SEANCE DU 8 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à Mme Létard, auteur de la question n° 1207, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Valérie Létard.
Avant d'aborder l'objet de ma question orale, je tiens, à mon tour, à adresser
à tous mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
Si chacun s'est accordé à reconnaître le bien-fondé de la mise en oeuvre d'une
couverture maladie universelle, notre assemblée, lors de la discussion du
projet de loi qui en a porté création, en juin 1999, avait largement alerté Mme
Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les modalités
d'évaluation du panier de soins dans le dispositif de prise en charge de la
part complémentaire de la CMU. L'évaluation était alors de 1 500 francs par
personne et par an.
Notre commission des affaires sociales s'était inquiétée d'un coût unitaire
qui lui paraissait nettement sous-évalué dans la mesure où il reposait sur des
données de 1995 qui n'avaient pas été réactualisées. De plus, ce coût avait été
calculé par référence à une population qui ne recouvrait pas complètement celle
de la CMU.
Force est de constater aujourd'hui que ces craintes étaient largement
justifiées. L'enveloppe de 1 500 francs n'a jamais pu être respectée et, pour
les mutuelles, qui ont pour la plupart d'entre elles choisi de participer au
système, le coût a toujours été nettement supérieur à cette limite. Je ne
citerai qu'un exemple, celui de la mutuelle Choralis, dans mon département, qui
fait état d'un montant minimum de 1 900 francs - hors frais de gestion - dans
ses prévisions les plus optimistes. Pour cette mutuelle, le montant de
prestations payées pour 2001 - jusqu'au 18 décembre en date de soins - s'élève
à 7 400 551 francs, largement supérieur à celui des prestations versées en
2000, qui n'était que de 3 297 249 francs. La déduction de 1 500 francs par
bénéficiaire, pour un montant de 5 176 000 francs en 2001, est loin de couvrir
la totalité des frais engagés.
Si elles veulent assurer le financement du dispositif, les mutuelles se
trouvent contraintes d'augmenter les cotisations réglées par leurs adhérents.
Celles qui refusent d'alourdir la contribution déjà demandée n'ont d'autre
solution que de sortir du système. C'est le cas de la mutuelle Intégrance, dont
l'effectif des cotisants est composé à 74 % de handicapés et de familles très
modestes, et qui a refusé d'alourdir la charge financière supportée par ses
adhérents ; elle a évalué la consommation moyenne du panier de soins à environ
3 100 francs pour l'année 2001.
D'autres mutuelles membres de la fédération nationale de la mutualité
interprofessionnelle, dans une résolution adoptée à plus de 90 % des voix le 27
octobre dernier, ont annoncé le maintien provisoire de leur participation, mais
leur intention de se retirer en 2003 si le principe d'une réévaluation annuelle
des remboursements de la part complémentaire n'est pas envisagé.
En 1999, dans sa réponse aux orateurs intervenus dans la discussion générale
du projet de loi créant la CMU, Mme Aubry avait indiqué : « Nous avons donc
retenu le chiffre de 1 500 francs. En agissant ainsi, nous avons la conviction
que nous avons gardé une marge de sécurité. Le Gouvernement est cependant tout
à fait d'accord pour faire un bilan année après année. Et s'il s'avérait qu'il
y a des modifications, dont aujourd'hui je n'ai aucune raison de penser
qu'elles doivent intervenir, nous en tirerions les conséquences. »
Le fonctionnement du dispositif a montré que le financement actuel a largement
sous-estimé la progression des dépenses. Le Gouvernement va-t-il, avant que les
organismes complémentaires ne se désengagent massivement, tirer les
conséquences de cet état de fait, comme Mme Aubry en avait pris l'engagement
devant notre assemblée ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Madame la sénatrice, vous voudrez bien excuser l'absence de Mme Elisabeth
Guigou, au nom de laquelle je vous apporte la réponse que voici.
Alors que l'ancienne aide médicale des départements ne couvrait que 3 400 000
personnes - et encore de façon inégale sur l'ensemble du territoire ! - près de
5 millions de personnes disposent aujourd'hui, grâce à la CMU, d'une bien
meilleure couverture maladie. Ce succès est le fruit de l'engagement de tous
les acteurs de la CMU, dont, naturellement, les organismes de couverture
maladie complémentaire : mutuelles, compagnies d'assurance, institutions de
prévoyance.
Vous évoquez, madame la sénatrice, les difficultés que rencontrent certaines
mutuelles à assumer les engagements qu'elles ont pris dans le cadre de la
CMU.
Consciente de ces difficultés, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité
a demandé au directeur du fonds de financement de la CMU d'analyser ce
problème. Il ressort de l'étude qu'il a rendue en décembre 2001 que, tous
organismes confondus, le coût moyen de la CMU s'est élevé à 1 113 francs en
2000, soit 169,68 euros, et à 1 543 francs en 2001, soit 235,23 euros.
Il est probable que l'année 2002 verra une nouvelle progression des coûts
moyens de la CMU du fait de la poursuite de la montée en charge de ce
dispositif. Si cette tendance se confirmait, le Gouvernement étudierait la
possibilité de revaloriser le montant de la déduction dont bénéficient les
organismes complémentaires. Il reste que, globalement, le bien-fondé de la
participation des organismes de couverture maladie complémentaire à la CMU
n'est pas aujourd'hui remise en cause, notamment au regard des chiffres que je
viens de citer.
Vous évoquez le cas de la mutuelle Intégrance : celui-ci est rès spécifique,
car elle accueille un grand nombre de personnes handicapées, dont les dépenses
de santé sont très élevées - supérieures à 3 000 francs en moyenne - en raison
principalement des frais de prise en charge du forfait hospitalier journalier.
Cette mutuelle a demandé à revenir sur son engagement de participer à la CMU.
Je soulignerai que les personnes concernées ne subiront aucune rupture de
droit, car elles seront prochainement prises en charge au titre de la CMU
complémentaire par les caisses primaires d'assurance maladie.
Le Gouvernement attache évidemment un grand intérêt à la participation des
organismes complémentaires à la couverture maladie des personnes aux ressources
modestes. Nous mettrons en place dans les prochains jours un dispositif d'aide
à l'acquisition de contrats de couverture maladie complémentaire en faveur des
personnes dont les ressources dépassent de moins de 10 % le plafond de la CMU ;
cette aide sera apportée par les fonds d'action sanitaire et sociale des
caisses primaires d'assurances maladie et devrait couvrir la moitié environ du
coût d'un contrat offrant une couverture représentant l'équivalent de la
CMU.
Tels sont, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je pouvais
aujourd'hui vous apporter.
Mme Valérie Létard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard.
Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, mais il est
évident que je n'ai satisfaction que sur une petite partie de ma demande.
Permettez-moi d'évoquer le cas que je connais le mieux, celui de la mutuelle
Choralis, qui intervient dans le Valenciennois. Voilà un territoire où une très
grande partie de la population est en difficulté, et il ne s'agit pas seulement
des personnes handicapées : nous avons l'un des taux de chômage les plus
importants de France, et le seul arrondissement de Valenciennes compte 5 000
bénéficiaires de la CMU, avec un panier de soins représentant 1 900 francs.
Au 1er janvier 2003, cette mutuelle se désengagera, comme 90 % de celles qui
adhèrent à la fédération nationale des mutuelles interprofessionnelles, et cela
contre son propre souhait. Il n'empêche qu'elle va devoir changer sa politique
en faveur des populations en difficulté.
De plus, les cinq personnes qui, au sein de la mutuelle, travaillent à temps
plein à la mise en oeuvre de la part complémentaire de la CMU vont voir leur
activité cesser dans ce domaine.
Je pense que tout cela mérite qu'on y réfléchisse sérieusement.
REMBOURSEMENT DU TRAITEMENT DE L'OSTÉOPOROSE