SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le Premier ministre, le silence n'est pas une réponse.
Les cinquante-trois sénateurs du groupe de l'Union centriste vous ont adressé,
le 24 octobre dernier, un courrier vous demandant une réponse urgente aux
besoins des éleveurs de bovins et un entretien pour en débattre. Depuis,
silence radio !
Je n'ose penser que le sujet n'a pas retenu votre attention.
La crise de la viande bovine a déjà provoqué et provoquera demain encore des
situations aux conséquences économiques dévastatrices, aux retombées sociales
et humaines éprouvantes et aux incidences désastreuses sur l'environnement de
nos campagnes.
Votre ministre de l'agriculture reconnaît l'obligation de mettre en oeuvre des
mesures de retrait pour les jeunes veaux. Pourquoi repousser la prise de
décision ?
Il sait qu'il faudra accompagner financièrement les éleveurs qui attendent,
mais n'en peuvent plus d'attendre. Quand allez-vous leur octroyer ce à quoi ils
ont droit ?
M. Glavany fait patienter. Il présente vingt-trois mesures, certes
intéressantes, mais relevant plutôt de l'effet d'annonce que du traitement des
causes. Il joue les médiateurs entre éleveurs et industriels, qui ont conclu,
il est vrai, un bon accord, mais, hélas ! pour un mois seulement. Et après ?
Où sont les décisions concrètes de votre Gouvernement ? S'il est prêt, comme
l'a dit M. Patriat, qu'il annonce ses décisions !
Il n'y a pas de paysan sans revenus.
L'équilibre entre l'offre et la demande n'existe plus sur le marché de la
viande bovine, comme l'a d'ailleurs relevé M. Patriat. Les trésoreries sont
épuisées, les emprunts contractés pour survivre ne sont plus remboursés.
M. Jacques Mahéas.
Quelle est la question ?
M. Philippe Nogrix.
Quelles décisions allez-vous prendre ?
M. Jean-Pierre Masseret.
Posez au moins une question !
M. Jacques Mahéas.
C'est trop long !
M. Philippe Nogrix.
Votre Gouvernement n'hésite pas à injecter des milliards quand la pression
devient trop forte. Ne poussez pas les éleveurs au désespoir.
Mais il n'y a pas que l'aspect conjoncturel. Il faut s'attaquer à la politique
des marchés, réorganiser la filière, mobiliser nos partenaires européens et
mondiaux, être présents sur tous les fronts ; il faut non pas anesthésier, mais
soigner.
La filière se ressaisit, on voit réapparaître la viande de boeuf sur la
couverture des catalogues de la grande distribution, mais les éleveurs
continuent à se sentir terriblement seuls.
(La question ! La question ! sur
les travées socialistes.)
Ce sont toutes ces questions que nous aurions aimé aborder avec vous dans ce
rendez-vous que nous attendons toujours.
Mme Danièle Pourtaud.
La question !
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le Premier ministre, écoutez le Sénat ! Recevez les sénateurs ! Ils
vous aideront à trouver les bonnes solutions pour les éleveurs.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le sénateur, comme je n'ai pas reçu le groupe
de l'Union centriste, vous jugeriez peut-être discourtois que je ne réagisse à
votre question, même si j'ai eu l'impression que tous les arguments que vous
développiez relevaient plus d'une intervention que d'une question.
Je vous répondrai très simplement, monsieur le sénateur, moins sur le fond,
dont je traiterai brièvement en conclusion, que sur la forme puisque, la
consommation ne se distinguant pas de l'agriculture, M. Patriat, dont
l'expérience du monde rural et agricole est reconnue par tous, a répondu voilà
un instant sur le fond, au nom du ministre de l'agriculture et du
Gouvernement.
Monsieur Nogrix, je vous parlerai très franchement : vous connaissez l'emploi
du temps d'un Premier ministre. Cet emploi du temps ne s'est pas allégé depuis
les événements du 11 septembre. Je ne peux donc pas recevoir un groupe
politique particulier sur une question spécifique, seulement parce qu'il le
demande.
M. Henri Weber.
C'est évident !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Je réunis les présidents de groupe et de commission de
l'Assemblée nationale et du Sénat, par exemple sur les conséquences des
événements du 11 septembre. Je puis être amené, encore que je le fasse
rarement, à réunir, à leur demande, des députés ou des sénateurs de toutes
tendances sur un problème particulier. Ils sont en tout cas souvent reçus par
les membres de mon cabinet. Mais, compte tenu de l'étendue de mes fonctions, il
m'est impossible de recevoir tout groupe politique d'une assemblée qui me le
demanderait. Sinon je ne pourrais pas accomplir ma tâche de Premier ministre
!
J'ai donc demandé à M. le ministre de l'agriculture de vous recevoir. Et je
reponds aujourd'hui à votre question pour que les choses soient claires entre
nous tous.
Sur le fond, M. Patriat vous a répondu. Si la situation du marché s'est
redressée, c'est quand même parce que, au-delà de l'effort fait par le monde
agricole français en matière de qualité, de traçabilité, de maîtrise de la
production et de nouvelles méthodes de production de la viande, les producteurs
de viande ont contribué à sécuriser, aux yeux des consommateurs, les viandes
que nous produisons.
Mais si la situation du marché s'est redressée, c'est aussi parce que le
Gouvernement a totalement assumé ses responsabilités sur le plan sanitaire, sur
le plan des intrants dans la nourriture animale, parce qu'il a dû régler en
urgence, comme vous le savez, le problème des farines animales et qu'il a mené
à Bruxelles des actions extrêmement importantes, là aussi, pour assurer la
sécurité sanitaire, donc pour rassurer les consommateurs et pour donner une
nouvelle chance à la consommation de reprendre.
Nous menons un effort constant pour que la restauration collective joue son
rôle. J'espère que la situation va s'améliorer encore.
Nous connaissons les problèmes. J'ai reçu, au cours des trois derniers jours,
les Jeunes agriculteurs, la Confédération paysanne et, ce matin, la FNSEA, ou
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, pour parler, bien
sûr, du dossier de Doha, et les y associer. J'ai affirmé que l'agriculture ne
serait pas une variable d'ajustement de la négociation, j'ai rappelé que les
accords de Berlin nous guideraient dans la négociation et j'ai écouté mes
interlocuteurs, ce qui est mon rôle de Premier ministre.
Si nous avons parlé de la préparation de Doha, nous avons naturellement parlé
de la crise bovine, tout particulièrement des problèmes du bassin allaitant.
Des mesures ont été prises ; nous travaillons à en prendre d'autres sur le
fondement d'une analyse objective de la situation. Je pense vraiment - en tout
cas, telle était la tonalité de ces échanges avec les organisations agricoles -
que les agriculteurs sont conscients que, dans une situation difficile, le
Gouvernement fait son devoir et continuera à le faire.
Il n'y a pas d'agriculteurs sans revenus, c'est clair, mais il n'y a pas non
plus d'agriculture si elle n'est pas défendue par les autorités publiques, dans
le débat international comme sur le plan national ! Ce gouvernement est décidé
à le faire, comme il l'a toujours fait depuis quatre ans et demi !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
CONSÉQUENCES DES INTEMPÉRIES DANS LES FLANDRES POUR LES AGRICULTEURS