moments on se trouve un peu perdu !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Nous suivons bien !
M. Jean-Claude Peyronnet.
J'en viens à l'amendement n° 19. Il poursuit la même voie que ceux que j'ai
exposés précédemment en ce qu'il concerne toujours la défense des prérogatives
de l'Etat. Il vise donc à éviter que les possibilités d'expérimentation
offertes aux collectivités territoriales ne portent atteinte aux prérogatives
de souveraineté de l'Etat.
M. le président.
Je comprends l'argumentation que vous avez développée au début de votre
propos, monsieur Peyronnet, mais, vous le savez, le règlement comporte des
rigueurs auxquelles ni vous ni moi ne pouvons rien !
L'amendement n° 62, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, supprimer le mot : "essentielles". »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Les libertés publiques sont à mon sens indivisibles. Or l'insistance mise par
la majorité de l'Assemblée nationale à vouloir conserver le terme «
essentielles » laisse percevoir que leur exercice pourrait être à géométrie
variable.
Lorsque j'entends certains railler ce qu'ils appellent les «
droits-de-l'hommisme », je me dis que cette attitude traduit une évolution
inquiétante dans la conception que l'on peut donner aux droits de l'homme et
aux libertés individuelles. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement,
qui consiste à affirmer que les conditions d'exercice des libertés publiques,
parce qu'elles sont partie intégrante de ces libertés, doivent être respectées
en toute circonstance.
M. le président.
L'amendement n° 13, présenté par Mme Blandin, MM. Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste, est ainsi
libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, remplacer les mots : "ou d'un droit constitutionnellement
garanti" par les mots : ", d'un droit constitutionnellement garanti ou les
engagements internationaux de la France". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, j'ai bien compris la référence que vous avez faite au
règlement. Je rappelle simplement que, lors de la première lecture, il avait
été convenu que, pour faciliter la compréhension, la discussion aurait lieu par
alinéa, car le texte est compliqué. Nous aurions pu faire ainsi en deuxième
lecture. Malheureusement, ce n'est pas le cas.
L'amendement n° 13 vise à préciser que les engagements internationaux de la
France resteront en dehors des expérimentations réalisées par les collectivités
locales. Vous me répondrez que cela va de soi, mais nous préférons que cela
soit dit clairement.
M. le président.
L'amendement n° 63, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, après les mots : "selon les cas, la loi,", supprimer les
mots : "ou le règlement". »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
L'expérimentation nous semble opportune. Nous souhaitons que le principe de
libre administration, qui est affirmé depuis longtemps, soit enfin
effectivement appliqué.
Selon l'article 4, les collectivités territoriales pourront déroger à la loi
ou au règlement à titre expérimental, non seulement si la loi, mais aussi le
règlement le prévoient. C'est précisément cette disposition qui nous pose un
problème.
L'expérimentation ne peut être positive que si elle permet aux collectivités
locales de s'adapter au mieux aux besoins et aux attentes des populations. Il
n'est pas rare d'entendre que les gens sont satisfaits de leurs transports
ferroviaires, de leurs lycées ou de leurs collèges, depuis que ceux-ci sont
décentralisés.
Les collectivités territoriales auront enfin les moyens, en adaptant certains
textes, de prendre en compte les spécificités locales. Mais nous ne pouvons
accepter qu'un simple règlement puisse rendre possible cette expérimentation.
Le pouvoir d'adaptation des textes législatifs ou réglementaires ne doit pas
avoir comme fondement un texte qui, par définition, n'est pas adopté par les
représentants du peuple que sont les parlementaires mais est uniquement
d'origine gouvernementale.
Dans le cadre d'une réforme destinée à décentraliser un pouvoir étatique et
dans laquelle on souhaite introduire plus de démocratie - en tout cas nous
souhaiterions que cette réforme constitutionnelle soit vraiment démocratique -,
il semble évident que le pouvoir d'expérimentation accordé aux collectivités
locales doive avoir un fondement démocratique.
Or, si un règlement peut être à l'origine de cette expérimentation, qui plus
est, si ce même règlement prévoit la possibilité de déroger à une disposition
législative adoptée démocratiquement par le Parlement, où est la démocratie
?
C'est pourquoi nous souhaitons retirer la possibilité qu'il soit dérogé aux
dispositions législatives et réglementaires par un simple règlement.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, après le mot : "déroger", insérer les mots : "dans le
respect du principe d'égalité". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n°
15.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il s'agit d'un amendement de précision.
Le garde des sceaux a déclaré, en première lecture, que l'expérimentation
ferait l'objet d'une évaluation qui aboutirait soit à la généralisation, soit à
l'abandon. Nous sommes d'accord sur ce point. Il a ajouté qu'il devait être
permis de déroger au principe d'égalité dans la mesure strictement
proportionnée à l'intérêt général que représente le recours à
l'expérimentation.
M. Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a
soulevé alors un problème particulier : il est en effet possible qu'une
expérimentation se révèle fructueuse dans une collectivité territoriale, mais
qu'elle soit difficilement transposable ailleurs.
Se poserait alors la question de la modification du statut de la collectivité
concernée. Or seul le régime de collectivité à statut particulier semble
autoriser l'exercice permanent de compétences relevant en droit commun du
domaine de la loi ou du règlement.
Je vais prendre un exemple théorique pour bien me faire comprendre.
Considérons une expérimentation dans le traitement de l'eau. L'élimination des
nitrates peut devenir, par exemple, une compétence particulière de la région
Bretagne. Si l'expérimentation se passe bien, faudra-t-il alors la généraliser
? Evidemment non, puisque cela ne présentera aucun intérêt pour l'Auvergne ou
le Limousin. Dans ces conditions, faut-il faire de la Bretagne, sur ce point
précis, une collectivité à statut particulier ?
Tel est le problème que je souhaitais évoquer et sur lequel j'aimerais que M.
le garde des sceaux nous donne des précisions.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 65.
Mme Nicole Borvo.
Nous n'avons de cesse de le répéter : en faisant disparaître la cohésion
nationale et en faisant prévaloir la concurrence des territoires, ce projet de
loi constitutionnelle ne pourra qu'accroître les inégalités. Il est donc
nécessaire de placer, partout où c'est possible dans le texte, des verrous qui
interdiront de déroger au principe d'égalité. C'est le sens de l'amendement que
nous proposons.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Charasse et
Courteau, Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche,
Lise, Marc, Mauroy, Raoul et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, supprimer les mots : "législatives ou". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il s'agit d'un amendement de repli permettant de déroger, seulement à titre
expérimental, aux dispositions réglementaires et non plus législatives, dans le
cas où tous les amendements précédents auraient été rejetés.
M. Bernard Frimat.
Ce qui est improbable !
M. Jean-Claude Peyronnet.
C'est effectivement peu probable, et cet amendement ne sera vraisemblablement
pas discuté !
(Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 64.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement est la conséquence de ce que nous avons dit jusqu'à présent :
toute délégation de pouvoirs aux communes ne saurait valoir que dans le domaine
réglementaire. Nous excluons sur ce point le domaine législatif et nous le
faisons d'autant plus que l'imprécision du texte et l'insuffisance des
informations qui nous sont données depuis le début de la discussion ne peuvent
qu'accroître nos inquiétudes.
M. le président.
L'amendement n° 66, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée : "Elles ne
peuvent remettre en cause le principe d'égalité devant le service public." »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil de l'idée que nous développons
depuis le début de la discussion, à savoir que le projet de loi
constitutionnelle remet en cause l'égalité des citoyens, notamment devant le
service public.
Dans le budget de la fonction publique est d'ores et déjà anoncée une baisse
du nombre d'emplois, qui sera considérablement aggravée par la diminution de
certaines dépenses, par la suppression des postes de surveillants et des
emplois-jeunes, par la non-renconduction à court terme du congé de fin
d'activité et le non-renouvellement de départs en retraite. Les privatisations,
les déréglementations, destinées à répondre aux exigences européennes,
continuent. Tout cela intervient au moment même où le Gouvernement cherche à
faire adopter au pas de charge son projet de décentralisation et de recentrage
sur ce qu'il appelle ses missions régaliennes, expression qui pourrait aussi
bien s'appliquer à l'éducation qu'à la santé.
Dans ce contexte, il nous apparaît donc nécessaire de confirmer l'exigence
d'un égal accès des citoyens à l'ensemble des services publics, qui sont des
éléments structurants de la cohésion nationale et de la solidarité.
M. le président.
L'amendement n° 67, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Après le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 72
de la Constitution, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout transfert de compétences doit faire l'objet d'une évaluation annuelle à
laquelle les citoyens sont associés. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement vise à instaurer un processus d'évaluation annuelle à la suite
de tout transfert de compétences, évaluation à laquelle devront être associés
les citoyens.
D'abord, il permet d'en inscrire dans la Constitution le principe même.
Ensuite, prévoir une évaluation accompagnant un transfert de compétences vers
une collectivité territoriale est un bon moyen de faire le bilan des
compétences déjà dévolues à cette collectivité, d'évaluer la façon dont elles
sont exercées avant de procéder à de nouveaux transferts.
Ces nouveaux transferts ne peuvent être envisagés sérieusement que si les
compétences déjà acquises sont bien appliquées, si les éventuels problèmes qui
y sont liés, je pense notamment aux compétences financières, sont résolus. Il
s'agit de permettre aux collectivités territoriales d'exercer convenablement
les nouvelles compétences qui leur sont dévolues, c'est-à-dire avec le souci
d'assurer l'égalité des citoyens sur l'ensemble du territoire et non pas
uniquement dans une collectivité donnée.
En effet, il n'est pas question que ces transferts de compétences soient
l'occasion d'instaurer des différences de traitement entre les citoyens et des
inégalités devant le service public, qui n'a pas vocation à disparaître au gré
de telle ou telle collectivité. C'est pourquoi ce mécanisme, auquel les
citoyens doivent être associés, est nécessaire.
Une collectivité n'est pas une entité abstraite. C'est un ensemble de
personnes soucieuses de savoir comment leur quotidien est géré et comment il le
sera à l'avenir. Il semble donc légitime de les associer à cette évaluation,
puisqu'elles seront les premières concernées. J'ajoute que cela ne pourra
qu'enrichir le débat autour de ces transferts puisque ce sera une occasion de
révéler les expériences vécues au quotidien par chacun des administrés. Renouer
un échange entre les citoyens et les institutions, c'est cela aussi la
décentralisation. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter
cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 17, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Remplacer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 72 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre
collectivité territoriale.
« Lorsque la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de
plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans
lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la
responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les
modalités de leur participation à l'action commune. »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, mes explications sur l'amendement n° 17 vaudront aussi
pour l'amendement n° 16, qui sera appelé dans un instant.
S'agissant de l'exercice de la tutelle, sujet qui nous tient à coeur, nous
avons une divergence de fond, que nous avons d'ailleurs du mal à comprendre.
Dans la mesure où les éléments constitutifs d'une tutelle existent, il aurait
été très facile, si, honnêtement, le Gouvernement avait souhaité que cette
tutelle ne s'exerce pas, de prévoir que des collectivités pouvaient passer un
accord par contrat - proposition sur laquelle nous reviendrons - par convention
ou par décision librement consentie.
Introduite dans le texte sur l'initiative de la commission des lois du Sénat,
la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 4 prévoit qu'aucune
collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Nous
sommes totalement d'accord avec cette affirmation. Le problème survient avec
l'adverbe restrictif « cependant », qui suscite une véritable interrogation. Je
veux bien que l'on fasse de la poésie et que, comme le disait M. Devedjian à
l'Assemblée nationale, il soit nécessaire d'introduire un mot de liaison entre
deux phrases qui pourraient paraître contradictoires. Mais « cependant » ne
résout pas la question. Il renforce au contraire le sentiment de contradiction
qui apparaît à la lecture des deux propositions.
Il y a donc dans cet alinéa, nous le croyons, les éléments constitutifs d'une
tutelle. Il aurait été facile de rédiger autrement le texte ou d'accepter des
amendements où étaient proposés les mots « par contrat », comme nous l'avions
suggéré en première lecture, expression qui n'alourdissait pas la rédaction.
Nous proposons, à l'amendement n° 17, une rédaction qui corrige ce défaut et
prévient tout risque en présentant les choses de la façon suivante : « Lorsque
la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de plusieurs
collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles
ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la
responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les
modalités de leur participation à l'action commune. »
Cette rédaction est claire, elle n'est pas plus lourde, et elle traduit
parfaitement ce que l'ensemble des associations d'élus, je pense notamment à
l'ADF, qui a longtemps milité pour cette notion de chef de file, ont réclamé,
c'est-à-dire un accord librement consenti entre collectivités, avec la
possibilité de désigner collectivement un chef de file, ce qui permet d'avoir
une véritable lisibilité pour les citoyens et une plus grande efficacité.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste.
L'amendement n° 68 est présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par
cet article pour l'article 72 de la Constitution. »
L'amendement n° 16 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 68.
Mme Josiane Mathon.
Le fait que les collectivités de même échelon territorial ou d'échelons
différents travaillent ensemble, en raison bien souvent de l'importance de
certaines opérations, de certains projets, de besoins de financement, n'est pas
nouveau. Cela existe depuis très longtemps ; je pense aux syndicats
intercommunaux.
Nous ne sommes jamais cependant à l'abri de tentatives de certaines
collectivités plus puissantes financièrement, économiquement ou plus peuplées
de se placer dans un rapport de domination par rapport aux autres et de vouloir
exercer une tutelle sur elles.
Cette inquiétude n'est pas sans fondement et il est positif que la volonté de
refuser la tutelle d'une collectivité sur une autre soit apparue dans ces
débats, et ce d'autant plus que les orientations du projet de loi donnent aux
régions un rôle primordial dans le cadre du couplage Etat-régions.
Nous craignons que ces dernières ne deviennent les maîtres d'oeuvre de
décisions dont les départements et les communes ne seraient plus que les
exécutants.
Cependant, pourquoi ne pas permettre la libre organisation en plein accord,
par voie conventionnelle, comme le disait notre collègue Jean-Claude Peyronnet,
et des modalités de coopération entre collectivités ?
M. le président.
L'amendement n° 69, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article 72 de la Constitution, supprimer les mots : "ou un de
leurs groupements". »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Un très long débat a eu lieu concernant l'introduction des communautés de
communes parmi les collectivités territoriales.
Or la notion de groupement apparaît dans ce texte. Nous n'admettons pas,
puisque nous n'avons déjà pas accepté le fait de l'intercommunalité, que la
notion sous-jacente de chef de file puisse ainsi être introduite d'une manière
insidieuse dans les textes.
M. le président.
L'amendement n° 20, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Bel et Courteau, Mme
Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Dans la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article 72 de la Constitution, après les mots : "à organiser",
insérer les mots : "avec leur accord". »
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport aux amendements n°s 16 et 17.
Le sujet est toujours le même, c'est-à-dire la liberté de choix des
collectivités qui décident de s'associer pour réaliser un projet ou pour mettre
en oeuvre une compétence.
Nous sommes tout à fait étonnés que vous n'ayez pas accepté en première
lecture, et nous espérons que cela ne sera plus le cas aujourd'hui, d'ajouter
les mots : « avec leur accord ». Il nous semble en effet que la liberté
d'association des collectivités dans ce domaine est essentielle, sinon on
aboutit à la tutelle constituée d'une collectivité sur une autre.
M. le président.
L'amendement n° 70, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 72 de la
Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Etat est garant de la cohésion nationale et de l'égalité devant la loi.
»
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Notre objectif est clair. Il apparaît inconcevable de penser l'organisation
territoriale à l'aune d'un désengagement de l'Etat. Nous ne voulons pas d'une
République inégalitaire qui verrait disparaître ses fondements solidaires.
C'est pourtant ce que prévoit ce texte.
Malgré toutes les critiques, émanant notamment du président de l'Assemblée
nationale ou du Conseil d'Etat, la commission des lois s'obstine à vouloir
instaurer cette République en petits morceaux. C'est extrêmement grave. Il faut
le dire clairement aux citoyens. On s'inquiète parce qu'on est maire et parce
qu'est voté un texte qui, en l'état, n'est pas acceptable.
Aussi, mes chers collègues, comment allez-vous expliquer à vos concitoyens,
alors qu'on a tant vanté la baisse des impôts nationaux, qu'ils vont devoir
payer bien plus d'impôts locaux ?
M. Eric Doligé.
C'est grâce à vous !
M. Gérard Delfau.
N'exagérez pas !
Mme Josiane Mathon.
Comment allez-vous leur expliquer qu'ils ne pourront plus avoir accès à
certains services publics parce que le choix de les privatiser aura été fait
dans leur commune ou dans leur département, ou tout simplement parce que la
commune ou le département n'auront plus les moyens de les financer ? Là encore,
il sera bien tard pour s'en plaindre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces trente-six amendements ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Je ne voudrais pas être trop rapide pour ne vexer personne,
mais, sur certains amendements, je me verrai contraint de l'être parce qu'ils
sont un peu répétitifs.
L'amendement n° 49 tend à supprimer les avancées prévues par le projet de loi
constitutionnelle et auxquelles le Sénat a adhéré, notamment l'inscription de
la région et des collectivités territoriales à statut particulier dans la
Constitution. La commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 50 tend, de la même manière, à supprimer plusieurs avancées
prévues par le projet de loi constitutionnelle. La commission y est également
défavorable.
La commission a émis également un avis défavorable sur l'amendement n° 5. Le
Sénat s'est prononcé contre une disposition analogue en première lecture.
S'agissant de l'amendement n° 6, cette disposition alourdit inutilement le
texte de la Constitution. Par définition, le principe selon lequel
l'organisation de la République est décentralisée sera érigé en principe à
valeur constitutionnelle. Il primera donc sur toutes les dispositions de rang
inférieur. La commission y a émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 7, le dernier alinéa du texte proposé par
l'article 4 pour l'article 72 de la Constitution prévoit déjà que le
représentant de l'Etat dans les collectivités territoriales représente tous les
ministres. L'amendement relève quasiment du domaine réglementaire. C'est la
raison pour laquelle la commission y est défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il n'est pas dit cela dans cet amendement !
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur Sueur, vous devriez relire avec attention le dernier
alinéa de l'article 4. Le projet de loi constitutionnelle prévoit que le
préfet, en tant que représentant de l'Etat dans les collectivités
territoriales, est le représentant de chacun des ministres. Il traite donc déjà
de la déconcentration.
S'agissant de l'amendement n° 8, au risque de paraître inélégant, je
rappellerai ce que j'avais déjà indiqué en séance publique lors de la première
lecture : il serait prématuré de reconnaître la qualité de collectivité
territoriale aux établissements publics de coopération intercommunale, car les
assemblées délibérantes des collectivités territoriales de la République
doivent être élues au suffrage universel, qu'il soit direct ou indirect.
Par ailleurs, l'amendement est contraire à la position du Sénat dans la mesure
où il supprime la possibilité de créer des collectivités se substituant à des
collectivités déjà existantes. Or, cette faculté permettra de rationaliser
l'organisation territoriale et de lui donner plus de souplesse. La commission a
donc émis un avis défavorable.
Tous les amendements étant tous à peu près du même « tonneau », cet avis
défavorable répété ne surprendra personne.
L'amendement n° 9 se rapproche, dans l'esprit, de l'amendement précédent.
C'est pourquoi la commission y est également défavorable.
L'amendement n° 51 est contraire à la position de la commission dans la mesure
où l'inscription des collectivités à statut particulier dans la liste des
collectivités territoriales de la République était le fruit d'une initiative de
notre collègue M. Nicolas Alfonsi, reprise par la commission après que le
Gouvernement s'y fut déclaré favorable, et adoptée par le Sénat en première
lecture. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° 54 n'est pas nécessaire dans la mesure où la loi doit
respecter, par définition, le principe d'égalité qui est constitutionnellement
garanti. Avis défavorable.
Les amendements n°s 10, 53 et 55 sont contraires à la position de la
commission et au vote du Sénat en première lecture. La possibilité de créer des
collectivités se substituant à d'autres collectivités permettra de rationaliser
le système territorial et ne constituera qu'une faculté reconnue au
législateur. La commission est donc défavorable à ces trois amendements.
Les assemblées et les électeurs pourront évidemment être consultés mais la
souveraineté nationale étant unique - cela s'adresse à M. Charasse - le
Parlement restera libre de tenir compte ou non de leur avis.
Les amendements n°s 11 et 52 sont contraires à la position de la commission :
le principe de subsidiarité permettra, contrairement à ce que déclarait M.
Peyronnet, de donner un nouvel élan à la décentralisation et un fondement à la
répartition des compétences entre collectivités. La commission est donc
défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 57, le Sénat a déjà rejeté un amendement
analogue en première lecture et la commission a approuvé la rédaction retenue
par l'Assemblée nationale. La commission a donc émis un avis défavorable.
La commission est défavorable à l'amendement n° 18 de notre collègue Michel
Charasse, la précision apportée par cet amendement lui paraissant inutile. Les
matières régaliennes relèvent évidemment de la compétence de l'Etat, à plus
forte raison dans le cadre d'un Etat unitaire, ce qu'est la France.
M. Michel Charasse.
Vous considérez donc que ce texte est satisfait ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Il est satisfait, mon cher collègue, vous pouvez donc le
retirer.
(Sourires.)
La précision que tend à introduire l'amendement n° 58 alourdit inutilement le
texte de la Constitution. Le pouvoir réglementaire des collectivités
territoriales sera bien évidemment subordonné à ceux du Premier ministre et du
Président de la République.
Je vous rappelle d'ailleurs que le Sénat a rejeté, lors de l'examen du projet
de loi en première lecture, la suggestion que j'avais faite de modifier
l'article 21. La commission a donc donné un avis défavorable sur cet
amendement.
Le Sénat a rejeté en première lecture un sous-amendement n° 183 qui était
identique à l'amendement n° 59. Le pouvoir réglementaire des collectivités
territoriales leur permet d'édicter des normes qui doivent respecter les lois
et les règlements en vigueur. De plus, le pouvoir réglementaire des
collectivités territoriales ne sera pas toujours dérogatoire. La commission est
donc défavorable à l'amendement n° 59.
Les amendements identiques n°s 12 et 60 sont contraires à la position de la
commission des lois et à celle du Sénat. Le droit à l'expérimentation est un
instrument précieux, qui permettra de tester une réforme avant de la
généraliser. Sa mise en oeuvre sera très encadrée. La commission est donc
défavorable à ces deux amendements.
L'amendement n° 61 est contraire à la position adoptée par le Sénat en
première lecture. Les expérimentations locales constituent un excellent moyen
de desserrer le carcan des normes trop détaillées qui brident les initiatives
locales. Il a été rappelé tout à l'heure que le Conseil d'Etat avait annulé une
circulaire. Il avait bien fait. La commission est donc défavorable à cet
amendement.
S'agissant de l'amendement n° 19 de M. Charasse, l'interdiction de toute
expérimentation, lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice
d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, semble
suffisamment large pour qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter cette
interdiction.
M. Michel Charasse.
Les éléments de souveraineté ne peuvent donc pas faire l'objet de
l'expérimentation ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Nous avons posé deux grands principes. Une interdiction
supplémentaire alourdirait le texte.
M. Michel Charasse.
Il vaut mieux que cela soit dit !
M. René Garrec,
rapporteur.
Mon cher collègue, vous pourriez peut-être retirer cet
amendement. L'idée était généreuse et bonne.
M. Michel Charasse.
Les éléments de souveraineté ne peuvent donc pas faire l'objet de
l'expérimentation ? J'y insiste !
M. René Garrec,
rapporteur.
Non, c'est mon avis depuis le début. C'est le vôtre aussi, je
le sais.
M. Michel Charasse.
Il vaut mieux le dire.
Mme Nicole Borvo.
Quand on est d'accord, il faut le dire.
M. René Garrec,
rapporteur.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 19, pour les
raisons que je viens d'exposer et qui sont exactement celles qui sont exposées
par notre collègue Michel Charasse.
Le Sénat s'est déjà prononcé sur un amendement identique à l'amendement n° 62
en première lecture. La rédaction proposée par le projet de loi et approuvée
par le Sénat et l'Assemblée nationale reprend la jurisprudence du Conseil
constitutionnel. La commission a donc émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 13 de Mme Blandin, la commission a aussi émis un
avis défavorable. Compte tenu de la hiérarchie des normes, les collectivités
territoriales ne pourront bien évidemment pas déroger aux engagements
internationaux de la France. Cela va de soi. C'est la base du droit
international public.
En ce qui concerne l'amendement n° 63, le Sénat a rejeté en première lecture
les amendements n°s 185 et 186, qui étaient identiques. L'expérimentation est
un instrument précieux permettant de tester une réforme avant de la
généraliser. La commission est donc défavorable à cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 15, présenté par M. Sueur. Le Sénat a déjà rejeté
en première lecture un amendement n° 142 identique. Il apporte en effet une
précision inutile. Le principe d'égalité des citoyens devant la loi est déjà
inscrit dans la Constitution. Comme cela a déjà été indiqué, par définition,
les expérimentations dérogeront au principe d'égalité puisque le droit
applicable ne sera pas le même partout. En revanche, dans l'exercice de ses
compétences, chaque collectivité territoriale devra respecter le principe
d'égalité.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 15.
L'amendement n° 65 étant identique à l'amendement n° 15, la commission y est
aussi défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 14, le Sénat s'est déjà prononcé contre un
amendement identique n° 143 en première lecture.
Je suis néanmoins un peu surpris que nos collègues du groupe socialiste
veuillent supprimer une disposition qui figurait dans la loi relative à la
Corse avant d'être censurée par le Conseil constitutionnel.
Le Sénat, quant à lui, avait fait justement observer qu'une révision préalable
de la Constitution était nécessaire. Tel est l'objet du quatrième alinéa du
texte proposé pour l'article 72 de la Constitution.
La commission est donc défavorable à cet amendement, de même qu'à l'amendement
identique n° 64.
Concernant l'amendement n° 66, sans vouloir être inutilement blessant, je
dirai que cette précision me paraît inutile. Le principe d'égalité, comme je
l'ai dit à plusieurs reprises, est un principe à valeur constitutionnelle
auquel les collectivités territoriales ne pourront déroger. L'avis de la
commission est donc défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 67. La précision
proposée n'a pas sa place dans la Constitution. Il appartient à la loi de
prévoir une évaluation de ses dispositions.
Le Sénat s'est déjà prononcé contre un amendement analogue à l'amendement n°
17 de M. Peyronnet en première lecture, l'amendement n° 145.
La rédaction adoptée sur l'initiative du Sénat permet de trouver un équilibre
entre le principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité
territoriale sur une autre et la nécessité de désigner des chefs de file pour
l'exercice de compétences croisées. La commission a donc émis un avis
défavorable.
Le Sénat s'est également déjà prononcé contre un amendement identique à
l'amendement n° 16, l'amendement n° 144, en première lecture.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 16, de même que sur
l'amendement n° 68, qui est identique.
J'en arrive à l'amendement n° 69.
La mention selon laquelle les groupements de collectivités territoriales
pourront se voir confier les fonctions de chefs de file pour l'exercice de
compétences croisées a été introduite par l'Assemblée nationale en première
lecture, sur proposition de sa commission des lois.
Cette mention s'avérait nécessaire dans la mesure où le Sénat avait, en
première lecture, ouvert expressément aux groupements de collectivités
territoriales la possibilité d'être habilités à déroger, à titre expérimental,
à des dispositions législatives ou réglementaires régissant l'exercice de leurs
compétences.
A contrario,
sauf mention expresse, les groupements de collectivités
territoriales ne devraient pas bénéficier des dispositions de l'article 5 du
projet de loi constitutionnelle.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 69. Il convient de se
méfier des
a contrario !
S'agissant de l'amendement n° 20, le Sénat s'est déjà prononcé contre un
amendement analogue, n° 145, en première lecture.
La rédaction adoptée sur l'initiative du Sénat permet de trouver un équilibre
entre le principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité
territoriale sur une autre et la nécessité de désigner des chefs de file pour
l'exercice de compétences croisées.
Le Sénat s'est prononcé contre un amendement n° 188, identique à l'amendement
n° 70, en première lecture.
Il s'agit d'une précision inutile, l'article 1er de la Constitution affirmant
déjà le principe de l'égalité des citoyens devant la loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 49
qui vise, purement et simplement, à supprimer un élément important du projet de
loi constitutionnelle qui vous a été proposé par le Gouvernement.
Même avis défavorable sur l'amendement n° 50.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 5. La notion de «
lieux d'exercice » ne me paraît ni lisible ni heureuse au regard de la
Constitution.
Nul ne peut prétendre que certains des principes seraient plus
constitutionnels que d'autres. C'est pourtant l'objet de l'amendement n° 6. Le
Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 7, j'indique que la déconcentration est un
processus de délégation au sein des services de l'Etat, de l'échelon central en
faveur d'un échelon local, qui me paraît ni de même nature, ni de même portée
que la décentralisation. Je suis donc hostile au fait d'affaiblir la référence
à l'organisation décentralisée de la République par une référence parallèle à
l'organisation déconcentrée de l'Etat, laquelle ne relève pas, à mes yeux, de
la Constitution. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Sur l'amendement n° 8, l'avis du Gouvernement est défavorable. Les questions
d'intercommunalité ont en effet été largement débattues, en particulier en
première lecture, or l'amendement revient sur un certain nombre de notions qui
ont déjà été tranchées.
Le Gouvernement émet un avis également défavorable sur l'amendement n° 9.
A propos de l'amendement n° 51, sur lequel le Gouvernement a aussi émis un
avis défavorable, il est utile de rappeler que l'insertion au sein du premier
alinéa de l'article 72 de la Constitution de la notion de « collectivités à
statut particulier » a été, entre autres, conçue comme la reconnaissance d'une
situation qui existe déjà, notamment pour Paris ou la Corse, et qui n'est
nullement de nature à remettre en cause l'intégrité du territoire national.
L'amendement n° 54 donne le sentiment que l'on veut assujettir la Constitution
à elle-même. Le Gouvernement y est donc défavorable.
Il est également défavorable aux amendements n°s 10 et 53.
S'agissant de l'amendement n° 55, je voudrais simplement rappeler, en
exprimant un avis défavorable, que l'organisation des collectivités
territoriales relève de la souveraineté nationale, principe sur lequel nous
n'entendons évidemment pas revenir. En revanche, je rappelle que nous avons
prévu la faculté de consultation des populations intéressées lorsqu'il est
envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier
ou de modifier son organisation.
Pour ce qui est de l'amendement n° 11, je dirai que, en voulant supprimer le
deuxième alinéa du texte proposé par l'article 4 pour l'article 72 de la
Constitution qui a pour objet de traduire le principe de subsidiarité à la
française, les signataires de l'amendement touchent au coeur même de la réforme
proposée. Le Gouvernement est donc bien sûr défavorable à cet amendement n° 11
comme à l'amendement n° 52.
En ce qui concerne l'amendement n° 18, le Gouvernement y est également
défavorable. Il va de soi, monsieur Charasse, que les domaines relevant de la
souveraineté de l'Etat ne peuvent, par nature, relever des compétences qui
peuvent le mieux être mises en oeuvre à l'échelon des collectivités
territoriales.
Le Gouvernement est aussi défavorable à l'amendement n° 58. J'ai déjà eu
l'occasion assez longuement, en première lecture, de souligner la différence
fondamentale de nature entre, d'une part, le pouvoir réglementaire du Premier
ministre et du Président de la République et, d'autre part, celui des
collectivités territoriales. Le premier est un pouvoir de droit commun, général
et, surtout, autonome, alors que le second existe non pas de manière autonome,
mais seulement en application des lois quand celles-ci le prévoient.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 59. Je ne
comprends d'ailleurs pas très bien le sens de la notion « dérogatoire ». Comme
je viens de le dire, le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales
est spécifique et n'a pas le caractère autonome du pouvoir réglementaire du
Premier ministre. Je ne vois donc pas ce qu'apporte cette notion.
J'émets également un avis défavorable sur l'amendement n° 12 parce qu'il remet
en cause l'un des éléments tout à fait importants de la réforme
constitutionnelle.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 60,
identique au précédent.
J'émets aussi un avis défavorable sur l'amendement n° 61. Je suis d'ailleurs
surpris que les rédacteurs de cet amendement proposent, finalement, de
permettre de manière pérenne aux collectivités d'adapter des modalités
d'application des lois alors que le Gouvernement prévoit un système
expérimental ayant vocation soit à être généralisé, soit à être retiré.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 19 pour les mêmes raisons
que celles qui ont été exprimées par la commission, comme nous sommes
défavorables à l'amendement n° 62.
En déposant l'amendement n° 13, Mme Blandin, comme d'autres signataires, a
souhaité rappeler la hiérarchie des normes. Or cette hiérarchie n'est pas
modifiée par le projet de réforme constitutionnelle. Quelles que soient les
modalités de la décentralisation, les accords internationaux gardent toute leur
place dans la hiérarchie des normes.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement, parce qu'il est inutile.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 63 puisqu'il tend à faire
dépendre la compétence normative reconnue aux collectivités territoriales dans
le cadre de l'expérimentation, seulement de la loi et non pas de la loi et du
règlement ce qui traduit une volonté constante de faire disparaître le
dispositif.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 15, car
l'expérimentation - je rappelle une fois encore, monsieur Sueur, ce que j'ai
déjà dit assez longuement à l'occasion de la première lecture - mettra
nécessairement en cause une conception uniforme du principe d'égalité puisque
ce qui sera fait ici pour les stricts besoins d'évaluation d'une réforme ne
sera pas fait là.
L'objectif de l'expérimentation, qu'elle soit conduite par l'Etat pour
lui-même ou par une collectivité territoriale, est d'éprouver, pendant une
durée déterminée, sur un champ d'application restreint, les effets d'une
réforme pour ensuite procéder, ou non, à la généralisation. Il faut admettre
que nous puissions déroger au principe d'égalité dans une mesure strictement
proportionnée à l'intérêt général que représente le recours à
l'expérimentation. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet
amendement n° 15, comme je suis défavorable à l'amendement n° 65.
Le Gouvernement est par ailleurs défavorable aux amendements n°s 14 et 64
ainsi qu'à l'amendement n° 66.
Quant à l'amendement n° 67, il vise à apporter une précision sur l'évaluation
des transferts de compétences qui n'est pas du niveau constitutionnel.
Les lois qui prévoiront ces expérimentations mettront bien entendu aussi en
place - les parlementaires y veilleront - un mécanisme d'évaluation, car c'est
un élément très important du processus d'expérimentation. Le Gouvernement est
donc défavorable à l'amendement n° 67.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 17. En effet, nous
souhaitons que la loi puisse clairement organiser les modalités de coopération
entre les collectivités territoriales en permettant à l'une d'entre elles
d'être chef de file d'un projet et, à ce titre, de fixer les modalités de leur
action commune. Il est, me semble-t-il, irréaliste de vouloir inscrire dans la
Constitution les modalités plus précises de cette coopération.
Le Gouvernement est également défavorable aux amendements identiques n°s 16 et
68.
S'agissant de l'amendement n° 69, nous nous sommes longuement expliqués sur
les questions de la coopération intercommunale et sur la conception de chef de
file. Le Gouvernement y est défavorable.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 20, la précision que souhaitent M.
Charasse ainsi que les cosignataires de cet amendement selon laquelle la loi ne
peut autoriser une collectivité territoriale à organiser les modalités de leur
action commune qu'avec l'accord de celle-ci me semble inutile. Il demeure
néanmoins nécessaire de permettre à la loi d'organiser la coordination, et
c'est bien sûr ce qu'elle prévoira.
S'agissant enfin de l'amendement n° 70, notre Constitution garantit très
clairement, me semble-t-il, en particulier dans son article 1er, la cohésion
nationale et l'égalité devant la loi. Le Gouvernement y est donc
défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 49.
Mme Hélène Luc.
La majorité sénatoriale ne s'est pas encore exprimée, monsieur le président
!
M. le président.
Madame Luc, veuillez nous laisser poursuivre la procédure relative à la mise
aux voix des trente-six amendements !
M. Hilaire Flandre.
Je vous ai laissé ma place, madame Luc !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 49.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur
l'amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement n° 5 revêt pour nous une grande importance, monsieur le
président. C'est la raison pour laquelle nous avons sollicité un scrutin
public.
Tout le monde est bien conscient du fait que l'article 1er de la Constitution,
déjà adopté conforme, est d'une grande imprécision.
En effet, lorsque l'on dit : l'organisation de la République « est
décentralisée », cela signifie que toute la République est organisée de manière
décentralisée,...
M. René Garrec,
rapporteur.
Non !
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le rapporteur, pensez-vous que ce que je dis est faux ?
M. René Garrec.
Non ! Je dis que vous ne m'avez pas convaincu !
M. Jean-Pierre Sueur.
Je ne demande qu'à vous convaincre !
Lorsque l'on dit : « l'organisation de la République est décentralisée »,
cette formule s'applique à la totalité de l'organisation de la République. Si
quelqu'un pense le contraire, je lui demande de bien vouloir me l'expliquer
!
Mais dire que la totalité de l'organisation de la République est décentralisée
est évidemment faux, puisque ni le Président de la République, ni le Sénat, ni
l'Assemblée nationale, ni le Conseil constitutionnel, ni le Conseil d'Etat, ni
la Cour des comptes, ni les préfets ne sont « décentralisés ». Monsieur Perben,
le garde des sceaux, n'est pas « décentralisé » !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Il le regrette, d'ailleurs !
M. Jean-Pierre Sueur.
Et l'organisation judiciaire n'est sûrement pas décentralisée !
Par conséquent, mes chers collègues, l'article 1er de la Constitution, qui est
tout de même un article très important, est imprécis et mal rédigé.
La seule possibilité que nous ayons aujourd'hui de préciser ces notions, c'est
de dire que le concept d'organisation décentralisée s'applique aux
collectivités territoriales : c'est le sens de cet amendement.
Lorsque je l'ai défendu tout à l'heure, monsieur le rapporteur, vous m'avez
répondu que nous en avions déjà parlé en première lecture. C'est parfaitement
vrai, mais ni en première lecture ni aujourd'hui vous n'avez apporté de réponse
aux arguments que je présente.
Par conséquent, on peut tout à fait acter que l'on prend des décisions sans
fournir d'arguments. C'est la logique que vous avez choisie, chers collègues de
la majorité sénatoriale, en décidant de voter le texte conforme.
Peu importe, finalement, ce qui peut se dire : cela n'a aucune importance
puisque le texte sera voté conforme, ainsi que l'ont décidé certains
personnages éminents.
Si telle est votre conception de l'activité du Parlement, pourquoi pas ?
Pour notre part, nous ne comprenons pas une telle attitude. Il est donc très
important que nos critiques sur la manière dont vous concevez l'organisation de
la République apparaissent au procès-verbal et au
Journal officiel
. Vous
présentez la République, l'organisation de la République d'une manière qui est
contraire à la vérité...
M. Jean Bizet.
A votre vérité !
M. Jean-Pierre Sueur.
... et à ce que nous vivons tous les jours.
Nous savons très bien que l'ensemble de ce qui fait la République ne procède
pas d'une organisation décentralisée. Je ne vois donc aucun inconvénient à le
préciser à l'article 4 par un alinéa supplémentaire.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo.
Mon explication de vote vaudra également pour les amendements n°s 6 et 7.
Le Gouvernement, comme la commission des lois, qui avait pourtant dit
pratiquement le contraire, s'acharnent à vouloir modifier l'article 1er de la
Constitution en expliquant que, finalement, cela ne pose pas de problème : ils
souhaitent affirmer le principe de décentralisation dans la Constitution,
préalable indispensable, selon eux, à une décentralisation plus large. Or,
comme cela a été dit à maintes reprises par l'opposition, jusqu'à présent, on a
pu décentraliser très largement sans modifier la Constitution, puisque le
principe de libre administration des collectivités y figure déjà.
Par conséquent, si la modification de l'article 1er avait pour seul objet
d'afficher notre volonté décentralisatrice, vous voteriez des deux mains les
amendements que nous proposons. Pour ma part, j'aurais préféré que l'on ne
touche pas à l'article 1er de la Constitution, et c'est la raison pour laquelle
je ne m'inscris pas du tout dans ce projet.
Si nous voulons insister sur notre volonté décentralisatrice, inscrivons le
principe de décentralisation à l'article 72 de la Constitution.
Votre acharnement à ne pas vouloir voter ces amendements, qui témoignent, en
quelque sorte, de notre volonté commune de ne pas attenter au principe
d'indivisibilité de la République, montre à quel point est grave cette
modification de l'article 1er. Les conséquences n'en sont peut-être pas encore
visibles, mais je suis certaine qu'elles seront extrêmement graves en termes
d'unité et d'indivisibilité de la République.
Evidemment, nous voterons ces amendements qui pourraient nous rassembler dans
notre attachement aux principes d'unité et d'indivisibilité de la
République.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau.
Comme tous les radicaux de gauche, je voterai cet amendement. En effet, la
formulation imposée à l'article 1er par M. le Premier ministre - c'est du moins
ce qui nous a été dit - est pleine de risques. Cette fois-ci, ce n'est pas moi
que le constate : cela ressort des travaux de notre commission, cela a été dit
par le président de l'Assemblée nationale, et cela est reconnu dans maintes
conversations privées entre les membres de la majorité sénatoriale et ceux de
la minorité.
La proposition qui est faite a le mérite de clarifier une formulation
dangereuse et d'éviter toutes les interprétations qui risqueraient de dénaturer
notre conception de la République.
Seulement voilà, mes chers collègues de la majorité, vous avez décidé de voter
conforme le projet de loi constitutionnelle.
M. René Garrec,
rapporteur.
Oui !
M. Gérard Delfau.
Au fur et à mesure que le débat se poursuit, certaines réflexions qui
proviennent des travées de la majorité me font penser à un épisode de la
législature 1981-1986 : l'un de nos collègues député socialiste, André Laignel,
avait dit aux opposants minoritaires du moment : « Vous avez juridiquement
tort, parce que vous êtes politiquement minoritaires. »
(Exclamations sur
les travées du groupe de l'UMP.)
M. Gérard Braun.
Nous, on ne l'a jamais dit !
M. Gérard Delfau.
Eh bien ! vous êtes en train de commettre la même erreur au Parlement ! Et ce
fut également le cas, je le dis au passage, lors des élections. Or ce genre
d'erreur se paie toujours au prix fort, car la démocratie se venge, mes chers
collègues !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du
groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Braun.
N'importe quoi !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 111 |
Contre | 205 |
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
M. Michel Charasse. J'ai bien entendu les explications qui ont été données par le rapporteur de la commission des lois et par le ministre, qui émettent un avis défavorable sur cet amendement n° 6.
Je voudrais savoir si vous êtes contre cet amendement parce que ce qui est écrit dans son texte va de soi et que ce n'est pas la peine de le répéter, ou bien si vous êtes contre parce que votre conception de la décentralisation n'est pas exactement celle qui se conforme à la République. (M. le rapporteur s'exclame.) Vous êtes contre parce que c'est inutile !
M. René Garrec, rapporteur. Oui !
M. Michel Charasse. Donc, ce qui est écrit va de soi !
M. René Garrec, rapporteur. Oui !
M. Michel Charasse. Donc, cela ne correspond plus à ce qui était écrit dans votre rapport en première lecture !
M. René Garrec, rapporteur. C'est parce que vous avez une mauvaise lecture de mon rapport !
M. Michel Charasse. Donc, j'avais mal compris et maintenant j'ai bien compris ! Donc, l'organisation décentralisée de la République ne remettra en cause ni l'indivisibilité ni l'égalité !
M. René Garrec, rapporteur. Non !
M. Michel Charasse. Eh bien ! c'est parfait et, dans ce cas, je retire l'amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 7.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement prévoit que « l'organisation de l'Etat est déconcentrée ». A cet égard, M. le rapporteur m'a indiqué que le texte précisait que les préfets représentaient l'ensemble des ministres. Cela va de soi et il n'est pas utile de l'inscrire dans la Constitution, puisque c'est déjà très largement acquis.
En revanche, ni M. le rapporteur ni M. le garde ne m'ont répondu en ce qui concerne l'argument essentiel qui justifie cet amendement.
A partir du moment où l'Etat fait partie de la République, si l'on dit que l'organisation de la République est décentralisée et que cela s'applique à l'ensemble du concept ou de l'entité République, il va de soi que cela doit s'appliquer à l'Etat. Or il n'est pas possible de dire que l'Etat est décentralisé, car c'est contraire à la notion d'Etat : l'Etat est nécessairement une entité et il doit avoir une cohérence d'ensemble. De plus, par rapport à la multiplicité des initiatives qui sont le fruit de la décentralisation et de la libre administration des collectivités territoriales, il est important que l'Etat soit d'une nature différente. Il est donc contradictoire de dire que l'Etat est décentralisé. (M. Hilaire Flandre s'exclame.)
Dès lors que vous ne pouvez pas dire que l'Etat est décentralisé, comme l'Etat fait partie de la République, il est impossible de dire que la République procède d'une organisation décentralisée sans donner deux précisions.
La première, que vous avez refusé de donner - je ne sais toujours pas pourquoi -, consistait à dire que, ce qui est décentralisé, c'est l'organisation territoriale, donc les collectivités territoriales, comme l'avait d'ailleurs décidé majoritairement la commission des lois du Sénat en première lecture. Mais cette précision a été retirée sans explication, pour des raisons que l'on peut imaginer, mais qui n'éclairent pas pour autant le débat.
Une seconde précision était nécessaire : comme l'Etat fait partie de la République, et comme l'Etat ne peut pas être décentralisé, il faut poser que l'Etat est, lui, déconcentré.
Aucun débat de fond n'est intervenu sur ces questions-là : elles vont de soi ! Simplement, le fait que l'on refuse d'inscrire ces dispositions, qui sont tout à fait claires et simples, dans la Constitution, et que l'on veuille, je ne sais pas pourquoi, écrire une Constitution largement ambiguë par rapport à ces principes essentiels, nous posent un réel problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je souhaite répondre à M. Sueur : son amendement n'est pas acceptable, parce que la définition qu'il donne de l'Etat n'est pas la bonne. La définition juridique de l'Etat, c'est une population, un territoire, des pouvoirs publics.
En réalité, ce sont les pouvoirs publics que vous visez, monsieur Sueur. Mais les pouvoirs publics, ce sont aussi les pouvoirs publics locaux. C'est la raison pour laquelle la façon dont vous abordez le problème ne peut pas être juridiquement satisfaisante et c'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes en total désaccord ! Vous dites que l'Etat, ce sont les collectivités locales !
M. René Garrec, rapporteur. Oui !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce sont aussi les pouvoirs publics !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.
M. François Marc. Il s'agit de la place de l'intercommunalité. Il est exact que celle-ci apparaît lorsqu'il est question des expérimentations. Pour autant, il a été refusé de reconnaître l'intercommunalité dans cet alinéa qui définit les collectivités.
Depuis plusieurs semaines déjà, on nous présente ce projet de loi comme un texte qui permet de libérer les initiatives. Le fait est que, en France, depuis le texte sur l'intercommunalité, les initiatives ont été très largement libérées, puisque, aujourd'hui, les trois quarts du territoire adhèrent à l'intercommunalité. Globalement, ce sont les intercommunalités qui réalisent le plus d'investissements sur notre territoire au niveau des collectivités. Et ce dynamisme méritait d'être reconnu dans la Constitution.
C'est la raison pour laquelle il nous semble important que, dans un texte qui est censé libérer les initiatives, on concrétise cette reconnaissance par la définition des collectivités.
Rejeter cet amendement, ce qui conduit, en quelque sorte, à ignorer l'existence même de l'intercommunalité dans le dynamisme des territoires, c'est refuser de regarder l'avenir en face. Il nous semble donc essentiel que cet amendement puisse être à nouveau présenté et retenu par le Sénat dans la formulation de ce texte constitutionnel.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 10 et 53.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous revenons sur une question très importante. La nouvelle rédaction de la Constitution va introduire - nous le voyons bien - des possibilités de créer des collectivités locales aux contours très indistincts et dont les compétences seront elles-mêmes très fluctuantes et imprécises. Puisque c'est le but recherché, autant le dire !
Mes chers collègues, si la majorité d'hier avait proposé d'adopter, voilà quelques mois, un tel texte, qui permet - chacun l'a lu - de décider, dans telle intercommunalité, que la communauté de communes se substitue aux communes - il est, en effet, écrit noir sur blanc que l'on peut substituer à un ensemble de collectivités une collectivité nouvelle - nous aurions entendu de nombreuses protestations...
M. Michel Charasse. Ça, oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et on nous aurait expliqué que les communes sont en danger. Le texte tel qu'il est rédigé permet de substituer une intercommunalité aux communes et de supprimer les communes qui en font partie.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est écrit noir sur blanc !
Le texte permet de supprimer également les départements à l'intérieur d'une région de sorte que, dans telle région, il n'y aura pas de département.
Il permet encore de fabriquer une collectivité qui comprendrait, par exemple, une région et trois départements.
M. Michel Charasse. Désastreux !
M. Jean-Pierre Sueur. Bref, toutes sortes de constructions à caractère aléatoire seraient désormais possibles, sur l'ensemble du territoire, avec, ici, une formule de collectivité, là, une autre, plus loin, une autre encore, et ainsi de suite.
M. Michel Charasse. Il s'agirait plutôt de destruction que de construction ! M. Jean-Pierre Sueur. Autrement dit, nous ouvrons la voie à la constitution de collectivités locales sui generis avec, comme corollaire, la possibilité de compétences elles-mêmes sui generis. En somme, ce qui relève de l'Etat se trouvera être résiduel et même diversement résiduel, puisqu'il reviendra à l'Etat de faire ce que les collectivités aux contours indistincts n'auront pas choisi de faire dans le cadre de leur pouvoir d'expérimentation.
Faisons très attention ! Nous sommes pour la décentralisation, à condition que ses bases soient claires et compréhensibles par les citoyens.
Vous savez tous combien ce projet de loi constitutionnelle introduit de flou et de vague. Est-ce la meilleure façon de réconcilier les citoyens et la politique et de leur permettre de bien percevoir l'architecture territoriale de notre pays ? A notre avis, il eût été sage d'être plus précis. Vous ne le voulez pas. Nous en prenons acte, mais, une fois encore, nous avons le sentiment que, quels que soient la qualité, le nombre et la pertinence des arguments que nous avançons, cela n'aura strictement aucun effet, puisque vous avez décidé préalablement qu'il en serait ainsi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 10 et 53.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 11 et 52.
M. Jean-Pierre Sueur. Si nous avons choisi de solliciter un scrutin public, c'est parce qu'il s'agit ici de cette fameuse phrase dans laquelle il est question de la « vocation » - voilà un terme intéressant - des collectivités locales et qui se trouverait inscrite dans la Constitution, si d'aventure vous n'adoptiez pas notre amendement.
Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que la vocation des collectivités territoriales est d'exercer au mieux les compétences... qu'elles peuvent exercer le mieux, si j'ai bien compris ! Voilà une disposition totalement floue, totalement indéfinie, qui ouvre un boulevard aux interprétations du Conseil constitutionnel.
M. François Marc. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Demain, une collectivité - commune, département, région - pourra estimer que la sécurité est une compétence qu'elle exerce mieux que l'Etat, ou au mieux ou le mieux,...
M. Gérard Braun. Mieux que Sarkozy, ce n'est pas possible ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Il ne sera pas toujours là !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et, dans ce cas, on ne pourra pas le lui interdire, puisque la Constitution prévoira cette possibilité.
M. le ministre délégué l'a répété à plusieurs reprises, il se refuse à définir préalablement les prérogatives et les compétences de l'Etat...
M. Gérard Braun. Il l'a redit !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, il l'a redit et il y tient. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi il est si difficile de définir les compétences de l'Etat républicain ! En tout cas, on voit bien que, dans ce système, chaque collectivité pourra décréter finalement qu'elle est la meilleure dans telle ou telle compétence, faute de précision dans la loi. Peut-être y en aura-t-il plus tard...
M. René Garrec, rapporteur. Mais oui, il y en aura ! C'est la loi qui donnera des précisions sur ce qu'il est possible de faire !
M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, dans la Constitution, il n'y a rien !
Mes chers collègues, de deux choses l'une : ou bien cela n'a pas de portée, auquel cas il ne faut pas l'inscrire dans la Constitution - quel intérêt, en effet, de faire figurer des voeux pieux dans la Constitution ?
M. Michel Charasse. C'est comme dans l'Europe !
M. Jean-Pierre Sueur. Ou bien cela a une portée, auquel cas il faut savoir qui définit le « mieux ». Or ce n'est précisé nulle part dans le texte. Voilà donc une bonne intention qui se traduira par une République aléatoire, ce qui n'est ni notre conception de la République, ni notre conception de la décentralisation !
M. Hilaire Flandre. Je suggère que M. Sueur fasse une constitution !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. J'ai le sentiment, mes chers collègues, que vous commencez à être sensibles à nos arguments. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Eric Doligé. C'est de la provocation !
M. Bernard Frimat. Je vais donc continuer, après M. Jean-Pierre Sueur, d'essayer de vous convaincre. Il est vrai que notre conviction est grande.
Monsieur le rapporteur, nos amendements seraient donc inutiles. S'agissant de mentions inutiles, précisément, je me permets de reprendre votre rapport. Je rappelle que l'Assemblée nationale a cru devoir ajouter les mots : « prendre les décisions pour l'ensemble des compétences. » Si je vous lis bien, vous vous êtes interrogé sur l'utilité de la précision. Mais vous concluez à l'adoption !
Autrement dit, l'alinéa étant inutile, il fallait l'adopter sans modification !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous vous trompez !
M. Bernard Frimat. Si vous continuez à développer la même argumentation, vous pourrez faire bon accueil à bien de nos interprétations ! (Sourires.) Mais pourquoi proposer un vote conforme sur une disposition qui pose question ?
Par ailleurs, M. Jean-Pierre Sueur l'a très bien démontré, il s'agit d'une faculté et non pas d'un droit : tel est le sens du mot « vocation ».
Je sais bien que la crise des vocations perturbe un certain nombre d'entre vous (M. Gérard Delfau s'esclaffe),...
M. Michel Charasse. Les Eglises !
M. Bernard Frimat. ... mais est-ce une raison pour risquer d'ouvrir ainsi la porte à toutes les interprétations ?
Et la subsidiarité ne peut-elle inciter à une nouvelle lecture de l'article 34 de la Constitution, qui, d'une certaine façon, ne serait plus qu'une énumération limitative de ce qui est du ressort de la loi, donc de la compétence de l'Etat ?
Pour toutes ces raisons, pour ce flou et cette inutilité, il faut, monsieur le rapporteur, que vous nous aidiez à supprimer cet alinéa.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Mon propos sera bref car, chers collègues, vous avez décidé de rester sourds à toute argumentation.
M. René Garrec, rapporteur. Bien sûr !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Conforme !
Mme Nicole Borvo. Nous n'avons pas de débat.
M. Hilaire Flandre. Il a déjà été fait !
M. Robert Del Picchia. Conforme !
Mme Nicole Borvo. Nous renouvelons nos craintes et nos objections, qui sont partagées bien au-delà des rangs de l'opposition, comme vous le savez.
Si au moins nous disposions de quelques renseignements sur les lois organiques,...
M. René Garrec, rapporteur. Nous y travaillons !
Mme Nicole Borvo. ... peut-être pourrions-nous comprendre exactement pourquoi vous voulez rester dans ce flou qui va aboutir à un véritable patchwork sur notre territoire.
D'ores et déjà, on entend telle région déclarer vouloir gérer les forêts, telle autre réclamer une autre compétence. Les forêts n'appartiennent-elles pas à l'ensemble de la collectivité ?
M. Hilaire Flandre. Pourquoi pas ? Les forêts seront mieux gérées !
Mme Nicole Borvo. La situation risque vite d'être incompréhensible, et qui en pâtira, si ce n'est le citoyen ?
M. Hilaire Flandre. Evidemment, ce n'est pas du centralisme démocratique !
Mme Nicole Borvo. Franchement, il serait souhaitable que vous entendiez un certain nombre d'arguments et que vous essayiez vous-mêmes de voir les faiblesses, notamment le flou, de ce texte.
Chers collègues, il s'agit d'un texte constitutionnel et cette qualité exige la rédaction la plus claire possible, mais la plus ramassée, aussi. Mais non ! on ne cesse d'y ajouter toutes sortes de mentions et d'ambiguïtés inextricables, qui seront source de contentieux et de difficultés pour les citoyens que vous prétendez vouloir rapprocher des pouvoirs publics.
M. Christian Cointat. C'est ce qu'ils souhaitent !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. J'ai un problème de vocabulaire avec les exégètes de mon rapport. En effet, quand je pense souplesse, ils disent flou, ce qui n'est pas pareil !
Mme Nicole Borvo. Le flou, ce n'est pas le souple !
M. René Garrec, rapporteur. C'est vous qui parlez de flou ! Moi, je vois dans le dispositif de la souplesse. Donc, nous ne parlons pas de la même chose !
J'ai beaucoup d'admiration pour M. Frimat comme pour M. Sueur, qui se livrent au commentaire d'une seule phrase de mon rapport : « Tout en s'interrogeant sur l'utilité de cette précision ! - c'est la démocratie et même un juriste peut se poser la question ! - la commission des lois vous propose d'adopter cet alinéa sans modification ». La question est posée à juste titre : mais que se passera-t-il ?
Mme Nicole Borvo. Que se passera-t-il, en effet ?
M. René Garrec, rapporteur. On ne va pas, avec son petit panier sous le bras, faire son marché et choisir ses compétences, qui, les forêts, qui, les haras ! Non, mes chers collègues, la collectivité territoriale dit ce qu'elle veut ; l'Etat analyse ce qui peut être fait et fixe le cadre de ce qui est possible. La loi, mes chers collègues, la loi, toujours la loi ! M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 11 et 52.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du réglement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 70:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 105 |
Contre | 205 |
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° 18. (Protestations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Charasse. Ne commencez pas « à grogner », vous ne savez pas ce que je vais dire !
Compte tenu du fait que le président-rapporteur de la commission et le ministre ont confirmé, pour l'amendement n° 18, comme pour l'amendement n° 19, d'ailleurs, que les attributions de souveraineté restaient à l'écart, c'est-à-dire qu'il ne pouvait y avoir de subsidiarité et, donc, qu'aucune collectivité ne pourrait dire demain qu'elle veut exercer, par exemple, des prérogatives en matière de police et de maintien de l'ordre, car c'est de la souveraineté, puisque donc tout cela a été confirmé et figurera aux travaux préparatoires, ce qui est maintenant, compte tenu de l'attitude générale de refus de tous les amendements, la seule chose qui compte vraiment, je retire les amendements n°s 18 et 19.
M. le président. Les amendements n°s 18 et 19 sont retirés.
Monsieur Charasse, j'aurais eu tort de donner le sentiement que vous me prêtiez, et je vous remercie du retrait de ces deux amendements.
M. Michel Charasse. Vous n'étiez pas visé, monsieur le président !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12 et 60.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63,
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 15 et 65.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 64.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Gérard Delfau. C'était un bon amendement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons tenter une nouvelle fois de vous convaincre, mes chers collègues, mais la tâche est extrêmement difficile.
M. Gérard Braun. Impossible !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas impossible,...
M. Christian Cointat. A l'impossible, nul n'est tenu !
M. Jean-Pierre Sueur. ... car je crois que l'esprit progresse toujours !
M. Michel Charasse. Ce n'est pas l'esprit, c'est le remords !
M. Jean-Pierre Sueur. Quel que soit le vote, la force de l'idée progresse toujours !
Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Voilà ce que prévoyaient déjà les lois Defferre-Mauroy de 1982 !
M. Michel Charasse. Merci Gaston !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce sera dans la Constitution, et nous y sommes totalement favorables.
M. René Garrec, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. Simplement, vous assortissez cette première phrase d'une autre qui commence par « cependant », et voyez-vous, il faut toujours se méfier de l'usage de cet adverbe.
M. René Garrec, rapporteur. Il est volontaire !
M. Jean-Pierre Sueur. « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. » La phrase est claire, et elle se suffit à elle-même. Mais voilà qu'apparaît le « cependant », et, avec ce « cependant », les choses commencent à se gâter.
M. Robert Del Picchia. « Cependant », je vais voter l'article 4 !
M. Jean-Pierre Sueur. « Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »
Nous proposons, nous, pour cet alinéa, une rédaction beaucoup plus claire, que je vous rappelle : « Lorsque la réalisation d'un objectif commun nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi détermine les conditions dans lesquelles ces collectivités peuvent confier librement à l'une d'entre elles la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions nécessaires ainsi que les modalités de leur participation à l'action commune. »
Vous ne voulez pas du membre de phrase suivant : « peuvent confier librement à l'une d'entre elles ».
M. René Garrec, rapporteur, et M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. C'est conventionnel !
M. Jean-Pierre Sueur. Imaginons que demain la construction des bâtiments universitaires relève de la région.
M. René Garrec, rapporteur. Non, surtout pas !
M. Jean-Pierre Sueur. On peut être ou ne pas être d'accord, toujours est-il qu'avec ce que vous voulez inscrire dans la Constitution la région pourra décider librement, souverainement,...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pas souverainement !
M. Jean-Pierre Sueur. ... que le département est taxé de telle ou telle somme et que la commune, l'intercommunalité ou l'agglomération doit payer telle ou telle charge.
M. René Garrec, rapporteur. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. Soyons clairs : « Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. La loi en effet !
M. Jean-Pierre Sueur. ... peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. » Mais qu'est-ce que l'organisation des modalités ?
Et pourquoi préférez-vous cette rédaction à celle qui est proposée par M. Jean-Claude Peyronnet et le groupe socialiste ?
M. Bernard Frimat. Qui est meilleure !
M. Jean-Pierre Sueur. Qu'est-ce qui vous gêne dans le fait que plusieurs collectivités partageant la même compétence ou le même projet décident librement de confier à l'une d'entre elles le soin d'organiser la mise en oeuvre de l'action commune ?
M. René Garrec, rapporteur. Ce n'est pas du droit, c'est de l'exégèse !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Théologique !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons jamais obtenu le début du commencement d'une réponse.
Si vous tenez à dire qu'il n'y a pas de tutelle d'une collectivité sur l'autre, très bien, mais restez-en là !
Cela se fait déjà couramment lorsqu'un projet intéresse plusieurs collectivités : on s'installe autour d'une table, on débat, puis on arrive à un accord ou à une convention, convention que les collectivités ont la liberté de signer ou de ne pas signer.
Mme Nicole Borvo. Eh oui ! Les collectivités sont majeures !
M. Jean-Pierre Sueur. On passe contrat ou on ne passe pas contrat.
C'est tout de même tout à fait différent du système que vous proposez, dans lequel la loi confie l'organisation à une seule collectivité. Les autres collectivités seront alors tenues de se plier, en vertu du principe constitutionnel que vous voulez édicter, aux décisions de la collectivité qui aura reçu la responsabilité d'« organiser » l'action commune.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est la troisième fois qu'il nous dit cela !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi refusez-vous d'ajouter l'adverbe « librement » ? En quoi vous gêne-t-il ?
Je suis sûr que je ne recevrai toujours pas de réponse, puisque c'est un dialogue de sourds et que vous avez décidé de ne pas répondre. Je suis pourtant sûr que plusieurs ici pensent qu'il ne serait pas si néfaste de parler de libre accord conclu entre des communes !
Mme Nicole Borvo. On préférerait !
M. Jean-Pierre Sueur. Serait-ce vraiment une erreur ? Je vous laisse méditer cette question, chers collègues de la majorité sénatoriale, même si je sais que, quel que soit le résultat de votre méditation, vous n'adopterez pas cet amendement puisque vous avez préalablement décidé que, quels que soient nos arguments, vous n'en adopteriez aucun.
M. Hilaire Flandre. C'est parce que vos arguments ne sont pas terribles !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Il serait tout de même très grave que le Sénat, sur un sujet consubstantiel à sa nature et à son histoire, ne s'attachait pas à dissiper les craintes que la formulation actuelle de l'article 4 peut légitimement inspirer.
M. Jean-Pierre Schosteck. Parlez pour vous !
M. Gérard Delfau. Il y a, dans la formulation actuelle, un risque de contrainte exercée par une collectivité sur d'autres, de mise sous tutelle...
M. René Garrec, rapporteur et M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. Mais non !
M. Gérard Delfau. ... et cela me rappelle certains dispositifs de la loi Chevènement - et, dans ma bouche, ce n'est pas un compliment s'agissant de ce point précis - que j'avais vainement combattus. On a vu depuis comment, sous une certaine forme, l'intercommunalité pouvait être non pas librement consentie mais très clairement imposée par la commune la plus importante. (Mme Jacqueline Gourault s'exclame.)
Ma chère collègue, examinez donc ce qui s'est passé au cours des deux ou trois dernières années en France et vous verrez quelques exemples de ce que je dis, exemples qui sont d'ailleurs bien connus de tous dans cette assemblée.
Le risque est exactement le même, et c'est d'autant plus dommageable que je suis évidemment favorable, comme je l'étais lors de l'examen de la loi Chevènement, à une meilleure organisation du travail entre les collectivités territoriales et à davantage de cohérence.
De grâce, n'enclenchez pas une mécanique qui risque de s'emballer et de nous emporter vers ce que le Sénat tout entier refuse : la subordination d'une collectivité territoriale par rapport à une autre.
Nous sommes dans une situation absurde : alors que nous sommes quasiment tous d'accord, à quelques nuances près, nous ne parvenons pas à nous expliquer. Du point de vue du fonctionnement du Sénat, c'est vraiment dommage...
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n'est pas vrai !
M. Bernard Frimat. Permettez-moi de formuler quelques remarques sur l'article 4.
On voit bien le lien entre les notions de chef de file et de subsidiarité.
Première remarque sur un point qui m'étonne : d'une part, vous affirmez la notion de subsidiarité en confiant à la collectivité territoriale qui peut le mieux l'assumer la responsabilité, puis, d'autre part, vous dites qu'elles seront plusieurs à pouvoir le mieux l'assumer et vous en concluez qu'elles s'associeront. Comment dès lors raccorder les notions de subsidiarité et de chef de file ?
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Par la loi !
M. Bernard Frimat. Deuxième remarque, ou plutôt série de remarques, sur cet aspect « pluriel » qui pourrait nous réjouir, et je m'inspire là encore des travaux de l'Assemblée nationale.
M. Clément, à la page 94 de son rapport, considérait ainsi que le texte proposé semblait autoriser la collectivité chef de file à imposer son point de vue aux autres dans l'organisation des modalités de leurs actions communes.
M. Jean-Luc Warsmann a, quant à lui, estimé que le financement des actions communes s'apparenteraient, pour les collectivités impliquées, à une dépense obligatoire.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Bernard Frimat. Dès lors, comment pouvez-vous concilier cette notion de dépense obligatoire, de dépense imposée...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est la loi !
M. Bernard Frimat. ... qui pourrait donc, à la limite, être inscrite d'office, avec le principe, sur lequel nous sommes tous d'accord ici et qui n'a pas posé problème d'autant que vous l'affirmez en reprenant les termes mêmes de la loi Deferre-Mauroy, principe selon lequel il n'y a pas de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ?
On pourrait simplement, au minimum, s'en tenir à ce consensus, et vous vous rendez compte de ce que signifierait un vote unanime de notre assemblée sur un des points de loi, modifié par un amendement qui, pour une fois, aurait été accepté, tout au moins en partie. On garderait en effet simplement le premier terme de l'amendement n° 17.
Mettons-nous donc d'accord sur ce point. Nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau puisque, aujourd'hui, nous ne connaissons rien des modalités d'organisation du « chef-de-filat », et contentons-nous alors, puisque c'est la Constitution, d'affirmer des principes.
Au pis, si c'est encore trop vous demander, faites-nous au moins l'aumône d'un amendement qui se réduirait à un mot ou, plus exactement, à supprimer le terme « cependant », puisque c'est bien ce mot qui a pour effet de mettre une restriction à l'interdiction de la tutelle.
Supprimons-le donc !
M. René Garrec, rapporteur. Il est essentiel : c'est une articulation.
M. Bernard Frimat. M. Gélard nous a expliqué, avec beaucoup de talent, que tout cela était mal écrit.
Mme Nicole Borvo. Corrigeons donc le texte !
M. Bernard Frimat. Vous pouvez donc peut-être, sans renoncer au principe, renoncer à cet adverbe !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Cela n'améliorerait pas le texte !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. La première phrase de l'avant-dernier alinéa affirme un principe, mais elle ne sert à rien puisque le principe est déjà posé dans la Constitution, l'article 72 prévoyant en effet que les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ».
Il n'y a aucune tutelle, les préfets n'exerçant qu'un contrôle administratif par l'intermédiaire de la juridiction compétente.
Il n'y a pas de tutelle dans la Constitution, c'est donc la liberté et la première phrase ne sert évidemment à rien.
M. René Garrec, rapporteur. Sauf « si » !
M. Michel Charasse. La loi Deferre s'était contentée de transcrire dans la loi ordinaire un principe constitutionnel. On veut le répéter, cela nous fait plaisir, mais il faut bien dire que cela ne change pas grand-chose !
M. René Garrec, rapporteur. Si !
M. Michel Charasse. En revanche, et, si je puis dire, « cependant », la deuxième phrase change tout : elle « flanque » tout par terre dès lors qu'il semble qu'il pourrait bien y avoir une tutelle si la loi en décidait ainsi !
M. Jean-Claude Peyronnet. Bien sûr !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n'est pas une tutelle !
M. Michel Charasse. Cependant, mes chers collègues, M. Devedjian nous a dit en première lecture que rien ne serait obligatoire, notamment en matière de financement, à l'occasion de l'examen de l'amendement que j'avais présenté avec mes amis du groupe socialiste et qui tendait à préciser « avec leur accord » - amendement qui vous sera soumis dans quelques minutes.
Il y avait eu, à la faveur d'une suspension de séance, un « mini-congrès » des présidents de conseils généraux au pied de la tribune et M. Devedjian, acculé, avait été obligé de dire : oui, cependant « cependant » ne veut pas dire ça ! (Sourires.)
Cependant, mes chers collègues, selon le Larousse, que je viens à l'instant de consulter à la bibliothèque, le mot « cependant » marque bien une opposition, une restriction : opposition donc à la liberté sans tutelle, restriction à l'absence de tutelle.
« Cependant » change le sens de la première phrase puisqu'il lui apporte une restriction.
Si je puis dire, ce « pendant » à la première phrase flanque tout par terre. (Nouveaux sourires.) Or, il n'y aura que les travaux préparatoires de première lecture pour indiquer le caractère non impératif de ce « cependant » et je pense qu'il vaudrait mieux, dans ces conditions, réécrire l'article en bon français, c'est-à-dire lui faire dire ce qu'on dit qu'il veut dire et non pas ce qu'on dit qu'il ne dit pas.
M. Gérard Braun. C'est du Raymond Devos !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je veux tout de même rappeler que dans le texte du projet de loi il était à l'origine indiqué que « lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut confier à l'une d'entre elles le pouvoir de fixer les modalités de leur action commune ». Mais c'était une atteinte au principe selon lequel il ne doit pas y avoir de tutelle, et vous avez donc modifié le texte, qui prévoit désormais que « la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune ».
Il paraît que ce n'est plus la même chose. Il paraît que « organiser les modalités de l'action commune » ce n'est plus « fixer les modalités », et donc, dans votre esprit, ce ne serait plus une tutelle.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Cela n'a jamais été une tutelle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une raison supplémentaire pour supprimer le mot « cependant » après le rappel, que vous avez ajouté, du principe selon lequel « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ».
Je veux ajouter que ce n'est pas vrai dans la pratique. En vérité, tant qu'une commune attendra des subventions du département ou de la région et que le département en attendra de la région, il y aura tutelle d'une collectivité sur une autre, et c'est cela qu'il aurait fallu empêcher en donnant à chaque collectivité les moyens de ses compétences !
M. Michel Charasse. Il a raison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le répète, il faudrait tout de même que vous nous expliquiez ce que signifie la nouvelle formule : « organiser les modalités de leur action commune », par rapport à l'ancienne formule : « confier à l'une d'entre elles le pouvoir de fixer les modalités de leur action commune ». Ce n'était pas la peine de changer de formule si vous devez dire que c'est une entorse au principe de la tutelle ! J'aimerais donc obtenir une réponse sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Je serai brève, parce que tout a été dit, mais je veux souligner combien il est dommage que vous soyez muets ! On avait cru comprendre, en première lecture, que vous étiez très opposés à la tutelle d'une collectivité sur l'autre.
Maintenant, après les démonstrations habiles des uns et des autres, tout le monde, je crois, convient que « cependant » apporte une restriction au principe énoncé précédemment. Pourtant, aucun de vous ne nous donne d'explication sur le fait que vous acceptiez ce « cependant » et donc la restriction au principe que vous défendiez naguère. Je suis certaine que, parmi vous, nombreux sont ceux qui regrettent tout de même que l'on ait réussi à réintroduire la tutelle d'une collectivité sur l'autre !
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je ne comprends pas pourquoi ce débat a lieu maintenant. Il a déjà eu lieu en première lecture, et le texte que nous examinons ce soir est, ni plus ni moins, le texte que le Sénat a déjà voté.
Par conséquent, pourquoi recommencer ce débat ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Sénat, c'est la réflexion !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Nous avons déjà examiné tout cela deux fois en commission et une fois en séance publique. On remet ça !
Mme Nicole Borvo. Le Parlement est libre !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez à tout prix reprendre un débat qui a déjà eu lieu et qui nous a permis d'aller au fond des choses.
Mme Hélène Luc. Vous ne changez donc jamais d'avis ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce qui vient d'être dit est stupéfiant : nous n'aurions pas le droit, en deuxième lecture, de proposer des modifications !
Ce matin, on nous a expliqué que nos propositions étaient contraires à l'avis de la commission au simple motif - je vous laisse juge de sa validité juridique - que celle-ci a décidé de voter conforme. Cela nous avait laissés sans voix.
Force est de reconnaître que la discussion est arrêtée ! Nous avons bien compris que vous ne répondriez pas à nos arguments. Laissez-nous au moins les développer librement !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 71:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 110 |
Contre | 206 |
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 16 et 68.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, conformément à la décision de la conférence des présidents, nous devrons arrêter nos travaux au plus tard à deux heures du matin, pour pouvoir commencer à onze heures notre séance mensuelle réservée à l'ordre du jour fixé par le Sénat.
En conséquence, si nous n'avons pas achevé l'examen du projet de loi constitutionnelle avant deux heures, nous poursuivrons cette discussion demain, après l'ordre du jour réservé, selon toute vraisemblance en soirée, c'est-à-dire, en clair, dans la nuit ! (Sourires.)
Articles additionnels après l'article 4