SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 31 dans cette rédaction :
« Art. 31. - Pour 2001, les objectifs révisés de dépenses par branche de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres sont fixés aux montants suivants :

(En encaissements-
décaissements
et en milliards
de francs.)

« Maladie-maternité-invalidité-décès 786,90
« Vieillesse-veuvage 830,90
« Accidents du travail 57,90
« Famille 272,90

« Total des dépenses 1 948,60. »
Mais, sur cet article, je suis saisi d'un amendement, affecté d'un sous-amendement.
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans le tableau figurant à l'article 31, majorer le montant figurant à la première ligne (maladie-maternité-invalidité-décès) de 1,3 milliard de francs.
« II. - Compléter l'article 31 par un II ainsi rédigé :
« II. - Le fonds national d'assurance maladie de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés participe de façon exceptionnelle en 2001, à hauteur de 1,3 milliard de francs, au financement du fonds de concours créé en vue de l'achat, du stockage et de la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes bioterroristes.
« III. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 31 de la mention : "I". »
Le sous-amendement n° A-2, présenté par la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le II de l'amendement n° A-1 :
« II. - Le fonds national d'assurance maladie de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés participe de façon exceptionnelle en 2001, sous forme d'avance, à hauteur de 1,3 milliard de francs, à l'achat, au stockage et à la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes bioterroristes par l'Etat. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° A-1.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. L'amendement n° A-1 vise à ce que, compte tenu de la situation tout à fait exceptionnelle que nous vivons, le montant inscrit à la ligne relative à l'objectif de dépenses pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès soit majoré de 1,3 milliard de francs.
Ces crédits serviront à financer l'achat, le stockage et la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes de bioterrorisme.
M. Kouchner a présenté hier soir au Sénat le mode de financement du plan Biotox que le Gouvernement propose au Parlement d'adopter. Je rappellerai brièvement qu'à cette participation exceptionnelle d'un montant de 1,3 milliard de francs demandée en 2001 à la Caisse nationale d'assurance maladie s'ajoute un financement par le budget de l'Etat à hauteur de 450 millions de francs, étalé sur cinq ans. Je crois important d'insister sur la pertinence de cette contribution exceptionnelle de la Caisse nationale d'assurance maladie, laquelle a d'ailleurs fait savoir qu'elle en délibérerait rapidement.
En effet, l'acquisition d'un stock de précaution de médicaments n'est nullement étrangère aux compétences de l'assurance maladie. Il est clair que, en l'absence d'une gestion coordonnée de stocks de précaution par l'Etat, les Français s'adresseraient, par l'intermédiaire de leurs médecins, aux pharmacies pour acheter des antibiotiques, qui seraient bien sûr remboursés par la sécurité sociale.
Nous nous trouvons, je le répète, devant une situation tout à fait exceptionnelle, à savoir l'éventualité d'une attaque bioterroriste, que nul ne peut entièrement exclure, comme le démontre, hélas ! l'actualité. Il s'agit donc de prévoir les crédits qui permettraient d'intervenir de manière massive s'il fallait soigner des personnes touchées par une telle attaque.
On peut comprendre, certes, qu'un débat politique s'engage ou que des désaccords s'expriment s'agissant du mode de financement proposé, mais le sujet et les circonstances méritent sans doute que les considérations politiques et techniques soient, pour une fois, mises de côté, afin que soient adoptées le plus rapidement possible des dispositions qui nous permettent de nous prémunir contre le risque que j'évoquais et les conséquences catastrophiques que pourrait avoir une attaque bioterroriste.
Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité une seconde délibération et propose au Sénat d'adopter cet amendement à l'article 31.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° A-2 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° A-1.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, il y a au moins un point sur lequel nous rejoignons le Gouvernement : nous ne voulons pas faire de l'examen de l'amendement n° A-1 le prétexte à un débat partisan et politicien qui ne servirait pas la cause des victimes éventuelles d'actes de bioterrorisme. De ce point de vue, un très large consensus se dégage sur toutes les travées de la Haute Assemblée, et nous refusons donc d'adopter une attitude d'opposition de cet ordre, qui serait, en la circonstance, particulièrement malvenue.
Cependant, nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération les modalités de financement de la contribution exceptionnelle de 1,3 milliard de francs qui est demandée à la nation pour faire face au risque auquel nous sommes confrontés.
La commission des affaires sociales a le sentiment que le problème qui nous occupe relève des missions régaliennes de l'Etat et que la décision qui sera prise ici ce soir, avant d'être sans doute confirmée par l'Assemblée nationale, sera étudiée, au-delà des frontières de notre pays, par nos partenaires européens et, dans le monde entier, par tous ceux qui suivent de très près l'actualité.
Pour ces raisons, il me semble qu'il revient à l'Etat de démontrer non seulement à la nation, mais également aux autres pays européens et du monde, qu'il dispose d'un véritable budget de santé publique, lequel doit être suffisamment abondé lorsqu'il s'agit de faire face à des circonstances exceptionnelles comme celles que traverse actuellement la France ou qu'elle est susceptible de traverser, hélas ! au cours des mois ou des années à venir.
A notre sens, il n'appartient donc pas à la branche maladie, c'est-à-dire, indirectement, aux partenaires sociaux,...
M. Michel Caldaguès. Aux assurés !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... en particulier aux assurés, de financer une dépense qui doit être engagée dans un souci de garantir la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens en cas d'attaque bioterroriste.
Cela est d'autant plus vrai, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez su dégager des crédits à concurrence de 2 milliards de francs pour répondre aux besoins de financement liés au remplacement des personnels absents dans les hôpitaux publics. Or vous vous bornez ce soir à mobiliser 90 millions de francs au titre du budget de la santé pour financer une dépense qui relève du domaine régalien de l'Etat ! Cet écart important ne peut que nous surprendre, d'autant que la charge de 2 milliards de francs que je viens d'évoquer aurait dû, très naturellement, être supportée par la sécurité sociale par le biais d'un relèvement de l'ONDAM, alors que, à l'inverse, les 1,3 milliard de francs liés à la prévention du risque bioterroriste auraient dû être pris en charge par l'Etat, au titre du budget de la santé.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, tout en rejoignant vos préoccupations et en comprenant qu'il faille, dans l'urgence, faire face à un risque qui se présente à nous, la commission des affaires sociales vous propose de prendre en considération le sous-amendement n° A-2, ainsi rédigé :
« Le fonds national d'assurance maladie de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés participe de façon exceptionnelle en 2001, sous forme d'avance, à hauteur de 1,3 milliard de francs, à l'achat, au stockage et à la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes bioterroristes par l'Etat. »
M. Alain Gournac. Par l'Etat !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela suppose de facto que l'Etat prend l'engagement solennel de rembourser à la sécurité sociale, le moment venu, l'avance que celle-ci lui aura consentie pour faire face à une situation d'urgence.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de notre sous-amendement n° A-2 à l'amendement n° A-1 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° A-2 ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. J'en prends acte.
M. Alain Gournac. Et l'engagement ?
M. le président. Cela signifie-t-il que vous êtes favorable au sous-amendement, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° A-2.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. En ma qualité de rapporteur spécial des crédits de la santé pour la commission des finances, je voudrais saluer le quasi-consensus qui semble se dessiner sur un sujet aussi essentiel.
Il convient de souligner l'engagement de la commission des affaires sociales, qui a trouvé, je le crois, la bonne mesure : accepter l'amendement du Gouvernement, mais en insistant sur le fait qu'il relève des missions régaliennes de l'Etat de répondre à une situation aussi exceptionnelle.
Par ailleurs, je constate avec satisfaction que M. le secrétaire d'Etat a pris acte de la proposition de la commission des affaires sociales du Sénat.
Au nom de la commission des finances, je me réjouis donc de la solution trouvée, qui, je l'espère, recueillera l'assentiment de notre assemblée.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je voudrais à mon tour me féliciter de ce qu'un accord ait pu être trouvé avec le Gouvernement.
Cela étant, M. le secrétaire d'Etat a indiqué qu'il prenait acte du sous-amendement de la commission des affaires sociales ; or je crois nécessaire que le Gouvernement prenne aussi un engagement. J'appelle donc M. le secrétaire d'Etat à s'exprimer clairement sur ce point.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. J'ai précisé tout à l'heure que le président de la CNAM était saisi de la décision et que la délibération de cet organisme porterait sur les termes que nous avons définis. J'ai effectivement dit que je prenais acte de la proposition qui a été élaborée, mais nous devons donc maintenant la soumettre aux responsables de la CNAM.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Il s'agit d'un simple problème de forme. La rédaction actuelle du sous-amendement semble indiquer que les actes bioterroristes sont commis par l'Etat. (Rires.)
M. Alain Gournac. C'est embêtant !
M. Patrice Gélard. Je souhaiterais donc que l'on déplace les mots : « par l'Etat », afin qu'il apparaisse bien que c'est l'achat, le stockage et la livraison des traitements qui sont assurés par l'Etat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! Je rectifie donc ainsi le sous-amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° A-2 rectifié, présenté par la commission des affaires sociales, qui est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le II de l'amendement n° A-1 :
« II. - Le fonds national d'assurance maladie de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés participe de façon exceptionnelle en 2001, sous forme d'avance, à hauteur de 1,3 milliard de francs, à l'achat, au stockage et à la livraison par l'Etat de traitements pour les pathologies résultant d'actes bioterroristes. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le secrétaire d'Etat, je me réjouis de votre position et du fait que vous ne vous opposiez pas au sous-amendement de la commission. Effectivement, l'engagement de l'Etat était nécessaire, car c'est tout de même son image qui est en jeu. On ne pouvait donc pas imaginer qu'il en aille autrement.
Nous avons fait un pas vers vous car vous nous avez dit que l'assurance maladie était d'accord pour vous prêter un peu d'argent : 1,3 milliard de francs, ce qui n'est pas rien puisque vous vous n'aviez pu mettre que 90 millions de francs de crédits budgétaires. On peut comprendre les difficultés de l'Etat. Ce sont donc l'assurance maladie et les partenaires sociaux qui puisent dans leurs poches et vous avancent 1,3 milliard de francs.
Ce qu'il ne faudrait pas, c'est que, à l'occasion de ce geste, une nouvelle fois, l'assurance maladie ait l'impression, et l'Assemblée nationale et le Sénat avec elle, qu'il s'agit d'un marché de dupes. Nous voudrions un engagement plus solennel encore que pour le FOREC, afin que vous ne veniez pas nous proposer ensuite l'annulation du remboursement de cette avance.
M. Alain Gournac. C'est cela qui nous intéresse !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° A-2 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° A-1, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.

(L'article 31 est adopté.)

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