SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 30, présenté par MM. Leclerc et Vasselle, au nom de la
commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 134-1 du code de la
sécurité sociale sont abrogés.
« II. - La perte de recettes pour les régimes spéciaux d'assurance vieillesse
de salariés est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 67, présenté par MM. Domeizel, Chabroux et les membres du
groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 134-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Toutefois, et par dérogation à l'alinéa précédent, le taux de recouvrement
de la compensation entre les régimes spéciaux d'assurance vieillesse et de
salariés est fixé, chaque année, par le Parlement dans le cadre de la loi de
financement de la sécurité sociale. Ce taux est fixé à 22 % à partir du 1er
janvier 2002. »
La parole est à M. Leclerc, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
A défaut d'engager une réforme des retraites, le Gouvernement
aurait pu clarifier le financement des régimes spéciaux. Or tel n'a pas été le
cas.
La compensation spécifique, qu'on appelle aussi « surcompensation », a attiré
particulièrement l'attention de la commission.
La loi de 1974 a institué le mécanisme de la compensation généralisée. Son
principe ne peut guère être remis en cause. Toutefois, on doit constater des
modes de calculs de plus en plus arbitraires, de plus en plus contestés par les
régimes débiteurs. Dans mon rapport écrit, j'analyse longuement cette
situation, qu'il faudra bien résoudre un jour.
Pour corriger l'insuffisance des transferts de compensation généralisée
vis-à-vis des régimes spéciaux, la loi du 30 décembre 1985 a institué une
compensation supplémentaire spécifique aux régimes spéciaux qui s'ajoute à
cette compensation généralisée.
Le régime fictif des fonctionnaires de l'Etat et la CNRACL sont les deux
principaux régimes débiteurs. En revanche, les principaux régimes bénéficiaires
sont le régime de la caisse des mines, le régime de la SNCF, le régime des
ouvriers de l'Etat et le régime des marins.
Structurellement excédentaire, la CNRACL est ainsi déficitaire du fait des
transferts de compensation, ce qui l'a tout d'abord conduite, à partir de 1992,
à utiliser les réserves qu'elle avait engrangées. Mais, aujourd'hui, les
réserves se sont épuisées et il a fallu se résoudre - ce qui est ubuesque
compte tenu du résultat technique de la caisse - à recourir à l'emprunt.
Au sein du conseil d'orientation des retraites, une étude a été réalisée en
septembre dernier sur les transferts de compensation.
Cette étude, après avoir décrit longuement les mécanismes de calcul de plus en
plus arbitraires des compensations généralisées et de la compensation
spécifique, conclut ainsi : « De fait, la compensation spécifique a peu de
justifications. Telle qu'elle fonctionne, elle met à la charge d'un régime des
transferts pour d'autres régimes qui, par ailleurs, sont équilibrés par une
subvention de l'Etat. Sans homogénéité entre les régimes, il est difficile de
mettre en place une compensation équitable, qui complète la compensation
généralisée. Dans ce cas, il faudrait peut-être recourir à d'autres mécanismes
de solidarité, du moins pour les régimes les plus atypiques ou les plus
déséquilibrés démographiquement, dont l'équilibre pourrait être assuré par
l'Etat ou par le FSV. »
La suppression de la compensation spécifique nécessiterait, afin d'équilibrer
les régimes spéciaux aujourd'hui bénéficiaires, d'augmenter les subventions
d'équilibre de l'Etat à ces mêmes régimes. Cependant, cette augmentation serait
pour partie compensée, pour le budget de l'Etat, par la suppression parallèle
de la participation du régime des fonctionnaires de l'Etat : ainsi, l'effet net
sur les dépenses serait d'environ 9,2 milliards de francs.
J'ajoute que, si les conséquences d'une suppression de la surcompensation sur
le solde budgétaire de l'Etat sont réelles, les conséquences sur le solde des
administrations publiques sont nulles. En effet, l'augmentation nette des
subventions d'équilibre est compensée par l'excédent retrouvé de la CNRACL,
lequel permettra à la caisse de préparer l'avenir, qui ne s'annonce pas rose
dans son cas. C'est maintenant ou jamais qu'il faut s'efforcer de recourir à la
répartition provisionnée.
Ainsi, la commission des affaires sociales vous propose d'abroger le deuxième
alinéa de l'article L. 134-2 du code de la sécurité sociale, qui constitue le
fondement de la compensation spécifique, ainsi que le troisième alinéa de cet
article, qui découle directement du précédent.
La majorité des membres de la commission des affaires sociales, et peut-être
au-delà, sont convaincus de la nécessité de créer un véritable régime de
retraite pour la fonction publique de l'Etat, soit par la constitution d'une
caisse autonome, soit par son intégration au sein de la CNRACL. Nous aurions
ainsi un régime commun aux trois fonctions publiques.
Pour des raisons de recevabilité financière, l'amendement de la commission
gage la perte de recettes entraînée pour les régimes spéciaux par la création
d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs. Il va cependant de soi que
la commission ne souhaite pas une augmentation de la fiscalité et que, dans son
esprit, les pertes de recettes pour les régimes spéciaux de salariés seraient
compensées par une augmentation des subventions d'équilibre.
Certes, le coût financier d'une telle mesure pour l'Etat n'est pas
négligeable, mais n'est-ce pas le seul moyen de faire apparaître le véritable
coût pour la solidarité nationale des régimes spéciaux ?
Telles sont les raisons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, qui ont conduit la commission à adopter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Claude Domeizel.
Comme l'a dit M. le rapporteur, la loi de finances de 1986 a créé une
compensation entre régimes spéciaux, plus connue par les élus locaux sous le
vocable de surcompensation. Cette dernière n'a été remise en cause par aucun
gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche, et, depuis 1986, cette
surcompensation a épuisé les réserves de la CNRACL, qui a connu des difficultés
dès 1999.
Aux termes d'un accord entre le comité des finances locales, l'association des
maires de France et le conseil d'administration de la CNRACL, l'équilibre a été
rétabli grâce à une augmentation du taux de la cotisation de 0,5 point en 2000
puis en 2001, et l'Etat a fait un pas en diminuant dans le même temps le taux
de surcompensation de 4 %, ce dernier passant de 38 % à 34 % en 2000 et de 34 %
à 30 % en 2001. Ainsi, les collectivités locales et les hôpitaux ont versé 1
milliard de francs supplémentaire alors que, sur la même période, la
surcompensation était diminuée de 1 milliard de francs.
Aujourd'hui, la CNRACL accuse un déficit de 2 milliards de francs. Monsieur
Leclerc, il s'agit d'un déficit structurel et non du remboursement d'un emprunt
souscrit pour faire face à des difficultés de trésorerie ponctuelles.
Trois solutions sont envisageables pour résorber le déficit. La première
consiste à reconduire l'augmentation opérée en 2000 et en 2001 en augmentant le
taux de la cotisation et en diminuant la surcompensation. La deuxième solution
consiste à augmenter le taux de cotisation de 1 %. La troisième solution,
enfin, consiste à diminuer la surcompensation de 8 %, en passant de 30 % à 22
%.
Avec l'amendement n° 67, c'est la troisième solution que nous proposons.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 30 et 67 ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Chacun s'en tient à sa cohérence. Ainsi, avec
l'amendement n° 30, la commission propose, ni plus ni moins, de faire
disparaître les surcompensations entre les régimes. Nous ne pouvons évidemment
pas la suivre sur ce terrain.
J'ajoute, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, que la
charge qui en découlerait pour l'Etat serait de l'ordre de 10 milliards de
francs. J'invoque donc l'article 40.
Avec l'amendement n° 67, MM. Domeizel et Chabroux attirent l'attention du
Gouvernement sur le déséquilibre probable de la Caisse nationale de retraite
des agents des collectivités locales dès 2002. Ils proposent une solution qui
pèse cependant lourdement sur les finances publiques.
Mais l'ensemble des solutions mérite d'être examiné.
Monsieur Domeizel, en tant que président de la CNRACL, dès l'été dernier, vous
avez écrit au Gouvernement pour l'alerter sur la situation financière de la
caisse à compter de 2002. La réforme entamée en 1999, c'est-à-dire
l'augmentation de un point de la cotisation patronale sur les deux années 2000
et 2001 et l'abaissement du taux de la surcompensation de huit points en deux
ans, avait permis à la caisse de revenir presque à l'équilibre en 2001, après
un résultat plus fortement négatif en 2000.
S'agissant de l'équilibre futur des comptes, l'application des 35 heures à la
fois pour les hôpitaux et les collectivités locales va avoir des effets
favorables sur les recettes de la caisse. Le rythme de la création d'emplois
doit être précisé pour permettre à la CNRACL d'affiner ses prévisions.
Concernant l'hôpital, l'accord signé le 27 septembre entre le Gouvernement et
les organisations syndicales prévoit la création de 45 000 emplois sur trois
ans, dont 40 % seront effectifs d'ici à la fin de l'année 2002.
La création d'emplois sur l'exercice 2002 ne résoudra cependant pas
l'intégralité des difficultés financières rencontrées par la caisse.
Dans l'immédiat, il est nécessaire d'engager des travaux permettant de dégager
les bonnes solutions. Je suis donc chargé de vous transmettre la proposition de
Mme la ministre de constituer sans délai un groupe de travail associant votre
caisse et les différentes administrations concernées afin d'affiner les
prévisions financières et de déterminer les mesures à prendre ainsi que leurs
modalités de mise en oeuvre.
Ce groupe de travail devrait pouvoir conclure ses travaux avant la fin de
cette année.
Dans ces conditions, je vous suggère de retirer l'amendement n° 67.
M. le président.
Monsieur Joyandet, l'article 40 de la Constitution est-il applicable à
l'amendement n° 30 ?
M. Alain Joyandet,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Il ne s'applique pas, monsieur le président.
(M. le secrétaire d'Etat s'étonne.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
L'article 40 de la
Constitution ne s'applique pas, monsieur le secrétaire d'Etat, tout simplement
parce qu'une perte de recettes gagée est acceptable.
Nous n'étions pas dans la même situation tout à l'heure puisqu'il s'agissait
d'une augmentation des dépenses, laquelle ne peut pas être gagée.
Je propose cependant, parce que M. Domeizel n'a pas forcément tort, de
modifier l'amendement de la commission.
Le paragrahe I de cet amendement reprendrait le texte de l'amendement n° 67 de
M. Domeizel. Son paragraphe II maintiendrait le gage, dont le montant serait
d'autant plus faible que la dépense serait moins élevée.
Cette solution permettrait à chacun de faire le point, de voir dans quelles
conditions on peut abandonner le système de la surcompensation.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Voilà une solution constructive !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Leclerc et
Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, qui est ainsi libellé
:
« Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 134-2 du code de la sécurité sociale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, et par dérogation à l'alinéa précédent, le taux de recouvrement
de la compensation entre les régimes spéciaux d'assurance vieillesse et de
salariés est fixé, chaque année, par le Parlement dans le cadre de la loi de
financement de la sécurité sociale. Ce taux est fixé à 22 % à partir du 1er
janvier 2002. »
« II. - La perte de recettes pour les régimes spéciaux d'assurance vieillesse
de salariés est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
J'invoque à nouveau l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
Monsieur Joyandet, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Alain Joyandet,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Il n'est pas applicable, monsieur le
président.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30 rectifié.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole contre l'amendement .
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Le Gouvernement a répondu au conseil d'administration de la Caisse nationale
de retraites des agents des collectivités locales en proposant de réunir un
groupe de travail pour trouver une solution à ce délicat problème.
Comme je l'ai déjà dit, il y a trois solutions. La première consiste à
partager la charge du déficit : chacun fait un geste, on augmente le taux de
cotisation et on diminue la surcompensation. La deuxième consiste à diminuer la
surcompensation, c'était l'objet de l'amendement que j'ai soutenu. La troisième
solution, enfin, consiste à augmenter le taux de cotisation.
Il faut bien savoir que toute augmentation du taux de la cotisation pose des
problèmes.
M. Leclerc, notre rapporteur, est intervenu au sujet de la constitution d'un
régime de retraite unique pour fonctionnaires. Mais, à cet égard, il ne faut
jamais négliger le fait que, actuellement, si les fonctionnaires des
collectivités territoriales, des hôpitaux et de l'Etat ont des droits
identiques, les deux premières catégories dépendent d'une caisse alors que la
troisième n'en a pas.
Il ne faut jamais oublier non plus, lorsqu'on parle de la fusion des régimes
de retraite des agents des trois fonctions publiques, que le taux de cotisation
des employeurs pour les collectivités territoriales et pour les hôpitaux est de
26,1 %, alors que les cotisations de l'Etat, au demeurant fictives, sont,
elles, de 40 %.
Vous voyez quelles conséquences aurait un régime unique. Mettre dans un même
panier, si je puis dire, les actifs et les retraités des deux systèmes
obligerait les collectivités territoriales et les hôpitaux, pour respecter le
taux d'équilibre, à cotiser beaucoup plus qu'ils ne le font aujourd'hui. C'est
un aspect important.
Si l'on augmente le taux de la cotisation des collectivités locales, c'est le
contribuable local qui paie ; si l'on majore le taux de la cotisation des
hôpitaux, c'est la sécurité sociale qui paie. Ce problème très délicat touche
donc à l'équilibre des relations financières qu'entretiennent l'Etat et les
collectivités locales, d'une part, l'Etat et la sécurité sociale, d'autre
part.
Il me paraît difficile aujourd'hui de voter l'amendement n° 30 rectifié
défendu par M. le président de la commission, car cet amendement ne tient pas
compte des données que je viens d'énoncer. Je préfère de loin que le
Gouvernement et le conseil d'administration de la CNRACL engagent en
concertation une étude approfondie dans l'optique de la réforme globale des
retraites.
Le problème de la CNRACL fait partie de l'édifice général du système des
retraites. Dès lors, on ne voit pas comment on pourrait modifier le moindre
élément sans que l'édifice tout entier ne s'écroule. C'est la raison pour
laquelle le groupe socialiste ne votera pas cet amendement n° 30 rectifié.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il a tort !
M. Claude Domeizel.
Par ailleurs, je retire l'amendement n° 67, compte tenu des réponses de M. le
secrétaire d'Etat.
M. le président.
L'amendement n° 67 est retiré.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, rapporteur.
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Monsieur Domeizel, quand j'ai évoqué le regroupement dans une
seule caisse des trois branches de la fonction publique - collectivités
locales, hôpitaux et d'Etat - il est évident que cette proposition s'inscrivait
dans le cadre d'une réforme plus vaste.
Il me semble, nos amendements le montrent bien, que nous disons tous la même
chose.
Ce que je vous reproche c'est donc d'avoir tant attendu alors que les
conditions étaient favorables. C'était un moment historique qui risque
malheureusement de ne pas se reproduire. Mesdames, messieurs de la majorité qui
soutient ce gouvernement, je considère que vous êtes coupables de ne pas avoir
saisi cette opportunité.
Quoi qu'il en soit, nous attendons tous des propositions constructives dans ce
domaine. Je m'étonne donc que vous plaidiez maintenant contre l'amendement que
vous aviez vous-même déposé, monsieur Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Pas du tout !
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Mon cher collègue, vous vivez mal la surcompensation du fait
des responsabilités éminentes que vous exercez au sein de la CNRACL. Vos
collaborateurs, eux aussi, ne supportent plus cette situation
invraisemblable.
Ce soir, nous nous rallions à votre proposition.
M. Claude Domeizel.
Ce n'est plus la mienne !
M. Alain Gournac.
Ce n'est plus la sienne !...
M. Dominique Leclerc,
rapporteur.
Nous nous rallions à votre proposition intermédiaire qui
permet de réduire la dépense de neuf milliards de francs à deux milliards de
francs. Excusez du peu, sept milliards de francs, ce n'est pas rien. Je ne
comprends pas pourquoi vous venez de plaider contre vous.
M. Alain Gournac.
Nous non plus, nous ne comprenons plus !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il y a tout de même une limite à l'hypocrisie ! La commission vient en effet
de reprendre exactement les termes de l'amendement de M. Domeizel. La seule
différence, c'est le gage. L'article 40 de la Constitution ne lui est donc pas
opposable !
M. Alain Gournac.
Ils pèsent les godillots !
M. Jean-Jacques Hyest.
En fait, vous avez déposé un amendement, vous vous apercevez qu'il gêne, et
vous le retirez.
Comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat, on peut augmenter les cotisations.
C'est facile, les cotisations patronales sont payées par les collectivités
locales, qui sont habituées aux augmentations de leurs charges. Elles ont déjà
dû faire face à l'allocation personnalisée d'autonomie, aux 35 heures et à bien
d'autres choses encore. Faire payer les collectivités locales, cela ne pose
aucun problème, on peut toujours. Il s'agit pourtant, en fin de compte, de
l'argent des contribuables.
Mes chers collègues, si les comptes de la CNRACL ont été très largement
bénéficiaires, c'est en raison de la forte augmentation des personnels
territoriaux liée à la décentralisation. Pensez aux nouveaux services créés,
notamment dans les communes. Pour faire face à ces tâches nouvelles, il a fallu
embaucher des jeunes.
Mais la démographie des personnels territoriaux va évoluer progressivement et
les charges vont augmenter, Comme vous le savez bien, monsieur le président de
la CNRACL, si l'on ne trouve pas rapidement de solution, le déficit ne pourra
que s'aggraver encore.
Cela relève de la politique du sapeur Camember : creuser deux trous pour en
combler un troisième !
Ce n'est pas une façon de faire et c'est pourquoi votre amendement était
parfaitement justifié !
M. Serge Franchis.
Bravo !
M. Robert Del Picchia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales, mais je
voudrais, en tant qu'observateur attentif, faire une remarque. Après une
valse-hésitation sur un amendement devenu pseudo amendement puis
contre-amendement en quelque sorte, je suis désolé de le dire dans cette
assemblée républicaine : le père Ubu est toujours roi !
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
(Protestations sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Permettez que j'explique mon vote et celui du groupe socialiste, après avoir
parlé contre l'amendement !
Il est vrai que la CNRACL a connu des périodes au cours desquelles les actifs
ont augmenté. Depuis quelques années, la tendance s'est inversée et,
aujourd'hui, le nombre d'actifs n'augmente que de 1 % par an alors que celui
des retraités augmente de 3,5 % par an ! Le taux d'équilibre, c'est-à-dire le
moment où les prestations seront égales aux cotisations, sera vraisemblablement
atteint aux environs de 2007.
J'en reviens à l'amendement n° 30 rectifié. Pour trouver une solution sur un
sujet aussi délicat, entre une proposition de rencontre entre le conseil
d'administration de la CNRACL et le Gouvernement, et un bidouillage de dernier
moment, je choisis la première solution !
Nous voterons donc contre l'amendement n° 30 rectifié !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est le vôtre !
M. Claude Domeizel.
Je préfère offrir la possibilité au conseil d'administration de discuter avec
le Gouvernement sur ce problème.
M. Alain Gournac.
Vous ne pouviez pas le faire avant ?
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Permettez-moi, monsieur
Domeizel, de ne pas accepter vos propos quand vous dites que la commission
bidouille lorsqu'elle reprend l'amendement de l'un de ses plus éminents
membres.
MM. Robert Del Picchia, Michel Guerry et Max Marest.
Oui !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Comment voulez-vous
nous faire croire, monsieur Domeizel, qu'un homme aussi important et compétent
que vous dans ce domaine a brusquement une révélation en séance publique, à la
lumière des propos d'un secrétaire d'Etat qui ne connaît pas forcément le sujet
à fond...
M. Alain Gournac.
Oh !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
... sur le taux de
recouvrement de la compensation ? A qui voulez-vous faire croire pareille chose
au sein du Sénat alors que c'est vous, monsieur Domeizel, qui m'avez convaincu
lors de nos travaux en commission ? C'est aussi parce que vous avez convaincu
les membres de la commission que ceux-ci ont émis des doutes sur leur propre
amendement et ont dit qu'ils se réservaient la possibilité de revenir au vôtre
puisque vous étiez l'homme compétent !
M. Alain Gournac.
C'est exact !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est encore vous qui
avez dit en commission que, pour atteindre l'équilibre des comptes de la Caisse
nationale de retraites des agents des collectivités locales et résorber le
déficit prévisible des 300 millions d'euros, le taux devait être fixé à 22 % à
partir du 1er janvier !
Ce sont quelques conseils donnés par le secrétaire d'Etat qui, tout à coup,
vous auraient convaincu de revenir sur un travail de plusieurs années ? Ce
n'est pas crédible ! Une telle attitude réduit à néant le travail de la
commission. Ce n'est pas raisonnable !
M. Alain Gournac.
Effectivement, ce n'est pas raisonnable !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est pour cela que,
par respect pour vous, pour la commission et le Sénat, j'ai cru devoir non pas
« bidouiller » l'amendement de la commission, mais reprendre le vôtre en
l'améliorant par la simple adjonction d'un gage, afin d'éviter que le
Gouvernement ne lui oppose l'article 40.
(Bravo ! et applaudissements sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. Jean-Jacques Hyest.
M. Domeizel vote contre ! Il s'expliquera à la CNRACL !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas glorieux !
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 27.
Article 28