SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 19. - I. - Le montant de la contribution de la branche accidents du
travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale
au financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, mentionnée
au VII de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000), est fixé comme suit :
« 1° 2,875 milliards de francs au titre de l'année 2001 ;
« 2° 76,22 millions d'euros au titre de l'année 2002.
« II. - Le II de l'article 53 de la même loi est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Il emploie des agents régis par les titres II, III ou IV du statut général
des fonctionnaires en position d'activité, de détachement ou de mise à
disposition. Il emploie également des agents contractuels de droit public avec
lesquels il peut conclure des contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il
peut également faire appel à des agents contractuels de droit privé pour
occuper des fonctions exigeant une qualification particulière dans le domaine
de l'indemnisation des préjudices ou des maladies professionnelles. Les agents
contractuels employés par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
sont tenus au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes
conditions que celles qui sont définies à l'article 26 de la loi n° 83-634 du
13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Nous abordons le chapitre consacré à la réparation des accidents du travail et
des maladies professionnelles.
Les articles que nous allons examiner vont permettre de réaliser d'importants
progrès et de franchir un pas important non seulement pour les réparations dues
aux victimes de l'amiante, mais au-delà.
Il faut d'abord rappeler que la branche accidents du travail est régulièrement
excédentaire ; cet excédent a été de 2,3 milliards de francs en 2000, de 1,3
milliard de francs en 2001, et il devrait être, selon les prévisions, de 550
millions d'euros en 2002.
Cette situation, pour satisfaisante qu'elle soit sur le plan financier, n'est
malheureusement pas due à une diminution des accidents du travail et des
maladies professionnelles. Elle résulte, personne ne le conteste, de la
sous-déclaration endémique par les employeurs des accidents et des maladies
professionnelles.
Cet état de fait justifie pleinement le reversement en direction de la branche
maladie de la somme de 152,45 millions d'euros, comme le propose la commission
triennale d'évaluation. C'est là une simple mesure de réajustement équitable
entre les branches, puisque la branche maladie supporte indûment la charge de
nombreux accidents et maladies liés au travail.
S'agissant plus spécialement de l'amiante, je tiens à saluer l'action du
Gouvernement pour aller vers un règlement, sinon satisfaisant, compte tenu de
la gravité des maladies en cause, du moins décent à l'égard des victimes.
En concertation avec les associations, notamment la FNATH, la Fédération
nationale des accidentés du travail et handicapés, et l'ANDEVA, l'Association
nationale de défense des victimes de l'amiante, les mesures indispensables ont
été prises. Le décret fixant les modalités d'indemnisation par le FIVA, le
fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante est paru, ce qui permet la
clarification des procédures et une réparation intégrale du préjudice de santé
subi. Le fonds d'indemnisation a reçu ses dotations pour 2001 et 2002, et les
personnels compétents pour traiter les dossiers sont en cours de
recrutement.
De même, la cessation anticipée d'activité est étendue aux personnels qui ont
manipulé l'amiante d'une façon ou d'une autre, ce qui permet de couvrir
plusieurs professions qui ne l'étaient pas jusqu'à présent, alors qu'elles ont
été exposées au risque pendant de longues années. Le cumul avec la pension de
réversion devient aussi possible.
Les modalités de reconnaissance des maladies professionnelles ont également
été modifiées, et les règles de prescription considérablement élargies pour
tenir compte du caractère le plus souvent latent de la plupart de ces
maladies.
C'est donc vers une évolution importante du fonctionnement des dispositifs
d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles que nous nous dirigeons. Depuis plusieurs années, l'opinion
publique se préoccupe des traumatismes de toutes sortes provoqués par de
mauvaises conditions de travail. L'affaire de l'amiante, avec les terribles
souffrances qu'elle a engendrées, aura largement contribué à cette prise de
conscience collective. Il est donc clair que nous ne pouvons en rester là. En
matière de prévention, le développement de la médecine du travail, notamment
par le recrutement de nouveaux praticiens, tel qu'il est prévu par le projet de
loi de modernisation sociale, est un acte positif.
Mais nous devons continuer à améliorer la réparation et l'indemnisation, en
concertation avec les associations et en mettant les moyens nécessaires pour y
parvenir. Aujourd'hui, ce qui est possible a été fait. Il nous faut désormais
aller plus loin. Je crois très profondément que la hausse des accidents du
travail, le développement de certaines maladies professionnelles sont le signe
tangible du déséquilibre du monde du travail.
Ils sont une véritable pathologie sociale, au même titre que l'insécurité et
le sentiment d'insécurité qui gangrènent aujourd'hui les esprits. Ils sont le
résultat de la pression continue dont sont victimes les salariés, les petits
artisans, les petits agriculteurs. Ils sont le symbole de l'injustice
fondamentale de notre organisation économique et sociale.
Les statistiques - et ce n'est pas nouveau - sont explicites : les victimes
les plus nombreuses sont les travailleurs précaires, en général mal formés,
travaillant en horaires décalés, les salariés d'origine étrangère comprenant
mal le français, ou encore les faux artisans qui sont en fait des salariés que
l'on contraint à des horaires démentiels pour un revenu dérisoire. Il est
invraisemblable et scandaleux qu'en Europe, en ce moment même, des travailleurs
soient victimes d'accidents et de maladies, parfois mortels, parce qu'ils
doivent - quelle ironie ! - gagner leur vie.
Certes, nous ne pouvons transformer en un instant le système dans lequel nous
vivons. Nous savons que tout accident ou maladie ne peut être évité. Mais nous
avons deux devoirs : renforcer la prévention, comme nous l'avons déjà fait dans
le secteur du bâtiment par des mesures parfois contraignantes mais qui portent
leurs effets, et assurer une réparation intégrale aux victimes.
Tel est le sens d'un récent rapport de la Cour des comptes qui porte un
jugement sévère sur le système inéquitable, complexe et obsolète de réparation
des accidents du travail et des maladies professionnelles. Là aussi, les
caractéristiques de ce système de réparation sont un signe fort du déséquilibre
de notre société au détriment du monde du travail. Il nous faut donc y
remédier. Nous souhaitons vivement qu'il puisse en être ainsi avec le présent
projet de loi de financement de la sécurité sociale et ceux qui le suivront.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
J'allais presque souscrire aux propos que vient de tenir M. Chabroux et je
suis content de constater que, ce matin, il adopte un ton beaucoup plus détendu
qu'hier. Mais, dans la chute de son discours, il a un peu trop noirci le
tableau : c'est Eugène Sue ! Dans ce domaine bien particulier - et il est des
sénateurs qui, au cours de leur vie, ont eu la possibilité, parfois
l'obligation, de travailler en entreprise - une telle vision catastrophique ne
correspond pas à la réalité s'agissant des entreprises françaises.
M. Jean Chérioux.
Il n'est jamais allé dans un atelier !
M. Bernard Murat.
Je parle de ce que je connais !
La branche accidents du travail et maladie professionnelle n'a pas été
réformée depuis de nombreuses années. Or le système d'indemnisation existant
est notoirement insuffisant et inéquitable. Il est responsable d'une
augmentation notable des taux d'absentéisme, qui s'ajoutera aux 35 heures et
posera un véritable problème d'organisation dans les entreprises publiques
comme privées.
En 2001, la branche traditionnellement excédentaire devrait présenter un solde
créditeur de 1,7 milliard de francs. En dépit de cela, cette année encore, vous
n'inscrivez pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2002 la réparation intégrale des accidents du travail attendue par les
salariés victimes d'accidents. Cette indemnisation demeure toujours forfaitaire
et fonction du taux d'incapacité permanente accordé. Tel est bien le problème
que nous devons résoudre.
Quant aux maladies professionnelles, si des efforts sont réalisés en faveur
des salariés victimes de l'amiante, ce dont nous nous félicitons, bien des
maladies professionnelles ne sont pas encore reconnues, ni inscrites aux
tableaux ouvrant droit à indemnisation.
J'ajoute que, dans la période actuelle, de plus en plus de pratiques
techniques, biologiques ou mécaniques peuvent malheureusement créer d'autres
risques. Il faut instituer un observatoire de veille permanente, car, bien
souvent, lorsque le travailleur est atteint, il est déjà trop tard. Si nous
voulons être responsables, il faut que les entreprises remettent en question en
permanence les nouvelles procédures pour voir s'il n'existe pas de risques
supplémentaires. Si tel était le cas, il faudrait nous interroger pour savoir
si nous avons les moyens médicaux et sociaux de prévenir ces risques.
Là encore, des efforts doivent être accomplis, en particulier dans le
dépistage systématique. Je souhaite revenir sur ce point parce que, en fin de
compte, c'est par un dépistage systématique que l'on peut résoudre en amont ce
type de problème.
Le taux d'encadrement des médecins du travail demeure faible et fortement
disparate selon les régions. Or leur rôle dans la prévention est essentiel.
La France n'est pas suffisamment volontariste en matière de dépistage et de
prévention, qui sont pourtant à la base même d'une véritable politique de santé
nationale. Un bon dépistage et une prévention généralisée entraînent
automatiquement une diminution des maladies. Ils permettent donc de réaliser
des économies significatives dans les budgets de la santé.
Si, en France, une grande loi d'orientation de la santé publique prenait en
compte, de la naissance à la mort, tous les aspects de la santé de l'homme, en
particulier la prévention, je suis persuadé que les coûts thérapeutiques
diminueraient énormément.
Les incidents dramatiques liés à l'explosion de l'usine chimique AZF à
Toulouse doivent nous inciter à réformer rapidement la branche accidents du
travail. L'émotion et la stupeur des premiers jours ont laissé la place au
souci de reconstruire et d'indemniser les victimes.
Le groupe du Rassemblement pour la République, très attaché à la mise en
oeuvre d'une politique de prévention des accident du travail et d'une politique
d'indemnisation plus juste, s'incline à nouveau devant la détresse des
travailleurs de l'usine AZF et de leurs familles, victimes du plus grand
accident du travail jamais connu en France.
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Pour compléter ce que vient de dire excellemment M. Murat, et pour répondre à
des incantations entendues tout à l'heure, il me paraît utile de remettre les
choses à leur place.
En ce qui concerne la prévention, reconnaissons qu'un accident n'est pas
prévisible.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et l'amiante ?
M. Jean-Louis Lorrain.
Je faisais allusion à un accident spontané, madame Beaudeau ! Je ne parlais
pas de l'amiante : l'incurie des services publics est évidente dans ce
domaine.
On nous dit qu'il ne faut pas confondre maladie professionnelle et accident du
travail, et que cette branche sera excédentaire. S'agissant d'un événement qui
risque de survenir dans le futur, cela est quelque peu surréaliste. Néanmoins,
je suis prêt à le comprendre.
Le problème qui se pose pour nous est celui du recrutement des médecins du
travail, qui ne sont pas suffisamment nombreux. On nous avait dit que les
associations auraient la possibilité de recruter. J'aimerais avoir des
précisions sur la façon dont cela se présente sur le terrain, car les effectifs
ne semblent pas augmenter. Ces associations de gestion ne peuvent pas répondre
aux demandes actuelles des travailleurs.
Nous pourrions également nous interroger sur la façon dont les collectivités
locales répondent aux besoins en matière de médecine du travail. Les lacunes
nous paraissent pour le moins nombreuses.
Les nouveaux risques ont été, à juste titre, évoqués, que ce soit en matière
chimique ou en matière agricole.
Je souhaite aussi insister sur certains risques d'ordre psychologique, voire
psychiatrique, qui sont tout à fait importants et difficiles à cerner ; ils
sont liés, en particulier, au stress.
Je comprends que l'on profère des incantations. Au-delà de l'amiante, dont
certains d'entre nous connaissaient les risques depuis très longtemps alors que
rien n'était fait, il faut considérer tous les cancers professionnels. Là
aussi, une vaste exploration de la pathologie doit être engagée, qui doit
déboucher sur une évaluation du risque, puis sur une prise en considération en
faveur des malades.
C'était l'occasion de remettre sur la sellette une branche que l'on pouvait
considérer comme ne posant pas de problèmes. Il est temps de rouvrir un
chantier.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez encore en
mémoire les propos de Mme Guigou, à la fin de la discussion générale,
lorsqu'elle répondait à l'ensemble des orateurs, vers une heure du matin.
M. Gilbert Chabroux.
Oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mme Guigou reprochait au rapporteur de la loi de financement
de la sécurité sociale que je suis de ne pas avoir abordé le sujet des
accidents du travail.
M. Gilbert Chabroux.
C'était vrai !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je rappelle que c'est à la demande amicale du président de
séance, M. Jean-Claude Gaudin, que j'avais été amené à arrêter mon propos...
M. Alain Joyandet.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... pour ne pas abuser de l'attention de nos collègues et
éviter que la séance ne se termine à une heure beaucoup trop avancée de la
nuit.
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Gilbert Chabroux.
C'est parce que vous aviez pris beaucoup de temps !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce soir-là, j'avais déclaré à Mme le ministre que
j'interviendrais à nouveau lors de la discussion des articles concernant les
accidents du travail.
M. Claude Domeizel.
Vous savez conserver la parole ; vous ne vous laissez pas souvent
impressionner par le président de séance !
M. Gilbert Chabroux.
Vous avez parlé pendant deux heures, voire trois !
M. Jean Chérioux.
C'est un procès scandaleux et misérable !
M. le président.
Pas de dialogue, mes chers collègues ! Veuillez poursuivre, monsieur le
rapporteur.
M. Gilbert Chabroux.
Quand il a la parole, il ne la lâche plus !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'était vraiment faire un mauvais procès que de trouver ce
seul élément pour agresser le rapporteur et la majorité sur un sujet aussi
sensible. C'était particulièrement malvenu de la part de Mme Guigou. Sans doute
le Gouvernement n'avait-il pas d'autres arguments tangibles à opposer à la
majorité lorsqu'elle dénonçait le comportement du Gouvernement en ce qui
concerne la gestion du budget de la sécurité sociale !
Permettez-moi, à cet instant, d'apporter quelques précisions, au nom de la
commission des affaires sociales.
Les dépenses nouvelles relatives aux accidents du travail sont essentiellement
mobilisées pour faire face au douloureux problème des victimes de l'amiante.
Le fonds destiné au financement de la préretraite des victimes de l'amiante
entre en régime de croisière et représente maintenant un flux de dépenses
annuelles de 2,5 milliards de francs.
Quant au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, il a connu une mise
en place tardive, puisqu'il aura fallu attendre le 23 octobre dernier pour que
le décret d'application soit publié. Il était pourtant très attendu par les
victimes, qui ont dû engager de multiples procédures pour faire prendre
conscience de l'ampleur du drame qui les frappe.
Il est donc trop tôt pour déterminer quel sera le rythme des engagements de ce
fonds, pour l'instant doté de près de 3 milliards de francs au titre de la
dotation de démarrage.
De multiples initiatives venant de tout bord à l'Assemblée nationale ont
permis d'enrichir les articles relatifs aux accidents du travail, même si
l'application des règles de recevabilité financière ne contribue pas à
clarifier l'origine réelle des amendements.
Quoi qu'il en soit, la commission des affaires sociales n'a pas émis
d'objection à l'adoption de neuf des dix articles relatifs aux accidents du
travail et aux maladies professionnelles, dont sept ont été introduits en
première lecture par les députés.
Elle s'est félicitée de la mise en place d'une nouvelle participation de la
branche pour tenir compte de la sous-déclaration des accidents du travail,
dispositif qui s'inscrit dans la ligne de la contribution prévue par
l'ordonnance Juppé du 24 janvier 1996 concernant la sous-estimation des
maladies professionnelles. Elle était dotée, à l'époque, de 1 milliard de
francs, dans une situation conjoncturelle particulièrement difficile. Aussi,
lorsque Mme Guigou a déclaré que seul ce gouvernement avait pris des
initiatives au profit des accidentés du travail et que le gouvernement
précédent ne s'y était jamais intéressé et n'avait jamais fait aucun effort
dans cette direction, c'était véritablement une déclaration de mauvaise foi
montrant combien Mme Guigou était animée de mauvaises intentions à l'égard de
la majorité.
M. Gilbert Chabroux.
Après tout ce que vous avez dit !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Mme Guigou est prise en flagrant délit d'esprit de polémique,
puisque la preuve est faite, de manière tangible, que le précédent gouvernement
s'était bien intéressé aux accidentés du travail.
Le seul point de divergence qui subsiste porte sur l'article 20
quater,
qui apparaît comme une anticipation prématurée des conclusions du groupe de
travail mis en place par le Gouvernement pour traiter la question de la
réparation intégrale des accidents du travail.
Comme le souligne dans son rapport le professeur Roland Masse, la logique de
la réparation forfaitaire, qui a été considérée comme novatrice lorsqu'elle a
été mise en place au xixe siècle, semble aujourd'hui dater au regard des
garanties offertes par le régime général de la sécurité sociale.
Reste qu'il ne faut pas agir dans la précipitation. Il convient d'étudier à la
fois les coûts des mesures nouvelles et la répartition de leur financement.
C'est pourquoi nous soutenons la démarche du groupe d'expertise mis en place
par le ministère sur ce dossier et nous souhaitons pouvoir disposer de ses
conclusions, éventuellement enrichies par les consultations du Parlement, avant
de nous prononcer sur l'élargissement aux ayants droit de la rente de réversion
actuellement servie au conjoint marié de la victime d'une maladie
professionnelle ou d'un accident du travail mortel.
Telles sont, mes chers collègues, les principales observations que je
souhaitais formuler à ce sujet. Il serait véritablement surprenant que le
Gouvernement prenne l'initiative de nouvelles mesures législatives sans
attendre les résultats de la réflexion du groupe de travail qu'il a lui-même
mis en place. Ce serait une bien curieuse méthode !
Madame la secrétaire d'Etat, il faut avoir un peu plus de considération pour
les nombreux spécialistes auxquels il a été fait appel et ne pas prendre de
nouvelles initiatives législatives avant même de connaître les conclusions des
experts.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Si j'ai bien compris, monsieur le rapporteur, c'est à
la suite de votre intervention liminaire, dans la discussion générale, que Mme
Guigou vous a reproché de n'avoir abordé que l'aspect financier de la
problématique, et très longuement, pendant près d'une heure et quart, me
dit-on, ...
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Soixante-sept minutes exactement !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
... sans aborder les contenus des politiques. Si mes
informations sont exactes, seul M. Joyandet, pour la majorité sénatoriale, a
effectivement parlé des accidents du travail.
M. Bernard Murat.
J'en ai également parlé !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Je n'étais pas présente, mais ce sont les informations
qui m'ont été données.
M. Bernard Murat.
Alors, moi, je vous le dis, j'en ai également parlé !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Cela étant, monsieur le rapporteur, je me réjouis de
constater que la majorité sénatoriale est favorable à la réforme que le
Gouvernement souhaite impulser sur ce sujet.
M. Bernard Murat.
Il faut aller plus loin !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
J'aurais presque envie de vous poser la question :
monsieur le rapporteur, qu'avez-vous fait, de votre côté ?
(Exclamations sur
les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Et le milliard de francs de M. Juppé ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On vient de vous le dire, ce qu'on a fait !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
En tout cas, la droite n'a fait voter aucune loi pour
améliorer l'indemnisation des victimes entre 1993 et 1997.
M. Jean Chérioux.
Vous oubliez le milliard de francs de M. Juppé !
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat.
Messieurs, à aucun moment un projet de loi n'a été
déposé. C'est cela l'essentiel, c'est cela le plus important.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est de la mauvaise foi !
M. Bernard Murat.
C'est nul !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Madame la secrétaire d'Etat - je serais presque
tenté de dire, chère collègue franc-comtoise
(Sourires) -
je suis
atterré par le niveau des propos que je viens d'entendre à l'instant.
M. Bernard Murat.
Absolument !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Si l'idée est de glisser un coin entre le
rapporteur de la commission des affaires sociales et le rapporteur pour avis de
la commission des finances, c'est raté, parce que je confirme ce que vient de
dire M. Alain Vasselle. Lorsqu'il est intervenu à la tribune devant Mme Guigou,
il avait tout à fait prévu d'aborder ces sujets, mais il a interrompu son
intervention et chacun a bien vu qu'il lui restait encore sept ou huit feuilles
entre les mains.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Alain Joyandet,
rapporteur pour avis.
Si nous devons passer tant de temps, de surcroît un
jeudi matin, à parler de ces choses-là, nos travaux vont devenir par trop
scolaires. Voilà pour la forme.
Sur le fond, il vaudrait mieux, madame la secrétaire d'Etat, s'arrêter
quelques instants sur la manière dont le Gouvernement traite le chapitre des
accidents du travail.
Je rappelle que l'on se sert d'excédents que viennent de dégager un certain
nombre de fonds pour combler le trou des déficits à venir au moyen de
transferts incessants, notamment pour le financement des 35 heures, dont il a
déjà été longuement question. Plus personne ne comprend. Or, tout le monde le
sait, madame la secrétaire d'Etat, plutôt que de se servir de quelques
excédents pour mener une politique à court terme, mieux vaudrait les
thésauriser pour faire face, dans les prochaines années, au coût des accidents
du travail, chacun s'accordant sur une estimation de plusieurs millions d'euros
soit, vraisemblement, une dépense comprise entre 20 milliards et 30 milliards
de francs.
Aujourd'hui, la question qui se pose est donc la suivante : comment feront les
prochains gouvernements, ceux qui succéderont au vôtre, pour assumer cette
responsabilité financière énorme ?
Madame la secrétaire d'Etat, s'il vous plaît, n'essayez pas de provoquer des
divergences de vues entre les deux rapporteurs ; ils sont exactement sur la
même longueur d'onde dans cette affaire. Parlons de sujets qui intéressent les
Français et essayons tous ensemble de donner une autre image de la
représentation nationale et du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste. - M. Vasselle, rapporteur, applaudit également.)
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la secrétaire
d'Etat, vous ne pouvez pas vous prêter à ce genre de jeu. La critique qui a été
faite par certains de nos collègues au rapporteur peut se comprendre sur le
plan politicien, mais pas de la part du Gouvernement.
Je siégeais aux côtés de Mme Guigou durant la discussion générale, et je l'ai
entendue à de nombreuses reprises lancer des piques sur le rapport qu'était en
train de présenter M. Vasselle, qui ne faisait que son travail. C'est à la
suite de ces piques que le président de séance a cru devoir demander à M. le
rapporteur de raccourcir son propos.
Mais, après tout, il ne remplissait que parfaitement son office ; simplement,
il n'a pas voulu prendre le temps, par courtoisie, de terminer.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux.
Après deux heures !
M. Jean Chérioux.
Ne faites pas les étonnés !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Nous savons tous,
surtout vous, monsieur Chabroux, qui siégez à la commission des affaires
sociales, combien M. le rapporteur a travaillé pour préparer l'ensemble de son
rapport. Il a été décidé, au moment où M. le rapporteur a interrompu son
propos, qu'il le compléterait lors de la discussion des articles.
Il faut être de bonne foi. Si cette discussion devait continuer dans un tel
climat, si nous nous écartions à ce point de notre tradition de courtoisie et
de respect réciproque, nous irions vraisemblablement au-devant de grandes
difficultés.
(Applaudissements sur les travées RPR.)
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. le président.
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Articles 19 bis et 19 ter