SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001
M. le président. « Art. 34. - Les besoins de trésorerie des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres et des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement peuvent être couverts par des ressources non permanentes dans les limites suivantes :
|
« (En millions d'euros.) - |
---|---|
« Régime général | 4 420 |
« Régime des exploitants agricoles | 2 210 |
« Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales | 500 |
« Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines | 350 |
« Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat | 80 |
« Les autres régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille
cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres, lorsqu'ils
disposent d'une trésorerie autonome, ne sont pas autorisés à recourir à des
ressources non permanentes. »
Je suis saisi de quatre amendements présentés par M. Vasselle, au nom de la
commission des affaires sociales.
L'amendement n° 36 est ainsi libellé :
« A la première ligne (Régime général) du tableau figurant dans l'article 34,
remplacer la somme : "4 420" par la somme : "2 300". »
L'amendement n° 37 est ainsi libellé :
« A la deuxième ligne (Régime des exploitants agricoles) du tableau figurant
dans l'article 34, remplacer la somme : "2 210" par la somme : "1 500". »
L'amendement n° 38 est ainsi libellé :
« Supprimer la troisième ligne (Caisse nationale de retraite des agents des
collectivités locales) du tableau figurant dans l'article 34. »
L'amendement n° 39 est ainsi libellé :
« Supprimer les quatrième (Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans
les mines) et cinquième (Fonds spécial des pensions des ouvriers des
établissements industriels de l'Etat) lignes du tableau figurant dans l'article
34. »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Cette série d'amendements concerne les plafonds d'avances de
trésorerie. Je ferai un commentaire général à partir de l'amendement n° 36, ce
qui me permettra d'être beaucoup plus concis sur les amendements n°s 37, 38 et
39, qui reflètent des préoccupations similaires.
Avec l'article 34, nous abordons l'une des dispositions les plus normatives
des lois de financement de la sécurité sociale : les plafonds d'avances de
trésorerie.
Dans le cas du régime général, nous assistons à un véritable détournement des
intentions du législateur organique de 1996.
Le plafond initial a été augmenté par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, puis par la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000, alors même que le régime général connaissait une amélioration
significative de son solde financier. Depuis, il se stabilise au montant de 29
milliards de francs.
Le plafond pour 2001 a été tout à fait surestimé.
Le profil de trésorerie du régime général pour 2002, présenté à l'annexe
c
du projet de loi, intègre l'hypothèse d'un versement de 4 milliards de
francs du budget de l'Etat à l'ACOSS en décembre 2001, au titre de la
compensation des mesures d'exonération en faveur de l'emploi. Selon le
Gouvernement, ce versement supplémentaire par rapport aux acomptes prévus dans
le cadre de la convention entre l'Etat et l'ACOSS correspond, « à hauteur de 2
milliards de francs, aux montants qui auraient dû être versés, conformément à
la convention, en milieu d'année ; à hauteur de 2 milliards de francs, au solde
prévisionnel restant à verser sur ces mesures en fin d'année 2001, compte tenu
de la prévision de dépenses de l'ACOSS, ainsi qu'au reliquat de la dette 2000.
Ces versements ne pourront intervenir que dans le cadre du collectif budgétaire
de fin d'année ».
Si, par construction, la loi de finances initiale ne peut prévoir avec
exactitude le montant des dotations budgétaires correspondant aux exonérations
de charges, il n'en demeure pas moins que le Gouvernement reconnaît lui-même
que l'Etat s'est affranchi du respect de la convention qui le lie à l'ACOSS.
Une telle attitude est inadmissible.
Proposer pour 2002 un plafond de 29 milliards de francs, alors que le régime
général devrait être excédentaire en 2002 comme en 2001, c'est reconnaître que
la trésorerie du régime général souffrira une nouvelle fois de la compensation
des allégements de charges décidés dans le cadre du FOREC - ce que nous n'avons
cessé de dénoncer depuis le début de l'examen de ce projet de loi -, puisque
ledit FOREC est structurellement déséquilibré, et de la compensation des
exonérations restant à la charge de l'Etat, à laquelle le Gouvernement s'était
engagé devant l'Assemblée nationale mais qu'il n'a pas versée.
Une autre possibilité, non exclusive de la première, serait que le
Gouvernement ne croie qu'à moitié à la prévision de masse salariale qu'il a
lui-même fixée. Il indique d'ailleurs que, « comme toute prévision », les
prévisions de trésorerie « reposent sur certaines variables telles que le
rythme des dépenses des diverses branches ou l'évolution de la masse salariale
qu'il est difficile d'évaluer avec précision ». Soyons rassurés cependant
puisque Mme Guigou a fait preuve, pendant la discussion générale, d'une
certaine assurance dans ce domaine...
Surtout, un plafond aussi élevé ne permet plus de jouer le rôle « d'indicateur
d'alerte » en cas de modification des conditions générales de l'équilibre
financier du régime général. Dans une telle situation, le Gouvernement peut à
tout moment prendre un décret relevant ce plafond, cette disposition
réglementaire étant suivie d'un rapport au Parlement. Le décret doit être
ensuite ratifié dans la plus prochaine loi de financement de la sécurité
sociale. C'est un moyen, choisi par le législateur organique de 1996, de
s'assurer de la bonne « exécution » de la loi de financement.
Dans ces conditions, mes chers collègues, il est impossible d'admettre que le
Gouvernement explique doctement « qu'il n'y a pas de lien entre l'amélioration
des comptes sociaux et la trésorerie de la sécurité sociale », sauf à
reconnaître qu'il n'y a pas d'amélioration des comptes sociaux. Il serait bon
de savoir ce qu'il en est réellement.
Je peux comprendre que le solde journalier du compte ACOSS connaisse un profil
aussi heurté, l'amplitude entre le « pic » et les « creux » étant d'environ 75
milliards de francs en 2001. Cette situation se détériorerait encore en 2002,
la variation atteignant plus de 80 milliards de francs, entre le « pic » de
février - 10 milliards d'euros, soit 65,6 milliards de francs - et le « creux »
prévu le 9 octobre 2002 - moins de 3 milliards d'euros, soit 19,7 milliards de
francs.
Contrairement à ce qu'a indiqué Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et
de la solidarité, devantl'Assemblée nationale, l'objectif n'est pas de « garder
sa souplesse à la trésorerie de l'ACOSS ». Si l'objectif de souplesse l'emporte
sur l'objectif de suivi, à quoi bon s'ennuyer à adopter un plafond d'avances de
trésorerie pour le régime général ?
La création des plafonds d'avances de trésorerie était bien le moyen de servir
au Parlement « d'indicateur d'alerte » ; leur absence ne lui permettrait pas de
se rendre compte, en temps réel, des difficultés de trésorerie occasionnées par
l'aggravation de la situation comptable de tel ou tel régime.
En plaçant le plafond d'avances de trésorerie du régime général à 29 milliards
de francs, le Gouvernement ne respecte pas l'esprit de la loi organique du 22
juillet 1996.
La commission considère donc qu'il est temps de redonner à ce plafond sa
véritable signification. Comme un certain décalage entre le versement des
prestations et l'encaissement des cotisations, impôts et taxes affectés est
inévitable, il est effectivement nécessaire de prévoir ces ressources de
trésorerie.
C'est la raison pour laquelle la commission vous propose de le fixer à 15
milliards de francs, soit 2 300 millions d'euros. Le niveau de ce plafond est
déterminé à la fois par l'exigence de préserver la neutralité des relations de
trésorerie entre l'Etat et la sécurité sociale et entre le FOREC et la sécurité
sociale, mais également par le « démontage » des « tuyauteries » opéré à
l'article 6, ce qui a pour conséquence une forte amélioration du solde
comptable du régime, dont il faut bien que nous tenions compte dans le cadre
des plafonds d'autorisation de trésorerie.
En définitive, la commission vous propose, mes chers collègues, de diminuer le
plafond d'avances de trésorerie du régime général de 4 420 millions d'euros à 2
300 millions d'euros.
Cette présentation de l'amendement n° 36, qui est de loin le plus important,
vaut pour les trois autres amendement de la commission.
L'amendement n° 37 concerne le BAPSA. Pour celui-ci, la commission vous
propose d'abaisser le plafond à un niveau raisonnable, soit 1 500 millions
d'euros ou 9,8 milliards de francs, montant intermédiaire entre celui qui a été
voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 et 1998 et celui
qui est prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Pour la CNRACL, l'amendement n° 38 prévoit un plafond de 500 millions d'euros,
soit 3,3 milliards de francs, ce qui correspond à la dégradation du solde
comptable de ce régime, mis à mal par la « surcompensation ».
La commission des affaires sociales vous propose en outre, comme en 1997,
1998, 1999 et 2000, de supprimer l'autorisation d'emprunt accordée à la
CNRACL.
Cette suppression était traditionnellement un moyen de s'élever contre le
mécanisme de la « surcompensation ». Elle se fonde cette année sur l'adoption
d'un article additionnel après l'article 27.
Enfin, l'amendement n° 39 concerne les plafonds d'avances consentis à la
caisse autonome de sécurité sociale.
La commission vous propose de supprimer la faculté de trésorerie ouverte à la
caisse autonome de sécurité sociale dans les mines et au fonds spécial des
pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36, 37, 38 et 39 ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté
attentivement et je me demande quel était finalement l'objet de votre
démonstration. En tout cas, nous ne tiendrons pas les mêmes propos !
Les prévisions de trésorerie sont élaborées par l'ACOSS, qui établit des
propositions. Bien sûr, il y a des rythmes, des variables, comme l'engagement
des dépenses dans les diverses branches. Il nous apparaît donc prudent de
maintenir une autorisation, étant précisé qu'une autorisation d'emprunt n'est
pas une obligation d'emprunt. Sans entrer dans le détail de la gestion de
chacune des caisses, le Gouvernement est en désaccord avec les diminutions de
plafond que vous proposez tout simplement parce que l'autorisation, je le
répète, ne vaut pas obligation. Il faut laisser à chacune des caisses et à
leurs gestionnaires le soin d'apprécier les besoins de trésorerie et d'emprunt
sachant - c'est une évidence - qu'ils n'emprunteront pas si ce n'est pas
récessaire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 36.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Mon explication de vote vaudra pour les quatre amendements.
Autant j'étais défavorable à l'amendement surl'ONDAM, autant je suis favorable
à cette série d'amendements, car c'est la traduction réelle de l'ensemble des
modifications qui ont été apportées au texte.
Là réside, monsieur le secrétaire d'Etat, le vrai pouvoir du Parlement : s'il
ne peut que fixer aux différents régimes un objectif - lequel sera ensuite
allégrement dépassé -, en plafonnant leurs capacités d'emprunt, il fixe la
limite au-delà de laquelle les différents régimes ne pourront aller.
C'est la raison pour laquelle il est tout à fait logique que la commission,
suivant sa doctrine traditionnelle, définisse les plafonds d'emprunt. De deux
choses l'une : ou bien on nous raconte des histoires quant aux perspectives
d'équilibre - et, dès lors, il n'est pas utile d'augmenter le plafond d'emprunt
- ou bien on est à peu près assuré de l'équilibre - aux variations de la
conjoncture près, mais elles ne représentent pas des sommes à ce point
importantes.
Pour ma part, je trouve inquiétant que la loi de financement dont nous
achevons la discussion prévoie, en même temps qu'une perspective d'équilibre de
l'ensemble des régimes et une multitude de transferts, une forte augmentation
de la capacité d'emprunt.
Le vrai pouvoir du Parlement résidant dans la limitation du volume des
emprunts, il faut unanimement voter les quatre amendements de la commission.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.
M. Claude Domeizel.
Je vote pour.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
M. le président.
Nous en revenons à l'article 1er et au rapport annexé, qui avaient été
précédemment réservés.
TITRE Ier
ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE
Article 1er et rapport annexé
(précédemment réservés)