SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 22. - I. - L'article L. 5211-28 du code général des collectivités
territoriales est ainsi modifié :
« 1° Au deuxième alinéa, après les mots : "Pour les communautés de communes,",
sont insérés les mots : "les communautés d'agglomération," ;
« 2° Les troisième, quatrième et cinquième alinéas sont supprimés.
« II. - En 2002, le montant de la dotation d'aménagement, tel qu'il résulte de
l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 2334-13 du code
général des collectivités territoriales, est majoré d'un montant total de
309,014 millions d'euros, dont 126,075 millions d'euros prélevés sur la
dotation instituée au premier alinéa du IV de l'article 6 de la loi de finances
pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986).
« Cette majoration n'est pas prise en compte en 2002 dans le montant de la
dotation globale de fonctionnement pour l'application du I et du II de
l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).
»
« III. - Le 1° de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités
territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de 2003, pour le calcul du montant de la dotation globale de
fonctionnement, le montant de la dotation globale de fonctionnement de 2002
calculé dans les conditions prévues ci-dessus est majoré d'un montant total de
309,014 millions d'euros. »
« IV. - Le IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30
décembre 1986) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul en 2003 du montant de la dotation instituée au premier alinéa
du présent IV, le montant de cette même dotation au titre de 2002, tel qu'il
résulte de l'application des alinéas précédents, est minoré de 126,075 millions
d'euros. »
Sur l'article, la parole est M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur
général, mes chers collègues, comme le rappelait fort à propos le président
Poncelet dans un entretien paru dans le numéro 49 d'
Intercommunalités
,
nous pouvons tous nous réjouir de l'incontestable succès de la relance de
l'intercommunalité, d'autant que le Sénat y a très largement contribué.
Mais tout dispositif est par nature perfectible, et cela est vrai aussi pour
l'intercommunalité. Un assouplissement de certaines règles dans le domaine
fiscal, plus particulièrement dans la perception de la taxe professionnelle,
pourrait être inséré dans la réforme portant modernisation des finances
locales.
Sur le principe de la mise en commun des moyens, personne ne peut contester
l'efficacité des communautés de communes, communautés d'agglomération et autres
communautés urbaines. J'estime cependant que certaines modalités de mise en
forme sont contestables.
Il en est ainsi du transfert total de la taxe professionnelle : la loi prive
les composantes des communautés d'agglomération d'une ressource non négligeable
; plus encore, elle prive de nombreux arguments le maire qui doit défendre un
projet d'implantation industrielle ou commerciale, par exemple.
Vous savez tous que toute implantation industrielle ou commerciale entraîne
des nuisances, à des niveaux plus ou moins élevés : du bruit, des odeurs, de la
circulation. Avec l'ancienne forme de perception de la taxe professionnelle, le
maire pouvait emporter l'adhésion de ses concitoyens et de son conseil
municipal en chiffrant précisément les gains escomptés pour la commune au vu
des résultats attendus de la taxe professionnelle. Ce même élu pouvait évoquer
les équipements collectifs que ce supplément de taxe professionnelle
permettrait de financer sans augmenter les impôts locaux. Aujourd'hui, ce n'est
plus le cas.
Les maires ne disposent plus que des impôts sur les ménages. Il est à
craindre, désormais, que les maires et leurs conseils municipaux ne cherchent
plus à attirer des sociétés nouvelles puisque l'incitation fiscale directe
n'existe plus. Les motivations ne seront plus du tout de même importance.
Le cas s'est produit dans notre communauté d'agglomération, qui a été, je le
rappelle, la première en France. C'est dire que nous avons une certaine
expérience en matière d'intercommunalité.
De plus, le fait que les dépenses communales nouvelles ne puissent être
de
facto
gagées que sur les prélèvements issus des ménages risque de paralyser
de nombreuses collectivités locales et d'avoir une répercussion négative sur
l'économie.
A ce stade du raisonnement, il convient de déplorer le blocage des ressources
en taxe professionnelle sur une seule année de référence, l'année 1999, qui est
reversée par les communautés d'agglomération aux collectivités de base.
L'érosion monétaire n'est pas, vous en conviendrez, mes chers collègues, une
vue de l'esprit, si bien que, chaque année, le maire perd une partie de ses
ressources. De là à déceler une recentralisation financière en totale
contradiction avec le discours gouvernemental, la marge est infime.
Il est tout à fait souhaitable et techniquement possible de combiner
l'efficacité de l'action collective avec l'esprit d'initiative des maires
membres des communautés d'agglomération, c'est-à-dire de permettre aux communes
de percevoir conjointement avec les communautés d'agglomération une part de la
taxe professionnelle.
L'article 1609
nonies
C du code général des impôts pourrait très bien
être modifié dans ce sens, un décret d'application fixant les parts communale
et intercommunale respectives. L'évolution des relations communes-structure
intercommunale ne pourra ainsi qu'être améliorée. A défaut, à terme, les règles
du jeu actuelles créeront plus d'inconvénients que d'avantages. Je pense bien
évidemment en premier lieu aux ménages.
En effet, si aucune modification n'est apportée, force est de constater
qu'
in fine
le développement des services rendus au niveau intercommunal
sera financé par une hausse des impôts communaux ou ne sera pas assuré.
N'est-ce pas le comble du paradoxe ?
Je plaide maintenant la cause des communautés d'agglomération. L'Etat alourdit
leurs dépenses en transférant sur leur budget les compétences qui sont les
siennes, comme cela a été dit à de nombreuses reprises aujourd'hui.
Il en va ainsi de l'obligation qui est faite aux autorités organisatrices de
transport de consentir, sans compensations, des cartes d'abonnement à tarifs
réduits non seulement aux titulaires du RMI et aux autres bénéficiaires de
l'aide sociale, mais aussi à leurs ayants droit, l'épouse et les enfants.
On peut se demander comment nos budgets pourront être équilibrés, à moins
d'augmenter les impôts, ce qui est impopulaire.
(M. Braun applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° I-42, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger ainsi le deuxième alinéa (10 alinéa du I de l'article 22 :
« 10 Dans le quatrième alinéa, la somme : "1 200 millions de francs" est
remplacée par la somme : "610 millions d'euros". »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I
ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration du
prélèvement sur les recettes de l'Etat assurant le financement des communautés
d'agglomération est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Madame le secrétaire d'Etat, le dispositif prévu par
l'article 22 est, j'ai le regret de vous le dire, doublement contraire à la
volonté exprimée par le législateur dans la loi du 19 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
En premier lieu, il pérennise, en le gelant à son niveau de 2001, le
financement des communautés d'agglomération par la DCTP, alors que la loi de
1999 avait limité le recours à la dotation aux seules années 2000 et 2001.
L'expédient est donc reconduit.
En second lieu, il supprime le mode de financement hors DGF des communautés
d'agglomération qui avait été retenu de manière que l'augmentation du coût de
l'intercommunalité ne pèse pas sur la DSU et la DSR.
De plus, le dispositif proposé tend à faire financer l'augmentation du coût
des communautés d'agglomération entre 2001 et 2002 par une minoration des
ressources disponibles au titre de la DSU et de la DSR.
Pour financer une priorité, on impute sur une autre priorité. Ce n'est pas
réellement satisfaisant. Les crédits prévus pour financer les communautés
d'agglomération en 2002 sont équivalents à ceux de 2001. Or, vous n'êtes pas
sans savoir que 30 à 40 nouvelles communautés d'agglomération percevront une
DGF en 2002. Les sommes correspondantes seront prélevées sur la masse de la
dotation d'aménagement, donc sur les dotations de solidarité.
Des promesses ont été faites, elles ne pourront pas être honorées. Pour
remédier à ces inconvénients, et donc pour vous aider, nous défendons un
amendement qui prévoit, en premier lieu, de conserver le principe d'un
financement hors DGF des communautés d'agglomération pour ne pas peser sur la
DSU et la DSR.
Cet amendement vise, en second lieu, à fixer le plafond du prélèvement sur les
recettes de l'Etat destiné à financer les communautés d'agglomération à un
niveau suffisamment élevé pour éviter de devoir revoir le financement des
communautés d'agglomération tous les ans. Le montant fixé à 610 millions
d'euros est un plafond et non une obligation de dépenses.
J'ajouterai, enfin, madame le secrétaire d'Etat, que, si l'on veut inciter à
l'intégration intercommunale, il faut s'en donner les moyens. C'est sans doute
un problème de choix.
Je rejoins volontiers ceux qui, tout à l'heure, parlaient de contenir la
dépense. Il n'est pas possible de contenir la dépense si l'on ne fait pas un
tri parmi les priorités. Mais à force de vouloir donner satisfaction aux uns et
aux autres - la période y incite - on met en place un système qui n'est pas
tenable, qui n'est plus gérable et qui explosera.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Depuis leur création par une loi du 12 juillet 1999,
les communautés d'agglomération voient leur DGF bonifiée, financée, en partie,
à l'intérieur de la DGF, et, pour l'essentiel, grâce à deux financements
extérieurs : un concours particulier de l'Etat qui a été progressivement porté
à 182,9 millions d'euros et un prélèvement en gestion sur la DCTP qui s'est
élevé, en 2001, à 126 millions d'euros.
Pour mettre fin aux incertitudes pesant sur le financement de cette DGF
bonifiée, le Gouvernement a proposé de consolider ces deux financements
extérieurs dans la dotation d'aménagement de la DGF à compter de 2002. Au
passage, une simplification du mode de financement des communautés
d'agglomération est également opérée par l'alignement de celui-ci sur le mode
de financement des autres EPCI, ce qui évite tout prélèvement nouveau sur la
DCTP. C'était un souhait assez largement exprimé sur l'ensemble des travées de
cette assemblée.
Votre amendement, monsieur le rapporteur général, ainsi d'ailleurs que les
amendements suivants n°s I-43 et I-44, vise à revenir à l'ancien dispositif
tout en maintenant la suppression du prélèvement sur la DCTP, et donc en
majorant de manière considérable le concours particulier en faveur des
communautés d'agglomération qui est à la charge de l'Etat et qui passerait,
dans cette hypothèse, de 182,9 millions d'euros à 610 millions d'euros.
Par conséquent, ces amendements, qui rompent l'équilibre financier proposé
dans le projet de loi de finances en ce qui concerne le financement de
l'intercommunalité, ne peuvent pas avoir la faveur du Gouvernement. Ils
reviendraient, purement et simplement, à ce que l'Etat prenne entièrement à sa
charge le financement des communautés d'agglomération.
Enfin, je ne reviendrai pas sur les considérations financières concernant
l'équilibre des transferts entre l'Etat et les collectivités locales, m'étant
déjà longuement expliquée sur ce sujet. Pour ces différentes raisons, je
souhaiterais que vous retiriez les amendements n° I-42, I-43 et I-44, monsieur
le rapporteur général.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-43, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le troisième alinéa (2°) du I de l'article 22 :
« 2° Le cinquième alinéa est supprimé. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement de conséquence résultant de
l'adoption de l'amendement précédent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-43, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-44, présenté par M. Marini, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Supprimer les II, III et IV de l'article 22. »
L'amendement n° I-196 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« I. - Après les mots : "d'un montant total de", rédiger comme suit la fin du
premier alinéa du II de l'article 22 : "459,014 millions d'euros".
« II. - Afin de compenser les pertes de recettes résultant du I, insérer après
le I de cet article un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du supplément adjoint à
la majoration de la dotation d'aménagement sont compensées à due concurrence
par un relèvement du taux du prélèvement libératoire prévu à l'article 200 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-44.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
La parole est à Mme Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-196
rectifié.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
amendement de notre groupe porte sur la majoration de la dotation d'aménagement
découlant de la montée en charge de la dotation d'intercommunalité, notamment
celle qui est dévolue aux communautés d'agglomération.
Nous pourrions avoir l'impression que la loi sur l'intercommunalité a
rencontré plus de succès que prévu. En effet, la constitution de très
importants établissements publics de coopération intercommunale - les
communautés constituées autour de villes comme Toulouse ou Nice, par exemple -
a sensiblement accru le poids des structures concernées par la répartition de
la dotation.
Dans les faits, c'est un peu comme si le « gâteau » de la dotation
d'intercommunalité gonflait un peu moins vite que l'appétit des convives, qui
sont pourtant chaque jour plus nombreux autour de la table.
Le résultat de l'opération est connu : c'est la malheureuse dotation de
compensation de la taxe professionnelle, cette variable d'ajustement, qui sert
une fois de plus à combler les trous.
Cela nous conduit à considérer la situation sous une approche renouvelée.
Premier aspect : la dotation d'intercommunalité est manifestement devenue un
facteur de consommation important des crédits de la dotation d'aménagement.
Deuxième aspect : au-delà du cas spécifique de la dotation d'intercommunalité,
c'est l'ensemble de l'architecture des dotations budgétaires qui est en
question. Nous sommes quand même toujours aujourd'hui, contrat de croissance et
de solidarité ou pas, dans le cadre fixé par la réforme de la dotation globale
de fonctionnement du 31 décembre 1993. Cette réforme, mes chers collègues de la
majorité sénatoriale, hautement récessive à l'époque et qui continue de faire
peser ses effets, vous l'aviez défendue, portée et votée.
Troisième aspect : nous ne pouvons évidemment suivre ceux qui préconisent
aujourd'hui de mixer dotation forfaitaire des communes et dotation
d'intercommunalité, faisant en quelque sorte de la participation plus ou moins
volontaire des communes aux EPCI un facteur de variation des dotations
finalement versées.
Il importe, à notre sens, que l'intercommunalité demeure un facteur de
coopération et d'émergence de projets collectifs, et ne soit pas un élément de
correction arbitraire des concours de l'Etat aux collectivités locales.
C'est donc naturellement que cet amendement prévoit de porter l'abondement
exceptionnel de la dotation au niveau requis par la situation et de supprimer
toute référence à l'utilisation de la dotation de compensation de taxe
professionnelle comme élément de financement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-196 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime que le dispositif présenté est
très proche de celui qui résulte des amendements n°s I-42, I-43 et I.-44. Elle
considère donc que cet amendement est d'ores et déjà satisfait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° I-196 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
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