SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2001
M. le président. « Art. 15. - Pour 2002, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999), est ainsi fixé :
Agence de l'eau Adour-Garonne | 7 510 millions d'euros |
Agence de l'eau Artois-Picardie | 6 253 millions d'euros |
Agence de l'eau Loire-Bretagne | 13 012 millions d'euros |
Agence de l'eau Rhin-Meuse | 6 906 millions d'euros |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse | 18 809 millions d'euros |
Agence de l'eau Seine-Normandie | 29 144 millions d'euros |
Sur l'article, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le Gouvernement a déposé un projet de loi sur l'eau qui sera discuté le 8 janvier prochain à l'Assemblée nationale.
L'eau représente, vous le savez, mes chers collègues, un véritable enjeu de société : elle vient d'ailleurs en tête des préoccupations environnementales des Français. Dans moins d'un an, nous aurons l'occasion de débattre dans cet hémicycle du projet de loi sur l'eau. Aujourd'hui, je voudrais évoquer d'abord un constat, puis un paradoxe, enfin un impératif.
Le constat, c'est que le développement de notre politique de l'eau se heurte à un déficit chronique d'investissements. La politique menée au cours des dernières années se solde ainsi par un bilan environnemental médiocre et par des retards considérables dans la mise en place des outils, des financements et des équipements nécessaires.
Je ne citerai que trois chiffres pour illustrer cette situation inacceptable.
Premièrement, seules 54 % des agglomérations françaises situées en zones sensibles se trouvent aujourd'hui en conformité, en matière d'assainissement, avec la directive « Eaux résiduaires urbaines », l'échéance prévue étant 1998.
Deuxièmement, selon le rapport de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, publié en juillet 2001, 94 % des cours d'eau et 75 % des eaux souterraines sont affectés par la présence de pesticides. D'ailleurs, le rapport du Commissariat général du Plan paru en septembre 2001 indique que « le dispositif mis en place n'est pas à la hauteur du problème ».
Troisièmement, 440 plans de prévention des risques ont vu le jour en 2000, alors qu'ils auraient dû être au nombre de 650 pour couvrir les 5 000 communes concernées.
Ces carences ont entraîné, en 2001, cinq contentieux entre la France et les instances européennes, à savoir deux condamnations de notre pays par la Cour de justice des Communautés européennes les 8 et 15 mars derniers pour teneur excessive en nitrates des eaux bretonnes et pour non-conformité des eaux de baignade, une saisine de la Cour de justice des Communautés européennes, le 24 juillet 2001, pour non-respect de la directive « Eaux résiduaires urbaines », et deux avis motivés adressés à la France le 24 juillet 2001 - c'était d'ailleurs la deuxième lettre d'avertissement - pour manquement à la directive relative à l'eau potable et pour non-communication des données concernant la qualité des eaux de baignade, tous les autres Etats membres ayant fourni ces informations.
Voilà pour le constat !
J'en viens maintenant au paradoxe, qui est incompréhensible.
En regard des besoins considérables et des retards à combler, on assiste à une baisse et à une sous-consommation des crédits consacrés à la politique de l'eau.
Aujourd'hui - c'est le coeur même de l'article 15 dont nous allons débattre - le budget spécifique de l'eau est en nette diminution, à hauteur de 3,6 %. Hors crédits du fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, le recul atteint 23 %. Une hausse de 7 % du prélèvement opéré sur le budget des agences de l'eau au profit du fonds national de solidarité pour l'eau, qui regroupe désormais 71 % des crédits affectés à l'eau, est supposée compenser cette grave diminution, mais cette politique de vases communicants est parfaitement stérile. De surcroît, en 2000, seulement 28,5 % des crédits du FNSE ont été consommés, et les dépenses de fonctionnement représentent plus de 90 % de l'ensemble.
S'agissant, enfin, de l'impératif, celui-ci est d'optimiser l'utilisation des crédits affectés à la politique de l'eau. Pour cela, il me semble que deux directions peuvent être suivies.
En premier lieu, nous avons l'obligation de procéder à des évaluations : combien la politique de l'eau nous coûte-t-elle et combien devrait-elle nous coûter ?
A cet égard, la loi organique du 1er août 2001 impose de mesurer les moyens affectés aux politiques. Je vous invite, madame la secrétaire d'Etat, à procéder à cet exercice s'agissant de la politique de l'eau.
Par ailleurs, la directive-cadre européenne sur l'eau, adoptée en septembre 2000 et que la France a ratifiée, place le recours aux évaluations économiques au coeur des orientations européennes.
Devant un enjeu aussi considérable que l'eau et à la veille d'un débat parlementaire, il est impératif de remettre en rapport les objectifs visés et les moyens engagés. Malheureusement, il n'en a pas été ainsi jusqu'à présent.
En second lieu, il convient d'améliorer l'efficacité des fonds tout en développant les solidarités.
S'agissant tout d'abord de la solidarité entre bassins et entre agences de l'eau, je comprends que certains de mes collègues, constatant la gestion catastrophique du fonds national de solidarité pour l'eau, réclament la suppression de ce dernier. Tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° I-31 de la commission des finances.
Cependant, disposer d'un fonds de péréquation me semble nécessaire pour financer les actions transversales interbassins. Pour autant, nous devons à l'évidence en améliorer la gestion.
A cette fin, il convient, à mon sens, de confier le pilotage de celle-ci aux représentants des comités de bassin. Cela serait d'autant plus légitime que le FNSE est alimenté par un prélèvement sur les budgets des agences de l'eau.
En outre, la gestion du FNSE pourrait être améliorée en adaptant le montant des crédits de ce dernier aux besoins réels. En effet, la dotation actuelle ne repose sur aucune évaluation, et l'on aboutit à une sous-consommation des crédits, que nous pourrons démontrer.
Par ailleurs, la solidarité entre monde rural et monde urbain est plus que jamais nécessaire dans le domaine de l'eau, car les écarts constatés en matière tant d'équipements que de qualité de l'eau fournie sont patents. C'est pourquoi je propose une augmentation de la redevance prélevée au titre du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, qui permettra d'aider les communes rurales à se doter d'une alimentation en eau potable et d'un système d'assainissement performants et de qualité.
Tel sera l'objet des amendements n°s I-116, I-117 et I-172. (M. Doublet applaudit.) .
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-31, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 15. »
L'amendement n° I-116, présenté par M. Oudin, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 15 :
« Pour 2002, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, institué par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 (loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999), est ainsi fixé :
Agence de l'eau Adour-Garonne | 1 995 |
Agence de l'eau Artois-Picardie | 1 661 |
Agence de l'eau Loire-Bretagne | 3 457 |
Agence de l'eau Rhin-Meuse | 1 835 |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse | 4 997 |
Agence de l'eau Seine-Normandie | 7 743 |
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-31.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chacun d'entre nous a pu entendre l'argumentaire tout à fait excellent développé par M. Oudin, auquel la commission souscrit, bien sûr, en tout point.
Pour aller pleinement dans le sens de notre collègue, la solution la plus simple, à ce stade, consiste à supprimer l'article ! C'est ce que la commission des finances propose au Sénat.
Ainsi, nous préconisons la suppression du prélèvement de quelque 82 millions d'euros sur les agences de l'eau, qui est destiné à financer la direction de l'eau au ministère de l'environnement par l'intermédiaire du Fonds national de solidarité pour l'eau.
En premier lieu, le critère de répartition des dépenses entre le budget de la direction de l'eau et le FNSE est-il clair ? Je rappelle à cet égard que le FNSE lui-même a été constitué pour financer des actions d'intérêt commun pour les six agences de l'eau. Sur le fond des choses, est-on en mesure de tracer une ligne de partage claire et cohérente entre ce qui est pris en charge par le FNSE et ce qui relève de la compétence de la direction de l'eau ? Le Sénat ne l'a pas pensé jusqu'à présent, et la Cour des comptes nous a confortés dans nos doutes par son récent rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2000.
En second lieu, mes chers collègues, nous constatons que le taux de consommation des crédits du FNSE a été de 27 % pour l'année 2000 et qu'il n'atteignait, à la fin du mois de septembre 2001, que 11 %. Par conséquent, est-il vraiment utile et opportun de conforter un dispositif qui ne permet pas d'employer les crédits prévisionnels ?
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission préconise la suppression pure et simple de l'article 15, tout en comprenant que son élaboration a été liée à des considérations symboliques qui nous dépassent certes quelque peu, mais qui ne sont certainement pas sans rapport avec l'existence, au sein de la majorité qui soutient le Gouvernement, de ce petit « aiguillon vert » qui crée parfois quelques soucis à ce dernier ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-116.
M. Jacques Oudin. Madame le secrétaire d'Etat, je dois vous avouer que, lorsque j'ai défendu cet amendement devant la commission des finances, j'ai été mis en minorité. En effet, la majorité de celle-ci souhaitait plutôt supprimer l'article 15. Pour ma part, je propose de le maintenir, mais en inscrivant des crédits correspondant à ce que j'estime être la réalité des besoins.
Quel a été mon raisonnement ? J'ai constaté, comme l'a indiqué excellemment M. le rapporteur général, que le FNSE n'avait utilisé, en 2000, que 21,7 millions d'euros sur les 76,2 millions d'euros qui lui avaient été attribués, soit un taux de consommation de 28,5 %. Dans ces conditions, plutôt que de reconduire cette somme de 76 millions d'euros, majorée de 7 % comme cela est prévu par le projet de loi de finances pour 2002, j'ai proposé, dans l'attente d'une clarification, d'inscrire un montant de 21,69 millions d'euros correspondant au total des crédits dépensés en 2000, la répartition de ce montant étant précisée par l'amendement.
A mes yeux, je le répète, le FNSE est un outil nécessaire. Il faut permettre une certaine solidarité entre les agences de l'eau et des actions communes. En effet, toutes ne disposent pas des mêmes moyens financiers et, si certaines sont à l'aise, d'autres le sont beaucoup moins ! Etant moi-même membre d'un comité de bassin dont relève une agence de l'eau souffrant de difficultés de financement, je pense qu'il faut maintenir ce fonds, même si manifestement sa gestion n'est pas à la hauteur de nos espérances.
Comme cela a été souligné tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, il est donc nécessaire de parvenir à une gestion qui soit plus claire, mieux adaptée aux besoins, peut-être plus rapide et plus efficace. On doit également pouvoir procéder à une évaluation précise des actions que l'on souhaite mener et du montant des crédits nécessaires pour cela, afin d'éviter tout gaspillage.
Adopter l'amendement de repli que je présente n'empêchera pas d'apporter ultérieurement des corrections si le besoin s'en fait sentir. Quoi qu'il en soit, entre un excès de crédits inutilisés et une suppression pure et simple du FNSE, il représente une voie moyenne à laquelle je souhaite que le Sénat puisse se rallier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-116 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est sensible aux propos de M. Oudin, mais est-il possible d'ajuster les positions respectives de l'Assemblée nationale et du Sénat ? C'est en fonction de la réponse du Gouvernement à cette question que nous pourrons nous déterminer. Si une marge de négociation se dessine, peut-être devrons-nous nous montrer plus accommodants, mais si Mme le secrétaire d'Etat s'oppose résolument, comme j'ai tout lieu de le craindre, aux deux amendements, il sera à mon sens préférable que le Sénat, pour bien se faire comprendre, adopte la position la plus claire et la plus radicale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-31 et I-116 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. M. Oudin a engagé sur la politique de l'eau un débat important, qui a évidemment sa place dans la discussion du projet de loi de finances, notamment de la deuxième partie de celui-ci, mais qui s'insérera mieux encore dans le prochain examen du projet de loi sur l'eau.
Je voudrais rappeler que, aujourd'hui encore, la politique de l'eau en France est d'abord le fait des agences de l'eau, certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, siégeant d'ailleurs au sein de leurs conseils d'administration.
Par conséquent, un certain nombre de critiques que j'ai entendues me semblent avant tout viser ces agences, dont les dépenses, dans le domaine de l'eau, sont quinze fois supérieures à celles de l'Etat.
En ce qui concerne plus précisément des contentieux communautaires liés aux pollutions de l'eau par les nitrates et au défaut de transmission à Bruxelles de données sur les eaux de baignade, il s'agit essentiellement de questions d'ordre réglementaire n'ayant guère de lien direct avec le sujet qui nous occupe, à savoir le FNSE.
Cela étant si l'on réduit fortement les crédits de ce fonds, comme le prévoit l'amendement n° I-116, il ne sera pas possible de financer la nouvelle action relative à la couverture des sols en 2002, qui vise à réduire la pollution d'origine agricole de l'eau.
De même, en ce qui concerne la directive « Eaux résiduaires urbaines » de 1991, il revient précisément aux agences de l'eau de mettre celle-ci en oeuvre. Cela constituait l'objet des sixième et septième programmes des agences, lesquelles, pour les financer, ont fortement accru les redevances perçues sur les ménages. Le volume des aides des agences de l'eau a donc doublé entre 1992 et 1996.
Je note que le bilan du septième programme fait apparaître un taux de réalisation supérieur à 95 % en matière d'investissements. Je ne doute pas que ces derniers auront des effets certains sur la qualité du milieu naturel.
J'en viens maintenant aux plans de prévention des risques.
Là encore, il n'y a pas insuffisance de moyens du côté de l'Etat. En effet, ce dernier a doublé les crédits consacrés depuis 1997 à ces plans ainsi qu'à la formation préventive des citoyens.
Par conséquent, je n'approuve pas l'appréciation que vous portez sur le budget de l'eau pour 2002. Il est en diminution, avez-vous dit. C'est inexact, ce budget est en hausse. Si l'on raisonne en engagements et en dépenses ordinaires, il progresse de 7 %. Si l'on raisonne hors FNSE, ce que vous avez fait, monsieur le sénateur, cette augmentation, selon le même concept, dépenses ordinaires et autorisations de programme, est également de 7 %.
Il est vrai que le montant des crédits de paiement en 2002 a été réduit pour tenir compte du décalage qui existe entre engagements et paiement. Cela correspond à un ajustement que je qualifierai de bonne gestion, et qui ne remet, bien sûr, nullement en cause les moyens de la politique de l'eau, bien au contraire, puisque ces moyens d'engagements en quelque sorte ont été accrus.
Des outils nouveaux, tels que le fonds national de solidarité pour l'eau, visent à optimiser, à mieux répartir les crédits affectés à la politique de l'eau. L'augmentation du FNSE qui est prévue pour 2002 vise à renforcer la prévention des contentieux communautaires relatifs aux nitrates. Elle vise aussi à améliorer les moyens d'évaluer cette politique publique très importante et à soutenir l'effort supplémentaire consenti pour améliorer la qualité des eaux littorales.
Le développement de cette politique répond aux préoccupations que vous venez d'exprimer, monsieur le sénateur. Vous savez que les représentants des bassins sont directement associés à la programmation de ces crédits.
Je rappelle également que le taux d'engagement des crédits du FNSE s'est élevé à 89 % l'année de sa création, ce fonds ayant été instauré à la fin de l'année 2000. Pour des politiques nouvelles qui sont financées par un dispositif nouveau, il est assez normal, vous en conviendrez, qu'un décalage existe, au départ tout au moins, entre engagements et paiement, et que cela engendre des reports de crédits de paiement.
Cela étant, le souci que vous exprimez, pour aujourd'hui comme pour demain, me paraît pleinement fondé et, encore une fois, s'il me paraît normal qu'un décalage existe entre engagements et paiement au démarrage, je crois qu'une accélération devra en effet être mise en oeuvre ; M. Yves Cochet et moi-même, nous nous y engageons.
En toute hypothèse, si à la fin de l'exercice 2001, la situation ne devait pas faire apparaître d'amélioration significative, une mission conjointe des inspections des finances et de l'environnement serait diligentée dès le début de 2002 pour comprendre et analyser les causes d'un tel décalage, et, surtout, pour proposer toutes les solutions utiles.
Par conséquent, vous l'aurez compris, je ne puis être favorable à l'amendement I-31 de la commission, qui prive de tout moyen supplémentaire le FNSE et, même si j'ai bien compris la nuance qu'introduisait M. Oudin à travers son amendement n° I-116, je crois véritablement que ces crédits sont nécessaires afin de poursuivre les actions entreprises par ce fonds.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-31.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. J'avoue avoir du mal à comprendre la cohérence de la politique que le Gouvernement mène dans le domaine de l'eau.
Je préside la collectivité territoriale d'une région qui connaît nombre de problèmes en matière de reconquête de la qualité de l'eau. Depuis de très nombreuses années, nous consacrons de très importants crédits, qu'il s'agisse de crédits de l'Etat ou de crédits de la région, pour la reconquête de la qualité de l'eau. Les résultats que nous obtenons sont fort critiqués. En effet, en l'absence de résultats visibles ou rapides dans un certain nombre de domaines - il convient de reconnaître qu'il faudra du temps pour obtenir des résultats satisfaisants - nous sommes l'objet de vives critiques. Celles-ci émanent de nos concitoyens, qui admettent mal que nous vendions de l'eau dont la teneur en nitrates ou en phosphates est très élevée. Elles proviennent également de la Commission de Bruxelles, qui considère que la France ne fait pas les efforts nécessaires.
Nous avons mis sur pied en Bretagne - je pense qu'il en est de même dans d'autres régions - une politique des bassins versants. Dans les bassins versants, nous essayons d'associer à l'oeuvre de reconquête de la qualité de l'eau les collectivités locales, les exploitants agricoles, tous les acteurs de cette reconquête. Cependant, pour que nous arrivions au résultat que nous recherchons, il faut aussi le concours des agences de bassin.
Comment parvenir à persuader des agriculteurs qui doivent consentir des efforts importants pour traiter les déjections animales ou pour entreprendre des actions de résorption si nous ne pouvons leur assurer des subventions, au moment même où nombre d'entre eux subissent des pertes de revenu du fait de la fluctuation des cours à la production, notamment pour l'aviculture et le porc ? Il est important que les exploitants agricoles, qui détiennent certainement la clé de l'avenir de la politique de l'eau, puissent bénéficier des concours nécessaires.
Lors de l'élaboration du contrat de plan, nous avons demandé au préfet de région d'allonger la liste des bassins pouvant être éligibles aux actions conjointes de l'Etat et de la région, précisément pour améliorer le traitement de l'eau et associer le plus grand nombre possible d'acteurs. Or il nous a été répondu que l'un des freins à cette extension tenait au fait que l'agence de bassin ne pourrait pas suivre les efforts que nous voulions consentir puisque, à la suite de la péréquation opérée avec le FNSE, elle n'avait plus les moyens dont elle disposait antérieurement. Cela signifie que, dans le domaine de l'eau, nous assistons à la politique du sapeur Camember : on creuse un deuxième trou pour y mettre la terre du premier, et ainsi de suite.
Comment pourrons-nous gagner du temps et améliorer la qualité de l'eau si les agences de bassin, qui avaient pour mission de seconder nos efforts concernant le traitement de l'eau, ne sont plus en mesure de le faire ?
Certes, il faut aider les agences qui n'ont pas les ressources suffisantes. Cependant, on ne résoudra pas le problème en prélevant des ressources sur les agences qui ont beaucoup à faire pour les donner à d'autres. Il faut trouver un autre système de péréquation. En effet, celui qui a été mis en place est absurde. D'ailleurs, les crédits inscrits ne sont pas consommés.
N'en déplaise à mon ami M. Oudin, la solution la plus logique est celle que propose M. le rapporteur général. En effet, quand un système est mauvais, il faut y mettre fin et trouver une forme plus efficace d'action. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Joël Bourdin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Notre collègue M. Oudin a raison de dire qu'un fonds de péréquation entre les agences est très utile.
Cela étant, j'observe que, comme le président du groupe du RPR vient de le rappeler à l'instant, la situation financière du fonds national de solidarité pour l'eau est actuellement caractérisée par une surabondance de crédits. En effet, le taux de consommation des crédits qui lui ont été alloués n'est pas satisfaisant. Il ne me semble donc pas nécessaire, à l'occasion du présent projet de loi de finances, de le doter de moyens qui viendront accroître ceux qu'il a thésaurisés.
Les agences ont besoin de leurs moyens financiers. Nous avons, nous les présidents de syndicat d'eau et les maires, des relations de proximité avec les agences de l'eau. Si, en l'occurrence, peuvent se poser des problèmes difficiles à régler avec les agences de l'eau, d'une manière générale, nous avons satisfaction. Dans le cadre de cette proximité, il est souhaitable de laisser les moyens à la disposition des agences.
C'est pourquoi, bien que je sois d'accord sur le principe, je ne peux suivre mon collègue M. Oudin, et je me rallie, bien sûr, à l'amendemement de la commission.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je vous l'ai dit, pendant le débat en commission, j'ai été quasiment le seul à défendre cette position. Cependant, je persiste.
Je conçois qu'il y ait beaucoup de critiques à formuler sur le fonds national de l'eau. Je m'étonne d'ailleurs que Mme le secrétaire d'Etat n'ait fait droit à aucune des remarques que j'avais formulées sur les insuffisances de la politique de l'eau. La France a été condamnée pour la première fois voilà plusieurs années et cinq fois cette année. Cela prouve tout de même que quelque chose ne fonctionne pas dans notre pays !
Cette année, le taux des subventions des agences aux collectivités a généralement diminué, alors même que le fonds de trésorerie des agences est tel que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale s'en était ému.
Le commissariat général au plan, qui a fait un audit de la politique, a dit que manifestement des améliorations doivent intervenir.
J'ai sous les yeux, madame le secrétaire d'Etat, le rapport de la Cour des comptes. Je ne citerai pas tous les chiffres. Il y est précisé : « les engagements se montent à 171 millions mais correspondent à 65 millions de la délégation ; il reste encore 36,9 millions à engager au niveau central, les dépenses en capital s'élèvent à 13 millions, ce qui correspond à un taux de consommation de 4,5 %. Ce taux est un peu plus élevé - 19,4 % - sur le chapitre 06 Investissements que sur le chapitre 07 Subventions - 3,5 %. » Manifestement cela ne fonctionne pas très bien.
Par cohérence, je m'abstiendrai lors du vote sur l'amendement présenté par M. le rapporteur général. Cet amendement sera vraisemblablement adopté et, en conséquence, mon amendement n'aura plus d'objet.
Madame le secrétaire d'Etat, si l'on ne regarde pas la réalité, on ne peut pas trouver de bonnes solutions aux problèmes qui se posent. Vous avez parlé d'une mission d'inspection. Je me permets de vous inviter à examiner comment les choses fonctionnent. Nous sommes nombreux à désirer qu'une politique de l'eau efficace et financièrement bien équilibrée puisse se développer. Pour l'instant, ce n'est pas tout à fait le cas.
Je souhaite que les débats de l'an prochain à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'eau permette d'aboutir à un résultat plus satisfaisant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je reconnais bien entendu à M. Jacques Oudin la technicité et toute la force de conviction qui sont les siennes sur ces sujets.
Si Mme le secrétaire d'Etat avait laissé entendre que sa position pouvait évoluer en vue d'établir une base de négociations, le vote de l'amendement qu'il a présenté aurait été concevable. Malheureusement, nous avons observé que le Gouvernement est totalement fermé. Aussi, le dispositif de la commission s'impose.
Avant que le vote intervienne, je voudrais, mes chers collègues, pour que vous sachiez exactement de quoi il s'agit et afin d'essayer de vous montrer que la logique d'affectation ne saute pas aux yeux, vous donner quelques exemples des dépenses financées par le FNSE.
Ainsi, 50 millions de francs sont versés au Conseil supérieur de la pêche pour la mise en place de ses moyens techniques. Très bien ! Il s'agit d'une dépense de caractère général. Toutefois, une autre partie de cette dépense est directement prise en charge par le ministère de l'environnement, au sein des crédits de son administration centrale. Pourquoi une part d'un côté, une part de l'autre ? Il n'y a pas de logique dans cette manière de procéder. Le soutien au Conseil supérieur de la pêche est bien une responsabilité de l'Etat, qui appelle un engagement budgétaire de ce dernier.
Dans ce fonds figurent des dépenses de caractère régional, par exemple la reconquête de la qualité des canaux pollués du Nord - Pas-de-Calais, pour 12 millions de francs. Mais, par ailleurs, l'agence de l'eau Artois-Picardie cotise au FNSE pour 50 millions à 60 millions de francs. On paie d'un côté pour récupérer de l'autre.
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle est la logique ? Là encore, elle ne saute pas aux yeux.
On relève, par exemple, 20 millions de francs d'incitation aux économies d'eau dans l'habitat collectif social. Il s'agit de financer des compteurs d'eau dans les HLM, ce qui est une excellente chose. Cependant, dès lors qu'il existe une politique de la ville, mieux vaudrait sans doute que ces dépenses soient prises en charge par les crédits de la politique de la ville, puisque elles vont êtes faites dans des zones d'habitat social particulièrement dignes d'une action préférentielle.
Je ne vais pas allonger cette liste, mais, rubrique après rubrique, nous observons que le FNSE n'a pas de politique cohérente d'emploi des crédits qui lui sont attribués. Par ailleurs, les taux de consommation sont très insuffisants.
Madame le secrétaire d'Etat, ce dispositif est manifestement improvisé. Le FNSE est utilisé de manière aléatoire, c'est une sorte de patchwork d'actions sans logique. Mieux vaut repenser tout cela et voter, à ce stade, la suppression de l'article. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-31, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 est supprimé et l'amendement n° I-116 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons interrompre le cours normal de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2002 pour aborder, comme il en a été décidé en conférence des présidents, le débat sur les recettes des collectivités locales.
DÉBAT SUR LES RECETTES
DES COLLECTIVITÉS LOCALES