SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 21. - I. - Le chapitre VI du titre VII du livre Ier du code de la
sécurité sociale est intitulé : "Reversement forfaitaire à l'assurance maladie
au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles".
« II. - Au premier alinéa de l'article L. 176-1 du même code, les mots :
"affections non prises en charge" sont remplacés par les mots : "accidents et
affections non pris en charge".
« III. - A. - Après l'article L. 176-1 du même code, il est inséré un article
L. 176-2 ainsi rédigé :
«
Art. L. 176-2
. - Le montant du versement mentionné à l'article L.
176-1 est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité
sociale.
« Une commission présidée par un magistrat à la Cour des comptes remet tous
les trois ans, au Parlement et au Gouvernement, un rapport évaluant le coût
réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et
des maladies professionnelles. La commission des accidents du travail et des
maladies professionnelles mentionnée à l'article L. 221-4 rend un avis sur ce
rapport, qui est également transmis au Parlement et au Gouvernement.
« B. - Le montant du versement mentionné à l'article L. 176-1 du même code est
fixé, pour l'année 2002, à 299,62 millions d'euros.
« IV. - A. - La dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L.
176-1 du même code est supprimée.
« B. - Le II de l'article 30 de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997 (n° 96-1160 du 27 décembre 1996) est abrogé. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 30 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a
institué un mécanisme de versement forfaitaire à la charge de la branche
accidents du travail et maladies professionnelles et au profit de la branche
maladie, en vue de tenir compte des dépenses supportées par cette dernière au
titre des affectations non prises en charge.
Le montant de ce versement forfaitaire est fixé à un milliard de francs pour
2002. Il était d'un peu moins de un milliard de francs en 1997, 1998 et
1999.
Dans un rapport remis le 9 octobre 1997, M. Alain Deniel, conseiller maître à
la Cour des comptes, président de la commission d'évaluation du versement
annuel de la branche accidents du travail, maladies professionnelles à la
branche du régime général a, entre autres observateurs, fait remarquer que ce
système ne résolvait pas la tendance des employeurs à adopter des comportements
propres à limiter les déclarations d'accidents du travail et que, même si l'on
retenait l'hypothèse basse d'un taux de 10 % de sous-déclaration, il fallait
opérer un transfert de 1,6 milliard à 1,7 milliard de francs. Les mêmes
observations ont été reprises par M. Masse voilà quelques mois.
Je ne peux que partager cet avis.
Le phénomène de pressions exercées par les employeurs sur les salariés qui
déclarent leurs accidents ou observent leurs arrêts de travail est aujourd'hui
bien connu. Un système de pressions psychologiques, allant, vous le savez bien,
de l'insinuation douteuse à la menace de licenciement, en passant par la mise à
l'écart du collectif de travail et les remarques vexatoires, existe bel et bien
dans nombre d'entreprises. Il est d'ailleurs relayé par l'utilisation de primes
collectives, malheureusement détournées de leur sens premier pour mettre en
concurrence les salariés et dénoncer, en quelque sorte, ceux qui veulent être
soignés normalement ou qui utilisent légitimement les arrêts de travail
prescrits par les médecins.
Un article de la revue
Travail et emploi
publiée en octobre 2001 par la
direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la
DARES, montre d'ailleurs bien, à travers la réflexion de deux chercheurs et de
témoignages édifiants, les pressions hiérarchiques et parfois même non
hiérarchiques qui encouragent les accidentés du travail à rester dans l'ombre,
à ne pas déclarer leurs accidents et à ne pas se soigner correctement.
Par ailleurs, de nombreuses pressions d'origine patronale notamment - mais pas
seulement - sont exercées depuis de nombreuses années auprès de la commission
des maladies professionnelles pour empêcher l'extension de nouveaux tableaux de
maladies professionnelles pourtant scientifiquement établies.
L'inaction des pouvoirs publics n'encourage pas non plus à la réforme de ce
système.
Les victimes sont donc lésées à plusieurs niveaux : dans l'impossibilité dans
laquelle elles se trouvent d'accéder aux soins lors de la survenue de leur
accident du travail, mais aussi, le cas échéant, lors des rechutes graves
qu'elles subissent et dont le caractère professionnel se trouve contesté par
les caisses de sécurité sociale à défaut de première déclaration, et qui, de ce
fait, restent à la charge de la branche maladie, faisant perdre d'importants
droits aux victimes et à leurs ayants droit.
Au regard de la réalité, la somme de un milliard de francs apparaît donc tout
à fait dérisoire. Si l'on retient l'exemple des cancers professionnels, cause
de 10 000 décès par an selon Mme Aubry, alors ministre de l'emploi et de la
solidarité, ce sont environ 30 milliards de francs qui restent au budget de
l'assurance maladie, alors que cette somme devrait être mise à la charge des
entreprises responsables de cette mortalité.
On établit de plus en plus souvent à 100 milliards de francs la somme qui
devrait être reversée à l'assurance maladie par la branche accidents du
travail, maladies professionnelles, en compensation de l'existence, depuis la
création de cette branche, d'un véritable système de tricherie de la part des
employeurs. Cette somme est loin d'être irréaliste. Bien au contraire ! Comme
de nombreux syndicats, associations, victimes du travail et plus généralement
de nombreux salariés, je suis persuadée que les sous-déclarations et leurs
conséquences sur la branche maladie de la sécurité sociale correspondent à des
sommes considérables, révélant un système particulièrement pervers et criminel
d'actes répétés et souvent systématiques de violation du principe de prévention
des risques et de réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles.
Vous l'aurez compris, c'est aussi l'absence de lisibilité sociale et
économique de ces maladies qui est en cause et qui freine les mesures de
prévention visant à empêcher leur apparition.
En tout état de cause, monsieur le secrétaire d'Etat, tout concourt à
démontrer la nécessité de réaliser des études détaillées et chiffrées sur le
phénomène de sous-déclaration et ses conséquences pour la branche maladie.
Bien entendu, ces constatations soulèvent la question du nombre et du degré
d'indépendance des médecins et inspecteurs du travail. Les employeurs ne sont
visiblement pas résolus à agir dans le sens du respect de la santé au travail
des salariés. C'est dès lors aux pouvoirs publics qu'il appartient d'assurer un
contrôle strict du respect de ces principes et de mettre en place un système de
sanction des employeurs négligents et irresponsables qui soit véritablement
efficace et coercitif.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
On ne peut pas laisser traiter ainsi le monde de l'économie française, les
employeurs, les patrons, tous ceux qui investissent, tous ceux qui, en fin de
compte, font que les ouvriers, les employés peuvent trouver du travail. C'est
inacceptable, je tenais à le dire.
Madame Beaudeau, votre discours retarde. C'est un discours d'avant la chute du
mur de Berlin.
(Protestations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous ne connaissez pas les entreprises !
M. Bernard Murat.
Nous ne sommes pas de la même génération.
M. Roland Muzeau.
Vous ne connaissez pas l'industrie !
M. Bernard Murat.
J'ai été chef d'entreprise pendant trente ans, figurez-vous !
M. Guy Fischer.
Vous voyez l'entreprise du dehors, vous voyez les bilans, mais vous ne voyez
pas la vie de tous les jours.
M. le président.
Un peu de calme, je vous prie, seul M. Murat a la parole.
M. Bernard Murat.
Renseignez-vous, vous verrez que vous êtes très mal informés.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il y a 10 000 décès par an, monsieur Murat.
M. le président.
Madame Beaudeau, vous vous êtes déjà exprimée. Seul M. Murat a la parole.
M. Bernard Murat.
Ne nous énervons pas ! On peut parler de ce domaine avec un peu plus de
tempérance !
En tout cas, mes chers collègues, si l'on continue à taper ainsi sur les
employeurs, il n'y aura plus personne pour investir en France et plus personne
pour créer des entreprises.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Robert Bret.
Cela fait un demi-siècle que vous tenez ce discours !
M. le président.
Ce sont quelquefois les articles sur lesquels ne porte aucun amendement qui
font l'objet des plus longs débats. Mais c'est normal, c'est la liberté de
discussion qui le veut ainsi.
Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21