SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 19. - A l'article 5 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant
diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, l'année "2002" est
remplacée par l'année "2003". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-48, présenté par MM. Souvet, Vasselle, Gournac, Esneu,
Leclerc, Giraud, P. Blanc, Chérioux et Lardeux et Mme Olin, est ainsi libellé
:
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - A la fin de l'article 5 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001
portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, les mots :
"et 1 219 592 137 euros en 2002" sont supprimés.
« II. - Les éventuelles pertes de recettes pour l'Etat susceptibles de
résulter du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
L'amendement n° I-186, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« A la fin de l'article 5 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant
diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, les mots : "et 1
219 592 137 euros en 2002" sont supprimés. »
La parole est à M. Louis Souvet, pour présenter l'amendement n° I-48.
M. Louis Souvet.
Cet amendement vise à supprimer le versement de 1,2 milliard d'euros de
l'UNEDIC à l'Etat qui avait été prévu par la loi du 17 juillet 2001 et que le
présent article reporte de 2002 à 2003.
Ce versement apparaît aujourd'hui difficilement soutenable pour notre régime
d'assurance chômage dont la situation financière s'est fortement dégradée.
En juin 2001, à la date d'examen du projet de loi autorisant ce versement, les
perspectives financières de l'UNEDIC apparaissaient encore favorables ;
l'UNEDIC comptait à l'époque sur un résultat net largement excédentaire en
2002.
Depuis, la situation a profondément évolué. Déjà, au mois de juin dernier, le
Gouvernement avait logiquement accepté de reporter le versement prévu en 2002 à
2003, « compte tenu des grandes difficultés observées en 2002 et des efforts
consentis par les partenaires sociaux ».
Il est vrai que les partenaires sociaux gestionnaires du régime d'assurance
chômage avaient alors adopté une série de mesures de sauvegarde, passant
notamment par une hausse de 0,2 point de cotisations, permettant d'améliorer le
résultat net du régime de 800 millions d'euros en 2002. Mais la forte hausse du
nombre de chômeurs indemnisés a déjà absorbé l'impact de ces mesures de
sauvegarde.
L'UNEDIC, qui table désormais sur un déficit d'exploitation de l'ordre de 3,7
milliards d'euros en 2002, doit désormais recourir à l'emprunt pour éviter une
crise de trésorerie.
Dans ce contexte, le versement de 1,2 milliard d'euros en 2003 apparaît
insoutenable pour le régime d'assurance chômage. Déjà, dans leur relevé de
décisions du 19 juin dernier, les partenaires sociaux avaient demandé que «
l'opportunité de ce versement en 2003 soit examinée au regard de la situation
générale du régime. »
Cette opportunité apparaît dorénavant pour le moins douteuse. Les partenaires
sociaux devraient en effet adopter, d'ici à la fin de l'année, de nouvelles
mesures de sauvegarde. Là encore, une hausse significative des cotisations
semble inéluctable.
Dès lors, au moment où le Gouvernement affiche et met en oeuvre une politique
vigoureuse d'allégement des charges sociales, il serait paradoxal d'augmenter
les charges sociales dans le seul but d'accroître les recettes non fiscales de
l'Etat.
Aussi, je crois qu'il serait prudent de supprimer le versement prévu par cet
article ou, à tout le moins, de le reporter
sine die
. Il en va de la
sauvegarde même de notre régime d'assurance chômage.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour défendre l'amendement n°
I-186.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article que nous examinons prévoit le report en 2003 du versement par
l'UNEDIC de la somme de 1,219 milliard d'euros prévu pour le mois de novembre
2002 par l'article 5 de la loi du 17 juillet 2001, qui a en particulier porté
agrément de la nouvelle convention de l'UNEDIC instituant le Plan d'aide au
retour à l'emploi, le PARE.
L'amendement n° I-186 vise à supprimer la totalité de cette créance de l'Etat
sur l'UNEDIC. Cette mesure s'impose selon nous compte tenu à la fois de
l'ampleur des difficultés financières rencontrées cette année par cet organisme
et des mauvaises perspectives pour l'emploi en 2003 et dans les années à
venir.
Au cours de cette année, la situation financière de l'UNEDIC s'est
considérablement dégradée ; son déficit devrait atteindre 3,7 milliards
d'euros.
Cette situation préoccupante est la conséquence directe de la dégradation de
l'emploi, de la multiplication des plans sociaux et des licenciements
économiques comme de la poursuite de l'extension de la précarité. Elle résulte
également de l'application de la nouvelle convention, du coût du PARE et des
diminutions des taux de cotisations, notamment patronales, totalement
inconséquentes décidées sur la base des fragiles excédents des années 2000 et
2001.
Tout porte à croire que cette situation devrait perdurer l'an prochain. Même
en retenant vos prévisions de croissance très optimistes, monsieur le ministre,
le nombre de chômeurs augmenterait de 80 000 d'après l'INSEE et de 200 000
voire 250 000 selon d'autres instituts de prévision. Dans ces conditions, il
serait aussi inopportun l'an prochain qu'aujourd'hui de priver l'UNEDIC de
ressources.
Pour notre part, nous ne saurions accepter, comme le MEDEF le propose, que
l'on abaisse encore le niveau d'indemnisation des chômeurs en revenant, par
exemple, à la dégressivité des allocations, en augmentant les délais de carence
ou en baissant le taux de remplacement.
Je rappelle, comme je l'ai fait à l'occasion d'une question d'actualité
adressée à M. Borloo la semaine dernière, que près de 60 % des chômeurs ne
perçoivent rien des ASSEDIC et que l'indemnité moyenne s'élève seulement à 872
euros par mois.
De même, nous sommes totalement opposés au recours à l'emprunt sur les marchés
financiers, au taux du marché, pour combler les déficits, comme le dernier
conseil d'administration de l'UNEDIC vient de l'autoriser pour un montant de
2,9 milliards d'euros. Ce n'est pas aux chômeurs ni aux cotisants de payer des
intérêts financiers aux banques. L'Etat doit garantir des prêts sans frais
financiers qui pourraient être accordés, par exemple, par des institutions
financières publiques.
En 2003, il ne doit pas creuser le déficit en confirmant sa créance de 1,2
milliard d'euros. L'origine de cette dette de l'UNEDIC est d'ailleurs
contestable. Les versements prévus pour les années 2001 et 2002 par la loi du
17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et
culturel avaient été présentés, entre autres, comme la contribution de
l'organisme au financement de la réduction du temps de travail, ou plutôt aux
exonérations de cotisations sociales patronales inscrites dans les lois
Aubry.
Nous nous étions prononcés contre ce versement en 2001 en refusant que
l'argent de l'assurance chômage puisse servir à financer des cadeaux au
patronat dont la nocivité pour les salaires, l'emploi et le financement de la
sécurité sociale comme de l'UNEDIC est bien connue.
Nous vous invitons donc, dans une optique quelque peu différente de celle de
notre collègue Louis Souvet, à voter la suppression de la créance de l'Etat sur
l'UNEDIC en adoptant notre amendement.
Nous ne changeons rien à notre position de principe selon laquelle le
financement de l'assurance chômage doit avant tout provenir des cotisations. A
ce titre, je m'inquiète que vous n'ayez toujours pas indiqué, monsieur le
ministre, comment vous comptiez compenser auprès de l'UNEDIC le coût des
déductions de cotisations chômage que vous avez accordées - et que nous avions
désapprouvées - dans le cadre de la loi instituant les contrats-jeunes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ma réponse sera commune aux amendements n°s I-48 et
I-186, lesquels, si je ne me trompe, sont assez proches.
La loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel avait programmé, à titre exceptionnel, un versement de
l'UNEDIC à l'Etat de 1,067 milliard d'euros en 2001 et de 1,219 milliard
d'euros en 2002. En raison de la dégradation des comptes de l'UNEDIC - son
déficit avoisinerait 3,7 milliards d'euros cette année - l'article 19 du projet
de loi de finances organise le report en 2003 de la partie qui devait être
versée en 2002, ce report constituant une mesure d'attente.
Le régime de l'UNEDIC est en effet susceptible d'aménagements techniques
propres à favoriser, sans doute, son redressement et, tant que nous ne saurons
pas comment la situation évoluera, il serait, de notre point de vue,
dommageable de supprimer le versement de 1,22 milliard d'euros. Cela
équivaudrait à tirer la conséquence d'un débat ou de mises au point qui n'ont
pas encore eu lieu.
Au travers de l'amendement n° I-48, je crois comprendre que la préoccupation
première du vice-président de la commission des affaires sociales, M. Louis
Souvet, est bien le devenir structurel de l'UNEDIC, compte tenu de la situation
économique et de la situation de l'emploi, ainsi que de l'assiette des
contributions qui financent l'UNEDIC et des charges supportées par l'UNEDIC
dans le cadre défini par les partenaires sociaux.
C'est donc, de manière fondamentale, la question de l'équilibre financier
prévisionnel de l'UNEDIC qui est posée.
Or, il ne me semble pas que nous disposions ce matin des éléments nécessaires
- à moins M. le ministre nous apporte des informations complètement nouvelles -
pour traiter la question au fond, sauf à préjuger la réponse, ce à quoi
reviendrait, je l'ai dit, la suppression du versement de 1,22 milliard
d'euros.
Mes chers collègues, considérant que tout se tient dans nos comptes, et que ce
n'est pas, d'un côté, le solde des organismes sociaux et, de l'autre, le solde
de la loi de finances qu'il faut envisager mais bien le tout, c'est-à-dire le
déficit global des administrations publiques, il ne semble pas à la commission
des finances que l'on doive revenir sur les dispositions prévues par la loi du
17 juillet 2001, du moins pas tout de suite, pas dans les conditions
présentes.
En conclusion, la commission partage totalement l'avis exprimé par le
président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, lors du
débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution qui s'est tenu le 7
novembre dernier.
M. About parlait de ceux qui ne considèrent que la loi de financement de la
sécurité sociale et voudraient la « décharger » en faisant davantage appel à
l'Etat et de ceux qui, à l'inverse, ne considèrent que la loi de finances de
l'Etat et voudraient déplacer les curseurs de manière à réduire optiquement le
déficit de l'Etat par des contributions additionnelles des organismes
sociaux.
Nous nous étions trouvés en total accord pour faire prévaloir une optique
globale consolidée, et c'est celle qui a été retenue à l'issue du débat. C'est
d'ailleurs l'optique qui doit être adoptée afin de respecter pleinement nos
engagements européens, lesquels s'expriment, je le rappelle, en termes de solde
global des administrations publiques.
Mes chers collègues, ces quelques indications ayant été données, la commission
souhaite maintenant entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je veux commencer par rassurer Mme Beaudeau, qui
s'inquiétait de savoir si les exonérations pour les contrats jeunes en
entreprise seraient compensées. Il n'y a, madame Beaudeau, aucun problème : une
convention permettra la compensation.
Les amendements n°s I-48 et I-186 me donnent l'occasion de rappeler que
lorsque j'ai proposé, lors de l'examen du collectif, de faire crédit, en
quelque sorte, à l'UNEDIC jusqu'au projet de budget pour 2003, le Gouvernement
a été accusé, par le groupe socialiste notamment, d'accroître optiquement le
déficit.
Aujourd'hui, nous constatons que les problèmes de financement étaient réels en
2002.
Conformément à l'article 6 de la convention du 1er janvier 2001, les
partenaires sociaux ont pris des mesures de sauvegarde destinées à rééquilibrer
le régime d'assurance chômage. Dans le cadre des négociations, ils ont décidé
de reporter à 2003 le versement de 1,22 milliard dû à l'Etat.
L'article 19 n'a donc pas d'autre objet que d'autoriser l'UNEDIC à honorer
l'engagement pris dans le cadre de la convention du 1er janvier 2001 telle
qu'elle a été modifiée par l'avenant du 19 juin 2002.
Le vote des amendements proposés serait contraire à l'engagement pris dans
cette convention et à la volonté clairement exprimée par les partenaires
sociaux, qui sont les gestionnaires de l'UNEDIC.
En outre, le non-versement dégraderait la situation du budget de l'Etat, comme
M. le rapporteur général vient de le dire. S'il ne s'agit en aucune façon pour
le Gouvernement de nier les vraies difficultés d'équilibre de l'UNEDIC, je ne
crois pas qu'il soit raisonnable, du point de vue de la bonne gestion de nos
finances publiques, que le budget de l'Etat soit déséquilibré à due
concurrence.
L'Etat a fait un effort en acceptant de reporter l'encaissement de la créance
du budget de 2002 sur le projet de budget pour 2003, mais il n'est pas possible
d'aller au-delà, sauf à connaître des difficultés pour maintenir l'équilibre
budgétaire de l'Etat.
A ce stade, monsieur le rapporteur général, je n'ai pas d'autre élément à
porter à la connaissance du Parlement, mais je ne peux pas, malgré toute la
considération que je porte à mon ancien collègue Louis Souvet, donner un avis
favorable sur son amendement, car celui-ci aurait, comme l'amendement n° I-186,
pour effet de dégrader le solde budgétaire de l'Etat, à concurrence de la somme
prévue.
C'est ce qui me conduit, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous engager à
rejeter les deux amendements : à défaut, tout le travail que nous menons
ensemble depuis plusieurs jours serait mis à mal.
M. le président.
Monsieur Souvet, l'amendement n° I-48 est-il maintenu ?
M. Louis Souvet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des explications que vous venez
d'apporter.
Dans le cadre des travaux que je conduis pour le compte du Sénat, j'ai pu
auditionner le directeur général de l'UNEDIC. Comme je l'ai dit dans mon
propos, j'ai constaté que les mesures de sauvegarde qui avaient été prises ne
suffiraient pas à équilibrer la situation financière de cette institution, qui
est donc condamnée à enregistrer de nouveau un déficit considérable.
Vous avez annoncé 3,7 milliards d'euros de déficit : j'avais en tête le
chiffre de 3,8 milliards, et j'espère que nous n'irons pas plus loin.
Par ailleurs, lorsqu'un régime d'allégement de charges est mis en place, il me
semble quelque peu dommageable de ne pas agir à la source, afin d'alléger les
charges là où c'est nécessaire.
Pour autant, monsieur le ministre, j'ai bien compris que cet amendement, s'il
n'est pas inutile, est prématuré.
(M. le ministre délégué opine.)
J'accepte de le retirer, mais j'aimerais tout de même connaître la position de
l'Etat à l'égard de l'UNEDIC, afin de savoir où nous allons.
M. le président.
L'amendement n° I-48 est retiré.
Madame Beaudeau, l'amendement n° I-186 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-186.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
II. - Ressources affectées
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