SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Joyandet pour explication de vote.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après ce marathon, je voudrais me réjouir de la qualité de nos débats, même si,
à certains moments, ils ont pu paraître un peu trop polémiques ; c'est la loi
du genre.
Je tiens simplement à insister sur quelques points.
Tout d'abord, le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale, qui contribue très largement à éclairer la représentation nationale,
est un véritable acquis démocratique irréversible. On n'imaginerait pas
aujourd'hui que le Parlement ne débatte pas des comptes de la sécurité sociale.
Cela montre bien qu'il s'agit d'une avancée très importante.
La commission des affaires sociales a réalisé une oeuvre d'intérêt général,
par une démarche responsable et sincère, dans un souci de transparence, sans
remettre en cause l'effet des différentes politiques en faveur de la sécurité
sociale à laquelle nos concitoyens sont attachés.
Cette démarche a eu l'immense mérite d'éclairer notre assemblée et nos
concitoyens sur la réalité de la situation. Cependant, je regrette qu'il soit
nécessaire de se livrer à un tel travail de décryptage. Nous ne devrions pas
passer notre temps à évoquer toutes ces tuyauteries et ces vases communicants
que l'on vide ou que l'on remplit en fonction des opportunités, au mépris de
l'indépendance des branches qui fonde l'organisation de la sécurité sociale.
Ce travail fastidieux s'imposait. En effet, à y regarder d'un peu plus près,
on constate que les excédents si souvent évoqués ne sont pas aussi importants
et que, dans certains cas, ils ont été tout simplement transformés en déficit.
Si on tient compte de la dette sociale et des prévisions sur lesquelles sont
fondés les espoirs de recettes pour l'années prochaine, on voit bien que la
situation financière de la sécurité sociale reste encore très préoccupante pour
l'avenir.
Le débat que nous venons d'avoir me renforce dans l'idée qu'il faudra bien un
jour revoir le texte fondateur. En effet, nous ne pourrons pas toujours passer
notre temps à décrypter les nombreuses opérations douteuses, qui jettent un
trouble réel.
Chacun a pu le constater, les décisions hasardeuses ont été encore amplifiées
cette année. Sur les six années de projets de loi de financement de la sécurité
sociale, c'est un constat relativement inquiétant.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, j'interprète la décision de
rejet de l'ONDAM comme une demande de remise à plat d'un certain nombre de
mécanismes.
Plusieurs orateurs ont salué certaines avancées et l'accord que le
Gouvernement a donné, notamment pour venir en aide à l'hospitalisation publique
et aux cliniques privées. A cet instant, je tiens personnellement à souligner
le travail très important accompli par la commission des affaires sociales, qui
n'a pas tout nié, qui a consolidé ces avancées, tout en tentant d'y introduire
un peu de transparence, de vérité, avec un courage que je salue à nouveau. Nous
devons nous montrer vigilants. Autant nous sommes attachés à la sécurité
sociale, autant nous devons veiller à ne pas accepter un certain nombre de
méthodes. C'est ce qu'a fait la commission. En effet, ces méthodes qui rendent
totalement illisibles les comptes de la sécurité sociale, hypothèquent, de
surcroît, gravement l'avenir des régimes sociaux.
C'est pourquoi je voterai avec confiance le texte tel qu'il résulte de nos
travaux, auxquels la commission des finances a apporté sa contribution. Ces
travaux et le texte final que nous allons approuver honorent le Sénat.
(M. Caldaguès applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
majorité de mon groupe votera le texte tel qu'il ressort de nos travaux.
Je me réjouis de l'accord qui a été trouvé avec le Gouvernement sur le
financement des traitements pour les pathologies résultant d'actes
bioterroristes.
Dans la discussion générale, j'ai indiqué les points majeurs qui constituent
les quatre défauts de ce texte. Il s'agit, en premier lieu, de l'incapacité
chronique à respecter les objectifs de dépenses en matière de santé. Il s'agit,
en deuxième lieu, de la tendance irrépressible à réaliser l'équilibre en
prélevant les excédents et de la branche famille et de la branche accidents du
travail. Il s'agit, en troisième lieu, du renvoi
sine die
de toute
réforme profonde du régime des retraites, comme si le fonds de réserve pour les
retraites était la solution. Il n'est, hélas ! qu'un expédient, même s'il
arrive à un certain montant. Il s'agit, en quatrième lieu, et c'est le point
qui m'a le plus inquiété, de la frontière beaucoup trop fluctuante entre le
budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Cette année, dans cette
fluctuation, le point le plus grave, que je ne saurais accepter, et que toute
personne de bon sens ne peut accepter, c'est l'étranglement de la CADES.
La CADES a été créée pour rembourser la dette sociale. Avoir utilisé ses
recettes pour boucher un « trou » du budget de l'Etat et interdire à cet
organisme, qui a pourtant été créé à cet effet, de pouvoir rembourser le
capital de la dette est une manoeuvre qui me scandalise. Jamais un responsable
des finances publiques de notre pays ne s'était permis de détourner ainsi une
somme provenant d'une taxe payée par l'ensemble des contribuables français,
puisque la CRDS a l'assiette la plus large en matière de prélèvement ! Décider
que, pendant quatre ans, on ne remboursera pas le capital de la dette et que
l'on renvoie cela à plus tard, c'est, à mon avis, une faute inexcusable.
J'aurai l'occasion de revenir sur ce point au cours de la discussion du projet
de loi de finances pour 2002.
Cela étant dit, j'ai un regret, qui concerne l'ONDAM. Je constate que je ne
suis pas tout à fait d'accord avec M. Joyandet et M. le rapporteur de la
commission des affaires sociales. Je crois, comme vous, messieurs, qu'il faudra
non pas revoir les textes mais obliger les gouvernements futurs à bien préciser
le contenu des objectifs et les moyens de les mettre en oeuvre, notamment pour
faire apparaître plus clairement, pour une meilleure information du
contribuable et des usagers, la différence entre ce qui est remboursé ou ce qui
est versé à titre de prestation et ce qui est consacré aux frais généraux des
différents organismes. Certes, il existe des conventions d'objectifs et de
moyens, mais la transparence n'est pas suffisante. Tout le monde doit être
informé du coût de l'ensemble du système auquel nous donnons notre accord.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire à
cet instant.
Je salue le travail très approfondi de la commission, de ses rapporteurs et de
son président.
Le texte qui résulte des travaux du Sénat présente l'avantage de permettre de
bien distinguer ce qui appartient à la sécurité sociale et ce qui relève de la
responsabilité du budget de l'Etat. Puissent nos collègues de l'Assemblée
nationale respecter cette frontière ! En effet, si on continue à passer de l'un
à l'autre, par des transferts complexes et incompréhensibles, un jour, nous
n'aurons plus à discuter ici du financement de la sécurité sociale. Ce sera
très dangereux et ce sera la négation d'une évolution de plus de cinquante ans
au cours de laquelle nous aurons essayé de clarifier les comptes, fixer des
objectifs, contrôler les frais généraux et déterminer le champ d'application
des prestations et de l'ensemble des services qui sont rendus à nos
concitoyens.
Nous avons débattu d'une masse financière de près de 2 000 milliards de
francs. Aujourd'hui, les prélèvements de la sécurité sociale et du fisc sur le
PIB étant supérieurs à ceux de l'Etat et cinq ou six fois plus importants que
ceux des collectivités territoriales, nous devons, pour l'ensemble des Français
qui les paient, mener une opération de rigueur et de transparence afin de
déterminer les meilleurs critères d'efficacité.
(Applaudissement sur
plusieurs travées du RPR et au banc des commissions.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
A mon tour, je voudrais féliciter les rapporteurs et le président de la
commission des affaires sociales. Un travail important a été réalisé.
Je vais maintenant expliquer la position de mon groupe.
L'examen par le Parlement des lois de financement de la sécurité sociale
constitue un progrès démocratique indéniable. Force est de reconnaître
cependant que, cette année, les méandres du financement de la sécurité sociale
sont de plus en plus obscurs en raison de la complexité croissante de
l'affectation des recettes et des charges à chacune de ses branches.
La réforme de 1996 avait toutefois une tout autre ambition. Le Parlement
devait se prononcer sur la politique qu'il entendait voir menée en matière de
santé, d'accident du travail, de vieillesse et d'aide à la famille.
Or, les débats sur la politique de prévention en matière de santé et
d'amélioration des soins, sur l'avenir de nos régimes de retraite, sur l'élan
nécessaire à donner à notre politique familiale et sur l'amélioration de la
réparation des accidents du travail, ces débats de société qui intéressent nos
concitoyens, sont bien peu abordés dans le projet de loi, monsieur le
secrétaire d'Etat.
Le groupe du RPR considère que l'attitude du Gouvernement est très
décevante.
L'impréparation de l'avenir qui caractérise votre démarche concerne notamment
la branche famille.
Vous organisez un mécanisme pérenne de confiscation des excédents de cette
branche, excédents obtenus, une fois n'est pas coutume, par une gestion
excessivement sévère des dépenses en faveur des familles, par des recettes
gonflées par la croissance, mais également par le transfert imposé de deux
charges indues et iniques : la majoration de l'allocation de rentrée scolaire,
qui incombait jusque-là au budget de l'Etat, et le supplément de retraite pour
ceux qui ont élevé plus de trois enfants.
Les mesures que vous nous avez présentées sont bien modestes en comparaison
des efforts nécessaires pour relancer une véritable politique familiale. Pour
cette raison, notre groupe approuve le mécanisme de préservation des excédents
de la branche famille proposé par la commission des affaires sociales,
excédents qui doivent être consacrés exclusivement aux familles.
Rien n'est fait non plus pour l'avenir de nos régimes de retraites, le
Gouvernement se contentant de repousser l'échéance d'année en année. Hormis la
création d'un fonds de ressources très faibles au regard des enjeux, il n'a
rien fait.
Sans céder au catastrophisme, il faut exposer les faits tels qu'ils sont. Les
besoins en financement de nos différents régimes de retraite vont exploser.
Tous les experts sérieux considèrent que ces régimes ne pourront plus financer
les prestations à partir de 2005.
Le gouvernement auquel vous appartenez devra assumer, devant les retraités et
les générations qui suivent, la responsabilité de son immobilisme.
Le groupe du RPR propose de conforter la retraite par répartition, de créer
une caisse de retraite des fonctionnaires d'Etat, gérée paritairement,
d'harmoniser progressivement les différents régimes - ce que veulent avant tout
les Français, c'est plus d'équité -, enfin, de mettre en place une véritable
épargne retraite.
Aussi approuvons-nous les amendements proposés par M. Alain Vasselle, au nom
de la commission des affaires sociales, et adoptés par le Sénat.
Rien n'est fait non plus en ce qui concerne la politique de santé. Dans ce
domaine, comme dans les autres secteurs, le projet gouvernemental ne prépare
pas l'avenir.
Il n'y a rien pour la prévention et l'éducation à la santé, rien pour résoudre
les problèmes de démographie médicale, rien pour l'organisation et la prise en
charge des urgences, rien pour les restructurations des hôpitaux, rien pour la
tarification à la pathologie, rien pour la fongibilité des enveloppes, rien non
plus pour les cliniques !
En revanche, le Gouvernement pérennise le mécanisme inacceptable des sanctions
collectives, par le biais de lettres clés flottantes. Notre groupe ne les
accepte pas. En effet, elles n'encouragent pas l'adaptation permanente des
dépenses de santé en fonction de l'évolution des pratiques, des techniques
médicales et des véritables besoins, notamment ceux qui sont liés au
vieillissement.
Croyez-vous que cette politique soit incitative pour les professionnels de
santé, surtout ceux qui ont le sentiment de faire des efforts et que vous
sanctionnez aveuglément ?
Notre groupe vote contre les sanctions collectives, préférant une
responsabilité individuelle fondée sur les bonnes pratiques médicales.
En ce qui concerne les comptes de l'assurance maladie, on ne peut que déplorer
de voir les dépenses de santé continuer de déraper à cause de l'incapacité du
Gouvernement à mettre en place les instruments d'une maîtrise médicalisée créés
en 1996.
M. Claude Estier.
Vous avez la mémoire courte, quand même !
M. Alain Gournac.
S'agissant des recettes, la CSG était simple et compréhensible : elle reposait
sur la totalité des revenus. Le Gouvernement a choisi de porter atteinte à
l'universalité de ce prélèvement. Notre groupe s'y oppose et préfère
l'instauration d'un crédit d'impôt comme celui qui est proposé par les deux
commissions saisies sur ce texte.
Notre collègue M. Alain Vasselle a élaboré, avec les deux autres rapporteurs
de la commission des affaires sociales, MM. Dominique Leclerc et Jean-Louis
Lorrain, et avec le rapporteur pour avis de la commission des finances, M.
Alain Joyandet, d'excellents rapports qui, étant donné la complexité des
dispositifs proposés, ont permis d'éclairer et de faciliter les travaux de la
Haute Assemblée. Je tenais à les en remercier au nom de notre groupe. Grâce à
leurs propositions, le texte a retrouvé un peu de cohérence et de
transparence.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera le projet de loi amendé par la Haute
Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Claude Estier.
Fermez le ban !
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Les dépêches de presse que j'ai lues au cours de ces soixante-douze heures
résument bien non seulement le climat dans lequel nous avons examiné le dernier
projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature - climat
houleux parfois, mais surtout tendu - mais également les objectifs de la
commission des affaires sociales qui, encore une fois, s'est livrée à un
véritable travail de démolition.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Quelle déception !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Non, elle s'est livrée à un travail de reconstruction !
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Guy Fischer.
Nous souhaitons rappeler notre exigence d'un débat préalable qui aurait lieu
au mois de juin et qui porterait sur la définition des objectifs et des
priorités de santé publique. Voilà qui donnerait du corps à un texte qui, de
toute évidence, est très technique et que nous ne parvenons à modifier qu'à la
marge.
Mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que la majorité sénatoriale n'a
convaincu personne.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ah bon ?
M. Guy Fischer.
S'agissant de votre opération vérité des comptes, monsieur le rapporteur, peu
de Français en prendront à mon avis connaissance !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est dommage !
M. Guy Fischer.
Et, à vouloir trop convaincre, on convainc peu !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ça, c'est votre sentiment !
M. Guy Fischer.
J'en suis convaincu !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Oui, mais il n'y a que vous !
M. Guy Fischer.
Votre attitude, en fait, se résume à un parti pris contre les 35 heures ; vous
êtes contre les 35 heures !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous n'avons jamais dit cela !
M. Guy Fischer.
Peu soucieux de développer l'emploi stable, correctement rémunéré, vous avez
voté - et c'est là aussi que nous affirmons notre identité - la pérennisation
des exonérations de charges lors de l'embauche d'un premier salarié,
disposition dont les effets d'aubaine sont certains. Par ailleurs, vous êtes
allés beaucoup plus loin que l'Assemblée nationale, en étendant le contrat
vendanges à d'autres activités saisonnières,...
M. Jean-Pierre Fourcade.
La cueillette des pommes !
M. Guy Fischer.
... au mépris du code du travail et d'une véritable démarche favorisant
l'emploi.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen se sont
attachés à formuler et à défendre des propositions constructives et des
positions de principe en matière de financement de la protection sociale.
J'en viens à nos demandes particulières sur les différentes branches. Ma seule
satisfaction - nous avons débattu de ce point, et ce fut intéressant - porte
sur les améliorations obtenues dans l'attente de la réparation intégrale des
risques professionnels.
Sur l'initiative notamment du groupe communiste républicain et citoyen - je
voudrais souligner à ce propos le travail qui a été fait par notre collègue Mme
Beaudeau -, des amendements importants pour les victimes de l'amiante et leurs
familles ont pu être adoptés. Ils concernent le cumul d'une pension
d'invalidité avec l'allocation de cessation anticipée d'activité, la
possibilité pour les victimes de se faire assister par un représentant
d'association devant la cour d'appel lorsque la décision du fonds
d'indemnisation est contestée, et la réouverture des droits des victimes à agir
en faute inexcusable contre l'employeur.
Par ailleurs, dans ce seul domaine, le Gouvernement a pris un certain nombre
d'engagements dont nous nous réjouissons. Le seuil d'accès au système
complémentaire de reconnaissance de la maladie d'origine professionnelle
devrait être abaissé à 25 %, le taux de la rente allouée aux veuves devrait
être rehaussé, et le barème de capitalisation, réactualisé.
Mon appréciation est beaucoup moins positive s'agissant de réponses que nous
attendions pour l'hôpital public, de la réouverture des négociations, notamment
pour éviter aux syndicats majoritaires de subir l'oukase d'une négociation
minoritaire, de l'utilisation et de la répartition des crédits débloqués, des
besoins forts en formation des personnels.
Lorsque nous avons abordé l'examen des amendements du Gouvernement et de la
commission des affaires sociales destiné à alimenter le fonds de modernisation
des cliniques privées, nos prises de position ont été taxées d'« archaïques ».
Il ne faut pas, comme M. Mercier l'a fait, caricaturer. Nous n'avons pas dit
que les deux secteurs public et privé devaient s'opposer. De fait, au terme des
restructurations, ils se complètent pour l'offre de soins. Nous avons
simplement voulu pointer - et nous souhaitons avoir eu tort dans nos
affirmations - les dangers qu'il y avait à vouloir les mettre sur le même plan.
Nous avons fait part de nos craintes quant au peu de garanties et au ciblage
des aides.
Notre souci est que l'argent public profite bien aux personnels concernés, aux
infirmières, et qu'il n'aille pas grossir les finances des groupes de santé
cotés en bourse. Et nos craintes sont grandes qu'il n'en soit pas ainsi ! Mais
nous verrons comment les choses se passeront dans les semaines et les mois à
venir.
Considérant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2002 était bien trop timide et pas assez volontariste pour les retraités, les
familles et l'assurance maladie, les députés communistes s'étaient abstenus,
prenant en compte les évolutions pour l'hôpital, notamment.
Le texte, tel qu'il a été amendé par la majorité sénatoriale, est à notre sens
complètement dépecé. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
s'y opposeront donc résolument en votant contre.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est décevant !
M. le président.
La parole est à M. Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux.
Le débat qui s'achève a été particulièrement difficile et tendu. Jamais, tout
au long de ce débat, nous n'avons eu, mes collègues socialistes et moi-même,
l'outrecuidance de vouloir vous convaincre tant est grand l'écart entre la
majorité sénatoriale et nous. Nous n'avons pas les mêmes idéaux ; nous n'avons
pas les mêmes préoccupations ; nous n'avons pas les mêmes analyses.
Si j'ai forcé le ton, monsieur Vasselle, c'est que vous m'avez poussé à le
faire. Je regrette vos propos excessifs et souvent outranciers, votre absence
d'objectivité, votre ironie débordante, votre hargne qui sont mis au service de
causes que l'on ne peut admettre : la privatisation de la santé et de la
retraite, une politique familiale rétrograde, et, enfin, une politique sociale
étriquée, figée sur les privilèges des privilégiés.
Si vous êtes contre les 35 heures, dites-le, mais, de grâce, ne nous accusez
pas d'alléger les cotisations patronales ; pas vous ! Si vous êtes contre la
préservation du système de retraites, dites-le, mais ne vous cachez pas
derrière des transferts de branche ! Si vous êtes contre une politique
familiale innovante qui prend en compte l'évolution des mentalités et de la
société, dites-le, mais ne vous cachez pas sous la couverture nostalgique de
l'AGED. Si vous êtes contre les dépenses de maladie, dites-le, mais ne faites
pas le choix, là encore, de servir les intérêts de ceux qui nous font dépenser
plus.
Notre choix est affiché, connu de tous : nous avons sans cesse cherché à
atteindre l'objectif d'une solidarité accrue entre les générations, entre les
malades et les personnes bien portantes, entre ceux qui sont bien protégés et
ceux qui l'étaient moins et en faveur de toutes les familles sans distinction,
quel que soit leur statut juridique ou social.
Cet effort a été accompli parce que nous avons su faire le choix d'une
politique économique qui - ne vous en déplaise ! - a restauré puis amplifié le
retour à l'excédent de nos comptes sociaux.
Le projet de loi tel qu'il nous était transmis par l'Assemblée nationale
traduisait un objectif national des dépenses d'assurance maladie prenant en
compte l'effort consenti en direction de l'hôpital et des cliniques.
En contribuant au financement des 35 heures, le projet de loi initial visait à
donner un peu plus de qualité de vie à tous ceux de nos concitoyens qui en ont
besoin. Il favorisait l'accès aux soins ; il attestait d'un effort continu en
direction des familles.
Vous n'en voulez pas ! C'est donc faire oeuvre d'irresponsabilité que de
manifester un tel acharnement.
Oui, les comptes de la sécurité sociale se sont redressés. Oui, ils se sont
redressés malgré vous et sans vous !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il n'y a que vous pour le croire !
M. Gilbert Chabroux.
Les fruits de la croissance n'ont pas été gâchés. La preuve est là. Nous le
dirons aux Français et, quand vous tenterez de leur faire croire le contraire,
ils seront en droit de vous demander ce que vous comptez faire et ce que, au
demeurant, pendant cinq ans, vous avez été incapables de faire.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ils auront du mal à vous croire !
M. Gilbert Chabroux.
Nous voterons contre la politique que vous proposez, qui est exactement à
l'opposé de celle qui est menée par le Gouvernement, laquelle, quant à elle,
donne des résultats probants.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de ce débat, je veux, moi aussi, remercier MM. les rapporteurs de la
commission des affaires sociales et M. About, son président, ainsi que M. le
rapporteur pour avis pour la qualité de leurs travaux et la richesse de leurs
interventions.
Ont été évoqués divers sujets d'une brûlante actualité : l'équilibre des
régimes de retraite à moyen et à long terme, la situation des établissements de
soins, qui sont dans l'impossibilité, d'une part, de surmonter les conséquences
d'un manque de personnel, bientôt aggravés par la réduction du temps de
travail, et, d'autre part, de disposer d'équipements suffisants en imagerie
médicale et en radiothérapie bronchologique. J'en profite pour rappeler la
nécessité de poursuivre la lutte prioritaire contre le cancer, y compris par la
voie de la prévention et de la recherche.
La Haute Assemblée a adopté des amendements très significatifs, à l'égard tant
de la complexité du système de financement, qualifié ici de « tuyauterie », que
de l'anomalie qui consiste à affecter à la couverture du coût des 35 heures des
ressources destinées à la sécurité sociale.
Au sujet du régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de
maladies professionnelles, je tiens à confirmer l'attention que nous avons
portée aux remarques formulées par la Cour des comptes quant à la complexité et
au caractère inéquitable de ce dispositif, dont il nous est recommandé
d'entreprendre la réforme dans les meilleurs délais.
Les mesures adoptées, notamment celles qui concernent les victimes
d'affections consécutives à l'inhalation de l'amiante, ont été accueillies avec
satisfaction.
En revanche, nous avons pris acte avec regret de l'attitude du Gouvernement,
qui a invoqué systématiquement l'article 40 pour faire échec à l'adoption de
mesures en faveur des familles.
Compte tenu de ces considérations, le groupe de l'Union centriste votera le
projet de loi tel qu'il a été amendé par la Haute Assemblée.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, bien entendu, en cet instant du débat, je ne répondrai pas aux
propos excessifs prononcés par M. Chabroux. Mais je ne voudrais pas que nous
concluions nos débats sans remercier très chaleureusement les quatre présidents
de séance, qui ont fait que nos débats se déroulent d'une manière tout à fait
agréable. Même si M. Chabroux et M. Fischer ont considéré que la discussion
avait été difficile, tendue, voire houleuse, j'ai le sentiment d'avoir
travaillé dans une ambiance conviviale, et je tiens à vous remercier, mes chers
collègues, d'y avoir contribué.
Je tiens à remercier également les cinq ministres qui se sont succédé au banc
du Gouvernement. Même si j'ai pu échanger avec Mme Guigou quelques propos
polémiques un peu durs, je dois dire que les ministres qui lui ont succédé ont
manifesté une grande compréhension à notre égard. Ils ont admis que ce débat
nous amenait les uns et les autres à confronter nos idées et à défendre nos
conceptions.
Nous avons tenté, chacun de notre côté, de faire valoir que la voie dans
laquelle il fallait s'engager en matière de gestion des comptes de la sécurité
sociale était celle que nous considérions comme la meilleure. Les Français
jugeront, le moment venu, quelle était celle qui devait être suivie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Au moment où va se clore cette première lecture, et
au-delà des divergences qui se sont exprimées, de manière parfois vive mais
toujours franche, entre la majorité sénatoriale, d'une part, et le Gouvernement
et ceux qui le soutiennent, d'autre part, je veux remercier MM. les
rapporteurs, le président de la commission des affaires sociales, ainsi que
tous ceux qui ont pris part à ce débat.
Vous comprendrez que je me tourne tout particulièrement vers M. Guy Fischer et
M. Gilbert Chabroux et, plus globalement, vers les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste, qui ont témoigné,
avec leur identité et leurs exigences propres, d'une vision de la protection
sociale que le Gouvernement partage.
Je veux également remercier nos collaborateurs, ceux des groupes
parlementaires, des cabinets ministériels, des administrations et, bien
entendu, tous les agents des services du Sénat, qui ont permis à ce débat de se
tenir, une fois de plus, dans d'excellentes conditions.
Par votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous apprêtez donc à
modifier profondément le projet de loi de financement de la sécurité sociale
tel qu'il avait été adopté par l'Assemblée nationale. Le texte qui vous avait
été transmis était un très bon texte, dont je rappellerai brièvement les
principaux apports.
Il proposait de développer la protection des assurés sociaux contre la
maladie, avec un objectif national de dépenses d'assurance maladie porté pour
2002 à 3,9 %.
Ce texte visait également à améliorer notre dispositif de couverture maladie
universelle, en dispensant de l'avance de frais les personnes sortant du
dispositif pour cause de dépassement, même léger, du seuil.
L'Assemblée nationale avait adopté des mesures permettant de mieux réguler les
dépenses d'assurance maladie ainsi que d'instaurer un nouveau cadre de dialogue
avec les professionnels des soins de ville.
Nous avions également introduit des dispositions en faveur des familles en
développant l'accueil de la petite enfance, en réformant l'allocation
d'éducation spéciale et l'allocation de présence parentale, et en créant le
congé de paternité.
La majorité de l'Assemblée nationale avait voté de nombreuses mesures visant à
permettre de mieux venir en aide aux victimes d'accidents du travail et de
maladies professionnelles ainsi qu'à leurs ayants droit.
Le texte qui vous était proposé donnait aussi un « coup de pouce » en faveur
des pensions de retraite pour continuer à assurer l'amélioration constante du
pouvoir d'achat des retraités depuis 1997.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a également été
l'occasion, pour le Gouvernement, de répondre à l'interpellation de nombreux
partenaires de la gauche plurielle quant à la situation particulière de
certains de nos concitoyens qui ont cotisé plus de 160 trimestres tout en
n'ayant pas atteint l'âge de 60 ans, mais qui souhaitent pouvoir bénéficier de
leur retraite.
Je rappelle que, suivant la proposition du député Alfred Recours, nous avons
décidé de traiter dès maintenant la situation particulière des chômeurs ou
inactifs qui ont cotisé 40 ans par la création d'une garantie de ressources
permettant aux personnes les plus fragilisées d'être sûres de percevoir une
allocation d'un montant compris entre 5 000 et 5 750 francs par mois.
Enfin, je rappelle que le texte issu de l'Assemblée nationale comportait
d'importantes mesures en faveur de l'hôpital public, constituant un « plan de
soutien aux hôpitaux » et témoignant de la continuité de l'effort sans
précédent que nous avons réalisé pour l'hôpital public depuis 1997. Ainsi, au
total, nous consacrerons 11,7 milliards de francs supplémentaires pour 2001 et
2002 au service hospitalier.
M. Fischer ayant évoqué ce point, je lui rappelle que l'Assemblée nationale a
voté le principe de l'organisation d'un débat au printemps, débat qui,
souhaitons-le, permettra d'éclairer les enjeux financiers qui sous-tendent le
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La lecture de ce texte par le Sénat a été, pour la majorité sénatoriale,
l'occasion d'accepter de nouveaux progrès, et il n'y a pas de raison de ne pas
s'en féliciter. Je pense notamment aux mesures nouvelles et ciblées destinées à
revaloriser les salaires des employés des cliniques privées. Ces mesures, qui
font suite à l'accord du 8 novembre 2001, portent sur un montant de 1,7
milliard de francs et s'ajoutent aux dispositions acquises dans le cadre du
projet initial, l'effort financier global s'établissant ainsi à 3,1 milliards
de francs. Ces mesures financières feront l'objet d'un contrôle et d'un suivi
permanent pour vérifier qu'elles respectent bien les objectifs de l'accord.
Il y a quelques minutes, vous avez accepté de revenir sur votre première
appréciation relative aux mesures du plan Biotox. Je m'en félicite et je puis
vous assurer que le Gouvernement reprendra la concertation avec la CNAM.
Cependant, je retiens globalement que vous vous êtes obstinés à défaire ce que
vos collègues députés avaient fait dans de nombreux domaines, à tel point que,
naturellement, le Gouvernement ne se reconnaît plus dans le texte qui sera
soumis à votre vote dans quelques instants.
Notre débat a montré une fois de plus que, dès qu'il s'agit de redistribution
des richesses, de solidarité ou de droits sociaux, il existe des clivages
majeurs entre les deux parties de l'hémicycle.
Parce qu'il s'agit de la dernière loi de financement de la législature, notre
débat a aussi permis à chacun de porter son appréciation sur l'effort accompli
depuis 1997 par le gouvernement de Lionel Jospin, avec le soutien de sa
majorité, pour conforter les acquis de notre protection sociale et développer
de nouveaux droits pour les assurés sociaux. Tant sur l'avenir que sur le
bilan, nous ne sommes manifestement pas d'accord.
Nous avons pu développer la protection sociale des Français parce que nous
avons su faire le choix d'une politique économique qui a restauré, puis
amplifié le retour à l'excédent de nos comptes sociaux.
Je regrette à nouveau l'obstination de la majorité sénatoriale à mettre en
doute la réalité du redressement des comptes de la sécurité sociale au cours de
la présente législature. Pourtant, les excédents que nous avons rendus
possibles devraient réunir tous les Français - et pourquoi pas ici aussi ? -
dans un même sentiment de satisfaction.
Nous déplorons, par ailleurs, que cette obstination ne s'accompagne pas de
perspectives alternatives claires : sur d'autres sujets, la majorité
sénatoriale nous avait habitués à davantage d'imagination et d'audace.
De ce point de vue, le débat sur les 35 heures a été particulièrement
symptomatique. Voilà une réforme plébiscitée par les salariés, créatrice de
centaines de milliers d'emplois et de richesses, s'accompagnant d'un allégement
de charges et relançant la négociation collective dans les entreprises : bref,
une grande réforme où tout le monde est gagnant. Mais vous vous entêtez à en
disséquer l'un des aspects, de manière très polémique et totalement inaudible
pour nos concitoyens, sans jamais nous dire ce que vous feriez des 35 heures si
les Français vous confiaient une majorité à l'Assemblée nationale ni nous
expliquer comment vous auriez pu faire mieux que nous : 370 000 emplois créés,
du temps libéré, des charges allégées.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous, nous ne l'aurions pas promis !
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Qu'il s'agisse des 35 heures, de la qualité de notre
gestion des comptes sociaux ou de la politique de protection sociale menée
depuis 1997, il y aura au moins un point sur lequel le Gouvernement rejoint le
point de vue de M. Vasselle : ce sont les Français qui jugeront. A cet égard,
je peux vous l'assurer, nous sommes pleinement confiants.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle
rapporteur.
Nous aussi !
M. le président.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 207 |
Contre | 112 |
M. Emmanuel Hamel. Les Français jugeront !
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