SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Lise,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'an dernier, c'est un budget de
renouveau que le Parlement avait voté pour le Conseil économique et social. En
accordant une progression de 8,2 % des crédits, il s'agissait de donner au
président Jacques Dermagne, élu en septembre 1999, les moyens d'une politique
ambitieuse visant à moderniser le Conseil, à l'ouvrir sur l'extérieur, à lui
donner un rôle accru.
A ce budget de renouveau succède un budget de continuité. Les crédits du
Conseil économique et social s'élèvent à 31,8 millions d'euros. Seuls les
crédits liés aux ressources humaines - les membres du Conseil et des sections,
d'une part, et le personnel, d'autre part - augmentent, mais par le simple
effet de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
Les moyens matériels, en fonctionnement ou en investissement, régressent
légèrement ou sont quasiment stables.
Au total, l'augmentation, limitée à 1,6 %, comme on était fondé à l'attendre,
est suffisante pour assurer la poursuite des réformes engagées.
Donner à la société civile le cadre et les moyens de se faire mieux entendre,
tant sur le plan national que sur la scène internationale, tel est l'objectif
du président Dermagne.
Ce projet est servi par une politique de communication résolument plus
offensive. Le développement des relations publiques, un site Internet plus
complet et plus attractif ainsi que l'intensification des relations avec la
presse concourent au renforcement de la notoriété du Conseil.
Sur le plan national, le Conseil souffre cependant - je le déplore chaque
année - de se voir si peu sollicité par le Gouvernement. Au-delà du nombre de
saisines, qui semble d'ailleurs progresser légèrement en 2001, il est très
regrettable que, sur des sujets aussi essentiels que la modernisation sociale,
la lutte contre les exclusions, la réduction du temps de travail, l'épargne
salariale, la couverture maladie universelle ou la loi d'orientation pour
l'outre-mer, l'avis du Conseil économique et social n'ait pas été demandé.
Afin de peser davantage dans le débat national, le Conseil réalise des travaux
qui se veulent plus percutants, quitte à être l'objet de controverses largement
reprises ces derniers temps par la presse. Moins consensuels et plus incisifs,
ces travaux permettent des échanges plus riches au sein de l'institution.
Par ailleurs, le Conseil tient à mieux intégrer les évolutions profondes de
notre société, telles que le cheminement vers l'égalité entre les femmes et les
hommes ou la construction européenne. Ainsi, après la création d'une délégation
aux droits des femmes en mars 2000, une délégation pour l'Union européenne a vu
le jour en février 2001.
Enfin, le Conseil a pris l'habitude de faire travailler les sections en commun
si l'objet d'une étude touche à divers domaines ou, s'il nécessite un éclairage
territorial, d'inviter les conseils économiques et sociaux régionaux à apporter
leur concours.
A l'échelle internationale et à l'heure de la mondialisation, le président du
Conseil milite pour une meilleure représentation de la société civile. Le
nombre de CES étrangers ou d'institutions similaires est passé de douze à
soixante en dix ans et le concept de Conseil économique et social à la
française s'exporte bien.
Par ailleurs, le CES français joue un rôle essentiel au sein de l'Association
internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires,
qui vient de se voir accorder un statut spécial par l'Organisation des Nations
unies, lui permettant de siéger dans les rangs de celle-ci. J'y vois là une
juste consécration de l'action du président Dermagne et un véritable motif de
satisfaction, car c'est bien ainsi que la société civile pourra mieux faire
entendre ses légitimes inquiétudes et ses attentes, nées en particulier de la
mondialisation.
Je conclurai par une question, certes récurrente mais que nous n'avons pas de
raison d'éluder, je veux parler de la représentativité du Conseil économique et
social.
En réponse aux habituels commentaires que cette question suscite, son
président a lui-même reconnu que le Conseil ne représente plus tout à fait la
société d'aujourd'hui, que « la photo est jaunie ». N'est-il pas temps d'en
tirer les conséquences ?
En attendant la réforme législative que cela impliquerait, le Sénat pourrait
utilement apporter sa contribution à la réflexion qui semble devoir s'engager
au sein même du Conseil économique et social.
Pour l'heure, la commission des finances vous propose, mes chers collèlgues,
d'adopter les crédits de cette institution.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le
temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne
peux qu'approuver les principales remarques faites par notre rapporteur
spécial. Je me contenterai d'insister sur le fait que le Gouvernement sollicite
toujours trop peu le Conseil économique et social.
Permettez-moi de rappeler le titre XI de la Constitution qui dispose que le
Conseil « donne son avis sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret
ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis ». Il peut être
également consulté par le Gouvernement sur tout problème de caractère
économique ou social.
A juste titre, M. le rapporteur spécial note que le nombre de saisines
gouvernementales est passé de quatre en 1999 et en 2000 à cinq au 1er juillet
2001. Entre octobre 2000 et juin 2001, le Conseil économique et social ne
semble avoir été consulté sur aucun projet de loi, alors que des dizaines de
lois ont été votées.
En 2000, dix-huit études et rapports ont été publiés au
Journal
officiel
, 334 réunions et 18 assemblées plénières se sont tenues. Trois
cents personnalités extérieures ont été auditionnées.
Le Conseil économique et social travaille. Ses travaux sont appréciés, si l'on
en juge par le nombre d'accès au site Internet : en moyenne près de 400 000 par
mois, soit une hausse de 76 % par rapport à 1979.
En outre, son audience progresse sur le plan international, grâce, il faut
bien le reconnaître, à une politique de coopération internationale.
Le Conseil économique et social est devenu, avec d'autres institutions - la
direction des
Journaux officiels,
la direction des monnaies et médailles
et le Commissariat général du Plan -, un pilier de la République sur lequel
s'appuient les gouvernements.
Une question se trouve posée : pourquoi les gouvernements qui se sont succédé
depuis 1946 ne lui accordent-ils jamais tout l'intérêt qu'il mérite ?
Son accouchement fut difficile, il est vrai. Les discussions et transactions
furent lentes, âpres, au sein de la commission de la Constitution, d'abord,
puis au sein de l'Assemblée constituante.
Elles devaient cependant aboutir et faire l'objet du titre III de la
Constitution du 13 octobre 1946. C'était alors une consécration
constitutionnelle du Comité économique.
On peut l'affirmer avec le recul de l'histoire, le Conseil économique et
social a joué le rôle qu'il pouvait jouer, celui d'assemblée consultative et de
lieu privilégié pour conduire les représentants de diverses activités
économiques et sociales de la nation à chercher ensemble et à collaborer.
Je voudrais également rappeler que le Conseil économique devait, avec la loi
organique du 29 décembre 1958, devenir le Conseil économique et social.
Il existe une petite différence : le Conseil économique était placé auprès du
Parlement ; le Conseil économique et social est placé auprès du
Gouvernement.
A un moment, il avait été envisagé une fusion entre le Conseil économique et
social et le Sénat. Le référendum de 1969 a condamné ce projet et, mieux, la
loi 1972 a créé des conseils économiques et sociaux régionaux, à l'image du
Conseil économique et social.
Le bilan est intéressant, mais il est encore insuffisant.
En votant ce projet de budget, nous émettons le souhait de voir le
Gouvernement accorder beaucoup plus d'importance aux avis du Conseil économique
et social. Certaines lois seraient peut-être plus équilibrées après un avis des
représentants de la société civile, économique, syndicale et sociale !
Je me permets, avant de conclure, de rappeler que l'article 69 de la
Constitution du 4 octobre 1958 est formel : « Le Conseil économique et social,
saisi par le Gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d'ordonnance
ou de décret ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis. »
Certes, c'est le Parlement, et lui seul, qui fait la loi ; ce ne doit pas être
une autre assemblée consultative qui lui conteste ce pouvoir. D'ailleurs, la
loi de finances n'est pas soumise à l'avis du Conseil économique et social.
Je vous rappelle que, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance portant loi
organique relative au Conseil économique et social, celui-ci « est
obligatoirement saisi pour avis des projets de loi de programme ou de plan à
caractère économique ou social [...] Il peut être, au préalable, associé à leur
élaboration. »
Madame la secrétaire d'Etat, je n'entends personne faire référence à cet avis,
très certainement parce que le Gouvernement, je le crois, le néglige. Je
rappelle que la responsabilité de saisine appartient au Gouvernement, et non au
Parlement !
Le Parlement, s'il a modifié, par une loi organique de 1984, la composition
sociale du Conseil économique et social, n'a modifié ni le rôle ni la nature
même de l'assemblée, pas plus d'ailleurs que ne l'a fait le décret de 1989,
modifié par le décret de 1991, lequel a modifié le nombre des représentants des
collectivités d'outre-mer.
Personne n'a jamais contesté le rôle du Conseil économique et social. Tous les
parlements, depuis 1946, en améliorent la composition et les fonctions. Comment
se fait-il que les gouvernements, en revanche, ne le sollicitent pas plus ?
En votant ce projet de budget, je souhaite que le Gouvernement prenne
l'engagement d'utiliser davantage le Conseil économique et social.
M. François Marc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier M. Claude
Lise, rapporteur spécial, de la qualité de son rapport. Le président M. Jacques
Dermagne et le bureau du Conseil économique et social ont engagé, depuis le
début de la mandature 1999-2004, une politique de modernisation et d'ouverture
sur l'extérieur de cette institution.
Au cours de l'année 2000, le Conseil économique et social a tenu dix-huit
assemblées plénières. Ses membres ont participé - Mme Beaudeau rappelait ces
chiffres à l'instant - à 334 réunions, au cours desquelles 292 personnalités
extérieures ont été auditionnées. A l'issue de ces travaux, une étude ainsi que
dix-huit avis et rapports ont été adoptés, dont quatre sur saisine
gouvernementale. Au cours du seul premier semestre 2001, treize avis ont été
adoptés, dont cinq sur saisine gouvernementale.
Depuis juin 1999, le site internet du Conseil met en ligne le texte intégral
des rapports des douze derniers mois, ainsi que les notices des travaux publiés
depuis 1947. En 2000, le nombre d'accès moyen mensuel a été de 233 888, en
progression de 76 % par rapport à 1999. Et je remercie Mme Beaudeau, qui a
fourni des chiffres encore plus récents !
Depuis dix ans, le Conseil économique et social s'est engagé dans des actions
de coopération internationale et il assure le secrétariat permanent de
l'Association internationale des conseils économiques et sociaux.
Les moyens de cette politique ont été dégagés grâce à une revalorisation
significative de 8,71 % sur l'exercice 2001 du budget de fonctionnement. Ces
nouveaux crédits ont permis la création d'un service international, d'un
service de la communication et la mise en place d'un réseau informatique.
Après la remise à niveau budgétaire intervenue en 2001, l'année 2002 sera,
comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur spécial, une période de mise en
oeuvre des réformes qui s'inscrira dans une perspective d'action
pluriannuelle.
Les mesures nouvelles concernent, tout d'abord, la poursuite de la
modernisation du système informatique, et les premières phases de développement
d'un intranet pour l'élaboration des rapports, la gestion des bases de données
documentaires et l'archivage électronique, soit 243 918 euros.
En termes de dépenses d'investissement, une dotation de 824 000 euros
d'autorisations de programme et de crédits de paiement a été prévue, comme l'an
passé, afin de poursuivre le programme d'entretien et de rénovation du palais
d'Iéna, et particulièrement la création de salles de réunions équipées d'outils
de communication moderne.
Au total, le projet de budget pour 2002 s'élève à 31,75 millions d'euros, dont
0,82 million d'euros relevant des crédits du titre V et 30,93 millions d'euros
du titre III, en progression de 1,59 % par rapport à l'année 2001.
Au-delà de ces chiffres, il importe de souligner qu'après une année de remise
à niveau un nouveau souffle a, en quelque sorte, été donné aux actions du
Conseil économique et social. Il reste donc à examiner de quelle manière cette
politique dynamique, mise en oeuvre par M. Jacques Dermagne, permettra de
donner au Conseil économique et social l'élan que Mme Beaudeau et vous-même
souhaitez lui donner.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil
économique et social, et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 408 597 EUR. »