SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 20
quater.
- Le premier alinéa de l'article L. 434-8 du code de
la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions des alinéas suivants, le conjoint ou le
concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité a droit à une
rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime à condition
que le mariage ait été contracté, le pacte civil de solidarité conclu ou la
situation de concubinage établie antérieurement à l'accident ou, à défaut,
qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée à la date du décès. Toutefois,
ces conditions ne sont pas exigées si les époux, les concubins ou les
partenaires du pacte civil de solidarité ont eu un ou plusieurs enfants. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 23, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 20
quater
. »
L'amendement n° 75, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M.
Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par l'article 20
quater
pour
le premier alinéa de l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale,
remplacer les mots : "une fraction du salaire annuel de la victime", par les
mots : "la moitié du salaire annuel de la victime ou à 70 % de ce salaire en
cas d'incapacité de travail ou à partir de cinquante-cinq ans" . »
L'amendement n° 90, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M.
Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par l'article 20
quater
pour
le premier alinéa de l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale,
supprimer les mots : "ou à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée
déterminée, à la date du décès". »
L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« I. - A la fin de la première phrase du texte proposé par l'article 20
quater
pour l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale supprimer
les mots : "ou à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée, à la
date du décès" ;
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus,
compléter l'article 20
quater
par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la suppression d'une
durée déterminée de mariage, concubinage ou de pacte civil de solidarité pour
l'attribution d'une rente viagère visée à l'article L. 434-8 du code de la
sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
« III. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 20
quater
de la mention : "I". »
L'amendement n° 130, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A. - Compléter l'article 20
quater
par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« II. - Les dispositions de cet article sont applicables aux accidents
survenus à compter du 1er septembre 2001.
« B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de l'article 20
quater
de la mention : "I". »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'article 20
quater
du présent projet de loi a pour
objet d'étendre le bénéfice de la rente viagère versée au conjoint survivant de
la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle aux
personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité, le fameux PACS, avec la
personne décédée ou vivant en situation de concubinage avec celle-ci.
Actuellement, le bénéfice de la rente viagère est réservé au conjoint marié à
la date de l'accident ayant entraîné la mort. S'agissant d'une maladie
professionnelle, il faut que le mariage soit antérieur de deux ans au décès.
Il s'agit non pas de revenir sur le PACS, qui est une loi de la République
depuis le 15 novembre 1999, mais de constater que cet article va au-delà de
l'esprit de la loi relative au PACS elle-même.
M. Gilbert Chabroux.
Ah ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est donc un moyen indirect de rouvrir le débat sur le PACS
au fond et d'aller au-delà de la volonté du législateur en son temps.
M. Roland Muzeau.
C'est reparti !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le PACS, pas plus que le concubinage, ne saurait s'assimiler
au mariage.
M. Jean-Chérioux.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est pourquoi la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS ne
prévoit qu'une seule mesure de réversion, qui porte sur le capital-décès versé
aux salariés dans le cadre du régime général de sécurité sociale. Mais il
s'agit d'une indemnité en capital visant à apporter un secours pour une durée
limitée, alors que, concernant les accidents du travail, il s'agit d'une rente
versée jusqu'au décès du conjoint survivant.
Si on peut devenir un ayant droit d'une rente à vie en concluant un PACS, je
ne vois pas pourquoi on n'appliquerait pas demain cette règle aux pensions de
réversion en matière de retraite, voire d'allocation veuvage.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En effet, on ouvre ainsi une brèche dans un dispositif qui ne
correspond pas du tout à ce qu'avait souhaité le législateur et aux engagements
qui avaient été pris par le Gouvernement devant la représentation nationale.
M. Gilbert Chabroux.
La société a changé !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Une seconde raison incite à rejeter cette disposition. Cet
article fait partie des revendications de la Fédération nationale des
accidentés du travail, au titre de la réparation intégrale, et non plus
forfaitaire, des accidents du travail. Le Gouvernement, comme je l'ai dit tout
à l'heure, a décidé de mettre en place un groupe d'experts pour présenter des
propositions concrètes sur le sujet. Donc, pourquoi anticiper aujourd'hui sur
les travaux de ce groupe ?
Au demeurant, le présent article devrait inéluctablement entraîner d'autres
demandes. Le conjoint titulaire d'une rente d'ayant droit au titre de
l'accident du travail obtient une majoration au-delà de cinquante-cinq ans, ou
s'il devient lui-même invalide. Certes, l'article n'étend pas aujourd'hui cette
majoration au concubin ou au partenaire d'un PACS, mais la revendication sera
présentée à coup sûr au nom du principe d'égalité. A partir du moment où sera
introduite une mesure par ce biais, les autres, évidemment, se manifesteront
très rapidement.
Il est préférable, à notre sens, de bien analyser les coûts de la mesure et de
présenter un dispositif finalisé, et non un dispositif incomplet où l'on
découvrira chaque année qu'il manque toujours telle ou telle disposition pour
parvenir peu à peu à l'égalité parfaite entre le mariage, le PACS ou de
concubinage, ce qui n'est pas tout à fait la conception que la commission se
fait de la société.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous émettons solennellement un avis
défavorable sur cet amendement.
M. Jean Chérioux.
C'est le supplice du PACS !
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter les amendements n°s 75 et 90.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
En cas de décès d'une victime d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle, les ayants droit de ladite victime, à commencer par la veuve
et le veuf, ne peuvent être indemnisés qu'au titre du livre IV du code de la
sécurité sociale, qui vous le savez, n'ouvre droit qu'à une réparation
forfaitaire.
Ainsi, en application de ces dispositions, la veuve ne perçoit, précise
l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale, qu'une rente égale à une
fraction du salaire annuel de la victime.
En pratique, cette disposition se traduit par l'octroi à la veuve ou au veuf
de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle d'une
rente égale à 30 % du salaire annuel en général, et à 50 % de ce même salaire
en cas d'incapacité de travail ou à partir de cinquante-cinq ans.
Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un
tel niveau d'indemnisation est largement insuffisant, et même quasi dérisoire.
En effet, 30 % d'un salaire annuel, surtout lorsque ledit salaire ne dépasse
guère le SMIC - et vous savez que les accidents du travail et les maladies
professionnelles touchent d'abord et avant tout des personnes percevant des
salaires modestes - c'est, à n'en pas douter, totalement insignifiant.
Les niveaux d'indemnisation tels qu'ils existent aujourd'hui sont donc bien
insuffisants et ne permettent pas aux veuves et aux veufs de victimes du
travail de subvenir à leurs besoins et de vivre dignement.
C'est pourquoi, dans l'attente d'une réparation intégrale des préjudices subis
par ces victimes indirectes mais bien réelles du travail, j'estime, à l'instar
des associations de victimes du travail, qu'il nous faut aujourd'hui remplacer
le flou de la mention « une fraction du salaire annuel de la victime » par un
pourcentage de 50 %, augmenté à 70 % en cas d'incapacité de travail ou à partir
de cinquante-cinq ans, garantissant un niveau de rente correct à ces veuves et
veufs. Bien entendu, cette disposition doit être comprise comme transitoire, en
attendant que la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes du
travail soit, ainsi que vous l'avez laissé entendre, monsieur le secrétaire
d'Etat, instaurée, le plus rapidement possible, je le souhaite.
Tel est l'objet de notre amendement n° 75.
J'en viens à l'amendement n° 90.
Il vise à supprimer la condition de durée de mariage - réglementairement fixée
à deux ans - exigée pour qu'un conjoint survivant puisse prétendre à
l'obtention d'une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la
victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
L'article 20
quater
du présent projet de loi instaure, je le note avec
intérêt et satisfaction, l'ouverture du bénéfice de la rente d'ayant droit
d'accident du travail ou de maladie professionnelle aux concubins et aux
bénéficiaires d'un PACS.
En effet, actuellement, en cas de décès de la victime à la suite d'un accident
du travail ou d'une pathologie professionnelle, le versement de la pension est
limité au seul conjoint survivant. Cette exigence d'une condition de mariage
prive dès lors le concubin ou le partenaire d'un PACS d'une victime décédée
d'une indemnisation par la sécurité sociale, alors qu'il serait indemnisé dans
le cadre d'une réparation de droit commun.
Contrairement à ce que propose M. le rapporteur, je ne pense pas qu'il faille
supprimer cet article de progrès qui, quel que soit ce que l'on en pense, ne
fait qu'harmoniser le droit à la suite de la création du PACS.
Cet article 20
quater
me paraît être une disposition de bon sens.
Cependant, il est incomplet. En effet, il maintient la condition de durée du
mariage pour qu'un conjoint puisse prétendre à une rente viagère. Cette mesure
constitue, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, une injustice, à laquelle nous nous devons de mettre fin.
Toute restriction des droits des ayants droit d'une victime d'un accident du
travail ou d'une maladie professionnelle est naturellement injuste. La
suppression de l'exclusion du dispositif des concubins ou des partenaires d'un
PACS ainsi que l'autorisation de cumul des frais funéraires et du capital-décès
ont déjà été votées. Il s'agit là de vrais apports positifs, qui répondent aux
revendications des associations et des ayants droit des victimes du travail.
Cependant, excusez-moi de me répéter, cette mesure, comme celles que j'ai
évoquées à l'occasion de l'examen des précédents amendements, est partielle et
laisse inutilement et inexplicablement de côté une mesure pourtant
complémentaire : la suppression de la condition de deux ans de mariage, qui
pose problème et ne repose que sur une décision réglementaire fixant de manière
arbitraire à deux ans, sans que l'on sache pour quelle raison exactement, la
durée de mariage nécessaire pour que la veuve ou le veuf d'un ayant droit
puisse prétendre à l'obtention d'une rente viagère. Il s'agit bien d'une mesure
discriminatoire et sans véritable fondement humain, moral ni même juridique.
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 110 rectifié.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, je retire cet amendement au profit de l'amendement
présenté par la commission.
M. le président.
L'amendement n° 110 rectifié est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 130.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je ne reviendrai pas sur les débats animés qui ont
conduit à l'adoption du PACS. Je constate tout de même que le droit commun de
l'indemnisation ne fait pas de distinction entre le mariage, le PACS ou le
concubinage. Indirectement, vous décidez, vous, de rouvrir ce débat. Les lois
de la République sont applicables à tous. Je le répète : le droit à
indemnisation ne fait pas de distinction. Donc, nous prenons simplement acte de
l'état de notre droit et des lois de la République.
L'amendement n° 130, qui vise à étendre le champ d'application des
dispositions de l'article 20
quater
aux accidents survenus à compter du
1er septembre 2001, a simplement pour objet de faire bénéficier de ces
dispositions les familles des victimes de la catastrophe qui s'est produite à
l'usine AZF de Toulouse.
Il s'agit donc, d'une part, de réaffirmer des principes de notre droit et,
d'autre part, d'inclure une précision permettant aux familles des victimes de
l'accident de Toulouse de bénéficier de la mesure.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 75, 90 et 130 ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 75, je me suis déjà exprimé sur
la réparation intégrale lorsque j'ai présenté l'amendement de la commission.
J'émets, Mme Beaudeau le comprendra, un avis défavorable, dans un souci de
cohérence avec le texte que propose la commission.
J'en viens à l'amendement n° 90. Il vise à supprimer la condition imposée au
conjoint survivant d'une durée de mariage de deux ans pour pouvoir prétendre à
l'obtention d'une rente viagère. Je rappelle que cette durée de deux ans, qui
est inscrite dans la loi, était supprimée dans un amendement déposé en première
lecture à l'Assemblée nationale. C'est le Gouvernement qui a donc déposé et
fait adopter un amendement qui maintient la condition de durée de deux ans pour
les personnes mariées aussi bien que pour les concubins ou les personnes liées
par un PACS.
J'imagine donc que le Gouvernement ne pourra que s'opposer à l'amendement du
groupe communiste républicain et citoyen, par souci de cohérence avec
l'attitude qu'il a adoptée devant l'Assemblée nationale.
J'ajoute, pour répondre à M. le secrétaire d'Etat, que, lors du vote de la loi
relative au PACS, il n'était pas question d'étendre aux couples pacsés
l'ensemble des droits sociaux et des droits fiscaux profitant aux couples
mariés. Le Gouvernement avait d'ailleurs fait des déclarations solennelles en
ce sens : rappelez-vous le débat très médiatisé qui s'était déroulé sur ce
sujet ! Or, aujourd'hui, nous constatons que, par le biais d'un amendement sur
le problème des accidents du travail, le Gouvernement, pour répondre à des
préoccupations tout à fait légitimes que l'on peut comprendre, tente de
détourner l'esprit originel du texte ; et petit à petit, à la faveur
d'amendements successifs, il va, à l'occasion de chacun des textes spécialisés,
étendre aux personnes pacsées les droits profitant aux couples mariés ! Cela ne
correspond pas à la volonté du législateur de l'époque.
C'est une des raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable
sur les propositions qui sont faites. L'opinion publique doit bien savoir de
quelle manière le Gouvernement est en train de détourner les engagements qu'il
avait pris solennellement devant la représentation nationale, ou d'aller
au-delà.
J'en viens à l'amendement n° 130. Je comprends les objectifs du Gouvernement.
Nous sommes bien entendu attentifs à la peine et à l'émotion des proches des
victimes de l'accident survenu à Toulouse. Il reste que l'article 20
quater
soulève des interrogations sur les conséquences juridiques et
respectives du mariage, du PACS et du concubinage. Ne devons-nous pas avoir une
réflexion globale plutôt que de réagir sous le coup de l'émotion ? Certes, nous
ressentons une émotion très forte. Quel est celui ou celle d'entre nous qui ne
voudrait pas que la solidarité nationale s'exprime en faveur de ces victimes et
que ces dernières puissent bénéficier des droits relatifs aux accidents du
travail ?
Cela pose néanmoins des problèmes beaucoup plus fondamentaux liés à des
extensions de droits profitant jusqu'à présent aux seuls couples mariés. Il ne
faut pas que, sous le coup d'une émotion qui, très naturellement, devrait nous
inciter à répondre à une attente très forte, l'on remette en cause des
décisions fondamentales prises par le législateur. Je trouve assez regrettable
qu'une proposition de cette nature nous soit présentée à l'occasion de cette
discussion. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis
défavorable sur l'amendement n° 130.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 23, 75 et 90 ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est bien sûr défavorable à
l'amendement de suppression n° 23. Sur la question de l'indemnisation, qui ne
correspond pas au débat sur les droits sociaux, les tribunaux ont déjà tranché
: la jurisprudence se prononce dans les mêmes termes que ceux qui figurent dans
notre texte.
Quant à l'amendement n° 75 relatif à l'augmentation des rentes d'ayants droit
de victimes d'accidents du travail décédées, le Gouvernement cherche par voie
réglementaire une issue à cette question. Je souhaite donc le retrait de
l'amendement, sachant que, en deuxième lecture, le Gouvernement s'engage à
préciser le montant des rentes et à faire une proposition définitive et
complète.
Je ne suis pas en mesure de donner pour l'instant une position définitive sur
la question des délais, pour laquelle différentes références touchant à
plusieurs chapitres se téléscopent : il s'agit non pas seulement des droits
sociaux ou des principes d'indemnisation mais aussi, pour une part, de la
fiscalité. Le Gouvernement veut donc, avant de répondre, se livrer à un travail
précis. Aussi souhaite-t-il également le retrait de l'amendement n° 90.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Nous regrettons que le seul amendement de la commission des affaires sociales
sur ce chapitre du projet de loi soit un amendement de restriction de la
protection sociale. Je n'en tirerai bien entendu pas de conclusion quant à
l'intérêt de M. le rapporteur pour le monde du travail, Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité l'a déjà fait !
Nous sommes néanmoins dans l'obligation de constater que cet amendement a pour
objet de supprimer une disposition qui ouvre aux concubins et aux couples
pacsés la possibilité de bénéficier d'une rente viagère en cas de décès de la
victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Depuis le début des années soixante-dix, la jurisprudence a reconnu dans de
nombreux domaines les droits des concubins, puis maintenant des couples pacsés
à bénéficier de telle ou telle indemnité ou de telle ou telle prestation
sociale, dans les domaines civil ou social. Le législateur, un peu timide au
début, a fini, comme les magistrats, par prendre en compte cette évolution de
notre société et a adapté la législation pour en tenir compte. Nous pensions
donc que la question était réglée !
Il n'en est manifestement pas ainsi pour tous. Nous estimons donc nécessaire
de rappeler que la moitié des couples choisissent, comme la loi les y autorise,
de ne pas se marier et de vivre en concubinage ou sous le régime du PACS.
Je ne sais combien, dans notre entourage, dans nos familles, parmi nos
enfants, nos amis, nos collaborateurs, et nos relations de tous ordres, ont
choisi cette formule. Cet amendement les exclut purement et simplement du
bénéfice de la rente viagère. La moitié des citoyens adultes vivent en couple
hors mariage ; ce n'est pas rien ! Nul doute qu'ils apprécieront une mesure
aussi radicale et discriminatoire !
Sur le fond, mes chers collègues, je m'interroge, ou, plutôt, j'essaie de ne
pas m'interroger sur la motivation profonde des auteurs de cet amendement, de
peur sans doute de la découvrir.
D'un point de vue pratique, en effet, il est très facile de faire respecter le
délai de deux ans en datant, comme on le fait pour le mariage, le point de
départ du PACS ou du certificat de concubinage notoire. Tel ne peut donc être
le véritable motif.
La question financière ne peut pas non plus être déterminante dans la mesure
où les sommes en jeu ne sont pas considérables.
Cet amendement comprend un relent moralisateur d'un autre temps, qui nous
paraît particulièrement choquant, surtout appliqué à la réparation des
accidents du travail. Nous souhaiterions voir cette belle sévérité exprimée en
d'autres circonstances, telles la répression des employeurs de travailleurs
clandestins ou encore l'évasion et la fraude fiscales. Peut-être n'est-ce ici
qu'un début ? En attendant, le groupe socialiste votera bien évidemment contre
cet amendement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera, comme M. Vasselle s'y
attend certainement, contre l'amendement n° 23, qui tend à supprimer l'article
20
quater
.
Je crois, monsieur le rapporteur, que nous vivons dans le même pays et qu'il
vous faut regarder la réalité ! Comme notre collègue M. Chabroux vous l'a dit,
nous connaissons tous des concubins qui vivent comme des couples mariés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Qu'ils se marient !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est la société, monsieur Vasselle ! Regardez devant vous et non plus en
arrière !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'institution du mariage existe toujours !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Sans doute cette situation ne vous plaît-elle pas, mais elle existe ! Or,
l'adoption de votre amendement mettrait en difficulté des hommes et des femmes
qui ont fait un certain choix, même si ce n'est pas le vôtre !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Qu'ils assument leur choix !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cette liberté de choix existe aujourd'hui dans notre pays, et tant mieux !
Compte tenu des explications qui m'ont été données par le Gouvernement à
l'occasion de la discussion d'autres amendements, je retire l'amendement n°
75.
En revanche, je maintiens l'amendement n° 90, pour lequel je n'ai pas obtenu
les mêmes assurances. Cet amendement vise à supprimer la condition de la durée
de mariage : pourquoi est-elle réglementairement fixée à deux ans ? Nous ne
comprenons pas cette condition.
M. le président.
L'amendement n° 75 est retiré.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je suis étonné
d'entendre dire que nous n'avons pas fait grand-chose en ce qui concerne les
accidents du travail. Pour l'instant, nous avons déjà adopté en ce domaine,
avec avis favorable de la commission, huit amendements, monsieur Chabroux. Mais
peut-être n'avez-vous pas prêté attention aux travaux de la Haute
Assemblée...
M. Gilbert Chabroux.
Ce ne sont pas les vôtres !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Vous nous reprochez
d'être favorables à des amendements extérieurs à la commission ?
(M.
Chabroux s'exclame.)
M. le secrétaire d'Etat faisait tout à l'heure référence à une jurisprudence
Je voudrais bien savoir laquelle ! Si, effectivement, il est normal que
l'indemnité de décès soit versée - on peut le reconnaître -, il n'y a jamais
eu, que je sache, attribution de rente viagère à des concubins ou à des
partenaires au titre du PACS. A moins, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous
ne songiez à des cas tout à fait particuliers de jurisprudence ; mais encore
faudrait-il démontrer que cette dernière est constante.
Cependant, la jurisprudence joue peut-être contre vous, monsieur le secrétaire
d'Etat. Votre amendement peut présenter un intérêt en ce qui concerrne les
accidents du travail. Lorsqu'un phénomène aussi grave que celui de Toulouse se
produit, on pourait imaginer que votre proposition soit appliquée au titre de
l'accident.
Mais la jurisprudence associe l'accident et les maladies professionnelles. Il
paraît donc dangereux d'étendre le dispositif, au nom de la catastrophe
survenue à Toulouse, à l'ensemble de ce qui peut découler des maladies
professionnelles.
A mon avis, la jurisprudence joue donc contre votre amendement et pas du tout
contre celui de la commission. Je le regrette, parce que nous aurions pu
retenir l'amendement du Gouvernement. Nous considérons en effet que la
situation de Toulouse est tout à fait dramatique et exceptionnelle, et qu'elle
méritait peut-être une réponse adaptée. Malheureusement, ce ne sera pas
possible.
S'agissant du délai de deux ans, madame Beaudeau, là encore il existe un
risque de détournement et de disposition, en particulier pour les maladies
professionnelles. Par conséquent, il faut faire très attention de ne pas
supprimer ce délai qui garantit la solidité des unions qui ont été décidées.
(M. Vasselle, rapporteur, applaudit.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amen !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je ne fais pas un
sermon ! Je fais simplement appel à la sincérité des liens. Il s'agit là de
questions laïques et non pas du tout religieuses.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et quand quelqu'un meurt avant deux ans ?
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Le PACS peut se
dénoncer !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce n'est pas le PACS, c'est le mariage !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 20
quater
est supprimé, et les amendements
n°s 90 et 130 n'ont plus d'objet.
Article 21