SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001


M. le président. « Art. 29. - La Caisse nationale des allocations familiales verse en 2002 la somme de 762 millions d'euros au Fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale. Cette somme est prélevée sur le résultat excédentaire 2000 de la branche famille, après affectation d'une fraction de celui-ci au Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance créé par l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000).
« Un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget fixe la date à laquelle ce versement est effectué. »
Sur l'article la parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. En violation totale du principe inscrit dans la loi du 25 juillet 1994 de séparation des différentes branches de la sécurité sociale, l'article 29 affecte au fonds de réserve pour les retraites près de 5 milliards de francs prélevés sur les excédents passés de la branche famille.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité nous avait expliqué en commission des affaires sociales que les recettes et les dépenses faisaient en quelque sorte partie d'un même ensemble et que les excédents des branches étaient transférables à d'autres branches. Il serait intéressant que vous nous exposiez le raisonnement qu'elle a suivi pour en arriver à une conclusion aussi contraire au principe instauré par le législateur en 1994.
Enfin, elle nous avait expliqué que la solidarité devait unir les générations entre elles, mais force est de constater que cette solidarité joue toujours dans le même sens !
Le groupe du Rassemblement pour la République considère que ces excédents devraient revenir aux familles, et donc être redistribués à toutes les familles, notamment aux plus modestes.
La quête désespérée du Gouvernement pour donner un peu de crédibilité au fonds de réserve pour les retraites ne doit pas se faire aux dépens de la politique familiale.
Ce fonds doit résulter d'une véritable réforme des différents régimes de base des retraites, de l'ouverture vers de nouvelles solutions, telle que l'extension à tous de la PREFON ou de son équivalent, cela afin de rétablir l'équité entre tous les Français.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Leclerc et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 29. »
La parole est à M. Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission des affaires sociales s'oppose à l'alimentation du fonds de réserve par les excédents de la CNAF. Notre collègue M. Jean-Louis Lorrain ayant analysé et expliqué l'affectation des excédents de la CNAF, à la fois tout à l'heure et à l'occasion de la discussion générale, je serai bref.
Une fois la « dette du FOREC » prise en compte, l'excédent 2000 de la CNAF est réparti de la façon suivante : 1,5 milliard de francs affecté aux familles, par l'intermédiaire du « FIPE 2 », soit 23 %, et 5 milliards de francs pour ce que Mme la ministre a appelé la « solidarité intergénérationnelle », soit 77 %.
Le Gouvernement n'avait qu'à respecter le « plan de financement » initial du fonds de réserve pour les retraites, reposant principalement sur l'affectation des excédents du FSV et de la C3S. Or les excédents du FSV, ponctionnés pour le financement des 35 heures, de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la dette de l'Etat à l'égard des régimes AGIRC-ARRCO, représentent 50 milliards de francs cumulés sur la période 2000-2002. Quant à la « ponction » sur la C3S pour tenter de combler le trou du FSV et pour financer le BAPSA, elle représente, sur la même période, près de 20 milliards de francs.
La politique menée par le Gouvernement perd ainsi toute crédibilité. C'est ce que M. Vasselle a longuement expliqué avant-hier soir devant Mme Guigou. Nous ne tolérerons pas que l'affectation des excédents de la branche famille renforce encore une inquiétude déjà persistante. C'est pourquoi la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 29.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Préparer l'avenir en matière de retraite et sécuriser le dispositif, c'est faire en sorte que les actifs pensent aujourd'hui à leur propre situation et, demain, à celle de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Si nous avons un désaccord, il est de nature philosophique et porte sur la façon d'y parvenir. Mais je ne reprendrai pas mon argumentation sur le fonds de réserve. Nous le remplissons et nous nous en félicitons !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 32.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. L'article 29 organise le transfert d'une partie des excédents de la CNAF vers le fonds de réserve pour les retraites.
Notons que si la question de la répartition des excédents de la branche famille se pose, c'est bien parce que ces excédents existent depuis quatre ans ! Effectivement, sous le gouvernement précédent, la question ne se posait guère...
S'agissant de leur usage, les excédents nous ont permis, depuis 1998, de consacrer plus de 6 milliards de francs à la réforme de l'allocation logement et à la création de structures de garde, de porter l'allocation de rentrée scolaire de 1 000 francs à 1 600 francs et, enfin, de majorer les pensions de retraite des personnes ayant élevé au moins trois enfants, autant de mesures sociales extrêmement importantes pour des millions de nos concitoyens !
En revenant sur le transfert d'une partie des excédents, vous supprimez toute possibilité de financer des projets essentiels à notre société et, une fois encore, vous mettez en péril...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
M. Claude Domeizel. ... la pérennisation du système de retraites par répartition, en privant le fonds de 762 millions d'euros. Le groupe socialiste n'adoptera donc pas cet amendement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. N'importe quoi !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. J'avoue que je suis abasourdi quand j'entends de tels propos !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il y a de quoi !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas raisonnable !
Cela montre d'ailleurs le peu de sérieux de ceux qui ont créé ce fonds de réserve, car un tel fonds ne doit pas être à géométrie variable ! Si vous aviez voulu faire quelque chose de solide - pourquoi pas ? - vous pouviez très bien. A défaut de régler - ce que vous ne voulez pas faire - le problème des retraites, essayez au moins de garantir leur pérennité pendant un certain temps, en créant un fonds à l'image de la Caisse d'amortissement de la dette créée en 1926 pour éponger la très lourde dette de l'Etat, un fonds ayant un caractère statutaire, doté de recettes pérennes et dans lequel il est impossible de puiser !
M. Claude Domeizel. Il a déjà 85 milliards de francs !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas ce que vous avez fait. Votre action s'apparente plus au bonneteau qu'à une véritable gestion des finances ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bravo, monsieur Chérioux !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 29 est supprimé.
M. le président. Nous en revenons aux articles 8 et 9 qui avaient été précédemment réservés.

Article 8
(précédemment réservé)