SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002


M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 189, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 706-55 du code de procédure pénale. »
L'amendement n° 147 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer les quatrième alinéa (3°), sixième alinéa (5°) et septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-55 du code de procédure pénale. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-55 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "les articles 2 et 4" par les mots : "l'article 2". »
L'amendement n° 9, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article 706-55 du code de procédure pénal, après les mots : "de blanchiment", insérer les mots : "du produit". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 189.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous vous demandons de supprimer purement et simplement le texte proposé pour l'article 706-55 du code de procédure pénale, cet article fort long qui élargit le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Seraient donc désormais visées les infractions de nature sexuelle - c'était déjà le cas -, les crimes contre l'humanité et les crimes et délits d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de tortures et actes de barbarie - en somme, M. Papon -,...
M. Jean-Jacques Hyest. C'était déjà le cas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... les crimes et délits de vols, d'extorsions, de destructions, de dégradations et détériorations.
M. Jean-Jacques Hyest. C'était déjà le cas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On pourrait trouver peut-être aussi l'exécution de tags, si ce n'était pas une contravention. Mais cela pourrait devenir rapidement un délit.
Je poursuis l'énumération des infractions visées : les menaces d'atteintes aux biens, puis les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme - ce n'est quand même pas de la même valeur - , l'association de malfaiteurs et les crimes prévus aux articles tant et tant, auxquels s'ajoutent les infractions de recel ou de blanchiment de l'une des infractions que je viens de mentionner, et l'énumération n'est pas exhaustive !
Bref, pour résumer, il y avait, au départ, quarante-deux infractions ; il y en aura désormais cent trente-huit. J'ai pris la peine de les compter et cela figure d'ailleurs dans l'objet de l'amendement.
La loi relative à la sécurité quotidienne a étendu le contenu de ce fichier à d'autres infractions très graves dont la liste figure dans l'article 706-55 du code de procédure pénale. Ainsi, ce fichier concerne non plus seulement les infractions sexuelles, mais aussi les crimes que j'ai rappelés.
Mais il y a plus : il ne faut pas oublier, en effet, qu'à l'origine le dispositif était provisoire et n'était prévu que pour une durée déterminée. Il s'agissait, à l'époque, de lutter contre le terrorisme.
Or, aujourd'hui, il n'est plus question de dispositions temporaires.
M. Hilaire Flandre. Le dispositif restera en vigueur jusqu'à la fin du terrorisme !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On prend la décision de le pérenniser, ce n'est donc plus la même chose.
Enfin, on étend considérablement le champ à d'autres catégories de personnes, aux suspects, qui, antérieurement, n'étaient pas visés et qui n'étaient pas non plus visés par la loi du 15 novembre 2001.
Ce sont autant de raisons de ne pas accepter le texte qui nous est proposé, et donc de s'en tenir à ce qui existe, et qui est déjà largement suffisant.
L'article 15 ici proposé vient bouleverser l'économie actuelle du dispositif qui repose sur l'équilibre entre le respect des garanties fondamentales et la nécessité d'utiliser davantage les techniques scientifiques susceptibles d'améliorer l'efficacité des enquêtes pénales.
Lorsque l'on a débattu des dispositions provisoires contre le terrorisme dans le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne, vous auriez pu proposer tout cela, mais vous n'avez rien fait. Rien !
M. Jean Chérioux. Nous avons pris le temps de la réflexion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez pris le temps de la réflexion ? Cela vous va bien ! Vous dénoncez l'insécurité juridique due à l'inflation de textes que personne ne connaît plus, mais vous nous proposez de passer de quarante-deux infractions à cent trente-sept !
M. Dominique Braye. Cent trente-huit ! Il faudrait savoir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais enfin, vous faites ce que vous voulez...
M. Braye me permettra de lui dire que s'il n'est pas content d'être de service ce soir, on ne le retient pas. (Rires.)
M. Jean Chérioux. Mais c'est invraisemblable : nous sommes tout de même dans une assemblée parlementaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela étant, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement.
M. Dominique Braye. M. Dreyfus-Schmidt devrait aller prendre un peu de repos !
Mme Nicole Borvo. Ils s'énervent à droite !
M. le président. Chers collègues, je vous en prie.
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 147 rectifié.
M. Robert Bret. Nous sommes opposés à ce que le fichier des empreintes génétiques soit élargi sans limite à toutes sortes d'infractions ou presque, comme nous nous étions opposés à la même extension du STIC.
Nous renouvelons donc nos réserves concernant l'extension du fichier aux infractions autres que criminelles, comme nous doutions de l'opportunité de cette extension pour les fichiers de police.
Il est prévu que ce fichier national automatisé des empreintes génétiques soit étendu aux suspects de nombreuses infractions, en plus des infractions sexuelles et criminelles, telles que le vol, l'extorsion, les destructions, le recel ou encore la fabrication et le commerce d'armes non autorisés.
Là encore, nous ne sommes pas opposés à la mise en place d'un fichier des empreintes génétiques pour les infractions sexuelles et les crimes.
En effet, à condition qu'il soit régulièrement mis à jour afin d'être utilisé à bon escient, ce fichier est souhaitable en ce qu'il permet de faciliter les enquêtes relatives à ces infractions.
Pour autant, une extension de ce fichier, telle qu'elle est présentée dans ce projet de loi, modifie profondément la nature du dispositif, et nous estimons que la mention de nombreuses infractions sans violence viendraient l'encombrer inutilement.
La finalité et la tenue d'un fichier d'empreintes génétiques se comprend plutôt dans une optique d'élucidation des viols et des crimes de sang, bref, de toutes les infractions pour lesquelles les policiers sont susceptibles d'avoir à recouper des indices corporels.
En revanche, pour tous les autres crimes ou délits, nous disposons déjà du STIC et du casier judiciaire. C'est largement suffisant - en tout cas, nous le pensons - et l'intérêt d'un fichier est qu'il soit le plus utile possible et non pas le plus surchargé d'informations personnelles inutiles.
C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons de restreindre le fichier national automatisé des empreintes génétiques aux seuls infractions sexuelles et crimes. M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 8 et 9, ainsi que pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 189 et 147 rectifiés.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 8 a pour objet de corriger une référence erronée.
L'article 4 de la loi du 24 mai 1834 sur les détenteurs d'armes ou de munitions de guerre ne prévoit aucune infraction. Il n'est donc pas utile de viser cet article parmi ceux qui peuvent donner lieu à inscription d'empreintes génétiques dans le fichier.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela n'en fait plus que 137 !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 9 est un amendement de clarification rédactionnelle.
L'amendement n° 189 supprime entièrement la liste des infractions qui peuvent donner lieu à une inscription d'empreintes au fichier des empreintes génétiques.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Si cet amendement était retenu, plus aucune empreinte ne pourraît être enregistrée dans le fichier.
La commission émet donc un avis défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 147 rectifié, il vise à réduire la liste des infractions susceptibles de justifier une inscription au fichier des empreintes génétiques.
Cet amendement, s'il était adopté, aurait notamment pour effet d'interdire l'inscription au fichier d'empreintes de personnes ayant commis des vols en bande organisée ou des vols avec torture et actes de barbarie.
M. Hilaire Flandre. Rien que cela !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 147 rectifié. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. Nous sommes favorables aux deux amendements rédactionnels présentés par la commission, car ils améliorent le texte.
S'agissant des deux autres amendements, nous quittons le domaine juridique pour entrer dans le champ politique.
Nous avons reçu un mandat clair du peuple : restaurer l'autorité publique,...
Mme Nicole Borvo. Et allez donc !
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat. ... ce qui impose que nous nous donnions les moyens d'y parvenir, dans un cadre juridique parfaitement démocratique, bien sûr.
Ces deux amendements, qui n'ont d'autre finalité que de nous faire renoncer à la philosophie de l'article 15 et donc à la nécessaire restauration de l'autorité publique, doivent être rejetés. ( Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. )
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 189.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le secrétaire d'Etat, quant au message que vous prétendez avoir reçu, vous pourriez au moins tenir compte des voix qui ont été apportées à M. le Président de la République par toute la gauche, ou presque.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En somme, nous avons le sentiment de faire, nous aussi, un peu partie de la majorité présidentielle. ( Rires et exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Robert Del Picchia. C'est très bien, ça !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous aimerions que vous en teniez compter, au lieu de rire !
Il n'y a vraiment pas de quoi rire, car, pour le reste, vous paraissez avoir entendu toutes sortes de messages.
Mme Nicole Borvo. Et, 19 % d'électeurs, ça ne suffit pas pour parler d'un message !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai déjà dit, vous avez entendu le message de M. Le Pen, que nous, nous nous refusons à entendre, et vous faites une loi...
M. Dominique Braye. Pour le contrer justement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui aura pour effet de placer le Gouvernement, le ministre de l'intérieur en particulier, à la tête d'une armée, police et gendarmerie confondues, de 250 000 hommes qui pourront arrêter tout le monde à tout moment. (Protestations sur les travées du RPR.)
Je ne dis pas que ce ministre de l'intérieur en particulier a l'intention de le faire, je dis que vous donnez à ceux qui, un jour, en auraient l'intention tous les moyens de le faire. Voilà votre réponse au message que vous, vous avez entendu !
Vous n'avez pas reçu les pleins pouvoirs pour faire tout et n'importe quoi, mais c'est pourtant exactement ce que vous faites.
J'en reviens à l'amendement n° 189. Vous dites, monsieur le rapporteur, qu'il aurait pour effet d'empêcher toute inscription d'empreintes dans le fichier. Ce n'est pas vrai. La loi relative à la sécurité quotidienne reste applicable et elle donne - à titre provisoire, certes, mais tout de même - la liste de quarante-deux infractions pouvant donner lieu à une inscription d'empreintes au fichier.
Ce dispositif était prévu pour trois ans, au terme desquels un rapport - que nous n'avons pas, mais nous en reparlerons - devait être établi.
Nous demandons donc la suppression, non pas de tout, mais de tout ce par quoi vous prétendez passer des coupables aux suspects !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Là, nous sommes d'accord. Vous voyez : nous ne sommes pas systématiques !
M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 706-55 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 706-56 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE