SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa de l'article 34 du code civil, il est inséré un
alinéa ainsi rédigé :
« ... Des parrain et marraine dans les actes de parrainage républicain, »
« II. - Au titre II du même code, il est inséré un chapitre VIII intitulé : «
Des actes de parrainage républicain » comprenant les articles 101-1 à 101-4
ainsi rédigés :
«
Art. 101-1. -
Il est tenu dans chaque commune un registre coté et
paraphé des actes de parrainage républicain.
«
Art. 101-2. -
Sur production de l'acte de naissance et du ou des
actes de reconnaissance, l'officier d'état civil enregistre la demande de l'un
ou des deux parents de faire procéder au parrainage de leur enfant.
« L'officier d'état civil enregistre également les noms, prénoms, dates et
lieux de naissance des futurs parrain et marraine.
«
Art. 101-3. -
L'acte de baptême civil énoncera :
« 1° les prénoms, noms, domiciles, dates et lieux de naissance des père et
mère ;
« 2° Les prénoms, nom, date et lieu de naissance de l'enfant parrainé ;
« 3° Les prénoms, noms, domiciles, dates et lieux de naissance des parrain et
marraine ;
« 4° La déclaration des père et mère de choisir pour leur enfant les parrain
et marraine désignés par l'acte ;
« 5° La déclaration des parrain et marraine d'accepter ce rôle.
«
Art. 101-4.
- En marge de l'acte de naissance de l'enfant, il sera
fait mention de la célébration du parrainage républicain et des noms et prénoms
des parrain et marraine. »
« III. - Au titre IX du même code, après l'article 381, il est inséré un
chapitre intitulé : « Du parrainage républicain » comprenant les articles 381-1
à 381-3 ainsi rédigés :
«
Art. 381-1.
- Le parrainage républicain place l'enfant sous la
protection de ses parrain et marraine qui acceptent librement la charge qui
leur est ainsi dévolue et s'engagent à prendre soin de leurfilleul(le) comme de
leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer.
« Il leur incombe en outre de développer en l'esprit de l'enfant les qualités
indispensables qui lui permettront de devenir un(e) citoyen(ne) dévoué(e) au
bien public et animé(e) des sentiments de fraternité, de compréhension, de
solidarité et de respect de la liberté à l'égard de ses semblables.
«
Art. 381-2. -
Le parrainage républicain est célébré publiquement
devant l'officier d'état civil de la commune où a été enregistrée la demande du
ou des parents.
«
Art. 381-3.
- Au jour fixé, l'officier d'état civil fait lecture des
articles 371-1, 372-1 et 381-1 du code civil.
« Il reçoit la déclaration des parents du choix des parrain et marraine et du
consentement de ces derniers d'accepter ce rôle.
« Acte de ces déclarations est dressé sur le champ et signé de chacun des
déclarants. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le problème dont il est ici question n'est pas abordé dans la proposition de
loi, mais nous jugeons qu'il est susceptible de l'être dès lors que tout le
monde est d'accord pour considérer que l'autorité parentale peut être confiée à
des tiers.
Parmi ces tiers peuvent parfaitement se trouver le parrain et la marraine, au
sens religieux de ces termes, dans la mesure où des actes de baptême sont
établis et conservés dans les paroisses.
Mais il existe aussi des « baptêmes républicains », conformément à
l'expression communément utilisée. Cependant, l'emploi de cette expression dans
la première version de notre amendement ayant provoqué, en commission des lois,
une discussion sémantique sur la question de savoir si un baptême pouvait être
autre chose que religieux, nous y avons renoncé, au bénéfice du « parrainage
républicain ». Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse !
Quoi qu'il en soit, il existe, à cet égard, une véritable inégalité entre les
citoyens. En effet, si beaucoup de mairies, et de tous bords, organisent de
tels « parrainages républicains » - sans toutefois en conserver de trace, car
il n'est pas tenu de registre - il en est d'autres où les élus refusent d'y
procéder au motif qu'il n'existe pas de texte les y obligeant.
C'est pourquoi il nous paraît nécessaire d'introduire le parrainage
républicain dans le code civil. Ainsi, dans aucune mairie de France, on ne
pourra refuser de procéder à un parrainage républicain.
Je ne pense pas que quiconque puisse voir là quoi que ce soit de
répréhensible. Lorsque des parents n'ont pas de convictions religieuses - on
pense surtout au catholicisme, mais d'autres religions connaissent des formules
qui équivalent au baptême, - il n'est pas anormal qu'ils n'en demandent pas
moins à un homme et une femme - le parrain et la marraine - d'accepter de les
remplacer le jour où ils viendraient à manquer. Ils pourraient donc figurer
parmi ces tiers auxquels, le cas échéant, l'autorité parentale peut être
confiée.
Nous serions heureux que le Sénat tout entier accepte de supprimer cette
inégalité qui existe aujourd'hui entre les citoyennes et les citoyens, étant
entendu que nous n'entendons instituer aucune obligation, mais simplement faire
en sorte que, dans toutes les mairies de France, le « parrainage républicain »
puisse avoir lieu s'il est demandé par des parents ou par un parent isolé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, la commission a donné un avis défavorable sur cet amendement,
considérant qu'il n'était pas souhaitable de rendre obligatoire cette
institution, qui n'a pas de conséquences juridiques et ne doit pas en avoir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Le Gouvernement pense que cet amendement est intéressant, mais ne peut pas le
soutenir pleinement.
Certes, la solidarité sociale et générationnelle qui s'exprime dans la
pratique du parrainage républicain peut être très utile pour les enfants.
D'ailleurs, la pluralité des références adultes sur lesquelles peut prendre
appui un enfant pour grandir est une réalité que nous encourageons, puisque
j'ai mis en place un groupe de travail sur le parrainage, précisément, qui me
rendra prochainement ses conclusions.
Cela étant, il serait dommage d'encadrer juridiquement cette pratique, même si
je comprends bien qu'il s'agit d'éviter que des maires puissent refuser
d'accéder à ce qui correspond à une demande d'un certain nombre de citoyens.
Pour ces différentes raisons, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 66 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le rapporteur affirme que cette institution n'a pas de conséquences
juridiques. C'est précisément pour qu'elle puisse en avoir que nous avons
déposé cet amendement.
Au demeurant, des conséquences, il y en a déjà : on a vu des juridictions
accorder des dommages-intérêts, par exemple, à des parrains et marraines
républicains ayant perdu leur filleul dans un accident.
De même, je ne vois pas pourquoi des parents ne pourraient pas, le cas
échéant, reprocher à des parrains ou marraines de ne pas tenir les engagements
qu'ils auraient pris. Les parents doivent pouvoir demander des comptes.
Il n'est donc pas exact de dire que le parrainage républicain n'a pas, ne peut
pas et ne doit pas avoir de conséquences juridiques. Il peut parfaitement en
avoir, et il ne serait pas mauvais, selon moi, qu'il puisse en avoir plus
encore.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 66 rectifié, repoussé par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3