SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Nous poursuivons l'examen du texte proposé par l'article 15 pour l'article
706-54 du code de procédure pénale.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 186, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer les deux dernières phrases du deuxième alinéa du texte proposé par
cet article pour l'article 706-54 du code de procédure pénale. »
L'amendement n° 145, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé
par cet article pour l'article 706-54 du code de procédure pénale :
« Ces empreintes sont effacées en cas de décision de relaxe, d'acquittement ou
de non-lieu devenue définitive. »
L'amendement n° 146, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer la troisième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article L. 706-54 du code de procédure pénale. »
L'amendement n° 187 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André
et Blandin, MM. Estier, Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz,
Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi
libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
706-54 du code de procédure pénale insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement,
le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles
concernant les personnes mises en cause et relatives à l'affaire dont il
s'agit. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n°
186.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous proposons de supprimer les deux dernières phrases du deuxième alinéa
proposé par l'article 15 pour l'article 706-54.
Les deux dernières phrases du deuxième alinéa sont les suivantes : « Ces
empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République,
agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque leur
conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier.
Lorsqu'il est saisi par l'intéressé, le procureur de la République informe
celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; s'il n'a pas ordonné
l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de
la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la
chambre de l'instruction. »
Ces deux phrases qui prévoient les conditions d'effacement des données, soit
sur l'initiative du procureur de la République, soit à la demande de
l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire, sont non
seulement excessivement lourdes, mais en totale méconnaissance du respect de la
règle instituant un droit d'accès et de rectification pour les personnes
inscrites.
Nous proposons donc de supprimer cette procédure. Par un autre amendement,
nous proposerons de renvoyer au décret d'application pris après avis de la CNIL
la détermination des conditions dans lesquelles les intéressés sont avisés que
des empreintes génétiques les concernant figurent au fichier et celles dans
lesquelles ils peuvent s'opposer à ce qu'elles y demeurent.
Le moins que l'on puisse demander, c'est en effet que l'intéressé soit informé
qu'il a été inscrit. Alors qu'il n'est qu'un suspect, alors qu'il n'est pas un
condamné.
Il est donc nécessaire qu'un décret en Conseil d'Etat organise cette
procédure. Nous le proposerons par un autre amendement. En attendant, les
choses étant liées, nous demandons la suppression de ces deux phrases du
deuxième alinéa du texte proposé par l'article 15 pour l'article 706-54 du code
de procédure pénale.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter les amendements n°s 145 et
146.
M. Robert Bret.
Cette fois encore, je ne ferai que reprendre les doutes que j'ai déjà exprimés
lors de l'examen de l'article 9 concernant les conditions d'effacement des
données nominatives contenues dans les fichiers de police. Il doit en être de
même concernant les empreintes génétiques contenues dans le fichier national
d'empreintes génétiques.
Je ferais tout d'abord remarquer que les empreintes ne sont pas effacées
d'office par le procureur de la République.
Elles peuvent l'être soit de sa propre volonté, soit de celle de l'intéressé,
à condition que ce dernier soit bien informé de ce droit, auquel cas, s'il ne
l'était pas, ses empreintes génétiques pourraient être conservées un temps
indéterminé, ce qui n'est évidemment pas admissible.
Par ailleurs, cet article prévoit, toujours à propos de l'effacement des
empreintes génétiques, que celles-ci seraient effacées lorsque leur
conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier.
Voilà une phrase qui ne veut pas dire grand chose, monsieur le secrétaire
d'Etat, et qui, en tout cas, a le défaut de ne pas prévoir expressément les
conditions d'effacement de ces empreintes génétiques.
Cette disposition sur les conditions d'effacement ne peut pas être prévue et
renvoyée ultérieurement à un décret en Conseil d'Etat, même pris après avis de
la CNIL.
Quant à l'amendement n° 146, c'est un amendement de conséquence découlant
directement de notre précédent amendement concernant les modalités d'effacement
des empreintes génétiques.
En effet, si les empreintes génétiques sont effacées de manière systématique
en cas de décision de relaxe, d'acquittement ou de non-lieu devenue définitive,
il n'y a plus lieu de prévenir l'intéressé de la suite accordée à sa demande
d'effacement de ses empreintes.
C'est pourquoi nous vous proposons que ces empreintes génétiques soient
effacées en cas de décision de relaxe, d'acquittement ou de non-lieu devenue
définitive et, par conséquent, d'adopter notre amendement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 187
rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous proposons, dans le même ordre d'idée, d'ajouter, après le deuxième alinéa
du texte proposé par l'article 15 pour l'article 706-54 du code de procédure
pénale, un alinéa ainsi rédigé : « En cas de classement sans suite, de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, le procureur de la République ordonne
l'effacement des données personnelles concernant les personnes mises en cause
et relatives à l'affaire dont il s'agit. »
Le projet de loi modifiant profondément la nature du fichier des empreintes
génétiques, un tel changement appelle des garanties nouvelles s'agissant
particulièrement des règles d'effacement des informations.
Cet amendement a pour objet de prévoir les conditions d'effacement automatique
des données figurant dans le fichier des empreintes génétiques et relatives à
une affaire donnée lorsque la procédure est close et l'intéressé mis hors de
cause, que ce soit en cas de relaxe, d'acquittement, de classement sans suite
ou de non-lieu.
Si nous avons rectifié notre amendement, ce n'est pas pour supprimer tout ce
qui peut concerner l'intéressé s'il a déjà été condamné pour d'autres affaires.
Nous ne demandons pas qu'on supprime ces données.
En revanche, en ce qui concerne l'affaire dont il s'agit, s'il a été acquitté,
relaxé, s'il bénéficie d'un non-lieu ou d'un classement sans suite, nous
demandons que ces données soient automatiquement effacées du fichier.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'amendement n° 186 a pour objet de supprimer la procédure
permettant au procureur d'effacer les données figurant au fichier des
empreintes génétiques. Il est à notre avis pourtant nécessaire, pour le respect
des libertés publiques, de prévoir une procédure d'effacement.
Aussi, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 145 vise l'effacement automatique des empreintes génétiques en
cas de relaxe, d'acquittement ou de non-lieu. Le système prévu par le projet de
loi, qui réserve la décision au procureur de la République, paraît meilleur. Il
peut en effet arriver que l'effacement soit inopportun, par exemple en cas
d'acquittement d'une personne pour cause d'irresponsabilité.
Pour les mêmes raisons, nous émettons un avis défavorable sur l'amendement n°
146.
L'amendement n° 187 rectifié vise à modifier la procédure d'effacement des
empreintes génétiques pour prévoir un effacement automatique en cas de
classement, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Un tel système
automatique est trop rigide et la procédure prévue par le projet de loi
apparaît préférable. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Je rappelle que l'amendement n° 186 défendu par M.
Dreyfus-Schmidt, supprime des dispositions qui prévoient que le procureur de la
République, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention et du
président de la chambre d'instruction, peut ordonner l'effacement des données
du fichier.
Nous considérons que ces dispositions constituent une garantie supplémentaire
par rapport à la loi de 1998 puisqu'elles renforcent le caractère judiciaire du
dossier.
Elles ne remettent nullement en cause le droit d'accès et de rectification
prévu par la loi ; je vous fais grâce des articles du code de procédure pénale
concernés par ce point.
De notre point de vue, on ne peut pas considérer à la fois que le fichier
porte atteinte aux libertés et estimer que les garanties, tatillonnes
instituées par le Gouvernement parce que judiciaires, sont inutiles.
De surcroît, le Gouvernement considère - et je pense que la Haute Assemblée
partagera notre position - que le nombre de personnes qui demanderont à ce que
leur nom soit effacé sera nécessairement très limité.
Sans entrer dans une discussion qui s'apparenterait à la recherche du sexe des
anges, il nous semble qu'il y a là une contradiction. C'est pourquoi le
Gouvernement émet un avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable aux amendements n°s 145 et 146 de M.
Robert Bret.
Compte tenu de l'objet de ce fichier, rien ne justifie une annulation
automatique. J'en profite pour dire à M. Bret que nos amis anglais - parler
d'amis anglais est un pléonasme, surtout pour un Normand comme vous, monsieur
le président de la commission des lois ? - avaient mis en place une procédure
d'effacement automatique sur laquelle ils sont revenus à la suite d'une affaire
particulièrement scandaleuse qui a traumatisé l'opinion publique
britannique.
Il s'agissait, je crois, d'une histoire de crime sexuel : une personne avait
été relaxée au motif que le coupable avait été identifié grâce à son empreinte
génétique alors que celle-ci figurait déjà dans le fichier à la suite d'une
autre procédure.
Si l'amendement de M. Robert Bret est adopté, nous nous retrouverons dans la
même situation que les Anglais avant qu'ils ne reviennent sur leur loi, ce qui
nous paraît de bon sens.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Nous sommes également défavorables - et j'en suis confus, monsieur Michel
Dreyfus-Schmidt - à votre amendement n° 187 rectifié pour les raisons que je
viens d'indiquer : nous ne sommes pas en faveur de l'effacement automatique.
J'aimerais vous donner un argument supplémentaire : dans l'hypothèse où un
violeur ou un assassin bénéficie d'un non-lieu parce qu'il a été déclaré en
état de démence, ses empreintes doivent-elles être automatiquement effacées du
fichier ? La réponse de bon sens est non, évidemment. Nous avons donc intérêt à
ne pas retenir vos amendements, même si je rends hommage au souci que les uns
et les autres avez manifesté pour la défense des libertés individuelles.
Monsieur le président, je ne voudrais pas allonger excessivement les débats,
mais permettez-moi de revenir quelques instants sur le rappel au règlement deM.
Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes ici dans une enceinte qui, pour être politique, choisit néanmoins,
sur ces sujets-là, de ne pas forcément politiser ses débats. Toutefois, vous
nous faisiez remarquer tout à l'heure que 1998, c'était le gouvernement Jospin,
et qu'il fallait donc bien identifier la naissance du fichier à cette
année-là.
Pardonnez-moi de vous dire, monsieur Dreyfus-Schmidt, à propos des deux
articles auxquels vous avez fait référence, que celui que nous avons cité M. le
rapporteur et moi, l'article 80-1 du code de procédure pénale, date de 2000,
c'est-à-dire de la loi Guigou - nous pensions vous faire plaisir ! - alors que
celui que vous avez cité, l'article 105, date de 1958, c'est-à-dire d'une autre
époque !
Mais, plutôt que de vous faire une réponse politique, je vais essayer de vous
répondre sur un plan juridique.
L'article 80-1 permet la mise en examen,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oui !
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
... et donc la détention provisoire ou le contrôle
judiciaire. La question que l'on peut donc se poser est la suivante : qu'est-ce
qui est le plus grave, prendre l'empreinte génétique d'une personne ou mettre
cette personne en prison ? C'est ma première remarque.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y a débat !
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Tout peut porter à débat, monsieur Dreyfus-Schmidt
!
Quant à l'article 105, il interdit l'audition comme simple témoin et oblige à
la mise en examen. C'est une obligation !
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi de vous rappeler que, lors de l'examen
de la loi sur le renforcement de la présomption d'innocence de 2000 - loi du
gouvernement Jospin et plus particulièrement de Mme Guigou -, le débat était
justement d'offrir cette possibilité supplémentaire. En choisissant cet
article-là, nous sommes, je crois, en cohérence avec un vote qui a été très
large, en 2000, sur cette modification du code de procédure pénale.
Voilà donc à la fois les raisons politiques, même si elles ne sont pas
politiciennes et si elles sont nobles, et les raisons juridiques pour
lesquelles M. le rapporteur et moi-même avons eu raison de mettre en avant cet
article 80-1 plutôt que l'article 105 !
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur
l'amendement n° 186.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oui, on peut toujours tout dire...
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Dominique Braye.
Vous nous en donnez la preuve !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et, en particulier, nous donner en exemple nos amis anglais, étant entendu
que nous avons beaucoup d'autres amis qui sont infiniment plus prudents. Je
vous ai cité tout à l'heure les Suisses et je finirai bien par avoir l'occasion
de vous citer, par exemple, les Canadiens.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Quand vous m'avez interrogé sur les irresponsables, je vous ai répondu qu'il
y avait un fichier pour cela.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il n'y a pas de fichier !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si, il y a un fichier, on en reparlera tout à l'heure !
Lorsque je vous ai proposé d'ajouter dans le texte : « sauf le cas où
l'intéressé a été relaxé pour irresponsabilité », vous avez refusé.
Pour ce qui me concerne, je voulais bien entendre votre explication, mais
l'exemple que vous nous donnez de quelqu'un qui avait été acquitté et retrouvé
est contestable : à ce moment-là, inscrivez tout le monde, mais ce n'est pas
une solution ! Ce que vous voulez, c'est un fichier non seulement des suspects,
mais aussi des personnes qui ont été blanchies et qui doivent impérativement
être considérées comme innocentes aux termes de tous les principes du droit
français. C'est tout à fait évident !
Je profite de l'occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ajouter une
chose. Je suppose que vous n'aviez pas, tout à l'heure, les éléments voulus
pour exposer le sujet aussi bien que vous venez d'en faire la démonstration,
car je ne doute pas qu'autrement vous m'auriez répondu plus tôt.
Vous avez dit que l'on peut mettre en prison. J'ai objecté qu'il y avait débat
et vous avez rétorqué qu'on pouvait toujours débattre de tout : non !
Si le juge d'instruction veut mettre en détention l'intéressé, il y a un débat
contradictoire non seulement devant le juge mais devant le juge des libertés,
ce qui n'est pas le cas avec votre fichier. C'est cela que j'ai voulu dire !
En vérité, il me paraît tout à fait normal que l'on inscrive les gens qui sont
dans des conditions comparables à celles qui conduisent à la mise en examen,
aux termes de l'article 105. Il est vrai que ce dernier n'est pas facile à lire
et qu'il est difficile de passer de l'article 80-1 à l'article 105. Ces
difficultés résultent de la loi sur le renforcement de la présomption
d'innocence que vous avez souvent modifiée...
M. Roger Karoutchi.
Ah !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et nous aussi, à mon grand regret, je l'avais dit à l'époque !
Cela étant, nous persistons dans notre position et dans les arguments que j'ai
défendus tout à l'heure : le moins que l'on puisse dire, c'est que le débat
complet n'a pas eu lieu.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
L'amendement n° 186 a pour objet de supprimer les deux dernières phrases du
deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 706-54 du code de procédure
pénale, qui prévoit l'effacement des empreintes génétiques sur instruction du
procureur de la République, agissant soit d'office, soit à la demande de
l'intéressé.
Nous sommes d'accord avec cet amendement, notamment parce que nous souhaitons
l'effacement des empreintes génétiques en cas de décision de non-lieu, de
relaxe ou d'acquittement. J'ai eu l'occasion de m'expliquer en défendant nos
propres amendements. Notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt a eu raison de
rappeler qu'il s'agissait de gens reconnus innocents.
Par ailleurs, le fait que ce soit au procureur de décider de l'effacement des
empreintes génétiques lorsque leur conservation n'apparaît pas nécessaire
compte tenu de la finalité du fichier - ce qui par parenthèse, monsieur le
secrétaire d'Etat, ne définit pas strictement les conditions selon lesquelles
le procureur serait susceptible de procéder à cet effacement - alourdit
considérablement cette procédure.
Cela alourdit aussi le travail du procureur, qui a certainement d'autres
choses à faire que de porter son attention sur chaque fichier contenant des
empreintes génétiques pour savoir si leur conservation apparaît ou non
nécessaire.
De plus, si le procureur agit d'office, il méconnaît le principe instituant un
droit d'accès et de rectification pour les personnes inscrites dans ce fichier
prévu à l'article 3 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux
fichiers et aux libertés.
Pour ces raisons, nous voterons en faveur de cet amendement n° 186.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 186.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 145.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 146.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur
l'amendement n° 187 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Dans le texte du projet de loi, le procureur ne sait même pas lui-même qui est
inscrit dans le fichier, pas plus que l'intéressé.
L'intéressé peut demander à ne plus y figurer, certes. Encore faudrait-il
prévoir de le prévenir de son inscription dans le fichier !
Déjà, tout à l'heure, vous avez refusé de prévoir que lorsque le dossier lui
est transmis par la police le procureur de la République soit averti de
l'inscription de l'intéressé dans le fichier des informations nominatives.
Dans le cas présent, vous recommencez. Vous prévoyez que l'intéressé peut
demander à ne plus figurer au fichier, en ajoutant même qu'il peut y avoir
l'arbitrage de deux magistrats, mais vous ne voulez pas qu'il puisse être
prévenu de son inscription.
Evidemment, si son inscription est effacée automatiquement, notamment en cas
de relaxe, le fait que le procureur ne soit pas informé ne présente pas
d'inconvénients puisque la suppression est automatique. Mais comme vous ne
voulez rien entendre,...
M. Bruno Sido.
Non, rien !
M. Dominique Braye.
Vous avez compris !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... on est obligé de se répéter pour essayer d'y arriver quand même !
M. Dominique Braye.
C'est inutile !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 187 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 7, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 706-54 du code de procédure pénale :
« Les officiers de police judiciaire peuvent également, d'office ou à la
demande du procureur de la République ou du juge d'instruction, faire procéder
à un rapprochement de l'empreinte de toute personne à l'encontre de laquelle il
existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis un
crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que
cette empreinte puisse y être conservée. »
Le sous-amendement n° 271, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour le troisième alinéa de
l'article 706-54 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner" par les mots : "un ou plusieurs
indices faisant présumer". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Il paraît souhaitable à la commission de pouvoir rapprocher
des données du fichier les empreintes de l'ensemble des personnes contre
lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles
ont commis un crime ou un délit. Cela permettra en fait des vérifications
extrêmement utiles.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n°
271.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous nous plaçons dans la logique dans laquelle se sont placés le Gouvernement
et la commission quand ils ont travaillé la main dans la main.
Tout à l'heure, il a été tout de même admis qu'il fallait au moins des indices
graves ou concordants pour pouvoir agir. Il vous arrive donc à vous-même de
vous méfier de la formule : « les raisons plausibles » !
M. Robert Bret.
C'est le début de la sagesse !
M. Jean Chérioux.
Cela prouve que nous n'avons pas d'idées préconçues !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je pense qu'il faut continuer dans cette nouvelle voie et c'est ce que nous
vous demandons de faire, mes chers collègues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 271 vise en fait à modifier
l'amendement n° 7, qui permet de comparer les empreintes de personnes à
l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'elles
ont commis une infraction avec les empreintes figurant au fichier, en
remplaçant la notion de « raisons plausibles » par celle d'« indices ».
Mais, dès lors que la notion de raison plausible est le critère de la garde à
vue, il est souhaitable que le critère de comparaison d'empreintes soit le
même. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ce
sous-amendement.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7 de
la commission qui, effectivement, permet d'élargir, sans pour autant multiplier
de façon excessive le nombre des empreintes.
S'agissant du sous-amendement n° 271, sans vouloir ouvrir un débat
lexicologique avec M. Dreyfus-Schmidt, je dirai que les termes de « raisons
plausibles » étant utilisés tout au long du code de procédure pénale, il est
plus cohérent de les conserver.
Je voudrais enfin rappeler à votre assemblée, soucieuse de la défense des
libertés individuelles, que, à ce stade de la procédure, l'empreinte ne sera
pas dans le fichier. Elle sera comparée à d'autres empreintes pour,
éventuellement, innocenter une personne. Nous pouvons donc accepter sans
retenue l'amendement de la commission...
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
... et - que M. Dreyfus-Schmidt veuille bien m'en
excuser -, repousser le sous-amendement n° 271.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je le retire !
M. le président.
Le sous-amendement n° 271 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 188, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gauthier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 706-54 du code de procédure pénale :
« Un décret en Conseil d'Etat pris après avis conforme de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés détermine les modalités
d'application du présent article et les conditions dans lesquelles les
intéressés sont avisés de ce que des empreintes génétiques les concernant
figurent au fichier et celles dans lesquelles ils peuvent s'opposer à ce
qu'elles y demeurent. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Permettez-moi, tout d'abord, de rectifier cet amendement. Je souhaite
supprimer le mot : « conforme », par homothétie, puisque le Sénat a refusé que
l'avis de la CNIL soit « conforme ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 188 rectifié, présenté par M.
Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gauthier,
Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et
apparenté, et qui est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour
l'article 706-54 du code de procédure pénale :
« Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés détermine les modalités d'application du présent
article et les conditions dans lesquelles les intéressés sont avisés de ce que
des empreintes génétiques les concernant figurent au fichier et celles dans
lesquelles ils peuvent s'opposer à ce qu'elles y demeurent. »
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je rappelle au Sénat les termes du texte proposé par l'article 15 pour
l'article 706-54 : « Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés détermine les modalités
d'application du présent article. Ce décret précise notamment la durée de
conservation des informations enregistrées. »
Nous demandons que ce décret « détermine les modalités d'application du
présent article et les conditions dans lesquelles les intéressés sont avisés de
ce que les empreintes génétiques les concernant figurent au fichier et celles
dans lesquelles ils peuvent s'opposer à ce qu'elles y demeurent ».
Pourquoi donc un tel dispositif ?
Mes chers collègues, si l'on s'en tient au texte tel qu'il est, les personnes
ignorent qu'elles figurent dans le fichier. Ne croyez-vous pas que leur
information est normale ? Cela participe de ce que l'on appelle le droit
d'accès, et la CNIL a toujours veillé, à juste titre, à ce que les personnes
figurant ainsi dans des fichiers en soient avisées, ne serait-ce que pour avoir
la possibilité d'exercer leur droit d'en être retirées.
Voilà un amendement qui pourrait être accepté par le Gouvernement et par la
commission, si toutefois ils en ont délibéré. J'attendrai de voir ce qu'ils
nous disent pour, éventuellement, intervenir de nouveau sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Il s'agit, en fait, par cet amendement, de prévoir un décret
en Conseil d'Etat pour définir les conditions dans lesquelles les personnes
seront avisées de l'insertion de leurs empreintes génétiques au fichier.
Cette précision est déjà prévue par le projet de loi, qui dispose que la
décision d'insérer une empreinte au fichier est mentionnée dans le dossier de
la procédure.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Défavorable !
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien des personnes sont, de nos jours, jugées en comparution immédiate, n'ont
donc pas d'avocat pour accéder au dossier et n'ont pas elles-même pris
connaissance dudit dossier.
Donc, la réponse que l'on vient de me faire n'en est pas une. Et je ne vois
pas pourquoi vous ne voulez pas que les personnes soient avisées. Vous l'avez,
d'ailleurs, déjà refusé à plusieurs reprises. Vous avez même refusé, tout à
l'heure, que le procureur en soit avisé à propos du fichier sur les
informations nominatives. Mais enfin, ici, nous ne demandons pas la lune !
Je vois, moi, que le Sénat travaille tout de même bougrement différemment
suivant qu'il y a ou non, à l'Assemblée nationale, une majorité qui ressemble à
la sienne. Quand c'est le cas contraire, on prend son temps, on fait des
commissions d'enquête, on procède à des auditions, on publie les comptes
rendus, on proteste si l'urgence est déclarée, et j'en passe.
Mais, mes chers collègues, le Sénat n'a plus de raison d'être si vous devenez
des « godillots » et suivez aveuglément ce qui vous est proposé ou imposé par
la commission !
(Vives protestations sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bruno Sido.
C'est incroyable ! Il n'a peur de rien !
M. Jean Chérioux.
Il faut le rappeler à l'ordre, monsieur le président. Ce n'est pas convenable
!
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est inadmissible et, pour montrer l'importance de notre amendement, nous
demandons un scrutin public.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
On peut s'amuser comme cela longtemps !
M. le président.
La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Dominique Braye.
Je veux tout simplement réagir...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Réactionnaire !
M. Dominique Braye.
... aux propos que vient de tenir M. Michel Dreyfus-Schmidt, nous traitant de
« godillots ».
M. le ministre de l'intérieur a dit tout à l'heure,...
Mme Nicole Borvo.
Il n'est pas là !
M. Dominique Braye.
... que nous sommes tout à fait capables de décider par nous-mêmes et que
nous ne retenons que les amendements intelligents, monsieur Dreyfus-Schmidt
!
Mme Nicole Borvo.
Vous n'êtes pas l'interprète de M. le ministre de l'intérieur, monsieur Braye
!
M. Dominique Braye.
C'est ce que lui-même a dit !
Mme Danièle Bidard-Reydet.
C'est le ministre qui décide, maintenant ?
Mme Nicole Borvo.
Vous n'êtes pas chargé de répondre à sa place !
M. Dominique Braye.
Nous ne sommes pas des « godillots » ! Comme M. le ministre de l'intérieur l'a
dit, nous votons les amendements intelligents.
(Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. Roger Karoutchi.
Ils sont rares, aujourd'hui !
M. Dominique Braye.
Voilà pourquoi nous ne voterons pas vos amendements !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste. - Vives protestations sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 188 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Majorité absolue des suffrages | 155 |
Pour l'adoption | 108 |
Contre | 201 |
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 706-54 du code de prodécure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 706-55 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE