SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Roger Karoutchi.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, depuis quelques jours, nous assistons à une tentative de
levée de boucliers contre votre projet de loi relatif à la sécurité intérieure,
au motif qu'il porterait atteinte aux libertés fondamentales.
Après la LOPSI - la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure -, qualifiée de « liberticide » au mois de juillet par certains,
nous sommes soupçonnés de « guerres contre les pauvres », de « renforcement de
l'exclusion », de « lutte contre les exclus ». Bien de ceux qui avaient
largement contribué, par idéologie ou par laxisme, à laisser se développer
l'insécurité en France veulent aujourd'hui nous donner des leçons, vous donner
des leçons !
M. Roland Courteau.
Vous êtes provocateur !
M. Roger Karoutchi.
Proxénétisme, violations de propriétés privés, rassemblements menaçants ou
hostiles, exploitation de la mendicité : toutes ces formes de délinquance se
sont aggravées ces dernières années, affectant la vie quotidienne de nos
concitoyens et générant de nombreuses inégalités.
Ceux qui affirment soutenir les exclus et les plus démunis se rendent compte
aujourd'hui que ce n'est pas les défendre que de refuser à l'Etat, à la police,
à la justice les moyens nécessaires au démantèlement des réseaux mafieux qui
exploitent, eux, la misère humaine.
Faut-il aujourd'hui, pour défendre les prostituées ou les mendiants, empêcher
l'Etat de combattre ceux qui les exploitent et les avilissent au rang
d'esclaves ?
Croit-on défendre nos concitoyens qui vivent dans les quartiers difficiles en
les laissant à l'abandon, alors qu'ils sont, parce qu'ils n'ont plus d'autre
recours que l'Etat, les plus vulnérables à la délinquance ?
Mais cette pseudo-campagne n'emporte pas l'adhésion de tous, y compris dans
l'opposition, puisque certains des plus éminents élus de gauche - je pense
notamment au maire socialiste de Mulhouse
(Protestations sur les travées du
groupe socialiste et du groupe CRC) -
affirment d'ores et déjà que votre
texte n'est pas, loin s'en faut, une loi contre les pauvres.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste.
La question !
M. Roger Karoutchi.
Face à l'amnésie de ce que nous avons pu connaître, monsieur le
ministre,...
M. Didier Boulaud.
S'il continue, il va nous agacer !
M. Roger Karoutchi.
... je souhaiterais entendre votre réaction sur cette tentative de campagne de
dénigrement, vous qui avez toujours dit que la sécurité était d'abord un droit
pour les plus modestes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier.
C'est une question téléphonée !
M. Henri de Raincourt.
Une bonne question !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Monsieur le sénateur, face à la polémique, il n'y a qu'une seule
réponse, celle des résultats. Je suis heureux, alors que j'ai l'honneur de
prendre la parole devant la Haute Assemblée, de vous indiquer que les résultats
du mois d'octobre viennent d'être connus.
La délinquance, dans notre pays, a reculé de 5,17 %
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
dans
plus de 80 départements, y compris dans les départements ruraux, où pour la
première fois depuis de longs mois la délinquance régresse de 0,64 %. C'est
modeste, mais lorsque je suis devenu ministre la progression était en moyenne
de 18 % chaque mois.
M. Roger Karoutchi.
C'est vrai !
M. Adrien Gouteyron.
Très intéressant !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Ces résultats ne sont pas suffisants - il faudra aller plus
loin - mais ils sont la meilleure réponse à ceux qui parlaient, pour la
politique du Gouvernement en matière de sécurité, de communication. Les faits
commencent à parler pour nous.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
S'agissant du caractère liberticide de ma politique, je mets au
défi quiconque, sur les bancs de la Haute Assemblée ou ailleurs, de trouver une
seule mesure...
M. Roland Courteau.
Soyez prudent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous le prouverons la semaine prochaine !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... qui, si peu que ce soit, restreigne les libertés.
Qu'il me soit permis, monsieur Karoutchi, de prendre un exemple dans le
berceau de la démocratie parlementaire, à savoir le Royaume-Uni. Le fichier des
empreintes génétiques dans ce pays est interrogé 60 000 fois chaque année et
comprend 1 700 000 empreintes.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Tiens, tiens !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Savez-vous qu'en France le fichier des empreintes génétiques
recense moins de 1 000 empreintes ?
On parle beaucoup des droits de l'homme. En tant que ministre de l'intérieur,
mon devoir est de penser aux droits des victimes
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE),
notamment aux familles de ces trois malheureuses victimes,...
M. Paul Raoult.
Il y a encore plus de meurtres en Grande-Bretagne !
Mme Nelly Olin.
Cela suffit !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... violées et assassinées dans la Somme, à qui je n'ai pas eu
le courage de dire que la France donnait des leçons de démocratie, mais qu'elle
n'était pas capable d'avoir le fichier des empreintes génétiques de tous les
délinquants sexuels répertoriés dans notre pays.
(Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.)
Enfin, monsieur le président, si les prostituées sont incontestablement des
victimes, le sont encore plus ceux qui habitent dans des quartiers où, depuis
dix ans, le nombre de prostituées étrangères a augmenté de façon exponentielle.
Ceux qui en bavardent au café de Flore savent-ils ce que c'est que de vivre
dans ces quartiers ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Quand on habite dans certains quartiers, à Mulhouse, à Lyon ou ailleurs, on
est en droit de pouvoir rentrer chez soi sans avoir sous le porche de son
immeuble des prostituées en action...
M. Paul Raoult.
C'est démagogique !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... avec tout leur cortège de proxénètes et autres délinquants
!
Oui, la priorité pour nous, ce sont les droits des victimes, et libre aux
autres d'avoir un autre choix !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Henri Weber.
Ce n'est pas le Flore, c'est les Deux Magots !
(Sourires sur les travées du
groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
Nous ne sommes pas boulevard Saint-Germain !
AVENIR DES PAYS