SEANCE DU 14 FEVRIER 2002
M. le président.
« Art. 13. - I. - L'article 35
quater
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France est ainsi modifié :
« 1° Après le deuxième alinéa du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés
:
« En l'absence d'un représentant légal accompagnant le mineur, le procureur de
la République, avisé dès l'entrée d'un mineur en zone d'attente en application
des dispositions du II, lui désigne sans délai un administrateur
ad hoc
.
L'administrateur
ad hoc
assiste le mineur durant son maintien en zone
d'attente et assure sa représentation dans toutes les procédures
administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien.
« L'administrateur
ad hoc
nommé en application de ces dispositions est
désigné par le procureur de la République compétent sur une liste de personnes
morales ou physiques dont les modalités de constitution sont fixées par décret
en Conseil d'Etat. Ce décret précise également les conditions de leur
indemnisation. » ;
« 2° Après la quatrième phrase du premier alinéa du III, il est inséré une
phrase ainsi rédigée :
« Le mineur est assisté d'un avocat choisi par l'administrateur
ad hoc
ou, à défaut, commis d'office. » ;
« 3° Au début de la cinquième phrase du premier alinéa du III, les mots : "Il
peut également demander" sont remplacés par les mots : "L'étranger ou, dans le
cas du mineur mentionné au troisième alinéa du I, l'administrateur
ad
hoc
peut également demander" ;
« 3°
bis
Le premier alinéa du V est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Tout administrateur
ad hoc
désigné en application des dispositions du
troisième alinéa du I doit, pendant la durée du maintien en zone d'attente du
mineur qu'il assiste, se rendre sur place. » ;
« 4° Il est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. - L'administrateur
ad hoc
désigné en application des dispositions
du troisième alinéa du I assure également la représentation du mineur dans
toutes les procédures administratives et juridictionnelles afférentes à son
entrée sur le territoire national.
« II. - Après l'article 12 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au
droit d'asile, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :
«
Art. 12-1
. - Lorsque la demande de reconnaissance de la qualité de
réfugié est formée par un mineur sans représentant légal sur le territoire
français, le procureur de la République, avisé par l'autorité administrative,
lui désigne un administrateur
ad hoc
. L'administrateur
ad hoc
assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures
administratives et juridictionnelles relatives à la demande de reconnaissance
de la qualité de réfugié.
« L'administrateur
ad hoc
nommé en application de ces dispositions est
désigné par le procureur de la République compétent sur une liste de personnes
morales ou physiques dont les modalités de constitution sont fixées par décret
en Conseil d'Etat. Ce décret précise également les conditions de leur
indemnisation.
« La mission de l'administrateur
ad hoc
prend fin dès le prononcé d'une
mesure de tutelle. »
L'amendement n° 24, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade
et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Compléter,
in fine,
le texte proposé par le 4° du I de l'article 13
pour le IX de l'article 35
quater
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en
France, par une phrase ainsi rédigée :
« Les recours formés par l'administrateur
ad hoc
à cette occasion ont
un effet suspensif. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
L'amendement que nous vous proposons ici tend à donner un caractère suspensif
aux recours exercés par l'administrateur
ad hoc
au nom du mineur isolé,
dans le cadre des procédures relatives à l'entrée en France. Il vise donc à
rendre réellement effectif le système de protection proposé, en évitant les
refoulements abusifs.
Il convient de rappeler ici ce qu'est la situation des enfants étrangers qui
arrivent, seuls, dans nos ports et aéroports.
Ce sont de 2 000 à 3 000 enfants qui viennent chaque année en France, dont la
plus grande partie - plus de 900 - se trouve dans la zone d'attente de Roissy.
Ce chiffre devrait encore être en forte augmentation cette année, en
particulier si l'on prend en compte l'afflux de demandeurs d'asile de ces
derniers mois.
Certains de ces mineurs sont pris en charge au titre de l'aide sociale à
l'enfance, l'ASE, mais, pour plus des deux tiers, ils disparaissent, soit
qu'ils fuguent de l'ASE, soit que, munis de sauf-conduits, ils ne fassent plus
parler d'eux. On sait que, pour une partie, ces mineurs seront conduits à
l'errance, quand ils ne seront pas absorbés dans un réseau d'exploitation,
voire dans un réseau de prostitution ou de drogue ! Ce sont des « mineurs en
danger », comme nous le rappelait notre collègue Robert Badinter.
Cette situation n'est pas acceptable dans un pays, qui comme le nôtre, est
attaché aux droits des enfants. Elle nous montre les limites d'une approche
exclusivement fondée sur la représentation juridique du mineur, alors qu'à
notre sens la question relève de la protection de l'enfance.
Vous le savez sans doute, différentes associations - je pense aux Amis du bus
des femmes, à la CIMADE, au GISTI, ou encore à la Ligue des droits de l'homme -
souhaitent, comme d'ailleurs la Défenseure des enfants, que le mineur isolé
soit considéré, dès son arrivée en France, comme un mineur en danger. De même,
la Commission nationale consultative des droits de l'homme préconise
l'admission immédiate sur le territoire du mineur demandeur d'asile.
Les conditions d'accueil en zone d'attente ne sont d'ailleurs pas de nature à
convaincre de l'opportunité de la rétention des mineurs, et ce malgré les
efforts notables en vue d'une amélioration des conditions sanitaires,
dénoncées, en son temps, par notre collègue Louis Mermaz.
Au-delà des drames de l'année dernière - on se souvient de cette petite fille
amputée d'une jambe, faute de soins - j'ai personnellement pu constater, comme
d'autres parlementaires, lors de ma visite de la zone d'attente de Roissy, le 6
décembre dernier, les problèmes sanitaires posés par la saturation constante de
Zapi 2 et de Zapi 3.
Aujourd'hui, peut-on se satisfaire du dispositif prévu à l'article 13 ?
Certes, par rapport à la situation créée par la décision de la Cour de
cassation de mai 2001, la représentation légale du mineur constitue une
amélioration, mais il est difficile de s'en contenter.
Je dois également me réjouir des modifications apportées par l'Assemblée
nationale, lesquelles reprennent d'ailleurs les propositions de notre groupe en
première lecture. Nous avions souligné combien il était impératif que le
procureur de la République soit avisé « dès » l'entrée du mineur isolé.
On est aussi assuré, aujourd'hui, que l'administrateur
ad hoc
devra se
rendre effectivement en zone d'attente pour y rencontrer le mineur, ce qui est
tout de même la moindre des choses.
Cependant, lorsqu'on connaît les difficultés que rencontrent les juges des
enfants pour trouver concrètement des administrateurs, on peut douter de
l'effectivité de la mesure... sauf à envisager un administrateur pour dix
enfants, ce qui ne serait pas raisonnable, compte tenu de la diversité des
nationalités, de l'histoire de ces enfants et de la complexité du droit des
étrangers.
Aussi, il nous semble indispensable de donner toutes les garanties que
l'administrateur
ad hoc
ne sera pas un simple alibi.
A cet égard, conférer un caractère suspensif aux recours qu'il pourra former
au nom du mineur paraît essentiel.
Compte tenu de la position de la commission des lois, nous n'avons pas grand
espoir de voir cet amendement adopté. Néanmoins, il serait dangereux de clore
aujourd'hui le débat.
Notre amendement se veut donc aussi et surtout un amendement d'appel à
poursuivre le débat pour apporter demain d'autres réponses. Nous avons tous
conscience qu'il y va du devenir de ces enfants, quand ce n'est pas, tout
simplement, de leur vie !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Monsieur Bret, comme vous vous y attendiez, la commission
n'est pas favorable à votre amendement. C'est qu'il apporte une réponse
inadaptée à un véritable problème.
Vous avez parlé de la surcharge d'un certain nombre de zones d'attente : cela
concerne les majeurs comme les mineurs, nous le savons tous, comme nous savons
tous aussi que les mineurs en situation irrégulière sur notre territoire sont
en danger.
Plusieurs solutions sont possibles, y compris le retour dans le pays
d'origine, dans la famille, ce qui n'est tout de même pas une option si
mauvaise ! Repris dans son milieu d'origine, l'enfant sera, en effet,
probablement moins en danger que s'il continue à vivre une situation d'errance
sur notre territoire ; c'est, pour moi, une certitude.
Il y a, certes, des problèmes, mais je ne vois pas de raison de déroger, pour
les mineurs, au régime général des recours. Par conséquent, il convient de
repousser cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur le sénateur, votre argumentation est tout à fait solide et je partage
les préoccupations qui sont les vôtres, et que vous vivez d'ailleurs très
personnellement. Je voudrais cependant vous rappeler qu'il existe, depuis la
loi du 1er juillet 2000, une procédure de référé administratif.
Le Gouvernement a d'ailleurs donné des instructions très précises pour que la
décision du juge intervienne en temps utile. Cette procédure de référé
administratif - on m'a dit qu'elle fonctionnait bien, mais je peux prendre
vis-à-vis de vous l'engagement de le vérifier - permet déjà de répondre à votre
préoccupation tout à fait légitime.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 15