SEANCE DU 8 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1209, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je tiens, moi aussi, à présenter à tous mes voeux de très bonne année 2002,
formulant surtout le souhait de voir toutes les guerres cesser dans le
monde.
Ma question me paraît importante, car elle soulève un problème de santé
publique de caractère national, elle laisse entrevoir une possibilité de faire
reculer une maladie aujourd'hui parfaitement connue, elle permet d'insister sur
la nécessité d'en prévenir et d'en retarder l'apparition par une prévention qui
a forcément un prix et elle me donne enfin l'occasion de préconiser une série
de mesures propres à faire réaliser des économies.
L'ostéoporose touche aujourd'hui en France 2 millions de personnes. Elle en
concernera un nombre croissant au fur et à mesure du vieillissement de la
population française et de l'allongement de la durée de la vie dans notre
pays.
Dans le document de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris intitulé « Cent
questions sur l'ostéoporose », les spécialistes et l'Institut de rhumatologie
affirment que, sur cent femmes françaises atteignant la ménopause, quarante
auront, avant la fin de leur vie, une fracture due à la fragilité des os, avec
des conséquences graves sur la qualité de vie et même sur l'espérance de vie,
en particulier à la suite d'une fracture du col du fémur. Rappelons que,
actuellement, en France, 50 000 personnes sont victimes chaque année de cet
accident. Selon les prévisions, on en dénombrera 100 000 en 2010 et 150 000 en
2050.
Or, fait assez rare pour être signalé, il existe un consensus sur cette
maladie dans le milieu médical. L'ostéoporose est responsable de la plupart des
fractures dont je parlais, car il s'agit d'une maladie qui associe diminution
de la densité des os et modification de l'architecture osseuse. La perte
osseuse est linéaire chez l'homme : 0,5 % par an ; elle s'accélère à la
ménopause - de 2 % à 5 % - chez la femme ; elle est continue chez les personnes
âgées de plus de soixante-dix ans.
Nous sommes donc en présence d'un problème qui se pose de manière permanente,
et il s'agit bien d'une question de caractère national, appelant des décisions
de la part du ministère de la santé.
Je souhaiterais savoir, précisément, quelles mesures sont envisagées pour, à
la fois, lutter selon des formes nouvelles contre cette maladie et s'opposer au
fatalisme qu'elle suscite, y compris dans le monde médical.
La densité osseuse peut se mesurer soit par rayons, soit par
ostéodensitométrie. Il existe une définition densitométrique de l'ostéoporose
qui fait l'objet d'une codification de la part de l'Organisation mondiale de la
santé. Pourquoi la densitométrie, qui est une méthode fiable de dépistage,
demeure-t-elle ignorée par l'assurance maladie puisque celle-ci ne rembourse
pas l'examen ? Cette maladie va-t-elle rester la seule dont le dépistage ne
ferait pas l'objet d'un remboursement ? Pourquoi ce sort particulier fait à
l'ostéoporose ?
Le coût de cet acte médical, du fait de son non-remboursement, est
difficilement appréciable. Il varierait, me dit-on, de 300 francs à 1 500
francs.
Ce non-remboursement a également deux conséquences graves : d'une part, les
hôpitaux publics ne s'équipent pas pour la pratique des analyses et la
recherche de la maladie ; d'autre part, une médecine à deux vitesses se
dessine. Certaines personnes, disposant de revenus confortables, peuvent se
soigner. Les autres, faute de moyens suffisants, doivent subir les atteintes de
cette maladie.
Il en va de même pour les traitements. Au cours des dernières années, de
nombreux progrès scientifiques ont été réalisés dans la compréhension de
l'activité des cellules osseuses et des mécanismes de l'ostéoporose. Un fait
nouveau se dessine : des traitements, des médicaments se montrent aujourd'hui
efficaces. Il en est ainsi du traitement hormonal, qui permet de compenser la
carence en oestrogène, principale cause de l'ostéoporose. L'efficacité de ce
traitement hormonal substitutif est toujours efficace, quel que soit l'âge.
Comme la durée de traitement varie de cinq à dix ans, le remboursement
insuffisant par l'assurance maladie a un effet ségrégatif selon les revenus des
patientes.
Je souligne enfin qu'une politique de prévention fondée sur le remboursement
des actes représenterait une économie de 20 % des dépenses médicales. Voilà qui
est intéressant lorsque l'on recherche des économies pour la sécurité sociale
!
L'ostéoporose est une maladie dont la gravité est aujourd'hui reconnue.
Pourquoi refuse-t-on la prise en charge à 100 % des examens qui permettent de
la dépister et des traitements qui permettent de la combattre lorsqu'elle est
survenue ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Cette fois, c'est au nom du ministre délégué à la santé, dont vous voudrez
bien excuser l'absence, que je m'exprimerai. Compte tenu du caractère
éminemment technique de votre question, madame Beaudeau, vous accepterez
certainement que certains éléments de réponse vous soient apportés par
écrit.
La prévention de l'ostéoporose repose, d'abord, sur le respect des mesures
hygiéno-diététiques qui visent à préserver le capital osseux par l'activité
physique, un apport suffisant en calcium et en vitamine D.
Le programme national nutrition-santé 2001-2005 prévoit des mesures éducatives
afin d'améliorer ces apports dans l'alimentation de la population en général et
de façon plus particulière chez les personnes âgées. Chez ces dernières, il est
aussi très important de prévenir les chutes, qui sont souvent à l'origine de
fractures. La prévention des chutes des personnes âgées fait ainsi l'objet de
campagnes d'information du Comité français d'éducation pour la santé et de la
Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
En ce qui concerne le dépistage de l'ostéoporose, les travaux ont montré qu'il
n'y a pas d'intérêt à réaliser un examen de dépistage tel que
l'ostéodensitométrie de façon systématique en population générale. L'Agence
nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, vient de présenter
des recommandations relatives aux « méthodes diagnostiques de l'ostéoporose
post-ménopausique et chez les sujets traités par corticoïdes et leurs
indications ».
Une étude complémentaire, demandée par la direction générale de la santé, est
en cours de réalisation afin d'estimer le nombre de femmes présentant ces
facteurs de risque et qui seraient donc susceptibles de tirer un bénéfice de
l'ostéodensitométrie. Des recommandations de stratégies thérapeutiques sont
aussi en cours d'élaboration par l'Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé.
Les mesures ultrasoniques de la densité osseuse restent du domaine de la
recherche. Une étude comparative des méthodes ultrasoniques et par absorption
biphotonique, lancée par l'INSERM, est actuellement en cours de
développement.
S'agissant des traitements médicamenteux, je vous précise, - mais vous le
savez, madame la sénatrice - que, d'une part, les traitements hormonaux
substitutifs, dont l'une des indications est la prévention de l'ostéoporose,
sont aujourd'hui pris en charge par l'assurance maladie et que, d'autre part,
les médicaments ayant une indication dans le traitement de l'ostéoporose sont
également pris en charge.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, même si elle
ne me satisfait pas complètement.
Je ne doute pas que le Gouvernement est conscient des problèmes. Et qu'il ait
un plan pour l'avenir, heureusement ! Mais ce qui est en question ici, c'est le
remboursement par l'assurance maladie de certains actes de radiologie tels que
la densitométrie. Je ne demande pas un dépistage systématique, je souhaite
simplement que, lorsqu'un médecin prescrit un tel acte de radiologie, celui-ci
soit remboursé, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, tous les
traitements hormonaux ne sont pas totalement remboursés, en tout cas pas ceux
de la dernière génération.
Par ailleurs, l'ostéoporose n'est pas uniquement une maladie de femmes
ménopausées ou de personnes vieillissantes. Ainsi, les polyarthrites
rhumatoïdes et les traitements à base de corticoïdes sont susceptibles
d'entraîner une ostéoporose en l'absence de traitements hormonaux.
Il y a beaucoup à faire en la matière, car cette maladie peut concerner des
personnes jeunes, voire des adolescents ou des enfants. C'est un problème de
santé pour toutes et tous, et il faudra aller beaucoup plus loin dans le
traitement de cette maladie.
La question est importante, et je constate que vous semblez partager cette
opinion.
(Mme le secrétaire d'Etat acquiesce.)
MALTRAITANCE DES PERSONNES ÂGÉES