SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° 86, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 10 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les élections à la sécurité sociale sont rétablies.
« II. - En conséquence, les dispositions contraires des articles L. 221-2, L.
212-2, L. 213-2, L. 215-2 et L. 215-3 du code de la sécurité sociale sont
abrogées.
« III. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Après avoir fait, en 1999, de la traduction législative du plan stratégique de
la CNAM - lequel, je le rappelle tout de même au passage, prévoyait notamment
de réduire de 32 milliards de francs le montant des crédits des hôpitaux
publics - une condition de la poursuite de sa participation à la gestion
paritaire de cette caisse, le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, a
fini par se retirer cette année des conseils d'administration des caisses de
sécurité sociale.
Le motif officiel qui a été avancé cette fois est la contribution de la
sécurité sociale au financement des allégements de cotisations sociales liés
aux 35 heures. Ce motif a été avoué en partie par Denis Kessler, qui a déclaré
que le MEDEF ne reviendra pas siéger « s'il n'y a pas un changement profond de
la nature et du fonctionnement du système ».
Quoi qu'il en soit, cette politique de la chaise vide - j'ai parlé hier de
politique de la terre brûlée - nous amène à nous interroger, comme j'ai eu
l'occasion de le souligner lors de la discussion générale, sur la nécessaire
démocratisation de la gestion des caisses et sur la plus grande participation
des assurés sociaux, qui passent nécessairement, à notre sens, non pas par la
désignation des différents administrateurs, mais bel et bien par leur élection
par l'ensemble de nos concitoyens, comme cela se pratique pour la Mutualité
sociale agricole.
C'est pourquoi, par cet amendement, nous demandons de nouveau le
rétablissement des élections à la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de modernisation
sociale, grâce à un amendement communiste que la majorité sénatoriale s'était
empressée de rejeter, la question de l'élection par les salariés de leurs
représentants au sein des conseils d'administration des organismes du régime
général de la sécurité sociale avait été soulevée.
Nous persistons donc dans notre démarche, même si nous ne nous faisons
malheureusement aucune illusion sur le sort de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
M. Fischer comprendra que la commission des affaires sociales
souhaite que le Sénat fasse preuve d'un minimum de cohérence.
Lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, nous avions en
effet été saisis d'une proposition identique à celle qui vient d'être
présentée. Le Sénat l'avait rejetée, et la commission des affaires sociales n'a
donc pas souhaité adopter aujourd'hui une attitude différente. Par simple souci
de cohérence, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 86.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Comme vous le savez, monsieur Fischer, la sécurité
sociale a pour objet de garantir un haut niveau de protection sociale pour
tous, et j'estime que l'intervention des salariés et des employeurs dans sa
gestion par le biais de leurs organisations représentatives est absolument
légitime.
Cela étant, la définition des modalités actuelles d'association des
partenaires sociaux est récente, puisqu'elle ne remonte en fait qu'à 1996. Cela
n'est pas très ancien ; toutefois, le Gouvernement ne considère nullement ces
modalités comme intangibles.
A l'occasion du renouvellement des conseils d'administration du régime général
qui vient de s'achever, de nombreuses interrogations s'étaient d'ailleurs
élevées à propos de la composition de ces conseils et du mode de désignation
des administrateurs. La question de l'élection de ces derniers a été soulevée
sans qu'un consensus puisse se dessiner sur ce point entre les différentes
organisations syndicales.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que rétablir l'élection des
administrateurs serait quelque peu prématuré.
En outre, un article additionnel 10
septies
a été inséré dans le projet
de loi de modernisation sociale par le biais de l'adoption d'un amendement. Cet
article prévoit que le Gouvernement organisera, au cours de l'année suivant la
publication de la loi, une concertation avec les organisations syndicales
s'agissant de l'élection de leurs représentants au sein des conseils
d'administration des organismes du régime général de la sécurité sociale et
avec les organisations patronales en ce qui concerne l'élection des
représentants des employeurs. Cette concertation s'inscrit dans la démarche que
nous avons entreprise depuis juillet avec les partenaires sociaux en vue
d'approfondir le dialogue social, comme le souhaite le Premier ministre.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'envisage pas de rétablir dès à
présent l'élection des administrateurs des organismes du régime général.
Je serais heureux, monsieur Fischer, que, au bénéfice de ces arguments, vous
acceptiez de retirer votre amendement.
M. le président.
Acceptez-vous cette suggestion, monsieur Fischer ?
M. Guy Fischer.
Non, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10 A