SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 2. - I. - L'article 15-1 du code de procédure pénale est complété par
la phrase suivante : "La compétence territoriale de ces services ou unités
s'exerce, selon les distinctions prévues par ce décret, soit sur l'ensemble du
territoire national, soit sur une ou plusieurs zones de défense, ou parties de
celles-ci, soit sur l'ensemble d'un département."
« II. - L'article 18 du code de procédure pénale est modifié comme suit :
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les officiers de police judiciaire, mis temporairement à disposition d'un
service autre que celui dans lequel ils sont affectés, ont la même compétence
territoriale que celle des officiers de police judiciaire du service d'accueil.
» ;
« 2° La deuxième phrase du troisième alinéa est remplacée par les deux phrases
suivantes :
« Pour l'application du présent alinéa, les ressorts des tribunaux de grande
instance situés dans un même département sont considérés comme un seul et même
ressort. Les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre,
Bobigny et Créteil sont considérés comme un seul et même ressort. » ;
« 3° Au quatrième alinéa, les mots : "en cas d'urgence" sont supprimés et les
mots : "d'officier de police judiciaire exerçant ses fonctions dans la
circonscription intéressée" sont remplacés par les mots : "l'officier de police
judiciaire territorialement compétent" ;
« 4° Au cinquième alinéa, les mots : "dans les limites territoriales de la
circonscription des officiers de police judiciaire" sont remplacés par les mots
: "dans les mêmes limites de compétence territoriale que celles des officiers
de police judiciaire". »
La parole est à Mme Josiane Mathon, sur l'article.
Mme Josiane Mathon.
Comme nous l'avons précisé lors de la présentation de l'amendement que nous
avions déposé sur l'article 1er, nous ne pouvons qu'émettre des doutes sur
l'efficacité de l'extension,
a minima
au département, du ressort de
compétence territoriale des officiers et agents de police judiciaire.
Certes, étendre leur compétence territoriale à tout le département permettrait
à ces personnels de s'adapter à une délinquance de plus en plus mobile.
Par ailleurs, le fait qu'un officier de police judiciaire puisse intervenir
sur l'ensemble du territoire d'un département peut s'avérer efficace en matière
de lutte contre les différents réseaux de trafic d'armes, de drogue, de
proxénétisme, etc.
Cependant, ce projet de loi n'a pas pour objet d'organiser la lutte contre ces
réseaux, qui pourtant sont la source d'une insécurité bien plus dangereuse que
celle qui résulte de l'activité des prostituées ou des mendiants. Il stigmatise
des populations en situation de précarité, sans traiter la délinquance et
l'insécurité au fond.
Vous entendez lutter contre le proxénétisme, monsieur le ministre, mais les
mesures que vous préconisez sont insuffisantes pour permettre d'agir contre des
réseaux très bien organisés. Par ailleurs, lutter contre le proxénétisme
signifie pour vous exercer un chantage vis-à-vis des prostituées étrangères,
puisque celles-ci ne seront aidées que si elles dénoncent leurs proxénètes, ce
qui n'est pas sans risques pour elles - mais nous aurons sans doute l'occasion
d'y revenir.
Toujours est-il que cela montre bien que vous souhaitez vous attaquer
uniquement à la partie visible du problème de l'insécurité.
Vous centralisez l'action de la police et de la gendarmerie à l'échelon du
préfet, qui sera soumis à la culture du résultat. Vous instaurez en outre une
prime à la réforme, en termes d'effectifs supplémentaires, pour les élus qui
accepteront les premiers le redéploiement, en globalisant l'action des
officiers de police judiciaire sur l'ensemble du territoire du département.
Bref, vous accordez une grande importance aux mesures à effet immédiat, aux
résultats qu'obtiendront les préfets et les élus ; or l'insécurité est un
problème de fond, qui ne peut être réduit uniquement à des chiffres.
Nous sommes donc en profond désaccord avec vous s'agissant du traitement de la
délinquance et de l'insécurité que vous préconisez. L'esprit qui le sous-tend
transparaît dans la rédaction de l'article 2, contre lequel nous voterons.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'aimerais en fait soulever quelques questions à propos de cet article,
monsieur le ministre.
Comme cela vient d'être rappelé, il s'agit d'étendre la compétence des
services de police et des OPJ, les officiers de police judiciaire, au ressort
d'une ou de plusieurs cours d'appel, d'un ou de plusieurs tribunaux de grande
instance, ainsi qu'au-delà des limites territoriales en cas de flagrant délit,
par exemple, en cas d'urgence et sur commission rogatoire. Pourquoi personne,
pas même l'actuel ministre de l'intérieur, n'a-t-il jamais proposé auparavant
de prendre une telle mesure ? Ou elle est opportune, ou elle ne l'est pas.
N'a-t-elle que des avantages ? Présente-t-elle aussi des inconvénients ? Nous
sommes de la meilleure foi du monde, nous ne percevons pas distinctement
ceux-ci.
Nous nous étonnons donc que personne avant nous n'ait jamais présenté une
telle disposition, monsieur le ministre, pas même ceux de vos prédécesseurs qui
appartenaient à l'actuelle majorité, par exemple M. Pasqua, qui a pourtant
soumis de nombreux textes au Parlement. Jamais, jusqu'à présent, nous n'avons
entendu critiquer la situation qui prévaut actuellement.
Nous souhaiterions donc savoir, je le répète, si la mesure que vous préconisez
ne présente que des avantages ou si elle comporte des inconvénients. Fait-elle
l'objet d'un consensus, et si oui depuis quand ? Pourquoi alors ne pas l'avoir
prise plus tôt ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
J'interviens non pas pour allonger le débat, mais par
courtoisie, puisque j'ai cru comprendre que les questions de M. Dreyfus-Schmidt
m'étaient adressées.
J'indiquerai tout d'abord que nous avons déjà connu, dans le passé, des
extensions de compétence territoriale plus limitées. Vous vous souvenez
d'ailleurs sans doute, monsieur Dreyfus-Schmidt, que, lors de la mise en place
des groupements d'intervention régionaux, les GIR, une grande polémique s'était
engagée à propos de l'extension possible de la compétence territoriale d'un
certain nombre d'officiers de police judiciaire. Un grand hebdomadaire
satirique m'avait alors consacré une page entière puisque, la carte judiciaire
ne coïncidant pas avec la carte administrative, certains officiers de police ou
de gendarmerie faisaient partie d'un GIR sans être légalement compétents.
En outre, il faut souligner que les formes de la délinquance ont évolué.
Aujourd'hui, les délinquants sont de plus en plus mobiles, ils empruntent les
autoroutes et se moquent complètement de nos découpages administratifs du
territoire. Ce phénomène, s'il n'est pas tout à fait nouveau, s'est vraiment
généralisé ces dix ou quinze dernières années. On s'aperçoit que les
délinquants font preuve d'une réactivité extraordinaire : à partir du moment où
un dispositif est mis en place en un point du territoire, ils se déplacent sans
aucune difficulté.
Ainsi, on a évoqué tout à l'heure les problèmes d'insécurité apparus dans le
département de la Marne. Les autorités locales, la police et la gendarmerie
m'ont indiqué qu'il s'agissait de délinquants extérieurs au département qui,
mis en échec sur leur territoire d'origine, viennent écumer la périphérie de la
grande couronne parisienne.
Par ailleurs, l'ensemble des organisations syndicales de policiers ont fait
valoir que les OPJ avaient besoin d'être habilités sur l'ensemble du territoire
du département. On est même allé jusqu'à se demander si l'on ne pouvait pas
prévoir des habilitations régionales, de façon, encore une fois, non pas à
porter atteinte aux libertés de qui que ce soit - jusqu'à présent, monsieur
Dreyfus-Schmidt, ni vous ni personne d'autre n'a prétendu que le dispositif
remettrait en question de quelque manière que ce soit les droits de l'homme ou
les libertés -, mais à permettre à des fonctionnaires ou à des militaires
d'être le plus efficaces possible dans la circonscription territoriale la plus
large possible, sans être arrêtés par des barrières administratives.
Tel est notre objectif, monsieur Dreyfus-Schmidt. Je suis tout à fait prêt à
prendre rendez-vous, dans deux ou trois ans, pour procéder à une évaluation et
voir si des inconvénients sont apparus. J'ignore aujourd'hui si des difficultés
se feront jour, mais je me garderai d'affirmer le contraire.
Quoi qu'il en soit, je crois vraiment que c'est un progrès. Il n'y a aucune
arrière-pensée, aucune mesure cachée. Nous avons simplement la volonté d'être
plus réactifs. Mais le Gouvernement, et le compte rendu des débats en fera foi,
reconnaît bien volontiers la nécessité d'évaluer cette mesure. Il ne faut
peut-être pas faire figurer cette évaluation dans le texte, mais je prends
l'engagement, devant vous et M. le rapporteur, de faire dans deux ans le bilan
de cette mesure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Avant si besoin est !
(M. Jean Chérioux s'exclame.)
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Même avant si besoin est, mais il faut tout de même le temps de
lancer des procédures. Je n'en veux pas à M. Michel Dreyfus-Schmidt, il a
tellement confiance dans l'efficacité du Gouvernement qu'il sait qu'avant même
deux ans le dispositif aura servi et bien fonctionné !
(Rires et
applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
L'amendement n° 262, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« A la fin du sixième alinéa (3°) du II de cet article, remplacer les mots :
"l'officier" par les mots : "d'un officier". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Il s'agit simplement de corriger une erreur matérielle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 262.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'article
2.
M. Pierre Fauchon.
Je voudrais porter témoignage du fait que cette manière de surmonter les
découpages territoriaux est, en réalité, une démarche très importante, qui
dépasse l'objet de cet article.
Récemment, je participais à une réunion de chefs de cour et de procureurs
généraux. Dans le domaine de la délinquance et des instructions, en raison du
découpage des départements, lorsqu'un juge d'instruction est en présence d'une
affaire comportant, et c'est de plus en plus fréquent, des délits qui ont été
commis d'un bout à l'autre d'une région ou même d'un bout à l'autre de la
France, comme il n'a pas les moyens ni la compétence, même s'il pourrait
invoquer la connexité, on ne parvient pas, m'a-t-on dit, à obtenir des
instructions d'ensemble, car c'est très difficile sur les plans juridique et
technique.
M. Jean-Pierre Vial.
Bien sûr !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
C'est vrai !
M. Pierre Fauchon.
Il s'agit donc d'une démarche très importante. La grande délinquance se moque
de nos circonscriptions. Nous avons d'ailleurs le même problème à l'échelon
européen.
C'est pourquoi cette disposition me ravit et je la voterai bien volontiers.
(Applaudissements sur les travées du RPR).
M. le président.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3